Niger la décennie Issoufou
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découverte
Comprendre un pays, une ville, une région, une organisation
niger
La décennie
ISSOUFOU
Frederic Stucin/Pasco
2011-2021… En dix ans, le pays
s’est profondément transformé,
renouant avec la croissance
malgré une menace sécuritaire accrue.
Visite sur les bords du grand fleuve
au moment où se prépare l’avenir.
dossier réalisé par cherif ouazani
afrique magazine I 410 – novembre 2020 I
découverte/Niger
Les grands chantiers
du président
Son second et dernier mandat s’achèvera début 2021.
Agriculture, énergie, infrastructures, le bilan du chef d’État est éloquent.
Et permet de poser les bases d’un développement durable.
shutterstock
II afrique magazine I 410 – novembre 2020
S
auf accident majeur, le Niger vivra,
en mars 2021, un événement historique :
un président de la République ayant
accompli les deux mandats que lui permet
la Constitution passera le témoin à son successeur
élu au suffrage universel. Banal, direz-vous. Pas
au Niger. Jamais auparavant, ce pays sahélien,
indépendant depuis soixante ans, n’avait vécu
pareil scénario. Aucun chef de l’État élu n’a quitté
sereinement le palais présidentiel à l’échéance
de son mandat. Coups d’État militaires succèdent
aux transitions chaotiques. Un demi-siècle
durant lequel la République est mise à mal avec
des institutions instables, éphémères.
Pour arriver aux affaires, en mars 2011,
Issoufou Mahamadou s’était engagé à apaiser
une situation politique compliquée, avec des
partis qui se regardaient en chiens de faïence,
des civils et des militaires qui se tenaient en haute
suspicion, et une société civile effacée et si peu
influente. Le tout dans un pays qui n’a jamais
connu de stratégie de développement susceptible
de le sortir du sous-développement et de lutter
contre la pauvreté sévère, dans laquelle survivait
Niamey, la capitale
du pays, abrite
plus de 1,3 million
d’habitants.
afrique magazine I 410 – novembre 2020 III
découverte/Niger
La priorité
fut accordée
aux questions de
gouvernance et
à la défense
du territoire
national
menacé par
la contagion
djihadiste et la
dangereuse
expansion de
la criminalité
transfrontalière.
une grande partie de sa population. La mise
en œuvre du programme du candidat Issoufou
lui a permis de séduire la majorité du corps
électoral, en 2011, puis d’être réélu en 2016 pour
un second mandat. « Ce sera le dernier, car je ne
ferai pas insulte à mon peuple en me considérant
comme irremplaçable », a-t-il expliqué aux
militants du Parti nigérien pour la démocratie
et le socialisme (PNDS) – qu’il a fondé en 1990 –,
lesquels le pressaient de tripatouiller la
Constitution pour pouvoir rempiler. Le bilan de
la décennie Issoufou, comme certains Nigériens
qualifient ses deux mandats, est éloquent tant
les transformations du pays, de son économie et
de son image à l’international sautent aux yeux.
une stratégie de développement
ambitieuse
La priorité fut accordée aux questions
de gouvernance et à la défense du territoire
national menacé par la contagion djihadiste
et la dangereuse expansion de la criminalité
transfrontalière. Il a mis en place les institutions
de la République malmenées par les putschs
militaires. Il a apaisé les tensions politiques,
fait adopter un nouveau code électoral, achevé
l’installation de la Commission électorale
nationale indépendante (CENI) et lancé
l’élaboration du fichier électoral biométrique.
Il a aussi institutionnalisé la lutte contre la
corruption par la mise en place de structures en
charge de combattre l’impunité. La gouvernance
administrative est en outre décentralisée par
le transfert des compétences et des ressources
vers les collectivités territoriales.
Les réformes politiques initiées, la stratégie
de développement choisie par le président
Issoufou a été lancée dans la foulée. Elle se
décline en deux programmes, Renaissance I
et Renaissance II, auxquels s’est greffé un plan
quinquennal, baptisé Plan de développement
économique et social (PDES) pour la période
2017-2021. En dix ans, les deux programmes et le
Plan ont mobilisé près de 30 milliards de dollars.
Un véritable plan Marshall (programme lancé
par les États-Unis pour reconstruire l’Europe,
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale)
à l’échelle d’un pays qui végétait dans les abysses
Le Radisson Blu
de la capitale.
du classement des indicateurs de développement
humain. Les trois documents s’articulent autour de
huit objectifs : promouvoir la renaissance culturelle ;
consolider les institutions démocratiques ; assurer la
sécurité des personnes et des biens ; garantir l’accès
à l’eau pour tous ; assurer la sécurité alimentaire
à travers l’Initiative 3N (« les Nigériens nourrissent
les Nigériens ») ; moderniser les infrastructures
économiques ; développer les secteurs sociaux ;
et enfin promouvoir l’emploi des jeunes.
une véritable régénération
En une décennie, la performance économique
est époustouflante. Avec une croissance moyenne
de 6 %, l’économie nigérienne a enregistré une
forte hausse du Produit intérieur brut (PIB), passé
de 5,1 milliards de dollars en 2011 à 9,72 milliards
de dollars en 2019, soit une progression de plus
de 85 % sur la période. Toutefois, impactée par
la pandémie du Covid-19, la croissance économique
s’est contractée en 2020. « Nous avions prévu un
taux de 6,9 %, affirme Mamadou Diop, ministre
des Finances, mais la conjoncture sanitaire nous
oblige à revoir ce chiffre à 1 %. » Outre la crise
sanitaire, la dynamique de développement a
souffert de la dégradation de la situation sécuritaire
dans la bande sahélo-saharienne, région d’Afrique
au cœur de laquelle se situe le Niger. « Les
allocations budgétaires au secteur de la Défense
et de la Sécurité ont représenté en moyenne
16 % du budget de l’État, entre 2011 et 2020,
alors que nous ciblions un maximum de 10 %.
dr
IV afrique magazine I 410 – novembre 2020
Vincent Fournier/Jeune Afrique-Rea
Ces dépenses ont constitué, en moyenne, 4,3 %
du PIB par an, entre 2014 et 2019 », a précisé
le président Issoufou.
