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Le Confiné Libéré
N°10
« Moi » et les autres…
Edito
Difficile aujourd'hui de jouer collectif. Le bien commun: une notion vénérée par tous
pourvu qu'elle ne gêne ni les habitudes ni le confort. Affichez, messieurs les maires, affichez
en lettres d'or sur les panneaux publicitaires qu'il convient, à l'approche des fêtes, d'acheter
local pour soutenir les commerçants du patelin... Et le quidam de regarder cela d'un œil
ému, rêvant de pittoresques boutiques où il viendrait donner libre cours, en grand seigneur,
à sa générosité triomphante.
Mais en réalité, une vague séance de lèche-vitrine lui apprend que, cette année
encore, il n'aura pas les moyens de jouer collectif. Alors, trois jours avant Noël, il se tourne
vers la panacée universelle, la fabuleuse enseigne jaune qui en quelques heures remplit les
chaussons de merveilleux présents...
Amazon, nouveau père Noël, est
sans cesse vilipendé. Mais peut-on
blâmer une enseigne commerciale
de tirer profit d'une situation bien à
son avantage ? Serait-il juste
également de jeter la pierre au
commerçant pour ses prix trop
élevés ? Et enfin, troisième maillon
de cette chaîne infernale, le client,
qui préfère acheter chez Amazon
que dans la boutique de jouets en bois de luxe, chez Lidl plutôt que dans la boucheriecharcuterie
du coin de la rue, n'obéit-il pas non plus à la double exigence du confort et de
l'économie ? C'est ici qu'il faudrait, peut-être, redéfinir notre société : aujourd'hui elle n'est
pour certains qu'un équilibre entre, d'un côté, la masse informe des consommateurs, de
l'autre la multiplicité des enseignes obéissant à la loi, bien naturelle, du plus fort écrasant les
plus faibles. Dans cette société marchande, le bien commun paraît ne jamais correspondre
au bien particulier. Y a-t-il encore un sens de taxer de service du bien commun le fait de faire
travailler les petits commerces alors même que pour des milliers de Français, cela va à
l'encontre de leur bien particulier, en l'occurrence leur portefeuille ? Changeons de point de
vue : s'il s'agissait en fait de faire correspond à l'intérêt général son intérêt propre et non pas
l'inverse ! De tout temps le service du bien commun a demandé des sacrifices, voire le
sacrifice ultime. En premier lieu, refusons de nous tenir à ce rôle de client que veut nous
assigner une société capitaliste. Refusons d'être défini uniquement par notre pouvoir
d'achat. Ceci posé reste une évidence : un porte-monnaie non extensible. Il faudrait là
encore échanger notre amour du plus contre un amour du mieux, troquer le désir
d'abondance contre un désir de qualité.
Difficile aujourd'hui de jouer collectif : essayons cependant !
M.L.
Les petits commerces : une résistance de plus en plus difficile aux géants
d’Internet.
transforme en une fleur jaune, la narcisse.
L’Olympe des dieux antiques, né de l’imagination des
grecs regroupe tous les poncifs des qualités et défauts humains
: Héra l’épouse jalouse, Vénus séductrice trop
consciente de sa beauté, Vulcain l’irascible... Aussi le cliché
de l’égoïste, de l’homme imbu de lui-même ne tarde
pas à rejoindre l’équipe. Le mythe de Narcisse est né.
Transmis par voie orale autour d’un verre d’uso à l’ombre
des figuiers, la légende parvient au poète latin Ovide qui
relate les malheurs du jeune Narcisse dans ses Métamorphoses.
manuscrit du Roman de la
Rose
Au Moyen-Age l’iconographie de Narcisse est bien
présente dans les manuscrits, notamment dans un exemplaire
du Roman de la Rose où un jeune courtisan, vêtu selon
la mode contemporaine admire son reflet. La nymphe
Echo n’est pas figurée et la légende est réduite à une simple
personnification de l’égoïsme.
mosaïque antique
Les premiers Narcisse de l’histoire
Les représentations antiques de la légende sont rares et
il n’y a qu’une seule mosaïque romaine conservée. Elle
relate les faits de manière proche du texte. La nymphe
Echo éprise de la beauté exceptionnelle du jeune Narcisse
qui la rejette avec mépris. Dans son ressentiment elle lui
souhaite de tomber amoureux de lui-même et ainsi de ne
jamais pouvoir posséder l’être aimé.
Au cours d’une châsse le jeune homme se désaltère dans
un cours d’eau. A la vue de son reflet il succombe à son
charme. Il se consume à petit feu, après sa mort il se
La terribilità baroque
A l’époque baroque les Métamorphoses d’Ovide connaissent
leur temps de gloire : l’Antiquité est au goût du jour,
la mythologie est un prétexte tout trouvé pour représenter
des nus sans risquer la censure et enfin on aime fixer sur
la toile des scènes tragiques empreintes de fatalité.
Le Caravage (1571-1610) est le premier à consacrer une
grande toile à la légende de Narcisse, saisissant l’instant
cruciale où le jeune homme se découvre et tombe en extase
devant son reflet. Maîtrisant à la perfection la technique
du clair-obscur le maître italien crée une scène tragique
où le visage pâle et ébahi de Narcisse attire tous les
regards.
Mais Le Caravage se permet des libertés vis-à-vis de la
source scripturaire. Le reflet que renvoie le cours d’eau
est celui d’un visage dégradé, âgé, image de la mort. Ainsi
l’artiste baroque va au-delà de la légende confrontant
tant le héros que le spectateur à sa fin.
N. Poussin, Narcisse et Echo, 1650, Paris,
Louvre
Le Caravage, Narcisse, huile
sur toile, Rome, palais Barberini
Musique, satire et pathologie
La vie confrontée à la mort
de l’autre côté des Alpes le jeune peintre français Nicolas
Poussin (1594-1665) s’exclame face aux œuvres de
son collègue italien : « il est venu pour détruire la peinture
». Son idéal est en effet tout autre. S’il est également
épris de l’Antiquité, Poussin y recherche la beauté idéale,
l’harmonie et le triomphe de la raison sur les passions
désordonnées. Poussin privilégie les épisodes les plus rares
de la mythologie qu’il met en scène dans des paysages
soigneusement construits.
