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Histoire - Fondation de la France Libre

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Opération « Inbred »<br />

En septembre 1943 le MFV2023 exécuta<br />

l’opération « Inbred1 » dans le but <strong>de</strong><br />

récupérer <strong>de</strong>s agents et du courrier mais<br />

« Les Deux Anges » ne fut pas au ren<strong>de</strong>zvous.<br />

En octobre le A04 fut envoyé pour<br />

tenter « Inbred II » qui avait le même<br />

objectif qu’« Inbred I ». Le temps était<br />

mauvais avec <strong>de</strong> forts vents <strong>de</strong> sud-ouest.<br />

Nous quittâmes Tresco avec l’intention<br />

d’atteindre Bishop Rock et d’y évaluer <strong>la</strong><br />

situation. Alors que nous atteignions <strong>la</strong><br />

pleine mer le moteur décida <strong>de</strong> s’arrêter à<br />

cause d’un filtre encrassé ; le chef, tout à<br />

fait stoïque, entreprit <strong>de</strong> le nettoyer alors<br />

que nous observions avec une certaine<br />

appréhension les brisants écumants sous<br />

le vent. Puis nous vînmes au vent et forçâmes<br />

notre route contre d’énormes<br />

vagues jusqu’au phare. A l’évi<strong>de</strong>nce, il n’y<br />

avait pas d’espoir <strong>de</strong> réussir <strong>la</strong> traversée,<br />

aussi le quartier général nous fit-il rentrer<br />

àTresco.<br />

Le Prési<strong>de</strong>nt Herriot au départ <strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> Scilly lors <strong>de</strong><br />

l’opération Inbred en septembre 1943 (coll. particulière).<br />

Une quinzaine <strong>de</strong> jours plus tard, le 18<br />

octobre 1943 « Inbred III » fut décidé.<br />

Nous partîmes avec un temps peu prometteur,<br />

un baromètre en chute et du vent<br />

<strong>de</strong> sud-est ; cependant nous marchâmes à<br />

une vitesse raisonnable malgré une forte<br />

houle et continuâmes au sud jusqu’à<br />

notre point tournant vers l’est pour nous<br />

rapprocher <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre. Peu après ce changement<br />

<strong>de</strong> cap le vent forcit jusqu’à une<br />

vitesse que nous estimions entre 70 et 80<br />

nœuds. Il n’y avait pas <strong>de</strong> chance raisonnable<br />

<strong>de</strong> réussir le ren<strong>de</strong>z-vous, car <strong>la</strong><br />

houle le rendrait impossible pendant au<br />

moins trois jours et nous dépasserions<br />

alors les dé<strong>la</strong>is prévus. De plus, nous<br />

étions en grand danger car il nous était<br />

impossible <strong>de</strong> faire route sous le vent pour<br />

chercher un abri. La sécurité du dispositif<br />

<strong>de</strong>venait alors critique. Tout bien pesé je<br />

décidai <strong>de</strong> rentrer.<br />

Nous <strong>de</strong>vions d’abord gagner le <strong>la</strong>rge pour<br />

éviter le champ <strong>de</strong> mines ce qui signifiait<br />

faire cap vent <strong>de</strong>bout. La mer était<br />

énorme et le vent tellement violent qu’elle<br />

s’ap<strong>la</strong>tissait dans les rafales pour <strong>de</strong>venir<br />

ensuite encore plus forte. Le A04 était<br />

6 l Septembre 2011 • N° 41<br />

HISTOIRE<br />

splendi<strong>de</strong>, il se levait dans <strong>la</strong> vague<br />

comme un canard projetant les embruns<br />

plus haut que <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> mât, vibrait, faisait<br />

comme une pause et repartait en avant.<br />

Après avoir fait suffisamment <strong>de</strong> route<br />

vers le <strong>la</strong>rge, ce qui nous parut durer une<br />

éternité, nous pûmes <strong>la</strong>isser porter et faire<br />

venir le vent à <strong>la</strong> hanche bâbord. Presque<br />

immédiatement se produisit un énorme<br />

fracas, le moteur partit en survitesse et le<br />

bateau tout entier se mit à vibrer. Nous<br />

avions heurté une épave et endommagé<br />

notre hélice perdant, nous le constatâmes<br />

plus tard, une pale entière et près <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

moitié d’une autre. Même à vitesse très<br />

réduite le moteur perdait <strong>de</strong> l’huile et le<br />

chef craignait que les fortes vibrations ne<br />

finissent par rompre <strong>la</strong> ligne d’arbre à<br />

l’arrière. Il n’y avait pas d’autre solution que<br />

d’arrêter le moteur et <strong>de</strong> rentrer à <strong>la</strong> voile.<br />

La grand’voile, <strong>la</strong> misaine et le foc nous<br />

donnaient une vitesse d’environ 2 à 3<br />

nœuds mais les violents mouvements du<br />

bateau étaient très atténués. Le premier<br />

impératif était <strong>de</strong> se maintenir à<br />

l’extérieur du champ <strong>de</strong> mines et <strong>de</strong> passer<br />