Crise sanitaire, terrorisme et criminalité
transfrontalière n’ont toutefois pas empêché un
travail de qualité accompli par le gouvernement de
Brigi Rafini, unique Premier ministre du président
Issoufou durant ses deux mandats (égalant
ainsi le record de longévité d’un Premier ministre
dans la sous-région, détenu par le Sénégalais
Abdou Diouf en fonction entre 1970 et 1980).
Les transformations du pays ont été spectaculaires.
Avec près de 10 milliards de dollars, Niamey
a subi une véritable régénération : modernisation
de sa voirie, de son éclairage, renforcement de
ses capacités d’accueil hôtelières haut de gamme,
espaces verts, convivialité… L’aménagement des
berges du fleuve Niger, qui traverse la capitale et
auquel elle a toujours tourné le dos, est un chantier
titanesque. Mais l’enveloppe des 10 milliards n’a
pas servi uniquement à la capitale. Les chefs-lieux
de région et les villes de l’hinterland ont également
bénéficié d’une mise à niveau urbanistique. Les
conditions de vie des citoyens se sont nettement
améliorées, avec un meilleur accès aux services de
santé, d’éducation, de justice. Des infrastructures
hydrauliques ont été construites pour favoriser
l’accès à l’eau potable dans les centres urbains et
les villages. L’extension du réseau routier a permis
de désenclaver des pans entiers du territoire.
Les infrastructures réalisées au cours de la
décennie sont tout aussi nombreuses : du nouvel
aéroport international ultramoderne de la capitale
au centre national de lutte contre le cancer,
en passant par les deux hôpitaux de référence,
à Niamey et à Maradi, ou les établissements de
l’enseignement supérieur. Les universités du pays
sont aujourd’hui au nombre de huit, quand elles
étaient quatre en 2011. La population estudiantine
a d’ailleurs quadruplé entre 2011 et 2019, passant
de 19 000 à plus de 80 000 élèves, avec à la clé
une amélioration de leurs conditions de vie
grâce à la réalisation de deux cités universitaires.
Avec un investissement de plus de 5 milliards
de dollars, engagé par les deux partenaires
du gouvernement, les Chinois de la China National
Petroleum Company (CNPC) et les Taïwanais
d’Overseas Petroleum and Investment Corporation
(OPIC), l’exploitation des ressources fossiles du
bloc d’Agadem a fait du Niger un pays pétrolier
avec des potentialités gazières non négligeables.
Le barrage de Kandadji, projet structurant en cours
de réalisation, permettra de consolider la sécurité
énergétique du pays.
Quant à l’Initiative 3N, désignant le
programme de développement rural, elle a
contribué à augmenter les capacités d’irrigation et
favorisé l’aménagement des superficies cultivables
et l’amélioration de la productivité agricole.
Résultat : croissance de la richesse dans le secteur
agro-sylvo-pastoral et réduction de la pauvreté
en milieu rural, qui est passée de 54,6 %, en 2011,
à 45,6 %, en 2019. Mieux encore, l’augmentation
de la productivité a permis au président Issoufou
de réussir un pari : faire en sorte qu’au Niger,
sécheresse ne rime plus avec famine. « Ce qui est
le cas aujourd’hui », assure fièrement Brigi Rafini.
En passant le témoin à son successeur,
Issoufou Mahamadou quittera le palais
présidentiel avec le sentiment légitime d’avoir
accompli en dix ans plus que ce qu’ont pu faire
ses prédécesseurs en un demi-siècle. ■
Le boulevard
de la République,
à Niamey.
afrique magazine I 410 – novembre 2020 V
découverte/Niger
Brigi Rafini
« Fier de ce que nous
avons accompli »
Il a battu des records de longévité. L’unique Premier ministre du président Issoufou
durant ses deux mandats, réputé pour sa pondération, a mis en œuvre
les programmes Renaissance. Il fait ici le bilan d’une décennie très active.
N
atif d’Iférouane, d’ethnie touareg, cet énarque a été
formé à l’École nationale d’administration (ENA)
de Niamey, puis à celle de Paris (promotion Victor
Schoelcher). Brigi Rafini, 67 ans, a été nommé
Premier ministre par le président Issoufou Mahamadou
le jour de son investiture à la magistrature suprême, le
7 avril 2011. Près d’une décennie plus tard, il est toujours en
poste, battant ainsi le record de longévité d’un Premier ministre
au Niger – que détenait l’actuel dirigeant de l’opposition, Hama
Amadou, chef du gouvernement de Mamadou Tandja durant
sept ans. Premier collaborateur du président, cet homme politique
réputé pour sa pondération et sa sagesse est celui qui a mis
en musique la partition d’Issoufou, ses programmes de Renaissance
I et II et son plan quinquennal de développement économique
et social. Confidences au moment du bilan.
AM : À mi-parcours de son exécution, le Plan de
développement économique et social (PDES 2017-2021)
avait engrangé 12 milliards de dollars sur les 23 milliards
annoncés. Où en est-on aujourd’hui ?
