Ineffable Magazine n°12
VIVRE DE SON ART : LA VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA CULTURE Magazine algérien d'art et de culture ISSN : 2602-6562
VIVRE DE SON ART : LA VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA CULTURE
Magazine algérien d'art et de culture
ISSN : 2602-6562
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N.S : quel conseil donnerais-tu à un jeune artiste
qui rêve de vivre dans son pays grâce à son art ?
Djam : ne pas s’appuyer sur ses relations (maytkelch
3a lma3rifa), mais plutôt sur son art et son talent.
Si on a envie de percer il nous faut le talent, et
même si on a le talent cela ne suffit pas. Il faut
travailler, cela ne vient pas tout seul.
N.S : nous passons à la seconde partie de notre
interview, plus personnelle ; ton vécu verra le jour
à travers ta voix. Qu’aimes-tu et que détestes-tu
le plus dans ce milieu ?
Djam : tout dépend des gens qui nous entourent,
mais ce que je n’aime pas c’est le fake et la
non-sincérité des gens, l’art est sensible et tout
dépend de la manière dont on l’aborde : si on a
une vision commerciale ça devient un milieu de
business. Mon approche s’inscrit dans la passion.
Pour ce qui est de ce que j’aime c’est le partage,
quand on partage quelque chose on sent qu’elle
grandit et cela me donne de la force pour avancer.
N.S : parle-moi un peu de l’histoire de DJ (rires).
Djam : quand on commence à faire de la musique,
on est un peu rêveur. C’était la première fois que
je montais sur scène et je sentais que ma musique
leur plaisait, je me prenais d’un seul coup pour
une star (rires). Il y avait un DJ qui devait passer
juste après moi et, en ce temps-là, mes amis me
surnommaient DJ. Pendant que j’étais sur scène,
j’entends le public crier DJ ! J’étais aux anges,
mais c’est après que j’ai compris qu’ils voulaient
que le DJ passe. N’empêche, cela ne m’a pas gêné
pour remonter sur scène (rires).
N.S : tu as sorti ton premier album solo le 14
novembre 2018 «#ZDELDEL » et ça a fait un buzz
auprès de tes fans. On sentait une vague nouvelle,
un changement en toi, une richesse linguistique
s’en dégageait. Tu as chanté du kabyle, du chaabi,
des chants africains et on a eu toutes sortes de
duos : non seulement avec ton petit frère Timoh
mais également avec Zik Zitoun. D’où t’est venue
l’idée d’un tel métissage dans un seul album ?
Djam : je dirais que c’était un rendez-vous, je
voulais faire un bilan de toutes les frustrations que
j’avais avec le groupe parce que quand on est dans
un groupe, on ne peut pas s’imposer. Donc, je l’ai
quitté pour avoir toute cette liberté. Je pense
que c’est ce qui arrive toujours dans un groupe :
Amazigh Kateb avec Gnawa Diffusion, les Beatles,
les Jackson 5… On ne peut pas imposer sa touche
et on ne veut pas qu’on nous l’impose aussi.
N.S : ce qui fut le plus touchant, ce sont tous ces
hommages rendus aux révolutionnaires dans tes
chansons, te considères-tu comme un artiste
engagé ?
Djam : oui, je suis un artiste engagé. Je suis
engagé dans le sens où je défends des idéaux. Je
donne un sens à mes créations. Quand je chante,
il y a un rapport avec l’Afrique, mes racines, mes
voyages m’ont surtout influencé, c’est pour ça
que j’écris sur l’africanité de l’Algérie, parce qu’on
l’oublie. Je parle aussi des problèmes sociaux
auxquels fait face l’algérien au quotidien et cela,
c’est important.
N.S : j’ai assisté à la première de la sortie de ton
album et j’ai eu la chance de visionner le clip de
Nti M’henya et je fus sous le charme de tant de
sensualité. D’où t’est venue l’idée ? Appréhendestu
la réaction d’un public conservateur ?
Djam : c’est l’idée de Salah Issaad, le réalisateur.
On a parlé de la profondeur de la chanson, des
sous-entendus et il fut intéressé d’illustrer ce côté
sensuel. L’ancienne génération, on la respecte mais
à un moment il faut savoir assumer ce contenu.
N.S : je te remercie de m’avoir accordé cet
entretien qui fut des plus agréables.
Djam : avec plaisir.
Avoir un don c’est être chanceux, en vivre et en
faire profiter ceux qui nous entourent de manière
bénéfique relève d’un long travail acharné.
Cela pourrait vous sembler inimaginable voire
irréalisable jusqu’à ce qu’on le fasse. Les rêves
sont ceux qui maintiennent nos esprits en vie,
notre art est ce qui fait perdurer l’existence des
belles âmes en quête de beauté et de partage.
Vivre de son art est, certes, difficile surtout dans
notre pays mais comme nous vous l’avions exposé
tout au long de cet entretien : il suffit d’y croire,
de le perfectionner, de prendre votre travail au
sérieux pour enfin atteindre ce rêve tant chéri.
38 Février • Mars • Avril 2020 - ineffable