Lorsqu’il dépeint la légende de Narcisse, Poussin crée
une composition très habile qui place le jeune homme au
centre de la toile où se croisent les regards d’Echo, de Cupidon
et celui du spectateur. De plus l’œuvre repose sur
une confrontation permanent entre la vie et la mort. Au
paysage verdoyant du fond répond le cadavre grisâtre de
Narcisse au premier plan. Au corps inanimé s’opposent
les fleurs qui naissent de la tête du héros mythologique et
enfin le vêtement rouge, symbole de la mort, jouxte un
drap blanc, image de vie et de résurrection.
Paul Valéry
Au XIXème siècle le poète Paul Valéry renouvelle la légende
de Narcisse en composant la Cantate de Narcisse
où l’égocentrisme du jeune homme qui s’adresse la parole
à la troisième personne du singulier atteint son paroxysme.
La musique contribue à créer une atmosphère tendue
et angoissante.
Si au fil des siècles l’aspect moralisant du mythe est passé
au second plan, le caricaturiste Daumier le met en
avant dans une esquisse figurant un Narcisse décrépi, accompagné
de la légende suivante : « Le Narcisse est une
fleur qui empeste le musc, l’eau de Portugal, n’importe
quelle odeur. On en rencontre beaucoup sous le nom plus
vulgaire de Dandys et à qui il ne manque, pour appartenir
tout à fait au règne végétal, que d’être planté dans un
pot de pommade et arrosés d’huile antique. »
Depuis sa naissance durant l’Antiquité jusqu’au XIXème
siècle la figure mythologique de Narcisse a revêtu des
formes multiples, transmettant des messages variés. Cependant
ce n’est qu’au XXème siècle que Sigmund Freud
a popularisé la légende en conceptualisant le phénomène
du « narcissisme ». Depuis le terme est dans la bouche de
tous, les uns s’identifie au personnage de la légende tandis
que d’autre y reconnaissent leurs voisins... Le « narcissisme
serait-il le « mal du siècle » ?
Le silence d’un regard
L’espace d’un instant
plonger dans l’eau profonde de son âme.
Accepter de lever les yeux vers ce visage
Et d’en contempler les sillons du temps, les rides de joies et les marques de vie.
Ce regard est le frisson de notre être.
Il dévoile lentement les secrets de notre cœur comme on déroule une nappe fraiche le jour de
Noël
Avec délicatesse
Il suffit d’un regard pour transpercer le mystère
D’une partition, d’une peinture, d’une personne
Car les yeux sont la fenêtre de l’âme.
Se laisser transformer par la gravité d’un instant
Se laisser transporter par la mélancolie d’un chant
C’est ça regarder
Contempler les étincelles de bonté qui couronnent les visages de papier
Ne pas quitter la douceur de l’humilité – jamais.
Le monde est confié à ce regard
Il peut être contemplé, négligé, regardé, vu, aimé, oublié
L’oubli trouble cette eau fragile où l’aquarelle du monde frissonne
Mais l’amour d’un regard chaleureux ravive la pâleur de cet étang bleu.
Quand le bois se drapera des couleurs d’étoiles
Qui auras-tu regardé ?
Cet écran de lumière qui accapare ton temps
Ou cette âme qui s’offre à contempler…
Le silence d’un regard est parfois la réponse – à ce cœur qui s’agite sans bruit.
Apprendre à regarder
Mieux s’oublier pour enfin adorer
Le disque de lumière qui irradie la nuit
Il est là
dans ce regard-là.
Madeleine de Saint-Julien
1
Le « moi » et la politique : comment dépasser l’individualisme et refaire
nation
Nous vous avions entretenu lors du premier numéro du Confiné Libéré sur la notion de bien
commun. Ce numéro étant consacré à la (vaste) question du « moi » il convient de se pencher sur ce
que l’on peut en saisir en politique. Ce n’est pourtant pas à l’ego de tel ou tel personnage politique
que nous allons nous consacrer, mais à la notion d’individualisme. Lieu commun me dira-t-on, que
l’on pointe avec facilité comme un mal, sans pour autant creuser un peu l’analyse. C’est ce que nous
nous proposons de faire ici.
Dans De la Démocratique en Amérique (1835-1840), Tocqueville présente l’individualisme
comme étant une caractéristique fondamentale de la démocratie, mais qui est profondément
ambivalent parce qu’il est porteur de deux phénomènes contradictoires : une dépolitisation de
l’individu, mais aussi un amour de l’indépendance et de la liberté. Selon cette même dichotomie, on
pourrait distinguer un « bon individualisme » et un « mauvais individualisme ». Le premier se
rapproche d’une conception classique de l’individu privilégiant son autonomie morale, sa
responsabilité et sa dignité. Le second est plus libéral et s’apparente à l’égoïsme utilitaire,
l’apothéose du bien-être privé, le culte égoïste du moi, toutes choses qui créent une concurrence
pour la satisfaction de son intérêt particulier, sans considération du bien commun, et même de
l’intérêt général.
Il convient de rappeler à ce propos le rôle important qu’a tenu Nietzsche. Il ouvre en effet un
nouvel âge de l’individualisme, fondé sur le règne de la pure subjectivité, sans possibilité de rapport à
une quelconque objectivité. Nietzsche entend détruire l’idée de réalité objective, nie l’existence d’un
monde intelligible, et procède à la déstructuration du sujet, désormais brisé, éclaté, assujetti – piste
qu’exploitera Freud – aux déterminations irrationnelles de l’inconscient. Soit un relativisme absolu,
pour lequel il n’existe plus de faits mais seulement des interprétations. Ceci, doublé de la valorisation
du « surhomme » capable d’accéder à une sorte de divinité en embrassant sa volonté libre et en
faisant de celle-ci son seul principe d’action, permet désormais à l’individu de concevoir comme
unique horizon de son bonheur la satisfaction de ses désirs individuels, du moment qu’ils ne
constituent pas une nuisance ou un danger apparent, cette restriction tendant même parfois à
disparaître. C’est ce qui permet à Allan Bloom de dire dans L’âme désarmée que l’esprit de la
démocratie est que ne soit refusé à personne ce qui est considéré comme un bien (bien réel ou bien
seulement apparent ? la question est bien peu posée et encore moins débattue). La passion
égalitaire et l’individualisme amènent ainsi les sociétés démocratiques à préférer le principe de
plaisir au principe de réalité. Les innombrables revendications « sociétales » en sont l’illustration la
plus éclatante.
