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Les « secrets dévoilés » de l'Académie française. - Lettres

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<strong>Les</strong> « <strong>secrets</strong> dévoilés » <strong>de</strong> l’Académie française.Licence troisième année <strong>de</strong> <strong>Lettres</strong> mo<strong>de</strong>rnes, Parcours Documentation.Université <strong>de</strong> Pau et <strong>de</strong>s Pays <strong>de</strong> l’Adour.Département <strong>de</strong>s <strong>Lettres</strong> classiques et mo<strong>de</strong>rnes.U.E 5 : Techniques documentaires, Semestre 6. Le 1 er - 04- 2012.Le dossier documentaire suivant a été élaboré par les étudiants <strong>de</strong> troisième année du ParcoursDocumentation du Département <strong>de</strong>s <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Pau avec la collaboration <strong>de</strong> ChristelBarbisan, bibliothécaire, et sous la direction <strong>de</strong> David Diop, enseignant au Département <strong>de</strong>s <strong>Lettres</strong>.<strong>Les</strong> « <strong>secrets</strong> dévoilés » <strong>de</strong> l’Académie française.Christel Barbisan, Thomas Birlana, Cloé Bosc, David Diop, Fabien Gaston,Audrey Jasa, Laurence Luche, Agata Makina.La coupole <strong>de</strong> l’Académie française a été est <strong>de</strong>ssinée par Laurence LUCHE, étudiante en 3 è année <strong>de</strong>Licence <strong>de</strong> <strong>Lettres</strong> Mo<strong>de</strong>rnes, Parcours documentation, à l’université <strong>de</strong> Pau. La version originale <strong>de</strong>ce <strong>de</strong>ssin se trouve à la page 33 du présent dossier documentaire.


SOMMAIRE.Sommaire p.2Introduction p.4I- Histoire <strong>de</strong> l’Académie française p.4A- La naissance politique <strong>de</strong> l’Académie française (Laurence Luche) p.41- Un « gouvernement <strong>de</strong> la langue » s’érige… p.42- Quel rôle tient l’Académie ? p.43- <strong>Les</strong> règles régissant l’Académie p.5B- <strong>Les</strong> gran<strong>de</strong>s crises (Cloé Bosc) p.61- <strong>Les</strong> premières difficultés <strong>de</strong> l'Académie p.6a- La querelle du Cid : p.6b- La querelle <strong>de</strong>s Anciens et <strong>de</strong>s Mo<strong>de</strong>rnes p.6c- L'affaire La Fontaine : une élection houleuse, première rupture entrel'Académie et le roi p.7d- Le dictionnaire <strong>de</strong> Furetière p.72- La suppression <strong>de</strong> l'Académie pendant la Révolution p.83- L'Académie et la Collaboration... p.8C- <strong>Les</strong> gran<strong>de</strong>s figures <strong>de</strong> l’Académie (Audrey Jasa) p.81- Ses membres les plus renommés p.8a – Une affaire d'hommes... p.9b – Où sont les femmes ?... p.102- Des Secrétaires perpétuels aux idées réactionnaires p.113- Le Quai Conti : cible <strong>de</strong> toutes les attaques. p.13a- La critique <strong>de</strong>s écrivains p.13b- Un libertin chez les Académiciens ? p.13II- Comment <strong>de</strong>vient-on académicien(ne) ? p.15A- <strong>Les</strong> <strong>secrets</strong> dévoilés <strong>de</strong>s candidatures et <strong>de</strong>s protocoles <strong>de</strong> réception (ThomasBirlana) p.151- Candidatures p.15a- Règlement : p.15b- <strong>Les</strong> lettres <strong>de</strong> candidature p.162- Campagnes, intrigues et visites aux Académiciens p.183- Le protocole <strong>de</strong> réception p.19B- Doit-on être un génie <strong>de</strong> la littérature pour <strong>de</strong>venir académicien ? (Fabien Gaston)p.21C- <strong>Les</strong> discours <strong>de</strong> réception les plus fameux (Audrey Jasa) p.221- Simone Veil p.222- Paul Valéry p.223- Edmond Rostand p.23III- Le travail <strong>de</strong> l’académicien(ne) p.23A- Autour du dictionnaire <strong>de</strong> l’Académie française (Fabien Gaston) p.23B- Tout travail mérite salaire : p.251- <strong>Les</strong> jetons <strong>de</strong> Présence (Laurence Luche) p.25


2- L’argent et l’Institut (Thomas Birlana)p.26C- <strong>Les</strong> prix <strong>de</strong> l’académie française : (Cloé Bosc) p.271- La tradition <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> l'Académie p.272- <strong>Les</strong> prix aujourd'hui p.283- Le rayonnement <strong>de</strong>s prix littéraires décernés par l'Académie et la concurrence<strong>de</strong>s prix créés par les médias p.28IV-De la perception <strong>de</strong> l’Académie française dans la presse : (Agata Makina)p.29A- L’Académie Francaise : une institution désuète p.30B- Le rapport entre l’Académie et la politique, les élections présentées comme un faitdivers p.30C- <strong>Les</strong> caricatures p.31Conclusion p.32


INTRODUCTIONL’Académie française a-t-elle <strong>de</strong>s <strong>secrets</strong> ? Quand on pose la question à Jean-Mathieu Pasqualini, l’actuel Directeur <strong>de</strong> cabinet <strong>de</strong> l’Académie française, la réponseest bien évi<strong>de</strong>mment non. Mais partant du principe que quelle que soit leurimportance, quand on recherche <strong>de</strong>s <strong>secrets</strong> on les trouve, nous nous sommes proposés<strong>de</strong> les débusquer selon quatre angles d’attaque qui forment le plan <strong>de</strong> ce dossierdocumentaire. Celui <strong>de</strong> son histoire mouvementée, <strong>de</strong> sa création à nos jours, celui <strong>de</strong>la politique d’admission <strong>de</strong> ses membres, celui <strong>de</strong> son fonctionnement interne et <strong>de</strong> sesactivités et, enfin, celui <strong>de</strong> sa perception par la presse contemporaine.I- Histoire <strong>de</strong> l’Académie française :A- La naissance politique <strong>de</strong> l’Académie française (Laurence Luche)Il semblait que sous François I er déjà la langue française était un sujet <strong>de</strong> discor<strong>de</strong>s etd’interrogations. En effet, le roi avait fondé, contre la Sorbonne latine, le Collège Royalou Collège <strong>de</strong>s Trois Langues, qui constituait un lieu propice « aux recherches pluslibres, ouvert aux langues proscrites, aux sujets les plus controversés ». Sous LouisXIII, ce souci <strong>de</strong> la langue perdure grâce aux institutions littéraires en France et àl'étranger, telles que celle <strong>de</strong> Crusca à Florence, ou l’Académie florimontane à Annecy.La naissance <strong>de</strong> l’Académie française s’inscrit donc dans cette tradition <strong>de</strong> l’amour dulangage.1- Un « gouvernement <strong>de</strong> la langue » s’érige…De l’année 1629 à l’année 1639, l’Académie française n’est en réalité qu’une« réunion informelle » et privée qui se tenait chez Valentin Conrart, et comptait parmises membres Jean Chapelain, le Sieur <strong>de</strong> Vaugelas, Pierre Séguier et Olivier Patru.Richelieu fut informé <strong>de</strong> son existence par Boisrobert. Le cardinal se disant « l’espritnaturellement porté aux gran<strong>de</strong>s choses » voulut associer cette compagnie à sa fortuneet invita les hôtes à se rencontrer « régulièrement, et sous une autorité publique » car il« n'aimait pas beaucoup qu'on se réunît sans que le pouvoir eût l'œil sur les réunions ».<strong>Les</strong> lettres patentes <strong>de</strong> Louis XIII écrites en 1634 et signées par le roi en 1635permettent l’enregistrement <strong>de</strong> l'Académie françoise au Parlement en 1639. Chapelain,dans ses lettres à Guez <strong>de</strong> Balzac, décrit le « scepticisme et [les] craintes » <strong>de</strong>sparticipants qui reflètent leur manque d'enthousiasme quant à l’officialisation <strong>de</strong> leursrencontres les obligeant à se soumettre à leurs propres règles, bien que l’appartenance àune telle institution flattât leur ego. <strong>Les</strong> membres <strong>de</strong> l’Académie naissante renâclent àasseoir la souveraineté <strong>de</strong> leur nouveau statut sur la langue française et sur les esprits.« Il fallut presque les contraindre » à faire acte d’autorité vis-à-vis <strong>de</strong> Corneille lors <strong>de</strong>la fameuse querelle du Cid. Bien qu’ils fassent preuve <strong>de</strong> réserve quant à l’exercice <strong>de</strong>leurs fonctions, les Académiciens vont exercer un pouvoir sur les esprits par le seul fait<strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> leur institution.2- Quel rôle tient l’Académie ?C’est à partir <strong>de</strong> 1625 qu’ « un besoin d’ordre se fait ressentir pour freiner latyrannie <strong>de</strong> Malherbe » qui peut figurer comme un précurseur <strong>de</strong> l’Académie dans sa


volonté d’épurer la langue française au début du XVII e siècle. <strong>Les</strong> ennemis <strong>de</strong> celui-ciréclament « une institution qui fixe la règle officielle du langage ». Il semble que lacréation d’une Faculté d’autorité soit nécessaire pour donner à la langue <strong>de</strong>s règlesintransgressibles, mais aussi pour « juger le langage et les productions littéraires ». PaulPellisson, premier auteur à écrire la biographie <strong>de</strong> l’institution, explique dans l’Histoire<strong>de</strong> l’Académie française <strong>de</strong>puis son établissement jusqu’à 1652 le désir <strong>de</strong>s Françaisque « la France soit toute d’une lèvre et d’un idiome » et ce pour que les Français nesoient plus « étrangers en [leur] propre terre ». Dès le début <strong>de</strong> son ministère quicommence en 1624, Richelieu s’implique dans la question du langage par amour <strong>de</strong> lalangue française mais aussi par désir d'asseoir l’autorité d'une loi officielle pour lelangage tout comme il aspirait à en donner une à l’Etat.3- <strong>Les</strong> règles régissant l’Académie<strong>Les</strong> séances se déroulent d’abord chez l’un ou l’autre <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la compagnie,puis se tiennent chez le chancelier Séguier à partir <strong>de</strong> 1639. La Coupole, qui donnerapar synecdoque son surnom à l’institution, n’accueillera l’Académie française qu’en1795. Dès la <strong>de</strong>uxième réunion <strong>de</strong> l’Académie, Chapelain approuve le projet <strong>de</strong> Faret <strong>de</strong>« travailler à la pureté <strong>de</strong> notre langue et la rendre capable <strong>de</strong> la plus haute éloquence »,et qu’il soit dit que cela passerait par la rédaction d’un Dictionnaire, d’une Grammaire« fort exacte », d’une Rhétorique et d’une Poétique « que l’on composerait pour servir<strong>de</strong> règle à ceux qui voudraient écrire en vers et en prose ». Cela sera rendu possible parl’observation et l’évaluation <strong>de</strong>s meilleurs auteurs <strong>de</strong> la langue française. <strong>Les</strong>Académiciens tenaient pour ce faire un registre noirci <strong>de</strong> leurs décisions linguistiques.Pellisson met en lumière la déception <strong>de</strong> Richelieu relative aux longs discourshebdomadaires <strong>de</strong>s Académiciens et à leur négligence quant à la création duDictionnaire. Il rappelle qu’il « attend <strong>de</strong> ce corps quelque chose <strong>de</strong> plus grand et <strong>de</strong>plus soli<strong>de</strong> » et que « l’Académie ne fait rien d’utile pour le public ».Depuis la création <strong>de</strong> l’académie française, les Académiciens ont toujours été « lesQuarante ». On peut néanmoins compter un « 41 ème fauteuil » occupé par les célèbresfantômes <strong>de</strong> ceux qui n’eurent jamais la chance d’être <strong>de</strong> la partie, bien qu’ils l’eussentsans doute amplement mérité. Permettons-nous d’y faire asseoir Molière, Flaubert, ouBau<strong>de</strong>laire par exemple. Il est bon <strong>de</strong> préciser que les membres admis, quand bienmême ils s’illustrent tous par leur culture comme étant <strong>de</strong> Beaux Esprits, ne sont passeulement <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> lettres. Encore aujourd’hui, « leur choix […] reste aussiéclectique qu’à l’époque <strong>de</strong> Louis XIV ». <strong>Les</strong> premiers Académiciens sont « ducs,généraux ou maréchaux, hommes politiques prestigieux, écrivains », ou bien mêmemé<strong>de</strong>cins.Bibliographie- BRUNOT, Ferdinand. Histoire <strong>de</strong> la langue française <strong>de</strong>s origines à nos jours. TomeIII (Première et <strong>de</strong>uxième partie). La langue classique, 1600-1660. Paris : ArmandColin, 1966.- CAPUT, Jean-Pol. L'Académie française. Paris : Presses universitaires <strong>de</strong> France,1986. 127 p.


- DURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Académie française. [en ligne]. Paris, ca. 2006.[Consulté le01/04/2012]. Disponible sur Internet: - GAXOTTE, Pierre. L'Académie française. Paris : Hachette, 1965.- VERON, Jacques. L'Académie Française et la circulation <strong>de</strong>s élites : une approchedémographique. Population, 40e année, n°3, 1985, p. 455-471.B- <strong>Les</strong> gran<strong>de</strong>s crises (Cloé Bosc)L'histoire <strong>de</strong> l'Académie ne s'est pas déroulée sans heurts, et on note surtout troispério<strong>de</strong>s où elle traverse <strong>de</strong>s crises : l'âge classique avec la querelle du Cid, maiségalement le conflit entre Anciens et Mo<strong>de</strong>rnes et l'affaire du dictionnaire <strong>de</strong> Furetière ;la Révolution, où on déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> la suppression <strong>de</strong> l'Académie, et enfin la <strong>de</strong>uxièmeguerre mondiale, pério<strong>de</strong> durant laquelle l'Académie est confrontée au malaise créé parla présence <strong>de</strong> membres ayant collaboré au régime <strong>de</strong> Vichy...1- <strong>Les</strong> premières difficultés <strong>de</strong> l'Académiea- La querelle du Cid :« La première entreprise <strong>de</strong> l'Académie fut un arbitrage dans la fameuse querelle duCid, ce qui ne suscita pas chez elle l'enthousiasme. » (Jean-Pol Caput) Cette affaireintervient juste après la création <strong>de</strong> l'Académie Française. En effet, Le Cid, pièce écritepar Corneille en 1636, remporte un énorme succès. Corneille est d'ailleurs protégé parRichelieu et par le roi qui le fait annoblir. Cependant la pièce va se trouver en butte auxcritiques <strong>de</strong> Jean Mairet et Georges <strong>de</strong> Scudéry, qui accusent Corneille <strong>de</strong> ne pasrespecter les règles du théâtre classique : la règle <strong>de</strong>s unités n'est pas respectée, <strong>de</strong> plusla pièce se déroule en Espagne alors que la France est en guerre contre ce pays. A uneépoque où l'on cherche à définir <strong>de</strong>s règles strictes pour le genre théâtral, la tragicomédie<strong>de</strong> Corneille pose problème. En 1637, il fait circuler son « Excuse à Ariste »,où il fait preuve d'un certain orgueil :Mon travail sans appui monte sur le Théâtre,Chacun en liberté l’y blâme ou l’idolâtre,Là sans que mes amis prêchent leurs sentiments,J’arrache quelquefois trop d’applaudissements (…)Richelieu va <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r son opinion à la toute jeune Académie, voyant dans cetteaffaire l'occasion pour elle <strong>de</strong> s'affirmer en tant qu'instance suprême <strong>de</strong>s lettres. <strong>Les</strong>critiques se multiplient en même temps que les libelles et Corneille est accusé <strong>de</strong>plagiat. Scudéry en appelle au jugement <strong>de</strong> l'Académie qui se voit bien obligée d'arbitrercette querelle. Le jugement <strong>de</strong> l'Académie porte essentiellement sur la langue : elle« fait la chasse aux mots vieux, bas ou vagues », s'attache à la gramaire (on notel'influence <strong>de</strong> Malherbe)... Enfin, elle offre un jugement « pru<strong>de</strong>nt et nuancé ». qui faitque « ni Richelieu, ni Corneille, ni Scudéry ne pouvaient se plaindre » : c'est un« véritable succès diplomatique ». Cette querelle fut utilisée par Richelieu, « moins,commme l'affirmera Voltaire, pour condamner cet auteur que pour asseoir l'autoritéd'une institution naissante ».b- La querelle <strong>de</strong>s Anciens et <strong>de</strong>s Mo<strong>de</strong>rnes :


Ce débat central <strong>de</strong> la vie littéraire du XVII e siècle commence à l'Académie lorsqueCharles Perrault y lit son poème « Le siècle <strong>de</strong> Louis Le Grand », le 27 janvier 1687.Une querelle était déjà présente à l'Académie : la querelle <strong>de</strong>s inscriptions, qui opposeau « poète néo-latin Charles Du Périer le magistrat Louis Le Laboureur » (MarcFumaroli). La question est <strong>de</strong> savoir si les monuments du règne doivent être gravés enlatin ou en français. Le Laboureur fait l'apologie <strong>de</strong> la langue française et se montreenthousiaste pour « la langue « malherbienne » ». Le débat va s'étendre à l'Académie etconstitue les prémices <strong>de</strong> la querelle <strong>de</strong>s Anciens et <strong>de</strong>s Mo<strong>de</strong>rnes. Charles Perrault vaalors déclencher les hostilités avec la lecture <strong>de</strong> son fameux poème, dans lequel ildépeint l'époque <strong>de</strong> Louis XIV comme idéale, en remettant en question le modèleantique, indiscutable jusqu'alors. Boileau proteste immédiatement : il est partisan d'unprincipe d'imitation <strong>de</strong> l'Antiquité et ses partisans formeront le groupe <strong>de</strong>s Anciens,auquel s'opposent les Mo<strong>de</strong>rnes qui pensent que le génie peut rési<strong>de</strong>r aussi bien dansl'imagination <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> leur siècle. L'intervention <strong>de</strong> Charles Perrault a ainsi« élargi le débat sur la langue à un débat <strong>de</strong> civilisation ». Finalement aucun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxpartis ne remporta <strong>de</strong> véritable victoire, mais l'Académie s'est vue le théâtre d'un <strong>de</strong>sdébats majeurs qui ont agité le mon<strong>de</strong> littéraire au fil <strong>de</strong>s siècles et qui continueranotamment avec les Lumières et à l'époque romantique.c- L'affaire La Fontaine : une élection houleuse, première rupture entre l'Académie etle roi :En 1683 a lieu une élection agitée à l'Académie. D'un côté se présente Boileau, qui al'appui du roi; <strong>de</strong> l'autre La Fontaine, dont les Contes libertins ont fait scandale, mêmes'il en a nié la paternité. La Fontaine arrive tout <strong>de</strong> même en tête du premier scrutin maisle roi va s'opposer à son élection. En effet le fabuliste lui avait déplu en écrivant <strong>de</strong>uxpoèmes <strong>de</strong> soutien à Fouquet lors <strong>de</strong> son procés. Finalement, après l'élection <strong>de</strong> Boileauà un autre fauteuil, le roi va accepter l'élection <strong>de</strong> La Fontaine, qui est reçu à l'Académiele 2 mai 1684. L'affaire autour <strong>de</strong> cette élection, « où l'Académie manifesta sonindépendance envers le pouvoir, fut le premier désaccord entre elle et le souverain »selon Jean-Pol Caput.d- Le dictionnaire <strong>de</strong> Furetière :Furetière est élu en 1664 à l'Académie, où il va jouer un rôle important (il seranotamment le principal dispensateur <strong>de</strong>s prix d'Eloquence et <strong>de</strong> Poésie) Mais il obtienten 1684 un privilège pour publier son Essai d'un dictionnaire universel. En effet il n'estpas satisfait du travail <strong>de</strong> l'Académie, qui ne prend pas en compte les termesscientifiques et techniques par exemple. Or cela constitue une infraction aux lettres <strong>de</strong>Louis XIV du 26 juillet 1674 qui donnait à l'Académie l'exclusivité sur la publicationd'un dictionnaire. On le soupçonne d'avoir également utilisé les travaux <strong>de</strong> l'Académiesur le dictionnaire... Régnier-Desmarais, le secrétaire perpétuel va alors prouver queFuretière a réinvesti ces travaux dans son Dictionnaire. Furetière cherche alors à sedéfendre en publiant <strong>de</strong>s pamphlets. Mais le règlement <strong>de</strong> l'Académie dit : « si unacadémicien fait quelque action indigne d'un homme d'honneur il sera interdit ou<strong>de</strong>stitué selon l'importance <strong>de</strong> sa faute » (article XIII). Il est exclu <strong>de</strong> l'Académie. MaisLouis XIV est contre cette décision et il refuse que Furetière soit remplacé... C'est lamort <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier en 1688 qui règlera la question. Son Dictionnaire sera cependantpublié quelques années après son décès.


2- La suppression <strong>de</strong> l'Académie pendant la RévolutionLa compagnie avait perdu beaucoup <strong>de</strong> sa popularité en raison <strong>de</strong> son affiliation à lamonarchie. Dès 1790 elle est fortement critiquée et « mise en <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> se doter <strong>de</strong>nouveaux statuts « dignes d'un régime <strong>de</strong> liberté » ». C'est ce qu'elle fait le 6 septembre,avec un texte qui fait plusieurs concessions, notamment le renoncement à la protectiondu roi. Mais nombreux sont encore les opposants à l'Académie, comme Mirabeau etChamfort. L'Académie siège toujours, mais se résigne à sa disparition prochaine. La<strong>de</strong>rnière séance a lieu le 5 août 1793, en présence <strong>de</strong> seulement quatre membres.Morellet va cacher chez lui <strong>de</strong> nombreux documents <strong>de</strong> l'Académie, alors que l'abbéGrégoire, soutenu par le peintre David, se prononce contre les académies. On aboutit àun décret voté à l'unanimité : « toutes les académies et sociétés littéraires patentées parla Nation sont supprimées ». <strong>Les</strong> biens <strong>de</strong>s académies <strong>de</strong>viennent biens <strong>de</strong> laRépublique. Cependant, on va chercher à remplacer cette institution par une autre et peuà peu, on revient au système <strong>de</strong> l'Académie. C'est pendant la Restauration, sous LouisXVIII, que la « secon<strong>de</strong> classe <strong>de</strong> l'Institut » reprend le nom d'Académie française.3- L'Académie et la Collaboration...L'Académie connaît une nouvelle pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> difficultés entre 1944 et 1946 : quatreacadémiciens en effet sont dérangeants en raison <strong>de</strong> leurs relations avec le régime <strong>de</strong>Vichy. Il s'agit du maréchal Pétain, d'Abel Bonnard, d’Abel Hermant et <strong>de</strong> CharlesMaurras, compromis sous l'Occupation au point que cela risque même « d'entraîner lasuppression <strong>de</strong> l'Académie » (Caput Jean-Pol). Bonnard développe dans les années 1930une pensée « marquée par l'antiparlementarisme et l'antisémitisme » (Marie DurixClau<strong>de</strong>-) et il écrit pour la presse collaborationniste pendant l'Occupation. Maurras sefait « l'apologiste du gouvernement <strong>de</strong> Vichy et l'inspirateur <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong>collaboration ». Hermant va lui aussi collaborer. Quant à Pétain, est-il besoin <strong>de</strong>rappeler sa place durant l'occupation ?... George Duhamel, secrétaire perpétuel va alorsrencontrer De Gaulle pour lui proposer une place d'académicien. Mais celui-ci refuse.Finalement la crise prend fin en 1945 : Maurras, condamné à la réclusion à perpétuité età la dégradation nationale est radié <strong>de</strong> l'Académie. Bonnard, qui s'est exilé en Espagne,est condamné à mort par contumace et Hermant à la prison. <strong>Les</strong> fauteuils d'Hermant etBonnard seront pourvus <strong>de</strong> leur vivant, mesure exceptionnelle. Ceux <strong>de</strong> Maurras etPétain restent vacants jusqu'à leur mort.BibliographieCAPUT, Jean-Pol. L'Académie française. Paris : Presses Universitaires <strong>de</strong> France, 1986.127 p.DURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Académie française. [en ligne]. Paris, Académie française, ca.2006. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet: FUMAROLI, Marc. Trois institutions littéraires. Paris : Gallimard, 1994. 365 p.C- <strong>Les</strong> gran<strong>de</strong>s figures <strong>de</strong> l’Académie (Audrey Jasa)1- Ses membres les plus renommés


a – Une affaire d'hommes...Avec plus <strong>de</strong> 500 ans d'existence, la Coupole a accueilli en son sein plus <strong>de</strong> 700 gens<strong>de</strong> lettres, politiques, savants et hommes influents. Comment faire un choix parmi <strong>de</strong>telles gran<strong>de</strong>s figures comme Montesquieu, Racine ou encore Ionesco? C'est pourtant cequ'a opéré l'institution elle-même, lors d'un discours durant la très codifiée et habituelleSéance publique annuelle <strong>de</strong>s Cinq Académies du 22 octobre 1985, où Alain Peyrefitte,au nom <strong>de</strong>s académiciens, met en lumière trois figures principales et centenairesconsidérées comme importantes et ayant une renommée qui dépasse nettement lesfrontières <strong>de</strong> la France. François Mauriac, André Maurois et Jules Romains : auteurspolygraphes. Trois écrivains, trois pensées, trois vies, un héritage. Nés à la fin du XIX esiècle, ils se sont nourris <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> ce siècle en déclin, d'écrivainspuissants et protecteurs, pères <strong>de</strong> grands mouvements littéraires comme Victor Hugo(avec le romantisme), Emile Zola (pour le naturalisme) ou Mallarmé (pour les débuts dusymbolisme et du renouveau dans la poésie). Leurs idées teintées d'un passé lourd à lafois historique et personnel, ont pesé sur la vie littéraire française et d'ailleurs.1885, dans une famille bourgeoise bor<strong>de</strong>laise naissait François Mauriac. Rien ne lepré<strong>de</strong>stinait à la littérature. Après une licence <strong>de</strong> lettres, il démissionna <strong>de</strong> l'École <strong>de</strong>sChartes en 1909, pour se <strong>de</strong>stiner à son ambition littéraire. C'est enfin en 1926 qu'il futélu à l'Académie française. Son œuvre vaste est teintée d'un humanisme profond, d'unecroyance en Dieu inébranlable (Thérèse Desqueyroux en 1927, personnage hanté par lepéché). Un Dieu bon, miséricordieux et universel qui accueille à bras ouverts touthomme, même le plus médiocre. Selon lui seule cette croyance presque aveugle estnécessaire pour affronter et dépasser les horreurs, la barbarie, sous toutes ses formes, dumon<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne qui l'a vu naître : guerres, changements <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie, urbanisation<strong>de</strong> la société. Figure engagée sous la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale, il fait le choix <strong>de</strong> larésistance. En 1952, il reçut le Prix Nobel <strong>de</strong> littérature en raison <strong>de</strong> son combat contreles événements liés à la Guerre d'Algérie et prit le parti <strong>de</strong> la « décolonisation ».L'année 1885 voit également naître André Maurois, fils d'un industriel alsacien. Il<strong>de</strong>viendra disciple du philosophe Alain. Sage incarné, à la vision sceptique du mon<strong>de</strong>, ilgar<strong>de</strong> malgré tout l'infime persistance d'une certaine appréhension du bonheur, à la foisutopique, inatteignable mais jugée si indispensable. L'homme peut l'effleurer parl'accomplissement <strong>de</strong> soi-même et <strong>de</strong> son œuvre, sa vie, qu'il prend tout simplement enmain. Mais ce pessimisme peut être dépassé. Proche <strong>de</strong> la littérature anglaise et surtoutsensible à son humour, il le mettra notamment en scène dans plusieurs <strong>de</strong> ses romans(<strong>Les</strong> Silences du Colonel Bramble en 1918, <strong>Les</strong> Discours du docteur O'Grady en 1921)qui lui valurent une renommée immédiate. Ce sens <strong>de</strong> l'humour très british découle enpartie <strong>de</strong> son vécu, ayant servi auprès <strong>de</strong> l'armée anglaise en tant qu'officier <strong>de</strong> liaisonpendant la Première Guerre mondiale.Jules Romains, lui aussi né en 1885, issu d'une famille d'instituteurs, est un écrivainqui a longtemps cru en l'homme, en sa capacité à vivre en communauté, prônant l'amourdu prochain, allant même jusqu'à interpréter le discours christique comme une invitationà la liberté <strong>de</strong> mœurs dans les Copains ; et ayant foi en le progrès et la science. Sonoptimisme va rapi<strong>de</strong>ment sombrer dans un désenchantement profond, presqueparanoïaque. Il se change en une vision apocalyptique mo<strong>de</strong>lée par le désastre <strong>de</strong>sguerres qui ont ravagées la moitié du globe (Prélu<strong>de</strong> à Verdun en 1938) et parl'existence voire la création <strong>de</strong> tout type <strong>de</strong> virus et maladies mortelles qui peuvent sepropager à tout instant (Knock ou le Triomphe <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine en 1923), dépeuplant


