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MEME PAS PEUR 12 leg

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10 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 11<br />

édito edito du 30 septembre 2016<br />

lendemain de manif<br />

Pourquoi attendre ? À l’heure où<br />

les dépêches circulent plus vite<br />

que les trouvailles journalistiques,<br />

pourquoi se résigner à patienter<br />

jusqu’à demain pour accéder aux<br />

comptes rendus éclairés de La Libre<br />

Belgique, La Capitale ou la DH ?<br />

Soucieux d’étancher la légitime<br />

soif d’information de ses lecteurs<br />

et de coller toujours au plus près<br />

d’une actualité en pleine ébullition,<br />

Même Pas Peur vous propose<br />

de découvrir dès aujourd’hui les<br />

grands titres qui feront la une de<br />

demain.<br />

Il devait s’agir d’un rassemblement<br />

pacifique appelant à une plus<br />

large concertation sociale ; mais pour<br />

beaucoup, la manifestation interprofessionnelle<br />

d’hier a tourné au<br />

cauchemar...<br />

Tout avait pourtant bien commencé.<br />

Quelque 20 000 manifestants (100 000<br />

d’après les organisateurs) se sont rassemblés<br />

dans le calme vers onze heures<br />

aux abords de la Gare du Nord, et le<br />

cortège s’est ébranlé en direction du<br />

centre-ville dans une grogne de bon<br />

aloi. Mais très vite, on signale les premiers<br />

incidents.<br />

LE PAYS PARALYSÉ<br />

Suite à la forte perturbation du trafic<br />

ferroviaire par les actions syndicales<br />

et aux importants embarras de circulation<br />

générés sur les grands axes<br />

routiers, certains manifestants, passablement<br />

éméchés, auraient invectivé<br />

des automobilistes, et des altercations<br />

musclées auraient éclaté, endommageant<br />

un grand nombre de véhicules<br />

selon certains témoins. Plusieurs blessés<br />

légers seraient à déplorer, mais les<br />

responsables des services hospitaliers<br />

ont immédiatement annoncé ne pas<br />

pouvoir les accueillir, faute d’effectifs<br />

disponibles (outre le personnel gréviste,<br />

de nombreux chirurgiens, coincés<br />

dans les embouteillages, ont également<br />

été privés de leur droit au travail). On<br />

ignore encore le nombre de victimes<br />

(belges, dans leur très grande majorité),<br />

mais la liste risque de s’allonger dans<br />

les heures à venir. Les aéroports n’ont<br />

pas été épargnés par le chaos ambiant :<br />

la plupart des employés de Belgocontrol<br />

ayant rejoint les rangs des manifestants,<br />

le spectre du crash aérien a<br />

plané toute la journée sur les terminaux<br />

dépeuplés ; fort heureusement, la catastrophe<br />

a finalement pu être évitée.<br />

Du reste, l’action en front commun<br />

(qui, d’après nos sources, engendrerait<br />

une perte d’environ 800 millions<br />

d’euros pour les entreprises belges) ne<br />

fait pas le bonheur de tout le monde.<br />

En marge du cortège, les indépendants<br />

du piétonnier, grands laissés pour<br />

compte de ce rassemblement populaire,<br />

ont tenu à réaffirmer leur mécontentement<br />

: « Le parcours des manifestations<br />

contourne toujours cette zone ; pour nous,<br />

le manque à gagner est énorme [...] nous<br />

sommes pris en otage, je ne sais pas comment<br />

je vais m’en sortir », se désole J.-L., 29<br />

ans, le regard désespérément fixé sur le<br />

seuil de sa boutique désertée. Plusieurs<br />

Benoit Doumont<br />

parents nous ont aussi fait part de leur<br />

détresse : « Les enseignants sont démissionnaires<br />

[...] nos enfants sont livrés à euxmêmes<br />

dans les écoles. J’ai très peur pour<br />

l’avenir », nous avouait ainsi B., maman<br />

