6 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / OCTOBRE 2016 OCTOBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>12</strong> / 7 Le Scoop de WATRIN Comment faire du chômage un secteur économique de pointe sans devoir toucher les chômeurs, ni même les saluer ? S’il y a bien un secteur de l’économie auquel les grands managers de la planète ne s’intéressent pas assez, c’est le chômage. Je ne suis pas dans le secret des dieux, ni encore moins dans celui plus prestigieux du diable, mais, la dernière fois qu’on a prononcé le mot « chômeur » lors d’une réunion du Fonds monétaire international, c’était sans doute avant que Dominique Strauss- Kahn ne connaisse la différence entre inflation et fellation, c’est dire. Il se peut même que l’étourdi qui a prononcé le mot ait reçu un gage du genre donner dix dollars à une œuvre de bienfaisance, ça a dû lui faire mal. En fait, le chômage est un marché économique trop peu exploité, alors que toutes les pistes d’arnaque des consommateurs sont surexploitées et que toutes les manœuvres d’entourloupe des banques tournent à plein régime. Pire, des ministres de tous poils (et de tous duvets, pour les plus jeunes), peu conscients du potentiel économique des chômeurs, s’enorgueillissent dans les médias d’avoir réduit les chiffres du chômage. Oui, vous lisez bien (sauf si vos lunettes ne sont plus bonnes) : ils sont fiers de dire qu’ils diminuent le nombre de chômeurs, même quand ils n’ont aucune raison de le dire parce qu’il n’en est rien, alors qu’ils devraient en être gênés. En plein accord avec moi-même et mon front commun syndical, je propose donc de relancer l’économie grâce à la revalorisation du chômage, via trois mesures révolutionnaires. Première mesure : la promotion de l’inactivité économique C’est le b.a.-ba du mécanisme, le chômeur ne fait rien. Il dort longtemps, plus qu’un aï (c’est un autre nom du paresseux, je l’utilise pour ne pas vexer), il se lève tard, il reste en pyjama et même à poil s’il est trop pauvre pour s’en acheter un, il ne se déplace pas, il ne voit personne… bref, contrairement au travailleur, il est totalement inoffensif pour les autres et pour la planète. Il dort longtemps (pas de consommation de petit déjeuner), il se lève tard (diminution de la facture de chauffage et d’électricité), il ne se déplace pas (pas de frais de carburant, diminution de la pollution, chute du nombre d’accidents) et il ne voit personne (pas de bagarre, pas de crime, pas d’adultère, la paix !). Puisque les secteurs économiques sont en surchauffe, prônons et instaurons l’inactivité économique. Ne rien faire, c’est créer de la richesse ! Par le vide, mais il n’y a pas de petit profit quand s’enrichir est l’objectif majeur d’une société. Deuxième mesure : le profit du marché de l’appauvrissement Je le concède, accepter de ne rien faire et de vivre passivement sans nuire aux autres n’est pas à la portée de tout le monde. Moi-même, si je ne me raisonne pas, il m’arrive certains matins de me dire « Tiens, je vais me lever ! » et, même parfois, « Bon, je ne le dis plus, hop, au boulot ! » Pourtant, les gens qui s’appauvrissent en ne faisant rien sont très rentables pour l’économie. C’est clair comme de l’eau de roche, et même comme de l’eau-de-vie. Un client chômeur qui ne parvient pas à rembourser ses traites doit payer des intérêts et des amendes qui enrichissent encore davantage son créancier ; donc, il est plus rentable qu’un banal travailleur qui honore ses factures en temps et en heure. Un patient chômeur qui, par manque d’argent, ne peut se faire soigner ou qui ne peut acheter ses médicaments voit sa maladie s’aggraver. Et une maladie plus grave, une fois urgente à traiter, rapporte plus au médecin qui la traite ou au pharmacien qui délivre les médicaments pour la combattre. C’est la vérité du principe économique qui veut qu’un dentier est davantage créateur de richesse qu’un plombage. Et, si les soins surviennent trop tard, un chômeur décédé fait vivre l’industrie des pompes funèbres et, dans le Dominique Watrin même temps, délivre ses semblables des dépenses qu’il représente, alléluia ! Enfin, troisième mesure : la rentabilisation des chômeurs Inactif par vocation, le chômeur peut très aisément le rester, tout en apportant sa contribution à l’enrichissement de l’économie qui l’exclut. Aux oubliettes le win-win, place au lose-lose ! Même si certains défenseurs des droits de l’homme, toujours prêts à démolir les nouvelles idées des autres, risquent encore de crier à l’humiliation, les chômeurs