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Academie Nissart 97/225 - Le Pays de Nice et ses Peintres

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Après un cycle primaire chez M. Garracio,Hercule est admis au collège dirigé par les Jésuites. Ils’y distingue si bien que les Pères souhaitentl’adm<strong>et</strong>tre dans leur ordre, mais Louis Trachelpréfère placer son fils chez un notaire. À quatorzeans, sans doute dans le but <strong>de</strong> perpétuer uneentreprise familiale, Hercule est inscrit à l’écolemunicipale <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin. Ses professeurs, qui voient enlui un artiste d’avenir, persua<strong>de</strong>nt <strong>ses</strong> parents <strong>de</strong>l’envoyer à l’Académie 5 . Ce fut la Reale Acca<strong>de</strong>miaAlbertina <strong>de</strong> Turin <strong>de</strong> 1837 à 1839.Comme tout jeune peintre <strong>de</strong> son époquefréquentant les Académies, Hercule Trachel suit uneformation soumise pour l’essentiel aux principes néoclassiquesalors en vigueur. <strong>Le</strong>s Principes <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin 6 duchevalier Paul Émile Barberi (1756-1847) qui dirigel’école <strong>de</strong> <strong>Nice</strong> n’en font pas mystère : la géométrie <strong>et</strong>l’imitation <strong>de</strong> modèles priment sur « l’étu<strong>de</strong> du vrai »qui « perfectionne » seulement. <strong>Le</strong> jeune HerculeTrachel copie ainsi le Portrait du pape Pie VII, gravépar Barberi <strong>et</strong> directement inspiré d’une œuvre <strong>de</strong>Camuccini (1771-1844), artiste majeur du néoclassicismeitalien.<strong>Le</strong> cursus <strong>de</strong> l’Académie royale <strong>de</strong> Turin nedéroge pas à la règle : Hercule y débute par l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>plâtres, <strong>de</strong> copies d’antiques tel le célèbre FauneBarberini ; l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’anatomie s’appuie sur L’écorché<strong>de</strong> Houdon qu’il copie à plusieurs repri<strong>ses</strong> 7 . Il ne luiest permis d’étudier le modèle vivant qu’en <strong>de</strong>uxièmeannée, sous la direction <strong>de</strong> Jean-Baptiste Biscarra(1790-1857). Premier peintre du roi Charles-Félix,Biscarra avait fréquenté Camuccini à Rome <strong>et</strong> s’étaitlié avec les sculpteurs Canova <strong>et</strong> Thorvaldsen, autresfigures du néo-classicisme international. C<strong>et</strong>enseignement académique ne rebute cependant pasHercule Trachel qui obtient un prix <strong>de</strong> ron<strong>de</strong>-bosse,puis un premier prix <strong>de</strong> nu 8 .208 A. LIÉBERT, ParisHercule TrachelPhotographie209 Hercule TRACHELAcadémieDessin au crayon sur papierPoncif à comparer avec les photographies <strong>de</strong> l'albumDurieu constitué par Delacroix en 1854.<strong>Le</strong> domaine du paysage, qui <strong>de</strong>viendra vite lesuj<strong>et</strong> <strong>de</strong> prédilection du peintre, connaît en revancheune approche beaucoup plus variée. Barberi seconduit en topographe, comme en témoigne sonrecueil <strong>de</strong> vues <strong>de</strong> <strong>Nice</strong> 9 , <strong>et</strong> choisit pour le secon<strong>de</strong>r àl’école <strong>de</strong>ux jeunes artistes <strong>de</strong> talent : Joachim Brero(1807-1839), connu pour la précision <strong>de</strong> <strong>ses</strong>perspectives, <strong>et</strong> Joseph Vernier (1800-1859), futurarchitecte <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>. Ainsi éduqué dès sonplus jeune âge dans le respect absolu <strong>de</strong> laperspective, Hercule Trachel <strong>de</strong>vait acquérir un<strong>et</strong>otale maîtrise <strong>de</strong> l’espace.À Turin en revanche, l’art du paysage, marqué<strong>de</strong>puis le 18 e siècle par la forte personnalité <strong>de</strong>sCignaroli, emprunte <strong>de</strong>s accents pré-romantiques àGaspard Dugh<strong>et</strong> <strong>et</strong> Salvator Rosa. La nature a <strong>de</strong>s128