Face à cet individualisme croissant et mortifère à bien des égards, que faire ? Que faire en
politique notamment face à l’explosion de la communauté nationale en une mosaïque de souscommunautés
aux intérêts particuliers, aux modes de vie différents, regroupant des individus qui
partagent une identité ou des intérêts communs, sans considération du bien commun, transcendant
les volontés propres des individus ?
Il faut à notre avis rappeler à tous ce qu’est la France, ce qu’est la nation française. La France
n’est pas une « race » en effet, ce qui exclurait ceux qui n’en font pas partie mais une nation.
Maurice Barrès disait ceci : « nous ne sommes point une race, mais une nation ; elle continue
chaque jour à se faire et sous peine de nous diminuer, de nous anéantir, nous, individus qu’elle
encastre, nous devons la protéger. (…) Ainsi l’individu me semble lié à toutes ses ascendances
mortes par le travail des individus et des sacrifiés qui l’ont précédé, comme la pierre l’est au
conglomérat par le mortier qu’a formé le travail des couches successives. » La nation est donc un
sentiment d’appartenance, mais également un enracinement dans un passé commun. Ernest Renan
ne disait pas autre chose : « la nation est une âme, un principe spirituel. (…) Avoir des gloires
communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait des grandes choses
ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. (…) Une
nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de
ceux qu’on est disposé à faire encore. » Unie par une même culture, la nation est la communauté des
héritiers de la patrie, la terre des pères. On peut en être l’héritier, on peut aussi s’en sentir héritier
de cœur, et embrasser cet héritage malgré une origine géographique différente par exemple. Renan
ajoutait que la nation « suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait
tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence
d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours. »
C’est donc cela qu’il faut raviver aujourd’hui : ce plébiscite de tous les jours, cette projection
dans l’avenir, un avenir commun car une nation est une communauté de destin. Il ne s’agit pas de
nier les particularismes locaux ni la dignité propre des individus et leurs intérêts, mais il faut
transcender ces éléments et les mettre en relation avec la communauté nationale, charnelle et
spirituelle qu’est la France. A cette fin, c’est un enseignement chronologique, vivant, riche et
passionné de l’Histoire qu’il faut rétablir, afin de faire vibrer les âmes et d’animer les cœurs,
encourageant ainsi chacun à oublier un peu sa petite personne au profit de l’intérêt de la nation, et
du bien commun, qui exige certes des sacrifices, et parfois des frustrations, mais qui in fine faire
grandir chacun et tous. Un peu de Philosophie ne ferait pas de mal non plus. Il semble aussi
important de mentionner que la montée, depuis la Renaissance, de l’individualisme et de
l’égalitarisme est indissociable d’un progressif recul de la transcendance. Le retrait du divin dans les
sociétés occidentales et l’affirmation hyperbolique du moi face au néant ont produit une vaste crise
de la conscience dont nous subissons aujourd’hui les effets. Pour y remédier, il serait bon que, dans
la continuité de l’enseignement fidèle de l’Histoire, la France renoue avec son identité chrétienne. Ce
fut elle qui fit sa grandeur, appelant chacun à vivre aussi bien pour sa patrie terrestre que pour sa
patrie céleste, et encourageant ainsi aussi bien les élites et responsables de tous ordres que le
peuple, à faire de la première un reflet le plus proche possible de la seconde. Enfin, précision
sémantique, peut-être faut-il aussi privilégier au mot « individu » celui de « personne » qui inclut
mieux l’idée – et la réalité - du tout qu’est l’homme : corps animé, ou âme incarnée, à vous de
choisir.
B.S.
HEGO HUGO
« Tout s’est-il envolé ? Je suis seul, je suis las ;
J’appelle sans qu’on me réponde ;
O vents ! ô flots ! ne suis-je aussi qu’un souffle,
hélas !
Hélas ! ne suis-je aussi qu’une onde ?
Ne verrai-je plus rien de tout ce que j’aimais ?
Au-dedans de moi le soir tombe.
O terre, dont la brume efface les sommets,
Suis-je le spectre et toi la tombe ?
(Contemplations)
Enfant, Victor Hugo s’écria : « je veux être
Chateaubriand ou rien. » Il devint plus, si ce
n’est tout. Car se plonger dans l’œuvre
poétique du plus célèbre écrivain français
qu’est Victor Hugo, revient à s’immerger dans
les affres du l’ego le plus disproportionné de la
littérature. Le « moi » romantique est connu
pour son ampleur, à tel point qu’il devint le
symbole du courant littéraire du XIXème. Mais
chez Hugo, il prend des proportions à nulle
autre pareille. Cet aspect semble revêtir un
caractère bien inoffensif quelques fois,
dirions-nous. De fait, qui ne peux frissonner à
ces mots ?
« Oui, je suis le rêveur ; je suis le camarade
Des petites fleurs d’or du mur qui se dégrade,
Et l’interlocuteur des arbres et du vent. »
(Contemplations, I,28)
Car après tout, qui y a-t-il de bien mal pour un
poète à vouloir coucher par écrit ses
émotions, ses souffrances de père meurtri et
de politicien exilé ? Pourquoi ne pas
considérer la poésie comme une échappatoire
Victor Hugo, le plus grand des Romantiques…
ou un moyen de faire vivre ses idées d’après
ses propres observations ? Si la plupart des
personnes voit sous cet angle ce bien-aimé
Hugo et une grande partie des romantiques, la
réalité est bien autre. Car sous des dehors
d’homme sensible, de porteur héroïque des
souffrances humaines et de défenseur du
peule, se cache un homme qui passa toue sa
vie à faire de sa propre personne le mythe le
plus grandiose de l’histoire politique et
littéraire, en se voulant le prophète d’une
nouvelle vision de la société et en consacrant
la religion du « moi » déjà en pleine expansion
depuis Luther et Rousseau. Il suffit de lire ces
mots pour que le voile se lève :
« Vous qui me parlez, vous me dites
Qu’il faut, rappelant ma raison,
Guider les foules décrépites
Vers les lueurs de l’horizon ;
Qu’à leurs où les peuples se lèvent,
Tout penseur suit un but profond;
Qu’il se doit à tous ceux qui rêvent,
Qu’il se doit à tous ceux qui vont !
