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Haiti Liberte 13 Septembre 2017

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Perspectives<br />

Coup d’œil sur l’arrivée des migrants haïtiens au Canada<br />

venus des États-Unis!<br />

Par Serge Bouchereau<br />

Déjà engagé dans une bataille au Canada<br />

pour la régularisation du statut des<br />

personnes concernées par la levée, le 1er<br />

décembre 2014, d’un moratoire qui a été<br />

reconduit en février et en octobre 2016<br />

par le gouvernement libéral, voilà que<br />

le Comité d’Action des Personnes Sans<br />

Statut (CAPSS) est maintenant interpellé<br />

par l’arrivée de migrants qui traversent la<br />

frontière canado-américaine, créant ainsi<br />

une nouvelle situation qui confronte le<br />

comité et l’oblige à continuer la lutte;<br />

mais sur deux fronts distincts cette fois-ci,<br />

même s’il s’agit en fait de la même lutte.<br />

De quelle nouvelle situation<br />

s’agit-il?<br />

De l’arrivée massive de migrants haïtiens<br />

et d’autres venus des États-Unis en<br />

quête d’un refuge au Canada. Majoritaires<br />

jusqu’ici, les ressortissants haïtiens, demandeurs<br />

d’asile, affluant à la frontière<br />

canado-américaine, viennent surtout<br />

de la Floride. Plusieurs d’entre eux ont<br />

transité dans des pays tels que l’Équateur,<br />

le Brésil, le Chili, le Venezuela ou dans des<br />

pays des Antilles, avant de se rendre aux<br />

États-Unis pour enfin arriver à la frontière<br />

canadienne avec enfants et bagages.<br />

Pourquoi les Haïtiens laissent les<br />

États-Unis pour venir au Canada?<br />

Deux raisons peuvent expliquer l’exode<br />

des Haïtiens. La cadence de leur arrivée,<br />

la concentration en un seul lieu (Municipalité<br />

de Saint-Bernard-de-Lacolle) et le<br />

nombre croissant à cet endroit sont d’un<br />

autre ordre et ont peu d’importance devant<br />

ce drame humain, exception faite pour les<br />

journalistes qui font le choix d’éviter le<br />

cœur des problèmes cuisants pour mettre<br />

tout l’accent plutôt sur les à-côtés insignifiants<br />

d’un sujet brûlant. D’abord, la situation<br />

catastrophique de leur pays d’origine<br />

avec un État incapable de satisfaire<br />

aux besoins primaires les plus élémentaires<br />

de la population, les désastres naturels<br />

successifs, la pandémie du choléra<br />

introduite par les forces d’occupation<br />

militaire de l’ONU, la violence politique,<br />

l’insécurité créée par les kidnappings, le<br />

banditisme, l’impunité, les exactions des<br />

sbires du pouvoir néo-duvaliériste imposé<br />

à l’aide d’élections truquées et téléguidées<br />

de l’extérieur et enfin, l’appui des pays<br />

soi-disant «amis d’Haïti» qui font tout<br />

pour maintenir le statu quo. Bref, un État<br />

de non-droit règne sur Haïti, imposé par<br />

les Néo-duvaliéristes, récemment reconduits<br />

au pouvoir sous le label PHTK (Parti<br />

Haïtien Tèt Kale).<br />

Rappelons pour compléter ce tableau,<br />

qu’une succession de gouvernements<br />

incapables, corrompus, imposés à<br />

la population haïtienne et soutenus par<br />

les pays tuteurs dont le tout dernier mis<br />

en place récemment a, à sa tête, un président<br />

inculpé de blanchiment d’argent,<br />

un Parlement rempli de coupe-gorges,<br />

de trafiquants de drogue et de hors-la loi<br />

qui n’ont rien trouvé d’utile à produire<br />

qu’un projet de remobilisation de l’Armée<br />

criminelle qu’a connue le pays, à la fin de<br />

l’occupation militaire américaine d’Haïti<br />

en 1934. Sa mission, selon les vœux<br />

de l’occupant qui l’avait créée, était de<br />

soutenir les dictatures successives ayant<br />

dirigé le pays et réprimer toute agitation<br />

ou révolte populaire. Ce projet déjà adopté<br />

par le Sénat nous dit très long sur la<br />

frayeur et la panique qui s’emparent de<br />

la population en général et des demandeurs<br />

d’asile dont plusieurs ont été victimes<br />

dans le passé, des agissements de<br />

l’Armée-macoute des Duvalier, des Henri<br />

