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le fil du razoir copie

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PERSPECTIVES<br />

De défis imbéci<strong>le</strong>s en tentatives désespérées<br />

De succès éphémères en échecs prévisib<strong>le</strong>s<br />

Hypothétique millionnaire de la dernière minute<br />

Ma pathétique vie semb<strong>le</strong> se fourvoyer<br />

Dans un plus qu’insondab<strong>le</strong> désert sentimental<br />

Mais quel pied!!


ENVOI<br />

Dois-je vraiment écrire ce bouquin.<br />

Ou plutôt <strong>le</strong> réécrire.<br />

Tout semb<strong>le</strong> se liguer contre ce projet.<br />

A quelques pages <strong>du</strong> mot fin et deux doigts de sabrer <strong>le</strong> champagne, l’ordinateur de mon bureau<br />

déclare forfait, entrainant dans la débâc<strong>le</strong> ma seu<strong>le</strong> sauvegarde.<br />

Pas bon ça, pas bon <strong>du</strong> tout !<br />

Bien sur, j’ai la mauvaise habitude d’écrire directement sur mes sauvegardes tant ces petites<br />

puces de mémoire sont pratiques ; vous <strong>le</strong>s trimbal<strong>le</strong>z d’un ordinateur à l’autre et, quand tout <strong>le</strong><br />

monde tourne <strong>le</strong> dos, ou quand vous en avez marre <strong>du</strong> travail quotidien, ou encore quand votre<br />

patron vous casse <strong>le</strong>s pieds, en catimini, vous écrivez un petit bout de texte.<br />

Une sacré différence avec <strong>le</strong>s ordinateurs de mes débuts ; 64K de mémoire vive, un<br />

magnétophone de poche en guise de mémoire de masse et un téléviseur pompeusement baptisé<br />

moniteur ; bref, faut vivre avec son temps et c’est bien pratique.<br />

Enfin quoi ! Les sauvegardes ne sont pas supposées disparaître.<br />

Fort heureusement, la plupart des « nouvel<strong>le</strong>s » qui composent ce bouquin sont probab<strong>le</strong>ment<br />

encore sur mon portab<strong>le</strong>.<br />

El<strong>le</strong>s y étaient.<br />

Avant que <strong>le</strong> disque <strong>du</strong>r de celui-ci, probab<strong>le</strong>ment endommagé par quelque mauvais traitement<br />

de soute à bagages lors de mon dernier voyage à Hong Kong, ne refuse à son tour de se laisser<br />

décoder.<br />

Diagnostic : axe <strong>du</strong> disque faussé.<br />

Donc : plus de nouvel<strong>le</strong>s, plus de photos, plus de notes, plus de couverture, plus rien quoi.<br />

Mauvais présage s’il en fut.<br />

Mon <strong>fil</strong>s ainé déclarait, il y a quelque vingt cinq ans après avoir per<strong>du</strong> tout un mois de travail a la<br />

suite d’un incident similaire : « de toute façon, c’était pas bon, fallait que j’<strong>le</strong> r’fasse ».<br />

C’est une manière de voir <strong>le</strong>s choses !<br />

Cela dit, J’écrie toujours sur ma sauvegarde.<br />

J’ai juste pris la précaution d’acquérir une autre sauvegarde pour sauvegarder la sauvegarde.


Mon <strong>fil</strong>s cadet dans sa treizième année disait au juge pour enfant texan lui demandant s’il<br />

comptait récidiver : « I <strong>le</strong>arn from my mistakes” en français dans <strong>le</strong> texte “j’apprends de mes<br />

erreurs”….enfin..la plupart <strong>du</strong> temps.<br />

Faut dire qu’il fait, lui, rarement deux fois la même connerie mais se débrouil<strong>le</strong> toujours pour en<br />

inventer de nouvel<strong>le</strong>s ; on a toujours été très créatif dans la famil<strong>le</strong>, et <strong>le</strong>s chiens, parait il, ne font<br />

pas des chats.<br />

Pourquoi donc écrire ce bouquin si tout s’y oppose ?<br />

Je me suis évidemment donné des tas de bonnes raisons <strong>du</strong> sty<strong>le</strong> :<br />

Ce serait tout de même sympa si « on » pouvait tirer une petite <strong>le</strong>çon de ma vie décousue ou :<br />

J’ai envie que mes enfants qui me connaissent à peine, y compris mes magnifiques toutes<br />

nouvel<strong>le</strong>s bel<strong>le</strong> <strong>fil</strong><strong>le</strong>s, sans par<strong>le</strong>r de <strong>le</strong>ur merveil<strong>le</strong>use mère qui semb<strong>le</strong>nt m’apprécier bien au<br />

delà de mes véritab<strong>le</strong>s mérites me connaissent un peu mieux ; etc…etc…<br />

Pas très convainquant tout ça.<br />

En fait, je suis profondément persuadé que tout <strong>le</strong> monde devrait écrire <strong>le</strong> livre de sa vie.<br />

Plusieurs personnes à qui je m’en suis ouvert m’ont répliqué : « mais je n’ai rien à dire, ma vie<br />

n’a aucun intérêt ».<br />

Faux….Archi faux !<br />

Tout <strong>le</strong> monde a quelque chose à dire ; ne serait ce qu’à ses proches, à ses enfants, à sa famil<strong>le</strong>.<br />

Dire que sa vie n’a aucun intérêt revient à se dépriser soi même, et c’est inacceptab<strong>le</strong>.<br />

De plus, <strong>le</strong> rire est la meil<strong>le</strong>ure thérapie qui soit ; et rire de soi même est un remède souverain.<br />

Bien des événements humiliants, voir douloureux, en <strong>le</strong>ur temps, vous apparaissent alors comme<br />

autant d’hilarantes mésaventures.<br />

Bref.<br />

Ma vie m’a toujours semblé être une suite de chances et de malchances échappant tota<strong>le</strong>ment à<br />

mon contrô<strong>le</strong> ; un peu comme ces bou<strong>le</strong>s de flipper qui déva<strong>le</strong>nt la pente et rebondissent au grès<br />

des « bumpers » et des bandes ; tour à tour réexpédiées au sommet puis projetées aux abimes.<br />

La faute a pas de chance quoi ! Pas la mienne assurément !!<br />

Lorsque je décidai de m’instal<strong>le</strong>r aux USA, c’était pour moi la fin <strong>du</strong> voyage ; <strong>le</strong> calme après la<br />

tempête ; la sérénité d’une douce médiocrité ; un appartement bon marché dont un rat n’aurait<br />

pas voulu dans un quartier infesté par des gangs de tous poils ; <strong>le</strong> confort quoi !<br />

Le dénuement dans <strong>le</strong>quel je m’y trouve m’autorise à accepter <strong>le</strong> pire comme l’inévitab<strong>le</strong><br />

instrument de ma misérab<strong>le</strong> survie : « Je ne peux pas faire mieux » mon modo ; mon <strong>fil</strong>s glissant


dans la délinquance … une fatalité ; mon divorce … la suite logique de mes infortunes ; tout est<br />

donc pour <strong>le</strong> mieux dans <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur des mondes possib<strong>le</strong>…anesthésie.<br />

Clochard de luxe au milieu de zonards ; doté d’un appartement de fortune et d’une voiture de<br />

service obligeamment fournie par une compagnie exploitant sans vergogne ma situation de<br />

« quasi illégal » ; roi borgne au royaume des aveug<strong>le</strong>s.<br />

Je dis « quasi » parce que grâce aux bons soins de l’administration Bush, j’ai écopé d’un statut<br />

de « régularisation de statut » supposé me permettre d’obtenir ma « green card » (carte de<br />

résident permanent) dans <strong>le</strong>s huit mois ; laps de temps pendant <strong>le</strong>quel, bien que « sans papiers »<br />

je ne suis tout de même pas tout a fait illégal.<br />

J’ai <strong>le</strong> droit de travail<strong>le</strong>r pour la compagnie qui me sponsorise, mais je n’ai pas de numéro de<br />

sécurité socia<strong>le</strong>.<br />

Le cul entre deux chaises quoi ! En fait je n’existe pas.<br />

La cerise sur <strong>le</strong> gâteau, c’est que grâce à un bouquet de terroristes d’origine encore douteuse<br />

combinant spectac<strong>le</strong> et efficacité (plane crash et explosifs de démolition) qui eurent la<br />

ma<strong>le</strong>ncontreuse idée de rectifier l’architecture d’un bloc d’immeub<strong>le</strong>s new yorkais ; ces huit<br />

mois vont devenir huit ans.<br />

Dans un sursaut d’inuti<strong>le</strong> indignation, je m’en ouvre à un officier de l’immigration et m’entends<br />

rétorquer :<br />

« Voyez <strong>le</strong> bon coté des choses, vous ne payez pas d’impôts ; vous pourriez trouver un autre<br />

sponsor, mais croyez moi, ce sera la même chose, ils savent que vous ne pouvez pas changer de<br />

compagnie, ils en profitent ; la seu<strong>le</strong> chose que vous ayez à faire, c’est d’être patient ».<br />

Bon, ben, je s’rai patient !....Pas vraiment <strong>le</strong> choix !!<br />

Huit ans plus tard, patience, donc, oblige ; me voici résident permanent aux USA …. où je paie<br />

cette fois ci des impôts ; toujours dans <strong>le</strong> même appartement crasseux avec <strong>le</strong> même criminel<br />

voisinage.<br />

Tel<strong>le</strong>ment crasseux que la charmante jeune togolaise que comptais bien marita<strong>le</strong>ment associer a<br />

mes infortunes, a la vue de celui-ci, s’enfuit a toutes jambes et court encore si vite qu’el<strong>le</strong> a<br />

aujourd’hui, m’a-t-on rapporté, déjà rejoint son Afrique nata<strong>le</strong>.<br />

Même appartement crasseux, mais nouvel employeur, salaire plus que doublé et, ma propre<br />

voiture.<br />

Le Pied !!<br />

Si mère nature ne s’en était mêlée, je n’aurais sans doute encore pas a ce jour bougé d’un seul<br />

iota.<br />

Mais el<strong>le</strong> s’en est mêlée.<br />

Ike !


Rien à voir avec <strong>le</strong> défunt président.<br />

Cet ouragan qui, il y a cinq ans, souff<strong>le</strong> <strong>le</strong> toit de mon appart avec moi dedans, tout en noyant ma<br />

toute récente et néanmoins luxueuse automobi<strong>le</strong> (faut c’qui faut, je me mexicanise) ne me laisse<br />

d’autre choix que de me bouger <strong>le</strong> cul.<br />

C’est en fait la seconde fois que je me trouve pris dans un ouragan.<br />

La première fois, faisant confiance a ma bonne fortune et contre <strong>le</strong>s avis gouvernementaux, je<br />

décide de rester et, en fait, tout se passe très bien ; seul petit problème : trois jours de coupure<br />

d’é<strong>le</strong>ctricité ; <strong>le</strong> tout dans une ambiance quasi festive ; on l’a échappé bel<strong>le</strong>, la vie est<br />

magnifique.<br />

Seuls rient jaune ceux qui, pensant <strong>le</strong>s protéger, ont garé <strong>le</strong>urs voitures sous <strong>le</strong>s arbres <strong>du</strong><br />

parking ; très mauvais calcul.<br />

Ceux qui, par contre, respectueux des susdites directives, ont prudemment choisi la fuite, s’en<br />

sont amèrement repenti : Pas d’essence, routes encombrées ; froid de canard et déluge de pluie<br />

contraints de s’ava<strong>le</strong>r ; confinés qu’ils étaient dans des voitures surpeuplées ; invités, chiens,<br />

enfants et bagages.<br />

Super !!<br />

Donc, quand Ike pointe son nez, je décide de ne pas bouger.<br />

J’aurais <strong>du</strong> !<br />

Par bonheur, la chienne de mon <strong>fil</strong>s CK, (prononcez ci kay) décide de rester avec moi ; eh oui<br />

pour une fois el<strong>le</strong> n’a pas pris la poudre d’escampette dès l’ouverture de la porte ; en fait je lui<br />

dois sinon la vie, <strong>du</strong> moins d’être encore entier.<br />

Drô<strong>le</strong> de nom CK ?<br />

Oui, bien sur, en fait ce sont <strong>le</strong>s initia<strong>le</strong>s de Cholos Kil<strong>le</strong>r. Qui signifie en bon français tueur de<br />

Cholos.<br />

(Cholos est <strong>le</strong> nom d’un des trois gangs mexicains qui sévissent dans mon voisinage)<br />

Faut dire qu’cette chienne matinée de Pitt Bull et par ail<strong>le</strong>urs adorab<strong>le</strong>, avant d’être recueillie par<br />

mon <strong>fil</strong>s Franck et laissée pour compte a mes soins lorsque celui-ci s’instal<strong>le</strong> en Louisiane, avait<br />

été recueillie et é<strong>le</strong>vée par un gang mexicain ennemi desdits Cholos.<br />

Qui a dit que la vie est un long f<strong>le</strong>uve tranquil<strong>le</strong>? Certainement pas un Texan.<br />

Bref !<br />

J’étais si confiant en mon étoi<strong>le</strong> que dédaignant l’ouragan qui fait rage arrachant au passage<br />

quelques toitures et brisant quelques arbres, je monte me coucher dans la seu<strong>le</strong> chambre encore<br />

sèche et je dors.<br />

Je dors jusqu'à ce que <strong>le</strong>s aboiements répétés de CK me sortent de ma léthargie.


Je la rejoins au rez-de-chaussée ; el<strong>le</strong> est complètement affolée.<br />

Il est vrai que, complétant <strong>le</strong> vacarme extérieur, il se trouve que <strong>le</strong>s murs de l’appartement se<br />

sont transformés en véritab<strong>le</strong>s fontaines.<br />

Ell’doit pas aimer l’eau.<br />

Je tente de la faire monter avec moi…Impossib<strong>le</strong> ; el<strong>le</strong> refuse catégoriquement de s’engager dans<br />

l’escalier.<br />

Bon, je décide de rester un moment avec el<strong>le</strong> pour la calmer ; on verra plus tard.<br />

Vingt minutes plus tard, alors qu’el<strong>le</strong> semb<strong>le</strong> avoir recouvré son sang froid, je remonte à l’étage<br />

avec la ferme intention de retrouver mon lit et y terminer ma nuit.<br />

Le plafond m’y a précédé ; y’a pas d’place pour nous deux, et puis j’ai pas l’habitude de dormir<br />

sous la douche, surtout quand el<strong>le</strong> est froide.<br />

La partie extérieure de la climatisation de mon appartement, malmenée par la bourrasque, s’étant<br />

résignée à déclarer forfait avait, dans la foulée, sans doute pour se sentir moins seu<strong>le</strong>, décidé<br />

d’emmener avec el<strong>le</strong> une partie de la toiture.<br />

Bon, j’ai une bonne assurance tant sur la maison que sur la voiture.<br />

L’une de mes amies, lassée d’un fonctionnariat consulaire à prix ré<strong>du</strong>it, recyclée dans<br />

l’immobilier, me fait habi<strong>le</strong>ment passer de clochard de luxe à respectab<strong>le</strong> propriétaire terrien.<br />

Mon vendeur de voitures favori me réinstal<strong>le</strong> dans une autre non moins somptueuse, et nettement<br />

plus récente Cadillac qui, <strong>du</strong> reste, grâce aux méfaits d’un téléphone cellulaire associé a l’oreil<strong>le</strong><br />

délicatement ourlée d’une charmante mais quelque peu distraite con<strong>du</strong>ctrice, el<strong>le</strong> non plus, ne<br />

<strong>du</strong>rera pas longtemps.<br />

Au jour d’hui, <strong>du</strong> fond d’un confortab<strong>le</strong> fauteuil, a plus de 70 ans je contemp<strong>le</strong>, amusé, voire<br />

carrément hilare, <strong>le</strong>s aléas d’une vie rien moins que pas très exemplaire.<br />

Enfin c’est en tout cas, vu de loin, l’impression que ça donne.<br />

D’autant qu’une conversation avec mon <strong>fil</strong>s ainé - que je n’avais pas revu a l’époque depuis près<br />

de 15 ans - ne me laisse aucun doute quant’ a la haute estime en laquel<strong>le</strong> ma lointaine<br />

descendance tient mes hauts faits d’armes.<br />

« Regarde Papa, disait il à son frère, (ou peut être était ce l’inverse) de tout ce qu’il a vécu,<br />

qu’est ce donc qui lui reste ? »<br />

Il est tel<strong>le</strong>ment persuadé de mon indigence qu’accompagné <strong>du</strong>dit frangin, il franchit l’océan pour<br />

s’en assurer de visu.<br />

Bon, ils s’en reviennent confortés ; peut être craignaient ils de me voir quelque jour débarquer,<br />

main ten<strong>du</strong>e, paume dessus.<br />

Un certain nombre de gens semb<strong>le</strong>nt pourtant envier mon parcours ; comme si c’était un exploit<br />

et non <strong>le</strong> résultat d’une perpétuel<strong>le</strong> fuite en avant…bon d’accord, y savent pas ...eux.<br />

.


INTRODUCTION<br />

70 ans, J’y crois pas!<br />

A dire vrai, j’m’suis pas senti vieillir ; trop occupé pour ça…à combattre <strong>le</strong>s moulins a vent et<br />

me protéger des retours de bâton.<br />

J’arrive pas à me mettre dans la peau <strong>du</strong> personnage.<br />

J’ai rien vu arriver.<br />

Un jour, croisant par hasard un miroir, c’est <strong>le</strong> choc : merde, c’est qui ça ???<br />

Si tant est que ma vie ait été un tantinet mouvementée, je n’étais pourtant pas destiné, à l’origine<br />

à vivre de rocambo<strong>le</strong>sques aventures ; j’étais prédisposé à tout, sauf à ça.<br />

Fils d’instituteur de province sans particulière ambition, dès l’enfance je me persuade de mon<br />

insignifiance.<br />

Quand je dis « me persuade » ; faut dire qu’on m’avait tout de même un tout petit peu aidé.<br />

J’étais comme Blanche neige, ou la bel<strong>le</strong> au bois dormant, ou quelque autre de ces personnages<br />

de contes fantastiques ; vous savez, ceux sur <strong>le</strong> berceau desquels certaines fées se sont penchées,<br />

sauf que, <strong>le</strong>s bonnes fées étant fort occupées avec <strong>le</strong>s susdits personnages, y’ me restait plus qu’<br />

<strong>le</strong>s autres.<br />

Mon enfance, et plus tard, mon ado<strong>le</strong>scence furent bercées par quelques encourageantes<br />

prédictions <strong>du</strong> sty<strong>le</strong> : « Tu ne feras jamais rien de bon dans la vie » ; ça, c’était ma mère ; et el<strong>le</strong><br />

savait de quoi el<strong>le</strong> parlait puis qu’en tant qu’institutrice, el<strong>le</strong> était tout de même chargée de<br />

répandre la bonne paro<strong>le</strong>.


Mon onc<strong>le</strong> préféré qui par ail<strong>le</strong>urs devait m’ouvrir <strong>le</strong>s yeux sur bien des aspects de la vie<br />

souterraine des couloirs politiques et qui m’aimait vraiment beaucoup au point de créer<br />

d’obscures jalousies dans son propre entourage, ne se lassait pas de dire a ma mère : « ton <strong>fil</strong>s<br />

finira millionnaire ou en prison ».<br />

Moi, bien sur, fort de la prédiction précédente, je n’ai jamais retenu que la deuxième partie de<br />

cel<strong>le</strong> ci.<br />

Pour couronner <strong>le</strong> tout, alors que pour <strong>le</strong> seul bénéfice d’arborer un prestigieux uniforme supposé<br />

plaire au beau sexe, je tentais un concours réputé inaccessib<strong>le</strong> au commun des mortels afin<br />

d’intégrer une éco<strong>le</strong> d’élite aujourd’hui disparue (notre république socialisante n’aime pas<br />

vraiment <strong>le</strong>s élites ; ça lui donne des comp<strong>le</strong>xes) , j’entends <strong>le</strong> directeur de ma propre éco<strong>le</strong>,<br />

ancien professeur de mathématiques de mon géniteur dire a ce dernier : « t’en fais pas, de toutes<br />

façons, y passera pas ».<br />

Vexé, et <strong>du</strong>ment cornaqué par un professeur de français qui crut sans doute déce<strong>le</strong>r en moi une<br />

étincel<strong>le</strong> d’intelligence ; je l’ai décroché, ce foutu concours !<br />

J’ai, par la suite, enten<strong>du</strong> mainte fois ma mère m’asséner : « Si tu avais suivi notre exemp<strong>le</strong>, tu<br />

serais fonctionnaire aujourd’hui et n’aurais pas tous ces tracas ». !<br />

El<strong>le</strong> avait pourtant quelques doutes : « crois tu que ton père aurait pu faire ce que tu fais »?<br />

Bien sur il aurait pu <strong>le</strong> faire ; il pouvait faire strictement ce qu’il voulait ; il en a <strong>du</strong> reste<br />

largement donné la preuve ; el<strong>le</strong> était sans doute la seu<strong>le</strong> à ne pas <strong>le</strong> savoir.<br />

Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de connaitre mon père, j’avais à peine vingt ans lorsqu’il<br />

mourut, et j’avais passé <strong>le</strong>s dix années précédentes dans un internat quasi disciplinaire ; mais ce<br />

que j’en ai vu ne me laisse aucun doute.<br />

A vint cinq ans, pour pouvoir vivre près de mon institutrice de mère, il abandonne une<br />

prometteuse carrière de professeur de mathématiques pour embrasser cel<strong>le</strong> d’instituteur de<br />

province ; vingt cinq ans après, il repasse tous ses examens, réintègre <strong>le</strong> professorat, obtient un<br />

poste a la vil<strong>le</strong> voisine …. et meurs ; il n’avait sans doute plus rien a se prouver.<br />

Faire ce que je faisais ?? C’était juste pas son truc !<br />

La seu<strong>le</strong> chose qu’il m’envierait sans doute aujourd’hui, c’est ma vie en Amérique.<br />

Il admirait <strong>le</strong>s américains jusque dans <strong>le</strong>ur façon de con<strong>du</strong>ire ; réminiscence de guerre….on voit<br />

bien qu’il n’y avait jamais mis <strong>le</strong>s pieds, lui, en Amérique.<br />

Il avait une vision de choses très américaine sur bien de points.<br />

Il avait, par exemp<strong>le</strong>, imaginé d’aménager une luxueuse caravane a partir d’une remorque de 38<br />

tonnes, il suffirait, disait il, d’un tout petit tracteur pour la tirer.<br />

Ma mère, bien enten<strong>du</strong>, resta sourde à ce rêve ; mais faites donc un petit tour par ici, vous verrez<br />

des centaines de ces impressionnants attelages.<br />

Cela dit, comme je viens de <strong>le</strong> mentionner, je suis tout de même entré dans la vie a<strong>du</strong>lte avec ce<br />

coup<strong>le</strong> de funestes prédictions :


« Tu ne feras jamais rien dans la vie !! ».<br />

« Tu finiras millionnaire, ou en prison !! »<br />

Sous enten<strong>du</strong> … pour moi,… « Probab<strong>le</strong>ment en prison ! »<br />

Bon, a mon âge, j’ai peu de chances, bien qu’y ayant un peu gouté, de finir en prison et je ne suis<br />

toujours pas millionnaire ; quoi que, a y bien regarder, compte tenu de mes projets actuels il se<br />

pourrait bien que je <strong>le</strong> devienne…..en Pesos.<br />

Ca vous fait rire ?<br />

Bien sur, à l’échel<strong>le</strong> Européenne, c’est un petit peu comique ; mais millionnaire en pesos aux<br />

philippines où ma merveil<strong>le</strong>use compagne et moi même projetons de nous retirer dans un peu<br />

moins de cinq ans, c’est la bel<strong>le</strong> vie assurée avec piscine, chauffeur et femme de chambre.<br />

Pourquoi un chauffeur pour moi qui ai fait <strong>le</strong>s quatre cent coups sur de multip<strong>le</strong>s pistes d’essai ?<br />

Ben, pour ce que j’en ai vu, aux Philippines, lorsqu’on a l’habitude d’une con<strong>du</strong>ite un tant soi<br />

peu académique, il vaut mieux ne pas trop se frotter a la horde mécanistique ; sans compter que,<br />

en tant qu’étranger, même marié a une beauté loca<strong>le</strong>, en cas d’accident, quel<strong>le</strong>s que soient <strong>le</strong>s<br />

circonstances et la qualité de notre assurance, on a tord de toutes façons.<br />

Eh oui, tout est question d’échel<strong>le</strong> ; un coup<strong>le</strong> de gens de maison à Manil<strong>le</strong> perçoit un salaire<br />

d’environ 10000 Pesos par mois…. Soit environ 190 Euros…. Pour <strong>le</strong> coup<strong>le</strong> !<br />

Ma maigre pension Française ajoutée à ma pension Américaine totalisera a peine 3500 Dollars<br />

mensuels…. Au plus 2500 Euros !!<br />

Aux philippines ça fait dans <strong>le</strong>s 140,000.oo Pesos<br />

…c’est Byzance !!!<br />

Je fais quoi avec ça en France, moi ?<br />

Voyez plutôt : la dernière fois que je suis allé aux Philippines en vacances, j’en ai profité pour<br />

me faire refaire la dentition : quatre dents à reconstruire, une dent à arracher et pour faire bonne<br />

mesure, ma compagne s’en fait plomber une dans la foulée ; <strong>le</strong> tout assorti d’un nettoyage<br />

comp<strong>le</strong>t pour chacun d’entre nous et d’un examen total pour l’ainée des <strong>fil</strong><strong>le</strong>s ; <strong>le</strong> tout<br />

pour……60 euros.<br />

Ça peut pas <strong>du</strong>rer dites-vous ? Vous avez raison ; et y faut pas que ça <strong>du</strong>re !<br />

Mais j’serai mort avant.<br />

En attendant, j’entends bien vivre p<strong>le</strong>inement ma dernière aventure : Le nabab aux quarante<br />

enfants (petits enfants et arrières petits enfants compris bien sur).


Une aventure où je me vois bien sur dans <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong>du</strong> respectab<strong>le</strong> vieillard au sourire amusé<br />

surveillant <strong>du</strong> coin de l’œil sa nombreuse progéniture barbotant dans la piscine.<br />

Le début de ma vie est sans histoire…ou presque ; d’une banalité à p<strong>le</strong>urer, aussi vais-je faire<br />

court.<br />

Enfance solitaire sans véritab<strong>le</strong> problème ; <strong>du</strong> moins jusqu'à l’âge de 10 ans ; âge auquel mes<br />

parents décident de m’envoyer en exil dans un lointain collège.<br />

J’étais parait il trop bruyant.<br />

En réalité, ma mère aurait voulu une <strong>fil</strong><strong>le</strong> ; pas vraiment mon pro<strong>fil</strong>.<br />

Etudes secondaires moyenne, études supérieures aéronautiques, (J’ai toujours rêvé de m’envoyer<br />

en l’air) moins que moyennes avec échec à l’examen final par suite de note éliminatoire en Philo.<br />

Eh oui, il est amusant, sinon prudent, de démontrer qu’un sujet est idiot, sauf quand c’est <strong>le</strong><br />

président <strong>du</strong> jury qui l’a pon<strong>du</strong>.<br />

Bon, j’ai assez mal joué ce coup là.<br />

Tant pis, j’redoub<strong>le</strong>rai pas, j’en ai marre de l’éco<strong>le</strong>, j’veux vi’v ma vie !<br />

Aujourd’hui pourtant, c’est pas exactement <strong>le</strong> langage que je tiens à mes délicieuses bel<strong>le</strong>s <strong>fil</strong><strong>le</strong>s<br />

que nous maintenons contre vents et marées à l’université loca<strong>le</strong>.<br />

Alors que tous mes copains futurs diplômés tapissent <strong>le</strong>s amphithéâtres de demandes d’emploi<br />

refusées (Eh oui, déjà à cette époque), je postu<strong>le</strong> pour un emploi qui n’a rien à voir avec<br />

l’aéronautique ; et <strong>le</strong> décroche.<br />

Quelques semaines plus tard, je reçois l’avis de mon admission à l’ENAC (éco<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong> de<br />

l’aviation civi<strong>le</strong>) a laquel<strong>le</strong> j’avais postulé avant même de passer mon BTS.<br />

L’attente est de deux ans ; Sur <strong>le</strong> coup, j’comprenais pas pourquoi; on m'a expliqué par la suite<br />

qu'Air France a qui appartient l'éco<strong>le</strong> recrute en fonction des prévisions a moyen terme.<br />

Suis pas d’un naturel patient ;J’<strong>le</strong>s envoie pondre.<br />

Je suis bien dans mon nouvel emploi ; j’ai l’impression d’exister ; de plus, il semb<strong>le</strong> que mes<br />

élucubrations plaisent à mon patron.<br />

Tout va merveil<strong>le</strong>usement bien jusqu'à ce que par une bel<strong>le</strong> matinée de septembre je m’endorme<br />

au volant de ma voiture en revenant des pistes d’essais de Montlhéry où nous avions passé<br />

quasiment toute la nuit a tester je ne sais plus quel<strong>le</strong> merveil<strong>le</strong> ; poussant dans la foulée, sans<br />

ménagement aucun, mais heureusement sans trop de dégâts, une malheureuse 2CV venant en<br />

sens inverse, sur un arrêt de bus ma<strong>le</strong>ncontreusement situé sur la trajectoire, bousculant <strong>du</strong> même<br />

coup une gentil<strong>le</strong> petite vieil<strong>le</strong> qui clamait à n’en plus finir « Au secours, je suis morte !!»<br />

« T’en fais pas » entendis je tout près de mon oreil<strong>le</strong> avant de m’évanouir, « si el<strong>le</strong> était morte,<br />

el’ crierait pas si fort ».<br />

Qui donc a dit que <strong>le</strong>s représentants de l’ordre étaient tota<strong>le</strong>ment dénués d’humour ?


