30 ATYPEEK MAG #01 OCT./NOV./DEC. 2016 CHRONIQUES ALBUMS & Singles NOTRE COUP DE Coeur “6 TALES OF HORROR” MISMERIZER le grand retour Au début des années 90, alors que Miami était fasciné par le cul, le rap de Memphis se tournait plutôt vers les cercles les plus sombres de l’enfer. Une marque de fabrique qui fit sa renommée et qui enfanta, au hasard, la légendaire Three-6-Mafia. Depuis, le horror rap se fait un peu plus discret - même si çà et là des résurgences se font jour, type Suicidesboy$. C’est pourtant sur ce chemin tortueux que vient se balader le groupe Mismerizer redonnant le coup de fouet à ce genre qui n’a pas tout donné. Sa sauce à lui s’appelle le Creep-hop et voici, pour Halloween, leur nouveau single en avant-première avec le grand connaisseur Creep-Lo. Gueugneau Maxime - KIBLIND Pour lire un QR Code, il suffit de télécharger une application de lecture de QR Codes. D’ouvrir l’application et viser le QR Code avec l’appareil photo de son téléphone mobile et l’application lance l’écoute de l’album.
ALBUMS Date de sortie : 31/10/2016 Durée : 17 min Nationalité : US/FR Styles : CREEP HOP ELECTRO RAP Date de sortie : 11/11/2016 Durée : 39 min Nationalité : UK Styles : experimental doom folk / kraut / no wave / psych Date de sortie : 22/10/2016 Durée : 45 min Nationalité : FR Styles : Rock Acid / Fuzz / Noise / Psychedelic Punk Stoner MISMERIZER FEAT CREEP-LO 6 TALES OF HORROR - PART. 1 (<strong>Atypeek</strong> Music) Vous l’aurez compris, Mismerizer viens ici brouiller encore les pistes. Et pour Halloween, en s’associant avec le talentueux Creep-Lo, cet EP de 6 titres vient tapiner là ou on n’aurait pas imaginé Mismerizer. Ce rapprochement est encourageant, puisqu’ils ont su déployé le talent nécessaire pour donner à leur musique un spectre plus vaste et pas uniquement un revival du rap du « American Heartland » et d’hommage à La nuit des masques. Ici il y clairement une capacité à explorer des nouvelles sonorités et toucher un public plus large, et les deux cousins semblent avoir déjà trouvé la bonne formule pour s’émanciper. Pour faire court, l’EP s’ouvre en fanfare avec « The Number of the Bitch » histoire de placer le cadre. Pour l’occasion, Mismerizer installe la dualité d’une esthétique graphique et d’une musique toute personnelle à l’image d’artistes comme M.I.A., Peaches ou Christeene. ici on est dans le versant le plus moite et groovy du southern rap : la version funky, divertissante et décalée des Geto Boys et Girls. L’EP nous dépeint une vie de loose totale (à la Dope D.O.D.), de déprime soignée aux fêtes satanistes bien colorées et aux errances urbaines… Derrière ses provocs satanistes, « A Tale of Horror Part 1 » est définitivement de ces EP rap qui se complaisent d’avoir les pieds dans le caniveau, le discours vénère, toutes griffes dehors, dont les productions semblent parfois avoir la capacité de lacérer et de compacter le temps. « Werewolf on Heels » en est une bonne illustration et cerise sur le gâteau, le premier extrait lâché en exclusivité avec la vidéo « VIVIVI » est une petite bombe. Mismerizer se transforme en bombasse cocasse, assortie d’une bande de Bad Girls, sortie de Faster Pussycat version Lolita restauré en technicolor. En achevant son couplet comme souvent, Mismerizer hurle ou chuchotte comme une damnée, posant des couplets violents et secs comme une batte en pleine nuque. VIVIVI est donc incontestablement le tube de l’EP et laisse à imaginer une suite très attendue pour le prochain Halloween avec la partie 2, l’apocalypse est proche, tout se passe comme prévu. ✎ John Maldoror TERMINAL CHEESECAKE Dandelion Sauce Of The Ancients (Box Records) Quand on laisse derrière soi quatre albums aussi majeurs que Angels In Pigtails (1990), Pearlesque Kings Of The Jewmost (1992), Gateau D’Espace (1993) et King Of All Spaceheads (1994), et que l’on a signé les albums majeurs de la noise anglaise des 90’s, les Terminal Cheesecake auraient