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Perspectives<br />
Journalistes achetés, journaux achetés :<br />
l’exemple de la campagne de dénigrement<br />
menée par George Soros contre la Russie<br />
Le rôle diplomatique secret de<br />
Google dénoncé par<br />
Julian Assange<br />
Par Jean-Paul Baquiast<br />
Début octobre <strong>2014</strong>, Udo Ulfkotte, ancien<br />
journaliste au sein du grand média<br />
allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung,<br />
a publié un livre intitulé Journalistes<br />
achetés – Comment les politiciens,<br />
les services secrets et la haute finance<br />
dirigent les médias de masse allemands<br />
[1].<br />
Dans ce livre, il révèle que pendant<br />
toute sa carrière de journaliste<br />
d’investigation, dont il ne renie pas par<br />
ailleurs l’essentiel (notamment des enquêtes<br />
sur le poids acquis par l’islamisme<br />
en Allemagne), il a publié, sous son nom<br />
et sans changements, des articles écrits<br />
par des agents de la CIA ou d’autres<br />
agences américaines. Ces articles visaient<br />
à soutenir les interventions des<br />
États-Unis sur la politique allemande ou<br />
européenne, et à discréditer toutes réactions<br />
politiques poussant l’Allemagne à<br />
s’affranchir de ces influences.<br />
Udo Ulfkotte reconnaît avoir, pour<br />
ce faire, été rémunéré par les services<br />
secrets américains, ce qu’il avait accepté<br />
pour une raison simple : être journaliste<br />
d’investigation indépendant ne nourrit<br />
pas son homme. Il ne dissimule pas le fait<br />
que, du temps de l’URSS, des agents du<br />
KGB opéraient de même en Allemagne<br />
auprès d’autres journalistes. Mais selon<br />
lui, ils le faisaient sur une bien moindre<br />
échelle et d’une façon qui a disparu<br />
à la chute du Mur. Au contraire, plus<br />
l’Allemagne prenait de l’influence au sein<br />
de l’Union européenne et dans l’Otan,<br />
plus il devenait important pour le gouvernement<br />
américain et ses services que<br />
l’opinion et le gouvernement allemand<br />
soutiennent les stratégies américaines.<br />
Pour cela la mobilisation de medias réputés<br />
comme indépendants devenait essentielle.<br />
Il est remarquable de constater que<br />
le livre de Udo Ulfkotte, bien qu’il ait fait<br />
le tour des cercles alternatifs et des blogs<br />
politiques allemands, n’a pratiquement<br />
pas été cité par la presse, qu’il faut bien<br />
nommer officielle, qu’il faut bien aussi<br />
nommer subventionnée par des flots de<br />
dollars souterrains. Seule à ce jour, La<br />
Voix de la Russie en a parlé. Pour connaître<br />
le contenu du livre, il faut donc<br />
se référer à cet organe, qui a publié une<br />
interview de l’auteur. Rien d’étonnant,<br />
diront les lecteurs animés d’une hostilité<br />
envers la Russie encore très générale en<br />
Europe. La Voix de la Russie n’est-elle<br />
pas directement inspirée par les gouvernements<br />
et les services secrets russes ?<br />
Peut-être, mais la question n’est pas là<br />
: elle est de pouvoir écouter ce que Udo<br />
Ulfkotte a à dire [2].<br />
La presse allemande n’est pas la<br />
seule à être sous contrôle<br />
Or, lorsque l’on y réfléchit un tant soit<br />
peu, il ne fait aucun doute que les opinions<br />
publiques qui en Europe font de<br />
l’anti-poutine systématique ne le font pas<br />
par conviction personnelle, mais parce<br />
qu’elles sont influencées par le discours<br />
– la propagande à la Goebbels faudraitil<br />
dire – émanant des grands journaux<br />
et des chaines de télévision. Il en est en<br />
France et dans les autres pays européens<br />
de même qu’en Allemagne. Comment<br />
pouvoir juger indépendamment si l’on<br />
est abreuvé en permanence de désinformation.<br />
Or cette désinformation, s’exerçant<br />