ainsi tout un continent. Il théorise sa pensée par l'unanimisme : « expression <strong>de</strong> l'âmecollective d'un groupe social » (<strong>Les</strong> Hommes <strong>de</strong> bonne volonté, vingt-sept volumes <strong>de</strong>1932 à 1946). Malgré sa volonté <strong>de</strong> voir naître une entente franco-alleman<strong>de</strong> et sesaffinités avec <strong>de</strong>s groupes politiques comme le parti radical-socialiste après la PremièreGuerre mondiale, ce <strong>de</strong>rnier se voit <strong>de</strong>venir un opposant farouche aux idées fascistes etnotamment à Hitler.Année 1885, « un <strong>de</strong>s plus riche millésimes <strong>de</strong> la littérature ». Naissance <strong>de</strong> troisfigures importantes qui <strong>de</strong>viendront académiciens, qui seront les témoins <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxsiècles, <strong>de</strong> divers changements sociologiques, politiques et économiques. Tous troisreprésentent l'incarnation d'un certain type d'humanité pour l'Académie et pour leslecteurs, celui <strong>de</strong> tout un siècle, celui qui a vu l'Europe et le mon<strong>de</strong> se déchirer dans<strong>de</strong>ux Guerres mondiales et qui a vu la fin et la naissance d'un nouveau mon<strong>de</strong>.b – Où sont les femmes ?Malgré sa création qui remonte officiellement à 1635, la Coupole a pendant longtempsété réticente à l'entrée <strong>de</strong>s femmes au sein <strong>de</strong> son institution. Depuis la tentativeinfructueuse <strong>de</strong> Marie Curie en 1910, qui voit son entrée refusée à l'Académie <strong>de</strong>sSciences, le débat s'est ouvert aux seins <strong>de</strong>s cinq académies <strong>de</strong> l'Institut <strong>de</strong> France (àsavoir l'Académie française, l'Académie <strong>de</strong>s Inscriptions et Belles-Lettes, l'Académie<strong>de</strong>s Beaux-Arts, l'Académie <strong>de</strong>s Sciences et Sciences morales et politiques).L’Académie française, elle, reste ferme sur ses positions contribuant à ce que « rien nesoit changé aux usages », une femme ne peut donc être admise. Un héritage entièrementmasculin et rigi<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis les origines <strong>de</strong> ces institutions laisse forcément <strong>de</strong>s marques.L'affaire fut classée et aucune autre femme ne se risqua à essuyer un nouveau refus.Mais cela ne découragea pas la jeune Marguerite <strong>de</strong> Crayencour (dite Yourcenar), quiposa timi<strong>de</strong>ment sa candidature. Ayant eu un cursus atypique dans sa jeunesse, peuencline aux étu<strong>de</strong>s (elle obtiendra son baccalauréat avec une mention passable et ne seprésentera pas à la <strong>de</strong>uxième session), son esthétique littéraire fut paradoxalement jugéenon « féminine » et elle ne s'en revendiquera pas. Nombre d'académiciensconservateurs, <strong>de</strong> tous partis politiques, s'opposèrent unanimement à son élection :Pierre Gaxotte, André Chamson et Jean Guiton qui ira même jusqu'à dire queMarguerite Yourcenar « est une femme et qu'en tant que femme elle a autre chose àfaire que <strong>de</strong> siéger parmi quarante hommes ». Clau<strong>de</strong> Lévi-Strauss, ethnologue ethumaniste respecté, quant à lui, après avoir observé <strong>de</strong> nombreuses populations, qui seseraient dégradées, aurait refusé l'entrée <strong>de</strong> femmes dans la « tribu » académique :« Nous étions une tribu et nous étions menacés <strong>de</strong> disparaître en accueillant une femmeparmi nous ». Cependant, l'institution a bien compris qu'il était dans son intérêt, afind'éviter <strong>de</strong> se discréditer, <strong>de</strong> s'ouvrir à la gent féminine (en 1974 même le gouvernement<strong>de</strong> Giscard d'Estaing ouvre le bal, nommant 6 femmes dont Simone Veil à la Santé).C'est alors par un fort appui médiatique (presse, télévision) ficelé par Jean d'Ormesson(académicien), qu'elle fut la première dame à faire son entrée en habit vert, épée ettricorne le 22 janvier 1981. 346 ans après la création <strong>de</strong> l'Académie, la premièreécrivaine a eu droit à un fauteuil parmi ses pairs.Puis ce fut au tour <strong>de</strong> Simone Veil en 2008, sixième femme élue Quai Conti, maispremière politicienne, également entrée sous la pression <strong>de</strong> Jean d'Ormesson. Engagéepolitiquement sous les prési<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> Valéry Giscard d'Estaing (gouvernement Chirac)et <strong>de</strong> François Miterrand (gouvernement Balladur), elle a siégé au Sénat dans son rôle<strong>de</strong> Ministre <strong>de</strong> la Santé et dans celui du Parlement européen (dont elle est prési<strong>de</strong>nte <strong>de</strong>


1979 à 1982), avant <strong>de</strong> prendre le fauteuil <strong>de</strong> l'académicienne. Contrairement àMarguerite Yourcenar, elle a vigoureusement et justement défendu le droit <strong>de</strong>s femmesnotamment par sa mesure phare, le droit à l'IVG (Interruption Volontaire <strong>de</strong> Grossesse),lois qu'on appelle plus communément lois Veil <strong>de</strong> 1975. Son élection à l'Académie futlongtemps et reste avant tout un choix politique, <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s Académiciens, nettementaffirmé, en accord avec sa position politique personnelle et son parcours. Ainsi, <strong>de</strong>nombreuses approbations ainsi que <strong>de</strong>s polémiques découlèrent <strong>de</strong> cette élection au sein<strong>de</strong> l'extrême-droite et <strong>de</strong> la droite conservatrice, au nom du statut <strong>de</strong> l’Académie garante<strong>de</strong> la langue française, d'une certaine représentation <strong>de</strong> la littérature et du patrimoinequ'elle peut incarner aux yeux <strong>de</strong> la société. Certaines associations religieuses anti-IVGse sont opposées ouvertement à la figure <strong>de</strong> l'immortelle, comme l'AssociationRenaissance Catholique au discours très conservateur, religieux et rigi<strong>de</strong>, au pointd'aller organiser <strong>de</strong>s manifestations <strong>de</strong>vant l'institution lors <strong>de</strong> son entrée le 18 mars2008. Simone Veil (Simone Jacob <strong>de</strong> son nom <strong>de</strong> jeune fille), déportée au campd’Auschwitz-Birkenau à l'âge <strong>de</strong> 16 ans, s'est battue pour défendre les idées <strong>de</strong> l'Europe.Afin <strong>de</strong> ne plus revivre l'innommable, d'éviter un retour à l'horreur, elle est en faveurdès les débuts, d'une Europe unie et prospère et soutient l'idée d'une communauté quipar-<strong>de</strong>là l'histoire, les frontières, les traumatismes, permettra aux différentes nations etpeuples <strong>de</strong> vivre dans un certain équilibre et surtout dans la paix. Le 18 mars 2008, enhabit vert signé Karl Lagarfeld, elle entre à la Coupole. Elle a souhaité sobrement unsabre gravé « 78651 », les mêmes chiffres tatoués que sur son bras gauche, y voir« <strong>de</strong>ux mains qui s'enlacent » près <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>vises qui lui sont chères, « Liberté,Egalité, Fraternité » (celle <strong>de</strong> la France) et « Unie dans la diversité » (celle <strong>de</strong> l'Europe).Plus récemment, élue le 7 avril 2011, Danièle Sallenave est la <strong>de</strong>rnière dame à franchirle seuil <strong>de</strong> la Coupole le 29 mars 2012 lors <strong>de</strong> sa réception solennelle. Elle prési<strong>de</strong>ra àl'assemblée au fauteuil <strong>de</strong> Maurice Druon, ironiquement, puisque ce <strong>de</strong>rnier ferventopposant à la féminisation <strong>de</strong> l'institution et <strong>de</strong> la langue française (figure dont nousreparlerons plus bas dans le cadre <strong>de</strong>s secrétaires perpétuels) s'est opposé lui aussi àl'entrée <strong>de</strong>s femmes parmi les 40 membres. Avec cette nouvelle immortelle, l'Académieredonne ses lettres <strong>de</strong> noblesse au genre romanesque, genre <strong>de</strong> prédilection <strong>de</strong>Sallenave, récompensée par <strong>de</strong> nombreux prix (Prix Renaudot en 1980 pour <strong>Les</strong> portes<strong>de</strong> Gubbio ; Prix Jean Giono pour La Fraga) et membre <strong>de</strong> plusieurs jury (Prix Femina,Prix Simone <strong>de</strong> Beauvoir pour la liberté <strong>de</strong>s femmes et Prix du roman arabe). Elleparticipa longtemps au journal Le Mon<strong>de</strong>, à l'hebdomadaire Marianne ou à la revue <strong>de</strong>sTemps Mo<strong>de</strong>rnes et anime une chronique à France Culture <strong>de</strong>puis 2009. Filled'instituteurs, elle-même professeur, elle se situe dans un héritage d'une certainegran<strong>de</strong>ur et préservation <strong>de</strong> la langue française qu'elle doit transmettre aux générationsfutures, dans la droite lignée <strong>de</strong> Druon dont elle revendique l'ouverture vers la « mission<strong>de</strong> francophonie » : son prédécesseur prônant le « français à l'étranger ».2 – Des Secrétaires perpétuels aux idées réactionnaires.Ayant la lour<strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> représenter l'Académie à travers toutes ses fonctions,à la fois auprès <strong>de</strong>s autres académies, <strong>de</strong> l'État (dans son service administratif etjuridique), <strong>de</strong> la presse et du public, le secrétaire perpétuel en <strong>de</strong>vient le porte-parole.George Duhamel, humaniste, s'affirma clairement comme un défenseur évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> lalangue française dans son ouvrage Scènes <strong>de</strong> la vie future en 1929, où après un courtvoyage aux Etats-Unis, il se montre comme le père <strong>de</strong> l'anti-américanisme. Dans cet


ouvrage, il fait la peinture subjective et dépréciative, à l’ai<strong>de</strong> d'une palette <strong>de</strong> préjugésdivers qu'il assume totalement, <strong>de</strong> la culture américaine. De nombreux écrivains letaxent <strong>de</strong> chauvinisme et sont farouchement opposés à cette vision, trop superficielle,d'une Amérique mal dégrossie et sombre ; en revanche, d'autres sont ravis par lespropos <strong>de</strong> Duhamel qui, en filigrane, mettent en valeur la culture française et sa langue.Peur inconsidérée prônant l'idée du « génie français » ou vision prémonitoire <strong>de</strong>l'influence croissante <strong>de</strong> la société <strong>de</strong> masse ? Dans la Revue <strong>de</strong>s vivants on s'exclame :« M. George Duhamel vient d'accomplir un exploit hardi. Il a démoli l'idoleaméricaine », ou encore André Billy <strong>de</strong> se réjouir : « Vous ne pouvez pas imaginer àquel point ce livre m’a fait plaisir ! C’est tellement ce que j’ai toujours pensé <strong>de</strong>l’Amérique et <strong>de</strong>s Américains ! » Dès 1929, la guerre <strong>de</strong>s cultures entre civilisationanglo-saxonne et française est consommée. Duhamel est récompensé par l'Académiefrançaise, acte presque annonciateur et déclencheur, qui va lui ouvrir plus tard les portes<strong>de</strong> la Coupole et lui offrir un siège, mais pas n'importe quel fauteuil, certes le numéro30, mais surtout le siège <strong>de</strong> secrétaire perpétuel. Ce même siège, qui accueillera <strong>de</strong> 1985à 1999 un autre prétendant au même titre, Maurice Druon. Ces <strong>de</strong>ux figures au fortcaractère, s'inscrivent dans une continuité à la fois dans le temps et dans la pensée,s'agissant d'une forme <strong>de</strong> « passation » d'un seul et même fauteuil pour trôner sur laCoupole, ainsi que <strong>de</strong> la préservation <strong>de</strong> l'idée d'une culture française et <strong>de</strong> sa langue.En effet, Maurice Druon, grand conservateur <strong>de</strong> la langue française, au passé résistant ettrès aimé du grand public (<strong>Les</strong> Rois Maudits en sept tomes <strong>de</strong> 1955 à 1977), refuse touteforme <strong>de</strong> féminisation <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière, mais préconise « la sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> la languefrançaise ». Il refusera même toute réforme d'ordre orthographique qui avait étésouhaitée par le Premier Ministre <strong>de</strong> 1990, Michel Rocard, auquel il répondit,paradoxalement, que toute réforme était anti-évolutive et amputerait la langue. Ilinsistera d'ailleurs sur les noms <strong>de</strong> fonctions, pour lesquels il s'oppose à leurféminisation, désirant l'utilisation <strong>de</strong> « Madame le Ministre ».Et enfin, la secrétaire perpétuelle toujours en place, qui succéda à Druon fut unefemme, Hélène Carrère d'Encausse au fauteuil 14. Elle aussi, connue pour son extrêmeconservatisme <strong>de</strong> la langue française pour laquelle elle s'engage avec conviction àtravers la Défense <strong>de</strong> la Langue Française (auquel elle siège dans le Comité d'honneur),association qui fait l'éloge d'un français élitiste et pur, par <strong>de</strong>s interventions diversesauprès <strong>de</strong>s écoles et <strong>de</strong>s médias visant à « découvrir les richesses <strong>de</strong> notre langue,l'enrichir et la faire rayonner, en défendre l'emploi », notamment contre le colonialismeanglo-saxon. Ses prises <strong>de</strong> positions assez réactionnaires lors <strong>de</strong> discours mettant envaleur le français, lui ont valu plusieurs critiques. Des discours comme « La languefrançaise et la culture européenne » en 1993, « Au secours du français » en 2002, « Lefrançais dans tous ses états » en 2004, « Enfin Corneille vint... » en 2005, « La languefrançaise, langue <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité » en 2006, « La langue française : <strong>de</strong> l'i<strong>de</strong>ntité àl'universalité » en 2007, « Halte à la ''complainte du français perdu'' » en 2008, « Mapatrie c'est la langue française …» en 2009, et tant d'autres du même goût. Carrèred'Encausse, soviétologue, est une figure aux idées rigi<strong>de</strong>s, au point d'engendrer quelquescontroverses. Jugée bien trop sensible aux questions <strong>de</strong> politique et proche dugouvernement en place, elle a tenu a plusieurs reprises <strong>de</strong>s propos peu appropriés à lalimite du racisme, voire <strong>de</strong> l'antisémitisme, notamment dans le Libération du 15novembre 2005 où le journal retranscrit ses propos à la télévision russe où elle parle <strong>de</strong>sAfricains polygames en France qu'elle juge responsables <strong>de</strong>s émeutes en banlieues :«Ces gens, ils viennent directement <strong>de</strong> leurs villages africains. (…) Dans unappartement, il y a trois ou quatre femmes et 25 enfants ». Et les dérapages ne s'arrêtentpas là, dans cette même émission russe, elle va jusqu'à comparer la liberté d'expression