Tout aurait été donc parfait dans <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur des mondes si un crétin de toubib, mandaté par <strong>le</strong><br />

tribunal local, ne m’avait déclaré épi<strong>le</strong>ptique, sans pour autant <strong>du</strong> reste prendre la peine de m’en<br />

informer.<br />

Résultat ? : Retrait de permis a vie !<br />

J’m’en suis pas aperçu tout de suite ; ayant écopé d’une suspension administrative de 3 ans, je ne<br />

me suis préoccupé de rien avant la date fatidique.<br />

Au moment de récupérer ce maudit papier, et ce pendant deux ans consécutifs, je me <strong>le</strong> vois<br />

refuser à la visite médica<strong>le</strong> sans aucune explication.<br />

Ça m’inquiète.<br />

J’en par<strong>le</strong> à un vieil ami de mon père, directeur de la police généra<strong>le</strong> à Paris, qui m’apprend la<br />

funeste nouvel<strong>le</strong> : Retrait à vie parce que ce toubib a écrit sur son rapport que l’accident est dû à<br />

une crise d’épi<strong>le</strong>psie.<br />

« La seu<strong>le</strong> solution pour toi est de trouver un toubib <strong>du</strong> même rang qui affirme <strong>le</strong> contraire et <strong>le</strong><br />

bénéfice <strong>du</strong> doute te sera favorab<strong>le</strong>. »<br />

Et je vais trouver ça où moi, un type de la pointure de Mahoudeau?<br />

Mahoudeau…Chef <strong>du</strong> service neurochirurgie de l’Hôpital Beaujon ; rien que ca !!!<br />

Coup de bol ; sur <strong>le</strong>s conseils de mon chef de service je tente ma chance auprès de l’hôpital<br />

d’Argenteuil.<br />

Le grand patron connait bien Mahoudeau, ce prince de l’épi<strong>le</strong>psie, et ne l’apprécie guère. « Ce<br />

vieux crétin voit de l’épi<strong>le</strong>psie partout ».<br />

Je me retape un paquet d’examens, en sors blanchi et récupère mon permis ; ou plus exactement<br />

.... repasse mon permis…en trois fois ; tout comme a l’origine. Eh oui, je sui définitivement<br />

brouillé avec <strong>le</strong>s interminab<strong>le</strong>s listes de stationnement interdits, dépassements interdits et autres<br />

intéressantes trouvail<strong>le</strong>s que l’administration s’ingéniait a l’époque à nous balancer dans <strong>le</strong>s<br />

jambes dans <strong>le</strong> seul but, apparemment, d’engraisser <strong>le</strong>s auto éco<strong>le</strong>s.<br />

Rien de vraiment spécial sinon que pendant cinq longues années je me suis senti passab<strong>le</strong>ment<br />

diminué.<br />

Je suis peinardement mon petit bonhomme de chemin :<br />

Automobi<strong>le</strong>s Peugeot, puis Simca mieux payé, quelques nouveaux diplômes au conservatoire des<br />

arts et métiers ; brillamment acquis cette fois ci ; une timide tentative d’incursion dans <strong>le</strong><br />

domaine de l’injection é<strong>le</strong>ctronique dont je me fais virer ; juste de quoi définitivement me<br />

convaincre qu’é<strong>le</strong>ctricité et é<strong>le</strong>ctronique ne sont pas mes sujets favoris, puis l’UTAC qui me<br />

recueil<strong>le</strong> et où je gagne mes galons d’ingénieur.<br />

Banal…Ringard….Quasi fonctionnaire.<br />

Pas réel<strong>le</strong>ment de quoi me lancer dans de fol<strong>le</strong>s aventures.<br />

Avenir tout tracé.


Comment diab<strong>le</strong> ais-je donc pu par la suite me fourrer dans de tel<strong>le</strong>s galères ?<br />

Tout est en fait parti de l’UTAC où la plupart des ingénieurs sont de jeunes universitaires un<br />

tantinet idéalistes ou pas encore tout a fait sortis de l’enfance ; voir <strong>le</strong>s deux.<br />

Je ne vais pas m’attarder sur l’UTAC en soi ; trop banal.<br />

L’aventure commence réel<strong>le</strong>ment avec :<br />

Millérioux et Compagnie


MILLERIOUX ET COMPAGNIE.<br />

Ou<br />

Une compagnie de transport…Peu orthodoxe.<br />

Compagnie…c’est moi, en tout cas pour une bonne moitié puisqu’en fait nous sommes trois :<br />

Yves Mil<strong>le</strong>rioux, Jean Pierre Husson, et moi ; <strong>le</strong> trio infernal.<br />

Tous trois bossant pour la sacro sainte UTAC ; en français dans <strong>le</strong> texte « Union Technique de<br />

L’Automobi<strong>le</strong> et <strong>du</strong> Cyc<strong>le</strong> ».<br />

Un laboratoire qui se voudrait bien d’Etat, qui ne l’est pas, mais qui vit pour une bonne moitié de<br />

subsides ministériels et pour l’autre de prestations un tantinet forcées auprès des constructeurs<br />

d’automobi<strong>le</strong>s et d’accessoires.<br />

Forcées, tout simp<strong>le</strong>ment parce qu’ayant réussi <strong>le</strong> tour de force de se faire homologuer par l’état<br />

qui a dans la foulée financé pratiquement tout l’extrêmement onéreux équipement que cela<br />

nécessite, L’UTAC tient la dragée haute a tout ce beau petit monde…. Commerce forcé ; quasi<br />

fonctionnariat.<br />

Cette histoire de transport n’a donc rien à voir avec nos occupations quotidiennes.<br />

El<strong>le</strong> naquit de mon énervement à entendre chaque jour de la part de mes collègues<br />

confortab<strong>le</strong>ment installés derrière <strong>le</strong>urs bureaux crasseux encore et encore la même ritournel<strong>le</strong> :<br />

«On est exploités par <strong>le</strong>s patrons !».<br />

Je suis <strong>le</strong> seul à avoir une quelconque expérience <strong>du</strong> monde in<strong>du</strong>striel.<br />

C'est terrib<strong>le</strong> comme une toute petite phrase au demeurant quasiment anodine peut chambou<strong>le</strong>r<br />

une vie; car tout est parti de là!<br />

Je <strong>le</strong>s mets au défi.


"C’est simp<strong>le</strong> ! Pour n’être plus exploités par <strong>le</strong>s patrons ; devenons patrons ! Moi j’ai pas<br />

d’idées ; si vous en avez, mettez <strong>le</strong>s sur la tab<strong>le</strong>, et voyons ce qui en sort».<br />

Yves ouvre <strong>le</strong> débat :<br />

« Il y a un large créneau non exploité dans <strong>le</strong> transport longue distance : <strong>le</strong> créneau des moins<br />

de six tonnes qui ne nécessite pas de licence de transport ».<br />

Yves, bien qu'un peu bohême, est brillant ; il <strong>le</strong> prouvera par la suite en intégrant <strong>le</strong> CNRS.<br />

Les licences étant contingentées, pour entrer dans <strong>le</strong> saint des saints de la confrérie, il faut<br />

connaitre quelqu’un qui veuil<strong>le</strong> bien se retirer, ou avoir la gentil<strong>le</strong>sse de clamser ; et bien sur être<br />

non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> premier, mais aussi <strong>le</strong> plus offrant.<br />

Ces licences, hautement convoitées, se vendent a prix d’or et …. Nous n’avons pas <strong>le</strong>s moyens.<br />

Deuxième vo<strong>le</strong>t, <strong>le</strong>s chauffeurs.<br />

Les chauffeurs longue distance sont très cher, ont tous un emploi et nul<strong>le</strong> envie de <strong>le</strong> risquer sur<br />

un coup de tête.<br />

Qu’est ce qui reste ?<br />

Les poivrots dont personne ne veut.<br />

Pas bandant !<br />

Il a donc raison, la seu<strong>le</strong> solution semb<strong>le</strong> bien être <strong>le</strong> créneau « moins de six tonnes ».<br />

L’idéal étant moins de 3.5 tonnes ; pas besoin de permis poids lourd ; pas d’assujettissement au<br />

tachymètre, pas de « boite noire ».<br />

« Quel<strong>le</strong> est la charge uti<strong>le</strong> d’un 6 tonnes, en moyenne ? »<br />

« Entre 2 et trois tonnes ».<br />

« Bien, alors, si on arrivait à avoir des camions avec semi remorque de 3.5 tonnes avec 2 tonnes<br />

de charge uti<strong>le</strong> ca pourrait faire la rue Michel ; vrai ? »<br />

«Ça n’existe pas »<br />

« Je sais ! On va <strong>le</strong>s fabriquer ! »<br />

Encore une autre terrib<strong>le</strong> petite phrase.<br />

« Laissez moi fouiner, dès que j’ai trouvé, on en repar<strong>le</strong> ». Et quelques semaines plus tard :<br />

« Voila, on va prendre <strong>le</strong> nouveau petit Ford Transit a essence, supprimer <strong>le</strong> porte a faux


arrière, instal<strong>le</strong>r une sel<strong>le</strong>tte et utiliser <strong>le</strong> système de freinage des grosses caravanes de<br />

tourisme ; on l’homologue en tracteur routier et on lui col<strong>le</strong> une semi remorque de 300 Kg on<br />

arrive presque aux 2 tonnes de charge uti<strong>le</strong> d’un 6 tonnes traditionnel…sans <strong>le</strong>s emmerdements<br />

».<br />

Une fois encore : « Une remorque de 300 Kg….Ça n’existe pas »<br />

« On est ingénieurs oui ou non ? On va dessiner la plateforme, la faire construire par un<br />

ferronnier in<strong>du</strong>striel sans lui dire de quoi il s’agit sinon il va nous charger la peau des fesses ;<br />

puis, sur place, on instal<strong>le</strong>ra un essieu arrière de J7 . Si mes calculs sont exacts, on va même<br />

être en dessous des 300 kg ; Ah ! J’oubliais, j’ai aussi un contrat qui vient avec pour un porte<br />

voiture. »<br />

Peu confiant en la capacité commercia<strong>le</strong> de mes associés, j’avais en effet pris la précaution, juste<br />

au cas où ; de contacter une de mes très sympathique relations, directeur commercial de la<br />

Franco-Britanic qui importait alors des Rolls Royce d’Ang<strong>le</strong>terre et des DE TOMASO, d’Italie.<br />

Je l’avais prévenu : « Je suis persuadé qu’ils vont se dégonf<strong>le</strong>r, mais dans <strong>le</strong> cas contraire, j’ai<br />

besoin de compter sur vous ».<br />

« Pas de problème vieux !» m’avait il répon<strong>du</strong> ; il aimait s’encanail<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> langage de temps à<br />

autre ; saine thérapeutique ; parce dans sa fonction officiel<strong>le</strong> il faut bien dire qu’il avait plutôt<br />

l’air d’avoir avalé un manche de pioche, a moins qu’il ne se soit assis sur un truc encore plus<br />

pointu ; bref :<br />

Si <strong>le</strong> poids de la Rolls ; environ trois tonnes ; nous interdit ce créneau, celui des DE TOMASO<br />

par contre, nous est grand ouvert.<br />

Les gens n’aiment pas être mis au pied <strong>du</strong> mur ; viennent alors toutes <strong>le</strong>s objections techniques<br />

possib<strong>le</strong>s et imaginab<strong>le</strong>s.<br />

Je <strong>le</strong>s réfute une a une ; puis, vient la question coût de lancement.<br />

Je venais de racheter une minuscu<strong>le</strong> rente d’incapacité liée à un banal accident de travail ; je<br />

mets <strong>le</strong> chèque sur la tab<strong>le</strong> ; on va voir ce qu’on va voir !<br />

Ben on a vu ; y’s’ sont pas dégonflés.<br />

Me voici piégé à mon propre piège, acteur principal de la plus vieil<strong>le</strong> comédie <strong>du</strong><br />

monde: «l’arroseur arrosé ».<br />

Ça n’est même pas pour ne pas perdre la face, mais, en bon rationalistes, n’ayant pu trouver<br />

d’objection valab<strong>le</strong>, ils ne voient aucune raison de se récuser ; je pense que ça ne <strong>le</strong>ur est même<br />

pas venu a l’esprit.<br />

Quant à moi, c’est bien pour ne pas perdre la face.<br />

Donc ……. opération sur orbite.


Pour présenter une remorque aux mines, il faut qu’el<strong>le</strong> soit chargée, or cel<strong>le</strong> ci est un porte<br />

voiture ….. un peu spécial ; pas de plateau et, devis de poids oblige, deux échel<strong>le</strong>s en guise de<br />

chemin de rou<strong>le</strong>ment ; extrêmement léger, mais impossib<strong>le</strong> à reconvertir.<br />

Yves présente donc l’engin affublé d’une vieil<strong>le</strong> camionnette chargée de ciment en guise de <strong>le</strong>st.<br />

Les amarres cassent et <strong>le</strong> chargement se retrouve au milieu de la piste d’essai ; la camionnette se<br />

désagrège et <strong>le</strong> ciment se répand; l’ingénieur des mines est furieux ; nous n’aurons pas a<br />

balayer…lui..si !.<br />

Bon début !<br />

Deuxième tentative, même camionnette, un peu mieux arrimée….. Insuffisance de freinage !<br />

Les tubes hydrauliques soup<strong>le</strong>s que nous avait fourni <strong>le</strong> fabricant de caravanes se dilatent et nous<br />

font perdre la pression ; accessoirement, je me demande comment freinent <strong>le</strong>sdites caravanes.<br />

Bref, nous raccourcissons <strong>le</strong>s tubes, remplaçons <strong>le</strong>s parties droites par des tubes rigides et, cette<br />

fois ci ça marche, de justesse, mais ca marche ; accouchement diffici<strong>le</strong>, mais résultat atteint.<br />

L’ingénieur des mines nous délivre, a contre cœur, mais nous délivre tout de même …. <strong>le</strong><br />

précieux document.<br />

Bon maintenant, il faut passer aux choses sérieuses ; nous avons <strong>le</strong> camion, la remorque et <strong>le</strong><br />

contrat, ya plus qu’à s’y col<strong>le</strong>r, …. Mais qui va s’y col<strong>le</strong>r, et sous quel<strong>le</strong> forme ??<br />

Yves, tu as eu l’idée, à toi l’honneur.<br />

La compagnie ? Nous n’avons pas <strong>le</strong>s fonds nécessaires pour faire mieux qu’une SNC ; Société<br />

en nom col<strong>le</strong>ctif dans laquel<strong>le</strong> tout <strong>le</strong> monde est responsab<strong>le</strong> sur ses biens propres ; vaudrait<br />

mieux pas s’planter.<br />

La dénomination s’impose d’el<strong>le</strong> même: Yves Millérioux et Cie.<br />

Yves est à la fois <strong>le</strong> gérant et <strong>le</strong> chauffeur ; Jean Pierre et moi….. Compagnie.<br />

Yves démissionne donc de son poste a l’UTAC et prend la route.<br />

Bon, je m’en tire a bon compte, je n’ai pas a me préoccuper de la suite, Yves est un grand<br />

garçon, parfaitement capab<strong>le</strong> de se débrouil<strong>le</strong>r tout seul.<br />

De toutes <strong>le</strong>s façons, c’est pas mon truc, je me sens très confortab<strong>le</strong> dans ma position de quasi<br />

fonctionnaire.<br />

A coté de ça, <strong>le</strong> seul truc qui me chiffonne pour <strong>le</strong> moment, c’est la personnalité de mon chef de<br />

service qui prend un malin plaisir à me faire refaire mes rapports encore et encore ; mais bon, il<br />

est pointil<strong>le</strong>ux…chacun ses défauts, je fais avec.<br />

Je fais avec jusqu'à ce que je m’aperçoive un jour qu’il prend un malin plaisir a remplacer


certaines des phrases de ma dernière édition par cel<strong>le</strong>s d’une de mes précédentes versions qu’il<br />

avait rageusement biffées a l’origine.<br />

Là, c’est carrément <strong>du</strong> vice.<br />

Ce Breton commence à m’énerver.<br />

Je dois dire que je n’entends pratiquement plus par<strong>le</strong>r d’Yves jusqu'à ce qu’il m’annonce qu’il<br />

doit déposer <strong>le</strong> bilan.<br />

Les raisons ?<br />

Il n’y arrive plus, il n’arrive pas a trouver <strong>le</strong> fret de retour qui lui permettrait de joindre <strong>le</strong>s deux<br />

bouts etc ... etc…. En fait, il en a marre.<br />

Il n’est pas fait pour ça ; c’est un ingénieur brillant comme je l’ai déjà dit, mais ça n’est pas un<br />

chef d’entreprise ; et moi, pas davantage.<br />

De plus, comme je l’ai déjà mentionné, notre remorque ne se prête qu’au transport de voitures ;<br />

pas faci<strong>le</strong> de trouver <strong>du</strong> fret de retour ; a l’époque ; pas de cellphones ; impossib<strong>le</strong> d’être a la fois<br />

sur <strong>le</strong>s routes et chercher <strong>du</strong> fret.<br />

Là, je commence à me sentir mal à l’aise ; comme je l’ai déjà dit, nous sommes responsab<strong>le</strong>s sur<br />

nos biens propres.<br />

Bon, tachons d’évaluer <strong>le</strong>s dégâts.<br />

En fait, pas de dettes ; donc nous pouvons fermer boutique sans bruit ; après tout ça n’était<br />

qu’une simp<strong>le</strong> expérience sans plus.<br />

Qu’est ce qui m’a pris de vouloir al<strong>le</strong>r plus loin ?<br />

Vous est il jamais arrivé, lorsque tout semb<strong>le</strong> al<strong>le</strong>r de travers, de vous demander, bon sang !<br />

Où diab<strong>le</strong> ais-je donc dérapé ?<br />

Qu’est ce qui m’a fait sortir de ma confortab<strong>le</strong> routine ?<br />

D’où me vient cette foutu galère ?<br />

Je me plaisais a imaginer, jusqu'à récemment, qu’une simp<strong>le</strong> petite phrase, un simp<strong>le</strong> mot, ou un<br />

événement a priori insignifiant pouvait avoir déc<strong>le</strong>nché cette irréversib<strong>le</strong> avalanche de<br />

nonsenses ; vous savez, comme lorsqu’on rou<strong>le</strong> trop près <strong>du</strong> bord sur une route de montagne ; il<br />

suffit d’un caillou pour faire dévier la trajectoire et vous expédier au ravin.<br />

Vous n’y pouvez rien ; juste limiter <strong>le</strong>s dégâts tout en dévalant la pente.<br />

Mais là … non, a tout instant j’aurais pu tout stopper et réintégrer en douceur mon petit univers<br />

tranquil<strong>le</strong> de quasi fonctionnaire.<br />

J’ai toujours eu <strong>le</strong> choix.<br />

Il me suffisait de dire, parfait, comment fait on cela ? Qu’est ce qu’on fait de l’attelage ?<br />

Et, deux ou trois autres trucs <strong>du</strong> même acabit plus tard ;<br />

de me rendormirrrrrrr.<br />

Au lieu de cela !<br />

DOMOBILE


Ma position à l’UTAC devient de plus en plus inconfortab<strong>le</strong> ; je suis en conflit quasi ouvert avec<br />

mon chef de service ; <strong>le</strong> tout au milieu d’une sorte de guerre d’influence interne entre <strong>le</strong>s deux<br />

principaux acteurs Utaciens<br />

.<br />

Et puis j’en ai plus qu’assez ; je suis un technicien dans l’âme, pas un politicien.<br />

Les ronds de jambe aux bail<strong>le</strong>urs de fonds me font mal aux genoux.<br />

Un certain Jeudi matin, mon onc<strong>le</strong> préféré et néanmoins honnête politicien (pléonasme ? Ah<br />

bon!) m’appel<strong>le</strong> pour je ne sais quel<strong>le</strong> raison et je craque.<br />

Après avoir vomi toute la rancœur que je garde en moi depuis des lustres, je lui balance tout de<br />

go, sans réel<strong>le</strong>ment l’avoir seu<strong>le</strong>ment pensé, « Tu devrais me dénicher un poste de fonctionnaire<br />

peinard dans ce tout nouveau ministère que notre bien aimé gouvernement vient de pondre ».<br />

Simp<strong>le</strong> boutade.<br />

Et puis, ca me sort tota<strong>le</strong>ment de l’esprit.<br />

Quelques semaines plus tard ; coup de téléphone.<br />

« Monsieur Chavant » ?<br />

Oui !<br />

« Kasandjian, environnement ; J’aimerais vous voir, assez rapidement si possib<strong>le</strong> ».<br />

A vrai dire je suis sans doute surpris <strong>du</strong> caractère inhabituel de cette demande, mais étant en<br />

charge des homologations anti pollution norme européenne, je travail<strong>le</strong> fréquemment sur des<br />

dossiers de ce ministère.<br />

Souhaitez vous venir a l’UTAC ou vou<strong>le</strong>z vous que j’ail<strong>le</strong> au Ministère ?<br />

« Compte tenu <strong>du</strong> caractère de notre entretien, il serait préférab<strong>le</strong> que vous vous déplaciez ».<br />

Wow, quel<strong>le</strong> connerie ais-je donc encore faite ?<br />

Bon, j’informe mon chef de service et j’obtempère.<br />

Vous savez quel est mon problème ?<br />

Je n’ai jamais su dire « non !!! »<br />

En vérité, je n’ai jamais<br />

« Osé » dire non.


ENVIRONNEMENT<br />

Ou……<br />

QUALITE DE LA VIE ?<br />

Donc, je me rends la queue basse à ce tout nouveau ministère de l’environnement sans avoir la<br />

moindre idée de la raison pour laquel<strong>le</strong>.<br />

Monsieur Kazandjian, chargé de mission, me reçoit fort civi<strong>le</strong>ment et, après m’avoir interrogé<br />

sur mes études, mon expérience professionnel<strong>le</strong> et quelques autres choses, il m’annonce tout de<br />

go:<br />

« Voila, nous allons ouvrir un poste contractuel d’ingénieur dans <strong>le</strong> cadre des règ<strong>le</strong>mentations<br />

Européennes bruit / pollution ; et notre ministre m’a clairement fait savoir qu’il aimerait que ce<br />

soit vous qui l’occupiez »<br />

Ah bon, là je comprends mieux ; oui, parce que ce genre de poste est généra<strong>le</strong>ment réservé au<br />

sérail ; Polytechnique, Mines, ponts et chaussées et éventuel<strong>le</strong>ment Centra<strong>le</strong> ; très rarement aux<br />

Arts et Métiers et Jamais a ma connaissance au Conservatoire National des Arts et Métiers ;<br />

surtout quand on n’a pas pris la peine de présenter sa thèse.<br />

Mon onc<strong>le</strong> avait donc pris ma boutade très au sérieux !<br />

« Mais nous nous trouvons face à un léger problème »<br />

?????<br />

« Ce poste est la contrepartie d’une subvention accordée à l’UTAC qui doit mettre un ingénieur<br />

à notre disposition ; et nous savons que Monsieur Le GUEN a déjà postulé. »


Sympa ! Me voila en compétition avec mon chef de service ; il m’aimait déjà moins que beaucoup,<br />

là, il va surement m’adorer.<br />

« Débrouil<strong>le</strong>z vous pour être nommé à sa place car nous ne pouvons rien faire officiel<strong>le</strong>ment ;<br />

compte tenu des appuis que vous semb<strong>le</strong>z avoir, ça ne devrait pas être trop diffici<strong>le</strong> »<br />

!@#$!@#!$%^!!!??<br />

Pas <strong>du</strong> tout habitué à ce type de magouil<strong>le</strong>s politicardes je n’ai aucune idée de comment réussir<br />

ce tour de force.<br />

Qui suis-je, moi, dans cette boite ? Un tout petit ingénieur que tout <strong>le</strong> monde ignore ; c’est tout<br />

juste si <strong>le</strong> « big boss » se souvient de mon nom.<br />

Quel<strong>le</strong> ficel<strong>le</strong> vais-je bien pouvoir tirer ?<br />

J’enrage ; si près <strong>du</strong> but et … pouf, démerde toi….merci tonton !<br />

J’ai pourtant pas envie de laisser passer ça.<br />

Jouant mon vatout, je rends visite à l’ennemi juré de mon bienaimé patron, j’ai nommé <strong>le</strong><br />

patenôtre Thierry, et lui débal<strong>le</strong> toute l’histoire…qui l’amuse beaucoup.<br />

Il ne peut évidemment pas résister a l’envie de jouer un sa<strong>le</strong> tour a son alter égo ; il va être mon<br />

ambassadeur auprès de la direction….et ça marche.<br />

Moins d’une semaine après, je suis convoqué au sein des seins.<br />

Monsieur Chapoux, distingué directeur général de L’UTAC s’étant curieusement souvenu que<br />

nous étions tous deux originaires <strong>du</strong> même coin <strong>du</strong> massif central, se fera, dit il, un réel plaisir de<br />

donner un coup de main à un « pays ». Tien, il s’est même souvenu de mon nom cette fois ci …<br />

Intéressant !<br />

C’est clair, Le Breton, c’est quand même l’étranger, non ?<br />

Pour un auvergnat.<br />

Il avait assurément pris soin de passer un coup de <strong>fil</strong> … tout ce qu’il y a de plus privé … à<br />

Kasandjian <strong>le</strong>quel, avec la profonde honnêteté qui l’a toujours caractérisé, ne peut que, tout a fait<br />

officieusement bien sur et sous <strong>le</strong> sceau <strong>du</strong> secret, confirmer ma version en y ajoutant <strong>le</strong> petit mot<br />

<strong>du</strong> ministre.<br />

Dans l’interval<strong>le</strong>, alors que <strong>le</strong> résultat des négociations en cours était pour moi encore incertain,<br />

la météo s’était sérieusement gâtée entre <strong>le</strong> Breton et moi.<br />

Lors d’un retour aéroporté d’Al<strong>le</strong>magne au cours <strong>du</strong>quel nous avions tenu quelques propos aigre<br />

doux, je n’ai pas pu m’empêcher de lui débal<strong>le</strong>r, preuves à l’appui, ma rancœur.


Par ail<strong>le</strong>urs, La société Millérioux et Cie dont j’étais devenu entre temps, a mon corps défendant,<br />

<strong>le</strong> gérant, sous l’impulsion d’un très efficace, mais quelque peu inquiétant personnage dont je<br />

par<strong>le</strong>rai plus tard, commençait prendre une toute nouvel<strong>le</strong> tournure.<br />

Il fallait que je règ<strong>le</strong> définitivement <strong>le</strong> problème UTAC et ce, au plus vite, d’une manière ou<br />

d’une autre.<br />

J’ai toujours été un vilain et parfois, pour ne pas dire toujours, irréfléchi provocateur.<br />

Jusqu'à présent, je venais discrètement au travail au volant d’une vieil<strong>le</strong> 2CV brinquebalante,<br />

conforme a mon image <strong>du</strong> moment, mais, cette fois ci, la mesure étant comb<strong>le</strong>, un beau matin, je<br />

débarque au volant de la sp<strong>le</strong>ndide BMW 2500 toute neuve que j’avais eue en prime avec un<br />

miracu<strong>le</strong>ux contrat de transport entre la SATEM et Millérioux et Cie.<br />

Je la gare tout a coté de la plus toute jeune 404 de mon futur « ex patron ».<br />

Eclats de rires sur tout <strong>le</strong> campus.<br />

Comme tout <strong>le</strong> monde <strong>le</strong> sait, si <strong>le</strong> ridicu<strong>le</strong> ne tue pas, il a tout de même une fâcheuse tendance a<br />

sérieusement meurtrir.<br />

Je viens donc de me faire un mortel ennemi qui va œuvrer bec et ong<strong>le</strong>s pour que je n’obtienne<br />

pas ce foutu poste.<br />

Et puis… <strong>le</strong> verdict tombe : je représenterai l’UTAC au ministère ; <strong>le</strong> petit mot <strong>du</strong> ministre étant<br />

sans doute ce qui fit la différence.<br />

Le Guen enrage et menace l’UTAC des sept plaies de l’Egypte si j’entre en lice.<br />

Très franchement, je ne comprends pas très bien son acharnement à me mettre <strong>le</strong>s bâtons dans <strong>le</strong>s<br />

roues. Les Bretons, tout comme <strong>le</strong>s Auvergnats <strong>du</strong> reste, sont têtus sans doute, mais pas<br />

forcément stupides.<br />

C’est pour moi aussi étrange, qu’étrange est l’attitude tota<strong>le</strong>ment opposée <strong>du</strong> sieur Chapoux.<br />

J’avais décidément bien des choses à apprendre au sujet d’intrigues de couloir.<br />

Mon bureau au ministère n’étant pas encore prêt, Monsieur Chapoux m’instal<strong>le</strong> au siège de<br />

l’UTAC, à Paris ; il trouve sans doute plus prudent de m’éloigner un tant soi peu <strong>du</strong> champ de<br />

batail<strong>le</strong>.<br />

Je pensai sur l’instant qu’il voulait m’éviter la colère bretonnante, mais je crois bien en fait que<br />

c’était <strong>le</strong> contraire ; il craignait que ce dernier ne commette a mon endroit quelque exaction qui<br />

pourrait m’inciter a…… !<br />

Mais m’inciter a quoi au fait ?<br />

Devinez quoi !


Une partie de mon travail au ministère allait consister à gérer <strong>le</strong>s subventions destinées à<br />

l’UTAC ; je ne <strong>le</strong> savais pas encore, mais lui … si !<br />

De ce fait, <strong>le</strong> sieur Le Guen était évidemment <strong>le</strong> mieux placé pour savoir que je pouvais avoir<br />

quelques raisons d’être revanchard.<br />

Fi donc !<br />

Son humiliation me suffit largement ; et de toute façon L’UTAC n’est pour rien dans notre<br />

différent.<br />

Je m’instal<strong>le</strong> donc provisoirement dans <strong>le</strong> vaste bureau de la secrétaire <strong>du</strong> maitre de céans,<br />

Mademoisel<strong>le</strong> Verret, une bonne cinquantaine, jamais mariée et a première vue éper<strong>du</strong>ment, quoi<br />

que très platoniquement, amoureuse de son patron.<br />

Je ne sais pas pourquoi mais chaque fois que je pense a el<strong>le</strong>, je ne peux m’empêcher de<br />

l’assimi<strong>le</strong>r au personnage central des « dames aux chapeaux verts », <strong>le</strong> célèbre roman de<br />

Germaine Acremant que je n’ai <strong>du</strong> reste jamais lu. Que vou<strong>le</strong>z vous, <strong>le</strong>s mots génère souvent des<br />

images.<br />

Cela dit, mis a part cette inconditionnel<strong>le</strong> admiration, c’était réel<strong>le</strong>ment ce qu’on a l’habitude<br />

d’appe<strong>le</strong>r « une bonne personne ».


