magistrat. Elle représente le personnage en pied et s’apparente au portrait du BAL par son rendu sommaire qui ne s’attache pas aux détails du décor. Elle donne à voir une silhouette synthétique qui ne laisse néanmoins aucun doute quant à l’identification du procureur. Enfin, une version plus aboutie, par sa composition et par son format de grande taille, a été repérée dans les années 2000 chez un antiquaire liégeois. Toujours est-il que le portrait « officiel » du Procureur, celui du Palais de <strong>Liège</strong>, a été exécuté d’après une photographie prise en 1867 (A) 5 . À cette époque, la pratique était beaucoup plus répandue qu’on ne pourrait le croire. Raikem était alors âgé de près de 80 ans et on sait qu’à la fin de sa vie il se déplaçait à l’aide d’une canne. Le peintre épargnera ainsi de longues séances de pose au vieil homme qui, en plus, n’était pas un modèle professionnel. Mais le recours à la photographie n’empêchera pas Jean-Mathieu NISEN, artiste éminemment consciencieux, de multiplier les esquisses et les dessins préparatoires au rendu du portrait final. L’écart entre le cliché et l’huile réside surtout dans le traitement du visage : dans le tableau, le magistrat est moins vieux, moins ridé et affiche un port de tête et un regard plus volontaires. On connaît aussi une représentation de Jean-Joseph Raikem du au pinceau de Barthélemy VIEILLEVOYE (Verviers, 1798 - <strong>Liège</strong>, 1855) (E). Ce tableau, commandé par l’État en 1850, fait partie de la galerie des portraits des présidents des assemblées législatives belges au Palais de la Nation. Il est conservé à la Chambre des représentants à Bruxelles, dont le Liégeois fut le président. Figuré ici en sa qualité d’homme d’État, Raikem est représenté assis. Comptant près de vingt années de moins que dans les tableaux de <strong>Liège</strong>, il a plus d’embonpoint, un visage bien rempli et le cheveu moins rare. Se tournant vers le peintre, il prend la pose accoudé sur son côté gauche à sa table de travail, tenant des écrits dans l’autre main. Le peintre a poussé le rendu jusque dans les moindres détails. La texture de la chemise, le satin du gilet sont tangibles tout comme sont identifiables les décorations au rendu minutieux (le centre de l’étoile de la Légion d’honneur orné de la médaille de la Monarchie de Juillet) ou encore les quelques mots très lisibles en bas des feuillets : Monsieur Raik (…) Président de la Chambre des Repr (…). Il porte la plaque Grand Officier de l’Ordre de Léopold, la plus haute distinction qu’il a reçue en la matière à cette époque. Enfin, un « portrait-charge » de Raikem par le sculpteur Michel DECOUX (<strong>Liège</strong>, 1837 -1924) (F) fait partie des collections du Musée de la Vie wallonne à <strong>Liège</strong>. Il s’agit d’une figure en terre cuite, caricature qui donne à voir le vieillard tel qu’on pouvait le croiser dans les rues de la Cité ardente à la fin de sa vie : habillé d’une redingote, coiffé d’un haut-de forme, le dos voûté s’appuyant d’une canne pour marcher. Son souvenir persista longtemps paraît-il dans la mémoire des Liégeois. Il reste à se demander les raisons pour lesquelles le tableau du BAL a été exécuté cinq années après la mort de Jean-Joseph Raikem et de surcroît commandé par la Chambre de Bruxelles qui s’empressera l’année suivante de le mettre en dépôt dans les collections liégeoises. « Les portraits post mortem ne sont pas rares dans l’œuvre de Nisen » nous apprend Florence Branquart. Les représentations d’êtres chers ou trop tôt disparus sont destinées à perpétrer le souvenir du défunt auprès de ses proches. Dans ces cas-là, les tableaux du Verviétois portent très souvent la mention « peint après la mort », annotation qui ne figure pas sur le portrait du BAL, simplement signé et daté. Pourquoi réclamer une image supplémentaire du personnage, qui plus est dans sa fonction de magistrat ? Son effigie d’homme d’État était accrochée à la Chambre des représentants depuis 1850. Le palais de Justice de <strong>Liège</strong> conservait le souvenir du procureur dans le portrait de 1868 exécuté au terme de sa carrière juridique. Certes, l’œuvre posthume du BAL est de qualité et n’est pas une copie servile de l’original. Elle n’apporte cependant rien de plus à la représentation de ce citoyen à la carrière hors du commun. Mais la notoriété du personnage livre peut-être la clef de ces interrogations. B. Jean-Mathieu NISEN, Esquisse du portrait du Procureur général Jean-Joseph Raikem, huile sur toile marouflée sur panneau, 24 x 15, 5 cm. Coll. particulière. Photo Denis Henrotay. C. Jean-Mathieu NISEN, Portrait du Procureur général Jean-Joseph Raikem, huile sur toile, 205 x 127 cm, signée et datée J-M Nisen 1868, Salle du tribunal de la cour d’appel du Palais de Justice de <strong>Liège</strong>. Photo © Hugo Maertens, Bruges. D. Jean-Mathieu NISEN, Portrait du Procureur général Jean-Joseph Raikem, huile sur toile, 235 x 107 cm, signée et datée J-M Nisen 1880, Beaux-Arts <strong>Liège</strong>. © BAL. <strong>Liège</strong>museum n° 6, mars 2013 6 <strong>Liège</strong>museum n° 6, mars 2013 7