(Contemplations, IV , 3)
Hugo changea indéniablement la mentalité
française après la Révolution. Le romantique
allie presque toujours la politique à la
littérature et s’inscrit dans l’histoire de son
temps. Victor Hugo en luttant activement
contre Napoléon III et en affirmant ses idées
républicaines représente cette nouvelle
génération d’écrivains dont la mission est
d’apporter au monde une lumière
idéologique, auréolée par la poésie. Mais la
pensée hugolienne veut se placer au-dessus
de l’Histoire. Après tout Hugo n’est-il pas ce
grand exilé, le grand malheureux par
excellence, ce poète de génie qui seul peut
s’assimiler à la grande douleur humaine parce
que poète, et d’exprimer les grandes vérités
du monde ? Quels soupirs poignants de
l’écrivain qui nous effraient autant qu’ils nous
fascinent !
« J’étais jadis, comme aujourd’hui
Le passant qui regarde en bas, l’homme des songes.
Mes enfants, à travers les brumes, les mensonges
Les lueurs des tombeaux, les spectres des chevets,
Les apparences d’ombres et de clartés, je vais,
Méditant, et toujours un instinct me ramène
A connaître le fond de la souffrance humaine.
L’abîme des douleurs m’attire. »
(Contemplations, V, 26)
L’ego d’Hugo est un ego collectif car à travers
lui semble se retrouver la société entière. En
parlant de lui, il affirme comprendre la misère
humaine et crée un lien insécable entre lui
tous ceux qui souffrent. Son propre malheur,
la mort de Léopoldine et son exil, le rapproche
de ce qu’on appelle « l’autre ». Ainsi Hugo
façonne un « Moi » universel dont il est
l’unique représentant. Et cependant bien plus
qu’un maître à penser, Hugo se présente
comme une sorte de messager divin. La
nature, où le « moi » romantique s’exprime le
mieux, n’est qu’une approche panthéiste du
divin qui se reflète à travers chaque élément
naturel. L’amour et même la rédemption ne
viennent plus de Dieu mais de la nature qui
seule devient témoin de la détresse humaine.
Le « moi » hugolien est exalté, non plus
comme une évasion personnelle du poète,
mais comme le seul qui puisse recueillir cette
émanation divine. Hugo est donc le nouveau
prophète, le voyant, qui apporte une vision
approfondie des choses. A partir de là, la
contemplation n’est plus spirituelle mais
poétique. Danger de cette appropriation
métaphysicienne de la nature qui ne voit plus
l’œuvre d’un Dieu créateur mais l’équivalence
de la divinité ! Cette proximité de l’homme
romantique avec la nature n’est-elle pas une
façon de recréer une nouvelle religion ? Ainsi
s’adresse Hugo aux poètes dans son poème
intitulé « Les Mages » ( Contemplations) :
« Vous voyez, fils de la nature,
Apparaître à votre flambeau
Des faces de lumière pure,
Larves du vrai, spectre du beau. »
Et Hugo malgré tout nous emporte, fait vibrer
les écoliers sur leurs bancs de classe, fait
chavirer les romanesques, délectent les
amoureux de la belle langue. Gide, à qui on
demandait qui était le plus grand des écrivains
français, répond : « Hugo, hélas ! ».
L’emblème du Romantisme reste pourtant ce
génie de la poésie, certes avec un orgueil
surdimensionné, mais aussi avec un plume
que nul ne peut égaler.
Marie Léger
Billet
Depuis quelques décennies, il se produit
un phénomène pour le moins étonnant.
L’ensemble des strates de la société tend
à se "primariser". C’est particulièrement
flagrant en France et en Europe qui ont vu
la galanterie, la politesse, le panache, le
fleurissement des esprits et le cisèlement
des arts élevés en art de vivre pour
l’ensemble de la société.
On remarque donc de plus en plus cette
tendance au comportement animal : ruées
sur les promotions de supermarchés,
violence physique disproportionnée en
réaction au moindre désagrément,
disparition de l’amour vrai au profit de la
jouissance physique ou psychologique,
rapports de forces de plus en plus
fréquents, etc.
Une corrélation certaine peut s’établir
entre cette première tendance et la
disparition progressive non seulement du
tissu social, mais aussi du lien social et
finalement de la capacité à entrer en
relation avec autrui. Ce qui est assez
préoccupant puisque la personne
humaine, qui est marquée de son désir
d’autrui, et même de son besoin, de sa
nécessité d’autrui, risque fort tôt ou tard de
ne plus savoir comment faire pour vivre un
tant soit peu en société.
Tout ceci n’est que l’aboutissement d’un
changement de paradigme philosophique
et sociétal commencé il y a plus de trois
voire quatre siècles. La volonté
d’émanciper l’individu du groupe ; de
laisser plus de place à nos désirs, voire
nos envies, quels qu’ils soient ; de ne plus
observer ni aborder les choses selon un
regard supérieur, mais plutôt selon le point
de vue du sujet ; ou encore de ne plus
considérer le juste et l’injuste, mais les
droits et les devoirs (surtout les droits).
Tout cela a abouti à la naissance de
l’individualisme et du relativisme.
En effet, lorsque nous considérons
l’individu comme un être souverain
possédant la primauté par rapport à la
société, et donc par rapport à autrui, par
voie de conséquence, cela ne peut
qu’aboutir soit à la destruction de cette
idée lors de sa confrontation avec la
réalité concrète de la vie en société, soit à
l’effondrement progressif de cette même
société au profit éphémère des individus.
