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centre pénitentiaire de faa'a nuutania

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observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

section Française<br />

<strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong> :<br />

Conditions <strong>de</strong> détention indignes dans<br />

la prison la plus surpeuplée <strong>de</strong> france<br />

Dossier <strong>de</strong> presse<br />

observatoire international <strong>de</strong>s prisons - section française 7bis rue Riquet - 75019 Paris<br />

téléphone 01 44 52 87 90 - télécopie 01 44 52 88 09 - contact@oip.org - http://www.oip.org


contacts presse oip<br />

François Bès, responsable du Pôle enquêtes, coordinateur Outremer :<br />

francois.bes@oip.org / 06.64.94.47.05<br />

Nicolas Ferran, responsable du Pôle contentieux :<br />

nicolas.ferran@oip.org / 01.44.52.88.02


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Sommaire<br />

Introduction<br />

3<br />

1.<br />

Une surpopulation dramatique<br />

5<br />

2.<br />

Des infrastructures délabrées<br />

et insalubres<br />

8<br />

3.<br />

Des sanitaires sans intimité<br />

14<br />

4.<br />

5.<br />

6.<br />

Santé : une prise en charge<br />

défaillante<br />

Une promiscuité facteur<br />

<strong>de</strong> violences<br />

Un temps carcéral vi<strong>de</strong><br />

16<br />

18<br />

20<br />

7.<br />

La réinsertion : un parcours<br />

du combattant<br />

22<br />

8.<br />

Les condamnations en justice<br />

25<br />

2<br />

(c) OIP-SF 2016. Toutes photos (c) CGLPL, sauf mention contraire.


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

Introduction<br />

Construit en 1970 sur l’île <strong>de</strong> Tahiti, en Polynésie française, le <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> est situé dans un fond <strong>de</strong><br />

vallée, au lieu-dit Nuutania, à 1,6 km <strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> Faa’a. D’une capacité d’accueil <strong>de</strong> 165 places, il se<br />

compose <strong>de</strong> trois structures :<br />

- un établissement pour hommes, d’une capacité <strong>de</strong> 119 places réparties<br />

entre un quartier « maison d’arrêt » (MA), un secteur mineurs et un quartier « <strong>centre</strong> <strong>de</strong> détention » (CD) ;<br />

- un établissement pour femmes d’une capacité <strong>de</strong> quatorze places ;<br />

- un <strong>centre</strong> pour peines aménagées d’une capacité <strong>de</strong> 32 places.<br />

L’inhumanité <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> détention <strong>de</strong> la prison polynésienne est connue <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années pour<br />

avoir été régulièrement dénoncée par la section française <strong>de</strong> l’Observatoire international <strong>de</strong>s prisons (OIP),<br />

les médias locaux et nationaux ainsi que par divers rapports officiels.<br />

Evoquant « la situation urgente et intolérable du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a-Nuutania », un rapport<br />

d’information parlementaire expliquait en 2008 que « les conditions <strong>de</strong> détention observées sur place sont<br />

indignes <strong>de</strong> notre pays et méconnaissent les droits fondamentaux. Les détenus vivent pour la plupart à<br />

quatre dans dix mètres carrés et n’ont accès qu’à très peu d’activités en raison du manque d’équipements et <strong>de</strong><br />

place. La très forte surpopulation entretient <strong>de</strong>s risques permanents <strong>de</strong> tensions, qui font <strong>de</strong> cet établissement<br />

une poudrière » 1 .<br />

A la suite d’une visite <strong>de</strong> l’établissement en 2012, le Contrôleur général <strong>de</strong>s lieux privatifs <strong>de</strong> liberté (CGLPL)<br />

dénonçait à son tour dans un rapport paru en 2015 « <strong>de</strong>s conditions d’hébergement inacceptables » 2 et<br />

une « suroccupation intolérable ». Il indiquait notamment que « dans certaines cellules, la surpopulation<br />

exceptionnelle réduit l’espace disponible à 2,59 m² par personne – sans déduire la surface du mobilier – soit<br />

un confinement insupportable, assimilé par la CEDH à un traitement inhumain et dégradant ». Il notait<br />

également que « le <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> vieillit d’autant plus mal qu’il n’est pas conçu pour accueillir une<br />

population carcérale aussi nombreuse ».<br />

Au mois <strong>de</strong> juillet 2015, après une visite <strong>de</strong> l’établissement, le prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong>s lois <strong>de</strong><br />

l’assemblée nationale d’alors, Jean-Jacques Urvoas, s’alarmait encore <strong>de</strong> la situation du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong>,<br />

pointant <strong>de</strong>s « locaux extrêmement dégradés » 3 et une sur-occupation « sans égale » qui le place en tête <strong>de</strong>s<br />

prisons françaises les plus surpeuplées.<br />

Comme le relèvent tous les observateurs, cette surpopulation alliée à la vétusté et à l’inadaptation <strong>de</strong>s locaux,<br />

ainsi qu’à leur localisation dans une vallée humi<strong>de</strong>, génèrent <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> détention absolument<br />

effroyables. Ces <strong>de</strong>rnières ont d’ailleurs ont été jugées contraires à l’article 3 <strong>de</strong> la CEDH, qui interdit les<br />

traitements inhumains ou dégradants, par les juridictions administratives dans le cadre <strong>de</strong> procédures<br />

in<strong>de</strong>mnitaires qui se sont multipliées ces <strong>de</strong>rnières années.<br />

1<br />

COINTAT C., FRIMAT B. (2008), Rapport d’information, Commission <strong>de</strong>s lois n° 130, p. 68.<br />

2<br />

CGLPL (2015), Visite du Centre <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania à Faa’a (Polynésie Française) du 3 au 7 décembre 2012, p. 110.<br />

3<br />

Commission <strong>de</strong>s lois (2015), Rapport d’information sur la Polynésie Française, p. 41.<br />

3


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Alors que l’administration <strong>pénitentiaire</strong> refusait <strong>de</strong> communiquer à l’OIP les rapports d’activités récents<br />

du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania, l’OIP a multiplié ces <strong>de</strong>rnières années l’envoi <strong>de</strong> questionnaires aux<br />

personnes détenues afin <strong>de</strong> disposer d’informations actualisées sur la situation <strong>de</strong> cet établissement.<br />

Il ressort <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s réponses apportées à ces questionnaires que l’immense majorité <strong>de</strong>s constats<br />

effectués ces <strong>de</strong>rnières années par les organes <strong>de</strong> contrôles, missions parlementaires ou groupes <strong>de</strong> travail<br />

précé<strong>de</strong>mment cités <strong>de</strong>meurent d’actualité.<br />

Ainsi, il apparait que les personnes détenues au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania vivent toujours<br />

entassées à 3 ou 4 dans <strong>de</strong>s cellules <strong>de</strong> 9 m² qui ne disposent pas d’eau potable ni d’eau chau<strong>de</strong>, dont les<br />

sanitaires ne sont pas entièrement cloisonnés et dont les murs sont sales et couverts <strong>de</strong> moisissures.<br />

En raison <strong>de</strong> la surpopulation, la séparation entre détenus fumeurs et non-fumeurs, entre prévenus et<br />

condamnés voire même entre mineurs et majeurs n’est pas toujours garantie.<br />

Il règne souvent dans les locaux, qu’il s’agisse <strong>de</strong>s cellules ou <strong>de</strong>s parties communes, une o<strong>de</strong>ur<br />

nauséabon<strong>de</strong> en raison notamment du sous-dimensionnement <strong>de</strong> la station d’épuration et la prison est<br />

également confrontée à la prolifération <strong>de</strong>s animaux nuisibles (rats, souris, insectes). L’accès aux soins est<br />

particulièrement défaillant, compte tenu <strong>de</strong> l’inadaptation <strong>de</strong>s locaux <strong>de</strong> l’unité sanitaire et du manque <strong>de</strong><br />

mé<strong>de</strong>cins. Enfin l’offre d’activités est faible et inadaptée, soumettant les détenus à l’oisiveté forcée, alors que<br />

l’effectif <strong>de</strong>s conseillers d’insertion et <strong>de</strong> probation, chargés d’accompagner ces <strong>de</strong>rniers dans la préparation<br />

<strong>de</strong> leur sortie et <strong>de</strong> leur réinsertion, <strong>de</strong>meure très insuffisant.<br />

Pour remédier à la situation dramatique <strong>de</strong> la prison polynésienne, les pouvoirs publics avancent la<br />

construction en cours d’un nouveau <strong>centre</strong> <strong>de</strong> détention, dont les portes n’ouvriront cependant pas avant la<br />

fin <strong>de</strong> l’année 2017 et qui ne permettra <strong>de</strong> toute façon pas d’enrayer le fléau <strong>de</strong> la surpopulation <strong>de</strong> la maison<br />

d’arrêt <strong>de</strong> Nuutania. Ils invoquent également une restructuration du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania sans<br />

qu’aucun budget ne soit cependant été affecté officiellement à cette opération. Surtout, aucune mesure<br />

d’envergure ou moyens supplémentaires n’ont été annoncé pour développer les aménagements <strong>de</strong> peines<br />

et alternatives à la détention.<br />

4


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

Partie 1 /<br />

une surpopulation dramatique<br />

Le <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania dispose d’une capacité d’accueil <strong>de</strong> 165 places : 54 au quartier maison<br />

d’arrêt et 111 au quartier <strong>centre</strong> <strong>de</strong> détention. Pourtant, au 1er avril 2016, 411 personnes y étaient détenues : 159<br />

au quartier maison d’arrêt et 252 au quartier <strong>centre</strong> <strong>de</strong> détention. Le taux d’occupation était donc <strong>de</strong> 294,4% dans<br />

le premier quartier et <strong>de</strong> 227% dans le second. Avec un taux d’occupation global <strong>de</strong> 249,1% au 1er avril 2016,<br />

l’établissement <strong>pénitentiaire</strong> est le plus surpeuplé <strong>de</strong> France 4 .<br />

Or, la surpopulation qui affecte Nuutania à Faa’a est un véritable fléau structurel. En effet, les statistiques réalisées<br />

par l’administration <strong>pénitentiaire</strong> démontrent que le taux d’occupation du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> avoisine les 250%<br />

<strong>de</strong>puis plusieurs années. Si une légère baisse apparaissait au premier trimestre <strong>de</strong> l’année 2016, elle est d’ores et déjà<br />

contredite par la hausse du taux d’occupation au mois d’avril. Le graphique ci-après est une illustration saisissante <strong>de</strong><br />

la pérennité <strong>de</strong> la surpopulation au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania.<br />