de trois enfants.<br />

« ON A ÉCHAPPÉ AU PIRE ! »<br />

Vers quinze heures, une rixe a éclaté<br />

entre quelques manifestants, consécutivement,<br />

semble-t-il, au vol d’une<br />

canette de bière par un affilié FGTB. La<br />

situation a rapidement dégénéré et de<br />

violentes échauffourées se sont déclarées<br />

en queue de cortège. Les forces de<br />

police, pourtant déployées en nombre<br />

pour assurer la sécurité de l’événement,<br />

ont été débordées en un instant, et<br />

plusieurs grandes artères se sont bientôt<br />

vues envahies par les fauteurs de<br />

troubles. De nombreux heurts et incidents<br />

ont explosé en divers endroits de<br />

la capitale, et le groupe musical chargé<br />

d’animer la scène du PTB a même été<br />

contraint d’interrompre sa prestation en<br />

pleine interprétation d’un morceau de<br />

Tracy Chapman. Les casseurs, armés,<br />

selon certaines sources, de machettes<br />

et de fusils de chasse, s’en sont pris aux<br />

forces de l’ordre, qui ont riposté en faisant<br />

usage de leur spray au poivre. Les<br />

hooligans ont finalement été arraisonnés<br />

; ils risquent chacun jusqu’à un an<br />

de prison et 1800 euros d’amende. « On<br />

a échappé au pire », nous confiait hier<br />

le commissaire divisionnaire de zone,<br />

encore sous le choc. La situation est peu<br />

à peu revenue à la normale dans le courant<br />

de l’après-midi.<br />

À qui la faute, hein ?<br />

La RTBF, télé dite publique, fait poser<br />

« La question qui dérange » par Benjamin<br />

Maréchal : « Caterpillar fermé : la faute aux<br />

travailleurs grévistes ? »<br />

La réponse du réac de service sans<br />

déontologie étant connue, pas la peine de<br />

regarder cette émission faisandée.<br />

Même pas peur,<br />

pourquoi comment ?<br />

Même Pas Peur, mensuel irrévérencieux,<br />

critique, satirique revendique<br />

une place spécifique dans les médias<br />

belges francophones. Conçu, dessiné,<br />

écrit, réalisé par des personnes qui, de<br />

longue date, ont décidé de se servir de<br />

leur cerveau et de leurs mains, gauche<br />

et droite, pour penser, rire, rêver, cracher<br />

dans la soupe sans avoir besoin<br />

d’accréditation professionnelle ou<br />

« experte », il est radicalement indépendant<br />

et, évidemment, 100% sans<br />

publicité. Le monde comme il tourne,<br />

en particulier le petit monde belge,<br />

étouffe la créativité, l’émancipation,<br />

l’égalité, la liberté. Même Pas Peur,<br />

né dans la foulée de l’attentat contre<br />

Charlie Hebdo, veut perpétuer, voire<br />

renouveler, la tradition de la pensée<br />

impertinente.<br />

Même Pas Peur ne milite pour aucun<br />

parti. Par le rire et la critique, chaque<br />

auteur entend y dénoncer un travers,<br />

quand ce n’est pas une abjection,<br />

démasquer l’hypocrisie bien-pensante<br />

et faire écho à vos initiatives drôles,<br />

futées, alternatives.<br />

L’association « Même pas peur » a été initiée par Cactus Inébranlable Éditions (www.cactusinebranlableeditions.e-monsite.com) et Les Éditions du Basson (www.editionsdubasson.com)<br />

Comité de rédaction Styvie Bourgeois, Thomas Burion, André Clette, Serge Delescaille, Sylvie Kwaschin, Fabienne Lorant, Jean-Philippe Querton, Etienne Vanden Dooren Mise en page Etienne Vanden Dooren, Serge<br />

Delescaille Contributeurs dessins Thomas Burion, Yvan Carreyn, Slobodan Diantalvic, David Greuse, Marco Paulo, Jacques Sondron Contributeurs textes André Clette, Benoit Doumont, Jean-Philippe Querton,<br />

Sokolov, Etienne Vanden Dooren, Dominique Watrin.<br />

Le site : http://www.memepaspeur-lejournal.net N° de compte BE 28 0017 5410 1520<br />