L’individualisme ne peut pas tenir ni même
naître sans le relativisme. En effet, si
l’individu est souverain, alors ce qu’il
pense et ce qu’il croit doit primer sur tout
ce que pense et croit n’importe qui d’autre,
en particulier la société et tous ceux qui ne
fonctionnent pas selon ce mode. Car si
l’individu prime sur tout le reste, mais que
ce qu’il pense et croit est subordonné à
quelque chose de plus haut que lui, alors
tôt ou tard l’individu n’a plus la primauté, et
l’individualisme meurt de lui-même.
Pour que l’individualisme tienne, il faut que
chacun soit libre de penser ce qu’il veut,
de croire ce qu’il veut, et surtout de
l’intégrer pour lui-même comme étant la
vérité absolue (remarquez la
contradiction). Advient alors une
scission, une rupture de plus en plus
franche entre les acteurs et les
membres de la société, qui n’ont plus ni
les mêmes codes, ni les mêmes bases,
ni encore le même langage puisque les
mots utilisés font référence à des concepts
totalement différents d’un individu à
l’autre, d’un acteur à l’autre. Cette rupture
occasionne la disparition de la concorde,
rend impossible la recherche commune de
la vérité, provoque une perte de repères,
installe une mentalité de jouisseur et de
profit au détriment de tout le reste,
instaure la «Loi du plus fort » et instille
l’idée qu’autrui est un adversaire et un
empêchement puisque ses besoins et ses
désirs entrent en contradiction avec les
miens.
Il est d’ailleurs à la fois amusant et
grotesque de constater que l’actualité
politique est pleine de "rassembler",
"commun", "s’unir", "valeurs", "société",
"nation" et autres mots-clés, quand
justement il est impossible d’opérer cette
union et ce rassemblement tout en
continuant à vivre selon ce même mode
individualiste et relativiste. L’Aigle de
Meaux nous disait : « Dieu se rit des
hommes qui déplorent les effets dont ils
chérissent les causes ». Il n’aura jamais
eu autant raison qu’aujourd’hui, d’autant
plus que cette remise en cause peut et
doit se faire à tous les niveaux, en
commencer par chacun d’entre nous.
Cela devient même gravement
malhonnête lorsque les politiciens jouent
sur ces termes en sachant pertinemment
qu’ils ne peuvent mais surtout ne veulent
changer ce modèle de fonctionnement,
bafouant et salissant les espérances de
tout un peuple qui, bien que très
largement marqué par la gangrène
individualiste, au fond n’aspire qu’à plus
de paix et de justice.
Il semblerait presque que rien ne puisse
arrêter l’individualisme et le relativisme
dans leur monopole et leur gonflement.
Peut-être faudra-t-il attendre qu’il
s’effondre de lui-même, à la manière d’une
étoile en fin de vie qui s’est trop gonflé à la
recherche de combustible. Peut-être
qu’une fois que tous les hommes se
seront cramés à l’enfer non pas des
autres, mais de leur propre solitude et du
néant de leur misère ; peut-être qu’une
fois qu’ils se seront pleinement déchirés
entre leur autolâtrie et la fuite d’euxmêmes
; quand le monde s’arrêtera d’aller
à contresens de lui-même et qu’il se
reposera, épuisé ; peut-être qu’il y aura de
nouveau un peu de place pour la Lumière.
Il y a cette solution. Et il y en a d’autres.
Si le relativisme cessait, ou plutôt si nous
parvenions à manifester inexorablement la
justice et la bonne volonté dans la
recherche de la vérité, si décidions de
choisir ce qui est bon et ce qui est juste au
détriment de nos petites vanités, si nous
choisissions de suivre et de servir nos
grands idéaux plutôt que la maigreur de
nos petits désirs, si enfin nous suivions et
faisions retentir en tout et partout le
témoignage de la Charité et de la
Lumière ; l’individualisme cesserait de luimême,
n’étant plus alimenté ni soutenu
par une mentalité perverse, égocentrée et
mensongère.
Tout à coup, plus d’individu souverain,
mais un individu ordonné à sa place
sans faire l’économie de son librearbitre.
Tout à coup, plus de désir
impitoyable entraînant partout avec lui
désordres et discordes, et leurs lots
d’effets inadmissibles tels que les lois
folles en matière de bioéthique, de droit
des biens et des personnes ou encore de
justice sociale ; les rapports de forces
incessants ; la mort de l’amour et la
disparition de l’espérance.
Il semble qu’il n’appartienne qu’à nous de
décider que cela soit. Autant dans nos
vies personnelles que dans la Cité. L’on
nous dit souvent que la jeunesse est
l’avenir du monde. A l’heure où l’on nous
propose un nouvel ordre pour le monde,
reproduirons-nous les erreurs de celui-ci ?
JBL.
JE D’ACTEUR
Cherchez la différence !
Quel est le point commun
entre toutes ces affiches ?
Comment ces acteurs sont-ils
mis en avant ?
Et surtout comment l’affiche
met-elle en valeur la
particularité de chacun ?
Chacune d’entre elles
cherche à mettre en avant
l’acteur vedette du film dans
le but d’attirer le public. Ces
icônes du cinéma français et
américains sont comme une
garantie du succès de ces
longs métrages.
Marilyn Monroe
ou l’archétype de la femme
fatale…
Icône populaire du cinéma
américain, ses postures un
tantinet provocantes en
choqueront plus d’un.
1999, classée sixième des plus
grandes actrices américaines de
tous les temps par l’American
film institute.
1956, élue meilleure actrice de
la comédie romantique pour
Sept ans de réflexion et pour
Arrêt d’autobus
1958, meilleure actrice dans la
comédie Le Prince et la
Danseuse.
Astéroïde Monroe baptisée en
son honneur !
Jean-Paul Belmondo
Acteur fétiche de la nouvelle
vague des années 60, son
côté désinvolte et bagarreur
est plus particulièrement mis
en avant.
Bras croisé, arme au poing
ou coude au genoux, c’est
toujours le même Bebel qui
nous toise de son regard
frimeur et sympathique.