Brigi Rafini : La table ronde sur le financement du PDES, organisée
les 13 et 14 décembre 2017 à Paris, avait permis d’enregistrer
des intentions d’investissement de 23 milliards de
dollars, répartis comme suit : 12,7 milliards de dollars par des
partenaires au développement et 10,3 milliards par le secteur
privé. Au 31 août 2020, la situation établie par nos services
fait ressortir un montant cumulé des financements mobilisés
de l’ordre de 24 milliards de dollars, à raison de 9,5 milliards
de dollars pour les partenaires institutionnels et 14,5 milliards
de dollars pour le secteur privé. Le montant total des recettes
internes mobilisées par les régies financières de 2017 à fin septembre
2020 s’élève à 3027,5 milliards de francs CFA, avec un
montant annuel moyen de près de 800 milliards de francs CFA
et un taux de progression annuelle moyen de 12,5 %. Les ressources
internes sont essentiellement constituées de recettes
fiscales (2 763,3 milliards de francs CFA), qui ont progressé de
9,6 % depuis 2016.
La dynamique de développement engendrée
par les programmes Renaissance I et II a sans doute
souffert des effets de la pandémie de Covid-19.
Avez-vous quantifié cet impact négatif ?
N’eût été l’impact néfaste de cette pandémie, le taux de
croissance moyen sur la période 2011-2020 aurait dû être de
6,4 %. En effet, les dernières estimations hors Covid-19 le
situaient en 2020 à 6,9 %. Du fait de la crise sanitaire, son
taux s’établit, selon nos estimations, à 1,2 %. Ce recul s’explique
essentiellement par le ralentissement des exportations,
le retard dans la mise en œuvre des projets de grande envergure,
le resserrement des conditions financières et les mesures
barrières de lutte contre la pandémie. Les secteurs secondaire
et tertiaire sont les plus affectés : ils devraient enregistrer des
baisses de croissance respectives de 10,2 % et 7,1 %. Toutefois,
nous notons avec satisfaction que, selon le Fonds monétaire
international (FMI), le Niger fait partie des cinq pays africains
qui affichent une résilience face à la crise qu’engendre le Covid-
19 sur l’économie mondiale.
Le Niger vient d’être admis comme pays de mise en
œuvre de l’Initiative pour la transparence des industries
VI afrique magazine I 410 – novembre 2020
Nicolas RÈmÈnÈ/AFP
extractives (ITIE), lors du conseil d’administration
de cette dernière le 13 février 2020. Quelles dispositions
avez-vous prises pour remplir les exigences prévues
par la norme ITIE ?
Le Niger avait adhéré en 2005 à l’ITIE. Il s’en était retiré à
la suite d’une suspension décidée par son conseil d’administration,
le 26 octobre 2017, à Manille, aux Philippines. À la suite
d’une visite du secrétaire exécutif de l’ITIE, le malentendu a
été dissipé. Lors d’une conférence sur
la gouvernance du secteur extractif
tenue en janvier 2019 à Niamey, j’ai
annoncé la décision du gouvernement
de reprendre sa place au sein de l’ITIE
Internationale et de jouer, pleinement
et en toute responsabilité – comme il
l’a toujours fait, du reste – son rôle dans la gouvernance des
industries extractives. Avant de soumettre sa candidature, le
gouvernement a réformé le dispositif de mise en œuvre pour le
rendre plus efficient. Toutes les instances de ce nouveau dispositif
ont été mises en place de façon transparente et inclusive.
La nouvelle équipe travaille d’arrache-pied pour produire le
rapport 2019 au plus tard le 13 août 2021.
De nombreuses réalisations ont été accomplies
au cours des deux mandats du président Issoufou.
Quelle est celle dont vous tirez le plus de fierté ?
Toutes les réalisations accomplies ces dix dernières années
sont importantes pour le peuple nigérien et un motif de fierté
pour le président Issoufou et ceux qui l’ont accompagné. La
modernisation de notre capitale, celle des chefs-lieux de
régions et nos villes, l’amélioration des conditions de vie de
nos concitoyens, l’accès à l’eau potable dans les centres urbains
et les villages, la mise à niveau et l’extension du réseau routier,
le nouvel aéroport international de Niamey, le centre national
de lutte contre le cancer, les hôpitaux de référence, les nouvelles
universités publiques, le barrage hydroélectrique de Kandadji…
Difficile d’énumérer tout ce qui a été accompli. Mais si je devais
choisir un acquis, je citerais l’Initiative 3N (« Les Nigériens nourrissent
les Nigériens »), dont la mise en œuvre s’est traduite
par d’importants investissements pour restaurer et protéger les
bases productives, développer les ouvrages de mobilisation de
l’eau et apporter le soutien aux producteurs agropastoraux. Près
de 3 000 milliards de francs CFA ont été consacrés à cette initiative.
Les productions céréalières et irriguées se sont accrues en
moyenne annuelle respectivement de 6 % et 24 % depuis 2011.
Autre motif de satisfaction, la résilience de notre économie
dans un contexte difficile caractérisé par les tensions sécuritaires,
le changement climatique et les crises sanitaires. Grâce
au dynamisme dans la création de richesses, le revenu par tête
d’habitant et la consommation finale des ménages ont progressé
respectivement de 56 % et 38 %. L’incidence de la pauvreté
s’est également améliorée, en passant de 48,2 %, en 2011,
à 40,3 %, en 2018. Les réformes entreprises dans le cadre de
la promotion du secteur privé ont permis d’améliorer le climat
des affaires. Le Niger a fait un bond dans le classement de
la Banque mondiale Doing Business, passant de la 174 e place,
en 2011, à la 132 e , en 2019, soit une progression de 42 rangs.
Selon le FMI, le Niger fait partie des cinq
pays africains qui affichent une véritable
résilience face à la crise qu’engendre
le Covid-19.
Nous avons évoqué l’impact de la pandémie du Covid-19
sur la dynamique de développement. Quel est celui de
la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel sur
l’économie nigérienne ?
Le secteur de la sécurité a bénéficié d’une moyenne d’allocations
budgétaires annuelles de 16 %, un taux supérieur à
la cible de 10 % prévue par le programme de Renaissance. Le
contexte du Sahel est miné par l’activisme des groupes terroristes
au Mali, au Nigeria ou dans le bassin du lac Tchad. Ce
choc sécuritaire a fortement impacté les opérations de développement.
