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38 —Mustapha Iznasni, La justice, la sagesse Il marchait sur le raisin sec… — 39
devenu, une leçon de vie léguée par sa mère, qu’elle avait ellemême
reçue de son père, un fqih, et d’un mendiant de passage.
Entendant un mendiant demander l’aumône à la porte, le
fqih envoya sa fille lui apporter de quoi manger, mais la petite fille
revint avec ce qu’on lui avait demandé de partager, disant que le
mendiant était juif. En colère contre sa fille, le fqih lui demanda
de courir rattraper le mendiant et de lui donner l’aumône qui
lui était destinée. La petite fille eut ce jour-là deux leçons. Du
mendiant qui lui dit que l’aumône était pour Dieu et non pour
le mendiant, même incroyant. Et de son père qui lui demanda
comment faisait-elle pour distinguer un juif d’un chrétien ou
d’un musulman : ils ont en commun les souffrances et la faim
et rien ne les distingue.
Voilà donc l’origine de cet attachement à l’égalité des humains
et de cette rectitude morale qui distinguaient Si Mustapha : le
legs d’un homme de religion d’alors, comme nous en avons tous
gardé le souvenir dans nos entourages respectifs, transmis de
génération en génération, une foi à la fois présente et discrète,
ouverte sans distinction à la douleur des hommes, communautaire
et personnelle, sans apprêts ni exhibition. Une des passerelles
vers l’universel partagé.
Les articles de ce livre en témoignent : chacun (e) d’entre
nous avait « son » Mustapha Iznasni, mais nous avions un en
partage : un humaniste qui marchait dans ses multiples vies
et amitiés, lettré, élégant et discret, un homme de bien auquel
s’applique sans aucun doute cette belle expression marocaine :
il marchait les pieds nus sur le raisin sec et il en sentait le goût
sucré.
Post-scriptum
Préparant avec Mahjoub El Haiba ce livre pour l’envoyer
à la maquette, je découvre l’histoire de cet orchestre constitué
autour de l’année 2017. Chaque vendredi, une fois leur semaine
de travail au CNDH achevée, Samir (guitare et guembri), Youssef
(luth), Khalid (percussions), Amina, Souad et feu Mustapha se
retrouvaient pour faire de la musique ensemble. Les musiciens
amateurs avaient fini par dénicher un studio qu’ils louaient au
quartier Hassan et Si Mustapha avait décidé d’apprendre à jouer
de la batterie. Chaque samedi matin, il retrouvait un professeur de
musique pour des leçons particulières, « malgré son ami Parkinson
qui lui retenait toujours la main » » dit Samir Gabli, son complice
dans cette aventure qui dura quelques mois.
Ce « salon de musique » constitué de ces jeunes gens et d’un
monsieur de plus de 70 ans illustre à merveille ce que fut le dessein
permanent de cet amoureux des communautés humaines.
A l’Instance équité et réconciliation (IER) avec feu Driss Benzekri