Taux <strong>de</strong><br />

surpopulation<br />

(en %)<br />

Limite <strong>de</strong> surpopulation (100% <strong>de</strong> taux d’occupation)<br />

Evolution <strong>de</strong>s chiffres <strong>de</strong> la surpopulation dans l’établissement au quartier maison d’arrêt (QMA) et au<br />

quartier <strong>centre</strong> <strong>de</strong> détention (QCD).<br />

Plus encore, ces chiffres inquiétants doivent être envisagés comme <strong>de</strong> simples minimas. En effet, dans son rapport<br />

<strong>de</strong> visite, le CGLPL estimait que le nombre <strong>de</strong> places théoriques au sein <strong>de</strong> l’établissement était inférieur à celui<br />

communiqué par l’administration <strong>pénitentiaire</strong>. A titre d’exemple, le taux d’occupation du quartier maison d’arrêt<br />

était en réalité <strong>de</strong> 353,3%, et non 294,4%, au 1er avril 2016.<br />

Cette surpopulation endémique conduit l’administration <strong>pénitentiaire</strong> à méconnaitre toutes les dispositions<br />

légales et réglementaires relatives à l’encellulement <strong>de</strong>s personnes détenues.<br />

4<br />

Ministère <strong>de</strong> la justice, Direction <strong>de</strong> l’administration <strong>pénitentiaire</strong>, Bureau <strong>de</strong>s statistiques et <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, Statistique mensuelle <strong>de</strong>s personnes écrouées et détenues<br />

en France, Situation au 1er avril 2016, 2016, p. 29.<br />

5


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

s Problématiques d’encellulement<br />

Ainsi, les personnes incarcérées déplorent que le chef <strong>de</strong> détention ne puisse pas toujours séparer les primodélinquants<br />

<strong>de</strong>s récidivistes ou les prévenus <strong>de</strong>s condamnés.<br />

De même, le <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> ne comporte pas <strong>de</strong> quartier dédié aux mineurs mais leur réserve un nombre<br />

variable <strong>de</strong> cellules – <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à six cellules individuelles – au sein du quartier maison d’arrêt <strong>de</strong>s hommes 5 . Parfois<br />

même, personnes majeures et mineures sont regroupées au sein <strong>de</strong> la même cellule. Ce dysfonctionnement a<br />

d’ailleurs été récemment médiatisé lorsqu’il est apparu qu’un détenu mineur, partageant sa cellule avec <strong>de</strong>s adultes<br />

durant plusieurs mois <strong>de</strong> l’année 2012, avait participé au viol d’un <strong>de</strong> ses codétenus 6 . En 2014, le groupe <strong>de</strong> travail sur<br />

les problématiques <strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer estimait donc que <strong>de</strong>vait être « rapi<strong>de</strong>ment envisagée la création <strong>de</strong><br />

quartiers mineurs et femmes conformes à la réglementation ». Il s’appuyait notamment sur un rapport <strong>de</strong> la Direction<br />

<strong>de</strong>s affaires criminelles et <strong>de</strong>s grâces assurant que « la situation <strong>de</strong> surencombrement chronique <strong>de</strong> l’établissement<br />

<strong>pénitentiaire</strong> et l’absence <strong>de</strong> quartier spécialement conçu pour l’incarcération <strong>de</strong>s mineurs pose[nt] problème » .<br />

Le CGLPL a aussi constaté que le surencombrement rendait impossible la séparation <strong>de</strong>s détenus fumeurs et <strong>de</strong>s<br />

détenus non-fumeurs 7 . Par conséquent, certains détenus ne consommant pas <strong>de</strong> tabac doivent subir, jusqu’à 20<br />

heures par jour, l’ambiance tabagique <strong>de</strong> leur cellule <strong>de</strong> 10 m² mal ventilée. Pourtant, la Cour européenne <strong>de</strong>s droits<br />

<strong>de</strong> l’homme a déjà sanctionné plusieurs Etats en raison du tabagisme passif imposé à <strong>de</strong>s personnes détenues 8 .<br />

En France, le juge administratif a, lui aussi, reconnu que l’Etat avait commis une faute en affectant une personne qui<br />

ne fumait pas dans une cellule occupée par <strong>de</strong>s fumeurs et l’a donc condamné à in<strong>de</strong>mniser cette <strong>de</strong>rnière pour le<br />

préjudice qu’elle avait subi 9 .<br />

s Un manque d’espace vital suffocant<br />

La Cour européenne <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme estime, <strong>de</strong>puis 2012 10 , que la surpopulation d’un établissement<br />

<strong>pénitentiaire</strong> constitue, en elle-même, une violation <strong>de</strong> l’article 3 <strong>de</strong> la Convention européenne <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong><br />

l’homme lorsqu’elle implique que les personnes détenues disposent d’un espace <strong>de</strong> vie personnel trop restreint.<br />

Dans plusieurs décisions, elle a jugé qu’il en était notamment ainsi lorsque cet espace était inférieur à 3 m².<br />

Le 15 décembre 2015, le Comité européen pour la prévention <strong>de</strong> la torture et <strong>de</strong>s traitements inhumains et<br />

dégradants (CPT) a aussi posé <strong>de</strong>s normes relatives à l’espace vital par détenu dans les établissements <strong>pénitentiaire</strong>s.<br />

Selon celles-ci, une personne détenue doit bénéficier – en plus <strong>de</strong> l’annexe sanitaire – d’un espace vital minimal <strong>de</strong> 6<br />

m² en cellule individuelle et 4 m² en cellule collective 11 .<br />

Or, au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania, ces minimas sont loin d’être respectés. En 2015, le rapport <strong>de</strong> la<br />

Commission <strong>de</strong>s lois présenté par Jean-Jacques Urvoas 12 relayait d’ailleurs la dénonciation du CGLPL selon laquelle :<br />

« l’espace moyen disponible par personne détenue varie <strong>de</strong> 2,69 m² pour les cellules <strong>de</strong> 10,48 m² hébergeant<br />

quatre personnes, à 2,59 m² pour les cellules individuelles <strong>de</strong> 5,18 m² occupées par <strong>de</strong>ux personnes. Cette moyenne<br />

arithmétique est encore supérieure à la réalité dans la mesure où elle ne prend pas en compte la surface occupée par les lits,<br />

la douche, les toilettes et le rare mobilier ». Le contrôleur en concluait que « dans certaines cellules, la surpopulation<br />

exceptionnelle réduit l’espace disponible à 2,59 m² par personne – sans déduire la surface du mobilier – soit un<br />

confinement insupportable, assimilé par la CEDH à un traitement inhumain et dégradant » .<br />

5<br />

CGLPL (2015), Visite du Centre <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania à Faa’a (Polynésie Française) du 3 au 7 décembre 2012, p. 29 ; Groupe <strong>de</strong> travail « problématiques<br />

<strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer » mars 2014 (2014), Rapport sur les problématiques <strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer, p. 53 ; Commission <strong>de</strong>s lois (2015), Rapport<br />

d’information sur la Polynésie Française, p. 44.<br />

6<br />

http://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/un-<strong>de</strong>tenu-<strong>de</strong>-<strong>nuutania</strong>-veut-faire-condamner-l-etat-pour-faute-lour<strong>de</strong>-251693.html<br />

7<br />

CGLPL (2015), Visite du Centre <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania à Faa’a (Polynésie Française) du 3 au 7 décembre 2012, p. 25 et 27 à propos du bâtiment C et <strong>de</strong> la MA<br />

<strong>de</strong>s femmes.<br />

8<br />

CEDH, Ostrovar c. Moldavie, n° 35207/03, 13 septembre 2005 ; CEDH, Florea c. Roumanie, n° 37186/03, 14 septembre 2010 ; CEDH, Elefteriadis c. Roumanie, n°<br />

38427/05, 25 janvier 2011.<br />

9<br />

TA Caen, n°1500035, 24 septembre 2015.<br />

10<br />

CEDH, Ananyev et autres c. Russie, n° 42525/07 60800/08, 10 janvier 2012.<br />

11<br />

Conseil <strong>de</strong> l’Europe, CPT (2015), Espace vital par détenu dans les établissements <strong>pénitentiaire</strong>s : Normes du CPT, p. 1.<br />

12<br />

Commission <strong>de</strong>s lois (2015), Rapport d’information sur la Polynésie Française, p. 41-42.<br />

6


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

« Nous sommes trop dans une cellule, trop <strong>de</strong> tensions, <strong>de</strong> chaleurs humaines, <strong>de</strong> non<br />

respect <strong>de</strong>s détenus. La cellule n’est pas sécurisée, il n’y a pas d’interphone pour<br />

prévenir les autorités en pleine bagarre. O<strong>de</strong>urs nauséabon<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s toilettes, <strong>de</strong> la<br />

salle <strong>de</strong> bain, ronflement, pour trop petite cellule ».<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. U., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Nous vivons comme <strong>de</strong>s sardines dans cette porcherie, les uns sur les autres, ceci<br />

pour vous dire mon envie, mon désespoir, que cela s’arrête un jour pour ceux qui<br />

viendront après, que l’État prenne toutes ses dispositions pour réparer ses erreurs ».<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Tout est fait aux yeux <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>, les o<strong>de</strong>urs, les bruits qui vous empêchent<br />

<strong>de</strong> dormir, les fuites d’eau, les disputes. Quand on a tous attrapé la diarrhée, c’est<br />

très dur <strong>de</strong> se retenir et attendre la place ».<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. C., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Conscients <strong>de</strong> ce que leurs droits étaient bafoués, <strong>de</strong> nombreuses personnes détenues ont saisi le juge administratif<br />

<strong>de</strong> recours in<strong>de</strong>mnitaires. Ce <strong>de</strong>rnier prenant en compte, parmi d’autres facteurs, l’espace disponible par individu a<br />

très largement fait droit à leurs <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s. Il a alors retenu la responsabilité <strong>de</strong> l’Etat français pour la faute résultant<br />

<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> détention imposées aux personnes détenues qui « n’ont pas permis d’assurer le respect <strong>de</strong> la dignité<br />

inhérente à la personne humaine conformément aux stipulations <strong>de</strong> l’article 3 <strong>de</strong> la convention européenne <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong>s libertés fondamentales » 13 .<br />

