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Haiti Liberte 29 Octobre 2014

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Perspectives<br />

Journalistes achetés, journaux achetés :<br />

l’exemple de la campagne de dénigrement<br />

menée par George Soros contre la Russie<br />

Le rôle diplomatique secret de<br />

Google dénoncé par<br />

Julian Assange<br />

Par Jean-Paul Baquiast<br />

Début octobre <strong>2014</strong>, Udo Ulfkotte, ancien<br />

journaliste au sein du grand média<br />

allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung,<br />

a publié un livre intitulé Journalistes<br />

achetés – Comment les politiciens,<br />

les services secrets et la haute finance<br />

dirigent les médias de masse allemands<br />

[1].<br />

Dans ce livre, il révèle que pendant<br />

toute sa carrière de journaliste<br />

d’investigation, dont il ne renie pas par<br />

ailleurs l’essentiel (notamment des enquêtes<br />

sur le poids acquis par l’islamisme<br />

en Allemagne), il a publié, sous son nom<br />

et sans changements, des articles écrits<br />

par des agents de la CIA ou d’autres<br />

agences américaines. Ces articles visaient<br />

à soutenir les interventions des<br />

États-Unis sur la politique allemande ou<br />

européenne, et à discréditer toutes réactions<br />

politiques poussant l’Allemagne à<br />

s’affranchir de ces influences.<br />

Udo Ulfkotte reconnaît avoir, pour<br />

ce faire, été rémunéré par les services<br />

secrets américains, ce qu’il avait accepté<br />

pour une raison simple : être journaliste<br />

d’investigation indépendant ne nourrit<br />

pas son homme. Il ne dissimule pas le fait<br />

que, du temps de l’URSS, des agents du<br />

KGB opéraient de même en Allemagne<br />

auprès d’autres journalistes. Mais selon<br />

lui, ils le faisaient sur une bien moindre<br />

échelle et d’une façon qui a disparu<br />

à la chute du Mur. Au contraire, plus<br />

l’Allemagne prenait de l’influence au sein<br />

de l’Union européenne et dans l’Otan,<br />

plus il devenait important pour le gouvernement<br />

américain et ses services que<br />

l’opinion et le gouvernement allemand<br />

soutiennent les stratégies américaines.<br />

Pour cela la mobilisation de medias réputés<br />

comme indépendants devenait essentielle.<br />

Il est remarquable de constater que<br />

le livre de Udo Ulfkotte, bien qu’il ait fait<br />

le tour des cercles alternatifs et des blogs<br />

politiques allemands, n’a pratiquement<br />

pas été cité par la presse, qu’il faut bien<br />

nommer officielle, qu’il faut bien aussi<br />

nommer subventionnée par des flots de<br />

dollars souterrains. Seule à ce jour, La<br />

Voix de la Russie en a parlé. Pour connaître<br />

le contenu du livre, il faut donc<br />

se référer à cet organe, qui a publié une<br />

interview de l’auteur. Rien d’étonnant,<br />

diront les lecteurs animés d’une hostilité<br />

envers la Russie encore très générale en<br />

Europe. La Voix de la Russie n’est-elle<br />

pas directement inspirée par les gouvernements<br />

et les services secrets russes ?<br />

Peut-être, mais la question n’est pas là<br />

: elle est de pouvoir écouter ce que Udo<br />

Ulfkotte a à dire [2].<br />

La presse allemande n’est pas la<br />

seule à être sous contrôle<br />

Or, lorsque l’on y réfléchit un tant soit<br />

peu, il ne fait aucun doute que les opinions<br />

publiques qui en Europe font de<br />

l’anti-poutine systématique ne le font pas<br />

par conviction personnelle, mais parce<br />

qu’elles sont influencées par le discours<br />

– la propagande à la Goebbels faudraitil<br />

dire – émanant des grands journaux<br />

et des chaines de télévision. Il en est en<br />

France et dans les autres pays européens<br />

de même qu’en Allemagne. Comment<br />

pouvoir juger indépendamment si l’on<br />

est abreuvé en permanence de désinformation.<br />