allures sauvages, les forêts <strong>et</strong> les eaux profon<strong>de</strong>sgar<strong>de</strong>nt leur mystère, les cieux sont incertains <strong>et</strong>changeants. Seuls le cours placi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rivières <strong>et</strong> lesAlpes toujours majestueu<strong>ses</strong> à l’arrière-planrappellent une Arcadie heureuse <strong>et</strong> rassurante.Hercule Trachel puise à ces <strong>de</strong>ux sources pourélaborer sa propre synthèse, dans laquelle la fantaisie,l’inspiration, jouent avec le réel <strong>et</strong> laissenttransparaître un sentiment nouveau à l’égard <strong>de</strong> lanature, mêlant affection, convention <strong>et</strong> émotionsincère.210 Hercule TRACHELVillage perché sur un torrentAquarelle211 Hercule TRACHEL<strong>Pays</strong>age d'ItalieAquarelleDe r<strong>et</strong>our à <strong>Nice</strong> en 1839, le jeune peintre s<strong>et</strong>ourne vers les mécènes locaux, la comman<strong>de</strong>publique <strong>et</strong> l’aristocratie étrangère qui plébiscite <strong>ses</strong>vues <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>. La technique <strong>de</strong> l’aquarelle, trèsappréciée <strong>de</strong> la nombreuse colonie anglaise, <strong>de</strong>vientson médium préféré. Il abandonne très rapi<strong>de</strong>ment lestyle <strong>de</strong>s artistes niçois pour associer <strong>de</strong>s lavisdélicatement modulés à <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites touches rapi<strong>de</strong>sdiscontinues qui donnent le ton local <strong>et</strong> créent unevibration colorée inconnue <strong>de</strong>s topographes. Il n’estcertainement pas abusif <strong>de</strong> penser qu’en ces annéesoù il forge son style Hercule Trachel ait indirectementreçu l’influence <strong>de</strong> Thomas Girtin, du premierTurner <strong>et</strong> <strong>de</strong> Richard Parkes Bonington. Ce n’est quelors <strong>de</strong> son premier voyage à Londres en 1853 qu’ilpourra se confronter directement à l’art <strong>de</strong> <strong>ses</strong> grandsaînés.À l’école du voyage.Désormais bien introduit dans les milieuxaristocratiques niçois, Hercule Trachel commence àvoyager dans toute l’Europe en compagnie <strong>de</strong> richesprotecteurs. Il réalise son premier véritable voyaged’Italie avec le prince russe Galitzine en 1847. DeRome, il adresse le 1 er mars une l<strong>et</strong>tre 10 enthousiaste àson ami Nicolas Bianchi, « marchand <strong>de</strong> fer » à <strong>Nice</strong>.« J’ai vu Gênes, Livourne, la tour penchée <strong>et</strong> lecim<strong>et</strong>ière <strong>de</strong> Pise [...] J’ai visité presque toutes lesruines <strong>de</strong> Rome. Nous allons toujours avec unantiquaire car on ne peut se fier aux contes <strong>de</strong>sgardiens <strong>et</strong> gui<strong>de</strong>s [...] <strong>Le</strong> Colisée est selon moi laplus magnifique ruine qu’on puisse voir. Je l’ai visitéeplusieurs fois, je l’ai <strong>de</strong>ssinée.»C<strong>et</strong>te appropriation <strong>de</strong>s sites d’élection duvédutisme international n’est pas seulement unsacrifice à la mo<strong>de</strong> ou à la tradition. Elle marquel’entrée <strong>de</strong> l’artiste dans le cercle <strong>de</strong>s peintres <strong>de</strong>Rome, <strong>et</strong> l’inscrit dans un système <strong>de</strong> valeurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>filiations que chaque nouvel interprète a contribué àconstruire <strong>de</strong>puis l’âge classique.129


Nombreux sont les peintres, Ingres en tête, quidisent avoir « tout appris » au contact <strong>de</strong>s chefsd’œuvre conservés en Italie. Si Hercule s’adonneégalement à la copie (Clorin<strong>de</strong> délivrant Olin<strong>de</strong> <strong>et</strong>Sofronie du bûcher, <strong>de</strong> Luca Giordano au Palais Royal<strong>de</strong> Gênes), il cherche dès ce premier voyage qui lemène jusqu’à Naples, à dépasser la confrontation avecles maîtres anciens <strong>et</strong> les modèles <strong>de</strong>s annéesd’apprentissage, pour dépeindre avec curiosité lesscènes <strong>de</strong> la vie locale. Sobre quand il évoque le palaisBorghese, le palais Pitti, Saint-Jean-du-Latran, lepeintre décrit avec force croquis la coiffure <strong>et</strong> lecostume <strong>de</strong>s paysannes, le carnaval, la Course <strong>de</strong>iBarbari, une cavalca<strong>de</strong> <strong>de</strong> chevaux libres lâchés dansles rues <strong>de</strong> Rome. L’aimable interprétation qu’il endonne, à l’opposé <strong>de</strong> la version échevelée <strong>de</strong>Géricault, suggère une vraie réticence à peindre lespassions. <strong>Le</strong> romantisme d’Hercule Trachel nes’exprime pas dans une réalité poussée à sonparoxysme, mais dans la place qu’il accor<strong>de</strong> àl’homme au sein <strong>de</strong> <strong>ses</strong> paysages méditatifs.Hercule TRACHELDétail <strong>de</strong> l'aquarelle reproduite ci-<strong>de</strong>ssous212 Hercule TRACHELLa baie <strong>de</strong> CapriAquarelle130


213 Hercule TRACHELRome vue du PalatinAquarelleHercule TRACHELDétail <strong>de</strong> l'aquarelle reproduite ci-contre131


En 1853 <strong>et</strong> 1857, il se rend en Angl<strong>et</strong>erre 11 avecle général Charles Fox <strong>et</strong> son épouse Mary quihivernaient régulièrement à <strong>Nice</strong>. À leur domicilelondonien, il réalise un important programme <strong>de</strong>décors peints qui lui vaut une comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> LordHolland, apparenté à la famille Fox (travaux nonlocalisés aujourd’hui). Hercule se trouve proj<strong>et</strong>é dansun tourbillon <strong>de</strong> fêtes, réceptions, entrecoupé <strong>de</strong>promena<strong>de</strong>s touristiques. Il souligne dans sacorrespondance la beauté <strong>de</strong> la campagne anglaise,s’enthousiasme pour le Cristal Palace, dont il fixe lesouvenir dans <strong>ses</strong> carn<strong>et</strong>s 12 . Nul doute que ce contactavec l’Angl<strong>et</strong>erre se double pour le peintre d’unemeilleure connaissance <strong>de</strong>s aquarellistes anglais,source du courant européen dans lequel il s’inscrit, <strong>et</strong><strong>de</strong>s débats esthétiques autour <strong>de</strong> la notion du Beau,du Sublime <strong>et</strong> du Pittoresque qui donnent les ba<strong>ses</strong>théoriques <strong>de</strong> sa peinture.Sur les conseils <strong>de</strong> Mary Fox 13 , Trachel entre à lamaison <strong>de</strong> Rothschild en 1858. C’est le début d’unelongue série <strong>de</strong> voyages avec Nathaniel <strong>et</strong> Charlotte,qui <strong>de</strong>viennent <strong>ses</strong> mécènes <strong>et</strong> <strong>ses</strong> élèves. Charlotte<strong>de</strong> Rothschild en particulier exposera au Salon en seprésentant comme « élève <strong>de</strong> Trachel » 14 . La baronneaime à prendre les eaux dans les Pyrénées (1859), lesCévennes (1860) <strong>et</strong> les Alpes suis<strong>ses</strong> <strong>et</strong> autrichiennes(1861, 1863). Hercule qui l’accompagne surles traces <strong>de</strong>s voyageurs romantiques fait sien ce« sentiment <strong>de</strong> la montagne » qui conjuguel’attirance <strong>et</strong> la répulsion, la contemplation <strong>et</strong> l’effroi.Au fil d’une production abondante, il cherche à fixernon seulement les sites fameux <strong>et</strong> spectaculaires, maisencore la simplicité <strong>et</strong> la quiétu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vie en hautemontagne. En définitive, les « horribles beautés » <strong>de</strong>spaysages alpins semble émousser une sensibilité quiaspire à plus <strong>de</strong> délicatesse : « C’est très joli la Suisse,mais je commence à en avoir assez <strong>de</strong>s montagnes,<strong>de</strong>s glaciers, je désire autre chose, mais patience…» 15 132214 Hercule TRACHELCristal Palace, LondresDessin à la mine <strong>de</strong> plomb215 Hercule TRACHELArthur <strong>de</strong> RothschildDessin à la mine <strong>de</strong> plomb sur papier bleu216 Hercule TRACHEL<strong>Pays</strong>age <strong>de</strong> lac alpinAquarelle