systématiquement en faveur des<br />
intérêts géostratégiques et économiques<br />
américains, ne tombe pas du ciel. A la<br />
lecture du livre d’Udo Ulfkotte, l’on comprend<br />
qu’elle est financée directement<br />
par des dollars contribuant à l’équilibre<br />
économique des grands médias, et<br />
aux bénéfices de leurs actionnaires.<br />
Il faut reconnaître<br />
que les lanceurs d’alerte, tel Udo Ulfkotte<br />
(que l’on peut comparer en son domaine<br />
George Soros<br />
à un autre dénonciateur de la CIA et de<br />
la NSA devenu célèbre), ne sont pas les<br />
seuls. Philippe Grasset, qui s’oppose quotidiennement,<br />
sur son site Dedefensa, à<br />
ce qu’il nomme le Système de l’américanisme,<br />
vient d’en porter témoignage. Il<br />
relate les pressions et les menaces qu’il<br />
avait reçues, notamment, lorsque pratiquant<br />
le journalisme indépendant en<br />
Belgique, il avait, avec de bons arguments<br />
techniques et politiques, critiqué<br />
le choix fait par le gouvernement belge<br />
de l’époque d’un avion de combat américain,<br />
face à l’offre française reposant sur<br />
l’avion Rafale, offre beaucoup plus avantageuse<br />
à tous égards pour la Belgique<br />
[3].<br />
Aujourd’hui, La corruption permanente<br />
qu’exercent sur les médias européens<br />
les intérêts stratégiques et économiques<br />
américains saute aux yeux de tout observateur<br />
un tant soit peu averti. Ainsi,<br />
pour ne citer que cet exemple, le grand<br />
journal français de référence qu’est resté<br />
pour de nombreux lecteurs Le Monde,<br />
vient de publier un long article du grand<br />
philanthrope et milliardaire George Soros,<br />
titré curieusement de deux façons différentes<br />
: L’Europe doit sauver la nouvelle<br />
Ukraine (version papier) et Ukraine : «<br />
L’Europe est indirectement en guerre »<br />
(version électronique). Soros y conjure<br />
les Européens à se ressaisir face à une<br />
menace russe grandissante. Si l’Europe<br />
ne soutient pas l’Ukraine de Kiev, tant<br />
au plan économique que politique, elle<br />
devra (écrit-il quasiment) s’attendre à<br />
une invasion prochaine par l’Ogre russe<br />
[4]. La diatribe guerrière est soutenue<br />
par une illustration représentant un ours<br />
immense déchiquetant entre ses dents<br />
une Europe en lambeaux.<br />
George Soros est devenu milliardaire, et<br />
donc logiquement philanthrope, par des<br />
comportements économiques souvent<br />
proches de ceux de la maffia. Par ailleurs,<br />
il a financé toutes les révolutions Orange<br />
en mettant en place des gouvernements<br />
corrompus de par le monde. Il vient de<br />
dépenser sans compter pour porter vers<br />
la victoire, d’abord Marina Silva, puis<br />
Aecio Neves, l’adversaire conservateur,<br />
et sous influence américaine, qui s’oppose<br />
à Dilma Roussef lors du second tour<br />
de l’élection présidentielle brésilienne en<br />
cours [5].<br />
Dans ces conditions, on devrait s’étonner<br />
du fait que Le Monde et les principaux<br />
journaux dits occidentaux (car la communication<br />
de Soros est largement européenne,<br />
comme le montre par exemple le<br />
communiqué de Soros en espagnol) aient<br />
publié ce tissu de mensonge et de désinformation,<br />
d’incitation à la guerre, qu’est<br />
cet article de George Soros, et cela sans<br />
préambule, sans mise en garde. Dans la<br />
version électronique, le nom de l’auteur<br />
de l’article, en l’occurrence George Soros,<br />
n’est même pas mentionné sous le titre,<br />
ce qui peut faire croire que c’est un article<br />
de la rédaction du Monde (voir copie<br />
d’écran ci-dessous). Déontologie journalistique,<br />
où es-tu ?<br />
Mais peut-on encore s’en étonner,<br />
quand, depuis des mois, on lit quasiment<br />