Or cette désinformation, s’exerçant<br />

systématiquement en faveur des<br />

intérêts géostratégiques et économiques<br />

américains, ne tombe pas du ciel. A la<br />

lecture du livre d’Udo Ulfkotte, l’on comprend<br />

qu’elle est financée directement<br />

par des dollars contribuant à l’équilibre<br />

économique des grands médias, et<br />

aux bénéfices de leurs actionnaires.<br />

Il faut reconnaître<br />

que les lanceurs d’alerte, tel Udo Ulfkotte<br />

(que l’on peut comparer en son domaine<br />

George Soros<br />

à un autre dénonciateur de la CIA et de<br />

la NSA devenu célèbre), ne sont pas les<br />

seuls. Philippe Grasset, qui s’oppose quotidiennement,<br />

sur son site Dedefensa, à<br />

ce qu’il nomme le Système de l’américanisme,<br />

vient d’en porter témoignage. Il<br />

relate les pressions et les menaces qu’il<br />

avait reçues, notamment, lorsque pratiquant<br />

le journalisme indépendant en<br />

Belgique, il avait, avec de bons arguments<br />

techniques et politiques, critiqué<br />

le choix fait par le gouvernement belge<br />

de l’époque d’un avion de combat américain,<br />

face à l’offre française reposant sur<br />

l’avion Rafale, offre beaucoup plus avantageuse<br />

à tous égards pour la Belgique<br />

[3].<br />

Aujourd’hui, La corruption permanente<br />

qu’exercent sur les médias européens<br />

les intérêts stratégiques et économiques<br />

américains saute aux yeux de tout observateur<br />

un tant soit peu averti. Ainsi,<br />

pour ne citer que cet exemple, le grand<br />

journal français de référence qu’est resté<br />

pour de nombreux lecteurs Le Monde,<br />

vient de publier un long article du grand<br />

philanthrope et milliardaire George Soros,<br />

titré curieusement de deux façons différentes<br />

: L’Europe doit sauver la nouvelle<br />

Ukraine (version papier) et Ukraine : «<br />

L’Europe est indirectement en guerre »<br />

(version électronique). Soros y conjure<br />

les Européens à se ressaisir face à une<br />

menace russe grandissante. Si l’Europe<br />

ne soutient pas l’Ukraine de Kiev, tant<br />

au plan économique que politique, elle<br />

devra (écrit-il quasiment) s’attendre à<br />

une invasion prochaine par l’Ogre russe<br />

[4]. La diatribe guerrière est soutenue<br />

par une illustration représentant un ours<br />

immense déchiquetant entre ses dents<br />

une Europe en lambeaux.<br />

George Soros est devenu milliardaire, et<br />

donc logiquement philanthrope, par des<br />

comportements économiques souvent<br />

proches de ceux de la maffia. Par ailleurs,<br />

il a financé toutes les révolutions Orange<br />

en mettant en place des gouvernements<br />

corrompus de par le monde. Il vient de<br />

dépenser sans compter pour porter vers<br />

la victoire, d’abord Marina Silva, puis<br />

Aecio Neves, l’adversaire conservateur,<br />

et sous influence américaine, qui s’oppose<br />

à Dilma Roussef lors du second tour<br />

de l’élection présidentielle brésilienne en<br />

cours [5].<br />

Dans ces conditions, on devrait s’étonner<br />

du fait que Le Monde et les principaux<br />

journaux dits occidentaux (car la communication<br />

de Soros est largement européenne,<br />

comme le montre par exemple le<br />

communiqué de Soros en espagnol) aient<br />

publié ce tissu de mensonge et de désinformation,<br />

d’incitation à la guerre, qu’est<br />

cet article de George Soros, et cela sans<br />

préambule, sans mise en garde. Dans la<br />

version électronique, le nom de l’auteur<br />

de l’article, en l’occurrence George Soros,<br />

n’est même pas mentionné sous le titre,<br />

ce qui peut faire croire que c’est un article<br />

de la rédaction du Monde (voir copie<br />

d’écran ci-dessous). Déontologie journalistique,<br />

où es-tu ?<br />

Mais peut-on encore s’en étonner,<br />

quand, depuis des mois, on lit quasiment<br />