Schéma d’une celulle réalisé par une personne détenue<br />

13<br />

Voir entre autres : TA Polynésie Française, ord., 11 juin 2013, n°1300168 ; TA Polynésie Française, ord., 10 septembre 2013, n°1300415 ; TA Polynésie Française,<br />

ord., 4 septembre 2013, n°1300258 ; TA Polynésie Française, ord., 17 septembre 2013, n°1300469, TA Polynésie Française, ord., 25 novembre 2013, n°s 1300552,<br />

1300553, 1300554, 1300555, 1300556, 130059.<br />

7


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Partie 2 /<br />

<strong>de</strong>s infrastructures délabrées<br />

et insalubres<br />

s Des locaux vétustes<br />

L’article D349 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procédure pénale prévoit que «l’incarcération doit être subie dans <strong>de</strong>s conditions<br />

satisfaisantes d’hygiène et <strong>de</strong> salubrité, tant en ce qui concerne l’aménagement et l’entretien <strong>de</strong>s bâtiments, le<br />

fonctionnement <strong>de</strong>s services économiques et l’organisation du travail, que l’application <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> propreté<br />

individuelle et la pratique <strong>de</strong>s exercices physiques.»<br />

Or, Les personnes détenues déplorent la vétusté <strong>de</strong> leurs cellules, et plus largement, <strong>de</strong> la prison toute entière. Ils<br />

relèvent, par exemple, que les murs sont humi<strong>de</strong>s, moisis et fissurés, que les fuites d’eau sont fréquentes et que les<br />

installations électriques sont défectueuses.<br />

« A mon arrivée, ma cellule était dans un état déplorable, même moi je n’aurais pas<br />

mis mon chien <strong>de</strong>dans. ».<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. C., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Humidité, saletés, moisissures, suie, fissures. Où nous sommes, dans le Bât. C107,<br />

nous avons <strong>de</strong> l’eau <strong>de</strong> w.c. du haut – Bat. C207 – qui coule dans notre cellule. De<br />

la pisse humaine qui coule sur nous. ».<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

En 2015, Jean-Jacques Urvoas, encore député, exprimait aussi son inquiétu<strong>de</strong> quant à la « vétusté <strong>de</strong>s installations»,<br />

relevant que « le personnel et les détenus font <strong>de</strong>s efforts particulièrement remarquables pour entretenir au mieux<br />

<strong>de</strong>s cellules et <strong>de</strong>s locaux extrêmement dégradés ». Un an auparavant, le groupe <strong>de</strong> travail sur les problématiques<br />

<strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer attestait déjà que l’établissement était « particulièrement vétuste » et « offr[ait] peu<br />

d’espace extérieurs ni <strong>de</strong> salles d’activité ». Le CGLPL observait aussi, en 2012, que « la tripale vieillit mal, les faça<strong>de</strong>s<br />

et l’enceinte sont recouvertes, par endroits, d’algues noires qui prolifèrent dans ce fond <strong>de</strong> vallée humi<strong>de</strong> et donnent<br />

à la construction un aspect dégradé. L’entretien parfois très soigneux <strong>de</strong>s cellules par leurs occupants et <strong>de</strong>s travaux<br />

d’entretien masquent en partie cette vétusté ».<br />

« De nombreuses personnes détenues se sont plaintes aux contrôleurs <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> l’eau et ont<br />

installé <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> gaze sur le robinet <strong>de</strong> leur lavabo et sur leur douche afin <strong>de</strong> filtrer les<br />

impuretés. Les contrôleurs ont effectivement pu constater la présence <strong>de</strong> résidus noirâtres retenus<br />

par ces filtres improvisés. Selon les indications recueillies, le réseau d’eau, très vétuste, est<br />

corrompu par l’oxydation. Il est par ailleurs noyé dans le béton, ce qui rend son remplacement<br />

problématique ; les travaux auraient été interrompus <strong>de</strong>puis l’annonce <strong>de</strong> la construction d’un<br />

nouveau <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> à Papeari. »<br />

Rapport du CGLPL, p.34<br />

Outre le bâti, c’est l’ameublement et le matériel même <strong>de</strong> la prison qui sont vétustes. Les prisonniers pointent plusieurs<br />

difficultés : fenêtres <strong>de</strong>s cellules qui ne fournissent ni suffisamment <strong>de</strong> lumière naturelle ni une aération suffisante,<br />

ventilateurs en panne, draps tâchés, en mauvais état voir inadaptés aux matelas…<br />

Le CGLPL le soulignait d’ailleurs dans son rapport <strong>de</strong> visite s’agissant tant du quartier maison d’arrêt <strong>de</strong>s hommes -<br />

« l’ameublement est sommaire et vétuste : une ou <strong>de</strong>ux étagères avec <strong>de</strong>s placards, une ou <strong>de</strong>ux tables, trois à quatre<br />

chaises en matière plastique » - que du quartier <strong>centre</strong> <strong>de</strong> détention <strong>de</strong>s hommes – « les lits n’ont pas été repeints et<br />

sont souvent en mauvais état ».<br />

8


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

« Des détenus se sont plaints auprès <strong>de</strong>s contrôleurs <strong>de</strong> l’ancienneté et <strong>de</strong> la faible épaisseur <strong>de</strong><br />

certains matelas en mousse inadaptés à leur corpulence. Ils ont montré <strong>de</strong>s supports <strong>de</strong> matelas<br />

cassés et l’absence fréquente <strong>de</strong> barre <strong>de</strong> retenue sur les lits du haut, ainsi que d’échelle – en<br />

particulier au bâtiment C.»<br />

Rapport du CGLPL, p.21<br />

Si <strong>de</strong>s travaux d’entretien ont été engagés, ils ne semblent pas avoir d’effets pérennes. Le CGLPL relevait que malgré<br />

les nouvelles couches <strong>de</strong> peinture qui recouvraient certains murs <strong>de</strong> la prison, la vétusté restait apparente. Là encore,<br />

ces constatations s’accor<strong>de</strong>nt avec les témoignages <strong>de</strong>s personnes détenues au sein <strong>de</strong> l’établissement <strong>pénitentiaire</strong> :<br />

« Il y a <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> réfection et réparation qui ont été entrepris dans notre<br />

cellule. Je n’ai constaté aucune nette différence après ces travaux qui ne sont pas<br />

durables. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. H., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« La fuite <strong>de</strong>s toilettes n’a pas encore été réparée, je n’ai constaté aucune<br />

différence après les travaux. Non il n’y a pas d’effet durable, comme la peinture. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. P., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« A part <strong>de</strong> nouveaux carreaux et une nouvelle peinture qui ne tient pas, la prison <strong>de</strong><br />

Nuutania reste une vraie poubelle. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. B., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Photos prises en cellule (c) CGLPL<br />

9


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

s Saleté et insalubrité dans l’établissement<br />

Les articles D350 et D351 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procédure pénale prévoient notamment que « les locaux <strong>de</strong> détention et,<br />

en particulier, ceux qui sont <strong>de</strong>stinés au logement, doivent répondre aux exigences <strong>de</strong> l’hygiène, compte tenu<br />

du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d’air, l’éclairage, le chauffage et l’aération » et que « Les<br />

installations sanitaires doivent être propres et décentes. »<br />

Or, les personnes détenues dénoncent l’omniprésence <strong>de</strong> la saleté au sein <strong>de</strong>s espaces du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> : cours<br />

<strong>de</strong> promena<strong>de</strong>, couloirs, ateliers <strong>de</strong> travail, salles <strong>de</strong> sport, bibliothèque et parloirs sont effectivement mal entretenus.<br />

Dans son rapport, le CGLPL pointait tout particulièrement la<br />

prolifération <strong>de</strong>s moisissures noires dans les douches résultant<br />

<strong>de</strong> l’humidité. Elle était constatée tant dans le quartier maison<br />

d’arrêt <strong>de</strong>s hommes, que dans le bâtiment C et le secteur mineurs.<br />

Ce problème faisait donc l’objet d’une observation particulière:<br />

« La dégradation du revêtement <strong>de</strong>s douches (…) favorise le<br />

surdéveloppement d’une moisissure qui les rend malsaines, voire<br />

préjudiciables à la santé <strong>de</strong> leurs utilisateurs ».<br />

« Malgré les efforts visibles déployés par la<br />

direction pour entretenir régulièrement les bâtiments,<br />

le <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> vieillit d’autant plus mal<br />

qu’il n’est pas conçu pour accueillir une population<br />

carcérale aussi nombreuse. L’insalubrité <strong>de</strong>s cabines<br />

<strong>de</strong> douches qui sont, pour la plupart, envahies par<br />

les moisissures, ainsi que la mauvaise qualité <strong>de</strong><br />

l’eau due à l’oxydation <strong>de</strong>s canalisations participent<br />

également à l’indignité <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie. »<br />

Rapport du CGLPL, p.111<br />

Une douche <strong>de</strong> la prison <strong>de</strong> Nuutania<br />

photo (c) CGLPL<br />

« La cour n’est équipée d’aucun siège. Elle dispose<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux toilettes, l’une à la turque, l’autre étant<br />

un simple orifice dans le sol sans dalle <strong>de</strong> céramique,<br />

aucune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux n’étant close ; lors <strong>de</strong> la visite,<br />

elles étaient dans un état <strong>de</strong> saleté repoussant. »<br />

A propos <strong>de</strong> la cour du quartier disciplinaire <strong>de</strong>s<br />

hommes, Rapport du CGLPL p. 55<br />

Résultat <strong>de</strong> l’insalubrité permanente, les insectes et les rongeurs prolifèrent au sein <strong>de</strong> l’établissement. Les prisonniers<br />

témoignent <strong>de</strong> ce que leurs cellules sont infestées <strong>de</strong> cafards, <strong>de</strong> fourmis et <strong>de</strong> cent-pieds. Les couloirs et les cours<br />

<strong>de</strong> promena<strong>de</strong> grouillent <strong>de</strong> rats et sont, par conséquent, jonchés d’urine, d’excréments et <strong>de</strong> cadavres. L’o<strong>de</strong>ur<br />

nauséabon<strong>de</strong> qui se dégage <strong>de</strong> ces restes leur est insupportable.<br />

« Oulala !!! Notre cour <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> du Bat. C doit être la plus dangereuse <strong>de</strong> toutes<br />

les prisons françaises avec <strong>de</strong>s bouts <strong>de</strong> métal qui dépassent, <strong>de</strong>s trous que les rats<br />

ont fait pour leur habitat et un caniveau à éviter quand on joue au football »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. B., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