C’est encore <strong>et</strong> toujours à l’Italie que rêve ceméridional. Il y séjourne plus <strong>de</strong> cinq fois avecCharlotte <strong>de</strong> Rothschild, découvrant avecémerveillement Venise, suj<strong>et</strong> essentiel <strong>de</strong> son œuvreà partir <strong>de</strong> 1860. Hercule souscrit sans réserves augenre particulier <strong>de</strong> la « Vue d’Italie », en particulierdans l’acception <strong>de</strong>s peintres du « Grand Tour » telSalomon Corrodi à Rome. Il trouve avec l’École duPausilippe à Naples <strong>de</strong>s peintres qui partagent <strong>ses</strong>points <strong>de</strong> vues <strong>et</strong> excellent à l’aquarelle. <strong>Le</strong>s Gigante,Carelli, Vianelli marient une nouvelle approche dupaysage fondée sur la peinture <strong>de</strong> plein air <strong>et</strong> uneillustration pleine <strong>de</strong> fantaisie <strong>de</strong>s us <strong>et</strong> coutumeslocaux. Avec eux Hercule Trachel vali<strong>de</strong> les théoriesdu Pittoresque rédigées par l’anglais William Gilpindès 1792.217 Hercule TRACHEL<strong>Le</strong> rio <strong>de</strong>i Greci <strong>et</strong> l'égliseSan Giorgio à VeniseAquarelle218 Hercule TRACHELLa sortie du Grand Canal <strong>et</strong> la Salute à VeniseHuile sur toile133


Hercule Trachel <strong>et</strong> <strong>Nice</strong>.Aussi nombreu<strong>ses</strong> que soient les vues <strong>de</strong>voyages rapportées par Hercule Trachel, les paysages<strong>de</strong> <strong>Nice</strong> <strong>et</strong> Villefranche restent son principal suj<strong>et</strong>d’intérêt. Il modifie sans cesse les points <strong>de</strong> vue,variant l’altitu<strong>de</strong>, l’éloignement, l’orientation, grâceaux multiples promontoires offerts par les collines <strong>de</strong><strong>Nice</strong>. <strong>Le</strong>s silhou<strong>et</strong>tes familières <strong>de</strong> la colline duchâteau, du monastère <strong>de</strong> Cimiez, <strong>de</strong> l’abbaye <strong>de</strong>Saint-Pons, la Tour Bellanda, les ponts sur le Paillonou le Var, le moulin du Ray, se répon<strong>de</strong>nt d’untableau à l’autre, comme autant <strong>de</strong> co<strong>de</strong>siconographiques qui perm<strong>et</strong>tent au spectateur <strong>de</strong> <strong>ses</strong>ituer dans l’espace.219 Hercule TRACHEL<strong>Nice</strong> vue <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> GênesHuile sur panneau134


135Hercule TRACHELDeux détails <strong>de</strong> l'aquarelle reproduite ci-contre


