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50 —Mustapha Iznasni, La justice, la sagesse
Cette bienveillance et cette douce ironie — 51
Ce ne sont cependant pas les souvenirs professionnels qui
remontent à ma mémoire aujourd´hui. Mais tous ces moments
et échanges informels que j´ai eu la chance de partager avec vous.
Autour de nos combats communs mais également autour de
la littérature, la musique, la poésie et d´un monde qui évoluait
vers des extrémismes que vous abhorriez. Vous m´avez fait
découvrir un Maroc qui semblait lointain, un Maroc de tolérance
et d’harmonie, un Maroc pour lequel vous ne cessiez de lutter.
Le respect et l’admiration que je vous portais déjà, se sont
peu à peu transformés en une profonde affection.
Votre âme de rédacteur en chef vous gagnait dès qu´un texte
tombait entre vos mains. Comme cette fois où vous m´avez
corrigé un document, pour vous rendre compte quelques heures
plus tard que vous aviez vous-même commis une erreur et
prendre la peine de m´appeler pour vous en excuser. Preuve,
si besoin est, de votre humilité. Ou cette rencontre fortuite
dans les rues de la Médina alors que j´étais avec mon mari et
mon fils – vous êtes d´ailleurs un des rares à les avoir connus
et cela prendra une dimension toute particulière dans notre
relation – et qui s´est prolongé quelques heures dans un café
par une conversation aux accents espagnols. Vous avez eu, à
cette occasion, des attentions de grand-père protecteur pour
mon ¨chaval¨, preuve, si besoin est, de cette bienveillance que
vous transmettiez.
Je n´ai pas pu quitter le Maroc sans vous dire au revoir. Une
dernière rencontre dans votre bureau, un dernier dialogue sur
la poésie de Rimbaud, un dernier échange de livres.
Nous n´avons cessé par la suite de nous écrire, grâce aux
merveilles de la technologie et en fonction de nos réactivités
respectives à nos quotidiens.
Vous m´aviez surnommée affectueusement ¨mère courage¨
et vous suiviez avec un sincère intérêt les tournants artistiques
de ma vie. Votre connaissance des tribus nomades du Sud vous
faisait apprécier à leur juste valeur les rythmes trinaires de la
musique afro-péruvienne, preuve, si besoin est, de l´éclectisme
de votre culture.
Et puis votre compagne est partie. La flamme s´est éteinte.
Les affres de la vieillesse sont apparues comme par un mauvais
enchantement. Vous avez tiré votre révérence, petit à petit, sans
jamais perdre cependant cette élégance et cette douce ironie qui
vous rendait capable de plaisanter de tout, même de la maladie.
Peu de personnes m´ont marqué autant que vous, Si Iznasni.
Votre empreinte restera indélébile. En moi et, je crois pouvoir
m´avancer, en tout ceux dont vous avez croisé le chemin.
Décembre 2019
De gauche à droite : Mustapha Iznasni, Bouchaïb Eddebar et Mohamed Benaïssa,
alors directeur des journaux Al Mithaq et Al Maghrib