Ouessant en sécurité. Après ce<strong>la</strong> nous<br />

pourrions faire route vers Helford.<br />

A <strong>la</strong> vitesse <strong>de</strong> 3 nœuds nous pouvions<br />

donc parcourir environ 70 milles par jour,<br />

il nous fal<strong>la</strong>it donc <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 24 heures<br />

pour atteindre l’ouest d’Ouessant et 3<br />

jours <strong>de</strong> plus pour toucher les côtes<br />

ang<strong>la</strong>ises. C’est dire qu’au moment où<br />

nous fîmes l’atterrissage, nous n’avions<br />

pu faire <strong>de</strong> point <strong>de</strong>puis 5 jours. Quand<br />

enfin nous découvrîmes <strong>la</strong> terre, nous<br />

approchions <strong>de</strong> <strong>la</strong> baie <strong>de</strong> Saint Austell. Le<br />

vent et le courant nous avaient poussés<br />

bien plus à l’est que nous ne l’avions estimé.<br />

Cependant, au même moment le vent se<br />

calma un peu et nous perçûmes <strong>la</strong> protection<br />

du Cap Lizard, ce qui nous permit <strong>de</strong><br />

redémarrer le moteur et <strong>de</strong> rejoindre tant<br />

bien que mal, doucement et péniblement<br />

<strong>la</strong> rivière Helford.<br />

Ce fut avec beaucoup <strong>de</strong> sou<strong>la</strong>gement que<br />

nous prîmes notre mouil<strong>la</strong>ge, totalement<br />

épuisés mais non sans fierté d’appartenir<br />

aux rarissimes navires <strong>de</strong> Sa Majesté qui,<br />

pendant <strong>la</strong> Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale,<br />

rentrèrent <strong>de</strong> mission à <strong>la</strong> voile.<br />

Ce fut là ma <strong>de</strong>rnière opération et en<br />

novembre je rejoignis Fishguard pour<br />

prendre le comman<strong>de</strong>ment du yacht à<br />

moteur Anne qui opérait comme escorte<br />

d’un sous-marin expérimental du SOE.Ce<br />

fut aussi, autant que je puisse le savoir, <strong>la</strong><br />

<strong>de</strong>rnière opération conduite par <strong>la</strong><br />

patrouille côtière sur les côtes ouest <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Bretagne, bien que <strong>la</strong> Section <strong>de</strong>s forces<br />

côtières à Dartmouth continuât à mener<br />

<strong>de</strong>s missions audacieuses et bril<strong>la</strong>ntes sur<br />

les côtes nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bretagne.<br />

A cette époque <strong>la</strong> RAF avait perfectionné<br />

ses techniques d’atterrissage <strong>de</strong> nuit et<br />

pouvait accomplir en une nuit ce qui nous<br />

prenait 3 jours dans le meilleur <strong>de</strong>s cas.<br />

Pendant les 21 mois d’activité <strong>de</strong> <strong>la</strong> flottille,<br />

une traversée fut effectuée presque<br />

chaque mois. Un grand nombre d’agents<br />

furent transportés dans les <strong>de</strong>ux sens et le<br />

courrier acheminé contenait <strong>de</strong>s renseignements<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus haute importance.<br />

Tout ce<strong>la</strong> fut accompli à <strong>la</strong> barbe <strong>de</strong>s<br />

Allemands sans qu’aucune vie ne soit perdue<br />

et mené à bien grâce à une organisation<br />

méticuleuse et un souci du détail non<br />

seulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s équipages mais<br />

aussi du quartier général, <strong>de</strong>s reconnaissances<br />

et escortes <strong>de</strong> <strong>la</strong> RAF, <strong>de</strong>s ingénieurs,<br />

<strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong>s transmissions,<br />

<strong>de</strong>s ouvriers <strong>de</strong>s chantiers et <strong>de</strong> tous ceux<br />

qui d’une manière ou d’une autre contribuèrent<br />

à notre succès.<br />

Richard Townsend Lt (RNVR)<br />

Traduit par Yves Ploux,<br />

Capitaine <strong>de</strong> vaisseau honoraire<br />

En récompense <strong>de</strong> ses services Richard<br />

Townsend reçut <strong>la</strong> DSO (Distinguished<br />

Service Or<strong>de</strong>r).<br />

Après <strong>la</strong> guerre, il fut professeur <strong>de</strong><br />

Français et d’Allemand, carrière qu’il termina<br />

comme directeur <strong>de</strong>s Langues<br />

mo<strong>de</strong>rnes au Lycée <strong>de</strong> Portree dans l’île <strong>de</strong><br />

Skye en Ecosse.<br />

Il est décédé en 1999.<br />

C’est à l’occasion d’une recherche sur <strong>la</strong><br />

mission du philosophe Jean Cavaillès à<br />

Londres en février 1943 que Sir Brooks<br />

Richards nous mit en re<strong>la</strong>tion avec Richard<br />

Townsend qui nous fit parvenir <strong>de</strong>s photographies<br />

prises à bord lors <strong>de</strong>s missions.<br />

Par <strong>la</strong> suite Madame Townsend nous communiqua<br />

très aimablement le texte <strong>de</strong>s<br />

souvenirs <strong>de</strong> son mari en soulignant qu’elle<br />

serait très heureuse et honorée qu’ils soient<br />

publiés en <strong>France</strong>.

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