Premier grand succès avec A
bout de souffle en 1960.
5 millions d’entrée au
box)office pour L’Homme de
Rio.
Cascadeur audacieux, il
réalise toutes ses cascades.
Entre 1969 et 1982, les films
les plus vus en france sont
ceux dans lesquels il a joué :
Le Cerveau, Peur sur la ville,
L’animal et L’As des as.
César du meilleur acteur pour
Itinéraire d’un enfant gâté.
2011, Palme d’honneur pour
sa carrière lui est décernée
lors du Festival de Cannes.
Louis de Funès
Bouche ouverte, sourcils froncés,
air malicieux ou goguenard, ce
sont ses mimiques qui sont avant
tout affichées.
17,27 millions d’entrée pour La
Grande vadrouille en 1966 et 11,
74 millions pour Le Corniaud en
1965.
Ses traits sont repris par Goscinny
pour un de ses personnages dans
sa célèbres bande dessinée Le
Bandit Manchot avec Lucky
Lucke.
En 2007, lors de sa campagne,
Sarkozy déclare « je serai un
président comme Louis de Funès
dans Le grand restaurant, servile
avec les puissants, ignoble avec
les faibles » (sans commentaire).
Qui suis-je ?!
Tous ceux parmi vous qui avez eu des
petits frères et sœurs, ou bien des enfants,
ou tout simplement qui avez été en contact
avec des enfants, peut-être avez-vous
remarqué qu’à partir de deux ou trois ans,
le jeune enfant utilise le « je » pour se
distinguer du monde et des autres.
Affirmer ce « je », ce n’est pas se poser en
ennemi face aux autres, c’est uniquement
affirmer sa personnalité et exprimer la
stabilité du moi par rapport au flux du
monde qui nous entoure. Cet enfant qui
s’exprime par son « je », dit au monde que
lui, en tant qu’être humain, est unique.
Notre société n’a pas oublié cette
distinction du moi avec les autres… Au
contraire, nous vivons sans doute l’une des
époques les plus narcissiques de
l’Histoire : le moi se donne sans cesse en
spectacle. Il n’y a qu’à faire un tour rapide
sur les réseaux sociaux pour s’en
convaincre. Mais ce que notre société a
malheureusement oublié, ou plutôt, ce
qu’elle ne cesse de nier, c’est que la
construction du moi repose
fondamentalement sur la sexualité. Ceux
qui affirment qu’être homme ou qu’être
femme est une construction culturelle sont
des menteurs ! Croire cela c’est refuser son
identité, c’est nier qui l’on est réellement,
c’est mettre de l’artifice dans ce qu’il y a
de plus naturel. Choisir son genre, c’est se
donner un genre au fond. Se donner un
genre : cette expression explique en ellemême
l’absence totale de naturel ! Semer
le doute sur cette question est grave dans la
mesure où elle attaque ce qu’il y a de plus
intime à l’être humain. C’est ce doute qui
explique la féminisation des hommes et la
masculinisation des femmes… Cette
idéologie, au nom de l’égalité hommefemme,
veut supprimer toutes les
différences, alors qu’elles constituent notre
humanité ! Ce n’est pas une inégalité qui
se trouve entre l’homme et la femme, c’est
une altérité.
Certains rôles assignés aux hommes et aux
femmes sont arbitraires et évoluent d’une
culture à l’autre. Mais il existe bien des
traits propres à l’homme et d’autres
propres à la femme. Faut-il citer l’exemple
de la grossesse pour comprendre que le
rôle de la mère est différent de celui du
père ? La sexualité cependant ne se limite
pas aux fonctions biologiques de l’homme
et de la femme. La sexualité rejaillit sur
l’ensemble des relations que nous avons
avec les autres, sur nos émotions, sur
nos centres d’intérêt. Elle a donc un sens
bien plus large que celui qu’on lui attribue
habituellement car elle intervient dans tous
les aspects de la personne : en ce sens elle
est le fondement du moi.
C’est pour cela qu’il est essentiel de ne pas
oublier que nous naissons homme ou
femme et que nous ne le choisissons pas.
C’est une des choses que la nature nous
impose et sur lesquelles nous n’avons pas
de prise. Il est peut-être navrant pour
certains d’apprendre qu’on ne choisit pas
son sexe, mais c’est la simple réalité de
notre humanité.
Même si ces quelques mots ne vous auront
probablement pas appris si vous êtes un
homme ou une femme, puisque cela est
évident, ils tenaient à affirmer que la
sexualité est le fondement du moi et
qu’on ne doit pas semer quelque doute que
ce soit sur cette question. Nous n’avons
pas un genre, mais un sexe ! Cécile H.
“Mayday, mayday, mayday, ici LF 2020 sur 121,1, à tout avion ou tour de contrôle
dans mon secteur! Nous approchons des côtes françaises, serons à Bordeaux dans
15 minutes. Passagers en détresse, je répète, passagers en détresse! Urgence!
Demande permission d'atterrir et intervention rapide des secours!"
Le LF 2020, toute la compagnie, René Sens lui-même, ont bien cru en ce mois de novembre,
devoir faire leurs adieux à ce qu’il avaient de plus cher. Leur patriotisme a été mis à rude
épreuve. Après ce sauvetage in extremis, comme l’on peut s’en douter, la presse s’est emparée
de l’affaire. Notre jeune et dévoué aviateur, redoutant d’ordinaire les interviews et tout ce qui y
a trait, en fut étonnamment ravi. Une occasion pareille ne se présente pas deux fois pour lui qui
cherchait à éveiller les consciences sur les menaces qui pesaient sur LF.
François de Souche, journaliste pour FSC, France Sauvegarde Culture, se présenta donc à lui un
beau matin. Dès les premiers échanges, la sympathie s’installa entre ces deux jeunes hommes.
Ils étaient vifs d’esprit, dévoués tous deux à leur cause, francs et fiers. Ils étaient jeunes; ils
étaient français.
Monsieur René Sens, vous avez vécu une situation terriblement difficile ces derniers jours. Mais
contre toute attente, vos deux passagers en ont pu être sauvés. En tant que commandant de bord du
LF 2020, pouvez-vous nous donner vos impressions?