peuvent fournir de multiples petits services à la société, sans bouger le petit doigt (ni les autres non plus, d’ailleurs). Comme poteaux d’éclairage, par exemple. Disposés le long des chemins, ils ne rouilleront pas, ne s’éroderont pas, ne s’abattront pas sur les chaussées et pourront même faire diminuer la mortalité sur les routes en sautant sur le côté dès qu’une voiture lancée à trop grande vitesse fonce sur eux. Et la liste des nouvelles tâches sur mesure pour les chômeurs est inépuisable : trampoline dans les jardins d’enfants (pour les gros), punching-ball sur les foires (pour les minces), tuteur de plante à domicile (pour les anorexiques), banc public ambulant (pour les grabataires en civière), tringle à vêtements dans les magasins (pour les siamois par le bras), un monde de rêve où tout le monde a sa place est possible. Bon chômage à tous ! N° SPÉCIAL 29/09/2016 - Belgique- GRATUIT - www.memepaspeur-lejournal.net/ Editeur rersp. Etienne Vanden Dooren, 28 rue de l’Ange 6001 Marcinelle (B) Même pas peur SPéCIAL MANIF DU 29/09/2016 David Greuse L’Éditorial Sacré bordel de vierge enceinte ! Notre ras-le-bol finira par nous rendre grossiers envers ceux qui nous gouvernent et ceux qui nous pompent. Bande de nodocéphales, de branleurs d’oursins, de rognures de chancres, de moucheurs de morpions... Certes, Même Pas Peur adhère pleinement aux principes élémentaires de la civilité et de la convivialité et se refuse à verser dans l’excès qui engendre la discorde. Mais le rire est le propre de l’homme. Et le rire est une forme de résistance, aussi. Les errements, fourvoiements, dévoiements que nous constatons partout dans la société peuvent donner matière à dessiner et à écrire. Tout comme la mauvaise foi manifeste, l’obstination myope et l’arrogance de prétendus responsables et patrons à favoriser la richesse au détriment des droits les plus élémentaires. Tout cela fournit à notre journal une matière première de la plus haute qualité. Merci chers Charles, Théo, Kris, Marie- Christine, Jan, Maggie, Koen, Paul, Johan, Maxime, Bart ainsi qu’à tous vos collègues ministres. Merci à vos amis banquiers et à leurs lobbyistes européens. Merci aux multinationales, aux histrions de l’ultra-libéralisme, aux missionnaires du capitalisme financier. Quel plaisir de relever vos mensonges, vos approximations, vos détournements sémantiques et financiers, vos non-dits et vos contradictions afin de les porter au grand jour sur la place publique. Grâce à vous, Même Pas Peur existe ! Merci pour la chasse aux réfugiés, la fin du remboursement des opérations cardiaques, les semaines de 45 heures, la pension à 67 ans, l’européenne austérité… Merci à vos émissaires et zélateurs aussi, aux contrôleurs de la disponibilité des chômeurs, délateurs en tous genres, défenseurs du « droit au travail » qui s’attaquent à vos côtés à ces gangrènes que sont la pauvreté et le manque d’emplois. Merci aux pisse-copies et aux magistrats torves. Les premiers pour traduire les actes de résistance en histoires de casseurs et pour leur populisme baveux. Les seconds pour transformer, au nom du secret des affaires, la liberté et le droit d’être informés en faits de délinquance. Merci à nos patrons, aussi soucieux de notre bien-être et de notre niveau de vie que du leur. Merci à Caterpillar, Axa et tous les autres pour les licenciements collectifs et fermetures. Merci aussi à Engie- Electrabel, « entreprise citoyenne et responsable », pour sa contribution zéro à nos contributions. Merci à vous, prédicateurs, prophètes ou officiers de toutes obédiences : grâce à vous, les humains vivent une vie d’enfer et la sacrifient dans l’espoir d’une existence meilleure dans l’un ou l’autre paradis qui ne soit pas fiscal. Merci aux flics, avec mention spéciale au commissaire Pierre Vandersmissen, qui assurent avec tant de zèle et d’assiduité notre sécurité dans les rues et ce, en particulier lorsque le peuple y manifeste contre le gouvernement (comme il respire). Merci pour le flicage de nos vies et des lieux publics, merci aux urbains urbanistes et publicistes, pour le saccage de nos villes et nos campagnes. Merci à Elio pour ses hémorragies cardiaques successives et aux GPS des chirurgiens qui prennent les petites routes. Merci à l’AFSCA et à l’OCAM qui assurent notre protection contre l’insidieuse prolifération de nos invisibles ennemis. Merci, merci, mille fois merci ! Grâce à vous, Même Pas Peur a de beaux jours devant lui ! Ces 4 pages centrales ont été distribuées lors de la manifestation du 29 septembre 2016