Namphy, des Prosper Avril, des Ertha<br />

Trouillot et Hérard Abraham, des Raoul<br />

Cédras et de son acolyte Michel François<br />

pour ne citer que ceux-là. Par ailleurs,<br />

ce Parlement vient d’adopter une loi interdisant<br />

le mariage entre les personnes<br />

du même sexe. Ces dernières, ainsi que<br />

les complices d’un tel acte sont passibles<br />

Majoritaires jusqu’ici, les ressortissants haïtiens, demandeurs d’asile,<br />

affluant à la frontière canado-américaine, viennent surtout de la Floride<br />

d’emprisonnement. Un motif de plus pour<br />

ne pas vouloir retourner en Haïti si l’orientation<br />

sexuelle de certains migrants n’est<br />

pas conforme aux normes du pouvoir en<br />

place; d’autant plus que depuis un certain<br />

temps, l’homophobie bat son plein dans<br />

le pays au point où des homosexuels ont<br />

été lynchés par la population.<br />

La logique du raisonnement des<br />

Émigrés<br />

«Quand on est bien chez soi, on reste<br />

chez soi». «Quand on n’est pas bien chez<br />

soi, on part à l’étranger». «Quand on est<br />

pas bien à l’étranger, on rentre chez soi».<br />

«Quand cela va mal chez soi, et que l’on<br />

est à l’étranger, on ne retourne pas chez<br />

soi, on cherche un refuge en prenant des<br />

risques qui peuvent être mortels». C’est le<br />

cas de bon nombre d’Haïtiens, hélas! Bon<br />

nombre se font humiliés ou sont morts en<br />

poursuivant cette logique jusqu’au bout.<br />

L’arrivée au pouvoir du gouvernement<br />

de Donald Trump, au début de<br />

cette année, a changé la donne et a<br />

compliqué la situation des sans statuts<br />

aux États-Unis en provoquant dans un<br />

premier temps la crainte chez ces gens<br />

qui avaient obtenu un moratoire appelé<br />

«Temporary Protected Status (TPS)» qui<br />

leur permettait de demeurer provisoirement<br />

sur le territoire américain et y travailler<br />

sans redouter d’être déportés. Les<br />

menaçant de supprimer le «TPS» à la date<br />

de son expiration le 22 janvier 2018,<br />

Donald Trump a créé une panique sans<br />

pareil parmi ces personnes dont l’objectif<br />

était de régulariser leur statut aux États-<br />

Unis même.<br />

Conscients de l’arrogance et de la<br />

hargne qui habitent ce président xénophobe<br />

envers les immigrants et les sans<br />

statuts et, étant au courant de certaines<br />

déclarations favorables et positives faites<br />

par des autorités tant à Ottawa qu’à Montréal<br />

au sujet des portes qui sont grandes<br />

ouvertes au Canada et de Montréal déclaré<br />

ville sanctuaire, ces demandeurs<br />

et demanderesses d’asile se sont rués sur<br />

le Québec - leur dernier espoir - en souhaitant<br />

de tout leur cœur bénéficier de la<br />

solidarité de la communauté d’accueil et<br />

évidemment de celle de la communauté<br />

haïtienne plus particulièrement.<br />

Cependant, au Canada, la réception<br />

faite à la frontière n’est pas à la hauteur<br />

des attentes, car les conditions d’hébergement<br />

dans lesquelles ces personnes sont<br />

reçues aux aires d’arrivée, laissent à désirer<br />

et offusquent plus d’un avec raison.<br />

En dépit de ce manquement grave de la<br />

part des autorités canadiennes, l’espoir<br />

germé avant de franchir la frontière continue<br />

de croître et de gonfler le cœur des<br />

réfugiés-es qui s’attendent à recevoir la<br />

compassion et la solidarité des Canadiens<br />

et des Québécois envers eux et également<br />

à bénéficier de l’ouverture du gouvernement<br />

fédéral.<br />

Face à ces évènements, le Comité<br />

d’Action Des Personnes Sans Statut<br />

(CAPSS) a réagi immédiatement en<br />

modifiant d’abord le mandat qu’il s’était<br />

donné à sa création. La coordination a<br />

donc ajouté cette catégorie de migrants<br />

parmi ses priorités pour ses futures actions<br />

tout en maintenant son rôle en tant<br />

que groupe de soutien et de pression. À<br />

la frontière canadienne, le CAPSS a aussi<br />

dénoncé vivement dans les médias, pendant<br />

et après une visite conjointe d’une<br />