Or, la condition du développement, c’est la sécurité
et la protection de nos frontières. Énorme effort de l’État, les
ressources consacrées à la sécurité auraient pu servir aux investissements
productifs et aux secteurs sociaux. ■
afrique magazine I 410 – novembre 2020 VII
découverte/Niger
Niger 2011-2021
La preuve par 15
Mille et un arguments feraient taire les sceptiques tant les transformations
qu’ont connues le pays, sa capitale, ses villes, ses villages et ses territoires
sont visibles : modernisation des infrastructures et des mentalités, amélioration
des conditions socio-économiques des populations (santé, éducation, justice),
recul de la pauvreté, consolidation de la classe moyenne et croissance solide.
Voici en 15 données les éléments de ce grand changement à la nigérienne.
PIB par
habitant
+ 40 %
Le Produit intérieur brut
(PIB) a presque doublé entre 2011
et 2020, passant de 5,1 milliards
de dollars à 9,72 milliards de
dollars. Le revenu par tête
d’habitant, en valeur nominale,
est passé de 323 dollars, en 2011,
à 474 dollars, en 2019. Soit
une croissance de plus de 40 %
en moins de dix ans. Principale
conséquence : la consommation
des ménages a progressé de
près de 12 % au cours de cette
période, passant d’une moyenne
annuelle de 260 dollars, en 2011,
à 292 dollars, en 2019.
Investissements
directs
étrangers
+ 100 %
Les investissements
directs étrangers (IDE) ont
connu une forte croissance ces
dernières années. « Entre 2016
et 2019, ils sont passés du simple
au double, affirme le président
Issoufou Mahamadou, ils se
chiffrent à 614 millions de dollars,
en 2019, pour 280 millions
de dollars, en 2016. » Soit une
hausse de 334 millions de dollars
en trois ans. En pourcentage
du PIB, les IDE représentent 6 %,
en 2019, contre 3,4 %, en 2016.
Nouvel
aéroport
de Niamey
Symbole de la régénération
de la capitale, le nouvel aéroport
international Diori Hamani (qui
a coûté 210 millions de dollars)
est l’un des jalons du programme
Niamey Nyala, visant à en faire
le « Dubaï de l’Afrique de l’Ouest » :
réseau routier ultramoderne,
avec échangeurs et nouveau pont,
cinq palaces de haut standing,
espaces verts et éclairage public,
mais surtout aménagement
des berges du fleuve Niger
(3,5 milliards de dollars). Le
lifting de la capitale a mobilisé
plus de 5 milliards de dollars.
Meroe Designs
VIII afrique magazine I 410 – novembre 2020
Meroe Designs
routes
bitumées
+ 1 114 km
En matière de réseau routier,
on relève la construction de
1 114 km de routes bitumées, la
réhabilitation de 729 km de routes
existantes, ainsi que la réalisation
de grands ouvrages, parmi lesquels
le chantier pharaonique en cours
du troisième pont de Niamey,
qui soulagera la circulation
dans la capitale. Sur le plan
national, le linéaire des routes
bitumées est passé de 3 952 km,
en 2010, à 5 066 km, en 2019.
Routes
rurales
+ 2 147 km
Le désenclavement des
territoires s’est traduit par la
construction de 2 147 km de
routes rurales et la réhabilitation
de 493 km de pistes. Désormais,
les villageois ont troqué leur
culture de subsistance contre une
culture intensive, le réseau routier
permettant d’écouler leur surplus
de production dans les marchés
régionaux. Autre effet bénéfique,
l’évacuation des malades est moins
problématique. C’est pourquoi
le recul de la pauvreté en milieu
rural est de 9 %, contre une
moyenne nationale de 8 %.
création
d’entreprises
+ 32 000
L’assainissement
du climat des affaires
a permis au pays de progresser de
42 rangs dans le classement mondial
Doing Business. Parmi les réformes
introduites, la promotion de la
compétitivité et de la viabilité des
PME, qui a permis une augmentation
exponentielle du nombre d’entités
économiques créées. Avec
5 255 nouvelles entreprises en 2019,
le stock total des sociétés nées au
cours de la décennie se situe à 32 639.
Puissance
électrique
installée
+ 110 %
ce qui a été réalisé au cours
du dernier quinquennat en matière
de capacités de production électrique
équivaut à ce qui a été accompli
au cours des cinquante précédentes
années. Entre 2016 et 2019,
la puissance installée est passée de
200 à 410 MW, grâce à l’ouverture de
deux nouvelles centrales thermiques,
à Niamey et Zinder, ainsi que de
trois parcs solaires. Du côté des
infrastructures de transport, le réseau
a été consolidé par la construction
de 277 km de lignes haute tension.
494 localités
électrifiées
Grâce aux nouvelles
capacités de production
et de transport d’électricité,
le taux d’accès des ménages
a progressé de 5 %, passant
de 8,63 %, en 2010, à 13,6 %,
en 2019. Avec 494 nouveaux
villages raccordés au réseau
électrique, le cumul de localités
électrifiées a atteint le nombre
de 838, représentant près de
200 000 nouveaux foyers abonnés
au réseau de la Société nigérienne
d’électricité (Nigelec). Pour les
populations isolées et les hameaux
éloignés du réseau, 5 661 kits
solaires ont été distribués.
231 puits
de pétrole
L’attribution
de plusieurs permis
de recherche a engendré
une amélioration significative
des réserves de pétrole et de
gaz naturel. De 2011 à 2019,
231 puits ont été forés.
