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« Oh ! Mon enfance ! »<br />
Des filets <strong>de</strong> lumière filtrés par les volets chatouillèrent mon visage. Je<br />
remontais la couverture sur mon front pour maintenir l’ombre <strong>de</strong> la<br />
nuit sur mon sommeil qui déjà, s’évaporait. Mon corps alourdi refusait <strong>de</strong><br />
bouger, mais mon esprit, <strong>de</strong>rrière mes yeux clos, respirait sa conscience<br />
<strong>de</strong> la journée nouvelle.<br />
Le tic tac du réveil brisa le silence et se mit à tambouriner mes tempes.<br />
Je m’énervais, changeais <strong>de</strong> place, mais tenace, ce rythme obsédant me<br />
poursuivait. Et voilà-t-il pas, en plus, le chant <strong>de</strong>s oiseaux ! Des hiron<strong>de</strong>lles<br />
avaient fait leur nid au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la toiture <strong>de</strong> ma chambre. L’appel<br />
<strong>de</strong>s petits tout déplumés, le corps rose et le bec toujours éclos qui<br />
attendaient le dépôt <strong>de</strong> nourriture portée par leurs parents, serinait ma<br />
patience. Au loin, l’écho d’un moteur… Son connu ! C’était le motoculteur<br />
du voisin cassant <strong>de</strong>s mottes <strong>de</strong> terre afin d’aérer et <strong>de</strong> préparer le terrain<br />
à <strong>de</strong> nouvelles semences.<br />
Un autre bruit perçu… Et ce <strong>de</strong>rnier, me fit bondir du lit, ouvrir grand<br />
les yeux, fenêtres et persiennes. Le jour afflua et m’engloutit tout entière.<br />
Je respirais l’herbe coupée, l’humus fraîchement retourné, humi<strong>de</strong>, et les<br />
cris joyeux <strong>de</strong>s enfants, sautant, éclaboussant. Me voilà plus du tout dans<br />
les temps <strong>de</strong> farnienter, mais ceux <strong>de</strong> bouger, m’amuser, vivre, quoi !<br />
Je <strong>de</strong>scendis les escaliers quatre à quatre en m’imaginant le goût <strong>de</strong> mes<br />
tartines <strong>de</strong> confiture qui craqueraient dans ma bouche, mais impatiente :<br />
point d’halte. J’ignorais l’o<strong>de</strong>ur du café.<br />
Déjà je courais, accompagnée <strong>de</strong> ma respiration et du claquement régulier<br />
<strong>de</strong> mes savates sur le sol. J’écoutais le bruissement <strong>de</strong>s hautes herbes<br />
écrasées sur mon passage et le tumulte <strong>de</strong> la course <strong>de</strong> la rivière qui trépignait<br />
mon impétuosité. Tout s’amplifiait au fur et à mesure que je me rapprochais<br />
ainsi que cette vague d’air frais engouffrée dans mes poumons.<br />
Je sautais dans l’on<strong>de</strong> vive, rafraîchie d’une gerbe <strong>de</strong> gouttelettes précipitées<br />
dans le courant avec un chant <strong>de</strong> clochettes. Ma tête, sous l’eau,<br />
absorba tous les sons. Un moment, tous les bruits <strong>de</strong>vinrent lointains et<br />
lorsque je remontais à la surface, ils se démultiplièrent. Il n’y avait plus,<br />
quatre ou cinq enfants qui criaient, mais au moins une bonne dizaine !<br />
Cela ne dura qu’un instant et mes yeux me firent oublier ce que j’entendais.<br />
Je jouais, m’amusais et, « oh ! Mon enfance ! », c’était chouette !<br />
Michelle Velay<br />
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