Cailloux, choux, genoux, hiboux, joujoux,<br />

… Chapoux<br />

Ou<br />

Où il était question de Légion d’honneur.<br />

Un beau matin, arrivant à notre bureau temporairement commun, je trouve notre damoisel<strong>le</strong><br />

profondément abattue.<br />

Vous rendez vous compte, me dit el<strong>le</strong> entre deux sanglots, c’est la quatrième fois que Monsieur<br />

Chapoux se voit refuser la légion d’honneur ; pourtant il la mérite bien, avec tout ce qu’il fait<br />

pour ces messieurs de l’administration.<br />

Dans ma naïveté prima<strong>le</strong>, je pensais que la légion d’honneur était attribuée au mérite, j’ignorais<br />

qu’il fallait en plus en faire la demande, ce qui a mon humb<strong>le</strong> avis lui retire tout de même un<br />

p’tit’ peu de son prestige.<br />

Il doit bien y avoir une raison à ce refus, que se passe-t-il donc mademoisel<strong>le</strong> ? Je suis sur que<br />

vous <strong>le</strong> savez !<br />

Je crois, me dit alors l’accorte personne que, lors d’un cocktail au ministère de l’in<strong>du</strong>strie,<br />

Monsieur Chapoux a eu un propos, oh pas bien méchant, mais toutefois un peu <strong>le</strong>ste, a l’endroit<br />

de l’épouse d’un des membres <strong>du</strong> comité.<br />

Et quel membre ! Rien moins que <strong>le</strong> président.<br />

Décidément j’suis pas l’seul à faire ce genre de connerie.<br />

Il faut bien dire que quoiqu’originaire d’une province qui nous a donné bien des chefs d’état,<br />

Monsieur Chapoux n’était pas pour autant connu pour sa délicatesse.<br />

Je passe un discret coup de <strong>fil</strong> à mon onc<strong>le</strong>.<br />

Peut être qu’après tout s’il a pu me faire entrer au ministère de l’environnement, il peut pt’èt’<br />

aussi donner un petit coup de pouce.


« Je me renseigne et je te rappel<strong>le</strong> » !<br />

Après quelques minutes :<br />

« Dis lui qu’il m’appel<strong>le</strong>, j’ai besoin de quelques renseignements » !<br />

Je grimpe quatre à quatre l’escalier qui mène au sanctuaire, frappe, et, tout de go :<br />

« Monsieur Chapoux, mademoisel<strong>le</strong> Verret vient de me faire part de votre infortune à l’ endroit<br />

de votre légion d’honneur ; peut être puis je vous être de quelque utilité. »<br />

Je sens poindre quelque embarras ; devoir sa légion d’honneur à un subalterne ne l’enchante<br />

évidemment pas ; il veut bien être condescendant, mais tout de même pas fraternel.<br />

D’un autre coté, la perspective d’un certain ruban de cou<strong>le</strong>ur l’incite à se montrer magnanime ;<br />

d’autant que je ne suis plus tout a fait un subordonné.<br />

« Permettez que je passe un coup de <strong>fil</strong> ? »<br />

Il permet ; je joue donc <strong>le</strong>s interfaces, et tout en passant sous si<strong>le</strong>nce quelques plaisanteries<br />

quelque peu douteuses dont mon onc<strong>le</strong> est friand.<br />

J’établis <strong>le</strong> contact ; <strong>le</strong>s deux compères s’accointent et je me retire.<br />

J’ignore encore si c’est grâce à l’intervention de mon onc<strong>le</strong> ou simp<strong>le</strong>ment au cheminement<br />

normal d’un processus purement administratif que, quelques mois plus tard, notre Monsieur<br />

Chapoux arbore fièrement sa médail<strong>le</strong> ; mais ce qui est sur, c’est qu’il ne m’adressera plus<br />

jamais la paro<strong>le</strong>, allant même jusqu'à changer de trottoir si d’aventure il nous arrivait<br />

d’emprunter en sens inverse <strong>le</strong> même chemin.<br />

Première <strong>le</strong>çon : Un bienfait ne reste jamais impuni !<br />

Quelques jours plus tard j’intègre mon bureau définitif avenue de Neuilly.<br />

Exit UTAC


Vous avez noté, j’en suis sur que, dans l’interval<strong>le</strong>, j’ai écopé de la gérance de Mil<strong>le</strong>rioux et Cie.<br />

J’ai pas eu vraiment <strong>le</strong> choix ; en tout cas c’était mon sentiment à l’époque.<br />

Yves, lassé d’une expérience qui, en fait ne lui apporte rien, sinon la certitude qu’il n’est pas fait<br />

pour ça, ou plutôt qu’il est fait pour tout autre chose, se proposait donc de déposer <strong>le</strong> bilan.<br />

Le seul terme de « dépôt de bilan » me fi<strong>le</strong> littéra<strong>le</strong>ment la courante et, refusant de voir <strong>le</strong>s<br />

véritab<strong>le</strong>s motifs de sa décision, je lui demande un sursis de quelques quinze jours pendant<br />

<strong>le</strong>quel je vais m’efforcer de trouver des clients susceptib<strong>le</strong>s d’assurer la pérennité de notre<br />

œuvre.<br />

Et je trouve !<br />

Me voila reparti pour un tour, j’apporte <strong>le</strong> contrat a Yves qui, encore une fois coincé par ses<br />

propres esquives va assurer avec succès <strong>le</strong> transport préliminaire mais qui, arguant que cela<br />

prend une tournure qui ne lui convient pas se retire suivi par l’autre tiers de « Cie ».<br />

Je crois que je <strong>le</strong>ur fait peur, ils pensent que je suis fou.<br />

Fou, peut être pas, inconscient en tout cas, c’est certain.<br />

Me voila donc avec sur <strong>le</strong>s bras :<br />

- Une Compagnie de Transport a l’avenir pour <strong>le</strong> moins hypothétique.<br />

o Un énorme contrat de transport<br />

o Pas <strong>le</strong> moindre personnel<br />

o Pas <strong>le</strong> moindre matériel<br />

o Pas la moindre ressource financière<br />

- Un nouveau job qui pour <strong>le</strong> moins me prend au dépourvu.<br />

Et en prime, un collaborateur tombé <strong>du</strong> ciel qui, en dépit de son efficacité, ou peut être même a<br />

cause d’el<strong>le</strong>, m’inquiète plus qu’il ne me conforte.<br />

Je suis complètements dépassé.<br />

J’ai <strong>du</strong> reste <strong>le</strong> sentiment d’avoir passé ma vie à être dépassé


MINISTERE DE LA QUALITE DE LA VIE<br />

Sur mon séjour lui-même, il n’y a pas grand-chose à dire.<br />

Seu<strong>le</strong>s quelques anecdotes éclairant d’un jour très particulier cette vie hors <strong>du</strong> monde de ces<br />

Fonctionnaires qui nous gouvernent méritent d’être citées.<br />

Pourquoi une majuscu<strong>le</strong> a Fonctionnaires ? Oh ! Parce qu’ils la méritent.<br />

Pourquoi « hors <strong>du</strong> monde » ? Parce qu’ils <strong>le</strong> méritent aussi.<br />

Présidents et ministres paradent, aiment a diriger, ou plutôt a être perçus comme tels ; mais <strong>le</strong>s<br />

fonctionnaires eux, travail<strong>le</strong>nt en secret, en sous main, presque en catimini, besogneux et sans<br />

gloire au succès <strong>du</strong> grand œuvre ; cherchant à rendre effectives, parfois même efficaces, <strong>le</strong>s<br />

mesures même <strong>le</strong>s plus insanes des puissants qui pérorent soucieux de plaire a la masse<br />

ignorante.<br />

De véritab<strong>le</strong>s artistes ; ils arrivent même à faire dire aux lois, pour <strong>le</strong> bien <strong>du</strong> bon peup<strong>le</strong> et fort<br />

heureusement, exactement <strong>le</strong> contraire de ce pour quoi el<strong>le</strong>s ont été votées.<br />

Je ne par<strong>le</strong> pas des « grands fonctionnaires » directeurs de ministères et autres qui sont déjà à mi<br />

chemin de la politique politicienne, mais de ceux qu’on dit si fainéant (vocab<strong>le</strong> issu comme<br />

chacun sait de « fait néant »).<br />

Les petits, <strong>le</strong>s sans grades comme <strong>le</strong> disait je ne sais plus quel génie de la plume ; qui ne sont <strong>du</strong><br />

reste pas si fainéants que ça.<br />

Certes ils s’appliquent à ne pas dépasser <strong>le</strong>urs horaires.<br />

Certes, ils n’ont pas l’habitude de se fou<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s poignets ce qui <strong>du</strong> reste nuirait a <strong>le</strong>ur<br />

efficacité….Mais ils sont patients et efficaces…terrib<strong>le</strong>ment efficaces.<br />

Ce sont sans doute <strong>le</strong>s seuls a réel<strong>le</strong>ment se soucier <strong>du</strong> bien public ; car ils en font partie <strong>du</strong><br />

public, eux ; ils sont directement concernés.


On <strong>le</strong>s dit privilégiés, et ils <strong>le</strong> sont dans une certaine mesure, rapport a l’emploi, mais ils ne font<br />

pas partie de ceux dont <strong>le</strong> rang <strong>le</strong>s met à l’abri des lois ou la fortune a l’abri <strong>du</strong> besoin.<br />

De mon passage au Ministère, je n’ai pas de grands souvenirs ; la plupart <strong>du</strong> temps … travail<br />

administratif de routine, cependant je retiendrai trois points ou plutôt quatre opérations et<br />

quelques constatations.<br />

La quatrième opération, qui fut pour moi la dernière, fut la « Campagne nationa<strong>le</strong> CO-CO2 »<br />

La Troisième Opération, quelque peu Ubuesque ; la ballade <strong>du</strong> moteur a eau ; une sacré ballade !<br />

La seconde, bien que n’ayant rien à voir avec l’environnement, je l’ai con<strong>du</strong>ite a partir <strong>du</strong><br />

ministère avec la bénédiction de mon patron, <strong>le</strong> regretté Kasandjian ; Le fiasco Iraquien ; fiasco<br />

commercial j’entends.<br />

La première, est une campagne anti bruit sortant un peu de l’ordinaire.<br />

Et puis, je vais aussi vous par<strong>le</strong>r d’un exercice bur<strong>le</strong>sque qui se répète chaque année : la course a<br />

l’attribution de subventions de fin d’année.<br />

Quant’ aux constatations, je pense que vous pourrez <strong>le</strong>s faire vous-même à la <strong>le</strong>cture de ce qui<br />

suit.


Ce que tu sais faire tu <strong>le</strong> fais<br />

Ce que tu ne sais pas faire tu l’enseignes<br />

J’ai souvent enten<strong>du</strong> cette formu<strong>le</strong> et j’avais, jusqu'à un certain jour, pensé que c’était juste une<br />

mauvaise plaisanterie a l’endroit d’enseignants peu inspirés comme j’en avais quelque fois<br />

rencontré.<br />

La vie va se charger de me démontrer <strong>le</strong> contraire.<br />

Le problème, c’est qu’j’sais rien faire !!<br />

Quel bon enseignant je vais être !<br />

Le pire, c’est qu’on a l’air de me trouver génial…..encore aujourd’hui !<br />

C’est vrai qu’aux Etats Unis, paraître intelligent n’est pas trop diffici<strong>le</strong>.<br />

Merde, y font quoi <strong>le</strong>s autres ?<br />

Quand je regarde autour de moi, ya p<strong>le</strong>in de gens qui semb<strong>le</strong>nt compétant et parfaitement sur<br />

d’eux.<br />

Ça me fout <strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>s !<br />

Bon, j’ai plus qu’une chose à faire … Enseigner !....Tout et n’importe quoi ?<br />

Je plaisante bien sur, je n’avais jamais songé à enseigner jusqu’au jour où….<br />

Ben…. jusqu’au jour ou je me suis fait virer de mon poste au ministère !<br />

Eh oui, ya des choses qu’on vous fait faire sous couvert <strong>du</strong> bien d’autrui, mais que vous n’avez<br />

pas <strong>le</strong> droit de faire pour vous ; il semb<strong>le</strong> bien que vous ne fassiez pas partie d’autrui!<br />

C’est comme ça, c’est la vie.


Le ministère utilisait sans vergogne ma petite société de transport pour glaner des informations<br />

qu’il n’aurait pas pu obtenir par voie officiel<strong>le</strong> comme, par exemp<strong>le</strong>, démasquer <strong>le</strong>s fabricants de<br />

camions spéciaux et de remorques sur mesures qui incitaient <strong>le</strong>urs clients a la surcharge.<br />

Eh oui, très commode d’avoir sous la main une petite compagnie qui peut se faire passer pour un<br />

client potentiel.<br />

Ou bien, acheter des motocyc<strong>le</strong>ttes soupçonnées d’être mises illéga<strong>le</strong>ment sur <strong>le</strong> marché et se<br />

porter ensuite partie civi<strong>le</strong>… etc…<br />

Mais, quand, pris par l’urgence, j’expédie en catastrophe à un de mes fournisseurs d’accessoires<br />

personnel un courrier en utilisant une enveloppe à entête <strong>du</strong> ministère, tout simp<strong>le</strong>ment parce que<br />

ça urge et que j’en ai pas d’autre sous la main….Scanda<strong>le</strong>…et remerciement.<br />

Enfin…remerciement officiel qui, parce que malgré tout, parait il, on a besoin de mes services,<br />

se tra<strong>du</strong>it simp<strong>le</strong>ment par un changement de structure d’accueil et de bureau.<br />

Je fais toujours <strong>le</strong> même boulot, mais a partir de chez moi, et ma feuil<strong>le</strong> de paye porte une autre<br />

entête ; quant’ au chiffre inscrit en bas, il s’est plutôt arrondi avec avantages a la clé.<br />

Pourquoi Kasandjian n’a-t-il pas plaidé pour moi ?<br />

Ben parce qu’il était mort, tout simp<strong>le</strong>ment ; de mort naturel<strong>le</strong>, je précise, malgré son jeune âge ;<br />

et qu’il était <strong>le</strong> seul avec <strong>le</strong> ministre lui-même, au courant de nos petites magouil<strong>le</strong>s ; ministre<br />

qui, <strong>du</strong> reste, venait d’être remercié … politique oblige.<br />

Pourquoi donc tant d’acharnement ?<br />

J’ai ma petite idée.<br />

Une histoire de fausses factures qu’un de ces beaux messieurs <strong>du</strong> huitième étage m’a demandé<br />

de faire passer par ma compagnie.<br />

J’ai fait semblant de marcher…et <strong>le</strong>s fausses factures se sont transformées en … Vraies factures.<br />

Là encore, j’ai mal joué <strong>le</strong> coup….Une bonne dose d’inconscience, c’aurait pu être pire, un<br />

accident est si vite arrivé ; bref je m’en tire à bon compte.<br />

Qu’est ce que ça a avoir avec <strong>le</strong> fait d’enseigner ?<br />

Rien, c’est juste pour situer l’époque.<br />

Si j’étais officiel<strong>le</strong>ment resté au ministère, j’aurai tout de même enseigné.<br />

Ça a commencé par une bana<strong>le</strong> affaire de gros sous.


Raminagrobis<br />

Kirsnovaz…ou….Kirsnevaz, avec <strong>le</strong> temps, j’me rappel<strong>le</strong> plus bien ; en tout cas surnommé KZ ;<br />

un type très sympathique au demeurant qui par la suite s’est avéré faire partie <strong>du</strong> même club que<br />

moi ; y pouvait donc pas être tota<strong>le</strong>ment mauvais !<br />

Beaucoup de mérite, travail<strong>le</strong> <strong>du</strong>r ; propriétaire d’une petite société qui vend <strong>du</strong> matériel de<br />

garage ; y’ se débrouil<strong>le</strong> très bien au milieu de ce panier de crabes qu’est <strong>le</strong> milieu de la<br />

réparation automobi<strong>le</strong> ; mais il semb<strong>le</strong> bien qu’il ait, un peu a la légère, investi dans ce qui aurait<br />

<strong>du</strong> être d’un bon rapport, mais qui, <strong>du</strong> fait de la mauvaise volonté d’un gouvernement pour une<br />

fois conscient de ce qui est souhaitab<strong>le</strong> versus ce qui est légal ; s’avère être une sacré épine dans<br />

<strong>le</strong> pied.<br />

Mais notre Raminagrobis est futé et…. il sait lire.<br />

Il s’avise <strong>du</strong> fait qu’une certaine loi antipollution, vieil<strong>le</strong> de quelques cinq ans, n’est toujours pas<br />

appliquée.<br />

Il lance une interrogation à la fois au ministère de l’environnement ou je sévis et à la direction<br />

des routes.<br />

Mon ministre n’a pas d’autre alternative que de répondre « oui, il faut appliquer ! »<br />

Il aurait peut être dû nous consulter avant, nous, <strong>le</strong>s obscurs travail<strong>le</strong>urs de l’ombre.<br />

Le directeur des routes, lui, plus prudent, estime à juste titre qu’il est un peu trop tôt et formu<strong>le</strong><br />

une réponse en ce sens, erreur suprême, par écrit.<br />

C’est bien ce sur quoi notre Raminagrobis comptait.<br />

Il s’en vient tout de go porter, escorté par un célèbre reporter automobi<strong>le</strong> si j’en crois la rumeur,<br />

<strong>le</strong>s deux papiers sur <strong>le</strong> bureau de notre premier ministre tout neuf : Alors…on fait…. ou on fait<br />

pas ?


Que vou<strong>le</strong>z vous qu’il répondit ?<br />

On fait !<br />

J’étais encore en poste à ce moment là ; et toujours aussi peu diplomate.<br />

Je ne cachais pas à mon nouveau patron ma manière de voir. « Stupide ! » éructais-je, « un<br />

analyseur de gaz nécessite un ingénieur trois techniciens et un maximum de précautions,<br />

imaginez ce que ça va donner entre <strong>le</strong>s mains d’un garagiste » ; et je me retrouve illico a<br />

mesurer, un brumeux soir de pâques, <strong>le</strong>s bruits d’avions au bout des pistes d’Orly.<br />

Il semb<strong>le</strong> bien que mon opinion, s’il m’arrivait d’en faire part haut et fort, risquait fort de<br />

contrecarrer <strong>le</strong>s ambitions politiques <strong>du</strong> jeune et tout nouveau chef <strong>du</strong> département bruit<br />

pollution qui avait vu là une excel<strong>le</strong>nte occasion de se pousser <strong>du</strong> col.<br />

Un certain hôpital se plaint, parait il, de bruits qui n’auraient pas <strong>du</strong> être puisqu’aucune<br />

trajectoire aérienne n’est censée passer à proximité.<br />

Bref, cela doit requérir, me dit on, toute mon attention.<br />

J’avoue que sur l’instant, ça ne me plait pas trop ; puis, je me dis après tout, amusons nous un<br />

peu.<br />

J’emprunte à l’UTAC une estafette, trois cinéthéodolites qui vont me permettre de tracer avec<br />

précision la trajectoires des avions en partance, et un analyseur de fréquences grâce auquel je<br />

vais pirater, et bien sur enregistrer, toutes <strong>le</strong>s conversations entre la tour de contrô<strong>le</strong> et <strong>le</strong>s<br />

pilotes.<br />

Très instructif !!!<br />

Il faut savoir qu’à l’époque, <strong>le</strong>s pilotes recevaient des primes à l’économie de carburant ; or, <strong>le</strong>s<br />

procé<strong>du</strong>res antibruit rallongeant <strong>le</strong>s trajectoires, rallongeaient par la même occasion, <strong>le</strong>s<br />

consommations.<br />

Nos chevaliers <strong>du</strong> ciel raccourcissaient donc, de <strong>le</strong>ur propre chef, avec, bien enten<strong>du</strong><br />

l’accord….ou peut être même la complicité, des aiguil<strong>le</strong>urs de ce même ciel, <strong>le</strong>urs trajectoires.<br />

Très curieusement <strong>le</strong>s seuls équipages à respecter <strong>le</strong>s procé<strong>du</strong>res règ<strong>le</strong>mentaires étaient ceux de<br />

l’Aeroflot.<br />

Peut être n’avaient ils pas été conviés au festin ; notre France de l’époque n’était pas très<br />

communisante.<br />

De retour au bercail, je dépose mon rapport sur <strong>le</strong> bureau <strong>du</strong> patron.<br />

Le jour suivant je reçois cet intéressant coup de téléphone.


Monsieur Chavant, nous avons eu un regrettab<strong>le</strong> accident au garage ; l’une de nos estafettes a<br />

brulé.<br />

Pourquoi donc pensais-je immédiatement que c’était précisément cel<strong>le</strong> dont je m’étais servi la<br />

nuit précédente ; laquel<strong>le</strong>, bien évidemment, eu égard a la fois a l’heure tardive et au respect de<br />

la trêve pasca<strong>le</strong>, n’avait pas été déchargée ?<br />

Pas de preuves, pas d’action.<br />

Je suppose que si j’avais pris <strong>le</strong>s bandes avec moi, il y aurait eu un court circuit dans mon tiroir.<br />

Les voies <strong>du</strong> seigneur étant impénétrab<strong>le</strong>s je m’étais donc gelé <strong>le</strong> cul rien que pour <strong>le</strong> plaisir.<br />

Par contre je n’ai plus jamais enten<strong>du</strong> par<strong>le</strong>r de bruits d’avion.<br />

Et puis, un beau matin de printemps : Monin !<br />

Eh oui, il s’appel<strong>le</strong> Monin, mon nouveau boss.<br />

« J’y comprends rien ! y me racontent n’importe quoi ».<br />

Moi écarté <strong>du</strong> système, il avait continué tout seul : Objectif : équiper, avec la bénédiction de la<br />

profession, des garages que je n’hésiterai pas à nommer privilégiés, d’analyseurs de gaz afin que<br />

la directive européenne dont je ne me souviens plus <strong>le</strong> numéro soit effective.<br />

Et que, par la même occasion notre Raminagrobis de service ; j’ai nommé notre KZ de célèbre<br />

mémoire ; puisse écou<strong>le</strong>r sa marchandise et que lui-même, Monin, puisse arborer a sa<br />

boutonnière un ruban de cou<strong>le</strong>ur qu’il n’avait pas encore.<br />

Me voici donc de retour dans <strong>le</strong> cirque.<br />

La machine est lancée, il va maintenant falloir limiter <strong>le</strong>s dégâts ou l’antipollution risque d’avoir<br />

ses martyrs.<br />

Malheureusement, nous ne pourrons pas l’éviter, mais ceci est une autre histoire.<br />

Autour de la tab<strong>le</strong> ? De tout !<br />

Vieux renards de l’automobi<strong>le</strong> ; présidents de syndicats ; accessoiristes KZ en tête ; journalistes<br />

professionnels et j’en passe. Ah, une tête connue patron des stations So<strong>le</strong>x parisiennes, Ingénieur<br />

des Arts et métiers.<br />

Celui là sera ma cib<strong>le</strong>.<br />

Nous sommes supposés par<strong>le</strong>r <strong>le</strong> même langage ; en tout cas, c’est ce que nous allons faire. Ils ne<br />

s’attendent pas à ce qu’au sein d’un ministère, il y ait un professionnel sorti <strong>du</strong> rang.<br />

Je connais bien ce genre de personnage ; lorsqu’on en vient à par<strong>le</strong>r technique d’égal a égal, c’est<br />

plus fort qu’eux, y peuvent pas être tota<strong>le</strong>ment malhonnêtes.


Par contre, ils connaissent bien ces fonctionnaires issus de polytechnique et ne <strong>le</strong>s apprécient pas<br />

beaucoup ; des théoriciens ; ils <strong>le</strong>ur sortent l’éternel<strong>le</strong> complainte : « Oui, bien sur, c’est bien ce<br />

qui se passe en théorie, mais la pratique, monsieur, la pratique c’est tout autre chose. » ; et<br />

d’habitude ça marche.<br />

Si <strong>le</strong> polytechnicien est capab<strong>le</strong> d’envoyer un vaisseau sur la lune, ce que ne sait pas faire un<br />

modeste ingénieur comme vous et moi, quand il s’agit de se servir d’une clé à mo<strong>le</strong>tte, y sait pas<br />

trop par quel bout la prendre et a tendance à perdre sa superbe et craignant de perdre en plus sa<br />

crédibilité, il s’écrase …. enfin, <strong>le</strong>s plus intelligents d’entre eux.<br />

« Laissez moi au fond de la sal<strong>le</strong> et surtout ne me présentez pas, j’interviendrai <strong>le</strong> moment<br />

venu ».<br />

La séance commence et je m’amuse un max. Coté roulage dans la farine c’est un must.<br />

Notre ami de So<strong>le</strong>x commet alors l’erreur de pousser <strong>le</strong> bouchon un peu trop loin, c’est <strong>le</strong><br />

moment.<br />

« Vous êtes un Gad’s’arts si je ne m’abuse, je suis moi aussi quelque peu ingénieur assez tourné<br />

vers la pratique ; conservatoire des arts et métiers; nous parlons donc <strong>le</strong> même langage et vous<br />

savez aussi bien que moi qu’il n’y a aucune raison pour qu’un carburateur de dernière<br />

génération se dérèg<strong>le</strong> si on ne l’aide pas un tout petit peu ; puis : Excusez moi, j’ai oublié de me<br />

présenter ».<br />

Tout y passe : pédigrée automobi<strong>le</strong>, brevets américains en carburation, recherches antipollution,<br />

laboratoire d’état ; la tota<strong>le</strong> quoi ; et ça marche ; un peu d’esbroufe n’a jamais fait de mal a<br />

personne.<br />

Ils se sentent largués, ils sont coincés ; ils sont allés top loin pour rebrousser chemin ; et puis, ils<br />

espèrent tous faire parti de ces privilégiés qui toucheront la grosse ga<strong>le</strong>tte ; ils vont collaborer.<br />

Le seul truc, c’est qu’y savent pas trop comment s’y prendre, loin <strong>du</strong> cambouis, ils sont aussi<br />

per<strong>du</strong>s que nos polytechniciens loin <strong>du</strong> papier.<br />

Le véritab<strong>le</strong> travail va commencer.<br />

Au fur et à mesure des jours qui passent je touche <strong>du</strong> doigt la profonde méconnaissance<br />

technique de tous ces personnages. Ils ont un demi-sièc<strong>le</strong> de retard.<br />

Ils se débattent becs et ong<strong>le</strong>s, ils arrivent même a me faire douter de mes propres connaissances<br />

et Monin n’est pas loin de se ranger a <strong>le</strong>urs cotés.<br />

Je fais alors appel à l’autorité supérieure.<br />

Je demande a Magot Cuvru, titulaire de la chaire de mécanique des fluides de l’université de<br />

Lil<strong>le</strong> et assistant <strong>du</strong> Professeur Serruys lui-même non seu<strong>le</strong>ment titulaire de la chaire de moteurs<br />

<strong>du</strong> conservatoire, mais éga<strong>le</strong>ment enseignant a l’éco<strong>le</strong> centra<strong>le</strong>.<br />

Il me fallait à tout <strong>le</strong> moins récupérer Monin dans mon camp.


La encore, ça marche et je récupère, non seu<strong>le</strong>ment l’auditoire, mais aussi ma propre confiance<br />

en moi et, croyez moi, je commençais à en avoir besoin.<br />

La profession alors se déboutonne ; « nous, on sait, on est la crème de la profession, mais <strong>le</strong>s<br />

autres ? »<br />

Ben voyons !<br />

Même Monin commence à voir sa légion d’honneur disparaitre à l’horizon ; il faut sortir de<br />

l’impasse, une fois de plus, on est allé trop loin.<br />

« Créons une éco<strong>le</strong>. »<br />

« Ils ne se déplacerons pas, ils ne peuvent pas laisser <strong>le</strong>ur atelier comme ça »<br />

« Qu’a cela ne tienne, c’est l’éco<strong>le</strong> qui se déplacera »<br />

J’ai décidément l’art des phrases a l’emporte pièce et j’ai toujours pas compris la <strong>le</strong>çon ; pas<br />

étonnant que ça me retombe sur <strong>le</strong> nez.<br />

« Oui, mais comment ? »<br />

J’improvise.<br />

On fera financer la formation par <strong>le</strong>s fonds de formation professionnel<strong>le</strong>, mais il faudra que<br />

chacun y souscrive.<br />

« On s’en charge »<br />

C’est une procé<strong>du</strong>re comp<strong>le</strong>xe sur laquel<strong>le</strong> je ne m’étendrai pas mais qui permet aux artisans qui<br />

n’ont pas suffisamment de crédit formation de bénéficier de fonds inutilisés par des structures<br />

plus importantes ; <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s préfèrent <strong>le</strong>s donner à la profession plutôt que de <strong>le</strong>s reverser au<br />

gouvernement et surtout de <strong>le</strong>s utiliser.<br />

La formation continue n’est pas en odeur de sainteté dans <strong>le</strong>s entreprises ; il ferait beau voir que<br />

<strong>le</strong>s employés en sachent plus que <strong>le</strong> patron.<br />

Il se trouve que notre ministre est lui-même un ancien garagiste ; il approuve <strong>le</strong> projet.<br />

Il nous faut maintenant trouver des enseignants, non seu<strong>le</strong>ment compétents, mais aussi crédib<strong>le</strong>s<br />

pour la profession.<br />

Plusieurs vendeurs de matériel de garage se portent volontaire ; ils sont universel<strong>le</strong>ment connu<br />

et respectés par <strong>le</strong>s mécaniciens à qui ils donnent souvent de précieux conseils ;<br />

malheureusement ce ne sont pas des enseignants.<br />

Enseigner est un métier ; un métier délicat et diffici<strong>le</strong>.


