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DÉCEMBRE 2016 / Même pas peur N o <strong>14</strong> / 5<br />
L'oe i l de l’Observatoire<br />
Bruxellois du Clinamen<br />
de la nécessité<br />
de nouveaux<br />
appétants<br />
Dr Lichic<br />
Nul ne l’ignore, les additifs appétants présentent de bels et<br />
beaux avantages, parmi lesquels et non des moindres parvenir<br />
à nous faire saliver, désirer puis acheter des gaufres de Liège<br />
en gare, au mépris de notre expérience qui nous hurle pourtant<br />
au cerveau qu’elles sont proverbialement décevantes et<br />
indigestes. Que des étouffe-chrétiens notoires, dont la recette<br />
procède sans nul doute du mélange de farine de manioc, de<br />
ciment et de couenne de porc fondue, puissent nous paraître<br />
cependant désirables et ce de manière éternellement renouvelée,<br />
voilà le miracle de ces joyeuses molécules de l’agro-alimentaire<br />
! Il en est d’autres, bien entendu, dont l’énumération,<br />
plaisante de prime abord (ah l’alléchante fragrance des hamburgers,<br />
aussi plaisants au museau que pesants à l’estomac !),<br />
serait vite fastidieuse. Mais ce n’est pas des succès de l’augmentation<br />
fulgurante de la perception olfacto-gustative et sa<br />
contribution au progrès de l’obésité nationale dont nous souhaitons<br />
vous entretenir aujourd’hui, cher lecteur. Mais plutôt<br />
des manques en ce domaine ! Que dis-je, des manques ?<br />
Des béances intolérables ! Des lacunes formidables ! Il s’avère<br />
en effet que nous soyons obligés d’avaler quotidiennement<br />
de plus en plus de sujets et matières indigestes. Réformes,<br />
plans sociaux, mesures anti-terroristes…les imbuvables ne<br />
manquent pas. À mesure que nos nombreux gouvernements<br />
et entreprises s’y attèlent sans réserve, nos entrailles saturent<br />
de même. La lippe pincée, le quidam rechigne. Tout cela lui<br />
paraît peu appétissant, insipide, voire non comestible. Et que<br />
fait la recherche en ce domaine ? Rien. Nul savant pour se pencher<br />
sur ce secteur inexploré des laudanums ou édulcorants<br />
pour mauvaises nouvelles. Permettez donc, cher lecteur, que<br />
je propose à ces flemmards patentés de la recherche subventionnée<br />
quelques pistes de réflexions en matière de nouveaux<br />
exhausteurs de goût, et dont le besoin se fait généralement<br />
sentir : ainsi, le glutamate de la rébellion, que l’on diffusera au<br />
journal parlé lorsqu’une manifestation sociale est dispersée<br />
violemment ; le sel de petit caractère, pour assaisonner ceux<br />
des contrats d’assurance ; l’as-partime, pour épicer les emplois<br />
précaires et les temps partiels ; l’hagard-hagard, ajouté à la<br />
soupe de boniments servie lors des licenciements de masse ;<br />
le condensat de fumée, que l’on additionnera au classique<br />
enfumage publicitaire ; l’arôme de Faribole, pour rehausser<br />
les prêches un peu fades des curés et imams, l’acétate de zinc,<br />
pour faire passer aux habitués de comptoir la taxe sur les boissons<br />
alcoolisées, ou encore l’huile essentielle d’Absoute, pour<br />
éviter de saler l’amnistie fiscale consentie aux riches fraudeurs.<br />
Ces modestes exemples démontrent à l’envi comme le<br />
champ des révélateurs de goût est encore vaste à défricher ! Au<br />
travail, ce ne sont pas les couleuvres qui manquent à avaler !