En 2012, le CGLPL expliquait déjà dans son rapport que <strong>de</strong>s cafards étaient présents à l’intérieur <strong>de</strong>s cellules et <strong>de</strong>s<br />

rats à l’extérieur <strong>de</strong> celles-ci. Plus encore, il relatait que « <strong>de</strong>s personnes détenues [avaient] affirmé avoir trouvé <strong>de</strong>s<br />

cafards dans la nourriture » tout en attestant <strong>de</strong> leur présence dans les cuisines.<br />

10


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

« Nous avons <strong>de</strong>s rats gros comme <strong>de</strong>s castors dans les couloirs. Dans la cellule :<br />

fourmis, cafards, puces <strong>de</strong> pigeons provenant du parapet <strong>de</strong> la fenêtre. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Or, l’administration <strong>pénitentiaire</strong> ne parvient pas à assainir l’établissement. En effet, les campagnes <strong>de</strong> désinsectisation<br />

et <strong>de</strong> dératisation régulières qu’elle mène sont sans effet sur la prolifération <strong>de</strong>s insectes et <strong>de</strong>s rongeurs au sein <strong>de</strong>s<br />

espaces <strong>de</strong> vie.<br />

« Nous n’avons aucun moyen pour lutter contre ces nuisibles car c’est interdit.<br />

L’administration <strong>pénitentiaire</strong> fait <strong>de</strong>s campagnes ponctuelles tous les six mois, ce<br />

qui à mon sens est largement insuffisant. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Par ailleurs, les détenus ne peuvent ni conserver ni cuisiner les <strong>de</strong>nrées alimentaires qu’ils cantinent car réfrigérateurs<br />

et réchauds ne sont pas offerts à l’achat. Dès lors, ils stockent les produits laitiers et la vian<strong>de</strong> dans <strong>de</strong> simples<br />

armoires et fabriquent <strong>de</strong>s réchauds artisanaux à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> boites <strong>de</strong> conserve, <strong>de</strong> papier toilette et d’huile <strong>de</strong> monoï.<br />

Cette situation est d’autant plus problématique que les détenus considèrent que les repas servis par l’administration<br />

<strong>pénitentiaire</strong>, <strong>de</strong> mauvaise qualité, ne répon<strong>de</strong>nt pas à leurs besoins nutritionnels. Ils délaissent donc fréquemment<br />

une nourriture «écœurante» et «infecte» dans laquelle ils retrouvent parfois <strong>de</strong>s «cheveux» et <strong>de</strong>s «ongles cassés»,<br />

sans pour autant avoir les moyens <strong>de</strong> cantiner ou cuisiner eux-mêmes<br />

« Il n’est pas autorisé <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r un frigo en cellule. On stocke la nourriture en<br />

espérant que ça ne tourne pas mais le plus souvent c’est une bonne diarrhée. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« C’est justement ce qu’il nous faut dans les cellules, avec la chaleur et pas assez<br />

<strong>de</strong> moyens pour nous aérer nous avons besoin <strong>de</strong> boire <strong>de</strong> l’eau glacée et <strong>de</strong> manger <strong>de</strong>s<br />

produits frais. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. B., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Enfin, les produits d’entretien tant <strong>de</strong> la cellule que <strong>de</strong>s affaires personnelles ne sont pas non plus octroyés aux détenus<br />

en quantité suffisante. Beaucoup d’entre eux disent ne recevoir qu’un seau et une balayette pour les espaces et une<br />

brosse pour les vêtements. Or, les produits ménagers sont chers en détention. En outre, il semble particulièrement<br />

difficile <strong>de</strong> nettoyer la cellule dès lors que les détenus ne disposent pas <strong>de</strong> poubelle. En effet, ils jettent leurs déchets<br />

dans <strong>de</strong>s plastiques distribués par l’administration <strong>pénitentiaire</strong> qu’ils doivent parfois entreposer dans leur douche en<br />

raison du manque d’espace. L’un <strong>de</strong>s détenus témoigne, en effet, que « les douches puent car servent <strong>de</strong> stockage <strong>de</strong>s<br />

poubelles ».<br />

11


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

s Manque <strong>de</strong> lumière et d’aération<br />

Le premier alinéa <strong>de</strong> l’article D351 du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procédure pénale dispose que « dans tout local où les détenus<br />

séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment gran<strong>de</strong>s pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière<br />

naturelle. L’agencement <strong>de</strong> ces fenêtres doit permettre l’entrée d’air frais. La lumière artificielle doit être suffisante<br />

pour permettre aux détenus <strong>de</strong> lire ou <strong>de</strong> travailler sans altérer leur vue ».<br />

Or, le manque <strong>de</strong> lumière tant naturelle qu’artificielle est dénoncé par la quasi-totalité <strong>de</strong>s personnes détenues. Selon<br />

elles, les ouvertures au sein <strong>de</strong>s cellules ne laissent pas suffisamment filtrer la lumière extérieure. Elles doivent donc<br />

allumer la lumière électrique pour pouvoir se livrer à <strong>de</strong>s activités telles que la lecture ou l’écriture. Parfois, même la<br />

lumière artificielle ne suffit pas ! Alors, les prisonniers n’ont d’autre choix que d’assister impuissants à la baisse <strong>de</strong> leur<br />

vue, laquelle s’accompagne souvent <strong>de</strong> maux <strong>de</strong> tête. Cela est d’autant plus dommageable qu’aucun ophtalmologue<br />

n’intervient au sein du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania.<br />

« Depuis que je suis arrivé, j’ai dû recourir à <strong>de</strong>s verres correcteurs car ma vue<br />

a baissé. C’est aux environs <strong>de</strong> midi que je peux lire avec la lumière naturelle à<br />

condition d’avoir le beau temps. Autrement, je dois nécessairement allumer la faible<br />

ampoule dont nous disposons pour nous éclairer. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Non ! Sans allumer la lumière on ne peut pas lire. Quand je suis arrivé 10/10.<br />

Maintenant, je pense que j’ai besoin <strong>de</strong> lunettes. Au bout <strong>de</strong> 15 à 20 minutes <strong>de</strong><br />

lecture, la vision <strong>de</strong>vient floue. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Les ouvertures <strong>de</strong>s cellules ne fournissent pas une aération plus satisfaisante. En effet, si l’établissement a été construit<br />

selon un schéma favorisant la circulation <strong>de</strong> l’air, le CGLPL a constaté lors <strong>de</strong> sa visite que les températures grimpaient<br />

jusqu’à 31 °C dans les cellules <strong>de</strong> la maison d’arrêt <strong>de</strong>s hommes. Ces conditions extrêmes l’ont conduit à formuler une<br />

recommandation à minima : doter chaque cellule d’un ventilateur.<br />

La Gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Sceaux s’est contentée <strong>de</strong> répondre à cette recommandation que « le projet <strong>de</strong> restructuration et<br />

d’extension permettra d’adapter le bâtiment aux spécificités du climat polynésien (…) avec la mise en place <strong>de</strong> portes<br />

tropicalisées, une orientation <strong>de</strong>s bâtiments adaptée à la circulation <strong>de</strong>s alizés et le choix <strong>de</strong>s matériaux <strong>de</strong> construction» 14 .<br />

Cette réponse illustre le refus gouvernemental d’améliorer les conditions <strong>de</strong> détention à court terme. Elle occulte,<br />

en outre, le fait que le <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania continuera d’accueillir <strong>de</strong>s personnes détenues après<br />

l’ouverture <strong>de</strong> l’établissement <strong>de</strong> Papeari.<br />

« La fenêtre se trouve à 1,60 mètre du sol. Nuutania a été construit dans une cuvette,<br />

il n’y a aucune circulation d’air les jours chauds, même la respiration c’est difficile<br />

parce que le toit se réchauffe et la cellule <strong>de</strong>vient un sauna »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Les murs sont plus hauts que la cellule. Il n’y a aucune circulation d’air. Parfois,<br />

on a l’impression <strong>de</strong> suffoquer. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

14<br />

Christiane Taubira, Observations sur le rapport <strong>de</strong> visite du Centre <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania à Faa’a, Ministère <strong>de</strong> la Justice, p. 3.<br />

12


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

Enfin, le manque d’aération conduit nécessairement à l’accumulation <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs au sein <strong>de</strong>s cellules : humidité,<br />

excréments, fosse septique, cigarette, fumée <strong>de</strong> réchauds artisanaux, nourriture, rats morts… Celles-ci sont une<br />

source importante d’angoisse pour les détenus qui les qualifient souvent d’« insupportables ». Déjà en 2012, le CGLPL<br />

remarquait tout particulièrement que la station <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s eaux usées délivrait une o<strong>de</strong>ur nauséabon<strong>de</strong> sur le<br />

site <strong>de</strong> la prison.<br />

« C’est quand même frustrant pour moi, là encore, je vous écris, ça sent la mer<strong>de</strong><br />

d’excréments humains, je ne sais plus quoi faire, à qui ou vers où je dois me tourner,<br />

à l’ai<strong>de</strong> ! S’il vous plaît. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Je tiens à ce que vous sachiez que ce n’est pas seulement que nous vivons dans un<br />

trou à rat, mais lorsque la station d’épuration tombe en panne, lorsque les rats sont<br />

morts après distribution <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> dératisation, ou bien les oiseaux morts, le<br />

caniveau d’évacuation qui se trouve à côté <strong>de</strong> notre cellule, nous sommes obligés <strong>de</strong><br />

supporter ces mauvaises o<strong>de</strong>urs à longueur <strong>de</strong> journée et <strong>de</strong> la nuit et cela pendant<br />

plusieurs jours. Ce sont <strong>de</strong>s conditions nauséabon<strong>de</strong>s, nuisibles que nous sommes en<br />

train <strong>de</strong> supporter. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. E., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Aucune séparation, aucune aération spécifique [pour les toilettes], on filtre les<br />

o<strong>de</strong>urs avec les poumons. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Une cellule du quartier femmes occupée par <strong>de</strong>ux détenues<br />

13


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Partie 3 /<br />

<strong>de</strong>s sanitaires sans intimité<br />

Le 15 décembre 2015, le Comité européen pour la prévention <strong>de</strong> la torture et <strong>de</strong>s traitements inhumains et<br />

dégradants (CPT) a posé <strong>de</strong>s normes relatives à l’espace vital par détenu dans les établissements <strong>pénitentiaire</strong>s.<br />

