52chroniques Europe53mondomix.comAngélique Ionatos& Katerina Fotinaki"Comme un jardin la nuit"(Accords croisés / Harmonia Mundi)C’est bien la chanceet non le hasard qui est àl’aube de cette création intimeet féminine : AngéliqueIonatos, incontournable figurede la chanson grecquecontemporaine, et KaterinaFotinaki, la « petite sœurqu’elle aurait toujours vouluavoir », ont accordé leursvoix et leurs guitares letemps d’une balade nocturne.Amoureuses de leur terreautant que de la musique dont elles se nourrissent,les chemins qu’elles empruntent dans ce jardin ombragéravive les échos des plus grands poètes. On croisesur le chemin les visages du grec Odysseus Elytis oucelui de la classique Sappho de Mytilène, une « contemporaine» selon Ionatos qui nous rappelle que «dans la poésie c’est comme dans les rêves, personnene vieillit ». On s’assoit plus loin sur l’herbe humidepour écouter Léo Ferré et Barbara dans des versionssolistes où chacune des deux complices chante avecune larme au creux des cordes la beauté nostalgiqued’un amour qui embrume le regard. Mais nos deuxnoctambules rejoignent bientôt le même arbuste ets’amusent à nous enseigner la grammaire grecque enmesure !Ce spectacle, enregistré à Lyon en octobre dernier etpublié sous la forme d’un livre/cd/dvd par AccordsCroisés, relate l’histoire émouvante du temps retrouvé,des silhouettes d’antan, d’un verger étoilé qui pleureune blessure secrète. Le livret retranscrit en françaisles textes dont se sont inspirées les musiciennes ainsiqu’une présentation du spectacle dans laquelle ellesévoquent leur rencontre. Filmé avec une grâce troublante,le dvd transmet quant à lui avec brio l’atmosphèreévocatrice du lieu et l’émoi qui s’y promène. Assisessur un tissu coloré, pieds nus dans l’obscurité d’unescène silencieuse, Ionatos et Fotinaki brillent en toutesimplicité, en noir et rose, l’oeil profond qui parfois sereferme pour mieux sentir le son qui vibre, la résonnancedu mot. Ces airs que l’on respire sentent l’olivier, lacandeur, la tristesse, selon le sens du vent.Sans doute parce que « tout est permis dans un jardinla nuit… ».Nadia AciGianmaria Testa"Solo dal vivo"(Produzioni Fuorivia / Le Chant du Monde/Harmonia Mundi)Solo dal vivo, premier live duchanteur piémontais GianmariaTesta, est né un peu par hasard.à la réécoute de ce concertenregistré dans le prestigieuxAuditorium de Rome auprintemps 2008, l’auteur perçoitenfin cette « âme » qui les unit,lui et son public, et décided’immortaliser cet instant.Notre chantre rêveur joue iciles airs qui l’accompagnent ettraversent sa carrière depuisson essor avec Montgolfièresen 1995 jusqu’à son dernieropus, Da questa parte delmare (2006). à la fois tendreet exigeant avec son uniquecompagne, sa rossinante guitare,il raconte l’amour, les départs,les voiles et les aéroplanes, etson timbre chaleureux nousporte comme toujours versles paysages délicats dont ils’inspire. Agrémenté d’unereprise d’Angelo Ruggiero, LaNave, et d’une ballade inédite,Come al cielo gli aeroplani, lesamateurs redécouvriront aveccet album les perles de sonrépertoire en version épurée.Quant aux heureux novices,ils pourront effleurer de l’oreillel’univers poétique de ce conteurdu quotidien. N.A.n°33 mars/AVRIL 2009