À plusieurs repri<strong>ses</strong>, Hercule Trachel tire unesérie <strong>de</strong> gravures 16 <strong>de</strong> <strong>ses</strong> paysages : <strong>de</strong>s vues urbainestout d’abord, éditées en 1838 par l’imprimerie Such<strong>et</strong><strong>et</strong> vers 1848 par la Société Typographique <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>,puis <strong>de</strong>s vues <strong>de</strong> la baie éditées vers 1850 parl’imprimerie <strong>Le</strong>mercier <strong>de</strong> Paris, <strong>et</strong> vers 1852 par laLibrairie Étrangère <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>.220 Hercule TRACHELLa loge du théâtreEncre <strong>et</strong> aquarelle221 Hercule TRACHEL<strong>Le</strong>s habitants <strong>de</strong> la campagne <strong>et</strong> <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>se rendant au scrutin pour l'annexion, 1860Gravure tirée <strong>de</strong> L'Illustration222 Hercule TRACHELL'arrivée du 2 e Régiment <strong>de</strong> Cuirassiersfrançais à <strong>Nice</strong> en 1859Huile sur toileHercule Trachel a très tôt étendu c<strong>et</strong>te activité<strong>de</strong> graveur à d’autres genres : avec son recueilCostumes <strong>de</strong> <strong>Nice</strong> Maritime publié en 1842, il s’inscritdans un courant propre au 19 e siècle, qui voit lesérudits <strong>de</strong> toute l’Europe s’intéresser aux moeurs <strong>et</strong>parlers locaux. Trachel est très intimement mêlé aumilieu régionaliste niçois, par son amitié avec lepoète nissart François Guisol. Il grave un portraitplein d’humanité <strong>de</strong> son ami en frontispice <strong>de</strong> <strong>ses</strong>Loisirs poétiques <strong>de</strong> 1846 <strong>et</strong> illustre <strong>ses</strong> comédies <strong>de</strong>nombreu<strong>ses</strong> gravures 17 , dans un style évoluant entre lacaricature, le burlesque <strong>et</strong> le croquis <strong>de</strong> scène. CarHercule Trachel joue lui même la comédie, au sein<strong>de</strong> la troupe <strong>de</strong>s « Giouve Amatour » 18 jusqu’en 1848puis avec le « Théâtre <strong>de</strong> l’Union », qu’il fon<strong>de</strong> en1850 avec Léon Pollonnais. Un programme daté <strong>de</strong>1851 19 confirme ce que la correspondance <strong>et</strong> lesarticles <strong>de</strong> Guisol suggéraient : Trachel chante, avecun certain succès, <strong>de</strong>s romances ou <strong>de</strong>s extraitsd’opéras alors en vogue, tel que Lucrezia Borgia <strong>de</strong>Doniz<strong>et</strong>ti.En véritable homme orchestre, il taille lescostumes <strong>et</strong> réalise les décors, activité qu’il mèneparallèlement au Théâtre royal, détruit en 1881, <strong>et</strong>dont ne témoignent plus que les croquis annotés <strong>de</strong><strong>ses</strong> carn<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> quelques mandats municipaux 20 .Artiste aux multiples fac<strong>et</strong>tes, il joue un rôleprépondérant dans la vie culturelle <strong>de</strong> la cité. Il estl’hôte apprécié <strong>de</strong>s soirées mondaines, en particulierchez la princesse Marie <strong>de</strong> Solms, la familleRothschild. Il est le professeur (<strong>et</strong> parfois leportraitiste) <strong>de</strong> toute la bonne société féminine sepiquant <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin : la gran<strong>de</strong>-duchesse <strong>de</strong> Ba<strong>de</strong> néeStéphanie <strong>de</strong> Beauharnais, sa fille la duchesse <strong>de</strong>Hamilton, la femme <strong>et</strong> la fille du comte Rodolphe <strong>de</strong>Maistre gouverneur <strong>de</strong> <strong>Nice</strong> <strong>de</strong> 1837 à 1848, lafamille <strong>de</strong> Orestis <strong>de</strong>scendante <strong>de</strong> l’ancien maire <strong>de</strong><strong>Nice</strong>, <strong>et</strong>c. 21Il est le chroniqueur <strong>de</strong> l’actualité niçoise pourle magazine L’Illustration, à la une duquel sontpubliés trois <strong>de</strong>ssins autour <strong>de</strong> 1860 22 : La réception à<strong>Nice</strong>, du 2 ème régiment <strong>de</strong> cuirassiers (suj<strong>et</strong> repris dans unp<strong>et</strong>it tableau à l’huile, musée Masséna), Inauguration<strong>de</strong> l’église orthodoxe du rite oriental, à <strong>Nice</strong>, <strong>et</strong> surtout<strong>Le</strong>s habitants <strong>de</strong> la campagne <strong>de</strong> <strong>Nice</strong> se rendant en masseau scrutin pour l’annexion, image qui <strong>de</strong>viendraemblématique <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te journée historique.136


223 Hercule TRACHELDécor d'angelotHuile sur toile<strong>Nice</strong>, villa GastaudIl est l’exposant apprécié par la critique 23 donton sollicite la présence aux salons <strong>de</strong>s Beaux Arts <strong>de</strong>1852, 1853, <strong>et</strong> 1862. Alors que son succès commercialne se dément pas 24 (La Sacra di San Michele exposée en1852 est ach<strong>et</strong>ée 400 f par un certain Sir CharlesLamb, La Salute acquise en 1862 par le vicomteOnésime Aguado, frère du célèbre portraitiste <strong>de</strong> lacour <strong>de</strong> Compiègne dont il partage la passion pour laphotographie), l’artiste s’offre le luxe <strong>de</strong> refuser lespropositions d’achats faites par la Société <strong>de</strong>s Amis<strong>de</strong>s Arts présidée par Paul Delaroche 25 .224 Hercule TRACHELDécor d'angelots soutenantle monogramme <strong>de</strong> GambartHuile sur toile<strong>Nice</strong>, villa GastaudEnfin, il est le peintre que l’on recherche pourdécorer son intérieur, capable <strong>de</strong> s’adapter aux goûtsparfois extravagants <strong>de</strong> <strong>ses</strong> commanditaires :intérieurs néo-classiques, décors rococos, plafondspeints illusionnistes, chinoiseries, motifs folkloriques<strong>et</strong>c. La variété <strong>de</strong>s proj<strong>et</strong>s à l’aquarelle conservésperm<strong>et</strong> <strong>de</strong> supposer une intense activité dont il estdifficile <strong>de</strong> r<strong>et</strong>rouver la trace aujourd’hui.Un ensemble compl<strong>et</strong> (quatre <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> portes<strong>et</strong> un décor plafonnant sur toile) est heureusementconservé dans l’ancienne <strong>de</strong>meure Gastaud sur lecours Saleya. <strong>Le</strong>s angelots porteurs <strong>de</strong> bouqu<strong>et</strong>s(dont une série i<strong>de</strong>ntique est conservée au muséeChér<strong>et</strong>) symbolisent les saisons. L’Hiver qui, outre salégère cape, porte un masque à son bras rappelle quela terrasse <strong>de</strong> la villa Gastaud était un lieu privilégiépour observer les festivités du carnaval qui sedéroulaient sur le cours Saleya. <strong>Le</strong> décor central, ungroupe d’angelots, déploie une guirlan<strong>de</strong> <strong>de</strong> fleursqui <strong>de</strong>ssine pompeusement l’initiale du propriétaire.L’arrière-plan rappelle par une vue en contreplongéela terrasse du domaine Gastaud à Fabron.Ce vaste ensemble <strong>de</strong> parcs <strong>et</strong> <strong>de</strong> maisonsindividuelles était loué aux hivernants tels que leGénéral Fox, ou Lady Shelley. Trachel y avait réaliséégalement <strong>de</strong>s décors, auxquels son frère Dominiqueavait collaboré, qui furent probablement détruits lorsdu rachat <strong>de</strong> la propriété par Ernest Gambart <strong>et</strong>l’édification <strong>de</strong> la villa « <strong>Le</strong>s Palmiers ».<strong>225</strong> Hercule TRACHELProj<strong>et</strong> <strong>de</strong> décor intérieurAquarelle137


