6 / MÊME PAS PEUR N O <strong>17</strong> / MARS 20<strong>17</strong> MARS 20<strong>17</strong> / MÊME PAS PEUR N O <strong>17</strong> / 7 JE SUIS RÉAC Nous savons reconnaître aisément les réactionnaires, ils défendent une vision conservatrice de la société (« nos valeurs, nos voleurs ») qui refoule toute avancée progressiste (qui a en horreur la libération des mœurs, l’homosexualité (affichée au grand jour mais ils tolèrent celle qui se dissimule sous la soutane), l’écologie radicale, la dépénalisation des drogues, le partage des richesses et j’en passe...), souvent ils sont sous l’emprise d’un dogme religieux ou économique, une culture de classe accrochée à ses privilèges, reléguant leur esprit dans une forme de pensée archaïque. Mais attention, mettons bien les points sur les « i » de notre indignation : si nous savons les débusquer, ceux-ci, dans une offensive cynique savent parfaitement retourner l’adjectif contre leurs détracteurs ! Tout comme le con, le réactionnaire peut d’un coup vous renvoyer la baballe et vous reléguer au rôle du chien de garde que vous voulez justement montrer du doigt ! C’est la fameuse loi du céçuiquildiquilé. « Rétrograde », « conservateur », synonymes de réactionnaire, sont habilement retournés comme des vestes (taillées par et pour les élites au pouvoir) dans la novlangue de la communication politique moderne... Ils se défendent d’être réacs en opposant par exemple notre attachement aux acquis sociaux comme une forme réactionnaire et « anti-progrès ». Démonstration : quand la Droite (ou la fausse-Gauche sociale-libérale) avance les bras ouverts vers plus de flexibilité, vers plus de concurrence, vers plus de « réformes » pour « libérer le travail », elle oppose à ses détracteurs une trop forte rigidité, qu’elle présente comme un archaïsme, un manque de modernisme faisant passer les critiques comme émanant d’une frange « conservatrice » de la population, avec l’image jaunie du syndicaliste attaché à son vieux monde et sa lutte des classes « d’un autre âge ». C’est là qu’il faut savoir argumenter, et, ce n’est pas toujours simple. Il faut démontrer que la défense des acquis sociaux est le socle d’une société plus égalitaire, que tâter le pouls des comportements contemporains pour adapter les lois va dans le sens d’une modernité des mœurs et que tout ça est une posture progressiste alors qu’un réac n’y voit là que la déliquescence des valeurs morales, une forme de décadence et que pour lui la modernité est liée à une certaine idée déformée de la liberté, intrinsèquement liée à l’idée du « progrès » exponentiel et sans limite. C’est qu’on n’a pas dans la tête la même perception du monde, et qu’on est toujours le réac de l’autre et c’est là que le débat n’est plus guère possible. De la même manière qu’un colon sioniste réclame de vivre sur la terre de ses ancêtres car c’est écrit dans les textes qu’il juge sacrés, ne peut aucunement discuter avec un Palestinien exproprié qui luttera à mort pour continuer à vivre sur la terre de ses ancêtres car c’est illégal de l’en chasser. Je suis donc réac aux yeux de ceux qui veulent accélérer un mouvement libéral que je juge mortifère et suicidaire, je suis Mickomix donc réac quand je défends des valeurs sociales qu’on voudrait faire passer pour obsolètes et plus adaptées aux temps présents. Je suis réac quand je fustige la dérive technologique de nos sociétés, l’abrutissement lié à la prolifération des écrans, l’omniprésence des smartphones et de l’hyper-connectivité, réac encore, pour certains, quand je m’emporte face aux dérives transhumanistes qui poussent certaines entreprises à pucer leurs employés... Réac toujours quand je fustige la sacro-sainte croissance et l’idée même de « progrès » ou que je doute des avancées scientifiques pour résoudre tous nos problèmes, ou quand je maudis le nucléaire. Mais je ne suis réac que pour ceux que je juge réac et si je me positionne « anti-progrès » quand celui-ci n’aboutit pas à une société plus égalitaire et apaisée mais à brader l’humain et son environnement au plus offrant, je suis progressiste sur bien des questions sociétales. La sémantique au secours des nantis Autre exemple de guérilla sémantique : dans la course à l’Elysée de nos voisins français, un ancien banquier d’affaires (ayant exercé « avec charme » un travail de « pute » selon Alain Minc lui-même qui l’a propulsé chez Rotschild 1 ), le frétillant Macron, se targue d’être « anti-système » et ose intituler son bouquin : Révolution et les médias le trouvent « moderne ». Un type adoubé par des milliardaires, moderne et révolutionnaire 2 !? C’est emblématique de notre époque creuse et ultra-médiatisée, insidieusement, cyniquement trompeuse ou Trump lui-même communique -d’une façon « révolutionnaire »- en 140 caractères sa manière de voir le monde, très réactionnaire (enfin il buzz quoi). On nous dit que c’est frais tout ça, tellement nouveau, que ce serait l’inverse du réactionnaire puisque c’est « révolutionnaire » et que ça apporte un changement 3 , un renouvellement. Seulement là ce n’est qu’une posture de communicant mais les idées, la vision de la société ne changent pas, elles sont bien elles, rétrogrades et anti-progressistes. Sachons donc contourner la sémantique et débusquer l’authentique réactionnaire, celui qui veut changer la forme sans toucher au fond, celui qui veut liquider les idéaux égalitaires et n’œuvrer que pour les 1% qui conchient le reste de la planète... et qui le touche souvent, finalement, le fond vaseux de son inhumanité. 1 Extrait de «Rothschild, le pouvoir d’un nom», un document de « Complément d’enquête » diffusé dans «Envoyé Spécial» le 1er décembre 2016. 2 De surcroît, une révolution ça peut tourner indéfiniment en boucle, revenir au point de départ et replacer l’Empire sitôt quelques têtes coupées ! Il y a toujours une contre-révolution sournoise planquée sous le tapis, prête à bondir au premier coup de balai. 3 On le sait que le changement c’est pas maintenant, et qu’il ne viendra pas des élites. APPRENDRE LE RÉAC SANS PEINE MAIS AVEC LE PEN Brouckske Fini de rire, chers lecteurs, chères lectrices. L’heure est venue de mettre fin à vos enfantillages boboïstes. Nous allons vous aider à vous intégrer dans la société réac. À parler réac, à penser réac. Ce n’est pas si compliqué. Il suffit simplement de détourner le sens de certains mots et d’apprendre par cœur quelques expressions entendues çà et là chez Onfray, Zemmour ou Alain Destexhe. Voici un petit lexique pour vous débrouiller dans vos repas de famille et conversations de bureau. Abus, abusif: à utiliser souvent mais en veillant à l’accoler au bon substantif. Exemples : les avortements sont « le plus souvent abusifs » (Marine Le Pen, Lyon février 20<strong>17</strong>). Mais pas les licenciements. Les abus se nichent toujours dans la sécurité sociale. Armée: toujours se féliciter de la présence de militaires devant le supermarché ou dans la salle de concert. Répéter que, non, non, leur tank garé en double file ne gêne pas Belge: il faut s’affirmer « Belge et fier de l’être ». Pour les plus intellos, privilégiez plutôt « Belgitude », cela fait moins plouc. Par contre, un drapeau belge nonchalamment suspendu à une fenêtre, c’est très chic. Dans le même registre, le mot « patriote » est aussi très tendance. Chez nous, cela fait un peu suranné parce qu’on se rappelle les discours du Roi Baudouin à la télé mais « patriote », très apprécié en France, doit se comprendre comme celui qui aime son pays, pas nécessairement celui qui y est né. Attention, être patriote exige des sacrifices. Plus question de passer ses vacances sur la riviera turque ou dans des pays islamo-terroristes situés au Sud de la Méditerranée. On mange ses frites, ses gaufres et ses glaces vanille/chocolat à Blankenberge, Laroche ou dans un centerpark .Le pécule de vacances, c’est chez nous d’abord. Culture: à défendre uniquement quand elle est synonyme d’ « identité ». La culture est toujours « la nôtre » par opposition aux autres qui sont des « pratiques moyenâgeuses » . Etranger: à utiliser de préférence aux termes « immigré », « migrant » et « réfugié ». L’Étranger, ce ne sera jamais nous. Par contre « immigration » a toujours la cote chez Trump ou Marine Le Pen. Toujours accompagner ce terme des adjectifs « massive » et « incontrôlée ». Femmes: défendre l’émancipation des femmes mais seulement chez les musulmanes. Pour les autres, se rappeler que la présence d’une femme à la maison, pour éduquer les enfants, c’est tout de même mieux. Il y aurait moins de délinquance si