délégation du comité et de Solidarité sans<br />

frontières, un de nos partenaires, les conditions<br />

dans lesquelles sont accueillies ces<br />

réfugiés-es et a profité pour demander<br />

aux autorités concernées, d’adopter un<br />

programme spécial afin de permettre,<br />

sans trop de délai, la régularisation du<br />

statut de ces migrants.<br />

Propositions pour un<br />

programme spécial<br />

Après mûres réflexions, nous pensons<br />

que les autorités fédérales et provinciales<br />

du Québec devraient se concerter<br />

pour produire un cadre général leur permettant<br />

d’accueillir convenablement les<br />

réfugiés-es. L’obligation de respecter la<br />

convention de Genève signée par le Canada<br />

de la réception de ces réfugies-es qui<br />

méritent d’être accueillis dignement et<br />

traités avec courtoisie et humanité jusqu’à<br />

la fin du processus.<br />

- L’accompagnement adéquat<br />

pour les aider à bien présenter leur demande,<br />

à se loger le plus rapidement afin<br />

que les familles ayant des enfants d’âge<br />

scolaire puissent commencer à fréquenter<br />

l’école le plus tôt possible;<br />

- La facilitation du transfert dans<br />

une autre province des migrants qui en<br />

font la demande;<br />

- La dispensation d’un cours de<br />

francisation pour tous ceux et celles qui<br />

ne parlent pas ou parlent à peu près pas<br />

le français et l’octroi rapide du Certificat<br />

de sélection du Québec (CSQ) à tous ceux<br />

et celles qui parlent le français ou qui acceptent<br />

de suivre assidument un cours de<br />

francisation;<br />

- L’octroi d’une carte d’assurance-maladie<br />

temporaire;<br />

- L’octroi d’un permis de travail<br />

temporaire sans délai;<br />

- L’établissement de mesures<br />

d’assouplissement permettant aux demandeurs<br />

d’asile déboutés de présenter<br />

une demande pour motifs humanitaires<br />

dans les trois mois qui suivent;<br />

- La réduction significative des<br />

montants exigés pour le traitement des<br />

dossiers et le renouvellement des permis<br />

de travail pour les demandeurs dont les<br />

motifs sont d’ordre humanitaire;<br />

- Le financement adéquat d’au<br />

moins une quinzaine d’organismes communautaires<br />

afin d’aider ces réfugiés-es<br />

à s’orienter et à s’adapter à la société en<br />

privilégiant les secteurs suivants : Accompagnement<br />

psychosocial, Hébergement,<br />

Recherche de mobilier, Traduction-Interprétation,<br />

Éducation, Loisirs-Sports, Recherche<br />

d’emploi, etc.;<br />

- La mise sur pied d’un guichet<br />

unique avec les ressources nécessaires<br />

afin d’informer et d’orienter les demandeurs<br />

d’asile vers les services offerts au<br />

sein de la société civile et au niveau de<br />

l’État.<br />

-<br />

Réactions de la société d’accueil<br />

Jusqu’ici, nous avons constaté une assez<br />

grande solidarité de la part de la communauté<br />

haïtienne qui se dévoue corps et<br />

âme pour apporter une aide concrète dans<br />

plusieurs domaines. Nous avons également<br />

remarqué peu d’empathie de la part<br />

de la communauté d’accueil envers ces<br />

arrivants qui sont venus chercher refuge<br />

au Canada. L’élan de sympathie et de<br />

solidarité n’est pas au rendez-vous et certaines<br />

notes discordantes se font même<br />

entendre venant du secteur raciste et<br />

xénophobe qui, heureusement, est assez<br />

marginal au Québec et au Canada. Toutefois,<br />

ce mouvement, aussi marginal soit-il<br />

a une grande capacité d’influence sur la<br />

population avec l’aide de certains médias<br />

spécialisés dans le sensationnalisme. Encouragés<br />

par les évènements horribles qui<br />

se passent actuellement aux États-Unis et<br />

par certaines déclarations de politiciens de<br />

l’extrême droite tant aux États-Unis qu’au<br />

Canada, le mouvement anti-immigrant,<br />

anti-noir, anti-musulman, anti-juif a pris<br />

de l’ampleur en cette circonstance, surtout<br />

dans les médias sociaux. Les évènements<br />