les contes qu’on nous raconte<br />

politique ?<br />

Vous avez dit<br />

« grève politique » ?<br />

Éditorialistes, fédérations patronale,<br />

lecteurs du Vif, de la DH, de Vers<br />

l’Avenir, de… ,N-VA et autres droites<br />

s’insurgent, s’étouffent et s’étranglent :<br />

les grèves sont « politiques » ! Scandaleux<br />

! Illégal ! Ça suffit : contentez-vous<br />

de défendre vos intérêts professionnels<br />

immédiats, corporatistes, qu’on puisse<br />

enfin vous traiter de « corporatistes<br />

irresponsables » et prétendre que la<br />

défense de vos intérêts conduit à la fermeture<br />

des entreprises.<br />

Restez poli, propres sur vous et respectueux<br />

du droit établi. De petits arrêts de<br />

travail pour réclamer du papier chiotte,<br />

OK. Surtout, sans gêner sans rien bloquer.<br />

Évidemment sans violence. Mais,<br />

refuser la politique du gouvernement,<br />

faire de la politique, ça, ça ne se fait pas.<br />

Ils ont été élus et pas vous. Ils savent ce<br />

qui est bon pour le peuple, et pas vous.<br />

Les entreprises, surtout les grandes,<br />

et les fédérations patronales n’ont pas<br />

de pudeurs de vierges effarouchées.<br />

Elles ne se gênent pas pour faire de la<br />

politique. Elles ne se gênent pas pour<br />

dire qu’il faut réduire les salaires, y<br />

compris la part de salaire solidaire versée<br />

en cotisations sociales. Elles ne se<br />

gênent pas réclamer l’allongement du<br />

temps de travail, une flexibilité accrue<br />

sans payer d’heures sup., la réduction<br />

de leurs impôts. Elles ne se gênent pas<br />

pour négocier avec les administrations<br />

fiscales des règles espéciales pour ne<br />

pas être imposées, pour ne pas mettre<br />

d’argent dans le pot commun. Elles<br />

savent que l’économie, c’est politique.<br />

Et elles savent que les gouvernements<br />

et l’Union européenne travaillent pour<br />

elles.<br />

Les grandes entreprises savent que<br />

l’opposition entre le marché et l’État,<br />

Nous ne sommes pas tous égaux face aux<br />

insultes.<br />

Les riches et les puissants s’en cirent leurs<br />

bottines en crocodile que vous les traitiez de<br />

« patrons-voyous », de « gamins de merde »<br />

ou, plus fleuri, de « sales porcs pleins de<br />

pognon ».<br />

Pire, si vous les traitez d’ « enculés » ou<br />

de « fils de pute », vous ne ferez qu’alimenter<br />

les clichés qu’ils ont sur le petit peuple<br />

qu’ils pillent à tout va.<br />

c’est du pipeau, un miroir-aux-alouettes<br />

pour attraper ceux qui croient qu’on peut<br />

penser le monde en noir et blanc : le marché<br />

ou l’Etat, avec ou sans moustache,<br />

bête ou méchant,… Les États ont créé et<br />

encadrés les marchés et leurs acteurs. Ils<br />

ont fini par laisser les mains libres aux<br />

acteurs des marchés pour faire un maximum<br />

de profit, reversé aux détenteurs<br />

des capitaux.<br />

Les grandes entreprises ne sont pas<br />

contre les États. Elles les utilisent. Elles<br />

font pression et lobbying pour que soient<br />

créées les conditions qui leur permettent<br />

d’exploiter au maximum les gens, les<br />

terres, les ressources naturelles, nos<br />

connaissances, notre créativité. Elles<br />

poussent les États à conclure des accords<br />

transnationaux d’investissement et de<br />

commerce et à la création de tribunaux<br />

spéciaux qui leur permettront ensuite<br />

d’attaquer les mêmes États pas suffisamment<br />

complaisants. Et les États sont prêts<br />

à signer.<br />

Ailleurs dans le monde, même simplement<br />

de l’autre côté de la frontière, les<br />

grandes entreprises ne restent pas polies,<br />

soumises, bien élevées, respectueuses<br />

des droits. Elles ne se gênent pas pour<br />

s’appuyer sur la police, voire l’armée pour<br />

casser les manifestations et les protestations.<br />

Elles n’hésitent pas à soutenir un<br />

coup d’Etat pour protéger leurs intérêts.<br />

Elles ne négligent pas non plus la<br />

bataille des mots et des idées. C’est pour<br />

cela qu’elles diffusent et font diffuser le<br />

message selon lequel nos grèves seraient<br />

politiques et que ce serait scandaleux.<br />

Faire grève ? C’est toujours politique.<br />

Et ce n’est jamais scandaleux. Soyons fier<br />

d’être politiques ! Être politiques, c’est<br />

prendre notre destin, nos vies en mains.<br />

Va niquer ton banquier !<br />

Florian Houdart<br />

Il est donc urgent de réapprendre à les<br />

insulter d’une façon qui leur ira droit au<br />

cœur !<br />

Admettons qu’un de ces messieurs d’en<br />

haut vous manque de respect et qu’il ait une<br />

drôle de trogne. Pourquoi ne pas le traiter<br />