Ces derniers représentent
plus des deux tiers des puits
d’hydrocarbures creusés au
Niger. Les études géologiques
et géophysiques effectuées ont
permis de mettre à jour des
réserves récupérables de pétrole
estimées à 953 millions de
barils et des ressources en gaz
naturel de 24 milliards de m 3 .
afrique magazine I 410 – novembre 2020 IX
découverte/Niger
Enseignement
secondaire
+ 137 %
d’élèves
Ce palier de l’éducation nationale
a renforcé ses capacités d’accueil
avec la réalisation de 453 nouveaux
collèges d’enseignement général
et 15 lycées publics. Soit un total
de 3 228 nouvelles salles de classe,
39 bibliothèques et 12 laboratoires.
L’adoption de la politique nationale
de la scolarisation des jeunes
filles et la révision du système
d’attribution des bourses avec
critères discriminants en leur
faveur ont fait que les lycéennes
représentent désormais 45 %
des effectifs du secondaire.
Centres
d’alphabétisation
+ 7900
L’ouverture de
7 901 centres dédiés a permis
d’alphabétiser 262 886 adultes
(femmes et hommes) et adolescents
en situation d’échec scolaire.
Cette catégorie de jeunes exclus
du circuit de l’éducation nationale
bénéficie ainsi d’une seconde
chance grâce à la création de
huit centres de regroupement,
dotés de 307 classes, ainsi que
90 centres d’éducation alternative.
Production
irriguée
+ 391 %
Les superficies irriguées
ont connu une croissance
de 391 % entre 2011 et 2019.
De nombreuses réalisations
ont contribué à l’augmentation
de ces superficies, parmi lesquelles
la construction ou la réhabilitation
de 436 ouvrages de mobilisation
d’eau, ainsi que la mise en place
de 12 134 ha d’aménagements
hydro-agricoles. La quantité
d’eau mobilisée est passée de
194 millions de m 3 , en 2011,
à 270 millions de m 3 , en 2019.
Production
céréalière
+ 51 %
La production
céréalière s’est établie en moyenne
à 4,9 millions de tonnes, soit
un accroissement de 51 % par
rapport à 2011. Les rendements
des principales filières se sont
améliorés. Mil, sorgho et riz ont
connu une croissance de 5 % en
moyenne annuelle. Pour appuyer
la production, des actions régulières
ont été menées pour renforcer les
capacités techniques des producteurs
et améliorer la mécanisation,
avec la fourniture de matériel
agricole, dont 308 tracteurs.
Emplois
agricoles
+ 700 000
La valeur ajoutée de l’agriculture
a crû de 108 %, passant de
1,33 à 2,78 milliards de dollars.
Du côté de l’élevage, son chiffre
d’affaires est passé de 530 à
789 millions de dollars. Celui
de la foresterie est passé de 230
à 308 millions de dollars, soit une
croissance de 35 %. En matière
d’opportunité de travail, le secteur
a produit près des deux tiers des
emplois créés depuis 2011. S’agissant
du taux de pauvreté en milieu rural,
il est progressivement passé de
54,6 %, en 2011, à 45,6 %, en 2019.
Mortalité
infantile
- 35 %
La construction de deux
hôpitaux nationaux de référence
(Niamey et Maradi), de l’hôpital
mère-enfant à Niamey et de sept
centres de santé mère-enfant
dans les autres régions a eu pour
impact une réduction substantielle
du taux de mortalité infantile.
Cet indicateur s’est progressivement
amélioré, passant de 62,1 décès
pour 1 000 naissances en 2010,
à 48 en 2018. La gratuité des soins
pour les enfants et les femmes
enceintes a coûté au Trésor public
6,5 millions de dollars. ■
Meroe Designs
X afrique magazine I 410 – novembre 2020
Portrait
Mohamed Bazoum
Le camarade
dauphin
Avec trente ans de carrière politique derrière
lui et son réseau de fidèles, le candidat adoubé
par le président Issoufou a toutes ses chances.
issouf sanogo/afp
Mohamed Bazoum, 60 ans, a succédé à
Issoufou Mahamadou à la tête du Parti
nigérien pour la démocratie et le socialisme
(PNDS) quand ce dernier a été élu président
de la République, en mars 2011. Deux
mandats présidentiels plus tard, il ambitionne de lui succéder
à la tête de l’État. Les deux hommes se côtoient depuis plus
de trente ans, puisque leur combat politique les a amenés,
en 1990, à fonder le PNDS avec d’autres
camarades, dans le sillage de la Conférence
nationale qui a restauré la démocratie après
une longue nuit de dictature militaire. Ce
compagnonnage a créé des liens de camaraderie
très forts entre les deux hommes. Issoufou
Mahamadou avait de l’ascendant sur le
camarade Bazoum, son benjamin de huit ans,
mais aussi de l’admiration pour sa détermination
politique, la cohérence de ses propos, sa
rhétorique, la rigueur de ses analyses, et surtout
sa loyauté. C’est pourquoi il en a fait un homme
clé dans son dispositif en arrivant au pouvoir :
ministre d’État aux Affaires étrangères, puis
à la Présidence, et enfin à l’Intérieur et à la
Sécurité publique. Il lui a en outre apporté son
soutien quand il a affiché son ambition de devenir dauphin.
Arabe de la tribu des Ouled Slimane, Mohamed Bazoum
est né le 1 er janvier 1960 à Bilabrine, dans la région de
Diffa. Sa famille s’installe ensuite à Tesker, dans la région
de Zinder, où il passe son enfance et sa scolarité primaire.
Après un bac obtenu à Zinder, en 1979, il obtient une bourse
Son talent
d’orateur en
fait rapidement
une étoile
montante
de la vie politique.
Il se frotte avec
succès au
suffrage universel
et devient député
au cours de
quatre législatures.
pour l’Université Cheikh Anta Diop, à Dakar, et y décroche
une maîtrise en philosophie politique et morale. De retour au
pays, il enseigne la philosophie. Comme pour de nombreux
militants de gauche, il entre en politique par le syndicalisme.