chaque jour, en première page de<br />

ce journal (il n’est pas le seul, mais c’est<br />

un archétype), au moins un gros titre<br />

dénigrant la Russie, férocement ou insidieusement<br />

? Un travail de sape méthodique<br />

(le fameux Bashing anglosaxon),<br />

qui s’attaque à l’inconscient collectif d’un<br />

peuple. Il est loin le temps où ce journal<br />

était un lieu de débats, cherchant à peser<br />

le pour le contre : il ne reste plus de cette<br />

idée initiale que la mention Débats, en<br />

haut à gauche de la version papier. Il est<br />

loin le temps où les clients de ce journal<br />

étaient ses lecteurs…<br />

Cependant, pour ne pas sombrer dans le<br />

pessimisme, on pourra constater, à la lecture<br />

de leurs commentaires, que la plupart<br />

des lecteurs du Monde ne s’en laissent<br />

pas compter [6]. Sans doute est-ce là un<br />

des bons effets de la numérisation de la<br />

communication politique. Ceux qui proposent<br />

sur le web, à titre individuel ou<br />

collectif, des propos quelque peu alternatifs<br />

parviennent de plus en plus, ne fut-ce<br />

que faiblement, à se faire entendre.<br />

Note de Tlaxcala<br />

L’article de Soros publié par Le Monde<br />

est paru en anglais dans la New York<br />

Review of Books (Wake Up, Europe), repris<br />

par le Kyiv Post en Ukraine et divers<br />

sites ouèbe anglophones, et commenté/<br />

paraphrasé dans un bref article par Julian<br />

Borger dans The Guardian (George<br />

Soros: Russia poses existential threat to<br />

Europe). En français, à part Le Monde,<br />

le quotidien La Tribune a publié une interview<br />

de Soros (Le plan de George<br />

Soros pour sauver l’Europe), présenté<br />

ainsi : «Le légendaire créateur du fonds<br />

éponyme et de l’Open Society était de<br />

passage à Bruxelles jeudi pour promouvoir<br />

son dernier livre, « Wake up Europe<br />

!», qu’il vient de publier dans la New York<br />

Review of Books». L’article de Soros est<br />

devenu un livre… Le même article est<br />

paru en espagnol dans La Vanguardia<br />

(Despierta, Europa). Il n’est paru à notre<br />

connaissance dans aucune autre langue,<br />

certains médias européens se contentant<br />

de reproduire des dépêches d’agence le<br />

résumant. Cela paraît d’autant plus bizarre<br />

que Soros est propriétaire du Project<br />

Syndicate, qui diffuse des centaines de<br />

tribunes libres de «grandes plumes» – de<br />

Desmond Tutu à Bill Gates en passant<br />

par Michel Rocard et Javier Solana - dans<br />

181 quotidiens internationaux et dans<br />

une douzaine de langues. Alors que son<br />

précédent article (Sauver l’Ukraine pour<br />

sauver l’Europe), de mai dernier, avait<br />

été diffusé par cette entreprise, celui dont<br />

il est question ici ne l’a pas été. Bizarre,<br />

vous avez dit bizarre ?<br />

Notes<br />

[1] Gekaufte Journalisten: Wie<br />

Politiker, Geheimdienste und Hochfinanz<br />

Deutschlands Massenmedien lenken<br />

(amazon, allemand)<br />

[2] Udo Ulfkotte : l’Allemagne<br />

n’est pas un Etat libre et souverain !<br />

(partie 1) (french.ruvr.ru, français, 20-<br />

10-<strong>2014</strong>)<br />

[3] Le journalisme made in CIA,<br />

aujourd’hui et hier (dedefensa.org, français<br />

et anglais, 20-10-<strong>2014</strong>)<br />

[4] Ukraine : « L’Europe est indirectement<br />

en guerre » (lemonde.fr, édition<br />

abonnés, français, 23-10-<strong>2014</strong>)<br />

[5] Soros et la CIA misent maintenant<br />

sur Neves pour vaincre Rousseff<br />

(vineyardsaker, français, 22-10-<strong>2014</strong>)<br />

[6] Citons une lectrice du Monde, à<br />

qui « on ne la fait pas » :<br />

« Soros, un « philanthrope » qui<br />

défend l’État de Droit ! Qu’est-ce qu’il ne<br />

faut pas entendre ! L’Europe se retrouve<br />

bien avec une guerre civile à sa porte,<br />