chaque jour, en première page de<br />
ce journal (il n’est pas le seul, mais c’est<br />
un archétype), au moins un gros titre<br />
dénigrant la Russie, férocement ou insidieusement<br />
? Un travail de sape méthodique<br />
(le fameux Bashing anglosaxon),<br />
qui s’attaque à l’inconscient collectif d’un<br />
peuple. Il est loin le temps où ce journal<br />
était un lieu de débats, cherchant à peser<br />
le pour le contre : il ne reste plus de cette<br />
idée initiale que la mention Débats, en<br />
haut à gauche de la version papier. Il est<br />
loin le temps où les clients de ce journal<br />
étaient ses lecteurs…<br />
Cependant, pour ne pas sombrer dans le<br />
pessimisme, on pourra constater, à la lecture<br />
de leurs commentaires, que la plupart<br />
des lecteurs du Monde ne s’en laissent<br />
pas compter [6]. Sans doute est-ce là un<br />
des bons effets de la numérisation de la<br />
communication politique. Ceux qui proposent<br />
sur le web, à titre individuel ou<br />
collectif, des propos quelque peu alternatifs<br />
parviennent de plus en plus, ne fut-ce<br />
que faiblement, à se faire entendre.<br />
Note de Tlaxcala<br />
L’article de Soros publié par Le Monde<br />
est paru en anglais dans la New York<br />
Review of Books (Wake Up, Europe), repris<br />
par le Kyiv Post en Ukraine et divers<br />
sites ouèbe anglophones, et commenté/<br />
paraphrasé dans un bref article par Julian<br />
Borger dans The Guardian (George<br />
Soros: Russia poses existential threat to<br />
Europe). En français, à part Le Monde,<br />
le quotidien La Tribune a publié une interview<br />
de Soros (Le plan de George<br />
Soros pour sauver l’Europe), présenté<br />
ainsi : «Le légendaire créateur du fonds<br />
éponyme et de l’Open Society était de<br />
passage à Bruxelles jeudi pour promouvoir<br />
son dernier livre, « Wake up Europe<br />
!», qu’il vient de publier dans la New York<br />
Review of Books». L’article de Soros est<br />
devenu un livre… Le même article est<br />
paru en espagnol dans La Vanguardia<br />
(Despierta, Europa). Il n’est paru à notre<br />
connaissance dans aucune autre langue,<br />
certains médias européens se contentant<br />
de reproduire des dépêches d’agence le<br />
résumant. Cela paraît d’autant plus bizarre<br />
que Soros est propriétaire du Project<br />
Syndicate, qui diffuse des centaines de<br />
tribunes libres de «grandes plumes» – de<br />
Desmond Tutu à Bill Gates en passant<br />
par Michel Rocard et Javier Solana - dans<br />
181 quotidiens internationaux et dans<br />
une douzaine de langues. Alors que son<br />
précédent article (Sauver l’Ukraine pour<br />
sauver l’Europe), de mai dernier, avait<br />
été diffusé par cette entreprise, celui dont<br />
il est question ici ne l’a pas été. Bizarre,<br />
vous avez dit bizarre ?<br />
Notes<br />
[1] Gekaufte Journalisten: Wie<br />
Politiker, Geheimdienste und Hochfinanz<br />
Deutschlands Massenmedien lenken<br />
(amazon, allemand)<br />
[2] Udo Ulfkotte : l’Allemagne<br />
n’est pas un Etat libre et souverain !<br />
(partie 1) (french.ruvr.ru, français, 20-<br />
10-<strong>2014</strong>)<br />
[3] Le journalisme made in CIA,<br />
aujourd’hui et hier (dedefensa.org, français<br />
et anglais, 20-10-<strong>2014</strong>)<br />
[4] Ukraine : « L’Europe est indirectement<br />
en guerre » (lemonde.fr, édition<br />
abonnés, français, 23-10-<strong>2014</strong>)<br />
[5] Soros et la CIA misent maintenant<br />
sur Neves pour vaincre Rousseff<br />
(vineyardsaker, français, 22-10-<strong>2014</strong>)<br />
[6] Citons une lectrice du Monde, à<br />
qui « on ne la fait pas » :<br />
« Soros, un « philanthrope » qui<br />
défend l’État de Droit ! Qu’est-ce qu’il ne<br />
faut pas entendre ! L’Europe se retrouve<br />
bien avec une guerre civile à sa porte,<br />