Son engagement auprès du Syndicat national des enseignants
nigériens (SNEN) lui vaut d’être intégré dans le staff de
la puissante Union des syndicats des travailleurs nigériens
(USTN). Puis vient le temps des Conférences nationales et de
leurs espaces de débat. Son talent d’orateur en fait
rapidement une étoile montante de la vie politique.
Il se frotte avec succès au suffrage universel et
devient député au cours de quatre législatures.
Militant de l’État de droit, farouche adversaire
de l’intrusion des militaires dans la vie politique,
opposant aux tripatouillages de Constitution,
pourfendeur des corrompus de la République,
Bazoum est sans doute l’homme politique
qui connaît le mieux l’État, le peuple et le
territoire. Ses passages à la tête des ministères
régaliens en font un expert des rouages de
l’administration, un parfait connaisseur de la
moindre parcelle du pays pour l’avoir sillonné
du nord au sud et d’est en ouest. Ses trente ans
de carrière politique lui ont permis d’avoir un
réseau de fidèles aux quatre coins du Niger. Autant d’atouts
qui vont l’aider à vaincre son talon d’Achille : l’appartenance
à une minorité ethnique, sérieux handicap en matière
électorale. Mais l’argument est balayé d’un revers de bras.
Bazoum est confiant : « Le suffrage universel fera de moi
le successeur de mon camarade Issoufou Mahamadou. » ■
afrique magazine I 410 – novembre 2020 XI
découverte/Niger
Le président de la Commission de l’UA,
Moussa Faki Mahamat, en plein discours au sommet
extraordinaire de Niamey, en juillet 2019.
XII afrique magazine I 410 – novembre 2020
Un carrefour
africain
Longtemps délaissée, Niamey est devenue, en quelques
années, une escale incontournable pour les visiteurs étrangers.
Et un espace de dialogue et de réunions internationales.
Retour sur une étonnante ascension diplomatique.
issouf sanogo/afp
L
’efficacité
de la diplomatie d’un pays
se mesure au degré de son impact
aux niveaux régional, continental et
international. Et sur ces trois paliers,
le Niger n’avait que peu d’influence. Il était
loin le temps où son président, feu Hamani
Diori, était considéré comme père fondateur
de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), ou
parrain, avec le Tunisien Habib Bourguiba et le
Sénégalais Léopold Sédar Senghor, de l’Agence
de coopération culturelle et technique (ACCT)
– devenue Organisation internationale de la
francophonie (OIF) –, née en 1970 à Niamey.
Oubliée la période où, feu Idé Oumarou, ancien
ministre des Affaires étrangères, ex-secrétaire
général de l’OUA entre 1985 et 1989, avait une
grande influence dans le continent et au-delà.
Comment Niamey a-t-elle cessé d’avoir un rôle clé
dans les relations internationales ? En cinquante
ans d’indépendance, la République a été marquée
par le sceau de l’instabilité : quatre coups d’État
militaires en un demi-siècle, cela vous ruine une
réputation, déstabilise les institutions, désempare
les partenaires les plus fidèles et les bailleurs les
plus généreux. C’est ainsi que l’on cesse d’être
un acteur majeur dans le concert des nations.
En arrivant aux affaires, en 2011, le président
Issoufou s’engage à restaurer l’image de son
pays et rendre à Niamey son statut d’escale
incontournable dans le règlement des conflits
régionaux, de passage obligé pour les puissants
et les influents. Il initie une offensive
diplomatique en vue de rétablir la confiance
entre le Niger et ses partenaires, mise à mal par
l’instabilité politique du pays, la faiblesse de son
économie et son éternelle dépendance de l’aide
internationale pour boucler ses fins de mois.
Pour atteindre cet objectif, il mise sur une plus
grande implication du Niger dans les grands
agendas régionaux et internationaux. Et opte,
avec succès, pour le renforcement des capacités
d’accueil de Niamey, celles de son aéroport.
En quelques années, plus de 500 accords et
conventions sont signés avec des partenaires.
Avec un regain d’agressivité de sa diplomatie
économique, il obtient une remarquable
augmentation des investissements directs
étrangers et le renforcement des programmes
d’appuis budgétaires. Cette stratégie est payante.
En juillet 2019, Niamey accueille pour la première
fois depuis l’indépendance du pays, en 1960, un
sommet continental. Cette conférence des chefs
d’État de l’Union africaine (UA, remplaçante de
l’OUA) est un moment historique, puisqu’il donne
naissance à la Zone de libre-échange continentale
africaine (Zleca), en gestation depuis plus de
quinze ans. Dans la foulée, Issoufou Mahamadou
convoque plusieurs sommets de la Communauté
économique des États de l’Afrique de l’Ouest
(Cedeao), dont il devient le président en
exercice. Sur le plan international, il obtient
que le Niger soit élu membre non permanent du
afrique magazine I 410 – novembre 2020 XIII
découverte/Niger
Conseil de sécurité de l’ONU, pendant deux ans,
à compter du 1 er janvier 2020. À ce titre, le Niger
occupe la présidence tournante du Conseil
de sécurité, en marge de l’assemblée générale
des Nations unies, en septembre. Plusieurs
fonctionnaires et diplomates sont désignés dans
des organisations internationales, à l’image
de Mohamed Moussa, proche collaborateur
du président Issoufou, élu en novembre 2016
directeur général de l’Agence pour la sécurité
de la navigation aérienne en Afrique et à
Madagascar (ASECNA). Ou de Maman Sambo
Sidikou, diplomate de haut vol et ancien ministre
des Affaires étrangères, avec un brillant CV
de fonctionnaire international – ex-directeur de
la Mission de l’Organisation des Nations unies
pour la stabilisation en République démocratique
du Congo (Monusco) et de la Mission de
l’Union africaine en Somalie (Amisom) –,
désigné en 2018 secrétaire exécutif du G5 Sahel
(regroupant le Burkina Faso, le Mali, la
Mauritanie, le Niger et le Tchad pour lutter contre
le terrorisme et la criminalité transfrontalière).