Selon celles-ci, une personne détenue dans une cellule collective doit bénéficier d’une annexe sanitaire<br />

entièrement cloisonnée.<br />

Le même jour, la Cour européenne <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme a jugé que l’article 8 <strong>de</strong> la Convention européenne <strong>de</strong>s<br />

droits <strong>de</strong> l’homme mettait à la charge <strong>de</strong>s Etats l’obligation « <strong>de</strong> fournir un accès à <strong>de</strong>s installations sanitaires qui<br />

soient séparées du reste <strong>de</strong> la cellule d’une façon qui assure un minimum d’intimité pour les détenus ».<br />

Ces normes ne sont absolument pas respectées au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania. Si les cellules sont<br />

généralement occupées par <strong>de</strong>ux ou quatre individus, elles ne comprennent pourtant aucune annexe sanitaire<br />

séparée du reste <strong>de</strong> l’espace <strong>de</strong> vie. Les personnes détenues - totalement privées d’intimité - sont donc contraintes<br />

d’utiliser les toilettes au vu et au su <strong>de</strong>s autres codétenus, eux-mêmes alors victimes <strong>de</strong>s bruits et <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs<br />

nauséabon<strong>de</strong>s 15 .<br />

« Lorsque quelqu’un va aux toilettes, tout le mon<strong>de</strong> dans la cellule profite <strong>de</strong> ses<br />

o<strong>de</strong>urs et <strong>de</strong> ses bruits. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« C’est horrible, surtout quand c’est la fermeture, on subit alors les o<strong>de</strong>urs<br />

nauséabon<strong>de</strong>s. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. I., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

«Le plus gênant c’est lorsque cela arrive au moment <strong>de</strong> manger, cela retar<strong>de</strong> le repas,<br />

on attend qu’il ait terminé pour manger. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Pour tenter d’échapper tant bien que mal à cette situation indigne, les détenus usent <strong>de</strong> leurs paréos comme <strong>de</strong><br />

cloisons <strong>de</strong> séparation. Le CGLPL le déplorait d’ailleurs dans son rapport <strong>de</strong> visite : « Les cellules comportent toutes <strong>de</strong>s<br />

toilettes et <strong>de</strong>s douches non isolées du reste <strong>de</strong> la cellule hormis par les paréos <strong>de</strong> couleur suspendus tant bien que mal par<br />

les personnes détenues aux tringles en fer fixées aux plafonds ».<br />

Outre l’intimité, c’est tout simplement une règle élémentaire d’hygiène qui est bafouée par l’absence <strong>de</strong> cloisonnement.<br />

En effet, les sanitaires se situent généralement à moins d’un mètre cinquante du lieu <strong>de</strong> préparation et <strong>de</strong><br />

consommation <strong>de</strong>s aliments, si bien que certains détenus vont jusqu’à utiliser les toilettes comme « <strong>de</strong>uxième<br />

chaise pour s’asseoir à l’heure <strong>de</strong>s repas ».<br />

Enfin, l’insalubrité <strong>de</strong>s installations sanitaires est particulièrement signalée par les détenus qui confortent en cela le<br />

constat opéré par le CGLPL : la plomberie est défectueuse, la station <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s eaux usées est trop vieille, les<br />

douches sont couvertes <strong>de</strong> moisissures et l’eau est sale.<br />

« la station <strong>de</strong> traitement <strong>de</strong>s eaux usées n’est plus adaptée. Un premier bac <strong>de</strong> décantation était<br />

en réfection au moment <strong>de</strong> la visite <strong>de</strong>s contrôleurs et une forte o<strong>de</strong>ur régnait à l’entrée <strong>de</strong> la<br />

prison. Ici encore, les travaux <strong>de</strong> rénovation <strong>de</strong> cette station sont arrêtés lors <strong>de</strong> la présence<br />

<strong>de</strong>s contrôleurs. »<br />

Rapport du CGLPL, p.34<br />

15<br />

Conseil <strong>de</strong> l’Europe, CPT (2015), Espace vital par détenu dans les établissements <strong>pénitentiaire</strong>s : Normes du CPT, p. 1.<br />

14


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

En réponse au rapport <strong>de</strong> visite du CGLPL, la Gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Sceaux soutenait que les douches avaient été carrelées et<br />

que « <strong>de</strong>s travaux d’envergure [avaient] été réalisés pour lutter, non seulement contre les fuites, mais également pour<br />

améliorer la qualité <strong>de</strong> l’eau ». Toutefois, les questionnaires reçus par l’OIP démontrent que les problèmes dénoncés<br />

persistent.<br />

« L’eau du robinet n’est pas potable mais on est obligé <strong>de</strong> boire pour vivre et, en<br />

plus <strong>de</strong> ça, il faut la filtrer avec un tissu ou bien avec une compresse. Comme j’ai pas<br />

les moyens <strong>de</strong> cantiner <strong>de</strong>s bouteilles d’eau. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« L’eau disponible n’est pas bonne, nous trouvons <strong>de</strong>s débris <strong>de</strong> vieille tuyauterie et<br />

les compresses qu’ils nous ont fournis pour filtrer l’eau sont imbibées d’un produit<br />

qui donne un mauvais goût à l’eau. Ils ont arrêté <strong>de</strong> nous en donner. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

15


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Partie 4 /<br />

santé : une prise en charge<br />

défaillante<br />

Le <strong>de</strong>uxième alinéa <strong>de</strong> l’article 46 <strong>de</strong> la loi <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> 2009 prévoit que « la qualité et la continuité <strong>de</strong>s soins<br />

sont garanties aux personnes détenues dans <strong>de</strong>s conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble <strong>de</strong> la<br />

population ».<br />

Cette disposition n’est évi<strong>de</strong>mment pas respectée au sein du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania. Les locaux<br />

dévolus aux soins sont, tout d’abord, totalement inadaptés à l’importance <strong>de</strong> la population pénale. Les espaces <strong>de</strong><br />

l’unité sanitaire ne représentent que quelques 50 m², soit le huitième <strong>de</strong> la superficie <strong>de</strong>s locaux du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong><br />

<strong>de</strong> Saint-Denis <strong>de</strong> la Réunion qui a pourtant une population pénale avoisinante 16 .<br />

Ils sont également inappropriés aux exigences particulières <strong>de</strong> la pratique médicale. Ainsi, les psychologues sont-ils<br />

largement freinés dans leur travail : leurs bureaux ne disposent pas d’ordinateur accédant à Internet tandis que les<br />

bureaux d’audition dans lesquels ils reçoivent leurs patients n’ont pas d’ordinateur du tout. De même, l’infirmerie du<br />

<strong>centre</strong> pour peines aménagées trône au cœur d’un bureau d’audition utilisé, par ailleurs, par les aumôniers, les SPIP,<br />

les avocats… Elle n’est équipée d’aucun équipement médical.<br />

Enfin, les espaces n’offrent pas les garanties nécessaires au respect du secret médical. Selon le rapport du CGLPL, «<br />

les contrôleurs ont pu constater qu’une conversation tenue dans le bureau du mé<strong>de</strong>cin était parfaitement audible <strong>de</strong>puis<br />

le bureau du psychiatre ». Le même relève que le surveillant affecté à l’unité <strong>de</strong> consultations et <strong>de</strong> soins ambulatoires<br />

(UCSAGP) – qui connait l’état <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s détenus – n’a suivi aucune formation spécifique et que les dossiers médicaux<br />

sont conservés dans un bureau qui ne ferme pas à clef.<br />

Plus encore, l’insuffisance du personnel médical ne permet pas aux personnes détenues d’accé<strong>de</strong>r rapi<strong>de</strong>ment aux<br />

soins. La Cour <strong>de</strong>s comptes a relevé à ce sujet que le critère principalement retenu par le ministère <strong>de</strong>s affaires<br />

sociales et <strong>de</strong> la santé pour assurer la prise en charge médicale <strong>de</strong>s détenus était celui <strong>de</strong> la capacité théorique <strong>de</strong><br />

l’établissement. Un <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> gravement surpeuplé tel que Nuutania ne peut que pâtir <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> calcul<br />

<strong>de</strong>s dotations.<br />

En effet, le mé<strong>de</strong>cin généraliste n’est présent qu’à mi-temps. Le kinésithérapeute ne pratique que six heures par<br />

semaine alors que l’utilisation d’équipements sportifs extrêmement dégradés engendre <strong>de</strong>s centaines d’acci<strong>de</strong>nts à<br />

l’année. Le <strong>de</strong>ntiste consulte, en moyenne, 9,1 personnes par semaine alors que l’établissement en héberge plus <strong>de</strong><br />

400. Aucun ophtalmologue ne peut être consulté au sein du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> et l’attente est <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à trois mois<br />

« L’état bucco<strong>de</strong>ntaire <strong>de</strong> la population carcérale est déplorable ; la liste d’attente est très<br />

importante et les délais pour obtenir une consultation varient entre quelques mois et une année.<br />

Aussi le <strong>de</strong>ntiste ne traite-t-il que les urgences. »<br />

Rapport du CGLPL, p.34<br />

Le délai pour bénéficier d’une consultation avec le psychiatre est d’environ trois semaines, celui-ci n’exerçant qu’à<br />

mi-temps. Selon la Cour <strong>de</strong>s comptes, « les prises en charge psychiatriques sont une source <strong>de</strong> difficultés importantes,<br />

aggravées par le faible nombre ou l’inexistence <strong>de</strong> lits psychiatriques ». La commission <strong>de</strong>s lois a d’ailleurs dénoncé<br />

« l’absence <strong>de</strong> véritable prise en charge <strong>de</strong>s pathologies psychiatriques » en Polynésie française et rappelé que le manque<br />

<strong>de</strong> psychiatre sur ce territoire restreignait les possibilités d’aménagement <strong>de</strong> peine. Ce faisant, elle emboitait le pas<br />

au CGLPL qui avait observé dans son rapport <strong>de</strong> visite que « le taux d’occupation <strong>de</strong> l’établissement mériterait la mise à<br />

disposition d’un psychiatre à temps plein ».<br />

16<br />

Cour <strong>de</strong>s comptes (2014), La santé dans les outre-mer, une responsabilité <strong>de</strong> la République, p. 192.<br />

16


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

Lorsqu’elles accè<strong>de</strong>nt finalement à un praticien, les personnes détenues sont généralement victimes d’une prise<br />

en charge médicale médiocre. Celle-ci est d’autant plus inquiétante que les conditions <strong>de</strong> détention au <strong>centre</strong><br />

<strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania sont propices au développement <strong>de</strong> diverses maladies.<br />

« A <strong>de</strong>ux reprises j’ai <strong>de</strong>mandé au mé<strong>de</strong>cin du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> m’ai<strong>de</strong>r afin que<br />

je reçoive les soins appropriés, pour résoudre mon problème <strong>de</strong> bras, et à chaque fois<br />

la réponse est : nous avons perdu le dossier. Les années ont passé et mon bras ne<br />

cesse <strong>de</strong> se déboîter. (…) Des moments horribles, sans ai<strong>de</strong>, lié qu’à mon courage pour<br />

moi même remettre mon bras. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Il y a quelques jours [...], je me suis retrouvé avec un gros trou dans le tibia<br />

gauche, parce que le docteur était absent les infirmières n’ont pas pu me donner <strong>de</strong>s<br />

antibiotiques ; après une chute <strong>de</strong> mon lit superposé. Le docteur était absent pendant<br />

une semaine. L’infirmière après plus <strong>de</strong> 10 jours d’infection a été obligée <strong>de</strong> dire au<br />

nouveau docteur qu’il fallait m’envoyer à l’hôpital. Mais il m’a ouvert le tibia sans<br />

morphine car il n’y en avait plus, je vous laisse imaginer. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. C., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Lors <strong>de</strong> mon arrivée, ils ont refusé <strong>de</strong> poursuivre les soins <strong>de</strong>ntaires entamés à<br />

l’extérieur. Conséquence : 6 mois après, le <strong>de</strong>ntiste m’a arraché 18 <strong>de</strong>nts avec <strong>de</strong><br />

l’os, le tout en 3 semaines. Et puis il m’a laissé dans cet état. Sur la mâchoire<br />

supérieure, plus aucune <strong>de</strong>nt. Et sur la mâchoire inférieure, il ne reste que 9 <strong>de</strong>nts<br />

à l’avant. C’est comme si je vivais avec un couteau sur les gencives. Voilà dans quel<br />

état il m’a laissé !!! Un être humain ne peut pas vivre ainsi. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. D., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

17


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Partie 5 /<br />

une promiscuité facteur<br />

<strong>de</strong> violences<br />

Les rapports traitant <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> détention au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania n’abor<strong>de</strong>nt que très<br />

brièvement la question <strong>de</strong> la violence et, souvent, la minimisent. Le CGLPL a, par exemple, observé dans son rapport<br />

<strong>de</strong> visite qu’ « une gestion attentive <strong>de</strong> la détention, doublée d’une approche professionnelle et humaine <strong>de</strong> la population<br />

carcérale par les surveillants, permettent, jusqu’à présent, d’éviter que les tensions ne dégénèrent en violences ». Le groupe<br />

<strong>de</strong> travail sur les problématiques <strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer a renchérit que « malgré la surpopulation observée, les<br />

faits <strong>de</strong> violence restent limités ». Seul le rapport d’information rendu par les sénateurs Christian Cointat et Bernard<br />

Frimat à la suite d’une mission d’information réalisée en Polynésie française du 21 avril au 2 mai 2008 pointe «la très<br />

forte surpopulation entretient <strong>de</strong>s risques permanents <strong>de</strong> tension, qui font <strong>de</strong> cet établissement une poudrière».<br />

De multiples articles <strong>de</strong> presse relatent en revanche les faits <strong>de</strong> violence qui se déploient régulièrement entre les<br />

murs <strong>de</strong> la prison. Le 12 avril 2016, par exemple, le site Tahiti Infos dévoilait qu’une personne détenue au quartier<br />

maison d’arrêt <strong>de</strong> Nuutania avait été condamnée à <strong>de</strong>ux ans <strong>de</strong> prison supplémentaires pour avoir tenté d’agresser<br />

sexuellement son codétenu 17 . Le 18 janvier 2016, le site TNTV News publiait la capture d’écran d’une vidéo diffusant<br />

le combat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux prisonniers dans l’enceinte <strong>de</strong> l’établissement 18 . Le 27 novembre 2015, le site La dépêche <strong>de</strong> Tahiti<br />

expliquait qu’un détenu avait été condamné à trois mois d’emprisonnement supplémentaires pour avoir frappé son<br />

psychiatre 19 . Le 28 avril 2015, le site France TV Info annonçait qu’un détenu mineur, partageant sa cellule avec <strong>de</strong>s<br />

adultes durant plusieurs mois, avait participé au viol d’un <strong>de</strong> ses codétenus 20 .<br />

Les illustrations sont nombreuses. Surtout, elles sont corroborées par les témoignages <strong>de</strong>s personnes détenues qui,<br />

unanimement, dénoncent le climat <strong>de</strong> violence <strong>de</strong> l’établissement.<br />

« Je gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s cicatrices et <strong>de</strong>s marques <strong>de</strong> violence sur ma peau. Psychologiquement,<br />

je gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s séquelles <strong>de</strong> toutes mes incarcérations, j’ai payé <strong>de</strong> ma vie ce que je<br />

<strong>de</strong>vais à la société. Nuutania ne m’a pas changé, elle ne changera personne. Elle m’a<br />

permis d’être encore plus violent et encore plus rebelle. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Tous les jours, la tension, la violence augmentent, oui. Il y a <strong>de</strong>s combats entre<br />

détenus, nous nous battons entre nous pour un oui, pour un non. Ici, la loi du plus<br />

fort sinon tu te fais sodomiser. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Pour autant, la prévention <strong>de</strong> la violence telle qu’elle est organisée par l’administration <strong>pénitentiaire</strong> souffre <strong>de</strong><br />

carences. A titre d’exemple, les cellules ne comprennent ni sonnettes d’alarme ni interphones. Les personnes<br />

incarcérées sont donc réduites à taper contre leur porte en cas d’inci<strong>de</strong>nt. Ces <strong>de</strong>rnières se plaignent d’ailleurs <strong>de</strong> la<br />

lenteur <strong>de</strong>s interventions du personnel lorsqu’il y a <strong>de</strong>s inci<strong>de</strong>nts.<br />

17<br />

http://www.tahiti-infos.com/Il-tente-<strong>de</strong>-sodomiser-un-co-<strong>de</strong>tenu-a-Nuutania-2-ans-ferme_a147269.html<br />

18<br />

http://www.tntv.pf/Un-combat-filme-par-un-prisonnier-fait-le-tour-du-web_a9719.html<br />

19<br />

http://www.la<strong>de</strong>peche.pf/Un-prisonnier-<strong>de</strong>-Nuutania-frappe-son-psychiatre_a9257.html<br />

20<br />

http://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/tahiti/un-<strong>de</strong>tenu-<strong>de</strong>-<strong>nuutania</strong>-veut-faire-condamner-l-etat-pour-faute-lour<strong>de</strong>-251693.html<br />

18


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

« Deux détenus se sont battus pendant presque une heure. Moi-même, ainsi que beaucoup<br />

d’entre nous, avons vu ce qu’il s’était passé alors que les gardiens, trois caméras<br />

plus <strong>de</strong>ux miradors n’ont rien fait face à cela. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. I., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« La surpopulation en est la principale cause et la différence <strong>de</strong> couleur qui n’est<br />

pas facile à vivre quand il y a 10 blancs pour 400 tahitiens furieux d’avoir été jugés<br />

par <strong>de</strong>s français (…). Malheureusement, j’ai subi à 2 reprises <strong>de</strong>s violences gratuites<br />

qui au lieu <strong>de</strong> l’intervention rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s gardiens, ils ont préféré attendre la fin pour<br />

intervenir. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. B., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

19


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Partie 6 /<br />

un temps carcéral vi<strong>de</strong><br />

L’article 27 <strong>de</strong> la loi <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> 2009 prévoit que « toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins<br />

l’une <strong>de</strong>s activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service <strong>pénitentiaire</strong> d’insertion<br />

et <strong>de</strong> probation dès lorsqu’elle a pour finalité la réinsertion <strong>de</strong> l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités,<br />

à son handicap et à sa personnalité », étant précisé à l’article 29 <strong>de</strong> la même loi que « les personnes détenues<br />

sont consultées par l’administration <strong>pénitentiaire</strong> sur les activités qui leur sont proposées ». Ces activités peuvent<br />

consister en « l’apprentissage <strong>de</strong> la lecture, <strong>de</strong> l’écriture et du calcul » ou même <strong>de</strong> « la langue française ».<br />

Or, Les personnes incarcérées au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania témoignent <strong>de</strong> ce que l’offre d’activités<br />

culturelles et sportives y est extrêmement faible, notamment au regard <strong>de</strong> la population effectivement hébergée.<br />

L’accès à la bibliothèque et aux salles <strong>de</strong> sport reste généralement limité à quelques heures par détenu et par<br />

semaine. En conséquence, les détenus restent enfermés plus <strong>de</strong> quinze heures par jour, à quatre, dans une cellule<br />

d’une superficie approximative <strong>de</strong> 12 m² avec pour toute perspective <strong>de</strong> sortie une cour <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> sale.<br />

« Faute <strong>de</strong> place dans ce <strong>centre</strong> pénitencier construit en 1970 pour 130 personnes sur le modèle<br />

<strong>de</strong>s prisons en étoile, les détenus atten<strong>de</strong>nt parfois plusieurs semaines avant d’avoir accès aux<br />

activités culturelles, sportives et aux enseignements proposés par le service <strong>de</strong> probation et<br />

d’insertion. “Nous n’avons pas tous les outils pour permettre un travail d’insertion satisfaisant<br />

pour lutter contre la récidive”, reconnaît-on au parquet. Même une heure <strong>de</strong> bibliothèque peut<br />

s’avérer complexe. “Ce ne sont pas <strong>de</strong>s conditions décentes, tout le mon<strong>de</strong> est d’accord, atteste<br />

un magistrat du parquet général. »<br />

La prison <strong>de</strong> Polynésie tient par miracle, malgré une situation « insupportable »,<br />