à cause de l’ingérence de monsieur<br />

Soros et de ses amis américains, qui ont<br />

voulu jouer au grand échiquier, et, tout<br />

comme au Moyen-Orient, c’est le reflet<br />

de l’interventionnisme et de l’ingérence<br />

néocoloniale de l’Open Society. Il y a déjà<br />

fort à faire en termes d’état de droit et de<br />

philanthropie dans votre pays, monsieur<br />

Soros, restez-y !<br />

The Vineyard of the Saker Version<br />

française<br />

25 octobre <strong>2014</strong><br />

Tlaxcala: 27 octobre <strong>2014</strong><br />

Par Guillaume Champeau<br />

Dans un livre publié en septembre<br />

dernier, le fondateur de Wikileaks<br />

décrit en profondeur le rôle diplomatique<br />

joué très discrètement mais efficacement<br />

par Google, en particulier<br />

dans les pays arabes. Pour Julian Assange,<br />

Google est devenu une officine<br />

au service des intérêts américains,<br />

notamment grâce à sa filiale Google<br />

Ideas dirigée par Jared Cohen.<br />

"Personne ne veut reconnaître<br />

que Google a beaucoup grandi et en<br />

mal. Mais c’est le cas". En septembre<br />

dernier est paru chez OR Books le livre<br />

When Google Met Wikileaks, écrit par<br />

Julian Assange. Le magazine Newsweek<br />

en publie cette semaine de très<br />

longs extraits, dans lesquels le fondateur<br />

de Wikileaks décrit avec minutie le<br />

rôle de l’ombre joué par Google dans la<br />

politique internationale des Etats-Unis.<br />

Le passage est véritablement passionnant,<br />

et mérite d’être lu. Il est étayé par<br />

des documents, dont beaucoup avaient<br />

fuité sur Wikileaks, qui donnent corps<br />

à l’analyse.<br />

En résumé, Julian Assange estime<br />

qu’à travers l’action très politique<br />

de deux responsables de Google, son<br />

président Eric Schmidt et le beaucoup<br />

plus discret Jared Cohen, la firme de<br />

Mountain View est devenue une officine<br />

diplomatique au service des intérêts<br />

américains. Elle accomplirait<br />

une version modernisée du soutien<br />

qu’apportait la CIA aux dictateurs<br />

d’Amérique du Sud pendant la guerre<br />

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Julian Assange<br />

L’action très politique de deux responsables de Google, son président Eric<br />

Schmidt (à droite) et Jared Cohen, (à gauche) la firme de Mountain View<br />

est devenue une officine diplomatique au service des intérêts américains.<br />

froide. Il ne s’agit plus aujourd’hui de<br />

soutenir les régimes autoritaires contre<br />

les tentations communistes du peuple,<br />

mais de soutenir les rebelles contre<br />

les régimes autoritaires islamiques du<br />

Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.<br />

Déguisé sous des traits humanitaires,<br />

l’objectif fondamental reste toutefois<br />

le même : défendre le libéralisme<br />

économique et les intérêts stratégiques<br />

américains.<br />

Le libéralisme économique étant<br />

perçu comme une résultante des droits<br />

de l’Homme, il suffirait de défendre la<br />

liberté d’expression, de faciliter la communication<br />

entre les hommes et de<br />

mettre en valeur toutes formes de libertés<br />

individuelles pour que le libéralisme<br />

économique s’impose de lui-même. A<br />

cet égard, Internet est une aubaine. On<br />

sait que l’Agence des Etats-Unis pour<br />

le développement international (US-<br />

AID) a ainsi financé un clone de Twitter<br />

à Cuba, ou tenté d’imposer des réseaux<br />

sociaux en Afghanistan, au Kenya ou<br />

au Pakistan.<br />

Jared Cohen, l’homme de l’ombre<br />

des révolutions arabes<br />

De son côté, Google a fondé<br />

Suite à la page (15)<br />

12<br />

<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />

Vol. 8 • No. 16 • Du <strong>29</strong> <strong>Octobre</strong> au 4 Novembre <strong>2014</strong>

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