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CB News N°90 Luxe

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DÉCEMBRE 2020 / JANVIER 2021<br />

15 € - <strong>CB</strong>NEWS.FR


CREATIVE & TECHNOLOGICAL PLATFORM FOR LUXURY,<br />

PREMIUM, FASHION & CULTURE<br />

Digital platforms & E-commerce<br />

Tech & Data Consulting<br />

CRM & Webmarketing<br />

Experimental Retail<br />

Integrated Campaigns<br />

Social & Digital Activations<br />

Content Factory<br />

Corporate RSE<br />

Events & Fashion Shows<br />

Branding & Publishing<br />

Design & Packaging


PARIS | NEW YORK | SHANGHAI | BEIJING | HONG KONG<br />

mazarine.com


Pour défendre<br />

un savoir-faire,<br />

il faut d’abord<br />

le faire savoir<br />

inspire chaque mois<br />

(85% des top 8)<br />

(88% des acheteurs luxe)<br />

Source : ACPM One Next Influence Global 2020 V1 / Brand Régie Media Figaro


CULTIVER L’INTÉRÊT


Le meilleur remède<br />

contre les fake news * .<br />

La Radio. Les voix qui nous lient.<br />

Pour 1 Français sur 2, la radio est le média<br />

auquel ils font le plus confiance pour s’informer.<br />

33 ème baromètre de confiance dans les médias réalisé par Kantar pour La Croix. Enquête du 2 au 6 janvier 2020<br />

sur un échantillon de 1007 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus.<br />

Conception graphique :<br />

*Fake news : fausses informations.


Vous l’écoutez pendant<br />

des heures sans vous ennuyer.<br />

La Radio. Les voix qui nous lient.<br />

Les 3/4 des Français (1) écoutent la radio<br />

en moyenne 2h47 par jour (2) .<br />

(1) : Médiamétrie - 126 000 Radio septembre-octobre 2020, audience cumulée Total Radio (75,2%), Lu Ve, 5h-24h 13+.<br />

(2) : Médiamétrie - 126 000 radio cumul sept 2019 juin 2020, DEA Total Radio 13 ans +, Lu-Ve, 5h-24h.<br />

Conception graphique :


Édito<br />

DANSER SOUS<br />

LA PLUIE<br />

Un collector luxe en 2020 ? Alors que la planète est enfermée,<br />

que la maladie fait des ravages, que l’économie est au bord du<br />

gouffre. Quelle inconscience ! Quelle impudence ! Célébrer la<br />

consommation sans frein quand la terre se plaint, quelle folie !<br />

C’est une façon de voir les choses, mais ce n’est évidemment<br />

pas la nôtre. Si nous sommes plongés dans un marasme sans égal depuis des<br />

décennies, nous sommes toujours les mêmes, nous résistons, nous inventons,<br />

nous imaginons, nous rêvons. Et c’est cela qui au fond nous fait tenir<br />

face aux vagues successives d’attaques du virus. Et parmi les moyens à notre<br />

disposition, il n’y a pas le luxe, il y a les luxes. Ceux que nous avons au fond<br />

de notre tête, ces luxes qui nous font rêver et nous donnent l’envie d’être<br />

encore là demain, pour en profiter.<br />

Si nous étions seulement des êtres purement rationnels animés par la seule<br />

ambition de s’organiser pour vivre et survivre, il n’y aurait certes pas de<br />

luxe. Ni d’art, ni de beauté, ni de rupture et encore moins de mode. Mais<br />

nous ne sommes pas cela, nous sommes animés de pulsions, de coups de<br />

cœur, de passions, et ce sont ces luxes, accessibles ou non qui nous font<br />

avancer quelles que soient les circonstances. Alors évidemment, ce secteur<br />

a souffert. Le coup a été d’autant plus violent que non seulement les<br />

boutiques ont dû fermer mais les voyages se sont arrêtés et avec eux toute<br />

l’économie liée aux aéroports, à l’hôtellerie et plus largement à ce phénomène<br />

mystérieux qui fait que l’on est plus consommateur loin de chez soi.<br />

Alors, comme le dit le directeur général du groupe Kaspia, Ramon Mac<br />

Crohon, « Nous ne devons pas attendre que la tempête passe, mais apprendre<br />

à danser sous la pluie ». Et de fait, les palaces se sont mis à vendre<br />

des glaces, les chefs étoilés des plats à emporter, les Maisons ont défilé sur<br />