C. Chaumeau, Le Mon<strong>de</strong>, 9/03/2012<br />

En 2012, le CGLPL constatait effectivement que trois activités seulement avaient été proposées <strong>de</strong> façon régulière aux<br />

personnes détenues jusqu’au mois d’août 2012. Lors <strong>de</strong> sa visite, seules <strong>de</strong>ux subsistaient pour les hommes majeurs:<br />

une activité échecs et une activité musique. Proposées <strong>de</strong>ux fois par semaine pendant <strong>de</strong>ux heures, ces activités ne<br />

regroupaient respectivement que quarante et dix personnes par séance. Sur plus <strong>de</strong> quatre cents prisonniers, seule une<br />

centaine avait donc accès à une séance d’activité hebdomadaire. Cela <strong>de</strong>meure toutefois un sort plus favorable que<br />

celui réservé aux femmes qui, elles, ne bénéficiaient tout simplement d’aucune activité lors <strong>de</strong> la visite du Contrôleur.<br />

La même année, le rapport d’activité <strong>de</strong> la Mission outre-mer, alors qu’il détaillait les activités proposées par les<br />

établissements <strong>pénitentiaire</strong>s d’outre-mer, se contentait <strong>de</strong> préciser que ceux <strong>de</strong> Polynésie française avait privilégié<br />

<strong>de</strong>s activités musicales parmi d’autres dont il ne faisait pourtant pas état. En 2008, c’est le rapport d’information<br />

rendu par les sénateurs Christian Cointratet Bernard Frimat qui expliquait la carence <strong>de</strong> l’administration <strong>pénitentiaire</strong><br />

par « le manque d’équipements et <strong>de</strong> place » .<br />

Par ailleurs, peu <strong>de</strong> personnes détenues ont accès à l’enseignement et la formation.<br />

« J’ai pu étudier jusqu’à la 2ème année <strong>de</strong> droit. Depuis, je suis dans l’impossibilité<br />

<strong>de</strong> poursuivre ! Apparemment, dû à mon âge, ils ne peuvent pas financer et ne me<br />

donnent pas la possibilité <strong>de</strong> travailler pour que moi-même je finance les cours par<br />

correspondance. Condamné à ne rien faire ! »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. D., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

20


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

Le CGLPL expliquait, en effet, dans son rapport que durant l’année scolaire 2011/2012, seuls trente hommes détenus<br />

avaient suivi la préparation au certificat <strong>de</strong> fin d’étu<strong>de</strong>s générales et douze celle du brevet <strong>de</strong>s collèges. Il soulignait<br />

aussi que l’offre scolaire était bien moindre pour les femmes détenues tant en terme <strong>de</strong> nombre d’heures que <strong>de</strong><br />

formations.<br />

En 2014, le groupe <strong>de</strong> travail sur les problématiques <strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer relevait aussi qu’ « en 2013, aucune<br />

formation professionnelle n’[avait] été réalisée à l’établissement faute d’obtention <strong>de</strong> financements parle Service <strong>de</strong><br />

l’Emploi, <strong>de</strong> la Formation et <strong>de</strong> l’Insertion professionnelle (SEFI), organisme territorial compétent localement » . Ce constat<br />

corroborait celui déjà effectué par le CGLPL en 2012 : « la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> prioritaire <strong>de</strong>s personnes détenues est <strong>de</strong> suivre une<br />

formation professionnelle ou préprofessionnelle, ce qui est actuellement impossible en l’absence <strong>de</strong> financement et <strong>de</strong><br />

locaux adaptés ».<br />

Enfin, le <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> ne permet pas aux personnes incarcérées <strong>de</strong> s’émanciper via le travail. D’une part,<br />

nombre <strong>de</strong> détenus ne disposent pas d’un travail au sein <strong>de</strong> la prison. D’autre part, beaucoup <strong>de</strong> ceux qui sont classées<br />

se contentent <strong>de</strong> quelques heures <strong>de</strong> « corvée » par jour, autrement dit, <strong>de</strong> nettoyage d’espaces <strong>de</strong> vie tels que les<br />

couloirs.<br />

«J’ai toujours <strong>de</strong>mandé un travail, réponse négative. Pendant toute mes détentions<br />

aucune fois ils n’ont accepté <strong>de</strong> me donner un travail. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. B., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

«Ici à Nuutania si tu veux travailler, il faut que tu connaisses bien le chef<br />

pour avoir une corvée ou bien avoir <strong>de</strong> la famille qui travaille aussi au <strong>centre</strong><br />

<strong>pénitentiaire</strong>. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. P., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Effectivement, selon le CGLPL, « le délai d’attente pour être classé est souvent supérieur à six mois ». Et pour cause,<br />

l’établissement propose peu <strong>de</strong> travail en concession et ne recherche pas véritablement <strong>de</strong> concessionnaires en raison<br />

du manque d’espace pour <strong>de</strong> nouveaux ateliers.<br />

Par ailleurs, il existe <strong>de</strong> fortes inégalités entre les détenus qui travaillent, concernant tant les horaires que la<br />

rémunération. S’agissant <strong>de</strong>s auxiliaires, par exemple, le CGLPL a démontré que, si « en théorie, [ils] travaill[aient]<br />

7 heures par jour, (…), ceci cinq ou six jours par semaine selon les postes. Dans les faits, le nombre d’heures travaillées<br />

quotidiennement et les horaires vari[aient] selon les postes ». Ainsi, les détenus qui distribuaient les repas ne travaillaientils<br />

que <strong>de</strong>ux heures par jour, six jours par semaine. De même, tous les auxiliaires étaient « rémunérés à la journée<br />

<strong>de</strong> travail, d’une durée théorique <strong>de</strong> 7 heures, quel que soit le nombre réel d’heures travaillées » et « la difficulté et la<br />

pénibilité du travail ».<br />

21


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

Partie 7 /<br />

la réinsertion : un parcours du<br />

combattant<br />

Selon l’article 2 <strong>de</strong> la loi <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> 2009, l’une <strong>de</strong>s principales missions du service public <strong>pénitentiaire</strong> est<br />

<strong>de</strong> « contribue[r] à l’insertion ou à la réinsertion <strong>de</strong>s personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire ».<br />

Or, si l’insuffisance d’activité à l’intérieur <strong>de</strong> la prison se fait cruellement ressentir, le manque <strong>de</strong> préparation à la sortie<br />

n’est pas en reste. En effet, la plupart <strong>de</strong>s personnes détenues témoignent <strong>de</strong> la rareté <strong>de</strong> leurs entretiens avec le<br />

service <strong>pénitentiaire</strong> d’insertion et <strong>de</strong> probation.<br />

« Le principe est simple, si tu n’écris pas, ils ne te voient pas. Il m’est arrivé <strong>de</strong><br />

ne voir qu’une seule fois mon SPIP dans l’année. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. B., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Et pour cause, le rapport <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong>s lois, confirmant en cela le rapport du groupe <strong>de</strong> travail sur les<br />

problématiques <strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer, explique que « le SPIP <strong>de</strong> Polynésie française gère un territoire équivalent<br />

à la taille <strong>de</strong> l’Europe, entraînant <strong>de</strong>s déplacements coûteux et chronophages, ce qui limite d’autant la capacité d’action<br />

<strong>de</strong> ces services ». Il dénonce ainsi « <strong>de</strong>s infrastructures largement inadaptées aux peines probatoires et au contexte<br />

géographique propre aux outre-mer », ainsi que « <strong>de</strong>s moyens humains et financiers insuffisants sur fond <strong>de</strong> crise<br />

économique et sociale ». Effectivement, aux dires du service lui-même, le manque <strong>de</strong> personnel est flagrant : « l’effectif<br />

en CPIP, vu la charge <strong>de</strong> travail est insuffisant, en effet nous tournons en moyenne à 140 mesures par CPIP ». Le CGLPL<br />

aussi, lors <strong>de</strong> sa visite, relevait : « chaque CPIP gère environ soixante dossiers en milieu fermé et cent-quarante en milieu<br />

ouvert ».<br />

Cette problématique est aggravée par les carences <strong>de</strong>s autres acteurs <strong>de</strong> la réinsertion : manque d’effectifs <strong>de</strong> la<br />

commission d’application <strong>de</strong>s peines, absence <strong>de</strong> <strong>centre</strong> national d’évaluation et insuffisance d’expert-psychiatres sur<br />

le territoire <strong>de</strong> la Polynésie française.<br />

« Dans mon cas, j’ai besoin <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux expertises pour accé<strong>de</strong>r aux permissions. Le<br />

problème c’est qu’on doit attendre 1 ou 2 ans pour les faire. C’est tellement difficile<br />

que la plupart préfèrent arriver en fin <strong>de</strong> peine et sortir sans avoir rien <strong>de</strong> prévu<br />

(comme moi). Au lieu <strong>de</strong> nous ai<strong>de</strong>r, ils nous compliquent la vie. Le mot ‘réinsertion’<br />

à Nuutania, ça ne veut rien dire. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Les personnes détenues se plaignent également <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> l’accompagnement dont ils bénéficient <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s<br />

SPIP :<br />

« J’aimerais aussi dénoncer les entretiens trop courts avec nos SPIP qui ne durent<br />

même pas 5 minutes, alors qu’une réinsertion possible et réussie ne peut pas porter<br />

ses fruits si tu n’as même pas le temps <strong>de</strong> te faire comprendre et <strong>de</strong> comprendre toute<br />

la complexité <strong>de</strong>s documents à fournir ou recevoir. Pour nous détenus, qui n’avons pas<br />

eu une vie toujours rose, comprendre en 5 minutes autant <strong>de</strong> choses n’est pas aussi<br />

facile que pour les SPIP qui ont fait <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> droit… »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. B., personne détenue, recueilli par l’OIP 22


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

« J’ai réfléchi à un projet que je n’ai pas proposé à mon CPIP à cause <strong>de</strong> sa réticence<br />

à abon<strong>de</strong>r dans la réalisation <strong>de</strong> la finalisation <strong>de</strong> conception <strong>de</strong> mon projet <strong>de</strong><br />

réinsertion. Je ne sens aucun soutien pour me donner confiance en cette administration<br />

afin <strong>de</strong> faire officialiser mon projet <strong>de</strong> réinsertion. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Les contrôleurs ont également entendu « que ce service “fonctionn[ait] à l’ancienne et qu’il [était] plus un service social<br />

qu’un vrai SPIP“ » et « que le manque <strong>de</strong> partenaires se faisait cruellement ressentir ». En effet, « le <strong>centre</strong> <strong>de</strong> formation<br />

professionnel pour adultes (CFPA) refuse <strong>de</strong> prendre en charge les personnes détenues » et « il n’existe qu’une seule<br />

structure d’accueil pour les personnes condamnées sans domicile ou en rupture familiale à Tahiti ».<br />