La capitale et ses chancelleries
P
our savoir ce que pèse réellement un pays sur le plan
diplomatique, on ne pose pas la question chère
à Staline : « Combien de divisions ?», mais plutôt « Combien
de chancelleries ?» Par chancelleries, il faut entendre
les représentations étrangères (ambassades, consulats,
centres culturels, bureaux d’intérêt, etc.) installées dans
la capitale, mais aussi les représentations diplomatiques de ce pays
à l’étranger. Les Affaires étrangères n’étaient pas prioritaires dans
l’élaboration du budget de l’État. Le président Issoufou a changé
la donne et fait de la diplomatie un pilier de la stratégie
de développement. Au cours de ses deux mandats, il a bouleversé
la carte diplomatique et consulaire avec un élargissement sans
précédent des représentations. Le Niger disposait de 28 ambassades
à l’étranger, il en dispose aujourd’hui de 40. Le choix des capitales
ciblées n’est pas fortuit : de Bamako à Moscou, d’Ankara à Ottawa,
de Yaoundé à New Delhi… Niamey accueille désormais de nouvelles
ambassades. Le Soudan, l’Italie, le Ghana, la Côte d’Ivoire
et la Belgique y ont dressé pavillon. Par ailleurs, la capitale abrite
plusieurs nouveaux bureaux de liaisons diplomatiques,
notamment celui de la Grande-Bretagne (logé à l’ambassade
de France) et celui des Pays-Bas (à l’ambassade de la Belgique). ■
Le pays mise en outre sur une diplomatie
« militaire ». Ses forces armées participent
à de nombreux dispositifs de maintien de
la paix dans le cadre onusien, à l’instar des
missions pour la stabilisation en Côte d’Ivoire
(Onuci), au Mali (Minusma), en Centrafrique
(Minusca) ou en RDC (Monusco). Et dans
un cadre régional, au G5 Sahel ou à la Force
multinationale mixte (FMM), qui regroupe aussi
les armées du Cameroun, du Niger, du Nigeria
et du Tchad et lutte contre Boko Haram. L’action
diplomatique selon le président Issoufou dispose
de deux autres bottes : le volet économique
et l’engagement écologique. La première a
contribué à faire du Niger une destination pour
l’investissement privé, qui se chiffre désormais
en milliards de dollars. Le second a permis
de faire du pays un acteur majeur au cours
des dernières conférences internationales sur
les changements climatiques (COP). En 2016,
à Marrakech, la COP 22 a décidé d’attribuer au
Niger le statut de coordinateur de la commission
Climat pour la région du Sahel, regroupant
17 pays. La première rencontre des ministres
de ses États membres, organisée à Niamey
en juillet 2018, a été couplée à la Conférence
internationale sur la désertification et l’économie
verte. Fruit de ces efforts : l’élaboration du plan
d’investissement climat pour la région du Sahel
pour la période 2018-2030. Ce processus a
permis à Niamey d’accueillir successivement la
deuxième rencontre de haut niveau des ministres
de la commission, en octobre 2018, et la première
conférence des chefs d’État et de gouvernements
de la commission, en février 2019.
La multiplication des succès de la diplomatie
nigérienne a conforté la confiance des
partenaires en la personne du président pour
son leadership dans plusieurs dossiers sensibles :
dégradation de la situation sécuritaire au
Sahel, incertitudes autour de la création de la
monnaie unique de la Cedeao, mise en place
de la Zleca ou encore pilotage de la commission
Climat pour le Sahel. Tout cela a valu au
président Issoufou Mahamadou de recevoir
de nombreuses distinctions, à l’image de celle
décernée par l’Organisation des Nations unies
pour le développement industriel (ONUDI). ■
XIV afrique magazine I 410 – novembre 2020
Faire face à la menace
Pour contrer les opérations meurtrières des djihadistes, l’armée cherche à améliorer
son efficacité sur le terrain. Tout en s’intégrant dans des opérations régionales.
ISSOUF SANOGO/AfP
Le Niger, dont la superficie équivaut à deux
fois celle de la France, est sous la menace
de plusieurs groupes djihadistes éparpillés
dans l’immensité désertique qui caractérise
son territoire. Sa frontière septentrionale,
avec la Libye et son État failli, est livrée aux
bandes criminelles de la traite humaine et du
trafic de stupéfiants. Aux confins méridionaux,
qui jouxtent son grand voisin, le Nigeria, les
incursions de contrebandiers et de criminels
se multiplient. Dernière en date : le rapt, dans
la nuit du 26 au 27 octobre 2020, de Philip
Walton, ressortissant américain, dans le village
frontalier de Massalata. À la limite orientale, côté
Tchad, Boko Haram harcèle l’armée, rackette les
villageois et rançonne les pêcheurs du lac Tchad.
Dans l’Ouest, en bordure du Mali et du Burkina
Faso, les assauts du Groupe de soutien à l’islam
et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda),
que dirige le Malien Iyad Ag Ghali, et de l’État
islamique dans le Grand Sahara (EIGS), d’Adnane
Abou Walid el-Sahraoui, sont quasi quotidiens.
Ils ciblent autant les populations civiles que les
positions de l’armée ou ses patrouilles mobiles.
Entre décembre 2019 et août 2020, plus de
150 soldats nigériens ont été tués dans des
attaques terroristes. Malgré ce bilan macabre,
Issoufou Katambé, ministre de la Défense, est
formel : « Il n’y a pas de menace domestique.
Les attaques terroristes sont menées par des
assaillants venant des pays voisins. Il n’y a pas
de sanctuaire djihadiste chez nous », assure-t-il.