Le ministre décide alors de donner à ces professionnels une nouvel<strong>le</strong> corde à <strong>le</strong>ur arc ; il va <strong>le</strong>ur<br />

faire suivre une formation accélérée de formation de formateurs.<br />

Formation a laquel<strong>le</strong> il me demande de participer.<br />

Trois voitures, une équipe de six intervenants et tout l’équipement de mesure sur <strong>le</strong>quel nos<br />

aspirants contrô<strong>le</strong>urs vont devoir être formés.<br />

Et puis….<br />

Et puis je me fais virer !<br />

En fait non, c’est beaucoup plus simp<strong>le</strong> que ça, on ne renouvel<strong>le</strong>ra pas mon contrat sur l’UTAC<br />

dont je suis toujours salarié.<br />

Problème ; si je retourne à l’UTAC, je suis hors <strong>du</strong> coup et Monin a toujours besoin de moi.<br />

Il me fait démissionner de l’UTAC et met en place <strong>le</strong> même type de contrat avec une structure en<br />

loi de 1901 parfaitement inconnue, a peine existante, plus soup<strong>le</strong> et plus faci<strong>le</strong> à manipu<strong>le</strong>r que<br />

l’UTAC trop impliquée avec <strong>le</strong>s constructeurs automobi<strong>le</strong>s.<br />

Structure à qui, par la même occasion, il confiera, un peu à la légère, la gestion de toute<br />

l’opération.<br />

L’aventure va alors prendre une tournure hautement démagogique, quasi méphitique, et <strong>le</strong><br />

système va s’accélérer au delà de toute imagination.<br />

Il est clair que personne, moi y compris, n’avait imaginé <strong>le</strong>s implications et conséquences de<br />

cette opération.<br />

La structure ? La fondation « Sauvons l’Avenir »<br />

Obscure et farfelue fondation au nom hautement ridicu<strong>le</strong>.<br />

Le porte paro<strong>le</strong> de la structure ? François Soriano ; un requin patte de velours sans grande<br />

envergure mais avec un bagout de vendeur de chaussettes et de grandes ambitions.<br />

Il sait convaincre.<br />

Il saura surtout dans certaines circonstances, convaincre <strong>le</strong>s autorités, qu’il n’est pour rien dans<br />

tout ce qui arrive et qui s’est passé dira t’il, derrière son dos.<br />

On croit rêver.<br />

Oh !! Il a cependant une grande qualité : il est gendre de sénateur et la structure qu’il dirige est<br />

affublée de l’indispensab<strong>le</strong> numéro de formation professionnel<strong>le</strong> qui lui permet d’une part<br />

d’obtenir des subventions gouvernementa<strong>le</strong>s et qui d’autre part l’autorise à puiser dans <strong>le</strong>s fonds<br />

de formation dont je parlais plus haut.


Tout est donc pour <strong>le</strong> mieux dans <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur des mondes.<br />

On pourra s’équiper et nos séminaires ne coûteront pas un sou à nos garagistes ; la vie n’est el<strong>le</strong><br />

pas merveil<strong>le</strong>use ?<br />

Les brigades de police et de gendarmerie impliquées en tant que « brigades anti-pollution » ne<br />

verront pas <strong>le</strong>s choses d’un si bon œil ; avant que de sévir, el<strong>le</strong>s vont devoir travail<strong>le</strong>r.<br />

Nous allons nous faire <strong>le</strong>s dents sur cel<strong>le</strong>s de la région parisienne, et c’est à Paris que nous ferons<br />

<strong>le</strong>s premiers tests.<br />

L’un de ces estimab<strong>le</strong>s pandores me dira à l’issue de cette première session « C’est bien de<br />

vouloir faire avancer <strong>le</strong>s choses, mais ils feraient mieux de nous acheter des rubans pour <strong>le</strong>s<br />

machines a écrire toute neuves qu’ils nous ont acheté »<br />

Ça ne manque pas de bon sens.<br />

En fait, je crois avoir déjà enten<strong>du</strong> ça quelque part : «Nous sommes prêts monsieur <strong>le</strong> président ;<br />

Il ne manque pas un seul bouton de guêtre ».<br />

Donc, rien de bien nouveau sous <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il.<br />

Mais, me direz vous, « vous alliez enseigner quelque chose que vous connaissez bien ».<br />

Oui et non.<br />

J’avais effectivement deux brevets internationaux à mon actif et j’avais éga<strong>le</strong>ment dessiné des<br />

chambres de combustion spécia<strong>le</strong>s, mais c’était dans <strong>le</strong> domaine de la recherche pure.<br />

La réparation automobi<strong>le</strong> c’est tout autre chose.<br />

Les voitures que vous et moi achetons dans <strong>le</strong> commerce ont souvent bien peu de choses à voir<br />

avec ce qui sort de nos cartons.<br />

Nous travaillons dans l’absolu, mais <strong>le</strong>s ingénieurs de fabrication qui passent derrière nous<br />

doivent adapter nos trouvail<strong>le</strong>s à une réalité pratique et…rentab<strong>le</strong><br />

En fait, je n’étais même pas censé enseigner sur ce coup là ; je devais simp<strong>le</strong>ment être présent<br />

pour éventuel<strong>le</strong>ment soutenir l’équipe.<br />

C’est plus tard, beaucoup plus tard, que j’ai enseigné ce que je n’avais jamais pratiqué ; en tout<br />

cas, consciemment pratiqué et que j’ai pu maîtriser, grâce a mes étudiants.<br />

Eh oui, <strong>le</strong>s étudiants posent de questions et des problèmes que vous avez à résoudre ; ils vous<br />

obligent à réfléchir.<br />

Le truc consiste à donner la question au groupe « à travail<strong>le</strong>r pour la séance suivante ».


C’est comme ça que m’est venu la formu<strong>le</strong> qui m’a caractérisé tout au long de ma « carrière »<br />

d’enseignant : « Vous avez un cerveau…Utilisez <strong>le</strong> ! »<br />

Non seu<strong>le</strong>ment ça vous donne <strong>du</strong> temps, mais, dans 99% des cas, ce sont <strong>le</strong>s étudiants qui vous<br />

donnent la réponse.<br />

Ils sont en général bien plus futés que vous.<br />

De plus ils ne doutent pas un instant que vous la connaissez cette foutu réponse et, en prime,<br />

vous <strong>le</strong>ur donnez la meil<strong>le</strong>ure formation qui soit : <strong>le</strong>s entraîner à réfléchir.<br />

Mais, une fois de plus, ceci interviendra bien plus tard.<br />

Pour l’instant, je maîtrise assez bien la question mais il n’est pas question que j’enseigne quoi<br />

que ce soit.<br />

Arrive <strong>le</strong> grand jour ; trente cinq professionnels, <strong>le</strong>s pire qui soient ; des présidents de syndicat.<br />

Connaissez-vous la loi de Peter ?<br />

« Tout indivi<strong>du</strong> tend en permanence vers son niveau maximal d’incompétence ».<br />

Cel<strong>le</strong> là, c’est pas moi qui l’ai faite.<br />

Eh bien, <strong>le</strong>s présidents, c’est ceux qui sont arrivé au sommet.<br />

Ils clament haut et fort qu’ils savent tout sur tout - bien sur puisqu’ils sont présidents - mais sont<br />

depuis longtemps dépassés.<br />

De plus, il ne faut pas qu’ils perdent la face sous peine de perdre aussi <strong>le</strong>ur présidence….Les pire<br />

qui soient vous dis-je.<br />

Donc ; <strong>le</strong>vé de rideau moins trente secondes …. Notre enseignant vedette s’écrou<strong>le</strong> … Crise<br />

cardiaque !<br />

Ça commence bien.<br />

Nous n’avions évidemment pas prévu ça. Chacun connait sa partition mais pas cel<strong>le</strong> des autres.<br />

Quant a moi, je n’ai pas de partition bien définie, mais je suis sensée être <strong>le</strong> cerveau.<br />

La confusion qui règne a la suite <strong>du</strong> malaise de notre camarade, connu et apprécié de tout <strong>le</strong><br />

monde nous permet a Zundel et a moi de faire <strong>le</strong> point de la situation.<br />

La conclusion est simp<strong>le</strong> comme <strong>le</strong> dit Zundel, « Tu es <strong>le</strong> seul à maîtriser complètement <strong>le</strong> sujet,<br />

de plus, coté enseignement, tu as suivi la même formation que nous ; c’est à toi de t’y col<strong>le</strong>r ».<br />

Comme quoi, une réputation peut parfois vous jouer de sacré tours.


Il ajoute : « je vais faire traîner l’intro<strong>du</strong>ction, ça va te donner <strong>le</strong> temps de te préparer ».<br />

Merci patron !!<br />

Ça redémarre…plutôt bien ; Jean Claude … Oui, notre ami et néanmoins chef de mission, <strong>le</strong><br />

susnommé Zundel se prénomme Jean Claude ; Jean Claude donc,… a un incroyab<strong>le</strong> charisme ;<br />

avec <strong>le</strong> défaut, parfois, d’en faire parfois un peu trop.<br />

Cette fois ci, il tartine. « Ils ne te connaissent pas, il faut qu’ils aient confiance »<br />

Certain de ces présidents étaient présents a la fameuse séance ou j’ai cloué <strong>le</strong> bec au digne<br />

représentant de So<strong>le</strong>x.<br />

Ils savent que je peux avoir la dent <strong>du</strong>re.<br />

Ils n’ont pas envie de perdre la face devant <strong>le</strong>urs ouail<strong>le</strong>s.<br />

Ça va <strong>le</strong>s transformer en statue.<br />

Ils vont nous jouer la carpe encore mieux que Schubert et ça va pas faire avancer <strong>le</strong> dialogue !<br />

J’attaque : Réglage <strong>du</strong> ra<strong>le</strong>nti sur un carburateur antipollution.<br />

C’est un peu brutal, mais il me faut générer des questions.<br />

Si<strong>le</strong>nce dans la sal<strong>le</strong>.<br />

Un peu inatten<strong>du</strong> de la part de garagistes, même pas un qui veut faire <strong>le</strong> malin.<br />

« On règ<strong>le</strong> <strong>le</strong> papillon tangent au premier trou de progression »<br />

Re si<strong>le</strong>nce dans la sal<strong>le</strong>.<br />

Y veu<strong>le</strong>nt pas poser de question, je vais donc <strong>le</strong> faire a <strong>le</strong>ur place.<br />

« Tangent par en dessus ou par en dessous ? »<br />

RE RE si<strong>le</strong>nce.<br />

Puis une main se lève au fond de la sal<strong>le</strong> « C’est quoi ... un trou de progression ? »<br />

Là, j’ai tout de même la nette impression qu’on se fiche de ma poire.<br />

Tennis..Je renvoie la bal<strong>le</strong> « qu’est ce que j’en sais moi, c’est vous <strong>le</strong>s professionnels »<br />

Les vieux de la viel<strong>le</strong> restent obstinément muets, j’enchaîne,<br />

« qui peut nous expliquer ce qu’est un trou de progression ? »<br />

Tout <strong>le</strong> monde se regarde, puis, y en a un qui s’décide. « Bien sur qu’on sait qu’ y’a des trous de


progression, mais on sait pas a quoi ce sert ni comment ca marche. »<br />

Les présidents ne protestent pas. Ils nous avaient pourtant affirmé que pour eux, tout <strong>le</strong> monde<br />

bouffait <strong>du</strong> « Beau de Rochas » au petit déjeuner.<br />

Il nous va donc falloir revoir notre <strong>copie</strong>.<br />

Pendant la première pause, Jean Claude et moi réorganisons <strong>le</strong> séminaire ; pour cette séance,<br />

nous allons faire passer la connaissance <strong>du</strong> matériel au premier plan ce qui va me donner <strong>le</strong><br />

temps de bâtir ma propre intervention.<br />

J’avais toujours pris <strong>le</strong>s mécaniciens automobi<strong>le</strong>s pour des escrocs à la petite semaine, c’est bien<br />

pire, ils sont foncièrement honnêtes mais ils ne savent pas.<br />

L’un d’entre eux, sympathique alsacien, proclamera lors d’une session suivante : « C’est vrai,<br />

y’a des fois on répare une voiture, el<strong>le</strong> marche, mais on sait pas pourquoi, c’est un véritab<strong>le</strong><br />

mirac<strong>le</strong> ».<br />

Froid dans <strong>le</strong> dos !<br />

Il est donc évident que nos mécaniciens n’ont aucune idée de comment fonctionne un moteur ; ils<br />

procèdent par « recettes de cuisine ».<br />

Je vais repartir à zéro avec des dessins humoristiques à l’appui ; et ça marche ; ils ne sont pas<br />

stupides, loin de là ; c’est juste qu’on <strong>le</strong>ur a jamais apprît.<br />

Mais comment, me direz vous, ça a pu marcher jusque là ?<br />

C’est simp<strong>le</strong> ; avant qu’on ne par<strong>le</strong> de pollution, dès lors qu’on <strong>le</strong> gave d’essence, un moteur<br />

pardonne à peu près n’importe quel mauvais réglage, la seu<strong>le</strong> sanction est la surconsommation.<br />

Par contre lorsque <strong>le</strong> spectre pollution pointe son nez, on doit doser au plus juste, à la limite de<br />

l’extinction des feux et un mauvais réglage de par ses conséquences peut s’avérer mortel.<br />

J’avais prédit que l’anti-pollution aurait ses martyrs, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s a eu … moteur qui ca<strong>le</strong> lors d’un<br />

dépassement….. voiture qui ra<strong>le</strong>ntit alors qu’el<strong>le</strong> est supposer accélérer pour éviter l’obstac<strong>le</strong><br />

etc...etc…<br />

Et <strong>le</strong> pire, c’est que ces accidents ont toujours été attribués à la maladresse et a l’imprudence des<br />

con<strong>du</strong>cteurs.<br />

Le piège est que, pour la plupart des meccanos, <strong>le</strong> mauvais réglage <strong>du</strong> carburateur est à l’origine<br />

<strong>du</strong> surplus d’émission d’oxyde de carbone alors qu’en fait, l’état <strong>du</strong> système d’allumage y joue<br />

un rô<strong>le</strong> prépondérant.<br />

Donc, la plupart <strong>du</strong> temps, on ajoute à une panne d’allumage, une panne de carburation.<br />

Il va donc me falloir <strong>le</strong>ur faire, en trois jour, entrer tout ça dans la tête sans pour autant <strong>le</strong>ur faire<br />

peur.<br />

Je vais donc <strong>le</strong>ur expliquer <strong>le</strong> « pourquoi », mes acolytes <strong>le</strong>ur montreront <strong>le</strong> « comment ».<br />

Et voici comment je suis devenu enseignant malgré moi.<br />

Mais revenons à cette fameuse campagne.


Il était une fois :<br />

« LA CAMPAGNE »<br />

En réalité, même si notre Raminagrobis urbain n’avait pas sorti ses griffes, il aurait tôt ou tard<br />

fallu y passer.<br />

Le « spectre pollution » nous avait permis de pondre une règ<strong>le</strong>mentation restrictive avant même<br />

la date Européenne d’application.<br />

Lorsqu’une mesure est adoptée à l’échelon européen, chaque pays de l’Union est bien sur tenu de<br />

la mettre en place avant une certaine date ; mais il est aussi stipulé que <strong>le</strong>s pays membres ont<br />

toute latitude pour la faire appliquer à n’importe quel moment entre la date de résolution et la<br />

date butoir d’application.<br />

Histoire d’emm...der entre autres <strong>le</strong>s al<strong>le</strong>mands, avec l’accord des constructeurs français, nous<br />

avions devancé l’appel obligeant ainsi <strong>le</strong>s constructeurs étrangers à réaliser de prouesses<br />

techniques avant l’heure.<br />

Cette législation ayant été initiée par la France, nos partenaires français, avertis longtemps à<br />

l’avance, étaient couverts.<br />

Le hic étant que cette législation ne concerne pas seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s neufs, mais aussi la<br />

totalité <strong>du</strong> parc automobi<strong>le</strong>, ce que nous avions soigneusement éludé.<br />

Ça commençait à faire désordre et nos partenaires Européens, al<strong>le</strong>mands en tète, commençaient a<br />

sérieusement rouscail<strong>le</strong>r.


Donc, il fallait faire quelque chose.<br />

Ce que nous avons fait était techniquement irréprochab<strong>le</strong>.<br />

Il fallait instruire une profession trop longtemps tenue à l’écart.<br />

Alors, me direz-vous, où est <strong>le</strong> problème ?<br />

La précipitation, c’est là qu’est <strong>le</strong> problème, comme toujours.<br />

Monin : Le jeune loup aux dents longues en mal de légion d’honneur mais qui compte bien<br />

l’obtenir par ce biais ne connaît rien à l’automobi<strong>le</strong>.<br />

Soriano : Le renard cupide en quête de glorio<strong>le</strong> et accessoirement de pognon ; bien que très<br />

accessoirement dit il ; en connaît encore moins.<br />

KZ : Le vieux loup assis sur un stock de matériel qui lui coûte la peau des fesses connaît bien,<br />

lui, l’automobi<strong>le</strong> mais n’en a pas grand-chose à cirer et compte bien sur l’ignorance des deux<br />

autres pour manipu<strong>le</strong>r <strong>le</strong> système.<br />

Voici donc <strong>le</strong> triumvirat de tête, <strong>le</strong> gros de la troupe étant formé par <strong>le</strong>s garagistes automobi<strong>le</strong>s<br />

non af<strong>fil</strong>iés à une marque qui veu<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>ur part <strong>du</strong> gâteau en créant une élite qui serait seu<strong>le</strong> à<br />

mordre dedans.<br />

C’est vrai ça !! On s’crève <strong>le</strong> cul et ce s’rait <strong>le</strong>s autres qu’en profit’raient ?<br />

La toi<strong>le</strong> de fond : Une profession tota<strong>le</strong>ment ignare en matière de carburation et bien sur<br />

d’analyse de gaz et de ses conséquences.<br />

Toute la profession ? Réel<strong>le</strong>ment ?<br />

Exception faite, peut être des concessionnaires automobi<strong>le</strong>s ; et je n’ai pas dit des agents.<br />

Mais quel est <strong>le</strong> pourcentage d’utilisateurs d’automobi<strong>le</strong>s qui vont chez <strong>le</strong>s concessionnaires ?<br />

En tout cas pas la moyenne des Français sauf, éventuel<strong>le</strong>ment, la ou <strong>le</strong>s deux premières années<br />

parce qu’ils ont peur de perdre <strong>le</strong>ur droit a la garantie, mais après ??<br />

Le rêve des concessionnaires, c’est la disparition des garagistes non af<strong>fil</strong>iés, car qu’ils ne gagnent<br />

rien, ou presque, a la vente de véhicu<strong>le</strong>s et se rattrapent sur l’entretien ; un entretien systématique<br />

exagéré et très souvent quasiment inuti<strong>le</strong> voir quelquefois nuisib<strong>le</strong>.<br />

Je sais de quoi je par<strong>le</strong>, j’ai été, quoi que brièvement, l’un d’entre eux.<br />

Et en arrière plan ; <strong>le</strong>s équipementiers.<br />

Si ça marche, ya au minimum quinze mil<strong>le</strong> analyseurs de gaz à vendre dans <strong>le</strong>s six mois à venir.<br />

Pas négligeab<strong>le</strong> !<br />

Mais qui va pouvoir fournir ?<br />

Et au delà de ça, qui, en dehors de concessionnaires pour la plupart déjà équipés, va pouvoir<br />

s’offrir ce matériel ?


« Par pure curiosité, est ce qu’on en fabrique, nous, des analyseurs ? »<br />

Question posée in extremis par notre inénarrab<strong>le</strong> Monin, a la veil<strong>le</strong> <strong>du</strong> lancement de la<br />

campagne.<br />

Chavant, trouvez moi quelqu’un qui fabrique Français !!<br />

On aurait p’t’et pu y penser plus tôt.<br />

Beckman, Hartman & braun, Bosh et j’en passe, c’est ce qu’on trouve dans <strong>le</strong>s garages…tous des<br />

métèques !<br />

Merde, nous, <strong>le</strong>s bien connus champions <strong>du</strong> hi tech, on sait pas faire ça ?<br />

J’y crois pas !<br />

Ah si, en fouillant bien, Icare.<br />

C’est un peu curieux n’est ce pas d’appe<strong>le</strong>r une compagnie Icare.<br />

El<strong>le</strong> pourrait bien à l’instar de son totem, se rôtir <strong>le</strong>s rémiges.<br />

C’est <strong>du</strong> reste ce qu’el<strong>le</strong> va faire sur ce coup là, un peu par ma faute, je <strong>le</strong> confesse.<br />

Icare, <strong>le</strong> nec plus ultra de l’analyse de gaz in<strong>du</strong>striel<strong>le</strong>.<br />

Je <strong>le</strong>s rencontre ; ils ont bien un prototype, mais, ne voyant pas de réel marché pour ce pro<strong>du</strong>it,<br />

ils ne sont pas passés au stade pro<strong>du</strong>ction.<br />

Je <strong>le</strong>ur explique <strong>le</strong> topo.<br />

Ils comprennent, mais <strong>le</strong> processus s’embal<strong>le</strong> et ils n’auront pas <strong>le</strong> temps d’agir efficacement.<br />

Ils ne <strong>le</strong> pouvaient pas <strong>du</strong> reste.<br />

Le gouvernement est satisfait, il y a un appareil français sur <strong>le</strong> marché.<br />

Qu’il ait été matériel<strong>le</strong>ment impossib<strong>le</strong> de diffuser ce pro<strong>du</strong>it n’est pas son problème ; pour lui et<br />

face à la presse, c’est <strong>le</strong> constructeur qui n’a pas été à la hauteur, « pourtant on l’avait averti »<br />

sera-t-il dit.<br />

C’est tota<strong>le</strong>ment méconnaitre la réalité <strong>du</strong> marché.<br />

Jamais un mécanicien automobi<strong>le</strong> n’achètera un matériel aussi onéreux à un constructeur<br />

parfaitement inconnu de la profession qui n’a pas de service après vente, ni même de support<br />

clientè<strong>le</strong>.<br />

Icare est une très performante compagnie dont <strong>le</strong> champ d’action est <strong>le</strong> laboratoire…pas <strong>le</strong><br />

garage.<br />

J’ai commis une véritab<strong>le</strong> erreur en <strong>le</strong>s convainquant de se lancer dans la bagarre.<br />

Et ils ont commis l’erreur, plus grave encore, de me suivre.<br />

Examinons maintenant l’aspect légal de cette opération Anti-pollution et ses conséquences.<br />

Il y a en France un bouquet d’artic<strong>le</strong>s de lois explosif.


Un professionnel, quel<strong>le</strong> que soit sa profession a trois obligations :<br />

- Obligation de conseil<br />

- Obligation de moyens<br />

- Obligation de résultats.<br />

Plus…Il est tenu <strong>du</strong> « vice caché », artic<strong>le</strong>s 1641 à 1648 <strong>du</strong> code civil, sans doute plus terrib<strong>le</strong><br />

que <strong>le</strong>s trois autres réunis.<br />

Qu’est ce donc que ce « vice caché » ?<br />

Le vice caché est un vice qu’un examen norma<strong>le</strong>ment attentif ne révè<strong>le</strong> pas, contrairement au<br />

vice apparent qui, une fois accepté, déchoie l’acheteur de toute action ultérieure.<br />

Messieurs <strong>le</strong>s professionnels, ayez soin de mettre par écrit sous seing privé <strong>le</strong>s acceptations de<br />

vos clients, car ils ont souvent la mémoire courte.<br />

La garantie des vices cachés s’applique à tous <strong>le</strong>s biens dans <strong>le</strong> commerce qu’ils soient corporels<br />

ou incorporels, meub<strong>le</strong>s ou immeub<strong>le</strong>s, neufs ou d’occasion et même à défaut <strong>du</strong> paiement par<br />

l'acheteur de la totalité <strong>du</strong> prix.<br />

La cerise sur <strong>le</strong> gâteau :<br />

Le professionnel est tenu de connaître <strong>le</strong>s vices cachés de par sa profession.<br />

Ce qui signifie bien sur, que s’il est honnête, il doit en aviser son client, ce qui transforme <strong>le</strong> vice<br />

caché en vice apparent et résout <strong>le</strong> problème de sa responsabilité future pour peu qu’il ait pris <strong>le</strong>s<br />

précautions d’usage.<br />

Si, de bonne foi il <strong>le</strong>s ignore, et donc ne <strong>le</strong>s signa<strong>le</strong> pas, il risque de payer <strong>le</strong> prix fort en cas<br />

d’accident grave.<br />

La notion d’obligation de résultat <strong>du</strong> prestataire de service est <strong>du</strong> même tabac.<br />

Un garagiste qui règ<strong>le</strong> un carburateur délivre un service.<br />

Il peut donc être ren<strong>du</strong> responsab<strong>le</strong> d’un accident causé par un mauvais réglage <strong>du</strong>dit<br />

carburateur.<br />

Diffici<strong>le</strong> à prouver dites-vous ?<br />

Pas toujours, laissez moi vous conter une anecdote survenue lors d’une des sessions que<br />

j’animais.<br />

Trente mécaniciens réunis dans <strong>le</strong> prestigieux atelier de la station-pilote So<strong>le</strong>x à Paris.<br />

Vient l’épineuse question <strong>du</strong> « positionnement de papillon » d’un carburateur.<br />

C’est théoriquement très simp<strong>le</strong>.<br />

Il suffit de <strong>le</strong> placer tangentiel<strong>le</strong>ment au dessous <strong>du</strong> premier « trou de progression » et si c’est un<br />

dispositif de progression a fente, tangentiel<strong>le</strong>ment au dessous de la fente.


Essayez donc de faire ça sans démonter !<br />

Et même en démontant, <strong>du</strong> moins, avec la majeure partie des carburateurs <strong>du</strong> commerce ; une<br />

véritab<strong>le</strong> acrobatie.<br />

Je me devais de souligner ce fait avant de <strong>le</strong>ur expliquer oh combien ils allaient se faciliter<br />

l’existence en utilisant un analyseur de gaz.<br />

En premier lieu, il me fallait montrer que, dans <strong>le</strong> cas de certains carburateurs, c’était un jeu<br />

d’enfant.<br />

Ce que je fis en évoquant des carburateurs spécifiques pourvu de « bouchons de nettoyage <strong>du</strong><br />

circuit de ra<strong>le</strong>nti »<br />

Yaca, disais-je, en<strong>le</strong>ver <strong>le</strong> bouchon et insérer une fine aiguil<strong>le</strong> à coudre, fournie par votre<br />

charmante épouse, dans <strong>le</strong> trou et amener <strong>le</strong> papillon en butée.<br />

Attendez ! S’époumone t’alors <strong>le</strong> chef d’atelier ; je viens de changer <strong>le</strong> carburateur de ma BMW,<br />

il a ces fameux bouchons de nettoyage, j’l’ai pas encore foutu a la poubel<strong>le</strong>, j’vais l’chercher.<br />

Amen !<br />

Muni de l’engin, je commence la démonstration.<br />

Je démonte <strong>le</strong> bouchon, j’enfi<strong>le</strong> l’aiguil<strong>le</strong>, j’actionne <strong>le</strong> papillon pour <strong>le</strong> mettre en contact avec<br />

l’aiguil<strong>le</strong> et…Il s’ouvre en grand sans rencontrer l’aiguil<strong>le</strong>.<br />

« Pourquoi avez-vous changé ce carburateur ? »<br />

« Parce que j’arrivais pas à l’ rég<strong>le</strong>r, j’calais tout <strong>le</strong> temps »<br />

« Tangent au dessus ou en dessous…<strong>le</strong> papillon ? »<br />

« Ben, au d’sous ! »<br />

Et il est ?<br />

« Ben, au d’sus »<br />

Bon, ben, vous pouvez remettre votre carburateur tout neuf dans sa boite et réinstal<strong>le</strong>r celui-ci en<br />

réglant <strong>le</strong> papillon au dessous <strong>du</strong> premier trou de progression comme il se doit.<br />

C’était un metteur au point So<strong>le</strong>x...Le top <strong>du</strong> top !<br />

Imaginez ce que ça pouvait donner dans l’échoppe moyenne d’un garagiste de province sous<br />

équipé ; n’ayons pas peur des pléonasmes.<br />

Imaginons maintenant qu’un respectab<strong>le</strong> client, heureux possesseur de la BMW hors de prix<br />

réglée a grand frais par notre ta<strong>le</strong>ntueux expert, voulant légitimement doub<strong>le</strong>r une deux chevaux<br />

poussive juste avant un virage, ca<strong>le</strong> et se trouve nez a nez avec un laborieux trente huit tonnes.<br />

Croyez vous vraiment qu’il soit diffici<strong>le</strong> d’établir la responsabilité ?<br />

Bon d’accord, de toute façon, ça va pas changer grand-chose pour <strong>le</strong> défunt ; mais quand même !<br />

Nous voici au pied <strong>du</strong> mur.<br />

Dans <strong>le</strong> bureau de Monin qui commence à prendre conscience de l’énormité de la tache à<br />

accomplir, <strong>le</strong> ciel s’assombrit.<br />

Mettre en place la rég<strong>le</strong>mentation Européenne R15 signifie que des brigades de police et<br />

gendarmerie vont sillonner <strong>le</strong>s routes et dresser des procès verbaux exactement comme ils <strong>le</strong> font


pour <strong>le</strong>s excès de vitesse.<br />

Ça va surement être d’un bon rapport pour la trésorerie généra<strong>le</strong>.<br />

Les concessionnaires se frottent <strong>le</strong>s mains, ils sont quasiment <strong>le</strong>s seuls à être équipés et<br />

éventuel<strong>le</strong>ment savoir se servir de cet équipement.<br />

Ils sont vraiment naïfs s’ils croient à ce conte de fées. Notre ministre est comme je l’ai déjà dit,<br />

un ancien artisan garagiste.<br />

Les brigades de police et de gendarmerie, on <strong>le</strong>s a déjà, el<strong>le</strong>s sont équipées de sonomètres on va<br />

juste transformer <strong>le</strong>ur dénomination « brigade anti-bruit » en un ‘global’ « brigade antipollution<br />

» ; <strong>le</strong> bruit n’est il pas une sorte de pollution après tout ?<br />

On va <strong>le</strong>s équiper d’analyseurs de gaz.<br />

Le plan se dessine :<br />

- Sensibiliser la population aux dangers de la pollution<br />

- Informer cette même population qu’il va y avoir des contrô<strong>le</strong>s<br />

- Equiper <strong>le</strong>s garages d’analyseurs de gaz…..<br />

Rectification : faire équiper un nombre suffisant de garages, environ 15000, de ces couteux<br />

appareils dont <strong>le</strong> prix initia<strong>le</strong>ment s’éta<strong>le</strong> entre 20 et 30 mil<strong>le</strong> francs…Une petite fortune pour un<br />

artisan.<br />

- Leur apprendre à s’en servir.<br />

Et vogue la galère !<br />

Vous avez dit galère ?<br />

Waow ! z’avez pas idée.<br />

La machine est en route ; <strong>le</strong>s subventions accordées ; la profession, par <strong>le</strong> biais des présidents de<br />

syndicats, enfin mobilisée.<br />

Donc, premièrement : Sensibiliser la population aux dangers de la pollution.<br />

Ça, c’est pas <strong>le</strong> plus diffici<strong>le</strong>.<br />

La bonne vieil<strong>le</strong> méthode : Le bâton et la carotte<br />

- L’annonce de la venue des brigades de répression.<br />

- La sensibilisation santé.<br />

Le bâton : c’est <strong>le</strong> plus simp<strong>le</strong> : annonce officiel<strong>le</strong> « a partir <strong>du</strong> ….etc contraventions allant de<br />

…a…. »<br />

Sec simp<strong>le</strong> et efficace…Panique.<br />

On a vu par la suite de véritab<strong>le</strong>s queues de véhicu<strong>le</strong>s, et des quasi émeutes devant la porte des<br />

garages affichant <strong>le</strong> panneau Carte Blanche CO CO2 <strong>le</strong>s français sont près de <strong>le</strong>urs sous.<br />

Y’avait pourtant pas d’ permis a points a l’époque.<br />

Mais là, j’anticipe un peu.<br />

La carotte : c’est l’assurance d’une meil<strong>le</strong>ure santé, ou plutôt la mise en évidence des méfaits<br />

ignorés de la pollution automobi<strong>le</strong>.