Zoom, les joailliers ont fait essayer leurs joyaux en ligne.<br />

Tout le monde s’est adapté et le renoncement n’a jamais été une option<br />

dans ce monde qui puise sa force dans la créativité et la perfection de<br />

l’exécution. Encore fallait-il que les clients soient au rendez-vous, ce qui<br />

semble avoir été le cas. Bien sûr, tout a ralenti et nombre de projets ont<br />

été repoussés à des jours meilleurs. Le regard tourné vers la Chine où<br />

tout a commencé, nous avons interrogé Paul-Emmanuel Reiffers dont le<br />

groupe Mazarine est fortement implanté à Shanghai où il travaille pour les<br />

marques locales et internationales. La reprise de la consommation dès la<br />

fin du confinement a selon lui quelque chose de rassurant. Et mme si les<br />

comportements face au luxe et à la consommation ne peuvent être transposés<br />

d’un pays à l’autre, parions sur le fait que l’an prochain le numéro<br />

Collector <strong>Luxe</strong> de « <strong>CB</strong> ews » célébrera une forme de renaissance. Ce n’est<br />

pas l’annonce de la thématique du numéro 99 mais la certitude que pardelà<br />

les crises, la créativité et la foi en l’avenir resteront les moteurs de<br />

notre humanité.<br />

Par FRÉDÉRIC ROY<br />

PHOTO : © ÉRIC LEGOUHY.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 8 . Spécial LUXE 2020


Sommaire<br />

56<br />

40<br />

16 COUPS DE CŒUR | UNE BÛCHE RIVE GAUCHE,<br />

UNE BAGUE SUR MESURE, UN PYJAMA CHIC,<br />

DES SECRETS DÉVOILÉS, LA ROTONDE D’ANDO,<br />

DES SACS LILLIPUTIENS, UN CHIFFRE RASSURANT…<br />

20 TRIBUNES<br />

20 | MARKETING DU LUXE EN CHINE :<br />

6 TENDANCES POUR 2021.<br />

PAR YUAN ZOU, DE HYLINK<br />

22 | SÉRÉNITÉ ET EXCLUSIVITÉ, NOUVEAUX LUXES<br />

À CULTIVER. PAR NIVA SINTÈS, DE PARNASSE.<br />

24 | LE LUXE APRÈS : LES MARQUES, NOS INTIMES ?<br />

PAR YVES HANANIA, DE LIGHTHOUSE.<br />

26 | LE LUXE DANS LA CRISE : S’ENGAGER OU PÉRIR.<br />

PAR STÉPHANE TRUCHI, DE L’IFOP.<br />

28 PORTRAIT PATRICK PRUNIAUX,<br />

D’ULYSSE NARDIN ET GIRARD-PERREGAUX.<br />

30 TWITTERVIEW<br />

13 QUESTIONS À SOPHIE FONTANEL, DE “ L’OBS ”.<br />

32 MAPPEMONDE<br />

LES INCARNATIONS DU LUXE.<br />

34 ÉTUDE IFOP<br />

EXCELLENCE ET RECYCLAGE.<br />

36 PROFIL <strong>CB</strong><br />

CHRISTOPHE PINGUET, DE SHORTCUT.<br />

38 BUREAU DE TRAVAIL<br />

ISIS-COLOMBE COMBRÉAS, DES MAGAZINES « MILK ».<br />

40 INTERVIEW CULTURE LUXE<br />

« LE LUXE LUI-MÊME EST DEVENU UNE FORME DE<br />

RELIGION », PAR OLIVIER GABET, DIRECTEUR DU MAD.<br />

44 MOTS DE PASSE<br />

ARIEL WIZMAN, HOMME PLURIEL.<br />

48<br />

La Grande Interview<br />

«Il y aura une explosion<br />

de la créativité »<br />

Paul-Emmanuel Reiffers est le fondateur et<br />

président de Mazarine. L’agence indépendante<br />

continue sa progression et s’offre<br />

mme le luxe de recruter Optimiste <br />

En couverture<br />

56<br />

Nouveau monde,<br />

nouveaux luxes ?<br />

L’expérience, l’authenticité remplacent le bling-bling,<br />

le superu. Les marques seront-elles attentives aux<br />

nouvelles valeurs Enquête.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 10 . Spécial LUXE 2020