La détérioration des conditions sécuritaires
coûte cher au Trésor public. Sur un budget
de 3,4 milliards de dollars, l’État a mobilisé,
en 2019, plus de 630 millions de dollars pour
la Défense et la Sécurité. C’est dire le manque
à investir. Malgré sa réputation d’armée
putschiste (quatre coups d’État entre 1974
et 2010), l’institution militaire a réussi à soigner
son image ces dernières années, grâce à son
engagement dans les opérations de maintien
de la paix sous l’égide des Nations unies ou
dans des opérations régionales avec le G5 Sahel
et la Force multinationale mixte (FMM). La
combativité et le professionnalisme de ses soldats
ont redoré son blason. Elle a retrouvé grâce
auprès des partenaires. Cependant, deux affaires
menacent de ternir à nouveau son image.
Une enquête de la Commission nationale
des droits de l’homme (CNDH), en août 2020,
accuse l’armée de l’exécution sommaire de
dizaines de civils dans le Liptako Gourma, zone
de confluence des trois frontières (Burkina, Mali
et Niger). Issoufou Katambé défend l’honneur de
l’institution et récuse les conclusions de l’enquête,
tout en affirmant avoir « transmis le rapport
de la CNDH aux juridictions compétentes ». La
seconde affaire est tout aussi infamante. Un audit
commandité par le président Issoufou, en 2019, a
dévoilé malversations et surfacturations dans des
opérations d’acquisition d’équipements militaires
au profit des forces de défense entre 2017 et 2019.
Montant détourné : 76 milliards de francs CFA
(137 millions de dollars). La justice s’est saisie
de l’affaire, et le président assure qu’il n’y aura
pas d’impunité. Un minimum pour la mémoire
des soldats fauchés par l’hydre terroriste. ■
Les forces de l’armée
nigérienne patrouillent
devant le Palais des
congrès à Niamey, le
8 juillet 2019, lors de la
cérémonie de clôture
du sommet de l’UA.
Combativité et
professionnalisme
ont redoré
son blason.
Elle a retrouvé
son crédit auprès
des partenaires.
afrique magazine I 410 – novembre 2020 XV
découverte/Niger
Décryptage
Demain le pétrole
Au cours de la dernière décennie, le pays a atteint l’autosuffisance
en matière d’hydrocarbures. Cette manne semble loin d’être tarie, et la construction
d’infrastructures destinées à organiser l’exportation de brut est en cours.
En mars 2021, le président Issoufou
devrait quitter le palais présidentiel,
après avoir passé le flambeau au
nouveau président élu. Il aura la
satisfaction de laisser à son successeur
un Niger en meilleur état qu’il ne l’avait
trouvé, dix ans auparavant. Les changements
sont nombreux, les mutations profondes
et les améliorations palpables.
Infrastructures réalisées, afflux
d’investisseurs étrangers, finances
publiques assainies, diplomatie
revigorée… Cependant, le cadeau de
bienvenue au nouveau chef d’État aura
la forme de promesses pétrolières.
Pays à culture minière, cinquième
exportateur d’uranium dans le monde,
le Niger est, depuis novembre 2011,
un pays pétrolier. Ses besoins en
carburants sont couverts par la
production locale de pétrole brut, extrait du site
d’Agadem et transporté par canalisation jusqu’à
la raffinerie de Zinder (Soraz). Non seulement
le Trésor public est soulagé d’une coûteuse
facture d’importation, mais le Niger fournit
désormais à ses voisins, le Bénin, le Burkina
Faso, le Mali et le… Nigeria, géant pétrolier
s’il en est, l’excédent de ses produits raffinés,
avec un volume de plus de 510 000 tonnes
équivalent pétrole par an, générant des
ressources s’élevant à plus de 1,3 milliard de
dollars. Aujourd’hui, le secteur des hydrocarbures
concourt à près de 4 % du PIB, contribue à près
du cinquième des recettes fiscales et représente
16 % des exportations. Mais les ambitions
ne s’arrêtent pas à cette performance.
Le partenaire chinois China National
Petroleum Company (CNPC) a intensifié
par
Cherif Ouazani
l’exploration. Ces travaux ont permis de
déceler des réserves récupérables estimées
à près de 1 milliard de barils. La Soraz étant sousdimensionnée
pour une telle quantité, la solution
de l’exportation de brut s’est imposée. D’où le
projet d’un pipeline, long de 2 000 km, reliant le
site de production de Koulélé au port de Sèmè, au
Bénin. Montant de l’investissement : 4,5 milliards
de dollars. Le lancement des travaux
a eu lieu en septembre 2019.
Prévue à l’horizon 2022, la mise
en œuvre de cette infrastructure
permettra l’exportation quotidienne
de 110 000 barils de pétrole brut.
Le secteur des hydrocarbures
contribuera alors au quart du PIB,
à près de la moitié des recettes
fiscales et à plus des deux tiers des
exportations. En outre, il créera
des dizaines de milliers de postes
de travail, jusqu’à 12 % des emplois formels
au Niger, selon certaines estimations. D’autres
bonnes nouvelles parviennent du Nord.
D’encourageantes potentialités en huile et en
gaz ont été décelées dans les blocs de recherche
opérés près des frontières avec l’Algérie par
Sipex, filiale internationale du groupe algérien
Sonatrach. La proximité des installations
pétrolières de ce pays voisin devrait réduire
les coûts de production, estimés à 25 dollars
entre l’extraction et le transport du baril
entre Agadem et le terminal de Sèmè.
Hier, les Nigériens suivaient avec angoisse
les fluctuations quotidiennes des cours
de l’uranium, unique source de revenus
du Trésor public. Demain, ils scruteront
celles du panier de l’Organisation des pays
exportateurs de pétrole (OPEP). ■
dr
XVI afrique magazine I 410 – novembre 2020