On s’attel<strong>le</strong> donc a cette carotte. Les crédits ayant été débloqués, on convoque <strong>le</strong>s publicistes<br />

susceptib<strong>le</strong>s de pondre quelque chose d’attractif tout en étant significatif.<br />

Je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi navrant !!!!<br />

Règ<strong>le</strong> <strong>du</strong> plus bas soumissionnaire ; en général <strong>le</strong> moins performant.<br />

Et on paye pour ça !<br />

Nous croulons sous <strong>le</strong>s images de ba<strong>le</strong>ines échouées et autres goélands aux ai<strong>le</strong>s garnies de<br />

pétro<strong>le</strong>.<br />

Qu’est ce que ça a à voir avec <strong>le</strong>s gaz d’échappement d’automobi<strong>le</strong>s, je vous <strong>le</strong> demande un<br />

peu !<br />

Au bout de quelques semaines, je commence à en avoir ras la casquette.<br />

Je dis a Monin, « laissez moi faire, on va <strong>le</strong>ur pondre un sketch clé en main et y z’auront qu’a <strong>le</strong><br />

tourner avec de véritab<strong>le</strong>s acteurs. »<br />

Je m’arme d’une camera empruntée a l’UTAC, <strong>du</strong> chien <strong>du</strong> chauffeur <strong>du</strong> big boss - j’ai nommé<br />

Saglio, directeur <strong>du</strong> ministère - <strong>le</strong> chauffeur <strong>du</strong>dit Saglio, maitre <strong>du</strong> susnommé chien ; de la<br />

secrétaire de l’aéroclub dont je suis <strong>le</strong> fondateur ; une poussette ; un poupon en celluloïd ; et ça<br />

rou<strong>le</strong>.<br />

Le nième jour de présentation arrive et…on <strong>le</strong>ur laisse à peine <strong>le</strong> temps de s’asseoir.<br />

Ecran blanc, lumières éteintes : Moteur !<br />

En face de nous (sur l’écran bien sur), un voiture sort d’un parking souterrain et marque un<br />

arrêt pour attendre la superbe créature qui avance sur <strong>le</strong> trottoir ; <strong>le</strong> petit chien pas plus haut que<br />

trois pommes qui la précède fait un brusque détour pour éviter <strong>le</strong> pot d’échappement <strong>du</strong> polluant<br />

véhicu<strong>le</strong> ; ce qui est amusant, c’est que nous n’avons même pas eu besoin de morigéner <strong>le</strong><br />

clébard ; nous avons tourné la scène plusieurs fois, et a chaque fois, <strong>le</strong> chien fait un large détour.<br />

Plan suivant, la magnifique épouse (fictive bien sur) <strong>du</strong> con<strong>du</strong>cteur de la dangereuse voiture,<br />

poussant devant el<strong>le</strong> un traditionnel landau bas sur pattes, s’arrête et fait un brin de conversation<br />

avec <strong>le</strong>dit époux, plaçant de ce fait, et ce d’autorité, <strong>le</strong> nez <strong>du</strong> charmant bambin (en celluloïd<br />

comme je l’ai précisé plus haut) juste au dessus <strong>du</strong> méphitique pot d’échappement.<br />

Voix off « Les Chiens, eux, <strong>le</strong> savent »<br />

C’est exactement ça !! … qu’on veut…. s’écrie Monin ravi de montrer a la ronde qu’on a p’t’èt<br />

pas de pétro<strong>le</strong> ail<strong>le</strong>urs que dans <strong>le</strong>s pots d’échappement, mais qu’on a quand même des idées<br />

dans la caboche.<br />

Ça va <strong>le</strong>ur obliger à tourner la scène ; c'est-à-dire passer <strong>du</strong> temps créer un « story-board »,<br />

engager des acteurs et surtout, <strong>le</strong>s payer.


Tout ce qu’ils nous avaient proposé jusqu’alors sortait de <strong>le</strong>urs archives….tout bénéfice.<br />

Alors … argument…..C’est trop agressif, on ne va retenir que la scène <strong>du</strong> chien ; <strong>le</strong>s salaires de<br />

chiens sont, a ce qu’il parait, moins é<strong>le</strong>vés et la voiture pourra être con<strong>du</strong>ite vitre fermées par<br />

n’importe qui <strong>du</strong> sty<strong>le</strong>. « Tu voudrais pas me rendre service et sortir la voiture <strong>du</strong> garage ?<br />

Arrête toi juste un instant <strong>le</strong> long <strong>du</strong> trottoir...merci mon pote ! »<br />

Monin accepte ; ils sauvent un salaire et demi, mais à mon sens, <strong>le</strong> sketch n’a plus aucun intérêt.<br />

Où donc est <strong>le</strong> danger, si même <strong>le</strong>s chiens naturel<strong>le</strong>ment se méfient.<br />

J’appris, mais bien plus tard, que la scène avait été reprise dans son intégralité ; je n’étais alors<br />

déjà plus dans la course.<br />

De toute façon et pour être tout à fait honnête, l’annonce de l’avènement des brigades de<br />

répression est de loin la plus efficace question motivation.<br />

Quel que soit <strong>le</strong> moyen, la sensibilisation…ça marche.<br />

Bon, passons au coté sensib<strong>le</strong> :<br />

Equipement des garages en analyseurs de gaz.<br />

Là ça coince carrément.<br />

Faut comprendre.<br />

La plupart de ces artisans arrivent à peine à joindre <strong>le</strong>s deux bouts et on <strong>le</strong>ur annonce qu’ils<br />

doivent, sous peine de ne plus pouvoir exercer, débourser 30,000 Francs sans avoir la moindre<br />

assurance de rentabilisation.<br />

Vous me direz que n’avoir pas d’analyseur de gaz, ça ne <strong>le</strong>s empêche pas d’exercer dans <strong>le</strong>s<br />

autre domaines ; y z’ont ka envoyer <strong>le</strong>urs clients se faire analyser ail<strong>le</strong>urs pour ce qui est de la<br />

pollution.<br />

Théoriquement oui, encore que notre législation recè<strong>le</strong> un autre piège : L’obligation de conseil.<br />

Que se passe t’il si un client sort d’un garage non équipé et se choppe une contravention motif<br />

pollution ?<br />

Le mécano aurait dû lui recommander (par écrit) d’al<strong>le</strong>r se faire rég<strong>le</strong>r.<br />

Qui paye la contredanse ?<br />

Pire !<br />

Et s’il a un accident grave, voir mortel imputab<strong>le</strong> a un défaut de carburation ?<br />

De plus, vous voyez, vous, un professionnel quel qu’il soit autre qu’un médecin ou un avocat<br />

envoyer son client chez un concurrent.<br />

Oui mais ceux là ne sont pas assujettis a l’obligation de résultats.<br />

Chez <strong>le</strong>s avocats ou <strong>le</strong>s médecins, on par<strong>le</strong> de confrères et de spécialistes; ça n’est pas encore<br />

entré dans <strong>le</strong>s mœurs automobi<strong>le</strong>s.<br />

Monin s’arrache <strong>le</strong>s cheveux.<br />

Nous avions, sur <strong>le</strong> papier, réglé la question de l’incompétence relative supposée <strong>du</strong> garagiste<br />

moyen, mais pas l’indigence de sa trésorerie.<br />

C’est là qu’intervient Soriano.


« On va créer des professionnels agréés ».<br />

???????????<br />

« Oui, ceux qui aurons suivi la formation <strong>du</strong> ministère ».<br />

Oui mais agréés par qui ?<br />

Un ange passe……<br />

Remis à plus tard, <strong>le</strong> « par qui »<br />

Reste à créer <strong>le</strong> concept.<br />

.


L’A.F.I.R.M.E<br />

Association pour la Formation et l’Information pour la<br />

Réparation des Moteurs et <strong>le</strong>ur Entretien.<br />

Eh oui ! C’est comme ça que s’appel<strong>le</strong> l’escroquerie <strong>du</strong> sièc<strong>le</strong>.<br />

Pourquoi escroquerie ?<br />

Parce qu’il n’est évidemment pas question que <strong>le</strong>s participants reçoivent un quelconque agrément<br />

gouvernemental.<br />

Là encore, la machine s’embal<strong>le</strong> à grand frais de….. Mais en fait qui va payer ?<br />

Et que va-t-on payer ?<br />

Qui va payer, ça, c’est simp<strong>le</strong>..devinez !<br />

Ben oui, c’est encore <strong>le</strong> garagiste.<br />

Non seu<strong>le</strong>ment il va lui falloir s’équiper a grand frais, consacrer une semaine a la formation,<br />

mais, en plus, il va devoir s’abonner.<br />

S’abonner a quoi ?<br />

À la campagne bien sur !!<br />

Faut bien payer la pub, l’enseigne etc….<br />

Eh Oui : Carte blanche CO CO2 campagne <strong>du</strong> ministère de la qualité de la vie.<br />

Ça vous a un de ces putain d’air officiel, tel<strong>le</strong>ment officiel que tout <strong>le</strong> monde va y croire, et pour<br />

un temps, <strong>le</strong>s garagistes affublés de l’enseigne créée a grand frais, une fois de plus sur <strong>le</strong> dos des<br />

garagistes, vont être pris pour <strong>le</strong>s touts puissants représentants <strong>du</strong> Roy.<br />

La Saint Barthélémy n’est pas loin.<br />

On aura tout vu, de quasi émeutes à garagiste astucieux.<br />

L’un d’entre eux, un certain Casino distribuait même de faux PV rédigés sur un papier presque<br />

en tout point semblab<strong>le</strong> à ceux que distribuent généreusement nos zélées contractuel<strong>le</strong>s portant la


mention :<br />

« Vous êtes condamné à al<strong>le</strong>r vous faire rég<strong>le</strong>r gratuitement au garage Casino dans <strong>le</strong>s plus bref<br />

délais » ou quelque chose d’approchant.<br />

J’te dis pas la panique : Rue encombrée et scanda<strong>le</strong> administratif à Nîmes ; éclats de rire au<br />

ministère ; mais l’affaire est sérieuse ; Monin va devoir nous dépêcher céans pour calmer <strong>le</strong>s<br />

esprits.<br />

Un véritab<strong>le</strong> Gag !<br />

La municipalité très en colère : On avait OSÉ imiter <strong>le</strong> sacro saint PV ; crime de lèse majesté.<br />

Il va nous falloir organiser une petite réunion entre amis.<br />

Les garagistes locaux, quelques édi<strong>le</strong>s municipaux, un ou deux représentants de la presse loca<strong>le</strong><br />

etc… Le tout dans la grande sal<strong>le</strong> municipa<strong>le</strong>.<br />

Rien de bien méchant a priori.<br />

Coup de Tonnerre !!<br />

Opposition formel<strong>le</strong> <strong>du</strong> Maire ; il nous interdit l’accès a la sal<strong>le</strong> municipa<strong>le</strong>.<br />

Je <strong>le</strong> prends très mal ; jeune con jusqu’au bout.<br />

Comment ça ; il voudrait boycotter une réunion décidée par <strong>le</strong> ministre !!!<br />

J’entre dans la sal<strong>le</strong> escorté, à ma droite par une brigade de police, à ma gauche, par un peloton<br />

de gendarmes.<br />

C’était vous l’avez évidemment compris <strong>le</strong>s brigades anti pollution dont j’avais la charge.<br />

La nouvel<strong>le</strong> se répand comme une trainé de poudre :<br />

Comment ! On voudrait nous cacher des choses !<br />

Et nous fîmes sal<strong>le</strong> comb<strong>le</strong>.<br />

Et ce qui n’était qu’une bana<strong>le</strong> réunion d’information se transforme en un véritab<strong>le</strong> meeting<br />

politique auquel nous nous gardons bien de prendre part ; hormis réponse aux questions<br />

techniques touchant strictement notre domaine « of course ».<br />

J’ignore s’il s’agit d’un phénomène de cause à effet, mais <strong>le</strong> maire n’a pas été réélu.<br />

C’est sur ce coup là que j’ai hérité de mon surnom «ça passe ou ça casse » complétant celui de<br />

« la bête » dont l’équipe m’avait déjà affublé.<br />

Des gags…y’en a eu d’autres !


Le suivant nous a amené à modifier sensib<strong>le</strong>ment notre approche diplomatique.<br />

N’étant pas celui qui organise <strong>le</strong>s séminaires, j’arrive en général <strong>le</strong> matin même de l’ouverture.<br />

Cette fois ci, par un curieux hasard, j’arrivai la veil<strong>le</strong>.<br />

Ma charmante compagne a l’habitude de dire « toute chose arrive pour une raison ».<br />

A un carrefour, juste devant moi, une brigade de gendarmerie arraisonne un supposé pollueur.<br />

Il fait frais, son pot d’échappement fume blanc et dégouline de flotte, signe évident d’un moteur<br />

froid ; <strong>le</strong> blanc n’est que de la vapeur d’eau parfaitement inoffensive.<br />

La maréchaussée procède et montre d’un air sévère au contrevenant <strong>le</strong>s désastreux résultats de ce<br />

test frelaté, lui enjoignant vigoureusement d’al<strong>le</strong>r sans plus attendre se remettre entre <strong>le</strong>s mains<br />

de l’homme de l’art.<br />

Navrant !<br />

Nous avons là un sérieux problème.<br />

Nos vertueux gardiens de l’ordre et accessoirement de la paix, plus soucieux, comme on <strong>le</strong> sait,<br />

des rubans de <strong>le</strong>urs nouvel<strong>le</strong>s machines à pondre <strong>le</strong>s rapports que <strong>du</strong> basic de « comment opérer<br />

sans faute » n’ont pas la moindre notion de comment faire un test pollution dans <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s de<br />

l’art.<br />

Ça promet !<br />

De plus, ils sont réputé chatouil<strong>le</strong>ux.<br />

Il faudra dont <strong>le</strong>ur faire la <strong>le</strong>çon sans qu’ils s’en aperçoivent.<br />

J’appel<strong>le</strong> Jean Claude qui dit : On va <strong>le</strong>s inviter aux séminaires.<br />

Prétexte : apprivoiser <strong>le</strong>s garagistes et nous soutenir dans notre action.<br />

Et ça marche.<br />

Arrive en tête et en grand uniforme la brigade susnommée ; <strong>le</strong> chef, conscient de son territorial<br />

privilège m’apostrophe :<br />

Eh dites ! « C’est pas vous que j’ai vu ce matin quant’on a testé la dauphine pourrie ? »<br />

Eh oui, c’est moi ; et c’est aussi moi qui vous envoie vos directives depuis <strong>le</strong> ministère.<br />

Et, ajoute Jean Claude, c’est aussi lui qui <strong>le</strong>s pond.<br />

Là il pousse un peu, mais faut c’qui faut.<br />

Je sens poindre comme une inquiétude.<br />

Faut dire que j’ai une dent contre ces brigades ; el<strong>le</strong>s ont un jour failli me faire passer pour un<br />

con a la télévision.


Petite digression<br />

Lorsque toute cette affaire a débuté, j’étais un peu affolé par <strong>le</strong>s conséquences que j’entrevoyais.<br />

Je ne connaissais pas encore <strong>le</strong> monde de la réparation automobi<strong>le</strong> qui pour moi avait un petit<br />

peu une allure de cour des mirac<strong>le</strong>s….sans <strong>le</strong>s mirac<strong>le</strong>s<br />

Je voyais déjà nos pauvres automobilistes être amenés à effectuer, sur <strong>le</strong> conseil avisé de <strong>le</strong>ur<br />

habituel prédateur, une fou<strong>le</strong> de réparations suivies d’un couteux et permanent entretien sur l’air<br />

de :<br />

« Vous savez ma p’ti’t dame <strong>le</strong>s voitures d’maintenant équipées d’ces carburateurs antipolution,<br />

ça s’dérèg<strong>le</strong> toul’temps et au prix ou’q’sont <strong>le</strong>s contraventions, sans compter qu’on<br />

par<strong>le</strong> maintenant de permis a points, vaut mieux surveil<strong>le</strong>r ça d’très près »<br />

Pourquoi pas !<br />

En réalité comme on l’a vu plus haut, j’avais tord ; c’est bien pire.<br />

Nos braves mécaniciens, tout à fait de bonne foi, s’avèrent a l’usage, être de parfaits ignorants en<br />

la matière.<br />

Seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s concessions qui gardent jalousement <strong>le</strong>urs secrets ont un semblant de compétence.<br />

En réalité, j’aurais largement préféré que ce soit simp<strong>le</strong>ment des tricheurs ; ils ne seraient pas<br />

allé jusqu’à mettre en danger la vie de <strong>le</strong>urs clients.<br />

Tandis que là !!!<br />

Bref, j’avais lancé à Paris une campagne de réglages gratuits devant être menée conjointement<br />

par la police et la gendarmerie.<br />

Objectif : vérifier que, comme je <strong>le</strong> subodorais, dans la plupart des cas, un simp<strong>le</strong> coup de<br />

tournevis suffit à tout remettre dans l’ordre.<br />

Quel<strong>le</strong> polémique !


La gendarmerie refuse tout net.<br />

Monin provoque une réunion dans <strong>le</strong>s locaux de l’UTAC avec, entre autres, <strong>le</strong>s deux<br />

responsab<strong>le</strong>s des brigades :<br />

Le commissaire Durand pour la police<br />

Le Colonel Géhenne (suis pas certain de l’orthographe mais l’idée y est)<br />

Non j’ai pas dit gégène ! Ça, c’était l’époque de l’O.A.S et c’était pas <strong>le</strong>s gendarmes…enfin… je<br />

crois.<br />

Ledit colonel me semb<strong>le</strong> un peu « parapluie dans <strong>le</strong> fondement » si vous voyez ce que je veux<br />

dire.<br />

La discussion s’envenime.<br />

Le commissaire est de notre bord, « on peut pas laisser <strong>le</strong>s garagistes prendre <strong>le</strong>s automobilistes<br />

en otages ; on doit en avoir <strong>le</strong> cœur net ».<br />

Mais s’écrie <strong>le</strong> colonel c’est illégal ! On a pas <strong>le</strong> droit de toucher aux voitures des contrevenants !<br />

S’il fallait s’arrêter a tout ce qui est légal, rétorque <strong>le</strong> commissaire, on ferait jamais rien.<br />

WOW !<br />

Monin tranche : On fait !!<br />

Pour <strong>le</strong> coup d’envoi de cette campagne, nous avions prévu un petit show télévisé pour informer<br />

l’automobiliste de l’imminence des contrô<strong>le</strong>s routiers.<br />

Allocution pendant laquel<strong>le</strong>, si mes estimations s’avéraient exactes, j’avais éga<strong>le</strong>ment l’intention<br />

d’annoncer que, comme nous avions pu <strong>le</strong> vérifier au cours d’essais préliminaires, dans la plupart<br />

des cas, un simp<strong>le</strong> coup de tournevis pouvait rég<strong>le</strong>r <strong>le</strong> problème.<br />

Juste avant de partir pour <strong>le</strong>s lieux <strong>du</strong> tournage, je reçois une pi<strong>le</strong> de documents confirmant mes<br />

assomptions.<br />

Je suis aux anges et, sous l’œil goguenard des caméras de TV, j’accueil<strong>le</strong> la première brigade qui<br />

se présente par ces mots.<br />

« Merci mon colonel d’avoir si efficacement con<strong>du</strong>it ce test de réglage pollution qui démontre<br />

que plus de 80% des voitures on pu être remises aux normes par un simp<strong>le</strong> coup de<br />

tournevis ».<br />

Fermez <strong>le</strong> ban.<br />

Et <strong>le</strong> colonel de répondre sous l’œil de plus en plus goguenard de la caméra :<br />

« Pour être tout à fait honnête monsieur, je ne mérite pas ce compliment car ce ne sont pas<br />

mes brigades qui vous ont fourni ces résultats ; de plus, j’étais formel<strong>le</strong>ment opposé à cette<br />

opération »<br />

Persiste et signe <strong>le</strong> colonel.<br />

Monin, derrière moi est discrètement hilare.


« Si vous l’aviez pas faite cel<strong>le</strong> là, c’est moi qui la f’sais »<br />

Rassurez vous me dit <strong>le</strong> caméraman non moins hilare, on coupera ça au montage.<br />

Merci <strong>le</strong>s gars !


Revenons à nos moutons<br />

En fait, tout se passe bien, nos représentants de l’ordre comprennent vite l’intérêt qu’ils ont à<br />

assister aux séminaires. – (qui a dit que <strong>le</strong>s flics sont des cons ? – m’enfin ! C’est comme<br />

partout, certains, mais pas tous ; en tout cas pas <strong>le</strong>s nôtres).<br />

La nouvel<strong>le</strong> se répand vite et à chaque séminaire, nous aurons notre escorte b<strong>le</strong>u blanc rouge.<br />

Ils ont bien compris <strong>le</strong> truc, ils se contentent d’écouter et d’approuver, se plaçant ainsi <strong>du</strong> bon<br />

coté ; apprenant tout en laissant croire qu’ils savent déjà.<br />

Des anecdotes ?<br />

Y’en aurait des tonnes !<br />

Une dernière pour la route.<br />

Tout <strong>le</strong> système est maintenant bien rodé et <strong>le</strong>s pénitents n’ont plus peur de poser des<br />

questions au risque de passer pour des imbéci<strong>le</strong>s.<br />

Et puis un jour…si<strong>le</strong>nce comp<strong>le</strong>t dans la sal<strong>le</strong>.<br />

Curieux non ?<br />

Puis, Jean Claude, en aparté « T’a vu qui est au fond de la sal<strong>le</strong> ? »<br />

Non ! Qui c’est ?<br />

Mauro Bianchi.<br />

Vous savez pas qui c’est ?? Ben moi j’savais.<br />

Et c’était pas pour me rassurer !<br />

Qu’est ce qu’y vient foutre ici ?<br />

Pilote de course de renommée mondia<strong>le</strong>.<br />

Pilote d’essai pour Venturi.<br />

Metteur au point chez Ferrari et j’en passe.<br />

Personne n’osait l’ouvrir ; <strong>le</strong> ridicu<strong>le</strong>, ça tue pas, mais ça fait quand même mal.<br />

Au bout d’un très très long coup<strong>le</strong> d’heures, Mauro se lève.<br />

(Bon, qu’est ce que j’ai bien pu dire comme connerie ?)


Vous me connaissez tous ici,<br />

-ça commence bien-<br />

N’ayez pas peur de poser des questions, pour ma part j’ai plus appris ici en deux heures qu’en<br />

dix ans de carrière.<br />

Ouf ! Merci Mauro….même si c’est pas vrai.<br />

Et là, <strong>le</strong>s bouches se délient et <strong>le</strong>s fesses se décrispent ; <strong>le</strong>s miennes y-compris.<br />

Et on en entend de toutes.<br />

La cerise sur <strong>le</strong> gâteau.<br />

Un garagiste honnête, alsacien de surcroit, se dresse, lève <strong>le</strong>s bras au ciel et s’exclame.<br />

« C’est vrai quoi ! y’a des fois, on répare une voiture, ça marche, on sait pas pourquoi, c’est<br />

un mirac<strong>le</strong> ! »<br />

Refrain immédiatement et spontanément repris par <strong>le</strong> cœur des vierges.<br />

Bon, ben, d’puis ce jour là, si par malheur je dois avoir recours a la magie <strong>du</strong> réparateur<br />

automobi<strong>le</strong>, dès la réparation effectuée, j’r’vends la voiture.<br />

Comme quoi, dans cette histoire, c’est encore moi qui en ai appris <strong>le</strong> plus.<br />

Et comme par hasard, à midi, je me retrouve assis a coté de Monsieur Bianchi….Très<br />

sympa !<br />

Au bout d’un moment, après <strong>le</strong>s politesses d’usage il attaque :<br />

« J’ai enten<strong>du</strong> que vous êtes un spécialiste en aérodynamique. »<br />

Exact.<br />

« Quand on a créé la 204 Char<strong>le</strong>s Deutsch pour <strong>le</strong>s 24 heures <strong>du</strong> Mans, on est tombé sur un<br />

truc bizarre ; vous al<strong>le</strong>z peut être pouvoir m’expliquer ça »<br />

Ben voyons !<br />

« On avait pon<strong>du</strong> un pro<strong>fil</strong> très aérodynamique avec une longue queue, comme un pro<strong>fil</strong><br />

d’ai<strong>le</strong> d’avion ; mais la voiture s’avérait instab<strong>le</strong> ; on a, un peu au hasard, coupé la queue <strong>du</strong><br />

pro<strong>fil</strong>, et, vous savez quoi ? Non seu<strong>le</strong>ment on a augmenté la stabilité, mais la voiture était<br />

plus rapide. »<br />

Là mon pote, t’as tapé à coté !


C’est évident, en coupant la queue, vous avez diminué la portance de la caisse et, par la même<br />

occasion sa trainée ; donc :<br />

Moins de portance plus de stabilité, Moins de trainée plus de vitesse ; C’est aussi simp<strong>le</strong> que ça !<br />

Bouche bée notre Mauro ; «Mais on a mis 6 mois avant de comprendre ».<br />

Vous auriez <strong>du</strong> vous adresser a un vrai professionnel !<br />

Ce que je me suis bien gardé de lui dire, c’est qu’à cette époque, j’étais responsab<strong>le</strong> de la<br />

souff<strong>le</strong>rie aérodynamique <strong>du</strong> centre de recherches Peugeot à La Garenne, et que bien que n’ayant<br />

pas procédé aux essais moi-même, j’avais suivi de très près l’expérience, et bien sur, je<br />

connaissais la réponse qui n’était évidemment pas de mon crû.<br />

Ce bur<strong>le</strong>sque épisode, contrairement à toute attente devait largement contribuer à renforcer ma<br />

crédibilité….Super !<br />

Bref, des dizaines d’épisodes <strong>du</strong> même acabit, je veux dire « côté mirac<strong>le</strong>s », et je ne vais pas<br />

m’étendre là dessus.<br />

D’autant que cette brillante opération devait, en ce qui me concerne être interrompue en<br />

catastrophe par <strong>le</strong> responsab<strong>le</strong> <strong>du</strong> projet ; j’ai nommé l’inénarrab<strong>le</strong> JF. SORIANO soi même qui,<br />

dépassé par une opération tortueuse dont je par<strong>le</strong>rai plus tard, m’expédia toute affaire cessantes<br />

au fin fond de la province la plus sauvage de notre beau pays.<br />

Vous savez ce genre de contrée que <strong>le</strong>s corbeaux survo<strong>le</strong>nt sur <strong>le</strong> dos pour pas voir ce qui s’passe<br />

en-dessous.<br />

L’Auvergne, pour ne pas la nommer.<br />

Mais, j’y reviendrai plus tard.<br />

Vous vous souvenez bien évidemment que la petite entreprise de transport dont j’étais l’un des<br />

partenaires menaçait de sombrer corps et âme, abandonnée qu’el<strong>le</strong> allait être par son géniteur.<br />

J’avais donc stupidement décidé de prendre <strong>le</strong>s choses en main, prenant pour argent<br />

comptant que, si Yves voulait abandonner, c’était simp<strong>le</strong>ment parce qu’il ne trouvait pas<br />

assez de clients.<br />

Je n’avais pas compris qu’il en avait tout simp<strong>le</strong>ment marre et je pensais que, ayant relancé<br />

l’affaire en un laps de temps record, j’allais pouvoir, Yves ayant repris <strong>le</strong> manche, retourner a<br />

mes chères études.<br />

Erreur profonde.<br />

Donc : DOMOBILE.


DOMOBILES<br />

UN PROJET FUTURISTE<br />

Des hommes une administration ;<br />

Un enterrement<br />

C’est ça qu’ils veu<strong>le</strong>nt que je transporte !<br />

Et j’ai dit oui !


Donc, lorsque mon ami Yves me déclare qu’il n’y arrive plus et qu’il nous faut déposer <strong>le</strong> bilan, c’est<br />

ce que j’ai trouvé pour renflouer la barque.<br />

Sur ce coup là, je n’ai vu que trois choses :<br />

- La solvabilité de mon futur client.<br />

- L’urgence dans laquel<strong>le</strong> il se trouve qui précisément coïncide avec la mienne.<br />

- La faisabilité de l’opération … dont je n’ai a vrai dire aucune idée.<br />

Ça n’est qu’après que je suis tombé amoureux <strong>du</strong> projet lui-même.<br />

Avouez que ça a de la gueu<strong>le</strong> non ?<br />

Des bungalows en matière plastique dignes d’un roman de Ju<strong>le</strong>s Vernes.<br />

En fait, ci dessus, c’est la maquette ; la réalité ressemb<strong>le</strong> plutôt à ceci.<br />

.<br />

Mais c’est chouette quand même non ?<br />

Et c’est comme ca que nous allons <strong>le</strong>s transporter


Solvabilité ?<br />

Mon Client : la SATEM : société anonyme de transport et manutention.<br />

Une des nombreuses <strong>fil</strong>ia<strong>le</strong>s d’un consortium multinational : Le groupe Lever.<br />

L’urgence ?<br />

La mienne ? Vous la connaissez, j’ai deux semaines pour prendre une décision.<br />

La <strong>le</strong>ur ? Ils ont une semaine pour transporter un mo<strong>du</strong><strong>le</strong> d’exposition.<br />

Faisabilité ?<br />

Transporter des mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s dont <strong>le</strong> poids total n’excède pas une tonne cinq ; j’ai fait pire.<br />

C’est en dessous de la charge uti<strong>le</strong> de la semi remorque très spécia<strong>le</strong> que j’avais conçu pour De<br />

TOMASO ; pour <strong>le</strong> reste, on verra plus tard, mais a priori, ya pas d’raison pour que ça foire.<br />

Bon, mais des transporteurs, on en trouve a la pel<strong>le</strong> !<br />

Oui, mais compte tenu de la hauteur des mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s remorques envisageab<strong>le</strong>s sont <strong>le</strong>s «<br />

mil<strong>le</strong> pattes » ; très bas sur roues et conçus pour trimbal<strong>le</strong>r cinquante tonnes.<br />

« Qui peut <strong>le</strong> plus peut <strong>le</strong> moins » me direz-vous ; mais a quel prix !<br />

Mon avantage : <strong>le</strong> prix plus, la soup<strong>le</strong>sse. Eh oui, compte tenu de l’énorme investissement que<br />

représente un « mil<strong>le</strong> pattes » <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrier est très chargé ; <strong>le</strong> prix <strong>du</strong> kilomètre aussi.<br />

Je me pointe donc à la SATEM et <strong>le</strong>ur montre la photo de « mon » camion <strong>le</strong>sté de deux<br />

Superbes Bolides de sport rouge Sang.<br />

Poids <strong>du</strong> tracteur : Mil<strong>le</strong> Cent Cinquante Kilos<br />

Longueur de la remorque dix Mètres<br />

Poids de la Remorque : Trois cent Kilos<br />

Charge Uti<strong>le</strong> : Deux tonnes.<br />

Poids total en Charge : Trois Mil<strong>le</strong> Quatre cent Cinquante Kilos.<br />

Nous sommes en dessous des Trois Tonnes Cinq.<br />

Pas de licence, pas d’obligation de tachymètre.<br />

Très faib<strong>le</strong> investissement.<br />

Pas de permis poids lourd.<br />

Très faib<strong>le</strong> prix de revient au Kilomètre.<br />

Eh oui, c’était ça l’astuce <strong>du</strong> début.<br />

Impossib<strong>le</strong> me rétorque t’on.<br />

J’avais prévu ; je <strong>le</strong>ur mets sous <strong>le</strong> nez la feuil<strong>le</strong> des mines de l’engin.