Aussi le CGLPL note que que certains « détenus (…) préfèrent aller au bout <strong>de</strong> leur peine en travaillant dans l’établissement<br />

plutôt que <strong>de</strong> sortir avec un aménagement <strong>de</strong> peine », notamment pour une question <strong>de</strong> rémunération 21 .<br />

Le taux d’aménagement <strong>de</strong> peine <strong>de</strong> Polynésie est d’ailleurs le plus bas <strong>de</strong> toute l’outre-mer - 5,4% au 1er janvier<br />

2014 - alors même que le taux <strong>de</strong> criminalité y est inférieur à celui <strong>de</strong> la métropole et que Nuutania est l’établissement<br />

le plus surpeuplé <strong>de</strong> France.<br />

« Les territoires ultramarins souffrent, tout d’abord, du manque <strong>de</strong> places dédiées aux peines<br />

<strong>de</strong> probation dans les <strong>centre</strong>s <strong>pénitentiaire</strong>s ou dans leurs antennes et ce, compte tenu <strong>de</strong><br />

la surpopulation carcérale endémique. La politique carcérale <strong>de</strong> Faa’a Nuutania, en Polynésie<br />

française, est à cet égard révélatrice. Pour accueillir les 397 détenus présents au 1er janvier<br />

2014, 165 places étaient disponibles au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong>, dont seulement 6 pouvant accueillir<br />

<strong>de</strong>s peines <strong>de</strong> semi-liberté. La prison <strong>de</strong> Polynésie tient par miracle, malgré une situation<br />

‘insupportable’. »<br />

Alfred Marie-Jeanne,<br />

Avis <strong>de</strong> la commission <strong>de</strong>s lois sur le projet <strong>de</strong> loi (n° 2234) <strong>de</strong> finances pour 2015, 9/10/2014<br />

Enfin, l’administration <strong>pénitentiaire</strong> ne place pas les personnes détenues au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Faa’a Nuutania<br />

dans <strong>de</strong>s conditions leur permettant d’entretenir <strong>de</strong>s liens familiaux, pourtant vecteur primordial <strong>de</strong> réinsertion<br />

sociale. Des difficultés logistiques d’abord entravent les contacts entre l’intérieur et l’extérieur <strong>de</strong> la prison, qu’il<br />

s’agisse d’interdiction <strong>de</strong> visites injustifiées ou d’arrêt <strong>de</strong> bus trop éloigné.<br />

« En ce qui concerne les visites, j’ai été interdit <strong>de</strong> voir ma concubine parce que la<br />

direction la soupçonnait <strong>de</strong> trafic. Une enquête a été ouverte et au bout <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 1<br />

mois, il a été conclu qu’elle était innocente. Pourtant, l’interdiction a duré plus <strong>de</strong><br />

1 an sans qu’aucun autre motif ne lui soit reproché. Pendant 1 an, j’ai fait plusieurs<br />

requêtes sans jamais recevoir <strong>de</strong> réponses. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Le plus proche arrêt <strong>de</strong> bus est situé à 1,6 km du <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong>. Les visiteurs qui<br />

utilisent les transports en commun doivent donc parcourir à pied ce trajet, en empruntant une<br />

route dépourvue <strong>de</strong> trottoirs qui monte le long <strong>de</strong> la colline. En raison <strong>de</strong>s conditions climatiques<br />

– pluies tropicales ou fortes chaleurs – le trajet peut être éprouvant, notamment pour les<br />

personnes – nombreuses – <strong>de</strong> forte corpulence.<br />

Rapport du CGLPL, p.66<br />

21<br />

DEBOT-DUCLOYER, N. (2015) Nuutania : « Des échanges forts entre surveillants et détenus », Tahiti Infos, 24 août 2015.<br />

23


observatoire international <strong>de</strong>s prisons<br />

En outre, <strong>de</strong> nombreux détenus se plaignent <strong>de</strong> l’absence d’intimité <strong>de</strong>s différents moyens <strong>de</strong> communication à leur<br />

disposition : parloirs non cloisonnés, téléphone en pleine cour <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> et ouverture quasi-systématique du<br />

courrier.<br />

« La cabine <strong>de</strong> téléphone se trouve dans la cour. Aucune intimité confi<strong>de</strong>ntielle pour la<br />

conversation. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

« Peu <strong>de</strong> mes courriers sont restés confi<strong>de</strong>ntiels. On peut dire que 90 % est ouvert. Ce<br />

sont même <strong>de</strong>s courriers confi<strong>de</strong>ntiels qui sont ouverts. »<br />

Témoignage <strong>de</strong> M. T., personne détenue, recueilli par l’OIP<br />

Ces témoignages confirment le constat effectué par le CGLPL lors <strong>de</strong> sa visite en 2012. Il remarquait, notamment à<br />

propos <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong>s parloirs : « <strong>de</strong> chaque côté, le long <strong>de</strong>s murs, sont alignés dix boxes <strong>de</strong> 1,50 m <strong>de</strong> large et 2,15 m<br />

<strong>de</strong> long, séparés par une cloison, sauf en faça<strong>de</strong>. Ces boxes sont ouverts sur un couloir <strong>de</strong> circulation longeant un espace<br />

central vitré <strong>de</strong> 1,40 m <strong>de</strong> large qui permet <strong>de</strong> surveiller l’intérieur <strong>de</strong>s boxes. Ainsi, à travers les vitres <strong>de</strong> cet espace<br />

central, il est possible, <strong>de</strong>puis un box, <strong>de</strong> voir l’intérieur <strong>de</strong>s boxes du côté opposé. Les familles n’ont donc aucune intimité<br />

ni visuelle, ni sonore. ».<br />

Boxes <strong>de</strong> parloir à la prison <strong>de</strong> Faa’a Nuutania<br />

24


dossier <strong>de</strong> presse<br />

conditions <strong>de</strong> détention indignes à la prison <strong>de</strong> <strong>faa'a</strong> <strong>nuutania</strong><br />

Partie 8 /<br />

les condamnations en justice<br />

Dans son rapport paru en mars 2014, le groupe <strong>de</strong> travail sur les problématiques <strong>pénitentiaire</strong>s en outre-mer relevait<br />

que « le contentieux relatif aux conditions <strong>de</strong> détention connait un essor important. (...) Au 1er mars 2014, les conditions<br />

<strong>de</strong> détentions <strong>de</strong> Faa’a ont entrainé à <strong>de</strong> multiples reprises la condamnation <strong>de</strong> l’Etat au versement d’in<strong>de</strong>mnités. ».<br />

Récemment, Me Thibaud Millet, avocat au barreau <strong>de</strong> Papeete, confirmait cette explosion du nombre <strong>de</strong> procédures<br />

in<strong>de</strong>mnitaires engagées dans une interview donnée à l’OIP 22 . Fin 2015, son cabinet enregistrait un total <strong>de</strong> 350 recours<br />

formés à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> personnes incarcérées dans la prison polynésienne. La plupart <strong>de</strong> ces procédures aboutissent<br />

désormais sans passage <strong>de</strong>vant le Tribunal administratif <strong>de</strong> Polynésie Française. L’administration préfère en effet<br />

in<strong>de</strong>mniser les personnes détenues lorsque ces <strong>de</strong>rnières en font la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, et ne pas attendre d’y être contrainte<br />

par les juges afin d’éviter <strong>de</strong>s frais supplémentaires. Car, immanquablement, l’Etat est condamné lorsque les dossiers<br />

arrivent <strong>de</strong>vant le Tribunal administratif.<br />

Dans une décision du mois <strong>de</strong> janvier 2016, ce <strong>de</strong>rnier ordonnait encore l’in<strong>de</strong>mnisation d’une personne incarcérée<br />

au <strong>centre</strong> <strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania en estimant que ses conditions <strong>de</strong> détention étaient contraires au principe <strong>de</strong><br />

dignité humaine « en raison notamment <strong>de</strong> la vétusté <strong>de</strong>s cellules où il a été affecté, du surpeuplement <strong>de</strong> celles-ci et<br />

<strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs nauséabon<strong>de</strong>s ».<br />

Considérant qu’il est constant que le sous dimensionnement <strong>de</strong> la station d’épuration du <strong>centre</strong><br />

<strong>pénitentiaire</strong> <strong>de</strong> Nuutania à Faa’a a provoqué <strong>de</strong>s o<strong>de</strong>urs nauséabon<strong>de</strong>s et que très fréquemment les<br />

cellules <strong>de</strong> 11 m² doivent accueillir 4 détenus et celles <strong>de</strong> 5 m² 2 détenus ; qu’il n’est pas<br />

contesté que M. T. partage, <strong>de</strong>puis le 31 juillet 2007, la cellule B 06 d’environ 10 m² dotée <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux lits superposés, avec 3 autres détenus ; que, dans cette cellule, dans laquelle les détenus<br />

prennent leur repas, les toilettes ne sont, <strong>de</strong>puis le mois <strong>de</strong> décembre 2009, que partiellement<br />

séparées du reste <strong>de</strong> la pièce, par une fine cloison en contreplaquée <strong>de</strong>puis 2012 ;<br />

[...] Considérant que les conditions d’incarcération <strong>de</strong> M. T. dans une cellule sous dimensionnée<br />

pour le nombre d’occupants, dont les toilettes en partie cloisonnées sont situées à proximité<br />

immédiate du lieu <strong>de</strong> prise <strong>de</strong>s repas, exposant leurs occupants aux o<strong>de</strong>urs nauséabon<strong>de</strong>s permanentes,<br />

n’ont pas permis d’assurer le respect <strong>de</strong> la dignité inhérente à la personne humaine conformément<br />

aux stipulations <strong>de</strong> l’article 3 <strong>de</strong> la convention européenne <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme<br />

et <strong>de</strong>s libertés fondamentales et aux dispositions sus-rappelées du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> procédure pénale ; que<br />

cette méconnaissance <strong>de</strong>s stipulations <strong>de</strong> l’article 3 <strong>de</strong> la convention européenne <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong>s libertés fondamentales et <strong>de</strong>s dispositions sus-rappelées du co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

procédure pénale est constitutive d’une faute <strong>de</strong> nature à engager la responsabilité <strong>de</strong> l’Etat à<br />

l’égard <strong>de</strong> l’intéressé.<br />

Décision du Tribunal administratif <strong>de</strong> Polynésie Française, 11 juin 2013<br />

22<br />

Interview en ligne sur le site <strong>de</strong> l’OIP : http://www.oip.org/images/ITWMillet.pdf<br />

25

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