pu vaquer tranquille vers d’autres horizons. Mais Russ Smith, John Jobaggy et Gordon Watson en décidèrent autrement et, après 22 ans de silence radio, en 2015, après avoir recruté un casting judicieux avec leur potes Dave Cochrane (Head Of David, God, Techno Animal, The Bug, Greymachine…) et Neil Francis (Gnod), les Terminal Cheesecake se lance corps et âme dans une tournée DIY Européenne mémorable, le groupe enregistrera à l’Embobineuse le live “Cheese Brain Fondue : Live In Marseille”. Histoire de marquer le coup. Un an plus tard, “Dandelion Sauce Of The Ancients” prouve que la saga Terminal Cheesecake est loin d’être finie. Toujours encadré par les guitaristes Russ Smith, Gordon Watson et le batteur John Jobaggy, Neil Francis déroule sa voix tout au long de ce septième album studio qui surprend comme toujours, car aucun de leurs albums ne se ressemblent. Cette fois-ci le rouleau compresseur se met au service d’une noise psychédélique étrange et identifiable en moins de deux mesures. Cette alliance est unique entre guitares saturées et carnassières et refrains pop. On sent même ici les Terminal Cheesecake un brin nostalgiques de leur début, certaines chansons lorgnant même ouvertement vers leur âge d’or de l’aube des 90’s allant jusqu’à faire un détour en 1967 du côté des expériences du jeune Jimi. En 7 coups fatals les Terminal Cheesecake reprennent leur place sur l’échiquier des groupes de noise majeurs aux côtés des Sonic Youth, Butthole Surfers, Swans, Lighnting Bolt, Dälek, Einstürzende Neubauten, Sunn O))) et ils n’ont plus qu’à conquérir la jeune génération, l’ancienne leur restera fidèle. ✎ CF NOYADES GO FAST (SK RECORDS / <strong>Atypeek</strong> Music) Non mais attendez une toute petite seconde : on est en 2016, non ? Je me pose une nouvelle fois la question parce qu’à l’âge qu’ont les trois membres de Noyades – 25 ans printemps maximum, et encore je n’en suis même pas vraiment sûr pour le guitariste – j’aurais littéralement craché dans la soupe d’un air profondément outragé. Quoi ? De la musique instrumentale qui n’a pas peur de bisouiller du côté des seventies dans ce qu’elles ont eu de plus rance ? Sur Go Fast, le tout premier album de Noyades, ce qui impressionne largement ici c’est avant tout la domination sans partage de la fée électrique, la seule et l’unique. C’est peu dire que ce disque déboîte/déchire/nique sa race comme disent les jeunes (encore) mais oui, voilà bien l’un des albums de cette année 2016, toutes catégories confondues. Nous avons donc affaire à trois musiciens chevelus ou barbus – voire les deux en même temps – qui remettent au goût du jour le power trio dans ce qu’il a de plus essentiel. Une guitare intergalactique qui tue, une basse (une Rickenbacker !) avec un gros son tout bien monstrueux comme il faut et un batteur tellement impressionnant que je lui pardonnerais presque de jouer dans Sunder. La musique est instrumentale mais d’une telle intensité que c’est le genre de détail qui ne peut froisser que les rockers intransigeants et fatigués car le propos est à la fois généreux et complètement sauvage et, malgré les effets de manche, on reste avant tout scotché par cette vision punk et débridée de faire de la musique labyrinthique – repensez un peu à tous ces groupes japonais qui les premiers ont compris que les années 70 n’étaient pas totalement à jeter à la poubelle : Acid Mothers Temple, Mainliner, High Rise, Musica Transonic, etc. En plus le son de l’enregistrement est tout bonnement incroyable, chaque instrument et chaque note restent en tête, et en même temps Go Fast est une boule de feu crépitante, aux ramifications jamais totalement entièrement explorées, une sorte de déambulation enivrante au cœur d’une tempête de sons, au milieu d’un vortex de couleurs insoumises – la violence et la beauté à la fois. Un grand bravo également à Synckop qui a réalisé l’artwork du disque). ✎ Hazam ATYPEEK MAG #01 OCT./NOV./DEC. 2016 31