et <strong>de</strong>s médias <strong>de</strong>s ères Staline et Poutine à celle, existante, <strong>de</strong> la France : « la télévisionfrançaise est tellement politiquement correcte que cela en est un cauchemar. Nous avons<strong>de</strong>s lois qui auraient pu être imaginées par Staline. Vous allez en prison si vous ditesqu'il y a cinq juifs ou dix Noirs à la télévision. <strong>Les</strong> gens ne peuvent pas exprimer leuropinion sur les groupes ethniques, sur la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale et sur beaucoupd'autres choses. […] Le politiquement correct <strong>de</strong> notre télévision est presque comme lacensure <strong>de</strong>s médias en Russie.» On comprend mieux une certaine affinité avec legouvernement russe après la visite du prési<strong>de</strong>nt Vladimir Poutine à l'Académiefrançaise en 2003, très bien accueilli par sa secrétaire perpétuelle actuelle et auquel elleadressa une allocution élogieuse.3 – Le Quai Conti : cible <strong>de</strong> toutes les attaques.a- La critique <strong>de</strong>s écrivains :L'Académie française a dû faire face à travers les siècles à <strong>de</strong> nombreuses critiques<strong>de</strong> la part d'écrivains <strong>de</strong> renom et célèbres pour leurs positions, tels que Voltaire,Furetière ou encore Chamfort. Un point commun les lie : tous ont systématiquementdénigré la Coupole tant qu'ils n'en avaient pas franchi le seuil et une fois <strong>de</strong>venusmembres, ils ne disent pas non au fauteuil moelleux, quitte à être contradictoire aveceux-mêmes. Pourquoi un tel besoin, déjà dès le XVII e siècle, <strong>de</strong> décrier cetteinstitution ? S’agit-il <strong>de</strong> se distinguer et <strong>de</strong> se poser contre la pensée universelle, oud’un désir <strong>de</strong> contestation pour entretenir une certaine image <strong>de</strong> soi ? Aujourd'hui seposer contre l'Académie <strong>de</strong>vient clairement une tendance dans la mosaïque littérairefrançaise. Des auteurs comme Modiano, Le Clézio, Quignard, Echenoz, Kun<strong>de</strong>ra etbien d'autres ont refusé <strong>de</strong> siéger parmi les immortels. Philippe Sollers dira même:« C’était il y a sept ans. Pierre Rosenberg, l’ancien conservateur du Louvre alorsrécemment élu, m’a invité à déjeuner avec Hélène Carrère d’Encausse. Elle avait l’airtrès pressée, m’a dit penser à moi <strong>de</strong>puis toujours. Mais pourquoi aurais-je cédé à cettecomédie sociale ? Pour me retrouver dans un groupe qui ne compte pas d’écrivainsnotoires ? » Il ajoute même : « Aucun <strong>de</strong>s écrivains que j’admire n’est à l’Académie[…], mais y a-t-il encore <strong>de</strong> grands écrivains ? [...] L’Académie n’est plus unepromotion que pour ceux qui n’ont pas fait d’œuvre, continue Philippe Sollers. Elle estréservée aux médiocres, à ceux qui ne laisseront pas <strong>de</strong> traces durables. ». D'autresécrivains, intransigeants, la raillent comme Patrick Besson : « Le seul avantage seraitd’être soigné au Val-<strong>de</strong>-Grâce. Pour le reste, ma femme <strong>de</strong> ménage est mieux payée ».Chez les jeunes écrivains, l'institution n'est pas perçue d'un bon œil, FrédéricBeigbe<strong>de</strong>r parlera <strong>de</strong>s immortels en <strong>de</strong>s termes fort peu élogieux : « une assemblée <strong>de</strong>vieux gâteux fatigués. Certains avaient sans doute du talent avant d'y entrer mais leper<strong>de</strong>nt dès qu'ils y sont. C'est un phénomène étrange <strong>de</strong> ''naphtalisation"» disait-ildans les années 2000, mais pourrait-il inverser la tendance ? Il confiera d'ailleurs quepour son Roman français : « Je pense que ce portrait reporte mon entrée à l'Académiefrançaise d'environ cinquante ans. » Beigbe<strong>de</strong>r désirerait-il entrer à l'Académie ? Il sevoit même, avec une certaine ironie, en 2016 avec une barbe blanche, trônant dans l'un<strong>de</strong>s fauteuils...b- Un libertin chez les Académiciens...1665, un bourguignon inconnu entre à l'Académie française, du moins pour l'heure.Homme d'armes et s'escrimant peu avec la plume, il est dans les faveurs <strong>de</strong> Richelieu,mais ne siégera au fauteuil numéro 20, que peu <strong>de</strong> temps. Ce Bussy-Rabutin, n'estpourtant pas n'importe qui. C'est le cousin <strong>de</strong> Mme <strong>de</strong> Sévigné avec laquelle il s'initiera


à la pensée libertine dans ses salons et même s'il n'a rien publié, il écrit <strong>de</strong>s vers etmaximes satiriques et amoureuses. Sa notoriété parcourt peu à peu la France et vajusqu'aux oreilles du roi. Une fois élu, quelque chose d’improbable se produit : il estenvoyé à la Bastille. Mais Bussy-Rabutin n'en est pas à son premier séjour. En 1641,alors qu'il était colonel, il fut emprisonné pour avoir quitté son régiment afin <strong>de</strong>s'installer dans une ville voisine et profiter pleinement <strong>de</strong>s joies <strong>de</strong> l'amour avec unecomtesse. Pendant ce temps, les soldats pillent, volent et pratiquent la contreban<strong>de</strong> dusel. En 1659, la raison <strong>de</strong> son second emprisonnement est aussi liée au libertinage. Lejour du vendredi saint il s'est adonné avec trois compères à une véritable débauche,mangeant <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong>, où il parodia le cantique <strong>de</strong>s Alleluia <strong>de</strong> Pâques avec pour sujetla cour. Il composera même pour une <strong>de</strong> ses nombreuses maîtresses l'Histoireamoureuse <strong>de</strong>s Gaules où il fait la satire <strong>de</strong> toute la cour par différents portraits peuflatteurs. Une fois libéré, il s'exilera mais conservera son fauteuil malgré soninterdiction <strong>de</strong> vote. C'est donc en 1665 que Bussy-Rabutin, qui ne siégeravéritablement à l'Académie que pendant 109 jours, est emprisonné pour son esprit avanttout, celui d'un libertin.BibliographieAssociation Renaissance Catholique. Renaissance Catholique. [en ligne]. Roubaix:OVH, ca. 2001. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet:DURAND, Alain-Philippe. Frédéric Beigbe<strong>de</strong>r et ses doubles. Amsterdam : EditionsRodopi B.V., 2008. 207 p.DURANTON-CRABOL, Anne-Marie. De l'anti-américanisme en France vers 1930: laréception <strong>de</strong>s Scènes <strong>de</strong> la vie future, Revue d'histoire mo<strong>de</strong>rne et contemporaine, 2001,1, n°48, p.120-137.DURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Académie française. [en ligne]. Paris, ca. 2006 [consulté le01/04/2012]. Disponible sur Internet: FERNIOT, Christine. L'Académie française recrute. Lire, 01 juin 2001.FEUILLÉE, Marc, MOUGEOTTE, Etienne [et al.]. Le Figaro.fr. [en ligne]. Paris:Société du Figaro, ca. 2004 [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet:Prolongeau, Hubert. L'Académie française en panne. Le Nouvel Observateur, 28 février2008.LEVEL, Brigitte, EDROM, Pierre, TRIBOUILLARD, Jean [et al.]. Défense <strong>de</strong> lalangue française. [en ligne]. Paris : Association Défense <strong>de</strong> la langue française, s.d.[consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet: LIGER, Baptiste. Comment Frédéric Beigbe<strong>de</strong>r se la coule douce. Lire, 13 septembre2011.« LITTÉRATURE; Danielle Sallenave, une femme chez les immortels », La CharenteLibre, 27 Mars 2012.


MILLOT, Lorraine. « Beaucoup <strong>de</strong> ces Africains sont polygames ». Libération, 15novembre 2005.NAUDIER, Delphine. L'irrésistible élection <strong>de</strong> Marguerite Yourcenar à l'Académiefrançaise. Cahiers du genre, 2004, n°36, p.45-67.« Ne parlons pas d'élitisme, mais <strong>de</strong> nécessité », Le Point, 2012, n°2063, p. 108-109.PERAS, Delphine. 1980 : Yourcenar à l'Académie. Lire, 1er novembre 2005.RIEUNEAU, Maurice. Guerre et révolution dans le roman français <strong>de</strong> 1919 à 1939.Paris : Klincksieck ,1947. 635 p.ROBERT, Jean-Jacques. Académie <strong>de</strong>s Sciences, <strong>Lettres</strong> et Arts <strong>de</strong> Marseille. [enligne]. Marseille : Académie <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> Marseille, ca. 2009 [consulté le01/04/2012]. Disponible sur Internet : II- Comment <strong>de</strong>vient-on académicien(ne) ? :A- <strong>Les</strong> <strong>secrets</strong> dévoilés <strong>de</strong>s candidatures et <strong>de</strong>s protocoles <strong>de</strong> réception (ThomasBirlana)1- Candidaturesa- Règlement :L’académie française, à l’instar <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s Beaux-Arts et <strong>de</strong>s Sciences Morales etPolitiques, pratique encore et <strong>de</strong>puis toujours le système <strong>de</strong> candidature et d’élection,afin <strong>de</strong> pourvoir un <strong>de</strong> ses fauteuils d’un nouvel académicien.Ainsi, lorsqu’un fauteuil se libère, le siège est déclaré « vacant », ce qui implique ledécès <strong>de</strong> l’académicien qui l’occupait. <strong>Les</strong> candidatures sont alors ouvertes à tous ceuxqui briguent cette place. La vacance d’un siège était autrefois déclarée à la séance quisuivait la mort <strong>de</strong> l’académicien, alors que <strong>de</strong>puis la fin du XIX e siècle, un délai <strong>de</strong>plusieurs mois pouvant aller jusqu’à un an, choisi par le Secrétaire Perpétuel, est laissépar respect pour la famille du défunt.Selon les Statuts et Règlements <strong>de</strong> l’Académie Française (consultable en ligne sur lesite officiel <strong>de</strong> l’Académie), chacun peut présenter sa candidature (aujourd’hui un âgelimite a néanmoins été fixé à 75 ans). Pour cela il doit adresser une simple lettre auSecrétaire Perpétuel, qui la lit aux académiciens lors d’une séance publique. Desacadémiciens peuvent aussi soumettre un candidat potentiel. Tous ces dépôts <strong>de</strong>candidatures peuvent se faire jusqu’à quatre semaines avant l’élection, fixée dans lestrois mois qui suivent la déclaration <strong>de</strong> vacance du fauteuil.Lors <strong>de</strong> l’élection, par vote à bulletin secret, la majorité au moins est nécessaire pourpouvoir être élu. Un vote blanc est possible, si le bulletin est marqué d’une croix, etjusqu’à quatre tours sont possibles si le nombre <strong>de</strong> voix nécessaire n’est pas obtenu parl’un <strong>de</strong>s candidats. Si aucun candidat ne se démarque à l’issu <strong>de</strong> ces tours ou si lenombre <strong>de</strong> bulletins à croix est trop important, l’élection est déclarée « blanche », etaucun <strong>de</strong>s candidats n’est élu. Ils pourront néanmoins retenter leur chance, même si, onl’imagine bien, une trop grosse défaite par un nombre dérisoire <strong>de</strong> voix, ou au contraire,