J’en rajoute.<br />

« Nous ne sommes pas seu<strong>le</strong>ment des transporteurs; nous sommes spécialisés dans <strong>le</strong>s transports<br />

spéciaux faib<strong>le</strong> poids grand volume et nous fabriquons nous-mêmes nos remorques ; nous<br />

sommes trois associés, tous trois ingénieurs ; vou<strong>le</strong>z vous voir nos diplômes ? »<br />

Y voulaient pas.<br />

« Cette remorque, objectent t’il pourtant, permettra de transporter ce mo<strong>du</strong><strong>le</strong>, mais est trop haute<br />

pour <strong>le</strong>s mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s standards»<br />

« J’ai fait cel<strong>le</strong> ci sur mesure, j’en ferai d’autres »<br />

Je repars avec un petit contrat en poche pour <strong>le</strong>s trois voyages que nécessite <strong>le</strong> transport de ce<br />

mo<strong>du</strong><strong>le</strong> de démonstration.<br />

« Si vous vous en tirez, vous aurez <strong>le</strong> contrat global ».<br />

Je <strong>le</strong>ur coutais plus de cinq fois moins cher que <strong>le</strong>urs mil<strong>le</strong> pattes, et ça nous rapportait environ<br />

cinq fois plus que nos transports de voitures de luxe ; ce qui allait nous permettre d’attendre la<br />

suite tout en éloignant de nous <strong>le</strong> spectre <strong>du</strong> dépôt de bilan.…..Si toutefois nous réussissons notre<br />

bout d’essai.<br />

Nous <strong>le</strong> tentons avec notre remorque porte voiture et, moyennant un bouquet de lignes<br />

téléphoniques coupées - <strong>le</strong>s échel<strong>le</strong>s sont lourdes dans <strong>le</strong> midi et <strong>le</strong>s lignes téléphoniques, <strong>fil</strong>s<br />

é<strong>le</strong>ctriques, sans par<strong>le</strong>r des guirlandes additionnel<strong>le</strong>s, bien trop bas - et tout un village, à l’origine<br />

en fête, désormais plongé à la fois dans <strong>le</strong> noir et dans <strong>le</strong> calme …. Ça marche.<br />

Yves décide tout de même d’abandonner suivi par Husson.<br />

Entre nous, je crois qu’au cours de ce transport, et grâce à un mistral qui avait tendance à transformer<br />

notre camion en voilier de haute mer par grand vent, il s’était fait un peu peur.<br />

Le rappel sur autoroute même avec deux « motards » comme équipiers n’est décidément pas sa tasse<br />

de thé ; on peut comprendre.<br />

Du coup, je me retrouve tout seul, et comme d’habitude , je fonce.<br />

Je suis en p<strong>le</strong>ine transaction avec la SATEM ; je trouverai plus tard une solution ; décrochons<br />

d’abord ce contrat.<br />

Le problème posé s’avère un peu différent de ce que je pensais.<br />

Le planning de transport est effarant.<br />

Il est question de deux à trois chargements minimum par jour, cinq jours sur sept.<br />

Voila qui change tota<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> paysage !<br />

Je suis peut être un transporteur d’opérette mais je sais encore compter ; une fois de plus, je ne vais


pas lâcher ; je remets <strong>le</strong>s difficultés à plus tard.<br />

Il me faut quatre tracteurs supplémentaires, huit semi remorques et au moins trois chauffeurs.<br />

La SATEM a un département «location longue <strong>du</strong>rée ».<br />

S’ils me proposent ce contrat, c’est qu’ils <strong>le</strong> trouvent viab<strong>le</strong>, et moi capab<strong>le</strong> de l’honorer ; ils ne<br />

peuvent pas me refuser un contrat de location longue <strong>du</strong>rée.<br />

Je <strong>le</strong>ur fournis <strong>le</strong>s plans de modification des tracteurs en me réservant la partie freinage que, pour être<br />

parfaitement honnête, je ne sais pas encore comment résoudre.<br />

Quant aux semi remorques, il était enten<strong>du</strong> depuis <strong>le</strong> début que je devais <strong>le</strong>s créer.<br />

Je décidais en plus de <strong>le</strong>s construire ; ya pas de p’tit bénéfice. Parfaitement, Je vais <strong>le</strong>s fabriquer, <strong>le</strong>s<br />

vendre à la SATEM en m’alignant sur <strong>le</strong>s prix que la concurrence m’aura obligeamment donné au<br />

cours d’un appel d’offre; puis <strong>le</strong>s reprendre en <strong>le</strong>asing a la SATEM.<br />

Et, une fois encore, ca marche ; ne me demandez surtout pas pourquoi ; il faut croire que la SATEM<br />

n’avait vraiment trouvé personne ; j’aurais <strong>du</strong> demander plus cher.<br />

Il ne me reste plus qu’à fabriquer et ….. Je n’ai plus personne ; donc :<br />

Trouver un local….et <strong>du</strong> personnel qui, en plus de savoir con<strong>du</strong>ire, sait souder.<br />

Je n’ai pas lâché mon job ; toujours Ingénieur à L’UTAC, en transit pour un poste contractuel au<br />

ministère de la qualité de la vie !<br />

André Villain vient juste de se joindre à moi ; il m’a dit « je serai votre factotum et ne vous couterai<br />

pas un centime ».<br />

Je ne sais pas trop ce que veut dire factotum, mais « pas un centime », ça, je sais ; donc, à lui <strong>le</strong> bébé<br />

pour l’embauche et la gestion <strong>du</strong> système.<br />

Je vais lancer <strong>le</strong> bébé sur orbite et sagement me rendormir.<br />

C’est <strong>du</strong> moins ce que je croyais.<br />

Là je rêve en cou<strong>le</strong>ur


Il nous faut un peu mieux que des chauffeurs alcooliques cherchant à récupérer un job per<strong>du</strong> depuis<br />

longtemps au milieu de vapeurs éthyliques. Il y a par contre toute une brochette de gars qui, bien<br />

qu’intelligents ont raté un bac technique et qui n’ont pas envie d’atterrir derrière une caisse de<br />

supermarché. André a la main heureuse et l’œil sur.<br />

En moins d’une semaine, il nous déniche une solide équipe de quatre gars entre 20 et 22 ans prêts à<br />

tout ce qui entre dans <strong>le</strong>urs cordes…. Et au delà.<br />

Y veu<strong>le</strong>nt de l’aventure ! Y vont pas être déçus.<br />

Y z‘ont tout compris, et, contrairement à ce que je craignais, <strong>le</strong> fait de passer <strong>du</strong> poste de sou<strong>du</strong>re au<br />

volant et vice versa ne <strong>le</strong>s effraie pas, bien au contraire.<br />

Premier round : On fabrique <strong>le</strong> prototype.<br />

Technique Eiffel légèrement modifiée ; tubes carrés soudés en guise de poutrel<strong>le</strong>s : treize mètres de<br />

long, deux mètres cinquante de large; 220 Kg à vide ; un record !<br />

Deuxième round : amélioration <strong>du</strong> freinage.<br />

Je vous l’ai dit, j’ai compris la <strong>le</strong>çon ; j’instal<strong>le</strong> sur l’essieu de la remorque un système d’assistance<br />

de freinage autonome à dépression agissant sur des roues jumelées, provenant d’une Ford<br />

GRANADA.<br />

Je sais, pas besoin de roues jumelées, mais en cas de crevaison ça garanti la stabilité de l’ensemb<strong>le</strong> et<br />

nos chargements sont très hauts, de plus, ça augmente l’efficacité <strong>du</strong> freinage.<br />

J’ai décidément été traumatisé par mon expérience précédente<br />

L’ Hydrovac est actionné par un capteur pneumatique de ma conception directement posé sous la<br />

péda<strong>le</strong> de frein <strong>du</strong> tracteur ; rustique mais efficace…terrib<strong>le</strong>ment efficace !<br />

La remorque freine avant <strong>le</strong> tracteur et, même si <strong>le</strong>s freins <strong>du</strong> tracteur lâchent, ceux de la remorque,<br />

grâce entre autre au roues jumelées, sont assez puissants pour immobiliser l’ensemb<strong>le</strong> et … plus c’est<br />

lourd, mieux ça freine.<br />

C’est puissant ; extrêmement puissant !<br />

Le grand jour arrive.<br />

L’ingénieur des mines se souvient de tout et en particulier de ma trombine ; apparemment il’aime<br />

pas ; trop arrogant.<br />

C’est vrai, je suis toujours un jeune con comme me l’a déjà dit Rémy Chauvin (il avait même ajouté<br />

prétentieux).<br />

Ma quasi appartenance à une administration officiel<strong>le</strong> m’incite à croire que je suis intouchab<strong>le</strong> et il<br />

va me falloir bien des coups de pieds au cul pour changer d’attitude. … pas de soucis, la vie va s’en<br />

charger.<br />

Il se souvient aussi :<br />

- De la piste qu’il lui a fallu nettoyer après la perte de notre chargement.<br />

- Des difficultés de freinage.<br />

- De l’ « in extremis » de notre dernière homologation.


Il regarde tout, il vérifie tout, et surtout <strong>le</strong> poids à vide de la remorque ; il est certain que nous avons<br />

triché pour augmenter la charge uti<strong>le</strong>.<br />

On décharge, on pèze, on recharge.<br />

Vexé, il va chercher à nous coincer ail<strong>le</strong>urs.<br />

Il est un tout de même un peu étonné de constater que nous avons surchargé ; va-t-il nous faire<br />

rectifier, prétextant la surcharge ?<br />

Bien sur que non, dans un premier temps il pense que ça joue contre nous.<br />

Surcharger m’assurait une plus grande stabilité et un meil<strong>le</strong>ur freinage ; mais il connait son boulot, il<br />

n’est pas <strong>du</strong>pe.<br />

Arrive <strong>le</strong> moment <strong>du</strong> freinage.<br />

Ce camion est un trois tonnes cinq, il est équipé comme un véhicu<strong>le</strong> de tourisme ; c'est-à-dire :<br />

ceintures de sécurité.<br />

Je me harnache. Il prend ça pour de la frime et n’en fait pas autant, <strong>le</strong>s ceintures de sécurité ne sont<br />

pas encore obligatoire pour <strong>le</strong>s véhicu<strong>le</strong>s utilitaires de moins de 3 tonnes,5.<br />

Arrivé au point de freinage il crie « à fond ! » Pourtant mon freinage est bon comme je peux <strong>le</strong><br />

constater en zieutant <strong>le</strong> décéléromètre installé sur <strong>le</strong> pare brise.<br />

J’hésite, il se fâche tout rouge. « Recommencez ! »<br />

Je sais ce qui va arriver, il croit que cette remorque ne freine pas et ne prend aucune précaution.<br />

J’écrase la péda<strong>le</strong> ; il s’écrase sur <strong>le</strong> pare brise ; grosse bosse sur <strong>le</strong> front ; l’est pas contant.<br />

« Revenez la semaine prochaine ; à vide !! »<br />

Zut, j’y avais pas pensé ; il sait qu’avec une tel<strong>le</strong> force de freinage sur une remorque aussi légère,<br />

l’attelage va jouer <strong>le</strong>s valses de Vienne et il pourra nous coincer comme il voudra.<br />

Pour être franc, nous avions déjà eu <strong>le</strong> problème avec l’autre remorque qui pourtant freinait beaucoup<br />

moins bien.<br />

Avenue des champs Elysée 2 heures <strong>du</strong> matin ; petite bruine de printemps, feu rouge in extremis<br />

et…La remorque, roues bloquées, manifeste une irrésistib<strong>le</strong> envie de doub<strong>le</strong>r <strong>le</strong> tracteur.<br />

Nous rejoignant par la droite à distance respectab<strong>le</strong>, une « 2 CV » antique et so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong> décélère en<br />

douceur suivi et bientôt rattrapée par <strong>le</strong> train arrière de notre attelage qui stoppe a moins de cinquante<br />

centimètres des feux de ladite carrio<strong>le</strong> dont <strong>le</strong> sexagénaire con<strong>du</strong>cteur n’a aucune conscience <strong>du</strong><br />

drame dont il a failli être victime.<br />

On l’a pas touché.


Soulagement, crise de fou rire, et nous repartons au feu vert poursuivi par <strong>le</strong>s imprécations <strong>du</strong><br />

quidam croyant <strong>du</strong>r comme fer qu’on se payait sa fio<strong>le</strong>.<br />

Cette fois ci, vaudrait mieux éviter ça.<br />

Nouvel<strong>le</strong> gamberge.<br />

Eureka ! C’est tout simp<strong>le</strong> ; on col<strong>le</strong> un capteur sous <strong>le</strong>s ressorts de la remorque, et dès qu’on est à<br />

vide, <strong>le</strong> système de freinage se met hors circuit ; on va même se payer <strong>le</strong> luxe de <strong>le</strong> faire progressif.<br />

Une remorque de 220 kg n’a léga<strong>le</strong>ment pas besoin d’être freinée ; par précaution, j’ajoute un<br />

dispositif additionnel a fuite dont je place la commande manuel<strong>le</strong> a coté <strong>du</strong> siège <strong>du</strong> chauffeur, ce<br />

permet de discrètement doser la puissance de freinage en cas de faib<strong>le</strong>s charges.<br />

On a gagné, la remorque est affublée de la précieuse tête de cheval qui atteste sa conformité.<br />

On lance <strong>le</strong> chantier : sept autres semi-remorques ; ca devrait nous procurer six à huit mois de<br />

trésorerie ; de plus, la SATEM est en retard sur ses prévisions, ce qui nous donne <strong>le</strong> temps de nous<br />

organiser.<br />

Fini <strong>le</strong>s vaches maigres ; la SATEM n’hésite pas à me gratifier, en prime et en <strong>le</strong>asing, d’une superbe<br />

BMW 2500 toute neuve; je suis aux anges.<br />

J’avais pas tout compris, en fait, ils veu<strong>le</strong>nt me lier à ce programme ; la stratégie est simp<strong>le</strong> et<br />

efficace :<br />

Endetter au maximum <strong>le</strong> fournisseur pour qu’il ne puisse pas se défi<strong>le</strong>r.<br />

Nous construisons donc nos remorques et, de temps à autre, nous faisons de petits transports pour<br />

Hausermann.<br />

La routine.<br />

Je ne vous ai pas encore présenté Pascal Hausermann, normal, jusqu'à présent, je ne l’ai pas<br />

rencontré, je n’ai eu affaire qu’a la SATEM.<br />

En tout état de cause, voici ce qu’on peut lire aujourd’hui sur Internet à son sujet :<br />

Depuis 1959, Pascal Haüsermann, architecte bohème, visionnaire, utopiste et poète n'a cessé de<br />

rêver, d'inventer, d'expérimenter pour une architecture différente, pour de nouvel<strong>le</strong>s formes<br />

d'habitat, pour une liberté de construire ... Il s'inscrivait dans un mouvement architectural alternatif<br />

ayant pour but de contrebalancer <strong>le</strong> conformisme de la construction immobilière tributaire de règ<strong>le</strong>s<br />

administratives rigides, en proposant une autre manière d'habiter. Hélas la bureaucratie eut raison<br />

de cet élan novateur qui se mettra en veil<strong>le</strong> à la fin des années 70.


C’est superbe ce qu’il fait non ?<br />

C’est un sympathique et solide architecte que je trouve futuriste, ce qu’il n’aime pas.<br />

Il a fait ses preuves, son ta<strong>le</strong>nt est incontestab<strong>le</strong>.<br />

Cette fois ci, il s’aventure sur un terrain qu’a mon avis il connaît mal, mais qui est extrêmement<br />

alléchant.<br />

Le prêt à porter de la construction mo<strong>du</strong>laire.<br />

La maison de rêve au prix <strong>du</strong> HLM ; extensib<strong>le</strong> et d’une ergonomie parfaite.<br />

Juste un petit problème : la fabrication.<br />

Un os encore plus gros : Les architectes des bâtiments de France.<br />

Je connais bien ce type de fonctionnaires craintifs mais imbus de <strong>le</strong>urs prérogatives ; et c’est ce qui<br />

me donne <strong>le</strong> plus d’inquiétudes.<br />

Le Matériau : Idéal ; une résine phénolique pare feux qui a la gentil<strong>le</strong>sse de créer sa propre croûte<br />

externe, évitant dans la foulée la complication d’une fabrication sandwich.<br />

Je suis sous <strong>le</strong> charme.<br />

Cela dit, je me méfie de mes engouements. Je décide de faire un test client et d’éventuel<strong>le</strong>ment<br />

mettre en place un marché susceptib<strong>le</strong> de m’assurer <strong>du</strong> transport et de la manutention pour un bon<br />

bout de temps.<br />

Je présente <strong>le</strong> projet à mon onc<strong>le</strong> qui est, je <strong>le</strong> sais, parfaitement capab<strong>le</strong> de juger de la validité <strong>du</strong><br />

projet, de <strong>le</strong> faire accepter à sa municipalité et par-dessus tout ça de décrocher <strong>le</strong>s subventions<br />

nécessaires à sa réalisation.<br />

Si mon onc<strong>le</strong> est conquis, il convaincra la SOMIVAL (Société de Mise en Va<strong>le</strong>ur de L’Auvergne<br />

Limousin) de financer un projet sur son territoire, laquel<strong>le</strong> convaincra l’architecte des bâtiments de<br />

France de donner son aval ce qui pourrait bien créer un précédent et donner un coup de pouce a<br />

l’ensemb<strong>le</strong> de l’opération.<br />

Je pourrai donc m’aventurer plus avant et donner un coup de collier si nécessaire.<br />

Je fais venir Hausermann et son inséparab<strong>le</strong> acolyte Lemerdi sur <strong>le</strong> site <strong>du</strong> Lac de Bournazel. Tout se<br />

passe à merveil<strong>le</strong> ; mon onc<strong>le</strong> est intéressé.


C’est un visionnaire ; Il voit un comp<strong>le</strong>xe touristique futuriste, des bungalows et un centre de loisir<br />

sur l’eau sty<strong>le</strong> boite de nuit qui vont drainer une fou<strong>le</strong> de touristes.<br />

Il reste maintenant à convaincre <strong>le</strong> conseil municipal de voter <strong>le</strong> projet.<br />

Mon onc<strong>le</strong> est de mon avis, il faut montrer quelque chose de concret à ce conseil essentiel<strong>le</strong>ment<br />

composé de gens ayant <strong>le</strong>s pieds solidement encrés dans la glèbe mieux connus sous <strong>le</strong> nom plus<br />

imagé de « culs terreux », au sein <strong>du</strong>quel il ne compte pas que des amis.<br />

Certains et pas des moindres (pas culs terreux, ceux là, plutôt <strong>du</strong> sty<strong>le</strong> culs pincés n’ayant pas<br />

forcément inventé la poudre quoi qu’ils en disent) attendent la moindre occasion pour mettre à bas la<br />

« Dynastie Vinatier » qui règne depuis déjà deux générations sur <strong>le</strong> devenir de ce petit village.<br />

Rendez vous est pris a Bollène la Croisère, lieu de fabrication.<br />

Tout <strong>le</strong> conseil municipal est là.<br />

Nous ne voulons pas montrer que je suis directement impliqué en tant que cocontractant, aussi mon<br />

équipe restera dans l'ombre.<br />

Arrivé à Bollène : Rien.<br />

Hausermann fait un exposé sur son concept architectural :<br />

Les mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s ne présentant aucune arête vive sont agréab<strong>le</strong>s à l’œil qui, comme on <strong>le</strong> sait n’en<br />

présente pas non plus, cela donne dit il une sensation d’infini et de quiétude qui garanti une bien<br />

meil<strong>le</strong>ure qualité d’existence.<br />

Waow, je ne suis pas certain que tout <strong>le</strong> monde, y compris <strong>le</strong> docteur, adversaire de mon onc<strong>le</strong> aux<br />

prochaines municipa<strong>le</strong>s, ait bien saisi <strong>le</strong> concept.<br />

Fin <strong>du</strong> discours ; arrive <strong>le</strong> mo<strong>du</strong><strong>le</strong> porté par un fenwick .<br />

Trente minutes plus tard, <strong>le</strong> conseil peut s’instal<strong>le</strong>r et boire <strong>le</strong> coup de l’amitié dans <strong>le</strong>dit mo<strong>du</strong><strong>le</strong><br />

meublé et éclairé comme il se doit.<br />

A l’extérieur, mon onc<strong>le</strong> et Val<strong>le</strong>ix de la SOMIVAL échangent des sourires complices.<br />

Nos ruraux ne sont peut être pas sensib<strong>le</strong>s aux beaux discours mais ils savent juger un acte.<br />

Ils sont conquis, à l’unanimité.<br />

Pascal a t il délibérément orchestré cette mise en scène ou était t’il tout simp<strong>le</strong>ment en retard ?<br />

C’est bien pire :<br />

Le mode de fabrication des mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s ne fonctionne pas.<br />

La matière ne se laisse pas mou<strong>le</strong>r aussi faci<strong>le</strong>ment que prévu.<br />

Chaque mo<strong>du</strong><strong>le</strong> qui sort présente au moins une énorme bul<strong>le</strong> que ce jour là, il a fallu comb<strong>le</strong>r avec<br />

une sorte de résine.


Peu importe ; <strong>le</strong> conseil municipal de la bonne vil<strong>le</strong> de Seilhac vote un mini projet ; <strong>le</strong> bungalow <strong>du</strong><br />

maître nageur plus quelques unités sanitaires.<br />

Bien sur, c’est loin d’avoir la gueu<strong>le</strong> de la maquette et <strong>le</strong>s entrées circulaires n’ont pas la même<br />

élégance ; mais, avec un peu d’habillage, ça restera tout de même quelque chose de fabu<strong>le</strong>ux.<br />

Fonctionnel avec un rapport coût / surface absolument inégalé.<br />

De toute façon, <strong>le</strong> conseil n’avait pas vu la maquette.<br />

De plus, ça va in<strong>du</strong>bitab<strong>le</strong>ment attirer un maximum de tourisme.<br />

Profitant de l’extrême mobilité de ces mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s, mon onc<strong>le</strong> va faire une implantation provisoire de<br />

ces mo<strong>du</strong><strong>le</strong>s sur un site propre à démontrer à l’architecte des bâtiments de France que cette<br />

architecture, loin de dénaturer <strong>le</strong> paysage, lui ajoute de la majesté.<br />

En attendant, il demande à Pascal Hausermann de lui pondre un projet qu’il veut avoir sous la main<br />

au moment de la présentation. Un bon principe : battre <strong>le</strong> fer tant qu’il est chaud.<br />

Entre temps, l’équipe Domobi<strong>le</strong>s s’acharne à résoudre <strong>le</strong> problème de fabrication.<br />

La mousse phénolique est abandonnée pour une technique de fabrication plus classique et<br />

parfaitement éprouvée : Polyester mousse de polyuréthane.<br />

Mon équipe est sur <strong>le</strong> carreau ; pas de transport à effectuer.<br />

Je décide de la laisser en renfort sur <strong>le</strong> chantier, ce qu’ils acceptent avec empressement ; pour eux,<br />

c’est l’aventure qui continue.<br />

Pour moi c’est l’angoisse.<br />

La SATEM probab<strong>le</strong>ment pas au courant de la situation de son client, ou voulant délibérément<br />

l’ignorer, me presse de terminer <strong>le</strong>s remorques.<br />

Au train ou vont <strong>le</strong>s choses, ça ne me parait pas être l’urgence.<br />

Je passe un mois au chantier pour avoir un aperçu plus documenté de la situation.<br />

Enfin, ça y est, la fabrication commence a petite vitesse et nous effectuons nos premières livraisons :<br />

quelques maisons indivi<strong>du</strong>el<strong>le</strong>s, puis Seilhac, Douvaine et quelques autres.<br />

Mon équipe au comp<strong>le</strong>t, consciente de l’enjeu met la main a la pâte et :<br />

Le sponsor de Pascal, ayant atteint la limite de ce qu’il avait prévu de dépenser pour <strong>le</strong> lancement de<br />

l’affaire, coupe <strong>le</strong>s vivres.<br />

Exit Domobi<strong>le</strong>s !


Il est temps pour moi de me reconvertir, je décroche deux marchés de transport de portiques de<br />

lavage à brosse pour voiture de tourisme et modifie quatre des remorques en conséquence ; mais je<br />

n’ai pas besoin de quatre tracteurs et ici commence une guerre d’usure avec la SATEM.<br />

Dans un premier temps, el<strong>le</strong> ne veut rien savoir et sa main droite persiste obstinément à ignorer ce<br />

que fait sa main gauche.<br />

Son marché a capoté, <strong>le</strong> matériel était spécia<strong>le</strong>ment conçu pour ce marché : Leur problème.<br />

Ils ne l’entendent pas de cette oreil<strong>le</strong>, ils veu<strong>le</strong>nt un paiement intégral <strong>du</strong> matériel.<br />

André Villain me conseil<strong>le</strong> de déposer <strong>le</strong> bilan et la SATEM en sera pour ses frais.<br />

Je suis certain de mon bon droit, je passe outre <strong>le</strong> désapprobateur « C’est vous <strong>le</strong> patron » d’André.<br />

La SATEM m’assigne, je comparais assisté de Maitre A<strong>le</strong>c Mellor qu’un un ami a convaincu de me<br />

représenter pro-bono et dont je suis loin alors de me douter de la réputation.<br />

Il n’y aura pas de procès, la SATEM à la seu<strong>le</strong> vue de qui me représente, retire sa plainte.<br />

Nous convenons d’un arrangement ; je ne conserverai que <strong>le</strong>s camions et <strong>le</strong>s remorques dont j’ai<br />

besoin.<br />

Sur cette affaire, nous avons manqué de temps; Monsieur Gaudet qui finançait alors Pascal<br />

Hauserman sur, me dirat’il, son argent de poche de courtier en bourse, n’a sans doute pas estimé<br />

que nous puissions vaincre <strong>le</strong> cumul des difficultés tant administratives que techniques, c’est surtout,<br />

je crois, l’aspect technique qui lui a fait peur.<br />

Mil<strong>le</strong>rioux et Compagnie ronronne gentiment.<br />

Vitesse de croisière.<br />

Il est vraiment temps de passer à autre chose.<br />

Deux clients me font régulièrement livrer <strong>le</strong>urs «portiques de lavage»; l’un d’entre eux me <strong>le</strong>s fait<br />

même importer d’Al<strong>le</strong>magne.<br />

Le trafic avec l’Italie a repris pour un temps à petite vitesse…dans <strong>le</strong> mauvais sens; <strong>du</strong> moins pour la<br />

Franco Britanic.<br />

Les rutilantes De Tomaso que nous avions convoyées quelques mois plus tôt repartent la queue basse<br />

vers Modène.<br />

Les nouvel<strong>le</strong>s limitations de vitesse sur autoroute n’y sont peut être pas pour rien ; mais pour nous,<br />

c’est toujours <strong>du</strong> chiffre d’affaire, même si c’est a court terme.<br />

Que demande <strong>le</strong> peup<strong>le</strong>.<br />

Mon équipe gère parfaitement la situation malgré l’absence d’André qui nous a malheureusement<br />

quittés, terrassé par une suite de crise cardiaques auxquel<strong>le</strong>s il n’a pas survécu.<br />

Quel calme ! Je peux me consacrer à ce tout nouveau boulot qu’est mon insertion au ministère de la<br />

qualité de la vie.


J’ai déjà raconté l’aventure qui en fut à la fois <strong>le</strong> point d’orgue et <strong>le</strong> point final, la rocambo<strong>le</strong>sque<br />

campagne CO-CO2; ainsi que celui des bruits d’avion mais ce ne sont pas <strong>le</strong>s seuls épisodes<br />

ubuesque de ma courte carrière administrative; loin s’en faut.<br />

Je me contenterai de rapporter ici deux autres rocambo<strong>le</strong>sques épisodes qui caractérisent assez<br />

bien la mentalité de l’administration.<br />

Mais avant de continuer, je dois vous par<strong>le</strong>r de « L’homme de l’ombre »….André Villain.<br />

Mon Mentor qui se plaisait à se présenter comme mon factotum.


André<br />

Un personnage !<br />

Ma rencontre avec lui me laisse encore aujourd’hui tota<strong>le</strong>ment perp<strong>le</strong>xe.<br />

C’était tout au début de l’épisode Domobi<strong>le</strong>s.<br />

Il débarque chez moi, un dimanche, en tout début d’après midi accompagné d’une meute de<br />

jeunes gens de tous poils qui, dès la voiture arrêtée, se mettent à jouer au ballon sur la place <strong>du</strong><br />

village.<br />

Je revois encore sa silhouette rondouillarde à la Hercu<strong>le</strong>s Poirot, crane ovoïde coiffé d’une paire<br />

de lunette a épaisse monture.<br />

Je ne me souviens pas <strong>du</strong> reste d’avoir, ne serait ce qu’une seu<strong>le</strong> fois, vu ces lunettes ail<strong>le</strong>urs que<br />

sur son crane.<br />

Étrange personnage.<br />

Il ne fait pas dans la fioriture.<br />

Il attaque:<br />

«Je vous connais bien».