Effectivement, cette journée restera gravée dans ma mémoire. Pour la première fois de ma vie,
je le dis sans rougir, j’ai eu peur. Tout chef, tout homme a ses limites. Et ce qui s’est passé ce
jour-là, en plein vol, je ne pouvais pas le contrôler. Un miracle a pu sauver ces hommes, un
miracle qui bien entendu n’était pas de mon ressort, mais bien de Celui qui a pouvoir sur tout
ici bas. Oui, j’ai eu peur. Car en quelques minutes, j’ai vu s’écrouler une entreprise familiale,
fruit du travail de trois générations consécutives. Comment me présenter devant mon
arrière-grand-père et prononcer les mots fatidiques de “LF n’est plus” ?... Comprenez-moi bien.
Si LF s’écroule, c’est tout un pays qui s’écroule.
Merci pour ce touchant témoignage cher monsieur. Justement, à l’heure où la compagnie LF court un
danger certain, quel message voudriez-vous faire passer à tous vos auditeurs?
Vous savez, LF est une entreprise familiale. C’est en partie pourquoi j’y suis profondément
attaché. Mais au-delà de cela, c’est une véritable mission de sauvetage permanente. Qui faut-il
donc sauver? La langue française! Notre langue française, ce trésor renfermé dans nos âmes
patriotes. Mais ce trésor perdurera, ne se transmettra aux générations futures que si ses
détenteurs ont à cœur de le transmettre. D’autres compagnies ont depuis quelques temps vu le
jour, les compagnies Wesh et Verlan, vous le savez tous aussi bien que moi, vous les connaissez
tous aussi bien que moi. La nouveauté attire toujours. Mais voyez-vous un sens, une
quelconque beauté à troquer notre “merci” aux sonorités si douces par un vulgaire “cimer”?
“femme” par “meuf”? Les mots “si je serai toi” ne vous font-ils pas saigner les oreilles?
Je ne suis qu’un simple commandant de bord, mais pourtant, à vous tous qui m’écoutez j’ose
dire que c’en est trop. N’écorchez pas, ne massacrez pas notre langue. Ayez le souci de
transmettre intact un trésor amassé par tous nos ancêtres depuis des centaines d’années… Oh
bannissez ces anglicismes qui n’ont pas lieu d’être! Parlez-vous français ou franglish? Là est la
question. Parlez-vous le français pur ou un français que l’on pourrait oser appeler un
Organisme Génétiquement Modifié?
Après une telle harangue cher René - permettez que je vous appelle René- les volontaires se feront
sûrement nombreux. A ces hommes et ces femmes qui s'apprêtent à mener avec vous ce combat pour
sauver LF, que voudriez-vous dire?
Je ne sais trop quoi leur dire sinon MERCI, avec tout ce que ce mot implique de reconnaissance.
Si je devais leur donner un conseil, ce serait de lire ce passage de la magnifique prière de Mr.
Vladimir Volkoff, écrivain français, adressée à sainte Jeanne d’Arc:
“Troisièmement je voudrais vous demander d’avoir une pensée pour notre belle langue française.
Rendez-nous la première partie de la négation: faites que nous disions “je ne vais pas voter oui” et non
“jvais pas voter ouais”. Rendez-nous l’accord du participe qui est en train de disparaître. Rendez le
subjonctif à encore que et l’indicatif à après que. Rendez-nous les liaisons: “vous-z-aussi” et non pas
“vouossi”. Otez la bouillie de certaines bouches contemporaines, surtout celles de beaucoup de jeunes gens
et des acteurs en vogue. Faites que nous recommencions tous à dire bonjour et pas bonjoureu. Essayez de
nous épargner les anglicismes et les américanismes, pas seulement dans le vocabulaire, surtout dans les
tournures de phrases contre nature que nous inspirent les langues anglo-saxonnes. (...) Si j’osais Jeanne, si
j’osais- mais je sais que j’exagère- je vous demanderais timidement de ressusciter aussi, ne serait-ce que
sporadiquement, l'imparfait du subjonctif.”
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BON VIVANT
Le jambon de Bayonne,
fleuron culturel et gastronomique du Pays Basque
« Ah qu'il est bon le Jambon de Bayonne !
Son goût, son fumet charment les gourmets. » chantent les membres de la Confrérie du Jambon
de Bayonne lors de la Foire au Jambon. Ce fameux jambon fait ainsi partie de l’héritage culturel et
gastronomique basque et la tradition de sa fabrication se transmet fidèlement de générations en
générations. Une légende vient même expliquer ses origines et rend compte de son histoire
mêlant fiction et réalité.
Mais comment le jambon de Bayonne et sa légende sont-ils le reflet d’une identité culturelle forte
liée à la langue et au territoire basque ?
Aux origines du jambon
De nos jours, Bayonne rime avec jambon et jambon rime avec Bayonne car l’un est l’autre sont
indissociables. Cependant, le jambon de Bayonne est avant tout le symbole du Pays Basque et il
est le reflet d’un patrimoine culturel et gastronomique important, d’une région au riche terroir.
Mais en quelle année ce fameux jambon fait-il son apparition, quelle est son histoire ?
Entre histoire et légende
Tout jambon qui se respecte a une histoire, sa première dégustation reste gravée dans les
mémoires et son origine n’est pas inconnue. C’est ainsi que si l’on remonte aux origines du jambon
basque, nous pouvons tout d’abord évoquer sa légende.
Le folklore basque se compose de nombreuses légendes qui mettent en scène les forces
de la nature comme le soleil mais celle dont nous allons parler se concentre essentiellement sur la
découverte de Gaston Fébus. Alors que le Comte de Foix, chassait sur ses terres au 14ème
ZOOM sur Gaston Fébus :
Les légendes mettent souvent en
scène un personnage célèbre qui peut
être considéré comme une figure
emblématique de la région.
Gaston Fébus est ainsi la figure
emblématique de l’histoire du Béarn,.