à cause de l’ingérence de monsieur<br />
Soros et de ses amis américains, qui ont<br />
voulu jouer au grand échiquier, et, tout<br />
comme au Moyen-Orient, c’est le reflet<br />
de l’interventionnisme et de l’ingérence<br />
néocoloniale de l’Open Society. Il y a déjà<br />
fort à faire en termes d’état de droit et de<br />
philanthropie dans votre pays, monsieur<br />
Soros, restez-y !<br />
The Vineyard of the Saker Version<br />
française<br />
25 octobre <strong>2014</strong><br />
Tlaxcala: 27 octobre <strong>2014</strong><br />
Par Guillaume Champeau<br />
Dans un livre publié en septembre<br />
dernier, le fondateur de Wikileaks<br />
décrit en profondeur le rôle diplomatique<br />
joué très discrètement mais efficacement<br />
par Google, en particulier<br />
dans les pays arabes. Pour Julian Assange,<br />
Google est devenu une officine<br />
au service des intérêts américains,<br />
notamment grâce à sa filiale Google<br />
Ideas dirigée par Jared Cohen.<br />
"Personne ne veut reconnaître<br />
que Google a beaucoup grandi et en<br />
mal. Mais c’est le cas". En septembre<br />
dernier est paru chez OR Books le livre<br />
When Google Met Wikileaks, écrit par<br />
Julian Assange. Le magazine Newsweek<br />
en publie cette semaine de très<br />
longs extraits, dans lesquels le fondateur<br />
de Wikileaks décrit avec minutie le<br />
rôle de l’ombre joué par Google dans la<br />
politique internationale des Etats-Unis.<br />
Le passage est véritablement passionnant,<br />
et mérite d’être lu. Il est étayé par<br />
des documents, dont beaucoup avaient<br />
fuité sur Wikileaks, qui donnent corps<br />
à l’analyse.<br />
En résumé, Julian Assange estime<br />
qu’à travers l’action très politique<br />
de deux responsables de Google, son<br />
président Eric Schmidt et le beaucoup<br />
plus discret Jared Cohen, la firme de<br />
Mountain View est devenue une officine<br />
diplomatique au service des intérêts<br />
américains. Elle accomplirait<br />
une version modernisée du soutien<br />
qu’apportait la CIA aux dictateurs<br />
d’Amérique du Sud pendant la guerre<br />
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Julian Assange<br />
L’action très politique de deux responsables de Google, son président Eric<br />
Schmidt (à droite) et Jared Cohen, (à gauche) la firme de Mountain View<br />
est devenue une officine diplomatique au service des intérêts américains.<br />
froide. Il ne s’agit plus aujourd’hui de<br />
soutenir les régimes autoritaires contre<br />
les tentations communistes du peuple,<br />
mais de soutenir les rebelles contre<br />
les régimes autoritaires islamiques du<br />
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.<br />
Déguisé sous des traits humanitaires,<br />
l’objectif fondamental reste toutefois<br />
le même : défendre le libéralisme<br />
économique et les intérêts stratégiques<br />
américains.<br />
Le libéralisme économique étant<br />
perçu comme une résultante des droits<br />
de l’Homme, il suffirait de défendre la<br />
liberté d’expression, de faciliter la communication<br />
entre les hommes et de<br />
mettre en valeur toutes formes de libertés<br />
individuelles pour que le libéralisme<br />
économique s’impose de lui-même. A<br />
cet égard, Internet est une aubaine. On<br />
sait que l’Agence des Etats-Unis pour<br />
le développement international (US-<br />
AID) a ainsi financé un clone de Twitter<br />
à Cuba, ou tenté d’imposer des réseaux<br />
sociaux en Afghanistan, au Kenya ou<br />
au Pakistan.<br />
Jared Cohen, l’homme de l’ombre<br />
des révolutions arabes<br />
De son côté, Google a fondé<br />
Suite à la page (15)<br />
12<br />
<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />
Vol. 8 • No. 16 • Du <strong>29</strong> <strong>Octobre</strong> au 4 Novembre <strong>2014</strong>