de « tête de SICAV », vous savez ce produit<br />

financier foireux qui n’est même pas côté en<br />

bourse... Ça doit avoir une drôle d’allure ce<br />

machin-là. Et puis, s’il se la pète vraiment<br />

mais qu’il fait les choses à moitié, lui lancer<br />

« espèce de tricycle de golf » en pleine<br />

Sylvie Kwaschin<br />

C’est refuser de les laisser broyer par<br />

ceux qui prétendent s’attribuer tout<br />

le pouvoir, celui qui s’exerce dans les<br />

entreprises et dans ce qu’on appelle<br />

« l’économie » et celui qui s’exerce dans<br />

les parlements et les gouvernements<br />

lorsqu’ils sont aux ordres.<br />

Et, sauf pour mesure les risques pris<br />

et à prendre, peu importe que ce soit<br />

légal ou pas, reconnu par « les instances<br />

internationales » ou non. Le droit est<br />

aussi le reflet des rapports de force et,<br />

à un moment donné, c’est en force qu’il<br />

faut le transformer.<br />

Faites de la politique ! Dans les entreprises,<br />

dans la rue, partout. Personne<br />

n’est propriétaire du politique !<br />

Tu paieras ta télévision<br />

Avec tes Gauloises manquées<br />

Tu paieras ton lapin-vison<br />

À la Sociale Sécurité<br />

T’enverras des fleurs à ta mère<br />

Avec le reste de tes soucis<br />

Tu mettras de l’eau dans ton verre<br />

Le vin ça fout la maladie<br />

Mais faut jamais, même en rêve<br />

Faut jamais faire la grève...<br />

(…)<br />

Quand t’auras le temps t’iras voter<br />

En montrant tes papiers de souverain<br />

Pour envoyer ton député<br />

Faire les conneries que tu ferais bien<br />

Si par hasard on te fait savoir<br />

Que le pain le boulot la liberté<br />

Se sont faits faire sur le trottoir<br />

Comme une gonzesse... t’auras<br />

gagné...<br />

Alors des fois, même en rêve<br />

Tu pourras peut-être faire la grève...<br />

Léo Ferré<br />

face aura le mérite de le surprendre. Il<br />

a des allures de vieux-beau, façon Alain<br />

Delon ? L’appeler « schnock de Knokke »<br />

devrait aussi produire son effet.<br />

N’oublions pas que chez les riches,<br />

l’honneur de la famille est aussi une<br />

valeur sûre. Dans un milieu d’avocats<br />

d’affaires ou de médecins spécialistes<br />

hautement réputés, dénigrer quelqu’un<br />

en l’appelant « fils de généraliste » ne<br />

peut pas laisser indifférent. Et s’il y<br />

a des ascendances nobles dans l’air,<br />

balancer un « foutriquet sans particule<br />

» à celui qui fixe tout le monde d’un<br />

regard en coin amènera sans doute un<br />

blanc bienvenu dans la conversation.<br />

Toutefois, il ne faut pas ignorer que<br />

nous sommes désormais au XXIème<br />

siècle, à l’ère des sociétés anonymes<br />

et des multinationales. Dans ce<br />

contexte, l’insulte ultime demeure<br />

sans conteste : « Ton père n’est qu’un<br />

actionnaire minoritaire ». Comment, en<br />

effet, imaginer plus bel affront ?<br />

Mais si vous tenez vraiment à insulter<br />

les mères, au lieu de faire allusion<br />

à leurs mœurs supposées dépravées,<br />

pourquoi ne pas lâcher, avec dédain :<br />

« Ah, c’est ta mère, ça ? Elle se sape tellement<br />

comme une pauvre que j’ai cru que<br />

c’était la femme de chambre... ». Effet<br />

garanti pour pourrir l’ambiance !<br />

Enfin, gardons à l’esprit que si le riche<br />

peut se distinguer, c’est surtout grâce<br />

à sa fortune. Attaquons-le donc directement<br />

sur celle-ci ! Puisque que les<br />

signes d’aisance aiment à se montrer<br />

lors des réceptions mondaines, si vous<br />

venez à être invité par une bande de<br />

prout-prouts, allez-y et éclatez-vous !<br />

Tout d’abord, repousser votre assiette<br />

d’une main et dites : « Mais c’est du<br />

caviar de Calais, ça ! » Quand on vous<br />

quémandera un commentaire sur le<br />

vin , enchaînez franco : « Votre Saint-<br />

Émilion, ce breuvage soi-disant millésimé ?<br />

Il est tellement pas bon que j’appelle ça<br />

du Saint-Émillier ! ». Puis critiquez un<br />

peu les lieux. Gargarisez-vous d’un :<br />

« Comment ? Ton antichambre et ton salon,<br />

c’est la même pièce ? ».<br />

Devant les yeux médusés de vos hôtes,<br />

inventez que même votre résidence<br />

secondaire est mieux que ça. Vous jubilerez,<br />

surtout si comme moi, vous n’en avez<br />

pas. Après, finissez votre raillerie par<br />

« Eh ton yacht, tu l’as acheté à crédit ? De<br />

toutes façons, il est tellement petit que même<br />

Sarkozy n’en voudrait pas.»<br />

Alors là, c’est sûr qu’on ne vous invitera<br />

plus et que vous cesserez d’entendre<br />

Marie-Henriette se plaindre<br />

des mendiants ou de voir Jean-Charles<br />

exhiber sa collection de Rolex.

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