53FadoramaCe printemps 2009 estmusicalement marqué par le fado,floraison annoncée à l'automne eten fin d'année par les nouveauxalbums de Mariza, AntónioZambujo et Katia Guerreiro, puisconfirmée en janvier avec le filmFados de Carlos Saura. Au moisde mars, quatre sorties – pourla plupart suivies de concerts– complètent cet inventaire dela saudade contemporaine.Du décevant Ruas de Mísia àl'enthousiasmante découvertedu groupe Deolinda, en passantpar le retour en grâce de CristinaBranco avec l'impeccable Kronos,commenté ci-dessous, ou lamontée en puissance de MafaldaArnauth : un riche itinéraire s’offreaux amateurs !Le concept du nouveau Mísiaétait pourtant séduisant. Un cddédié à Lisbonne de fados souventsur-joués, un autre d'hommagesà des artistes étrangers, quiexpriment une émotion cousine dela nostalgie portugaise : Camarón,Barbara, Chavela Vargas ou ChicoBuarque. Autant de preuves debon goût malheureusement gâchépar une volonté d'en découdre.On aurait rêvé entendre le LoveWill Tear Us Apart de Joy Divisioncaressé par une guitare portugaiseet non Mísia s'improviser rockeuseautour de riffs électriquesapproximatifs. Dommage !Ruas (AZ/Universal) 2/5Mafalda Arnauth incarne le fadotraditionnel. Elle écrit elle-mêmeses textes, chante d’une voixgrave et posée en accentuant les« r ». Son public, de plus en plusnombreux, est conquis tant parson classicisme que son élégance.Son dernier album s’accompagned’un dvd « ao vivo ». Le toutest plaisant, bien qu’un tantinetconvenu.Flor de Fado (Polydor/Universal) 3/5DEOLINDA"Canção Ao Lado"(World Connexion)La vraie bonne surprise vientdu jeune groupe Deolinda. Cequartet joue avec les codesdu fado et des musiquestraditionnelles régionales, avec unesaine insolence, esprit et talent.Pour eux, le fado n’a pas besoind’être triste ou de se ponctuerd’acrobatiques soli de guitareportugaise : il est joyeux et léger !Les compositions sont efficaces,les arrangements n’excluent nil’inventivité ni les pointes d’humouret la chanteuse Ana Bacalhau,mène l’affaire avec entrain etfinesse. à suivre de très près !B.M.Cristina Branco"Kronos"(Emarcy/Universal)Cristina Branco n’avait pas signéd’album aussi convaincant que ceKronos depuis des années. Aprèsdes hommages aux maîtres de lachanteuse – Amalia Rodrigues ouZeca Alfonso –, ce disque marqueun retour à la création et à unecertaine simplicité expressive. Etcomme le fado se satisfait mald'excès formels et d'artificesémotionnels, le résultat n’en estque plus probant. Il marque aussiun retour vers un instrumentariumfado classique : guitare, basseet guitare portugaise avec desinterventions de l’accordéonde Ricardo J. Dias ou le pianode João Paulo Esteves daSilva. Dans cet environnementdépouillé, la finesse des mélodiesqui n’empruntent pas toutesau cheminement classique,n’apparaît que plus claire et lavoix ne pouvant tricher, délivreavec sincérité les émotions gravesou légères de cette réflexiontemporelle.Benjamin MiNiMuMLes Yeux Noirs"Best Oyf+ live Opre Scena"(Zig-Zag Territoires/Harmonia Mundi)Enfin !Après 17 ans de carrière, les YeuxNoirs publient une compilationde leurs cinq albums studio,agrémentée d’un live déjanté de2007, enregistré par Radio Franceà Aix-Les-Bains. L’enchaînementde Hora de Mina, Tchaye ou LaDanse des flèches ouvre la route àun road trip brinquebalant entre laMacédoine, la Roumanie et…la boulangerie du quartier juif duMarais, à Paris, où Eric et OlivierSlabiak ont entendu pour lapremière fois les incontournablesmorceaux yiddish joués partoute la famille. Mais le live, plusrythmé que la compilation, parfoiscomplètement barré même, rendaux Yeux Noirs et à leur musiquetoute leur spontanéité : les violonssont lâchés et ne s’arrêtent plus.E.C.2009 MARS/AVRIL n°33