Suit une minutieuse description de mes activités dans <strong>le</strong>s moindres détails.<br />

Je me demande bien comment il a pu être au courant de tout ça.<br />

Il me sort même des trucs sur ma réputation.<br />

Sur <strong>le</strong> moment, j’ai pensé que c’était de l’esbroufe, mais j’ai pu recouper certaines choses par la<br />

suite.<br />

Puis il attaque:<br />

«Je viens de faire trois ans de prison en lieu et place de notre vénéré président.<br />

J’étais son associé dans l’affaire de piastres et j’en ai payé <strong>le</strong> prix.<br />

J’espère que ça ne vous effraie pas».<br />

Honnêtement, je ne croyais pas un traître mot de tout cela.<br />

Je pensais que <strong>le</strong> bonhomme tartinait un max.<br />

Aujourd’hui, j’aurais plutôt tendance à penser qu’il était loin de tout débal<strong>le</strong>r.<br />

«Vous n’avez aucune idée <strong>du</strong> pouvoir qui est <strong>le</strong> votre dans cette position» continue t’il «J'ai une<br />

proposition à vous faire, je vais travail<strong>le</strong>r pour vous ; je serai votre factotum»<br />

Franchement, je n’avais aucune idée de ce que ça pouvait bien vouloir dire...mais j'ai fait<br />

semblant de savoir.<br />

De fait, la définition académique de la fonction (Employé subalterne, sans fonction précise, qui<br />

assume des charges multip<strong>le</strong>s et variés); floue à souhait, convenait parfaitement au personnage<br />

dans la mesure où encore aujourd’hui je n’ai aucune idée de l’éten<strong>du</strong>e réel<strong>le</strong> de ses capacités et<br />

réel<strong>le</strong>s connaissances.<br />

Et comme <strong>le</strong> veut la tradition latine, il devint <strong>le</strong> grand fait tout.<br />

«Ne vous faites pas de soucis, je ne vous demanderai aucun salaire; tout ce dont j’ai besoin,<br />

c’est d’une voiture et d’un bureau».<br />

J’ai pas osé dire non et, de toutes <strong>le</strong>s façons, vu la situation, cette intervention était quasi<br />

miracu<strong>le</strong>use et je n'avais pas vraiment d'autre choix; mais j’avais une sacré trouil<strong>le</strong>.<br />

Qu’allait-il m’en coûter, qu’allait il me faire faire.<br />

En fait …rien, il s’en est tenu à ses exigences initia<strong>le</strong>s et ne m’a jamais demandé un centime.<br />

Il recevait régulièrement des chèques ..... d’origines variées et pas tout a fait inconnues.<br />

Pour <strong>le</strong> reste, il m’a une seu<strong>le</strong> fois demandé un service que je croyais <strong>du</strong> reste, bien a tord, ne<br />

pas pouvoir lui rendre.


Un vendredi soir d’automne alors que nous nous apprêtions à quitter <strong>le</strong> bureau de fortune que<br />

j’avais installé pour lui dans un garage indépendant de la maison, il me dit:<br />

«Demain, je vais vous présenter à quelqu’un; vous verrez, c’est un personnage. Il a une<br />

maîtresse à Lyon, et pour avoir un prétexte de visite, il a carrément créé la bas une compagnie<br />

qui fabrique des toi<strong>le</strong>s goudronnées et d’autre matériaux a base de pétro<strong>le</strong>…Une figure, vous<br />

dis-je, vous al<strong>le</strong>z apprécier ».<br />

Utesa,<br />

Je ne suis pas très sur de l’orthographe; ce qui est certain, par contre, c’est que c’est lui aussi, un<br />

autre personnage.<br />

Personnage doté d'un accent <strong>du</strong> midi à couper au couteau.<br />

«Écoute moi petit, André m’as dit que tu pourrais faire quelque chose pour moi».<br />

Ah! Nous y voilà!!<br />

«Dans notre petit coin de Provence, nous aimons l’environnement.<br />

Nous sommes plusieurs petit propriétaires a apprécier <strong>le</strong> calme de notre province et voila qu’un<br />

sinistre hurluberlu est en train de faire déclasser un site protégé a coté de chez une vieil<strong>le</strong> dame<br />

de mes amies pour y transférer une usine de traitement de déchets qui est actuel<strong>le</strong>ment sur un<br />

site constructib<strong>le</strong>; comme ça, après avoir rasé l'usine, y va pouvoir transformer ce putain de site<br />

en une mini cité en se faisant un max de pognon.<br />

Moi, je m’en fous qu’y s' fasse <strong>du</strong> pognon, mais nous ne voulons pas de sa foutu usine sur notre<br />

territoire; <strong>le</strong> site est classé et nous voulons qu’il <strong>le</strong> reste.<br />

Aides nous, petit».<br />

La cause était nob<strong>le</strong>, mais que pouvais-je y faire?<br />

En désespoir de cause, j’en par<strong>le</strong> à Kasandjian ; après tout, ça relève de l’environnement même si<br />

ça ne concerne pas notre service.<br />

Ça l’amuse ; il est plus rompu que moi aux magouil<strong>le</strong>s de couloir. «On lance <strong>le</strong> bouchon de<br />

manière tout à fait anecdotique et on attend que ça retombe». Sourit-il, «je m’en charge».<br />

J’ignore à qui il a parlé et ce qu'il lui a dit, mais quelques jours plus tard, un indivi<strong>du</strong> à l’air franc<br />

et massif <strong>du</strong> faux cul de service vient me montrer un dossier, sous <strong>le</strong> manteau bien sur, en toute<br />

confidentialité, <strong>du</strong> sty<strong>le</strong> «cette conversation n’a jamais eu lieu», et j’en passe.<br />

«C’est un dossier sensiiiiiiiiiiiib<strong>le</strong>» murmure t’il; «<strong>le</strong> sénateur «X» est très intéressé par ce<br />

projet»<br />

Tra<strong>du</strong>ction intégra<strong>le</strong>: <strong>le</strong> sénateur «X» a sonnants et trébuchants intérêts dans ce projet!<br />

Bref, je rapporte à Utesa l’essence de cette conversation qui, comme on <strong>le</strong> sait, n’a en fait jamais<br />

eu lieu.


Quelques semaines plus tard, un ma<strong>le</strong>ncontreux accident dû au gaz me semb<strong>le</strong> t’il, endommage<br />

quelque peu la villa provença<strong>le</strong> de notre sénateur alors qu’il était, avec toute sa famil<strong>le</strong>, en<br />

vacance à l’étranger à ce qu’on m’a dit.<br />

Je crois bien en tout cas que ce site est toujours inscrit a la rubrique «sites protégés».<br />

C’est la seu<strong>le</strong> chose qu’en trois ans de collaboration, André m’a jamais demandé d’accomplir<br />

pour lui.<br />

A dater de ce jour il entreprend mon é<strong>du</strong>cation…..Tout en finesse la plupart <strong>du</strong> temps.<br />

Il ne se départi jamais de la position qu’il a lui-même choisie: Il me conseil<strong>le</strong>, mais je reste <strong>le</strong><br />

patron.<br />

Il ne discute pas mes décisions fina<strong>le</strong>s.<br />

Une curieuse relation s’établit entre lui, mon épouse et moi-même.<br />

Il tutoie mon Épouse qui fait de même à son égard; par contre il me vouvoie ostensib<strong>le</strong>ment.<br />

Il nous arrive de passer un week-end à sa maison de campagne mais il conserve toujours la<br />

même attitude.<br />

Il lui arrive de temps en temps d’évoquer <strong>le</strong> temps de sa gloire; une époque où, dit il; il avait pas<br />

mal d’argent.<br />

Il évoque ses connexions anciennes, mais avec discrétion.<br />

Je pensais à l’époque qu’il affabulait un max, mais après sa mort, j’eus confirmation de la<br />

véracité de certaines de ses allégations par une de ses nièces qui s’insurgeait de l’attitude de ses<br />

parents vis-à-vis <strong>du</strong> défunt ; parents qui n’avaient <strong>du</strong> reste pas jugé bon d’assister a son<br />

enterrement.<br />

«Quand il avait de l’argent, il <strong>le</strong>ur a tout donné» disait-el<strong>le</strong>, «mais depuis son séjour en prison,<br />

ils ne voulaient plus entendre par<strong>le</strong>r de lui».<br />

Eh oui, ça fait tache.<br />

En fait, ce qui m’a mis la puce à l’oreil<strong>le</strong>, c’est que <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain de l’annonce de son décès, sa<br />

maison a été cambriolée.<br />

Le plus curieux, c’est que rien ne semblait avoir disparu, mais quelque chose paraissait étrange a<br />

nous qui connaissions bien <strong>le</strong>s lieux; il flottait comme une sorte de malaise.<br />

Il nous a fallu un moment pour identifier l'anomalie: Il ne restait pas <strong>le</strong> moindre morceau de<br />

papier dans toute la maison.<br />

C’est alors que je me souvins qu’André m’avait demandé de garder pour lui un carton assez<br />

lourd.<br />

De retour chez moi, je m’empresse de l’ouvrir et y découvre des liasses de documents<br />

soigneusement répertoriées.


J’aurais sans doute <strong>du</strong> garder <strong>le</strong> tout a titre de reliques, mais au vu de <strong>le</strong>ur contenu ; des faits, des<br />

lieux et des noms, je me suis empressé de <strong>le</strong>s faire disparaître.<br />

J’ai eu tord dites vous ?<br />

Très sincèrement, à l’époque, je n’avais pas <strong>le</strong>s épau<strong>le</strong>s pour m’en servir.<br />

Le plus intriguant c’est qu’a postériori, il semb<strong>le</strong> qu’il s’attendait à mourir, quelques jours avant,<br />

il avait écrit plus de deux cent <strong>le</strong>ttres que j’ai retrouvées dans sa chambre, à la clinique.<br />

Il réglait ses comptes, semb<strong>le</strong> t’il, mais n’avait pas eu <strong>le</strong> temps de <strong>le</strong>s poster. Je l’ai fait à sa<br />

place ; ça m’amusait de penser que, jusqu’à ce qu’ils apprennent sa mort, certains personnages<br />

hauts en cou<strong>le</strong>ur allaient mouil<strong>le</strong>r <strong>le</strong>ur culotte.<br />

Lors de ma précédente visite, a lors que je lui racontais <strong>le</strong>s méandres d’une de mes transactions il<br />

m’avait dit avec un sourire « vous n’avez plus besoin de moi maintenant ».<br />

C’est <strong>du</strong> reste lorsque j’ai voulu lui rapporter <strong>le</strong> succès de cette transaction que j’ai appris sa<br />

mort, et pu apprécier la délicatesse <strong>du</strong> personnel hospitalier.<br />

Allooo… puis je par<strong>le</strong>r a André Villain, chambre …., ?<br />

André Villain ? … Il est mort ce matin !<br />

Claccc !<br />

Heureus’ment qu’j’étais pas cardiaque.<br />

Un bien étrange personnage en vérité.<br />

Dur a l’ouvrage jusqu’à la sottise ; ce qui lui a probab<strong>le</strong>ment couté la vie.<br />

Au quotidien, il habitait chez moi, mais passait <strong>le</strong> week end dans sa maison de l’Indre à quelques<br />

200 km de là.<br />

Il arrivait régulièrement <strong>le</strong> lundi matin sur <strong>le</strong> coup de 8 heures.<br />

Un de ces matins, <strong>le</strong> dernier en fait, nous entendîmes sa voiture s’arrêter sur <strong>le</strong> parking en face de<br />

la maison, mais aucun bruit de portière.<br />

Au bout de quelques minutes, nous décidons d’al<strong>le</strong>r voir ce qui se passe et <strong>le</strong> trouvons plié en<br />

deux sur la portière.<br />

Hôpital immédiatement ; diagnostic : crise cardiaque ; et on connait la suite.<br />

Ce que nous ne savions pas, c’est qu’il avait fait deux autres crises <strong>du</strong>rant <strong>le</strong> week end, n’avait<br />

pas voulu de médecin, et avait quand même pris la route a cinq heures <strong>du</strong> matin.<br />

Quand je dis qu’il fit mon é<strong>du</strong>cation en finesse, ça ne veut pas forcément dire en douceur.<br />

J’ai déjà dit que je suis un chef d’entreprise d’opérette; ...suis pas armé pour affronter <strong>le</strong>s<br />

banques, <strong>le</strong>s concurrents ou l’administration....Pas mon truc!<br />

L’arrivée d’André qui veil<strong>le</strong> au grain me soulage d’un grand poids; mais voila, il a l’intention de<br />

m’é<strong>du</strong>quer, et, quand on en vient a l’é<strong>du</strong>cation, sa méthode est très simp<strong>le</strong>, c’est cel<strong>le</strong> <strong>du</strong> maître<br />

nageur.


Connaissez pas?<br />

Y vous balance à la flotte et…tait toi et nage!!<br />

A un moment où notre petite entreprise avance «a toute vapeur», bien sur, j’ai besoin de<br />

carburant.<br />

OK dit il, «nous allons a la banque».<br />

En fait c’était: nous allons devant la banque, et c’est vous qui entrez.<br />

J’avais naïvement pensé qu’il allait négocier à ma place.<br />

Ben non!<br />

«C’est vous <strong>le</strong> patron, c’est à vous qu’ils doivent faire confiance».<br />

J'entre, m'instal<strong>le</strong> <strong>du</strong> bout des fesses sur un inconfortab<strong>le</strong> tabouret et... au bout de 15mn je<br />

ressors.<br />

Alors que je m’apprête à servir un énorme mensonge a mon mentor, il me devance:<br />

«Z'y êtes pas allé; on y retourne!»<br />

On??? Moi bien sur.<br />

Et, devinez quoi; je l'ai eu ma foutu ligne de crédit.<br />

Apprentissage «à la <strong>du</strong>re» peut être ....... mais efficace; ça c'est certain.<br />

Et puis, Il y a eu Chevanne.<br />

J'ignore tota<strong>le</strong>ment pourquoi André me l'a présenté, mais nous allions, plus tard, faire un bout de<br />

chemin ensemb<strong>le</strong>.<br />

Il était <strong>le</strong> mari...un peu délaissé... de la <strong>fil</strong><strong>le</strong> <strong>du</strong> célèbre Sylvain Floirat.<br />

Oui. Ce garagiste qui bâtit tout un empire: Europe 1, Matra, Aig<strong>le</strong> Azur, Byblos et j'en passe ;<br />

tout ça dans <strong>le</strong> désordre bien sur.<br />

Chevanne était en fait un peu <strong>le</strong> «vilain petit canard» de la famil<strong>le</strong>.<br />

Un homme extrêmement sympathique, un artiste dans sa partie.<br />

Alors pourquoi vilain petit canard?<br />

Ben parce qu'il n'en avait rien à foutre de l'argent! Et chez <strong>le</strong>s Floirat, ça jure.<br />

Aujourd'hui, je ne comprends toujours pas pourquoi André avait jugé bon de nous présenter l'un<br />

à l'autre car il ne pouvait a l'évidence pas deviner la tournure qu'allait prendre <strong>le</strong>s événements<br />

après sa mort.<br />

Bref cet esthète vivait dans un sp<strong>le</strong>ndide moulin au pied <strong>du</strong>quel il avait son atelier.


Il fabriquait des petites merveil<strong>le</strong>s en matières plastiques diverses, et, incidemment, il fabriquait<br />

aussi sa propre é<strong>le</strong>ctricité a partir de la chute d'eau qui jouxtait son moulin.<br />

Sans doute poussé par la famil<strong>le</strong>, il avait fait construire en son temps une «usine» d’un millier de<br />

m2; sorte de grand hangar avec un petit atelier; dans la zone in<strong>du</strong>striel<strong>le</strong> de Gail<strong>le</strong>fontaine où il<br />

résidait alors, mais il ne s'y sentait pas très a l'aise et avait vite réintégré l'atelier <strong>du</strong> moulin.<br />

L'usine était donc libre.<br />

Mais ceci est une autre histoire.<br />

Pour revenir à André, il avait l’art des raccourcis et détestait <strong>le</strong>s solutions compliquées mais pardessus<br />

tout, <strong>le</strong> travail qu’il faisait pour moi nécessitant quelque peu de concentration, il tenait a<br />

sa tranquillité.<br />

Or, pendant que nous étions en roue libre, l’un de nos collaborateurs, beau frère de mon nouvel<br />

associé que nous avions recruté un peu par bonté d’âme, pas des plus futés il faut bien <strong>le</strong> dire<br />

mais p<strong>le</strong>in de bonne volonté, aimait à trainer autour de lui; posant des questions ; racontant des<br />

histoires déplaçant ça et là des objets et j’en passe.<br />

André détestait ça mais, n’ayant rien d’autre à lui donner, prenait son mal en patience jusqu’au<br />

jour où, par un de ces éclairs de génie qu’il nous arrive parfois d’avoir, il ne trouve rien de<br />

mieux, pensant ainsi gagner quelques heures de tranquillité, que d’expédier notre quidam<br />

nettoyer <strong>le</strong>s abords de la maison sous <strong>le</strong> fallacieux prétexte que son aspect négligé donnait une<br />

très mauvais image de marque à la société.<br />

Objectif atteint : Il a tout nettoyé…absolument tout ; restait plus un caillou, plus un brin d’herbe,<br />

plus la moindre petite f<strong>le</strong>ur, pas <strong>le</strong> moindre arbrisseau y compris ceux que mon épouse avait<br />

laborieusement planté <strong>le</strong> week end précédent.<br />

Il avait gagné ses quelques heures de tranquillité…Moi pas.<br />

Mais, dans l’ensemb<strong>le</strong>, ça se passait plutôt bien.<br />

Sa mort m’a réel<strong>le</strong>ment laissé comme orphelin. Quelque mois auparavant, j’aurais certainement<br />

assez mal surmonté la chose, mais avec lui, j’avais appris à faire face à quelque situation que ce<br />

soit.<br />

Donc :<br />

Vogue la galère.


Je vous avais promis des histoires rocambo<strong>le</strong>sques, en voici deux qui, comme je vous l’ai dit<br />

illustrent bien la mentalité administrative.<br />

Il s’agit de l’histoire <strong>du</strong> moteur à eau, et de l’histoire des centra<strong>le</strong>s d’épuration d’eau Iraquiennes.<br />

Bien sur, el<strong>le</strong>s ne sont pas liées, mais se situent à la même époque, l’une après l’autre.<br />

Ce sont deux affaires auxquel<strong>le</strong>s je n’aurais pas <strong>du</strong> tout <strong>du</strong> être mêlé, l’une parce qu’el<strong>le</strong> relève<br />

de la stupidité à l’état pur, l’autre parce qu’el<strong>le</strong> ne se situait pas <strong>du</strong> tout dans mon domaine<br />

d’intervention ministériel.


Il ETAIT UNE FOIS<br />

UN MOTEUR<br />

QUI MARCHAIT A L’EAU PURE<br />

En tout cas c’est ce qu’il était supposé faire.


Je crois réel<strong>le</strong>ment que ce fut la plus ubuesque de mes aventures.<br />

Non pas parce que qu’un parfait hurluberlu ait ressorti ce vieux fantasme, ni <strong>du</strong> fait de l’amp<strong>le</strong>ur<br />

médiatique et politique que cet évènement allait prendre, mais surtout <strong>du</strong> fait da la réel<strong>le</strong><br />

fascination que ça allait exercer sur de supposés et néanmoins authentiquement officiels<br />

scientifiques.<br />

Ce jour là, j’étais sur ca<strong>le</strong>s, tra<strong>du</strong>isez, congé de maladie : vertèbres déplacées.<br />

Quoi ?<br />

Non non non non ….. pas <strong>du</strong> tout diplomatique la maladie.<br />

D’ail<strong>le</strong>urs, vous verrez sur la photo, j’ai vraiment l’air d’avoir un parapluie planté là où <strong>le</strong> diab<strong>le</strong><br />

est supposé avoir sa queue.<br />

J’ai toujours été un peu fragi<strong>le</strong> <strong>du</strong> coté des cervica<strong>le</strong>s ; oui je sais, certains ont même tendance à<br />

dire qu’ c’est même monté un peu plus haut.<br />

Mais non, là c’est sérieux ; séquel<strong>le</strong>s de mes frasques estudiantines coté barre fixe et barres<br />

parallè<strong>le</strong>s ; <strong>le</strong> sport ne m’a jamais inspiré ; si j’en ai fait c’est que c’était supposé faire flipper <strong>le</strong><br />

beau sexe.<br />

En fait, c’est surtout après que je me sois cassé la gueu<strong>le</strong> que j’ai commencé à attirer <strong>le</strong>ur<br />

attention. Les femmes semb<strong>le</strong>nt avoir un insoupçonnab<strong>le</strong> coté infirmière qu’il est parfois<br />

agréab<strong>le</strong> de révé<strong>le</strong>r.<br />

Comme si, poussant <strong>le</strong>urs galants à la performance …sportive j’entends ; el<strong>le</strong>s espéraient qu’ils<br />

se ramassent pour pouvoir mieux <strong>le</strong>s soigner ; ou, peut être…. mieux <strong>le</strong>s avoir à <strong>le</strong>ur pogne.<br />

Et, donc, <strong>du</strong> fond de mon grabat, je reçois un coup de <strong>fil</strong> de Kasandjian.<br />

« Chavant, il y a demain une manifestation à Rouen et il faut absolument que vous y soyez ».<br />

Rouen ?<br />

A quel sujet ?<br />

Moteur a eau !<br />

C’est une plaisanterie j’espère ! Cette histoire de moteur à eau est un vaste canular qui, tout<br />

comme <strong>le</strong> gentil Nessie, ressort d’une décennie sur l’autre.<br />

C’est probab<strong>le</strong>, mais il va y avoir toute la coterie scientifique ; commissariat a l’énergie<br />

atomique, Moteur Moderne, institut Français <strong>du</strong> pétro<strong>le</strong>, et j’en passe ; on ne peut pas se


permettre de laisser dire que <strong>le</strong> Ministère de la Qualité de la Vie fait obstruction par sa seu<strong>le</strong><br />

absence.<br />

Je résiste.<br />

C’est une vraie connerie ; de plus, je ne peux pas me déplacer ; problème de vertèbres.<br />

Monsieur Chavant ; vous et moi savons parfaitement que vous avez une très confortab<strong>le</strong><br />

automobi<strong>le</strong> et je suis certain que vous pourrez trouver un excellant chauffeur parmi ceux de<br />

votre équipe.<br />

Eh oui, comme je l’ai déjà relaté, Le ministère utilisant ma petite compagnie de transport pour<br />

soutirer, entre autres, des renseignements aux constructeurs de poids lourds, il était parfaitement<br />

au courant de mes activités parallè<strong>le</strong>s et néanmoins léga<strong>le</strong>s puisque je ne suis pas fonctionnaire.<br />

Je suis coincé.<br />

Et puis il y aura un bon repas, z’ al<strong>le</strong>z toud’mem pas rater ça.<br />

Mon point faib<strong>le</strong> !<br />

Mon chauffeur devra être traité comme un membre <strong>du</strong> ministère.<br />

Pas de problème.<br />

Avec <strong>le</strong> recul, j’aurais vraiment regretté de rater ça ; j’ai rarement enten<strong>du</strong> un aussi fabu<strong>le</strong>ux<br />

ramassis de conneries, mais <strong>le</strong> repas était somptueux.<br />

Kasandjian m’avait prévenu, mais je ne m’attendais tout de même pas à un tel rassemb<strong>le</strong>ment de<br />

sommités ….et de journalistes.<br />

Le tout orchestré par Paris Match.<br />

Dès mon arrivée je suis pressenti comme l’ennemi. Je me demande bien pourquoi puisqu’en tant<br />

que représentant de l’environnement, je suis a priori sensé être <strong>du</strong> bon coté.<br />

En réalité, comme j’étais en congé de maladie, Paris Match avait vainement essayé de me<br />

joindre et en avait dé<strong>du</strong>it que je me dé<strong>fil</strong>ais.<br />

Il valait peut être mieux <strong>du</strong> reste que ça se soit passé comme ça. Je vous l’ai déjà dit, à cette<br />

époque, j’étais assez loin d’être diplomate.<br />

Et la fête commence.<br />

L’inventeur fait l’amphatique présentation d’une mystérieuse boite noire supposée être la clé <strong>du</strong><br />

mystère.


C’est marrant, sur Paris Match el<strong>le</strong> était rouge ; p’tet qu’la cou<strong>le</strong>ur a pas d’importance après tout.<br />

Boite noire grâce à laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> mirac<strong>le</strong> va se pro<strong>du</strong>ire et sans laquel<strong>le</strong> rien n’est possib<strong>le</strong> ; une<br />

sorte de catalyseur.<br />

Suspense !<br />

Bien évidemment …. aucune explication, secret in<strong>du</strong>striel oblige.<br />

Il y a tel<strong>le</strong>ment de puissances étrangères qui seraient trop contentes de posséder un tel trésor.<br />

Puissances étrangères qui <strong>du</strong> reste ont offert on pont d’or à notre inventeur de génie, <strong>le</strong>quel dans<br />

sa probité patriotique, a tout de go refusé soucieux de préserver à la France une confortab<strong>le</strong><br />

avance énergétique.<br />

Cette boite noire, donc, est ornée de deux <strong>fil</strong>s é<strong>le</strong>ctriques qui pendouil<strong>le</strong>nt.<br />

Un rouge et un b<strong>le</strong>u comme il se doit.<br />

On fait <strong>le</strong> p<strong>le</strong>in d’eau, on rajoute l’alcool - a titre de catalyseur dit-on -, on oublie au passage de<br />

brancher la boite noire, ce que, comme vous pouvez <strong>le</strong> voir sur la photo qui suit, je fais illico<br />

remarquer a Jean Paul qui a gentiment accepté de me servir de chauffeur.<br />

Vous m’reconnaissez pas sur la photo ?


Ah ben oui, j’ai changé depuis, c’était tout de même il y a plus de trente ans, quand j’étais jeune<br />

et beau.<br />

Ben quoi, chacun ses gouts non ?<br />

Vous savez quoi, je viens juste de constater un truc marrant.<br />

J’porte pas de cravate sur cette photo, pas plus que je n’en porte à mon bureau à une époque où<br />

c’est de très mauvais gout ; alors qu’aujourd’hui, dans un pays ou personne ou presque ne porte<br />

de cravate, j’en porte une.<br />

Ça doit vouloir dire quelque chose.<br />

Cela dit, un jour, on a vu arriver notre bien aimé patron en polo et baskets et notre commune,<br />

efficace et dévouée secrétaire, Daniè<strong>le</strong> de son prénom, en a dé<strong>du</strong>it que j’avais une très mauvaise<br />

influence sur lui.<br />

Bref, notre inventeur surprenant mon aparté avec Jean Paul s’empresse de rectifier son oubli ; un<br />

peu tard car <strong>le</strong> moteur tournait déjà ; ou plutôt…. crachotait déjà.<br />

Ce Moteur, un vénérab<strong>le</strong> V8 qui avait vu des jours meil<strong>le</strong>urs devait bien à l’origine tirer ses 200<br />

CV.<br />

Il est accouplé à un petit générateur é<strong>le</strong>ctrique <strong>le</strong>quel alimente un poste de sou<strong>du</strong>re à l’arc.<br />

Donc, Le moteur toussote, crachote, fina<strong>le</strong>ment démarre.<br />

Le branchement tardif de la boite noire n’améliore en rien ses performances, mais l’assemblée<br />

crie au mirac<strong>le</strong>.<br />

Sauf peut être quelques uns.<br />

Curieux, EZA <strong>du</strong> Moteur Moderne n’a pas jugé bon d’assister à la démonstration,<br />

embouteillages sur <strong>le</strong>s routes normandes sans doute ; il n’assistera qu’au repas…pas fol<strong>le</strong> la<br />

guêpe.<br />

Ça commence à être drô<strong>le</strong>.<br />

Personnel<strong>le</strong>ment j’vois pas bien où est <strong>le</strong> mirac<strong>le</strong> puisque on connait depuis longtemps <strong>le</strong><br />

principe <strong>du</strong> moteur poly carburant qui est capab<strong>le</strong> d’ava<strong>le</strong>r a peu près tout ce qui se bru<strong>le</strong> y<br />

compris <strong>le</strong>s mélanges eau/alcool.<br />

Tout est affaire de proportions ; pas de quoi en faire une affaire d’état.<br />

Maintenant nous allons voir ce que nous allons voir.


Notre va<strong>le</strong>ureux garagiste ; Ah oui, J’ai oublié de vous dire que l’inventeur est un de ces<br />

in<strong>du</strong>strieux artisans que je vais être amené plus tard à éclairer sur <strong>le</strong>s mystères de l’anti pollution.<br />

Notre va<strong>le</strong>ureux garagiste, donc, branche so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>ment un poste de sou<strong>du</strong>re a l’arc au<br />

générateur de courant, lance <strong>le</strong> moteur a 1500 t/mn, se met à souder deux fers plats ensemb<strong>le</strong>s<br />

et…<strong>le</strong> moteur perd 500 tours.<br />

Wow, un moteur de sept litres pour tirer 2000 watts !<br />

Et puis ?<br />

Et puis c’est tout.<br />

Je m’attendais à assister a une escalade de prodiges, vous savez quoi, soigneusement dosés ; de<br />

plus en plus fort ; comme <strong>le</strong>s jeux <strong>du</strong> cirque.<br />

Mais non ; c’est….tout.<br />

Nous pouvons maintenant passer à tab<strong>le</strong>.<br />

Le bon coté des choses.<br />

Enfin, ç’aurait pu être ça si Chambrin n’avait pas profité de l’occasion pour distil<strong>le</strong>r ses grasses<br />

plaisanteries de garage et si, cerise sur <strong>le</strong> gâteau, je ne sais quel farfelu ne m’avait pas placé à<br />

coté <strong>du</strong> sieur Catoire, inconditionnel supporter <strong>du</strong> moteur à eau ; liquide dont <strong>du</strong> reste il évite<br />

soigneusement la consommation à l’instar de son modè<strong>le</strong> dont la rougeoyante carnation ne laisse<br />

place à aucun doute….Ou peut être est-ce …. l’excitation <strong>du</strong> moment.<br />

Pendant ce repas, Monsieur Catoire, Ingénieur au port autonome de Rouen, n’arrête pas de me<br />

briser <strong>le</strong>s…oreil<strong>le</strong>s avec <strong>le</strong>s prouesses <strong>du</strong> génie de service ; et ce mec se prétend ingénieur.<br />

Le seul moyen de tirer efficacement, je veux dire sans dépenser plus qu’on récupère, de<br />

l’énergie d’un litre d’eau est la fusion à froid ; et, à ma connaissance, encore aujourd’hui, on sait<br />

pas trop bien faire.<br />

J’étais tout de même curieux de savoir comment tout ce beau monde s’était laissé embarquer<br />

dans une tel<strong>le</strong> galère.<br />

J’étais quelque peu naïf à cette époque.<br />

La seu<strong>le</strong> vraie raison a pour nom : « scoop journalistique ».<br />

Suivie de son inséparab<strong>le</strong> compagne : « frayeur politicarde »<br />

Chambrin n’est pas un escroc ; juste un honnête garagiste un peu idéaliste et raisonnab<strong>le</strong>ment<br />

porté sur la bouteil<strong>le</strong> ; pas un alcoolique, non, juste un brave normand ; enfin je crois.<br />

Ça n’est que bien plus tard que, par ouïe dire, j’ai eu l’explication.