par un trop grand nombre <strong>de</strong> bulletins blancs n’est pas <strong>de</strong> très bon augure pour unefuture élection. De plus, un trop grand nombre <strong>de</strong> candidatures peut aussi rendredifficile l’élection d’un nouvel académicien.Enfin, la plus haute autorité du pouvoir en place doit donner son approbation pourvali<strong>de</strong>r et clore l’élection du nouvel académicien, aujourd’hui le Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> laRépublique, autrefois le roi <strong>de</strong> France ou l’Empereur.De plus, il convient aussi <strong>de</strong> signaler que l’Académie Française est ouverte à toutes lesdisciplines : littéraires, politiques, scientifiques, etc. et un <strong>de</strong> ses membres peut aussiappartenir à une autre académie.Bibliographie-­‐ DURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Académie française : Le Rôle. [en ligne]. Paris : Académiefrançaise, 2012. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet :-­‐ Académie Française. Statuts et règlements. [en ligne]. Paris : Académie française, 2012.[consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet : < http://www.aca<strong>de</strong>miefrancaise.fr/role/in<strong>de</strong>x.html>-­‐ BOUVIER, Camille. Institut <strong>de</strong> France : <strong>Les</strong> Académies. [en ligne]. Paris : Institut <strong>de</strong>France. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet : -­‐ OSTER, Adrien. L’Académie Française à la lettre. [en ligne]. Paris : Lagardère News,2010. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet : < http://www.europe1.fr>b- <strong>Les</strong> lettres <strong>de</strong> candidatureL’écrivain Christophe Carlier est un spécialiste <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> candidatures <strong>de</strong>puis laparution <strong>de</strong> son ouvrage <strong>Lettres</strong> à l’Académie Française, en février 2010 aux éditions<strong>Les</strong> Arènes (Paris), un recueil d’une centaine <strong>de</strong> lettres sur les trois mille se trouvantaux archives <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> France (un « bonus » <strong>de</strong> lettres est consultable sur le site <strong>de</strong>l’éditeur, sur la page <strong>de</strong> l’ouvrage), ainsi qu’avec un article sur son expérience parudans Le Magazine Littéraire.Outre l’aspect historique <strong>de</strong> toutes ces lettres, certaines pouvant provenir d’anciensexilés <strong>de</strong> l’Empire ou encore <strong>de</strong> militaires et autres patriotes <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux guerres,elles sont aussi un témoignage <strong>de</strong> notre histoire littéraire, ainsi qu’une galerie <strong>de</strong>personnalités diverses et variées.« Du moment qu’il y a une Académie française, je dois en être. » écrit Zola dans unelettre adressée au rédacteur en chef du Figaro, en février 1893. Et en effet l’auteur <strong>de</strong>sRougon-Macquart fut candidat à vingt-quatre reprises, mais sans jamais être élu. L’une<strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> ce refus peut se trouver dans sa première lettre <strong>de</strong> candidature, danslaquelle le ton est non pas, comme le veut l’usage, celui <strong>de</strong> l’humilité et du respect, maisplutôt sur celui du défi et <strong>de</strong> la provocation : « J’ai l’honneur <strong>de</strong> vous prévenir et jevous prie <strong>de</strong> faire savoir à l’Académie française que je pose ma candidature au fauteuil<strong>de</strong>venu vacant par la mort d’Emile Augier.» Comme le souligne Christophe Carlierdans l’article du Magazine Littéraire : « D’ordinaire, on soumet une candidature ausecrétaire perpétuel, on ne le « prévient » pas.»Autres habitués <strong>de</strong>s échecs à répétition mais dont la persévérance peut être applaudie,le poète Emile Deschamps et le poète et dramaturge Paul Fort vont quant à eux fairepreuve d’ingénuité dans leurs lettres <strong>de</strong> candidature : « Il me serait bien doux et bien


glorieux <strong>de</strong> ne plus avoir à vous importuner <strong>de</strong> nouvelles candidatures… » écrit lepremier, et avec plus <strong>de</strong> culot le second va commencer sa lettre par un « Monsieur lesecrétaire perpétuel, c’est encore moi ! ».A l’inverse, la lettre d’Alexandre Dumas fils, élu en 1874 lors <strong>de</strong> sa premièrecandidature, est un exemple <strong>de</strong> simplicité qui fait mouche et « un petit miracle <strong>de</strong>désinvolture et d’aisance sociale », écrit Carlier : « Monsieur le secrétaire perpétuel,ainsi que j’ai eu le plaisir <strong>de</strong> vous le dire, je serais très heureux que l’Académiefrançaise portât ses suffrages sur moi, lorsqu’elle élira un nouveau membre enremplacement <strong>de</strong> mon illustre confrère M. Antoine Lebrun. ».Mais d’autres durent faire face à plus <strong>de</strong> difficulté dans l’écriture <strong>de</strong> leur lettre. Ainsile général et comte <strong>de</strong> Montesquiou se sert <strong>de</strong> son grand âge comme d’un argument :« Même <strong>de</strong>s rivaux impatients consentiront peut être à laisser passer une candidaturepeu redoutable puisqu’elle ne doit avoir un succès qu’éphémère », et il sera élu, en1784.Un autre, trop jeune, met plutôt en avant « l’expérience <strong>de</strong> (son) inexpérience ». Ainsi,Edmond Labru écrit dans sa lettre : « Je pense que mes vingt ans ne seront pas unobstacle à mon élection et mon œuvre ne signifie rien. Je ne suis qu’un jeune poèteriche d’illusions et d’avenir qui brigue la succession <strong>de</strong> notre maître : le doux poète <strong>de</strong>shumbles peut bien avoir pour successeur un représentant <strong>de</strong> cette jeunesse qu’il aimaittant. » Il avoue d’ailleurs dans le paragraphe suivant qu’il n’a pas tout à fait vingt ans.Un autre candidat précoce, Balthazar Pagnon, va quant à lui tenter sa chance àplusieurs reprises, une en 1893, où il écrira dans sa lettre : « Il est vrai que je n’ai pasl’âge requis pour être admis à l’Académie : j’ai vingt-huit ans ; mais je puis invoquer leprécé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Clairaut, qui fut reçu à dix-huit ans, membre <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>ssciences » ; et il retentera sa chance en 1896, sous le nom <strong>de</strong> Gaston d’Haban-Pral, lasupercherie est toutefois aisément i<strong>de</strong>ntifiable : « Il est vrai que je n’ai pas l’âge requispour être admis à l’Académie française ; je n’ai que trente ans ; mais je puis invoquerle précé<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Clairaut, qui fut reçu à dix-huit ans, membre <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>ssciences. »D’autres candidats manquaient eux-aussi <strong>de</strong> renommée pour entrer à l’Académiefrançaise, mais ce défaut a pu être mis en avant pour servir d’argument. Ce fut le cas <strong>de</strong>Pol Eugène Octave Terson, qui écrit dans sa lettre : « Mes œuvres littéraires sontvariées, beaucoup sont inédites, je suis, pour tous les académiciens, un inconnu. Jedévoilerai ma personnalité en cas <strong>de</strong> succès ».Enfin, briguer la succession d’un géant <strong>de</strong> la littérature tel que Victor Hugo, décédé en1885, put ne pas être chose aisée. Néanmoins, Leconte <strong>de</strong> Lisle, qui s’était déjà par <strong>de</strong>uxfois présenté à la succession d’un académicien, sans succès, présenta sa candidature. Salettre, dans laquelle il ne nommera pas le défunt, débute ainsi : «La mort <strong>de</strong> celui qui futmon maitre et mon ami laisse, dans la Compagnie, un vi<strong>de</strong> que je n’aurais pas laprétention <strong>de</strong> remplir et une place que je serais heureux et fier d’occuper ». Leconte <strong>de</strong>Lisle, qui d’après un discours prononcé en 1977 par Jean Mistler à la Bibliothèquenationale, aurait écrit dans une lettre à l’une <strong>de</strong> ses amies, en 1883, « Quant àl’Académie, j’y renonce absolument, sauf dans le cas où Hugo mourrait avant moi… »,fut enfin élu à l’Académie, (par le score écrasant <strong>de</strong> vingt et une voix contre six pourson concurrent, Ferdinand Fabre), au fauteuil 14 <strong>de</strong> son prédécesseur, Victor Hugo.La lecture <strong>de</strong> ces lettres montre ainsi certaines règles à suivre et d’autres à éviter pourécrire sa lettre <strong>de</strong> candidature à l’Académie Française.Bibliographie


-­‐ OSTER, Adrien. L’Académie Française à la lettre. [en ligne]. Paris : Lagardère News,2010. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet : < http://www.europe1.fr>-­‐ CARLIER, Christophe. <strong>Lettres</strong> à l’Académie française. Paris : <strong>Les</strong> Arènes, 2010. 232 p.-­‐ CARLIER, Christophe. « L’obtenir ferait mon bonheur et ma gloire ». Le MagazineLittéraire, 2008, n°476, p. 8-13.-­‐ LEPELLETIER, Edmond. Emile Zola : Sa Vie – Son Œuvre. Paris : Mercure <strong>de</strong> France,1908. Dernières années d’Emile Zola – Sa mort – Le panthéon (1902), p.457- 483.-­‐ BECCARIA, Laurent. <strong>Les</strong> arènes. [en ligne]. Paris : Edition <strong>Les</strong> Arènes, 1997.[consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet : -­‐ MISTLER, Jean. Sous la coupole. Paris: Bernard Grasset, 1981. Leconte <strong>de</strong> Lisle,p.150-160.-­‐2- Campagnes, intrigues et visites aux AcadémiciensL’académicien Sainte-Beuve, élu en 1844, disait qu’ « une élection, c’est une intrigue,une intrigue dans le bon sens du mot », et en effet, une élection à l’Académie françaisene se fait pas sans préparation.Bien que l’Académie soit ouverte à tous, il semble toutefois préférable, d’aprèsplusieurs articles en ligne <strong>de</strong> L’Express et du Figaro, d’avoir au préalable quelquessoutiens à l’intérieur <strong>de</strong> la Coupole, comme l’avoue Clau<strong>de</strong> Fumaroli, élu à l’Académieen 1995 : « Il est déconseillé <strong>de</strong> se présenter si l’on n’a pas été pressenti par un ouplusieurs académiciens. ». L’Immortel a d’ailleurs lui-même suggéré le journaliste etécrivain Clau<strong>de</strong> Imbert pour reprendre le fauteuil <strong>de</strong> Jean-François Revel, lors <strong>de</strong>l’élection du 31 mai 2007. L’élection <strong>de</strong>vait d’abord l’opposer à Amin Maalouf,écrivain franco-libanais appuyé par l’Académicienne Jacqueline <strong>de</strong> Romilly, avant quece <strong>de</strong>rnier ne se rétracte (officiellement pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> travail, officieusement àcause d’une « bévue » : sa signature sur un manifeste sur un manifeste <strong>de</strong> littératuredans lequel était proclamé « l’acte <strong>de</strong> décès <strong>de</strong> la francophonie », ce qui a fortementdéplu à certains Académiciens…). Il fallut donc trouver un nouveau candidat à opposerà Imbert, un unique prétendant à une élection étant perçu comme une « catastrophe ».L’historien, homme politique et <strong>de</strong> lettres Max Gallo, qui avait déjà tenté sa chance lorsd’une précé<strong>de</strong>nte élection, avec alors le soutien <strong>de</strong> plusieurs Académiciens, fut contactépour être à nouveau candidat. Il accepta et réussit à être élu, avec 15 voix contre 5 pourClau<strong>de</strong> Imbert. (Amin Maalouf réussit tout <strong>de</strong> même à être élu en 2011 au fauteuil <strong>de</strong>Clau<strong>de</strong> Lévi-Strauss).« Le vote est imprévisible, le résultat inexplicable », maxime <strong>de</strong> l’Académie française,montre ainsi qu’il est impossible <strong>de</strong> prévoir vers quel prétendant à l’habit vert seporteront les voix <strong>de</strong>s Immortels. Et le secret du scrutin reste entier même après uneélection, puisque tout bulletin sorti <strong>de</strong> l’urne lors du dépouillement est brûlé, comme leveut la tradition. Cependant, d’après l’ancien Secrétaire Perpétuel Maurice Genevoix, ilexisterait une astuce pour pronostiquer le nombre <strong>de</strong> voix qu’un candidat peutrecueillir : « Vous faites le total <strong>de</strong>s promesses dont vous êtes sûr, absolument sûr.Après quoi, vous retirez six voix. ».Il est tout <strong>de</strong> même possible aux candidats <strong>de</strong> rendre visite à <strong>de</strong>s Académiciens pourmieux se présenter et tenter d’obtenir leur sympathie et leur vote. Fortement déconseillépendant un temps, ce rituel dépend aujourd’hui <strong>de</strong> l’Académicien : certains se plient auxStatuts et Règlements <strong>de</strong> 1816 et ne reçoivent pas chez eux <strong>de</strong> candidats, d’autresacceptent l’entrevue comme l’invite à le faire un autre règlement datant quant à lui <strong>de</strong>1752, et enfin il y a ceux pour qui cela dépend du candidat. Ces visites peuvent durerentre quarante minutes et une heure, et d’après Jean-Marie Rouard : « L’exercice relève


à la fois <strong>de</strong> l’entretien d’embauche, du dîner galant et du thé chez la vieille tante donton voudrait qu’elle vous couche sur son testament. » Ces visites peuvent donc être pourle prétendant un test dont l’académicien mène la danse. Il y a ceux qui préfèrent quel’on parle d’eux et d’autres qui préfèrent que le candidat parle <strong>de</strong> lui. Ainsi JeanDutourd raconte : « Je me souviens d’une personne venue me rendre visite qui m’aparlé <strong>de</strong> lui pendant trente minutes pour me dire qu’il était épatant. Je me suis dit, toi,mon garçon, je ne voterai jamais pour toi. S’il m’avait parlé <strong>de</strong> moi cela m’auraitintéressé ». Il ajoute : « Il ne faut pas tomber dans la flagornerie, mais il faut tout <strong>de</strong>même savoir y faire». Et en effet, il faut aussi faire attention aux excès <strong>de</strong> flatteries,comme l’explique Alain Decaux : « Nous sommes toujours touchés, sans êtretotalement dupes, lorsque le candidat évoque avec chaleur nos mo<strong>de</strong>stes ouvrage ». Ilfaut aussi ajouter qu’un entretien qui s’est bien passé ne veut pas forcément direpromesse d’une voix. Certains Immortels préfèrent ainsi faire croire à leur soutien plutôtque décourager le candidat, comme l’académicien Edgar Faure, qui aurait dit : « Je vousai donné ma parole, vous ne voudriez pas que je vous accor<strong>de</strong> <strong>de</strong> surcroit ma voix. »Enfin, il convient aussi <strong>de</strong> noter que, d’après L’Express, il existerait certainsacadémiciens dont le soutien aurait plus <strong>de</strong> poids que d’autres, et seraient donc pluscourtisés. Parmi ces « grand électeurs », on peut ainsi citer Pierre Nora, qui a un certainpoids dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’édition, Alain Decaux, ou encore Jean d’Ormesson…Bibliographie-­‐-­‐-­‐-­‐AISSAOUI, François, De LARMINAT, Astrid. « A Madame le secrétaireperpétuel… ». [en ligne]. Paris : Société du Figaro, 2007. [consulté le 01/04/2012].Disponible sur Internet : FERNIOT, Christian. L’Académie française recrute. [en ligne]. Paris: Groupe Express-Roularta, 2001. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet:DUPUIS, Jérôme. Académie française : Histoire secrète d’une élection. [en ligne].Paris: Groupe Express-Roularta, 2007. [consulté le 01/04/2012]. Disponible surInternet: BOUVIER, Camille. Institut <strong>de</strong> France : <strong>Les</strong> Académies. [en ligne]. Paris : Institut <strong>de</strong>France. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet : 3-Le protocole <strong>de</strong> réceptionÊtre seulement élu ne suffit pas pour entrer sous la coupole. Pour pouvoir êtrecorrectement intronisé, la tradition exige au tout nouvellement élu <strong>de</strong> participer à lacérémonie <strong>de</strong> réception.Elle se déroule le jeudi, au Palais <strong>de</strong> l’Institut, Quai Conti, sous la Coupole, avec unpublic composé d’une part d’Académiciens (<strong>de</strong> l’Académie française ou <strong>de</strong>s autres, enhabit vert ou en costume <strong>de</strong> ville) et d’autre part d’invités, pouvant être la famille et lesamis du nouvel élu ou du disparu, ainsi qu’hommes politiques, éditeurs, gens <strong>de</strong> presse,etc. et le tout sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> trois académiciens, formant ce qu’on appelle le « bureau »,d’après la place occupée surplombant l’assistance. Ce bureau est composé du prési<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> la séance, du Secrétaire perpétuel et du directeur du trimestre <strong>de</strong> l’Académiefrançaise.