La peinture religieuse.Si l’œuvre religieuse d’Hercule Trachel estbien connue <strong>de</strong>s historiens niçois, elle l’est moins dugrand public. Pourtant, comme les archives <strong>et</strong> lacorrespondance du peintre le prouvent, c<strong>et</strong>te activitédocumentée <strong>de</strong> 1841 à 1868 tient une placeessentielle dans la carrière du peintre. C’est d’abordun grand nombre <strong>de</strong> tableaux <strong>de</strong> dévotion conservésdans <strong>de</strong>s intérieurs privés, dont témoignent parexemple En mai, offran<strong>de</strong> à Marie au musée Chér<strong>et</strong>, lagracieuse Vierge accrochée au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la porte <strong>de</strong> laSacristie du monastère <strong>de</strong> Cimiez <strong>et</strong> les nombreuxcroquis <strong>de</strong> <strong>ses</strong> carn<strong>et</strong>s. Mais au <strong>de</strong>là, eu égard auxnombreu<strong>ses</strong> comman<strong>de</strong>s officielles obtenues, nouspouvons considérer qu’Hercule Trachel <strong>de</strong>vient aumilieu du siècle, le principal peintre <strong>de</strong> suj<strong>et</strong>sreligieux en activité à <strong>Nice</strong>. À n’en pas douter, lepeintre se saisit <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te occasion pour abor<strong>de</strong>r legrand genre, qu’il ne traite pas véritablement en<strong>de</strong>hors du cadre religieux, <strong>et</strong> donner ainsi unelégitimité académique à une œuvre par ailleursfortement tournée vers le paysage.Hercule débute en 1841 par une série <strong>de</strong> p<strong>et</strong>itstravaux : <strong>de</strong>ux emblèmes peints sur bois <strong>et</strong> unepeinture d’autel pour la Société <strong>de</strong>s Agonisants 26 ,trois « figures » pour la cathédrale à l’occasion <strong>de</strong> lacélébration <strong>de</strong>s trois heures d’agonie du Christ, levendredi saint. En marge <strong>de</strong> compositions beaucoupplus ambitieu<strong>ses</strong>, il continue pour la cathédrale cesmo<strong>de</strong>stes exercices : en 1844 il peint « quatre angesavec nuages » <strong>et</strong> une gloire ovale pour un baldaquin,en 1848 il réalise une lithographie ayant pour suj<strong>et</strong> lacommunion 27 , en 1849 il m<strong>et</strong> la main au décor <strong>de</strong>sfunérailles <strong>de</strong> la reine Marie Christine <strong>de</strong> Savoie 28 .Son premier chantier important, <strong>et</strong>curieusement oublié aujourd’hui, a pour cadre le plusbel édifice baroque <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>, la chapelle <strong>de</strong> laMiséricor<strong>de</strong> 29 due à Bernardo Vittone, fraîchementacquise par la Confrérie <strong>de</strong>s Pénitents noirs. <strong>Le</strong>musée Chér<strong>et</strong> <strong>et</strong> le musée Masséna conservent lesproj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> ce décor datés <strong>de</strong> 1843. <strong>Le</strong>s Vertuscardinales, Justice, Pru<strong>de</strong>nce, Force, <strong>et</strong> Tempérance,veillent sur les fidèles <strong>de</strong>puis les voûtainstrapézoïdaux du chœur. De part <strong>et</strong> d’autre <strong>de</strong> l’autel,La naissance du Christ <strong>et</strong> La dormition <strong>de</strong> la Vierge, puisBooz autorisant Ruth à glaner dans son champ <strong>et</strong> Tobieenterrant les morts à Ninive, allusion à l’obligation faiteaux frères pénitents d’assister les démunis,notamment en pratiquant la charité <strong>et</strong> en leurdonnant une sépulture.226 Hercule TRACHELLa Tempérance, proj<strong>et</strong> <strong>de</strong> décor intérieurpour l'un <strong>de</strong>s voûtains <strong>de</strong> la chapelle<strong>de</strong>s Pénitents noirs à <strong>Nice</strong>Aquarelle, mine <strong>de</strong> plomb227 Hercule TRACHELLa TempéranceDécor à la fresque d'un <strong>de</strong>s voûtains<strong>de</strong> la chapelle <strong>de</strong>s Pénitents noirs à <strong>Nice</strong>138