Je vous la livre tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> m’a été servie.<br />

Jean Bernardet, respectab<strong>le</strong> autant que célèbre journaliste automobi<strong>le</strong>, ayant eu vent des<br />

expériences de Chambrin sur un moteur à mélange alcool eau, par pure curiosité décide de lui<br />

rendre visite.<br />

Dans <strong>le</strong> feu de l’action et l’euphorie éthylique, bouteil<strong>le</strong> en main, avec un gros rire gras,<br />

Chambrin lance à la ronde : Je pourrais <strong>le</strong> faire fonctionner avec <strong>du</strong> vin vous savez, mais<br />

évidemment ce serait plus cher que l’essence.<br />

Ce à quoi Bernardet aurait rétorqué : vous êtes conscient que <strong>le</strong> vin, c’est quatre vingt dix pour<br />

cent d’eau et seu<strong>le</strong>ment dix pour cent d’alcool.<br />

Il peut même marcher à l’eau pure aurait alors clamé Chambrin qui aurait ce jour là bien <strong>du</strong> s’en<br />

tenir à ce nob<strong>le</strong> breuvage.<br />

Bernardet tenait son scoop et on connait la suite.<br />

Chambrin n’ayant sans doute pas <strong>le</strong> courage de se dédire s’est alors enfoncé chaque jour plus<br />

profondément dans cette gadoue à laquel<strong>le</strong> il a probab<strong>le</strong>ment fini par croire lui-même.<br />

Vanitas vanitatis !<br />

Tout cela est bel et bon, <strong>le</strong> garagiste passe encore ; Bernardet ? Il veut juste vendre <strong>du</strong> papier ;<br />

mais <strong>le</strong>s autres ???<br />

Commissariat à l’énergie-Moteur Moderne-Institut Français <strong>du</strong> Pétro<strong>le</strong>-Institut de Mécanique des<br />

fluides etc…. ??<br />

Que sont ils donc venu faire dans cette galère ?<br />

Sans doute ont-ils, comme moi été délégués à <strong>le</strong>ur corps défendant par <strong>le</strong>ur ministère de tutel<strong>le</strong>.<br />

Et pourquoi ça ?<br />

Ils ne sont pas tous stupides ces polytechniciens de parade.<br />

Ils n’ont sans doute pas toujours <strong>le</strong>s pieds par terre, mais justement, ils auraient <strong>du</strong> être <strong>le</strong>s<br />

premiers à ruer dans <strong>le</strong>s brancards, englués comme ils sont dans <strong>le</strong>urs incontournab<strong>le</strong>s principes<br />

livresques.<br />

Alors quoi ?<br />

La peur !<br />

La peur de l’échec aux é<strong>le</strong>ctions suivantes !


Tous nos beaux politiciens ont des boulots sympas et ils n’ont pas envoie de <strong>le</strong>s perdre.<br />

Pas seu<strong>le</strong>ment a cause <strong>du</strong> fric ; y’en a même a qui ça coute.<br />

Mais ils ont tous un point commun ; tous un tantinet mégalomanes. Ils veu<strong>le</strong>nt être reconnus<br />

comme <strong>le</strong>s bienfaiteurs de l’humanité, ils veu<strong>le</strong>nt se sentir supérieurs, ils veu<strong>le</strong>nt être salués,<br />

a<strong>du</strong>lés, baise-piedsés et j’en passe.<br />

De sa<strong>le</strong> gosses quoi.<br />

Juste des parasites sans intérêt disait Jacqueline Bousquet.<br />

J’ai tout de même un problème.<br />

Étant <strong>le</strong> seul représentant de la sacro sainte et néanmoins Française administration, c’est à moi de<br />

conclure.<br />

Il me faut maintenant m’asseoir sur mes convictions technologiques pour endosser une attitude<br />

aussi hypocrite qu’officiel<strong>le</strong>.<br />

Et là j’ai fait très fort !<br />

Je suis tout prêt à apporter notre contribution à une tel<strong>le</strong> avancée technologique.<br />

Fournissez un véhicu<strong>le</strong> tout équipé au laboratoire <strong>du</strong> moteur moderne et nous subventionnerons<br />

tous <strong>le</strong>s essais qui seront jugés nécessaires pour crédibiliser cette découverte.<br />

Je ne pensais pas prendre là un très grand risque financier, persuadé que j’étais, comme ça devait<br />

se vérifier plus tard, que nous n’entendrions plus jamais par<strong>le</strong>r de cette histoire.<br />

Exit Moteur à eau


Pendant ce temps, ma petite compagnie de transport, veuve <strong>du</strong> contrat « Domobi<strong>le</strong>s », vivotait à<br />

la petite semaine ; un transport de voiture par ci, deux transports de portiques de lavage par là<br />

etc…<br />

On tournait en fait sur trois clients.<br />

Franco Britannic : voitures de sport : Transport<br />

Char<strong>le</strong>s HAAS : Portiques de lavage de voitures. Transport et installation.<br />

Et une autre dont je ne me souviens plus <strong>du</strong> nom, concurrente de Char<strong>le</strong>s HAAS. Pour laquel<strong>le</strong><br />

nous assurions <strong>le</strong> même service.<br />

J’avais per<strong>du</strong> un chauffeur dans l’aventure « Domobi<strong>le</strong>s » et <strong>le</strong>s trois qui restent peuvent<br />

efficacement assumer <strong>le</strong>s deux casquettes, et je peux moi, conserver mes cinq tracteurs et mes<br />

remorques.<br />

C’est pas <strong>le</strong> pied, mais ça rou<strong>le</strong>.<br />

Bien sur, je cherche toujours « <strong>le</strong> truc » qui pourrait aussi me permettre de conserver ma BMV.<br />

Le président d’une petite société de recherche à qui j’avais été amené à octroyer quelque minime<br />

subvention dont l’obtention n’était sans doute pas étrangère ; d’une part à la position de son frère<br />

à l’assemblée nationa<strong>le</strong>, et d’autre part à son appartenance à une certaine société dite discrète à<br />

laquel<strong>le</strong> notre ministre appartenait aussi ; me présente un jour <strong>le</strong> directeur d’une <strong>fil</strong>ia<strong>le</strong> de la<br />

société Lautrette, à l’époque en position de <strong>le</strong>ader dans <strong>le</strong> domaine de la <strong>fil</strong>tration automobi<strong>le</strong>.<br />

Bien sur, même si on me faisait miroiter une éventuel<strong>le</strong> opportunité de transport, ça n’était pas<br />

pour mes beaux yeux comme vous al<strong>le</strong>z vous en rendre compte par la suite.<br />

Donc


OU IL EST QUESTION D’UN<br />

VOYAGE DE NOCE<br />

Eh oui ma pov’dame, on est ben peu d’chose.<br />

En tout cas aux yeux de ces messieurs de l’administration.<br />

C’est pas mon habitude de me plaindre mais quand même !<br />

Mes pérégrinations ministériel<strong>le</strong>s assorties aux accointances que me procurait André, m’amènent<br />

à fréquenter pas mal de personnages.<br />

Je ne me souviens plus tel<strong>le</strong>ment maintenant dans quel cadre c’était, mais j’étais en contact avec<br />

une société qui, <strong>du</strong> temps de son fondateur, avait quasiment <strong>le</strong> monopo<strong>le</strong> de la <strong>fil</strong>tration<br />

automobi<strong>le</strong> : la société Lautrette.<br />

Pourquoi « avait » ?<br />

Parce que, Jean Lautrette, <strong>le</strong> fondateur, étant décédé, son <strong>fil</strong>s lui succéda.<br />

Le vieux devait se retourner dans sa tombe !


Il faut dire que ce dernier connaissant assez bien sa progéniture, avait, parait il, stipulé dans son<br />

testament qu’il déshéritait son <strong>fil</strong>s adoré s’il lui prenait fantaisie de vouloir diriger l’entreprise.<br />

Faut croire que ça a pas marché puisqu’il la dirigeait quand même ; en tout cas pour un temps :<br />

Il était plus enclin à soigner son image qu’à reprendre <strong>le</strong> flambeau <strong>du</strong> père.<br />

Il faut aussi dire que ça n’est pas toujours faci<strong>le</strong> de succéder à un « Jean Lautrette ».<br />

Mais quand même ; il avait une curieuse manière d’aborder la question.<br />

Me croisant un jour dans un couloir de la firme, il m’apostrophe en ses mots : « Monsieur<br />

Chavant, avec <strong>le</strong> nom que je porte, il faut que je fasse de la politique ! »<br />

Ben… pourquoi pas.<br />

Bref, il ne s’agissait pas pour moi d’automobi<strong>le</strong> cette fois là.<br />

Lautrette avait une <strong>fil</strong>ia<strong>le</strong> qui avait mis au point un ingénieux système de <strong>fil</strong>tration / décantation<br />

d’eau destiné au moyen orient et visait <strong>le</strong> marché des municipalités Irakiennes.<br />

Leur problème étant que <strong>le</strong> grand maitre d’œuvre là bas est De Grémont.<br />

L’Equipe me demandait donc de l’appuyer sur ce coup là, et, compte tenu <strong>du</strong> fait que De<br />

Grémont avait déjà obtenu <strong>le</strong> marché de Bagdad ; tenter de la désintéresser <strong>du</strong> marché des<br />

municipalités qui, de toute façon n’est pas vraiment dans ses cordes… Ils ont tendance à voir<br />

plus grand.<br />

Comme d’habitude, je fonce tête baissée.<br />

Il faut dire qu’on m’avait fait miroiter <strong>le</strong> contrat de transport France pour <strong>le</strong> matériel en question.<br />

Un détail ; il s’agit de 450 Unités !<br />

Mes remorques désaffectées par la défection de DOMOBILE conviennent parfaitement pour ce<br />

genre de transport entre l’usine et <strong>le</strong> port ; 225 chargements.<br />

Vous auriez réagi comme moi.<br />

Une fois encore, je mets mon tonton à contribution, et que ce soit grâce a lui, ou tout simp<strong>le</strong>ment<br />

par ce que De Grémont, mis au courant de la candidature de Lautrette ( tout se sait dans ce petit<br />

monde) et pas réel<strong>le</strong>ment très chaud pour ce marché, se soit naturel<strong>le</strong>ment désisté ; ça marche.<br />

Ca marche, mais ça se complique.<br />

Hamza El Bahéli, (je ne garanti pas l’orthographe) vice ministre des municipalités Irakiennes<br />

demande à voir, sur place, ce matériel qui, sur <strong>le</strong> papier, semb<strong>le</strong> parfaitement lui convenir.<br />

Là, je suis un peu largué, une fois de plus, j’en par<strong>le</strong> à Kasandjian.<br />

Appe<strong>le</strong>z la Coface et faites <strong>le</strong> inviter officiel<strong>le</strong>ment.


Et là, c’est encore une des ubuesques aventures de ma courte administrative carrière.<br />

Ça marche ; sur un simp<strong>le</strong> coup de téléphone de ma part, on invite <strong>le</strong> ministre ; de quoi se<br />

prendre la grosse tête.<br />

Jamais dans la procé<strong>du</strong>re on ne m’a demandé qui j’étais, ni pourquoi je m’occupais de ce dossier<br />

qui n’a rien à voir avec l’environnement dont je prétendais dépendre ; pas même un coup de<br />

téléphone en retour juste pour vérifier que mon appel venait bien d’un organisme officiel.<br />

Vous avez dit « avions renif<strong>le</strong>urs » ?....Je rigo<strong>le</strong> ; il semb<strong>le</strong> bien qu’a l’époque, n’importe qui<br />

avec un téléphone pouvait in<strong>fil</strong>trer notre trop cré<strong>du</strong><strong>le</strong> administration.<br />

J’ose espérer que ça a changé depuis.<br />

Puis, un matin ; coup de téléphone : « Rien ne vas plus !»<br />

Que se passe-t-il ?<br />

Y veut tout voir !<br />

Et ça vous chagrine que <strong>le</strong> gars qui trimbal<strong>le</strong> <strong>le</strong> carnet de chèques veuil<strong>le</strong> rentabiliser son voyage<br />

et élargir ses horizons ?…devriez plutôt jubi<strong>le</strong>r !<br />

Oui, mais c’était pas prévu !<br />

Sacro sainte administration ; la saisie d’opportunités, c’est pas son truc.<br />

Bon, j’m’en charge.<br />

Une fois de plus je mets a contribution Jean Paul, vous vous souvenez, <strong>le</strong> chauffeur qui m’avait<br />

accompagné dans ma savoureuse équipée Rouennaise.<br />

Ça n’a pas l’air de lui déplaire <strong>du</strong> reste.<br />

Il va balader Bahéli dans ma superbe BMW, où bon lui semb<strong>le</strong>ra ; et <strong>le</strong> tour est joué.<br />

Je commence a mieux comprendre <strong>le</strong>s propos d’André : « vous n’avez pas idée <strong>du</strong> pouvoir qui<br />

est <strong>le</strong> votre ».<br />

Bref. Tout se passe à merveil<strong>le</strong>.<br />

Le ministre est ravi, <strong>le</strong>s micro centra<strong>le</strong>s d’épuration correspondent parfaitement à ce qu’il<br />

cherche ; et, accessoirement, aux spécifications incluses dans l’appel d’offre initial.<br />

Je suis intimement persuadé que Lautrette a créé ces centra<strong>le</strong>s spécia<strong>le</strong>ment pour répondre à cet<br />

appel d’offre….ou peut être est ce <strong>le</strong> contraire.


Le ministre nous quitte sur ces encourageantes paro<strong>le</strong>s : « C’est parfait, soyez prêts a agir dès<br />

que je vous contacterai ; ce sera fait au travers de votre ambassade a Bagdad ; cela dit,<br />

j’aimerais que vous vous chargiez éga<strong>le</strong>ment <strong>du</strong> transport et de la mise en place sur <strong>le</strong> terrain ;<br />

faites moi un devis ».<br />

Lautrette se tourne vers moi, pourriez vous assurer ça ?<br />

Là encore, je fonce, « pas de problème »…Une bonne dose d’inconscience !<br />

Je ne connais rien <strong>du</strong> pays, des conditions etc…<br />

Tout ce que je sais, c’est que ça va me faire sortir définitivement de l’ornière.<br />

Et de fait, je fais consciencieusement mon travail. Mon équipe et moi travaillons d’arrache pied,<br />

nous contactons <strong>le</strong>s entreprises qui vont nous fournir <strong>le</strong>s camions sur place et racheter <strong>le</strong>s<br />

rescapés après usage et ils nous aiderons à trouver <strong>le</strong>s chauffeurs sur place.<br />

Nous envoyons <strong>le</strong> devis ; ça passe.<br />

Ya plus qu’a attendre <strong>le</strong> coup de <strong>fil</strong> de l’ambassade de France a Bagdad.<br />

Et……Ce coup de <strong>fil</strong> n’arrivera jamais !<br />

Bahéli nous aurait menés en bateau ?<br />

Même pas.<br />

Comme prévu, il a contacté l’ambassade….par Fax adressé au conseil<strong>le</strong>r commercial.<br />

Monsieur <strong>le</strong> conseil<strong>le</strong>r était en voyage de noces et, davantage préoccupé par la perte de son<br />

pucelage que par <strong>le</strong>s affaires de la France (et <strong>le</strong>s nôtres par la même occasion), n’avait pas jugé<br />

bon de transmettre <strong>le</strong> dossier à qui que ce soit.<br />

Les Irakiens n’aiment pas qu’on <strong>le</strong>s traite à la légère, ils ont réalisé l’opération avec un matériel<br />

al<strong>le</strong>mand qui ne correspondait même pas à l’appel d’offre ; pire, ils se sont déplacés en<br />

Al<strong>le</strong>magne pour signer <strong>le</strong> contrat.<br />

A la réf<strong>le</strong>xion c’était peut être pas plus mal ; je veux dire pour moi.<br />

De toutes <strong>le</strong>s galères dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s je me suis embarqué, c’aurait pu être la pire.<br />

Pas certain que nous aurions pu assurer.<br />

Il m’aurait fallu lâcher mon boulot au ministère pour me concentrer sur ce contrat.<br />

J’étais pas prêt pour ça.<br />

Ma charmante compagne a l’habitude de dire : « Tout arrive pour une raison ».<br />

Je suppose que c’est vrai.<br />

Adieu veaux vaches cochons couvées.


L’histoire qui suit sera la dernière de mes pérégrinations administratives.<br />

Non pas parce qu’il n’y en a pas eu d’autre ; je pourrais en conter à l’infini, subventions non<br />

honorées parce que <strong>le</strong>s intéressés n’ont pas répon<strong>du</strong> dans <strong>le</strong>s temps ; subventions que nous<br />

devions attribuer en urgence à….n’importe qui de préférence…. à la veil<strong>le</strong> de la nouvel<strong>le</strong> année<br />

sous peine de voir notre budget de l’année suivante amputé des somme non distribuées<br />

etc…etc…<br />

Non, cel<strong>le</strong>-ci illustre à merveil<strong>le</strong> la mentalité administrative.<br />

Pour <strong>le</strong> polytechnicien de service, ce qui est écrit, non seu<strong>le</strong>ment a force de loi, ce qui reste<br />

après tout logique ; mais ce qui est écrit est réalité ; ce qui reste à démontrer.


OU IL EST ENCORE QUESTION DE BRUIT


Ça commence exactement comme la dernière fois ; Saglio fait irruption dans mon bureau<br />

tonitruant, on a encore des problèmes de bruit, cette fois ci c’est <strong>le</strong>s motos.<br />

Pondez moi un visant à ré<strong>du</strong>ire <strong>le</strong> niveau admissib<strong>le</strong> de deux décibels.<br />

Là ça craint.<br />

Aujourd’hui, ça ne poserait aucun problème ; nous ne fabriquons plus de motos.<br />

À cette époque c’était un peu différent ; Peugeot et Motobécane étaient encore pro<strong>du</strong>ctifs.<br />

Je fouine un peu et remonte à la source de l’information.<br />

Tous <strong>le</strong>s ans il y a un concours de cars à Nice, entre autre tests, ces cars doivent répondre à<br />

certains critères de si<strong>le</strong>nce.<br />

L’appareil de mesure : <strong>le</strong> sonomètre.<br />

Un brave officier de police à qui venait d’être attribué une sp<strong>le</strong>ndide Ducati toute neuve, passait<br />

par là.<br />

Il interpel<strong>le</strong> <strong>le</strong> technicien sonomètre qui procède à un des essais préliminaires et lui demande<br />

courtoisement (Eh oui, on est à Nice) s’il lui serait possib<strong>le</strong> de tester-bruit sa motocyc<strong>le</strong>tte qui,<br />

bien que neuve lui semb<strong>le</strong> par trop sonore.<br />

Résultat consternant.<br />

Un rapport est consciencieusement diligenté qui, atterrissant sur <strong>le</strong> bureau <strong>du</strong> sieur Saglio,<br />

provoque l’irruption que j’ai rapportée plus haut.<br />

Je connais nos faib<strong>le</strong>sses en matière de bruit de motos.<br />

J’en réfère à Kasandjian qui prudemment me demande de « voir où ça nous mène »<br />

Où ça nous mène ?<br />

C’est simp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s motos Françaises disparaissent de la circulation, <strong>le</strong>s japonaises tiennent <strong>le</strong> haut<br />

<strong>du</strong> pavé, <strong>le</strong>s al<strong>le</strong>mandes suivent de près, et viennent enfin <strong>le</strong>s Italiennes.<br />

Tiens, c’est curieux.<br />

Ducati est pourtant Italien et, d’après la littérature que j’ai en main, se trouve loin d’être en<br />

danger.<br />

Et c’est pourtant par Ducati que <strong>le</strong> scanda<strong>le</strong> arrive.<br />

Soit: de la différence qu’il peut y avoir entre théorie et pratique, ou, si vous aimez mieux, entre<br />

rêve et réalité ; ou encore rigueur germanique et « démerde à l’Italienne »


Je provoque une réunion au sommet et je soumets mes conclusions, à savoir :<br />

Les constructeurs italiens trichent.<br />

Y sont gonflés quand même, y z’auraient pu fournir à la police des motos traitées anti bruit et on<br />

aurait évité tout ce cirque.<br />

Toutes <strong>le</strong>s motos sur <strong>le</strong> marché, Italiennes compris avaient pourtant passé avec succès <strong>le</strong>s<br />

épreuves anti-bruit.<br />

Saglio suggère de <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ur faire repasser.<br />

J’objecte: « ça ne donnera rien, ils savent faire sinon <strong>le</strong>s motos n’auraient pas satisfait à<br />

l’homologation ;c’est juste qu’ils veu<strong>le</strong>nt pas mettre <strong>le</strong> prix ; la seu<strong>le</strong> chose qui puisse être<br />

efficace est un prélèvement sauvage sur <strong>le</strong> terrain qui pourrait démontrer que certaines des<br />

motos ven<strong>du</strong>es ne sont pas conformes aux motos présentées à l’homologation. »<br />

Nous n’avons pas <strong>le</strong> droit de faire ça, ce serait ressenti comme de la provocation.<br />

Ya une autre solution :<br />

« Je ne fais pas officiel<strong>le</strong>ment partie de l’administration, <strong>le</strong> ministère octroie à ma société une<br />

subvention de fonctionnement sous un prétexte qu’il reste à trouver, j’achète des motos et je<br />

porte plainte pour non-conformité, à titre privé, ce qui motive une enquête officiel<strong>le</strong> et on repart<br />

de là ».<br />

Solution adoptée.<br />

Je vais parcourir la France, et plus particulièrement <strong>le</strong> midi de la France : Nice, Marseil<strong>le</strong>, Nîmes,<br />

etc… et acheter une bonne quinzaine de motos ayant récemment passé avec succès <strong>le</strong>s tests<br />

bruits.<br />

Une bonne ballade en perspective ; j’aime ça.<br />

Mais c’est pourtant just’à coté que l’histoire la plus rocambo<strong>le</strong>sque va se situer.<br />

L’UTAC à qui échoit une part <strong>du</strong> gâteau (financier, j’entends) me fournit un compagnon de<br />

voyage supposé parfaitement connaitre <strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus susceptib<strong>le</strong>s de devoir être<br />

contrôlés.<br />

Je passe donc prendre ce technicien à Montlhéry.<br />

J’admire au passage une sp<strong>le</strong>ndide Ducati 3 cylindres que l’on prépare pour l’homologation<br />

<strong>du</strong> <strong>le</strong>ndemain.


Nous ressortons de l’autodrome et, pour éviter un monstrueux encombrement nous décidons<br />

de passer par <strong>le</strong> village.<br />

Oh surprise, nous passons devant l’échoppe d’un vendeur de motos qui arbore fièrement ce<br />

modè<strong>le</strong> de Ducati qui ne devrait pas être en vente puisque non encore homologué.<br />

Ne nous emballons pas, allons aux renseignements ; c’est peut être seu<strong>le</strong>ment un modè<strong>le</strong><br />

d’exposition.<br />

Mais non, el<strong>le</strong> est à vendre, et…bien sur, je l’achète. Vous vous doutez bien que cette moto,<br />

que nous convoyons immédiatement à l’UTAC est loin de satisfaire aux exigences anti-bruit<br />

alors que sa consœur <strong>le</strong>s passera avec brio <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain.<br />

Bien sur ce ne sera pas la seu<strong>le</strong> <strong>du</strong>rant notre périp<strong>le</strong>, mais c’est la seu<strong>le</strong> pour laquel<strong>le</strong> je devais<br />

recevoir quelques semaines plus tard, par courrier, la plaque d’homologation avec toutes <strong>le</strong>s<br />

instructions nécessaires pour la positionner au bon endroit.<br />

Y sont définitivement gonflés.<br />

Comme prévu, la cueil<strong>le</strong>tte est fructueuse.<br />

Les japonaises et <strong>le</strong>s al<strong>le</strong>mandes tiennent <strong>le</strong>urs promesses, <strong>le</strong>s françaises aussi, pas de triche.<br />

Les seu<strong>le</strong>s à nous causer de l’embarras sont définitivement <strong>le</strong>s italiennes…toutes <strong>le</strong>s italiennes.<br />

Marseil<strong>le</strong> nous fournit la majeure partie de notre moisson, mais nous n’irons pas plus loin.<br />

Téléphone arabe … sans vilain jeu de mots.<br />

Les nouvel<strong>le</strong>s vont vite, <strong>le</strong>s bonnes comme <strong>le</strong>s mauvaises, et plus particulièrement, lorsque <strong>le</strong>s<br />

bonnes se transforment subitement en mauvaises.<br />

Comment ça ?<br />

Simp<strong>le</strong> :<br />

Dans notre un peu infanti<strong>le</strong> désir de faire vite, il nous est arrivé d’acheter plusieurs motos dans <strong>le</strong><br />

même magasin ; généra<strong>le</strong>ment petit magasin pour éviter trop de questions ou de suspicion.<br />

Pour eux, c’est noël au printemps.<br />

Jusqu’au moment où un petit malin, avocat <strong>du</strong> syndicat, renif<strong>le</strong>ra <strong>le</strong> piège et interdira a ses<br />

adhérents de nous vendre quoi que ce soit.<br />

Peine per<strong>du</strong>e, <strong>le</strong> mal est fait, nous en avons fini avec Marseil<strong>le</strong>.


Arrivé à la gare où nous embarquons <strong>le</strong>s motos pour <strong>le</strong>s expédier à l’UTAC, je ressens comme<br />

un malaise…Ne me demandez pas pourquoi…une concentration policière inatten<strong>du</strong>e, des<br />

uniformes policiers un peu bizarres ?<br />

Quelque chose comme ça.<br />

Je dis à mon coéquipier : « On fi<strong>le</strong> ! »<br />

« Pourquoi ? On a pas fini ! »<br />

Faux…On a FINI !!!<br />

On fi<strong>le</strong> vers Aix où nous ne trouverons rien à acheter, ils connaissent même <strong>le</strong> numéro de ma<br />

plaque d’immatriculation ; ça, je l’ai su plus tard.<br />

Beaucoup plus tard ; de même que je connaitrai <strong>le</strong>s raisons de cette inhabituel<strong>le</strong> concentration de<br />

gabelous à la gare Saint Char<strong>le</strong>s.<br />

Eh oui, c’était pas des policiers, c’était des douaniers escortant la brigade des stupéfiants<br />

américaine…..quelqu’un avait fait très fort ; mais ceci est une autre histoire.<br />

Somme toute, mission accomplie, il ne faut pas sévériser <strong>le</strong>s normes, seu<strong>le</strong>ment s’assurer<br />

qu’el<strong>le</strong>s sont respectées.<br />

Il ne nous reste plus qu’à envoyer <strong>le</strong> dossier comp<strong>le</strong>t au tribunal et saisir officiel<strong>le</strong>ment<br />

l’administration qui pourra ainsi diligenter une enquête etc….etc… Sauf que….<br />

Le dossier original va se perdre entre <strong>le</strong> ministère et <strong>le</strong> palais de justice.<br />

` Ben voyons !<br />

Oh ! On n’a pas tout a fait per<strong>du</strong> la face, L’importateur Ducati a fermé ses portes et cédé la place<br />

à une authentique succursa<strong>le</strong> et <strong>le</strong>urs motos ont cessé de pétarader dans <strong>le</strong>s rues.<br />

On a fait semblant de chercher à coincer un Importateur Français qui persistait à arroser <strong>le</strong><br />

marché de motos bruyantes ; mais, curieusement, chaque fois que je me pointais, il était absent.<br />

D’autant plus étrange que seul trois personnes étaient au courant de mes tentatives.<br />

Le ministre<br />

Le conseil<strong>le</strong>r <strong>du</strong> ministre<br />

Et votre serviteur.<br />

Et puis, un jour que je présentais au service des mines plusieurs des remorques que j’avais tout<br />

de même fini par fabriquer malgré <strong>le</strong>ur évidente inutilité ; l’ingénieur des mines chargé de <strong>le</strong>ur


homologation remets à Jean Paul <strong>le</strong> précieux burin à tête de cheval qui devait servir à graver<br />

pour l’éternité l’attestation de conformité de mes attelages ; regarde ce dernier dans <strong>le</strong>s yeux et<br />

grasseye : « Je n’ai pas besoin de vous dire ou il faut mettre <strong>le</strong>s marques, n’est ce pas »<br />

« Mais », balbutie Jean Paul, « on n’a même pas fait <strong>le</strong>s essais ».<br />

J’avais une fol<strong>le</strong> envie de dire à ce peut être pas si digne que ça fonctionnaire, où il pouvait se <strong>le</strong><br />

mettre son burin, d’autant que cette fois ci je savais parfaitement que mes remorques étaient<br />

parfaitement conformes ; mais j’avais envie d’en savoir plus.<br />

« Que puis-je faire pour vous ? » patenôtrais-je<br />

« Monsieur Chavant, j’ai enten<strong>du</strong> dire que vous cherchiez après notre ami René, vous savez, il<br />

est si malade, ce serait sympa si vous pouviez lui laisser un peu de répit. »<br />

Comme c’était gentiment dit.<br />

« Moi j’y vois pas d’inconvénient, mais ç’est plus d’mon ressort, il faut voir ça avec <strong>le</strong> ministre,<br />

ça d’vrai pas poser d’prob<strong>le</strong>’m, j’ crois qu’ vous <strong>le</strong> connaissez bien»<br />

Et c’est exactement ce qui s’est passé.<br />

Mes remorques ont été homologuées sans faire un tour de roue et <strong>le</strong> ministre m’a gentiment, par<br />

l’intermédiaire de son conseil<strong>le</strong>r, enjoint de foutre la paix à son ami René.<br />

La vie n’est el<strong>le</strong> pas merveil<strong>le</strong>use !

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