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A vos plumes !<br />
Histoires - Poésies - Témoignages<br />
Amis imaginaires<br />
Je joue et je déjoue ; je conte et je raconte…<br />
Scénarios vivants qui se réinventent plus vite que<br />
mon esprit est agile.<br />
« Pas si vite ! Ça va trop vite ! Stop sur images ! »<br />
« Où en étais-je ? ah, oui… »<br />
J’ai <strong>de</strong>s amis imaginaires. Je vis toutes sortes<br />
d’aventures folles, loufoques, burlesques,<br />
rocambolesques, mais aussi parfois, moroses,<br />
chagrines, ténébreuses et effrayantes. Si affligées,<br />
tristes qu’elles me ravissent <strong>de</strong>s larmes endolories,<br />
et m’extravaguent dans un <strong>de</strong>s méandres, tours<br />
et détours <strong>de</strong> l’Histoire. Je chaloupe ; j’écope ces<br />
trop-pleins frissonnants ; je plonge sous les draps<br />
ou décline la tête, déchois mon nez sur le livre<br />
qui converse avec mes fictions. Certaines fois,<br />
mes récits sont si abracadabrants, si drôles que je<br />
m’esclaffe. Oui ! Même, <strong>de</strong>s fous rires ! Et les gens<br />
m’épinglent avec ce charmant sobriquet : « folle » !<br />
Je joue et je déjoue ; je conte et je raconte…<br />
À mes amis imaginaires, <strong>de</strong>s légen<strong>de</strong>s épiques<br />
surgies tout droit <strong>de</strong> ma fantaisie sans fond.<br />
Hélas, pas tant que cela !<br />
Je sens un souffle sur ma peau, proche, très<br />
proche. Puis au loin, très loin, assourdie par une<br />
dimension différente, j’entends la voix criar<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> ma mère ou du professeur qui serine mon<br />
prénom tel un leitmotiv, jusqu’à ce que je me<br />
rattache à cette désolante et insipi<strong>de</strong> réalité.<br />
« Non seulement, on me déconcentre en pleine<br />
séance, mais en plus, on me punit ! C’est un comble ! »<br />
Je joue et je déjoue ; je conte et je raconte…<br />
Croix assurée, main jurée, à mes amis imaginaires<br />
! Mais, il n’y a que moi qui les vois, les entends.<br />
« Chut ! Les autres, faut pas leur dire ! Ils sont<br />
trop grands ! Ils ont perdu les rêves ! C’est comme<br />
l’histoire du Père Noël, si on l’aperçoit, il ne<br />
vient plus. Ben moi, avec mes copains, c’est le<br />
contraire ! Ils viennent parce que moi, je les vois !»<br />
Mes alter ego invisibles, je leur fais une place<br />
à table. Ils ont un fauteuil ou une chaise<br />
préférée ; parfois aussi, ils s’asseyent en<br />
tailleur, s’allongent sur le tapis. Il y en a même<br />
un, qui folâtre funambule et voltige sur les<br />
armoires, sur les lustres ; il ne tombe jamais !<br />
Mes compagnons <strong>de</strong> jeux, je les bor<strong>de</strong> dans mon<br />
lit et je leurs narre <strong>de</strong>s histoires pour les aimer<br />
et les endormir.<br />
Je joue et je déjoue ; je conte et je raconte…<br />
Petit à petit, mes amis imaginaires se manifestent<br />
moins. Ils sont jaloux <strong>de</strong> mes camara<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
classe et ils disparaissent, les uns après les autres,<br />
doucement, sans faire <strong>de</strong> bruit ; comme si, ils n’avaient<br />
jamais, été là.<br />
Je me suis soupçonnée trahie ; comme eux du reste !<br />
Ils me manquent terriblement ! Il n’y a plus<br />
personne à qui raconter mes fables. D’ailleurs,<br />
je ne rêve presque plus…<br />
j’suis <strong>de</strong>venue gran<strong>de</strong>.<br />
Michelle Velay<br />
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