survenus à Québec le 20 Août<br />

<strong>2017</strong> avec «La Meute» sont significatifs<br />

pour comprendre la tendance générale<br />

peu favorable des Québécois devant l’arrivée<br />

de ces demandeurs d’asile que des<br />

médias ont présenté comme des illégaux,<br />

des envahisseurs, des tricheurs, des BS<br />

professionnels etc.<br />

La pente sera donc difficile à monter<br />

et seules l’unité et la mobilisation des<br />

membres de la communauté haïtienne<br />

ainsi que la solidarité de la société d’accueil<br />

pourront faire la différence. Il s’agit<br />

bien entendu de cette frange de la société<br />

d’accueil qui n’a point subi l’influence des<br />

suprémacistes blancs ou qui n’a pas été<br />

contaminée par les discours et la propagande<br />

des médias-poubelles.<br />

C’est seulement sur cette frange<br />

que les demandeurs d’asile peuvent espérer<br />

compter, non seulement à Montréal<br />

mais également dans les régions,<br />

car partout au Québec et au Canada, il y<br />

a des citoyennes et des citoyens épris de<br />

justice sociale, empathiques, accueillants,<br />

humains, solidaires et toujours prêts à<br />

tendre la main à l’autre dans sa détresse.<br />

Pour finir, le Comité d’Action des<br />

Personnes Sans Statut (CAPSS) reste vigilant<br />

et demande au public en général de<br />

prêter main forte aux migrants d’Haïti et<br />

d’ailleurs, d’accorder son appui au Comité<br />

dans le combat qu’il va livrer pour que<br />

les gouvernements fédéral et provincial<br />

fassent leur devoir convenablement et<br />

tiennent compte non seulement de l’absence<br />

totale chez ces gens du désir de retourner<br />

chez eux, mais aussi du double<br />

avantage qu’aurait le Canada à accepter<br />

ces réfugié-es dont le nombre risque<br />

d’augmenter vertigineusement si le président<br />

Trump met à exécution sa menace<br />

de supprimer le statut temporaire qu’avait<br />

accordé le président Obama à près de<br />

soixante mille Haïtiens. Nous ne parlerons<br />

pas ici des huit cent mille Dreamers,<br />

ces jeunes mineurs sans parents qui ont<br />

bénéficié d’un décret d’Obama leur permettant<br />

de demeurer temporairement aux<br />

États-Unis qui arrive bientôt à échéance.<br />

Rajeunir la population vieillissante<br />

au Canada et profiter de l’apport considérable<br />

de ces migrants pour rehausser<br />

démographiquement, économiquement<br />

et culturellement le pays en investissant<br />

dans un programme d’accueil, d’adaptation<br />

et d’intégration, basé sur un plan de<br />

développement stratégique, devrait être<br />

le leitmotiv du gouvernement fédéral. Au<br />

lieu d’investir dans l’achat d’engins de<br />

guerre, les autorités auraient plutôt intérêt<br />

à investir dans l’humain en ouvrant<br />

les portes du Canada aux centaines de<br />

milliers de migrants qui risquent de fouler<br />

le sol canadien si aux États-Unis, la vie<br />

devient intenable pour les millions de<br />

sans papiers et qu’un grand nombre d’entre<br />

eux font le choix de venir au Canada.<br />

Le CAPSS compte sur vous tous<br />

pour que la situation de ces migrants<br />

soit régularisée dans un délai acceptable,<br />

non précipité afin de leur donner le temps<br />

nécessaire de bien se préparer à cette dure<br />

épreuve dans laquelle ils jouent leur avenir<br />

et celui de leurs proches. Souhaitons<br />

Manifestation de solidarité avec les refugiés haïtiens<br />

que bientôt le vocable de réfugié-e ou de<br />

demandeur d’asile ne leur soit plus attribué<br />

et collé à la peau, mais plutôt celui<br />

de citoyen ou citoyenne à part entière au<br />

Canada.<br />

Serge Bouchereau<br />

Porte-parole<br />

Comité d’Action des<br />

Personnes Sans Statut<br />

(CAPSS)<br />

Montréal le 21 Août <strong>2017</strong><br />

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Vol 11 # 10 • Du <strong>13</strong> au 19 <strong>Septembre</strong> <strong>2017</strong><br />

<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />

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