<strong>Les</strong> académiciens, au début <strong>de</strong> la cérémonie, se trouvent encore dans la Bibliothèque<strong>de</strong> l’Institut, au 1 er étage, alors que le public a déjà pris place. C’est au son <strong>de</strong>sroulements <strong>de</strong> tambour <strong>de</strong> la Gar<strong>de</strong> Républicaine et sous les flashs <strong>de</strong>s photographesque les Immortels <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la bibliothèque – par un escalier assez rai<strong>de</strong> d’ailleurs– et prennent place sous la Coupole, pendant que l’assistance reste <strong>de</strong>bout.Le cérémonial consiste en un discours prononcé par le nouvel académicien, (discoursdéjà auditionné par un comité <strong>de</strong> lecture restreint), et <strong>de</strong>vant faire l’éloge <strong>de</strong>l’académicien disparu dont il va dorénavant occuper le fauteuil. Cette coutume provientexactement <strong>de</strong> septembre 1640, lors <strong>de</strong> la réception <strong>de</strong> l’écrivain Olivier Patru. Il fut lepremier à prononcer un discours <strong>de</strong> remerciement, et il fut tellement apprécié qu’ilinaugura une nouvelle coutume, comme l’explique l’académicien Paul Pellisson, soncontemporain : « A sa réception, Patru prononça un fort beau remerciement dont on<strong>de</strong>meura si satisfait qu’on a obligé tous ceux qui ont été reçus <strong>de</strong>puis d’en faireautant. ». [ Voir supra, I, §1]. L’académicien peut aussi traiter d’un sujet <strong>de</strong> littérature,comme Voltaire qui traita « Des effets <strong>de</strong> la poésie sur le génie <strong>de</strong>s langues », Jean <strong>de</strong>Montigny <strong>de</strong>s « Réflexions sur les langues », ou Jean <strong>de</strong> la Bruyère qui fit un « Portraitdu cardinal <strong>de</strong> Richelieu. ».Après ce premier discours, qui aujourd’hui dure environs quarante-cinq minutes, unautre académicien prend à son tour la parole pour un second discours, cette fois faisantl’éloge du nouvel élu. D’après les Statuts et Règlements, c’est le « directeur dutrimestre où la vacance aura été notifiée [qui] répondra au récipiendaire, et quiprési<strong>de</strong>ra l’assemblée ; à son défaut, le chancelier, et à défaut <strong>de</strong> celui-ci, un autreacadémicien. ».Mais, faire l’éloge d’un autre académicien peut s’avérer difficile. Ainsi, lorsque VictorHugo accè<strong>de</strong> au fauteuil 14 <strong>de</strong> l’Académie, en 1841, il doit faire l’apologie d’un <strong>de</strong> sesplus fermes opposants Népomucène Lemercier : il s’en sort en parlant plus <strong>de</strong> politiqueque <strong>de</strong> littérature. En 1952, quand André François-Poncet prend la place laissée vacantepar Philippe Pétain à l’Académie, il réussit à parler du maréchal <strong>de</strong> façon impartiale,« en évitant les pièges d’un passé équivoque ». Plus récemment et plus cocasse, laréception <strong>de</strong> François Weyergans au fauteuil 32 <strong>de</strong> l’Académie française, le jeudi 16juin 2011, bouleverse quelque peu le protocole, comme l’explique un article du NouvelObservateur et du Mon<strong>de</strong>.fr. Ainsi, l’écrivain et cinéaste <strong>de</strong>vait déjà faire <strong>de</strong>ux élogesdans son discours: celui <strong>de</strong> Maurice Rheims, décédé en 2003, et <strong>de</strong> son successeur,Alain Robbe-Grillet, élu en 2004 et mort en 2007, qui refusa <strong>de</strong> porter le costume vert,ne fit donc jamais l’éloge <strong>de</strong> son prédécesseur et ne siégea donc jamais à l’Académiemalgré son élection. Quant à Weyergans, connu pour être sujet aux pannes d’écriture, ilfut reçu vingt-sept mois après son élection, presque un record. Erik Orsenna, chargé <strong>de</strong>faire le discours <strong>de</strong> réponse lors <strong>de</strong> la cérémonie, <strong>de</strong>vait d’ailleurs commencer par un« Nous avons failli attendre ». Le comble fut que Weyergans arriva à la cérémonie enson honneur avec quinze minutes <strong>de</strong> retard, ce qui obligea Orsenna à commencer sondiscours sans le principal intéressé ! Son introduction prit ainsi une tournure comique :« Monsieur, Vous voici. Vous voici enfin! Élu le 26 mars 2009, reçu aujourd’hui, 27mois plus tard. Nous avons failli attendre. Pourtant, la manière dont vous aviez menécampagne, tambour battant, semblait indiquer une vive impatience à nous rejoindre.Las, les prétextes ont commencé. C’était le choix du tailleur, qui vous torturait trop.C’était la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’année, redoutable, disiez-vous, pour les allergies. C’était unemauvaise configuration <strong>de</strong>s astres. C’était surtout la rédaction <strong>de</strong> votre discours, dontla seule idée vous plongeait dans les affres. Vous êtes même allé jusqu’à me mettre encause, moi, celui qui, joyeusement, qui, fébrilement, qui, impatiemment, s’apprêtait à


déroge tout <strong>de</strong> même pas à la règle, il ne prononcera jamais le nom d'Anatole Francedans son discours <strong>de</strong> réception du 23 juin 1927. En effet, il n'a jamais pardonné àAnatole France d'avoir refusé à Mallarmé la publication <strong>de</strong> l'Après-midi d'un faune en1874 dans la revue Le Parnasse contemporain. Il use alors <strong>de</strong> tours qui se veulent plusinventifs les uns que les autres : « Lui-même n’était possible et guère concevable qu’enFrance, dont il a pris le nom. Sous ce nom, difficile à porter, et qu’il fallait tantd’espoirs pour oser prendre, il a conquis la faveur <strong>de</strong> l’univers. », jouant à plusieursreprises sur l'homonymie avec l'État français : « Mais c’est d’une France assezdifférente, <strong>de</strong> la douce, distraite et délicate France, et presque d’une France un peu lasseet apparemment désabusée, que son illustre homonyme a peint élégamment l’imagevéritable et trompeuse. » Ou encore usant <strong>de</strong> périphrase comme « mon illustreprédécesseur », « Votre docte et subtil confrère ». Dans la même veine que Paul Valéry,mais pour <strong>de</strong>s raisons bien différentes, Jules Romains refusa catégoriquement <strong>de</strong> fairel'éloge <strong>de</strong> son prédécesseur, Abel Bonnard, figure du gouvernement <strong>de</strong> Vichy et partisan<strong>de</strong> la collaboration avec l'occupant sous la Secon<strong>de</strong> Guerre Mondiale.3- Edmond Rostand :Et enfin, puisqu'il faut bien clôturer, prenons celui d'Edmond Rostand, prononcé le 4juin 1903. Le poète et dramaturge, avec humour et ironie, débute par un adieu à laforme poétique et caricature sa position <strong>de</strong> nouveau venu, en se mettant en scène <strong>de</strong>vantles immortels : « Je n’ai jamais été plus tenté <strong>de</strong> ne pas parler en prose. Au momentd’entreprendre ce discours, j’aurais volontiers recouru, pour me donner <strong>de</strong> la hardiesse,à une fiction d’auteur dramatique. Il m’eût été commo<strong>de</strong> d’imaginer que j’écrivais unepièce dans laquelle il arrivait à un tout indigne poète ce qui vient, paraît-il, <strong>de</strong>m’arriver ; et vous conviendrez, Messieurs, qu’une pièce où il y a <strong>de</strong> cesinvraisemblances ne saurait être qu’en vers. « Supposons », me serais-je dit, « que j’ensuis à la gran<strong>de</strong> scène <strong>de</strong> la réception, au discours à faire ; il faut que mon personnageaffronte l’illustre et terrible Compagnie... C’était du théâtre héroïque ; j’y aurais peutêtreréussi ; j’aurais eu pour mon héros <strong>de</strong> plus abondantes bravoures que pour moimême; et j’aurais fait mon discours en croyant faire le sien. Mais j’ai pris gar<strong>de</strong> que jene <strong>de</strong>vais pas chercher à me faciliter l’épreuve ; je m’abstiendrai donc du langage quim’est le moins étranger, encore qu’il soit peu raisonnable <strong>de</strong> doubler les émotions, et <strong>de</strong>vouloir débuter ensemble sous la Coupole et dans la prose. », fit-il avant d'entamerl'éloge <strong>de</strong> son prédécesseur, le vicomte Henri <strong>de</strong> Bornier.BibliographieDURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Académie française. [en ligne]. Paris, ca. 2006 [consulté le01/04/2012]. Disponible sur Internet: < http://www.aca<strong>de</strong>mie-francaise.fr>III- Le travail <strong>de</strong> l’académicien(ne)A- Autour du dictionnaire <strong>de</strong> l’Académie française (Fabien Gaston)Le dictionnaire <strong>de</strong> l’Académie Française qui constitue le travail principal <strong>de</strong>sacadémiciens a été créé dans un souci <strong>de</strong> pureté <strong>de</strong> la langue. D’après le règlement <strong>de</strong>l'Académie française <strong>de</strong> 1635, évoqué dans la préface à la neuvième édition, « laprincipale fonction <strong>de</strong> l'Académie sera <strong>de</strong> travailler avec tout le soin et toute la diligencepossibles à donner <strong>de</strong>s règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et


capable <strong>de</strong> traiter les arts et les sciences. » Autrement dit, le but du DAF (Dictionnaire<strong>de</strong> l’Académie Française) est <strong>de</strong> prôner le bon usage et l’universalité <strong>de</strong> la languefrançaise. La première édition est parue en 1694, près <strong>de</strong> soixante ans après la création<strong>de</strong> l’Académie française par le cardinal <strong>de</strong> Richelieu. Aujourd’hui nous en sommes à laneuvième édition du DAF qui est toujours en cours délaboration. Elle comportera plus<strong>de</strong> 15.000 mots nouveaux par rapport à la huitième édition <strong>de</strong> 1935 qui comptait environ35.000 mots. Le travail <strong>de</strong> préparation du dictionnaire s’effectue par une douzaine <strong>de</strong>collabarateurs universitaires. En premier lieu, ils ont la charge <strong>de</strong> repérer les mots qu’ilconvient d’admettre et qui ne figuraient pas dans la précé<strong>de</strong>nte édition ; ensuite ils ontpour but <strong>de</strong> préparer <strong>de</strong>s définitions pour ces mots nouveaux en tenant compte <strong>de</strong>susages et <strong>de</strong>s co<strong>de</strong>s propres au dictionnaire <strong>de</strong> l’Académie française, enfin ils modifientou complètent les définitions <strong>de</strong>s mots que l’usage a fait évoluer dans le temps. Une foisce travail <strong>de</strong> préparation terminé, ce <strong>de</strong>rnier est soumis au Secrétaire perpétuel et à laCommission du Dictionnaire pour vérification et approbation.La Commission du Dictionnaire se réunit une fois par semaine et est aujourd’huicomposée d’Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel, ainsi que <strong>de</strong> neufacadémiciens immuables.Considéré comme le grand dictionnaire <strong>de</strong> la pérennité il n’en <strong>de</strong>meure pas moinsvilipendé par certains. Maurice Druon, ancien Secrétaire perpétuel à l’AcadémieFrançaise, bien conscient <strong>de</strong> ces réprobations <strong>de</strong>puis la première édition, évoque luimêmeces accusations dans la préface à la neuvième édition du DAF. « <strong>Les</strong> doléanceset les plaisanteries que suscitent les lenteurs du Dictionnaire sont presque aussianciennes que l'Académie elle-même. » L’un <strong>de</strong>s premiers <strong>de</strong> ces détracteurs fut Colbertqui « trouvait que le travail du Dictionnaire n’avançait pas assez à son gré ... »(Mémoire <strong>de</strong> l’abbé Régnier, cité par d’Olivet).Nous pouvons également mettre en lumière un document provenant du département<strong>de</strong>s manuscrits <strong>de</strong> la Bibliothèque impériale intitulé « Projet <strong>de</strong> réforme <strong>de</strong> la rédactiondu Dictionnaire » daté du 24 juin 1727, qui fait clairement état <strong>de</strong> la nullité du DAF etregorge <strong>de</strong> propositions pour y remédier. Ce document étant anonyme il fut étudié poursavoir qui en était l’auteur. Henri Bordier, archiviste à la Bibliothèque Nationale <strong>de</strong>France attribua finalement ce document à l'abbé d'Olivet et l’édita en même tempsqu'une lettre et un autre mémoire avec cette déclaration pour seule garantie : « ellesnous paraissent <strong>de</strong> l 'abbé d'Olivet et sont dignes <strong>de</strong> son bon goût.» De nouveau lalenteur du travail du dictionnaire est critiquée ainsi que l’incompétence <strong>de</strong>sacadémiciens.Avec leur travail sur le dictionnaire , les académiciens veulent garantir la pérénnité <strong>de</strong>la langue française et désirent préconiser son bon usage. Une autre composanterelativement récente vient s’ajouter à cette fonction première du DAF. Il s’agit <strong>de</strong> laportée culturelle du dictionnaire. En premier lieu on peut parler <strong>de</strong> la mise à dispositiondu public du dictionnaire sur internet. Ce processus d’informatisation concerne la<strong>de</strong>rnière version, actuellement incomplète, du DAF. Il est donc possible <strong>de</strong> consulter les<strong>de</strong>ux premiers tomes <strong>de</strong> la neuvième édition qui ont été numérisés en 2000/2001. <strong>Les</strong>académiciens sont conscients <strong>de</strong> l’étendue <strong>de</strong> leur travail autour du DAF, ils nerecherchent point l’exhaustivité mais s’attachent à y introduire <strong>de</strong>s éléments nouveaux.Outre la disponibilité en ligne, le DAF avec sa <strong>de</strong>rnière édition, se voit dotéd’indications étymologiques pour chaque mot ainsi que <strong>de</strong>s indications orthographiqueset normatives. Autre élément novateur, pour certains mots les académiciens ont fait lechoix <strong>de</strong> mentionner le titre d’oeuvres célèbres. On retrouve donc au mot COMIQUE : Lecomique <strong>de</strong> Molière, <strong>de</strong> Labiche, <strong>de</strong> Fey<strong>de</strong>au ou encore au terme AMOUR : Titres célèbres : <strong>Les</strong>Amours, recueil <strong>de</strong> vers <strong>de</strong> Ronsard (1552-1556) ; L’Amour mé<strong>de</strong>cin, comédie <strong>de</strong> Molière (1665) ; De