Fort <strong>de</strong> ce succès, Hercule est choisi pourréaliser plusieurs fresques au Monastère <strong>de</strong> Cimiez,qu’un proj<strong>et</strong> à l’aquarelle date <strong>de</strong> septembre <strong>et</strong>octobre 1844. Dans la nef, les voûtes <strong>de</strong> la quatrièm<strong>et</strong>ravée évoquent L’ascension <strong>de</strong>s bienheureux saintFrançois <strong>et</strong> sainte Claire, L’Assomption <strong>de</strong> la Vierge <strong>et</strong> <strong>Le</strong>triomphe <strong>de</strong> l’Eglise. <strong>Le</strong>s peintures du chœur sontsoumi<strong>ses</strong>, tant pour le traitement <strong>de</strong> l’encadrementque pour le choix <strong>de</strong> certains thèmes (La mort <strong>de</strong> SaintLouis à Carthage, Sainte Elisab<strong>et</strong>h <strong>de</strong> Hongrie distribuant<strong>ses</strong> biens aux pauvres) au style néo-gothique dubâtiment. Hercule montre par ailleurs dans <strong>ses</strong>carn<strong>et</strong>s <strong>de</strong> croquis qu’il n’était pas insensible au goût« Troubadour ». À Turin déjà, son maître Biscarraavait très n<strong>et</strong>tement infléchi son style vers unmédiévisme sentimental, alors très à la mo<strong>de</strong> enSavoie.228 Hercule TRACHEL<strong>Le</strong> martyre <strong>de</strong> Sainte-RéparateHuile sur toile229 Hercule TRACHEL<strong>Le</strong> martyre <strong>de</strong> Sainte-RéparateAquarelleÀ partir <strong>de</strong> 1848, Hercule Trachel travaille àl’important chantier <strong>de</strong> la Chapelle Sainte-Croixappartenant aux Pénitents Blancs <strong>de</strong> l’Escarène.Plusieurs toiles <strong>de</strong> grands formats dont les formeschantournées s’adaptent à <strong>de</strong>s stucs richementmoulurés sont alors réalisées. De même que lesregistres <strong>de</strong> la Société du Gonfalon 30 ne mentionnentqu’un tableau d’Hercule Trachel, un seul modèle,celui du Baptême <strong>de</strong> Constantin (inspiré d’un motif<strong>de</strong> Ludovico Gimignani pour San Silvestro in Capiteà Rome), est conservé au musée Masséna. Cependantd’autres tableaux <strong>de</strong> la série pourraient lui êtreattribués.<strong>Le</strong> 13 juill<strong>et</strong> 1850, au vu <strong>de</strong>s modèles présentéspar Trachel (Musée Chér<strong>et</strong>), <strong>et</strong> sur la recommandationdu comte <strong>de</strong> Pierlas 31 , le conseil <strong>de</strong> fabrique <strong>de</strong> laparoisse Saint-Jacques confie à Hercule son plusimportant chantier 32 : la voûte <strong>de</strong> l’église du Gésu,pour la somme <strong>de</strong> 1600 lires. La gigantesque surfaceest pru<strong>de</strong>mment compartimentée par <strong>de</strong>s cartouchesdont l’exécution est confiée au peintre Rigoli. <strong>Le</strong>s<strong>de</strong>ux scènes principales, Jésus présentant le calice à saintJacques <strong>et</strong> saint Jean, <strong>et</strong> Saint Jacques au supplice, alorsque son accusateur juif implore son pardon (faussementinterprété par Albin <strong>de</strong> Cigala 33 comme la guérisonmiraculeuse d’un paralytique) prennent place dans<strong>de</strong>s médaillons ovales, séparés par un Saint Michelterrassant le démon. <strong>Le</strong>s pen<strong>de</strong>ntifs reçoivent les Pères<strong>de</strong> l’Eglise qui se détachent sur <strong>de</strong>s niches en trompel’œil.Au revers <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> où sainte Cécile <strong>et</strong> Davidse font face, l’espace est en revanche unifié, un ri<strong>de</strong>au<strong>et</strong> <strong>de</strong>s nuées assurant la continuité <strong>de</strong> part <strong>et</strong> d’autre<strong>de</strong> l’orgue.En 1852, une correspondance 34 du curé <strong>de</strong>Castagniers nous perm<strong>et</strong> d’i<strong>de</strong>ntifier un tableautoujours conservé dans l’église du village, <strong>et</strong> consacréà saint Louis <strong>de</strong> Gonzague, novice jésuite symbole <strong>de</strong>139


la jeunesse, mort après avoir soigné les mala<strong>de</strong>s <strong>de</strong> lapeste. L’iconographie est complétée au premier planpar un parallèle cohérent avec sainte Catherined’Alexandrie, patronne <strong>de</strong>s jeunes filles, <strong>et</strong> saintRoch également dévoué envers les pestiférés. Lacomposition, qui rappelle celle <strong>de</strong>s modèles créés parGaulli à Rome (le Baccicio), fait cheminer le regarddu registre terrestre vers une trouée céleste parl’intercession <strong>de</strong> saint Louis, figure centrale, reçuparmi les anges.La même année, une convention 35 passée entrele peintre <strong>et</strong> le trésorier <strong>de</strong> la chapelle Saint-Isidoreentérine la comman<strong>de</strong> d’un grand r<strong>et</strong>able <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxmètres sur trois représentant saint Isidore, la Vierge<strong>et</strong> l’Enfant, pour une somme <strong>de</strong> 