Né à Orthez en 1331, il est surnommé
le Lion des Pyrénées en raison de son
caractère impétueux. A 12 ans il
succède à son père et son principal
objectif sera de travailler à l’unification
des Pyrénées.
Mais le personnage n’est pas
seulement un guerrier, il est également
un chasseur passionné et un écrivain
talentueux (auteur d’un recueil de
prières et de la chanson Sé Canto).
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BON VIVANT
siècle, il perdit la trace d’un sanglier qu’il avait blessé. Quelque mois plus tard, l’animal fut retrouvé
dans une source d’eau salé à Salies de Béarn dans un excellent état de conservation. Et lorsque
l’animal fut présenté au comte, ce dernier fut surpris par sa chaire tendre et salée. C’est ainsi que
désormais, la salaison fut pratiquée dans le bassin de l’Amour et les jambons étaient salés avant
dégustation !
Par la suite, le jambon de Bayonne sera officiellement reconnu et surtout, sa renommée montera
jusqu’à la capitale puisque certains chef d’oeuvre littéraires en font mention. Rabelais dans son
Gargantua le cite en décrivant les mets engloutis par Grandgousier « c’était un bon raillard en son
temps, aimant à boire net autant que homme qui mors fut au monde, et mangeait volontiers salé. A
cette fin, avait ordinairement bonne munition de jambons de Mayence et de Bayonne ». La soeur
de François Ier, Marguerite de Navarre elle-même, en parle également dans ses contes qui
composent L’Héptaméron : « je vous ferai manger le meilleur jambon de Basque qui se soit jamais
mangé à Paris ».
Un savoir-faire local, reconnu et soutenu par le gouvernement !
La jambon de Bayonne est donc avant tout lié à la région et au climat puisque sa
déshydratation se fait sous l’effet du climat spécifique des régions montagneuses et avec le sel du
bassin du Béarn.
Les grands de la cour de France en étaient friands, Jeanne d’Albret et son fils Henri IV le voulaient
à leur table et Louis XIV lors de son mariage à Saint Jean de Luz en fut l’ambassadeur.
Et c’est avec Vauban, ministre de Louis XIV, que l’élevage de porcin se répandit le plus sur le
territoire français et notamment avec son Traité de la Cochonnerie. Le cochon est vu comme u
moyen de lutter contre la famine car c’est un animal dont l’élevage ne nécessite pas de soin
particulier et c’est ainsi que le cochon devint l’animal le plus consommé devant le mouton et le
boeuf.
Salaison et dégustation : un savoir faire qui se transmet de
générations en générations
Un savoir-faire ancestral
Le jambon de Bayonne est donc le produit d’un terroir au climat particulier : celui du bassin de
l’Amour, entre alternance de temps secs et d’humidité.
Et pour arriver au résultat final, une longue
préparation est nécessaire puisque il faut compter
quelques semaines de mise en repos rien que pour
le séchage du jambon. Les étapes sont
nombreuses : salage, parage, séchage, pannage et
affinage mais elles sont les garanties d’un jambon
réussi !
Protection et mise en valeur
Depuis 1998, le jambon de Bayonne bénéficie d’un
IGP (Indication Géographique protégée) ce qui
témoigne du fait qu’il est reconnu comme faisant
partie du patrimoine culturel et gastronomique du Pays Basque. Cette appellation permet au
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BON VIVANT
Bassin de l’Adour d’être considéré comme zone de salaison et le grand Sud-Ouest comme zone
d’’élevage. Le porc doit donc être un animal de qualité, né et élevé dans une de ces trois régions :
Aquitaine, Midi-Pyrénées et Poitou-Charente et il doit peser 120 kilos lors de l’abattage. La qualité
du jambon est donc ainsi garantie et assurée !
D’autre part, la promotion du jambon passe également par le confrérie du Jambon de Bayonne
créée dans le but de protéger et de faire perdurer les traditions basques.
Ces confréries sont un héritage du Moyen Age et il existe deux types : les gastronomiques et les
vineuses et elles fonctionnent selon le régime d’association sous la direction d’un Grand Maître.
C’est ainsi que lors de grands évènements les membres de la confrérie défilent dans les rues
vêtus de leurs uniformes chamarrés aux couleurs de Bayonne.
Le jambon de Bayonne à l’honneur : la foire de Bayonne
C’est ainsi que tous les ans, lors de la Semaine sainte, a lieu la Foire au Jambon de
Bayonne, événement qui célèbre le fameux jambon mais qui est également une mise en valeur du
patrimoine culturel et gastronomique du Pays Basque.
Une foire ancestrale
La foire a lieu depuis 1426 et rassemble tous les amoureux du jambon, de la culture
basque et de la gastronomie. Un concours ouvre la saison : celui du meilleur jambon fermier. La
foire commence le Jeudi Saint à 8 heures et le jury des maîtres charcutiers est chargé de faire la
sélection. Les trois premiers jambons sont ensuite vendus aux enchères après avoir été apposés
du sceau par les membres de la Confrérie du Jambon de Bayonne.
Célébration du patrimoine culturel basque
Et l’on peut ainsi voir que cette foire essentiellement dédiée au Jambon est aussi un « hymne »
aux différents produits locaux qui font partie de la culture basque. On y trouve ainsi les fameux
piment d’Espelette, le fromage l’Ossau Iraty et le vin d’Irouleguy. Tous ces produits font partie du
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BON VIVANT
patrimoine gastronomique et culturel basque et de
nombreux stands leur sont aussi dédiés.
Le folklore basque comme les musiques et les chants
est également très présent puisque des orchestres
sont nombreux et animent les ruelles avec leurs
instruments traditionnels comme le txistu et le gaitas
(sorte de cornemuse).
C’est ainsi que le Jambon de Bayonne
est au coeur de la culture basque et il n’est que le
reflet d’une culture riche et diversifiée tant au niveau
littéraire (avec sa légende) qu’au niveau
gastronomique. Et sa foire annuelle qui le met à
l’honneur est également un témoignage de richesse
puisque les éléments centraux du folklore basque s’y
retrouvent, jambon, fromage, vins et danses traditionnelles sont les fleurons des festivités !