Bibliographie- CAPUT, Jean-Pol. L'Académie française. Paris : Presses universitaires <strong>de</strong> France,1986. 127 p.2- L’argent et l’Institut (Thomas Birlana)Un grand mystère entoure d’ailleurs l’origine <strong>de</strong>s fonds <strong>de</strong> l’Académie pour financerson dictionnaire, ses diverses œuvres sociales, ses prix littéraires, ses jetons <strong>de</strong> présenceet autres, le Quai Conti étant très discret sur la question. Jean-Mathieu Pasqualini, leDirecteur <strong>de</strong> cabinet <strong>de</strong> l’Académie française, a tout <strong>de</strong> même accepté <strong>de</strong> répondre à uncourriel sur le sujet, et résume ainsi le travail <strong>de</strong> l’Académie : « L’Académie française areçu <strong>de</strong> ses fondateurs la mission <strong>de</strong> « donner <strong>de</strong>s règles certaines à notre langue »,notamment par le moyen d’un dictionnaire, qui enregistre le « bon usage » et sert <strong>de</strong>référence à tous les autres. Pour remplir cette mission d’intérêt général, la Compagniereçoit chaque année – sous la forme d’une subvention – une ai<strong>de</strong> financière <strong>de</strong> l’Étatdont le montant n’excè<strong>de</strong> pas 4% <strong>de</strong> son budget. Le statut juridique <strong>de</strong>s Académies,défini par la loi du 18 avril 2006 pour la recherche, ne fait plus référence à unequelconque tutelle ministérielle, les cinq compagnies étant définies comme <strong>de</strong>spersonnes morales <strong>de</strong> droit public à statut particulier placées sous la protection duPrési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République. Grâce à la générosité <strong>de</strong> nombreux donateurs oufondateurs, l’Académie est également en mesure <strong>de</strong> décerner tous les ans quelquequatre-vingts prix littéraires et d’attribuer une centaine <strong>de</strong> prix d’œuvres sociales,auxquels s’ajoutent une trentaine <strong>de</strong> bourses d’étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinées à <strong>de</strong>s étudiantsfrancophones. ».Ainsi, outre la participation minime <strong>de</strong> l’Etat, l’Académie, et plus largement l’Institut<strong>de</strong> France, bénéficient donc d’un système important <strong>de</strong> legs et <strong>de</strong> donations pourpourvoir à ses besoins (même si l’on peut supposer que <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 300 ans quel’Académie et l’Institut existent, l’argent qu’a légué Mazarin à ces institutions qu’il afondées ait pu servir <strong>de</strong> bonne base budgétaire pouvant encore ai<strong>de</strong>r aujourd’hui). Quoiqu’il en soit, tout le mon<strong>de</strong> peut donner à l’Institut et à ses Académies.Certains dons sont évi<strong>de</strong>mment plus importants que d’autres et permettent ainsi <strong>de</strong>créer et <strong>de</strong> financer certains Prix ou œuvres sociales. Pour l’Académie française, lesmédailles du mécénat permettent d’ailleurs d’en apprendre un peu plus sur l’importance<strong>de</strong> ces legs. Cette récompense créée en 1987 permet d’honorer les mécènes qui ont leplus aidé par leurs dons l’Académie à remplir son rôle. Ainsi, le Premier Ministrecanadien Brian Mulroney, fit un don en 1986 <strong>de</strong> 400 000 dollars pour l’ouverture dufond du Grand Prix <strong>de</strong> la Francophonie, aidé <strong>de</strong>puis par d’autres dons, ceux <strong>de</strong>prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> firmes canadiennes, mais aussi <strong>de</strong> Son Altesse Sérénissime le PrinceRainer III <strong>de</strong> Monaco, ou d’Edouard Balladur, ministre d’Etat, <strong>de</strong> l’Economie, <strong>de</strong>sFinances et <strong>de</strong> la Privatisation, qui supprima aussi la fiscalité sur les prix littéraires. Onpeut donc supposer que tous ces dons <strong>de</strong> personnalités ou <strong>de</strong> fondations permettent <strong>de</strong>créer et <strong>de</strong> financer les Grands Prix, Prix <strong>de</strong> Fondation, œuvres sociales, bourses etai<strong>de</strong>s, comme celle pour les familles nombreuses, pour les veuves ou pour certainespersonnes défavorisées, toutes importantes pour l’Académie.Toutefois, d’après l’hebdomadaire Marianne, un scandale entache l’image <strong>de</strong> l’illustreInstitut <strong>de</strong> France, avec ce que certains membres appellent entre eux « l’affaireauditorium ». Ainsi, pour la construction prévue en 2013 d’un nouvel auditorium sur un


terrain annexe que l’Institut acquit en 2008, il semble que l’institution se soitcompromise dans la récente affaire impliquant l’ancien trésorier <strong>de</strong> l’UMP Eric Woerthet l’héritière <strong>de</strong> l’Oréal, Liliane Bettencourt, importante mécène <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> France.Dans cette affaire où il est question d’abus <strong>de</strong> confiance sur la personne d’unerichissime octogénaire, l’Institut, qui avait besoin <strong>de</strong> plusieurs millions d’euros pour lebudget lié au futur auditorium, aurait alors fait appel à l’avocat en charge <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong>la milliardaire. Un chèque <strong>de</strong> 10 millions d’euros aurait dû être versé par l’entremise <strong>de</strong>la fondation <strong>de</strong> Liliane Bettencourt. Fondation dans laquelle siègent au conseild’administration Marc Ladreit <strong>de</strong> Lacharrière, membre <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>s beaux-arts, etsurtout Gabriel <strong>de</strong> Broglie, membre <strong>de</strong> l’Académie <strong>de</strong>s sciences morales et politiques et<strong>de</strong> l’Académie française, ainsi que Chancelier <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> France. Mais la fille <strong>de</strong>l’héritière <strong>de</strong> l’Oréal, Françoise Bettencourt-Meyers réussit à geler l’investissement,empêchant aussi l’Institut <strong>de</strong> remettre dorénavant les fameux prix scientifiques Coupd’élan Bettencourt.En relatant cette affaire, le journal Marianne met aussi en lumière la façon dontl’Institut « semble échapper à peu près à tous les contrôles » et les privilèges quesemble en tirer le chancelier Gabriel <strong>de</strong> Broglie « généreux avec lui-même » et avec sesamis. L’institution semble donc brasser <strong>de</strong>s millions, <strong>de</strong>s zones d’ombre subsistantencore sur la provenance <strong>de</strong> certains fonds.Bibliographie-­‐ DURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Le rôle. [en ligne]. Paris : Académie française, 2012. [consultéle 01/04/2012]. Disponible sur Internet : < http://www.aca<strong>de</strong>mie-francaise.fr>-­‐ DURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Mécénat : œuvres sociales, Médailles du mécénat [en ligne].Paris : Académie française, 2012. [consulté le 01/04/2012]. Disponible sur Internet : -­‐ PLOQUIN, Frédéric. Scandale à l’Institut. Marianne, 2012, n°779, p.60 -65.C- <strong>Les</strong> prix <strong>de</strong> l’académie française : (Cloé Bosc)1- La tradition <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> l'Académie :Selon Jean-Pol Caput, cet aspect <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong> l'Académie n'avait pas été prévu parRichelieu dans les statuts initiaux : « Il se réservait la prérogative <strong>de</strong> récompenser luimêmeceux qu'il en jugeait dignes ». Guez <strong>de</strong> Balzac est le premier à créer un prix en1654 : il fon<strong>de</strong> le prix d'éloquence qui sera décerné tous les <strong>de</strong>ux ans à l'issue d'unconcours. Ce prix <strong>de</strong> 300 livres sera attribué pour la première fois en 1671 et seradécerné jusqu'à la Révolution. On peut noter que Fontenelle et Chamfort le recevront.Puis le prix <strong>de</strong> Poésie est créé par Pellisson, Conrart et Bazin <strong>de</strong> Bezons : il s'agissaitd'une médaille d'or à l'effigie <strong>de</strong> Louis XIV : en effet le thème était au départ <strong>de</strong> faire unéloge du roi. <strong>Les</strong> prix d'éloquence et <strong>de</strong> poésie sont ensuite attribués tous les quatre anset dotés <strong>de</strong> 600 livres. En parallèle à ces prix, il est intéressant <strong>de</strong> noter que <strong>de</strong>sparticuliers vont créer <strong>de</strong>s fondations et remettre <strong>de</strong>s prix à <strong>de</strong>s familles en difficulté et« méritantes ». En 1819, M. <strong>de</strong> Montyon crée le premier <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> vertu. Il existe aussile prix Gobert, créé en 1833. L'un <strong>de</strong>s plus connus, qui existe encore aujourd 'hui, est leprix <strong>de</strong> la fondation Cognacq-Jay, <strong>de</strong>stiné aux familles nombreuses. Ce prix est crééaprès la première guerre mondiale et c'est l'Académie Française, en raison <strong>de</strong> son« grand prestige moral et <strong>de</strong> sa longue expérience <strong>de</strong>s oeuvres sociales » qui s'est vu


confier « la charge délicate <strong>de</strong> répartir les dons consentis » (Clau<strong>de</strong>-Marie Durix).D'autres oeuvres <strong>de</strong> mécénat existent, notamment l'attribution <strong>de</strong> bourses pour <strong>de</strong>sétudiants.2- <strong>Les</strong> prix aujourd'huiAujourd'hui, l'Académie décerne plus <strong>de</strong> 70 prix littéraires. Comment fonctionnel'Académie en ce domaine ? Par la « diversité <strong>de</strong>s hommes qui la composent,l'Académie française est unanimement considérée comme un « jury » qualifié pourformuler <strong>de</strong>s choix avisés en matière <strong>de</strong> littérature ou <strong>de</strong> sciences humaines » (Clau<strong>de</strong>-Marie Durix). Des dons et <strong>de</strong>s legs sont faits par les mécènes, l'Académie déci<strong>de</strong> ensuite<strong>de</strong>s talents à récompenser. Parmi les principaux prix figurent ceux <strong>de</strong> poésie, <strong>de</strong>littérature, du roman, <strong>de</strong> philosophie, <strong>de</strong> biographie, <strong>de</strong> critique... <strong>Les</strong> prix <strong>de</strong> fondationquant à eux ont été institués « pour respecter la volonté <strong>de</strong>s donateurs ». Ainsi le prixGobert est un prix d'histoire, le prix Moron un prix <strong>de</strong> philosophie et le prix René Clairun prix <strong>de</strong> cinéma. Ils récompensent <strong>de</strong>s « oeuvres <strong>de</strong> poésie, <strong>de</strong> philosophie, <strong>de</strong>littérature, d'histoire, <strong>de</strong> critique d'art ». Enfin il existe aussi le grand prix <strong>de</strong> laFrancophonie, <strong>de</strong>puis 1986, « créé à l'initiative du gouvernement canadien, auquel sesont associés ensuite les gouvernements français, monégasque et marocain, ainsi que<strong>de</strong>s donateurs privés » et qui « couronne chaque année l'oeuvre d'une personne physiquefrancophone qui, dans son pays ou à l'échelle internationale, aura contribué <strong>de</strong> façonéminente au maintien et à l'illustration <strong>de</strong> la langue française ». Pour choisir les lauréats<strong>de</strong> ces prix, l'Académie se divise en commissions spécialisées pour chaque prix. <strong>Les</strong>prix les plus connus aujourd'hui sont plutôt récents dans l'histoire <strong>de</strong> l'Académie : leGrand Prix <strong>de</strong> littérature date <strong>de</strong> 1911, le Grand Prix du roman <strong>de</strong> 1919 et le Grand Prix<strong>de</strong> poésie <strong>de</strong> 1957.Pour les Grands Prix, les auteurs ne candidatent pas : ce sont les Académiciens euxmêmesqui choisissent les candidats. Le règlement <strong>de</strong>s concours stipule qu'il ne peut yavoir <strong>de</strong> candidat à titre posthume, et qu'un « ouvrage préfacé par un membre <strong>de</strong>l'Académie ne peut être présenté aux concours ».3- Le rayonnement <strong>de</strong>s prix littéraires décernés par l'Académie et laconcurrence <strong>de</strong>s prix créés par les médiasOn peut souligner le fait que sur ces dizaines <strong>de</strong> prix décernés par l'Académie,seulement le Grand Prix <strong>de</strong> Littérature et le Grand Prix du Roman sont évoqués dans lapresse et les médias. <strong>Les</strong> autres prix s'apparentent plus à <strong>de</strong>s subventions ou à <strong>de</strong>srécompenses honorifiques.Aujourd'hui, l'Académie est loin d'être la seule instance à remettre <strong>de</strong>s prix littéraires ;en 2000 le nombre <strong>de</strong>s autres prix atteint le « vertigineux total <strong>de</strong> 1322 pour leslittératures <strong>de</strong> langue française» selon Dozo Bjorn-Olav et Michel Lacroix, « alors quecent ans plus tôt, on ne pouvait guère compter que ceux <strong>de</strong> l'Académie française et <strong>de</strong> laSociété <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> lettres ». Le premier prix à faire concurrence aux prix <strong>de</strong>l'Académie est le prix Goncourt, « premier à se constituer en réaction au monopoleexclusif détenu par l'Académie française, voie royale <strong>de</strong> reconnaissance publique pourl'homme <strong>de</strong> lettres » (Sylvie Ducas-Spaes). Il est intéressant <strong>de</strong> noter que ce prix viseaussi à réhabiliter le roman, très peu mis en valeur par l'Académie : le Goncourt est créé« en réaction à l'interdit académique qui a longtemps frappé le romancier, ostracisme lié