500 lires.Cependant, un grave conflit <strong>de</strong>vait éclater entre laSociété <strong>de</strong> Saint-Isidore <strong>et</strong> la nouvelle église Saint-Jean-Baptiste qui l’abritait, concernant la propriétéd’une chapelle collatérale. Une ordonnance 36 <strong>de</strong>l’évêque <strong>de</strong> <strong>Nice</strong> allait débouter la société <strong>et</strong> enautoriser le transfert à l’église Saint-Roch. Cenouveau lieu ne perm<strong>et</strong>tant pas l’aménagementd’une chapelle, tout porte à croire que la comman<strong>de</strong>fut alors abandonnée, d’autant plus que la sociétédisposait déjà d’un r<strong>et</strong>able sur le même thème,réalisé par F. Pascucci en 1807.Deux r<strong>et</strong>ables conservés à la cathédrale doiventêtre datés d’après 1851 37 : <strong>Le</strong> martyre <strong>de</strong> sainteRéparate, (modèle au musée Chér<strong>et</strong>), dont lacomposition, fortement inspirée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux gravuresreligieu<strong>ses</strong> conservées dans le fond d’atelier 38 ,accor<strong>de</strong> une place importante au panorama <strong>de</strong> laBaie <strong>de</strong>s Anges ; <strong>Le</strong>s quatre saints couronnés (esquisseau musée Masséna) 39 pour lesquels Hercule Trachelparvient à dynamiser un modèle ancien très statiqueégalement connu par la gravure, <strong>et</strong> réaliser unr<strong>et</strong>able fort mouvementé, le plus proche <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>scompositions baroques <strong>de</strong>s Carrache qu’il a puadmirer lors <strong>de</strong> <strong>ses</strong> voyages en Italie.Enfin, le grand r<strong>et</strong>able conservé à l’égliseSaint-François-<strong>de</strong>-Paule <strong>et</strong> représentant le Sacré-Coeur semble être la <strong>de</strong>rnière œuvre religieusecommandée à Hercule Trachel. Hervé Barelli, seréférant à la présence dans le paysage <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pontsfranchissant le Var, a proposé fort justement <strong>de</strong> ledater entre 1863 <strong>et</strong> 1869 40 . En 1900, Albin <strong>de</strong> Cigalaparlait <strong>de</strong> son côté d’un tableau « très récent ». Dansc<strong>et</strong>te hypothèse, on peut rapprocher c<strong>et</strong>te œuvred’une l<strong>et</strong>tre 41 du 11 juill<strong>et</strong> 1868 dans laquelle LouisMichaud <strong>de</strong> Beaur<strong>et</strong>our adresse <strong>ses</strong> compliments àHercule. « Monsieur, je viens vous remercier <strong>de</strong>votre joli tableau <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’application que vous avezbien voulu y consacrer. Je suis heureux <strong>de</strong> pouvoirvous dire que votre ouvrage est généralementbeaucoup loué <strong>et</strong> qu’il a fait l’admiration unanime duClergé ainsi que <strong>de</strong> l’administration <strong>de</strong> la paroisse.J’en reçois, chaque jour, <strong>de</strong> nombreu<strong>ses</strong> félicitationsqui vous reviennent <strong>de</strong> droit, c’est un bonheur que jeles partage avec vous.»<strong>Le</strong> réel engouement dont c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre témoignene <strong>de</strong>vait pas survivre longtemps au décès du peintrele 21 janvier 1872. <strong>Le</strong>s révolutions artistiques <strong>de</strong> lafin du 19 e siècle condamnaient sans appel c<strong>et</strong>teesthétique, <strong>et</strong> la peinture religieuse d’HerculeTrachel <strong>de</strong>vait connaître une rapi<strong>de</strong> désaffection 42puis tomber dans l’oubli. De nos jours, la critiqueramenée à plus <strong>de</strong> mesure perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> redécouvrir uneœuvre qui apparaît dans la droite ligne d’unéclectisme cher au dix-neuvième siècle, oscillantentre néo-classicisme, goût troubadour, baroqueitalien <strong>et</strong> Saint-Sulpice. Pur produit <strong>de</strong> son temps,Trachel a pleinement participé au mouvement queBruno Foucart a i<strong>de</strong>ntifié comme <strong>Le</strong> renouveau <strong>de</strong> lapeinture religieuse au dix-neuvième siècle.La diversité qui caractérise le processus créatifchez Hercule Trachel doit être apprécié comme lefruit d’un choix délibéré : celui d’assumer son statut<strong>et</strong> sa fonction <strong>de</strong> peintre, <strong>de</strong> relever les défis qui luisont proposés <strong>et</strong> d’éprouver son talent jusqu’auxlimites du style, <strong>de</strong>s supports <strong>et</strong> <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s. À traversces expressions multiples transparaît cependant enfiligrane le peintre paysagiste dont la sincérité n’ad’égale que la virtuosité. Son œuvre incarne lessubtiles variations d’un genre, le paysage, dontl’évolution au 19 e siècle se décrit mieux dans unecomplexe continuité que par une série <strong>de</strong> rupturesabusivement démonstratives.Sylvain AMIC140