les mères faisaient vraiment leur boulot de mère. Si on discute chiffons, vitupérer contre les burkinis, voiles « islamiques » et autre burqa imposés par les wahabbistes au pouvoir dans nos quartiers, railler les « féministes » coincées qui dégoisent contre les publicités de femme à poil. Mais comme l’a dit le président Trump, une femme avec une jupe et des hauts talons, c’est tout de même plus convenable. Genre: ici, il s’agit de prendre un ton catastrophé ou véhément. Rappeler que la théorie du genre vise à « transformer les hommes en femmes et réciproquement ». Le plus grave, c’est les hommes qui deviennent « pédés » à cause des enseignants gauchistes. Ne pas hésiter à parler des « fiottes » qui nous gouvernent. Heureusement, il y en a qui « portent leurs couilles » comme Theo Francken. On modulera les termes en fonction du milieu dans lequel on se trouve mais il convient de ne pas oublier que la langue réac, ce n’est pas de la poésie de bisounours. Honteux: à mettre dans tous vos commentaires sur Facebook. Quoi qu’il arrive, c’est « honteux » ou « scandaleux » Laïcité: voir « femmes ». La laïcité doit être imposée chez les musulmans. Pour le reste, notre pays a tout de même des racines chrétiennes, non mais…. Media: bon là, ce ne sera pas compliqué. Il suffit juste d’accentuer votre discours anti-media actuel. Continuer à les boycotter en privilégiant Facebook et Benjamin Maréchal comme sources d’infos « tout aussi crédibles ». Le petit plus ? Invitez un journaliste sous un prétexte quelconque puis cassez- lui la gueule à la manière des sbires du Front National (voir le mode d’emploi sur youtube) Naturel: le naturel, c’est tout ce qui se réfère aux « vraies valeurs » du peuple. L’homosexualité n’est pas « naturelle », pas plus que les femmes qui abandonnent leur ménage pour gagner de l’argent. Chez les bêtes, c’est le mâle qui chasse non ? Non pas toujours ? Bon, on dira que c’est un « fait alternatif ». Le naturel, c’est aussi la défense de notre « terroir », le steak blanc bleu belge plutôt que les merguez. On défendra le petit agriculteur tout seul face aux géants de la mondialisation qui veulent nous imposer leur mode de vie. Naturel, en langue réac, doit être couplé avec « défense des frontières » et « protectionnisme » Les militants anti-CETA devraient avoir moins de difficultés à s’adapter. Peuple: il doit être toujours « uni » (non : on ajoute pas « jamas sera vencido », tsss). Le Peuple est sain (dixit Marine) et saint dans tous les discours réac. Il est l’alpha et l’omega de la politique, ce qui justifie qu’on lui mette une majuscule. Le Peuple se définit par opposition aux « élites » et autres termes en « crate » (eurocrates, technocrates, ploutocrates). On oublie définitivement « classes sociales ». Sécurité: c’est le droit le plus inaliénable dans la société réac. C’est la première revendication qui caracole en tête des sondages car « il n’y a plus de sécurité nulle part ». Le réac n’a pas peur de dire qu’il a toujours peur contrairement aux lecteurs de cette revue (ce qui montre leur inadaptation). Le Peuple exige la sécurité mais même s’il s’agit d’un désir collectif, cela ne doit pas être confondu avec « sécurité sociale » qui est un gros mot tombé en désuétude. Tradition: célébrer le petit commerce, les artisans, le folklore, les kermesses au boudin, la chasse, la politesse et la décence dans l’habillement (sans pour autant ressembler à une Musulmane hein !) Remettre la crèche de Noël au centre du village et dans sa maison. La crèche et la laïcité ne sont pas incompatibles dans une société réac. Unique: c’est la pensée des autres, des gauchistes. Les gauchistes sont aussi coupables du « politiquement correct » qui impose au Peuple l’antiracisme, cette idéologie de type communiste qui met en péril notre identité ». Bien mémoriser cette phrase comme exemple de parler réac. On vous en donne une autre : « Les islamo-gauchistes et autres bobos droitsdel’hommistes ont introduit une culture de l’excuse et une culpabilisation postcoloniale qui menacent notre civilisation et vont nous mener tout droit à la guerre civile ». Si vous arrivez à sortir ce genre de connerie avec l’expression affectée de circonstance, vous allez briller en société réac. Ne me remerciez pas, c’est tout « naturel ».