au mépris pour un genre considéré comme populaire, hybri<strong>de</strong> et mineur, alors mêmeque le roman est la forme que prend la mo<strong>de</strong>rnité littéraire ». La concurrence estd'autant plus forte que les membres du jury Goncourt « souscrivent à une esthétiquenaturaliste trouvant alors audience auprès du plus grand nombre ». C'est le succès duprix Goncourt qui incite l'Académie à fon<strong>de</strong>r son propre prix du roman. Cette« stratégie collective d'accès à la légitimation littéraire » motivée par la création duGoncourt fait vite <strong>de</strong>s émules, et les prix littéraires se multiplient. Dans ce nouveaupaysage littéraire français, s'instaure une opposition entre la vision conservatrice <strong>de</strong>l'Académie et « les avant-gar<strong>de</strong>s littéraires incarnées par les revues et les cénacles ». Deplus en plus <strong>de</strong> prix littéraires sont également créés par <strong>de</strong>s médias (Grand Prix <strong>de</strong>sLectrices <strong>de</strong> Elle, Prix du Livre Inter...), prix décernés par <strong>de</strong>s lecteurs ou auditeurs <strong>de</strong>smédias en question, fondés sur l'idée <strong>de</strong> choix sincères et portés par l'enthousiasme <strong>de</strong>lecteurs lambda. Dans cet esprit, l'avant-propos du questionnaire <strong>de</strong> candidature au jurydu prix lancé par Elle précise : « La liberté et l'honnêteté critique triomphent avanttout ». Ainsi l'Académie, « bastion du conservatisme et <strong>de</strong> l'arrière-gar<strong>de</strong> littéraire » doitfaire face à ces nouveaux prix qui « misent habilement sur l'intronisation du lecteurroi ».BibliographieBJORN-OLAV, Dozo, LACROIX Michel. Petits dîners entre amis (et rivaux) : prix,réseaux et stratégies <strong>de</strong> consacrants dans le champ littéraire français contemporain.Contextes, 2010, 7.CAPUT, Jean-Pol. L'Académie française. Paris : Presses Universitaires <strong>de</strong> France, 1986.127 p.DUCAS-SPAES, Sylvie. Prix littéraires consacrés par les médias. Pour une nouvellevoie d'accès à la consécration littéraire ? Réseaux, 2003, 117, p. 47-83.DURIX, Clau<strong>de</strong>-Marie. Académie française. [en ligne]. Paris, ca. 2006 [consulté le01/04/2012]. Disponible sur Internet:< http://www.aca<strong>de</strong>mie-francaise.fr/ >FUMAROLI, Marc. Trois institutions littéraires. Paris : Gallimard, 1994. 365 p.IV- De la perception <strong>de</strong> l’Académie française dans la presse (Agata Makina)Au départ l’Académie <strong>de</strong>vrait défendre la tradition <strong>de</strong> la langue française. Cette imagenous pouvons la trouver dans un journal comme Le Figaro. Le supplément « Le FigaroLittéraire » dans l’histoire <strong>de</strong> la presse française est souvent surnommé « l'antichambre<strong>de</strong> l'Académie ». De grands écrivains y défen<strong>de</strong>nt la tradition littéraire française. Parmiles académiciens qui y ont publiés (ou y publient aujourd’hui), nous pouvonsmentionner François Mauriac, Georges Duhamel, Paul Valéry, Francis Ambrière, PaulClau<strong>de</strong>l, Robert Kemp, ou Léon-Paul Fargue. Par conséquent Le Figaro Littéraire est<strong>de</strong>venu une sorte d’autorité en matière <strong>de</strong> littérature. Mais ce journal semble êtrel’exception qui confirme la règle. En effet, une majorité <strong>de</strong> la presse française se faitl’écho d’une incompréhension générale face à cette institution.


A- L’Académie Francaise : une institution perçue comme désuète.En premier lieu, l’Académie Française est souvent perçue comme une institutiondésuète. En effet, elle apparaît comme la gardienne <strong>de</strong>s dogmes et <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> lalangue française. Or, une langue vivante est, par nature, en constante évolution dans lasociété. Ainsi, le rôle <strong>de</strong> l’Académie française est souvent considéré comme futile. Unexemple qui révèle tout particulièrement ce paradoxe est le fait <strong>de</strong> nommer encore cesacadémiciens : les « Immortels ».Pour montrer « le poids » <strong>de</strong> l’immortalité <strong>de</strong>s académiciens nous pouvons évoquer le<strong>de</strong>rnier scandale repris dans la plupart <strong>de</strong>s journaux. Ce qui est paradoxal, c’est que cescandale fut déclenché par Le Figaro, réputé communément être un ami fidèle <strong>de</strong>l’Académie. Il s’agit d’un supplément qui parut le 8 mars 2012. Douze Académiciensont été interrogés, en vertu <strong>de</strong> leur titre d’immortel, sur leur rapport au temps. Croyantparticiper à une oeuvre philosophique, ils ont découvert horrifiés que leurs interviewsavaient été utilisées comme publicité pour une marque connue <strong>de</strong> l’horlogerie <strong>de</strong> luxe etont émis « une protestation solennelle contre la manipulation dont ont été victimesplusieurs <strong>de</strong> ses membres <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> journalistes du Figaro ». Le Figaro s’est excuséen disant qu’il "déplorait ce regrettable malentendu" dans une réponse transmise àl'Agence France-Presse. Après cette affaire, ont été publiés dans les autres journaux, <strong>de</strong>sarticles ironiques sur la « trahison » du Figaro envers ses amis <strong>de</strong> L’AcadémieFrançaise.Ainsi, l’Académie française donne-t-elle l’impression que son travail n’est qu’un vœupieux, et ses académiciens, <strong>de</strong>s personnes uniquement attirées par le prestige <strong>de</strong> lafonction. Nous verrons dans la partie suivante, les différents partis pris critiques <strong>de</strong> lapresse à ce sujet.B- Le rapport entre l’Académie et la politique : les élections présentées comme un faitdivers.La presse ironise souvent sur certains académiciens qui n’ont pas toujours lecurriculum vitae type d’un littéraire. En effet, ce qui est critiqué c’est l’aspect politique<strong>de</strong> l’Académie : le choix <strong>de</strong>s académiciens. De même que la mort d’un académicien nefait que rarement les gros titres <strong>de</strong> la presse, son élection est un non-événement. Eneffet, cela n’a pas beaucoup d’importance pour un Français moyen <strong>de</strong> savoir qui seraélu. En réalité, ces élections sont plutôt l’occasion pour la presse <strong>de</strong> critiquer etd’ironiser sur les candidats. La presse enquête très attentivement sur chacun d’eux et surtout ce qui se passe autour <strong>de</strong> l’Académie Française. Mais ces enquêtes sont, pour laplupart, <strong>de</strong>stinées à dévoiler le véritable aspect <strong>de</strong> l’Académie française. En effet, selonla presse, cette académie n’est qu’une institution <strong>de</strong> prestige et n’est là que pourvaloriser la vie <strong>de</strong> certaines personnes publiques. Ainsi, par exemple Le NouvelObservateur décrit les élections <strong>de</strong> la façon suivante : « C'est un combat <strong>de</strong> titans. On enfrémit. La France entière a les yeux tournés vers eux. L'étranger aussi. Il est vrai quel'enjeu est capital ». <strong>Les</strong> Immortels sont même nommés dans cet article : « la compagnie<strong>de</strong> Shrek ».


Dans l’Académie, se trouvent <strong>de</strong>s hommes « puissants » mais qui ne sont pasnécessairement illustrés pour leur contribution à la littérature française. La presse trèssouvent ridiculise les candidats et les académiciens, en dévoilant qu’il ne faut pas êtreun grand écrivain pour entrer à l’Académie Par exemple, nous pouvons évoquerl’élection à l’Académie <strong>de</strong> Jules Hofman, lauréat du Prix Nobel <strong>de</strong> biologie. Le NouvelObservateur commente son élection <strong>de</strong> la façon suivante :« Un biologiste qu’il a fait ses découvertes les plus importantes sur la résistance antibactérienne– découvertes qui ont apparemment permis <strong>de</strong>s découvertes importantes àpropos <strong>de</strong>s mammifères. En d’autres termes, grâce à lui, si l’on comprend comment <strong>de</strong>sindividus survivent, on pourra peut-être comprendre les Immortels. »La façon <strong>de</strong> candidater à ces élections est aussi objet d’ironie. Par exemple un regardironique se manifeste aussi dans un article paru à l’ocassion <strong>de</strong> la publication du livre<strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> l'Académie française <strong>de</strong> Christophe Carlier. L’auteur <strong>de</strong> cet article donne« <strong>de</strong>s conseils » aux futurs candidats. Ainsi le candidat doit-il faire preuve d’humilité,d’humour et <strong>de</strong> patience et surtout… ne doit pas se montrer trop doué.La presse trouve aussi qu’on ne peut pas séparer l’attitu<strong>de</strong> politique <strong>de</strong>s candidats etleur contribution à la littérature (bien que cette <strong>de</strong>rnière soit assez limitée pour certains).Pour l’élection <strong>de</strong> Simon Veil, la presse a plus commenté son rapport sur l’euthanasie etl’avortement que sa contribution à la littérature (ou à l‘éducation littéraire). Cetteélection fut d’ailleurs fortement critiquée par les milieux <strong>de</strong> droite. Un autre exemplemontrant l’impossibilité <strong>de</strong> séparer les académiciens <strong>de</strong> leur vie publique est lacandidature <strong>de</strong> Patrick Poivre d’Arvor. Ici la presse apporte un regard critique etdémontre la contradiction <strong>de</strong> ces élections. L’homme, accusé <strong>de</strong> plagiat, pose sacandidature à l’Académie. Le Nouvel Observateur ironise en écrivant : « C’est presqueofficiel : Patrick Poivre d’Arvor compte déclarer sa candidature à l’Académie ce jeudi.Enfin un «candidat sérieux» ». Sur sa candidature, Le Mon<strong>de</strong> qualifie Patrick Poivred’Arvor <strong>de</strong> « personnalité connue et [l’] auteur d’une cinquantaine <strong>de</strong> livres. PatrickPoivre d’Arvor a néanmoins une réputation écornée, qui pourrait effrayer lesimmortels». L’Express ajoute: « Malgré quelques dizaines <strong>de</strong> romans et <strong>de</strong> récitspubliés, PPDA n’a pas marqué notre littérature <strong>de</strong> son empreinte. (...) Il disposenéanmoins d’une arme : son émission La traversée du miroir, diffusée chaque dimanchesur France 5. En observant la liste <strong>de</strong> ses invités <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années (...), on note,heureux hasard, que nombre d’académiciens furent invités sur son plateau : Jean-Christophe Rufin, Max Gallo, Dominique Fernan<strong>de</strong>z, Michel Serres, Michel Déon, Jeand’Ormesson, Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Loup Dabadie, Simone Veil (...).».Finalement, à cette occasion Le Nouvel Observateur rapelle un fait connu <strong>de</strong>puislongtemps « La vague <strong>de</strong> “PPDA-bashing” dissimule la triste situation dans laquellel’Institut se trouve : aucun grand nom ne veut y mettre les pieds.» De fait, cetteinstitution est <strong>de</strong>venue pour la presse une sorte <strong>de</strong> coquille vi<strong>de</strong>, caricaturable.C- <strong>Les</strong> caricatures.Autant sur Internet que dans la presse nous trouvons une gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong>caricatures tant sur certain(e)s académicien(ne)s que sur leur principale activité.


L’image relayée dans la presse est donc celle d’une Académie dégradée dont la rigi<strong>de</strong>étiquette et le conservatisme, couplés paradoxalement à une pipolisation grandissante,en font un objet <strong>de</strong> moquerie facile.BibliographieFALCONNIER, Isabelle, DEBRAINE Luc. Un candidat chahuté; PPDA à l’Académie.L’Hebdo,5 avril 2012.GUYON, Jacques. Remontés comme les pendules. La Charente Libre, 10 mars 2012.KESSLER, David. Le Huffington Post. Paris, 2012. [ consulté le 01/04/2012].Disponible sur Internet : < www.huffingtonpost.fr/ >CAVIGLIOLI, David. Le marque-page <strong>de</strong> la semaine: Johnny, PPDA, Tintin, Perec,Carrère…, Le Nouvel Observateur, 5 mars 2012 .LEMENAGE, Grégoire , Académie: PPDA veut être Immortel, Le Nouvel Observateur,2012.FEUILLEE, Marc. Le Figaro.fr [en ligne]. Paris : Le Figaro, s.d. [ consulté le01/04/2012]. Disponible sur Internet : ANDRE, Isabelle. Le Mon<strong>de</strong>.fr [en ligne].Paris : Le Mon<strong>de</strong> interactif, s.d.[consulté le1/04/2012]. Disponible sur Internet : SZABO, Gerda. Simone Veil à l’académie : après l’avortement, son nouveau combat…[<strong>de</strong>ssin <strong>de</strong> presse]. Sur le site :. [Consulté le06/06/2012]BELOM. Académie française [<strong>de</strong>ssin <strong>de</strong> presse]. Sur le site :.[Consulté le 06/06/2012]CONCLUSION<strong>Les</strong> lecteurs <strong>de</strong> ce dossier documentaire constateront que les « <strong>secrets</strong> » qui ont pu yêtre dévoilés sur l’Académie française ne seront certainement pas <strong>de</strong> nature à mettre en


danger la survie <strong>de</strong> cette vénérable institution dont l’histoire montre la résistance auxgran<strong>de</strong>s tempêtes. Malgré la découverte <strong>de</strong> la faible rémunération <strong>de</strong>s jetons <strong>de</strong> présenceet les cruelles caricatures dont les académicien(ne)s sont souvent l’objet dans la pressefrançaise, ce dossier ne <strong>de</strong>vrait pas non plus parvenir à décourager les nombreuxpostulants à l’accession au poste d’immortel, même s’il s’agissait <strong>de</strong> prétendre occuperle très dangereux fauteuil 32.


La coupole <strong>de</strong> l’Académie française <strong>de</strong>ssinée par Laurence LUCHE, étudiante en 3 è année <strong>de</strong> Licence <strong>de</strong> <strong>Lettres</strong> Mo<strong>de</strong>rnes, Parcoursdocumentation, à l’université <strong>de</strong> Pau.

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