Notes1. En acceptant ce legs le 9 octobre 1903, le sénateur-maireHonoré Sauvan engageait la ville à affecter les revenus fonciersqui l’accompagnaient à l’entr<strong>et</strong>ien d’une école <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin quiporterait le nom du peintre, école cependant plus connueaujourd’hui sous le nom <strong>de</strong> “Villa Thiole”. Bibliothèque <strong>de</strong>Cessole, <strong>Nice</strong>. Fonds documentaire, carton 77, “peintres <strong>et</strong>sculpteurs”.2. Il sera bientôt rejoint par cinq frères <strong>et</strong> sœurs, Paul, Louise(dite Elise), Antoine, Dominique, Françoise (dite Fanny).Trois autres enfants meurent en bas âge. Bibliothèque <strong>de</strong>Cessole. I<strong>de</strong>m. Situation <strong>de</strong> famille sar<strong>de</strong>.3. Archives privées, <strong>Nice</strong>. Note manuscrite <strong>de</strong> Fanny Trachel,p<strong>et</strong>ite nièce du peintre.4. Nécrologie parue dans <strong>Le</strong> Journal <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>, 25 février 1872.5. Ibid. note 3.6. Paul-Émile Barberi, Principes <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin. S.n., <strong>Nice</strong>.1816.7. Toutes les étu<strong>de</strong>s sont conservées dans une collection privéeniçoise.8. Note sur la vie d’Hercule Trachel d’après les souvenirs <strong>de</strong> sonfrère Antoine <strong>et</strong> l<strong>et</strong>tre du Cavalier Barberi. Archives privées,<strong>Nice</strong>.9. Paul-Émile Barberi, Album ou Souvenir <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>,Société typographique, <strong>Nice</strong>, 1834.10. Correspondance, archives privées, <strong>Nice</strong>.11. Ibid. note 10.12. Musée Masséna, <strong>Nice</strong>.13. <strong>Le</strong>ttre du 17 juin 1858, Archives privées, <strong>Nice</strong> : « Je croisque vous <strong>de</strong>vriez accepter l’offre <strong>de</strong> Mme <strong>de</strong> Rothschld, ellepourrait vous être utile <strong>et</strong> elle est une bonne p<strong>et</strong>ite personne.»14. Salon <strong>de</strong> Paris à partir <strong>de</strong> 1864. Salon <strong>de</strong> Nantes, 1886 <strong>et</strong>1890.15. Correspondance, archives privées, <strong>Nice</strong>. <strong>Le</strong>ttre <strong>de</strong> Lucernedu 12 septembre 1861.16. Liste établie par André Bottin, libraire, aimablementcommuniquée par <strong>ses</strong> <strong>de</strong>scendants.17. Loisirs poétiques ou Recueil <strong>de</strong> chansons, épîtres, épigramme,Imprimerie Canis frères, <strong>Nice</strong>, 1846. Lou mariage <strong>de</strong>conveniensa, Société typographique, <strong>Nice</strong> 1842. L’amour d’unbuon nissart (lou faus amic). Imp. Such<strong>et</strong>, <strong>Nice</strong>, 1846.18. Voir à ce suj<strong>et</strong> l’article <strong>de</strong> Rémy Gasiglia, ici même.19. Archives privées, <strong>Nice</strong>.20. Archives municipales, <strong>Nice</strong>, cote 1L417, mandat 341 du 15novembre 1851: « Per aver colorite diverse parte e simili altrilavori per questo Regio teatro, 50 l.». Cote 1L420, mandat480 du 15 mars 1853: « Dipintura di varii scenarii ed altririsp<strong>et</strong>tivamente eseguiti da me<strong>de</strong>simo per questo Regio teatro,363 l.». Cote 1L430 mandat 464 du 11 mars 1854: « provvistad’un transparente rappresentante S.M. Carlo Alberto, fatta nellRegio teatro in occasione <strong>de</strong>ll’ultima festa nazionale, 68 l.»21. Ibid. note 10.22. Numéros du 11 juin 1859, 21 janvier 1860 <strong>et</strong> 28 avril 1860.23.« La “Sacra <strong>de</strong> San Michèle”, par M. Trachel nous perm<strong>et</strong><strong>de</strong> constater la continuation <strong>de</strong>s progrès <strong>de</strong> ce jeune artiste [...]qui donne les meilleures espérances [le tableau] se distinguaitpar la vigueur du ton, la justesse <strong>de</strong> la couleur locale,I’harmonie remarquable <strong>de</strong> l’ensemble, le choix du site <strong>et</strong>plusieurs beautés <strong>de</strong> détail.» Zan<strong>et</strong>ti, in L’Avenir <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>, 9 <strong>et</strong>21 mars 1852. « H. Trachel, dont l’admirable féconditéproduit <strong>de</strong>s tableaux comme un autre produirait <strong>de</strong>s ébauche<strong>ses</strong>t facile à reconnaître. <strong>de</strong> loin sa lumière brillante <strong>et</strong> son<strong>de</strong>ssin correct attirent les yeux [...]. Tout ce que fait Trachelplaît.» Dalgoutte, in <strong>Le</strong>s échos <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>, 19 mars 1862.24. Bill<strong>et</strong>s <strong>de</strong> Carlone, secrétaire <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Amis <strong>de</strong>sArts. Ibid. note 10.25. Ibid note 23. Voir aussi, Société <strong>de</strong>s Amis <strong>de</strong>s Arts,délibérations du 15 <strong>et</strong> 20 mars 1852, Bibliothèque municipale<strong>de</strong> <strong>Nice</strong>, manuscrits, 245.26. Archives historiques du Diocèse <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>. Société <strong>de</strong>sAgonisants, mandat du 13 mai 1841, 10 lires ; <strong>et</strong> du 17septembre 1841: « Estinto a manni di Ercole Trachel perpittura all altare, 60 l.» Une faible somme au regard <strong>de</strong>s 1500lires payées les années suivantes à Biscarra pour le r<strong>et</strong>ableornant la dite chapelle.27. Archives <strong>de</strong> la cathédrale Sainte-Réparate, comptes <strong>de</strong>1823 à 1851, mandat du 14 avril 1841 (33 l.), du 11 juill<strong>et</strong> 1844(90 l.) <strong>et</strong> du 30 juin 1848 (50 l.).28. Archives municipales <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>. Cote 1L 4g3 mandat du 7avril 1849 (75 l.).29. Archives <strong>de</strong> la Confrérie <strong>de</strong>s pénitents noirs. RegistroGiornale <strong>de</strong> pagamenti <strong>de</strong>l tresoriere <strong>de</strong>lla compagnia <strong>de</strong>ltaMisericordia, per l’exercicio <strong>de</strong>ll anno 1844, mandat n° 7:« Trachel Ercole, Pittore, per lavori alla cappella, 800 l.»30. Archives historiques du Diocèse <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>. Registres <strong>de</strong> laSociété du Gonfalon, 10 septembre 1848. « Pagato permandato al artista Ercole Trachel la somma di franchiduecento per aver fornito il quadro nuovo mancanti alla parte<strong>de</strong>stra <strong>de</strong>lla su<strong>de</strong>tta capella » <strong>et</strong> du 6 mai 1850 : « pagato alSign. Trachel, Pittore, per ultima pagamento <strong>de</strong>l quadro.»31. Archives privées, <strong>Nice</strong>, l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> Pierlas à l’évêque <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>:«Rencontré le peintre Trachel, interrogé pour savoir s’il secroyait capable d’exécuter à la fresque la voûte <strong>de</strong> l’Église duGésu. M’a répondu qu’il préférait ce genre <strong>de</strong> peinture à toutautre [...]. Content d’avoir déjà trouvé l’assurance que c<strong>et</strong>tefois elle pouvait être peinte avec un bon succès.» Lathématique est fixée dans c<strong>et</strong>te même l<strong>et</strong>tre.32. Archives historiques du Diocèse <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>, paroisse Saint-Jacques, délibération du conseil <strong>de</strong> fabrique du 13 juill<strong>et</strong> 1850,f° 123.33. Albin <strong>de</strong> Cigala, <strong>Nice</strong> Chrétienne, gui<strong>de</strong> historique <strong>et</strong>artistique. Chernoviz, Paris, 1900.34. Ibid. note 10.35. Archives municipales <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>. Fond Trachel, cote 30S,convention du 21 juin 1852.36. Archives historiques du Diocèse <strong>de</strong> <strong>Nice</strong>. Cote IEI,délibérations du conseil <strong>de</strong> fabrique <strong>de</strong>s 25 août <strong>et</strong> 13 octobre1852. Cote 4CI. confréries, congrégation <strong>de</strong> Saint-Isidore, 6novembre 1852.37. Ils ne sont pas mentionnés dans le registre <strong>de</strong> comptes daté1823- 1851.38. Archives privées, <strong>Nice</strong>. Gravure <strong>de</strong> Sainte Philomène, oùl’on r<strong>et</strong>rouve la position <strong>de</strong> la Sainte, le paysage en arrièreplan, y compris la tour Bellanda à gauche, <strong>et</strong> Saint Augustinmenacé par un maure qui semble avoir donné la position dutortionnaire prêt à décapiter la Sainte.39. Saint Severus, Saint Severianus, Saint Carpophorus <strong>et</strong>Saint Victorinus, ouvriers sculpteurs mis à mort sousDioclétien pour avoir refusé <strong>de</strong> tailler une idole, patrons <strong>de</strong>smaçons <strong>et</strong> <strong>de</strong>s tailleurs <strong>de</strong> pierres.40. Hervé Barelli, Vieux-<strong>Nice</strong>, gui<strong>de</strong> historique <strong>et</strong> architectural.Serre, <strong>Nice</strong>, 19<strong>97</strong>.41. Ibid. note 34.42. Albin <strong>de</strong> Cigala, malgré le « pieux souvenir attaché au nom<strong>de</strong> Trachel », exprimera ce dédain en quelques proposlapidaires : « tableau sans valeur », « mièvrerie toute enfantine »,« banalité du <strong>de</strong>ssin », <strong>et</strong>c.141

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