Première régie<br />

sur les Femmes TOP 1 et TOP 2<br />

Source : One Next Influence 2020, Lecture Dernière Période des régies


Sommaire<br />

4 bis, rue de la Pyramide.<br />

92643 Boulogne-Billancourt Cedex.<br />

www.cbnews.fr.<br />

<strong>CB</strong> <strong>News</strong> est édité par <strong>CB</strong> Media.<br />

SAS au capital de 135 683 €<br />

RCS Nanterre 789 756 202 00014 –<br />

APE 5814Z.<br />

Fondateur : Christian Blachas.<br />

Président et directeur de la<br />

publication : Franck Papazian.<br />

Administrateur général :<br />

Kal Ladha.<br />

Actionnaire : Learning Management<br />

Développement.<br />

RÉDACTION :<br />

Directeur de la rédaction et<br />

rédacteur en chef : Frédéric Roy<br />

(55 22). Rédacteurs en chef<br />

adjoints : Amelle Nebia (conseil et<br />

marques) (51 05) et Thierry Wojciak<br />

(médias) (50 57).<br />

Rédacteurs : Thomas Moysan, Sarah<br />

Benayoun (55 46), Valentine Puaux<br />

(55 44). Hit Parade : Valérie Simon<br />

(55 07). Rédacteur en chef adjoint<br />

Édition : Bertrand Gauthey (51 01).<br />

Directrice artistique : Aida de Miguel.<br />

Directeur de <strong>CB</strong> Expert : Emmanuel<br />

Charonnat. Conception graphique :<br />

Mediamania (Claude Maggiori et<br />

Anne Maggiori). Responsable de<br />

production : Solen Bertemont (51 17).<br />

Ont collaboré à ce numéro : Éric<br />

Legouhy, photographe. Patrick Cappelli,<br />

Emmanuelle Grossir, Catherine<br />

Heurtebise, Catherine Jazdzewski ,<br />

David Medioni, Valéry Pothain, Antigone<br />

Shilling, Sophie Stadler, Éric Valz,<br />

rédacteurs. Et notre reporter masqué<br />

Joe La Pompe.<br />

PUBLICITÉ :<br />

Directrice Régie : Virginie Paradol<br />

(50 61). Directrice commerciale<br />

adjointe : Mélina Lorentz (55 48).<br />

Responsable du pôle Digital :<br />

Alexandre Hiriart (50 62).<br />

Responsable du pôle Agences :<br />

Barbara Dalbouse (50 09).<br />

Responsable B to B : Hélène Aubinais<br />

(55 43). Pour nous joindre : 01 55<br />

38 suivi du N° de poste, ou prénom.<br />

nom@cbnews.fr<br />

ISSN : 2116-9519<br />

CPPAP : 1022 T 84391<br />

Dépôt légal : décembre 2020-<br />

janvier 20201<br />

Imprimerie Lesaffre SA.<br />

Boulevard de l’Eurozone 9.<br />

7700 Mouscron. Belgique.<br />

N° National : BE 0421 148 066<br />

Ce numéro comprends 2 encarts<br />

brochés sur la totalité de la diffusion :<br />

1 encart 6 pages (ACPM) et 1 encart<br />

4 pages (Euronews) ; et 1 encart jeté<br />

sur la totalité de la diffusion routée<br />

(<strong>CB</strong> EXPERT).<br />

Service abonnements : 9 numéros<br />

+ l’Album by Shortlist, print et digital :<br />

219 € TTC (France).<br />

9 numéros + l’Album by Shortlist, en<br />

numérique : 180 € TTC (France). Tarif<br />

étudiant (France) : 9 numéros print ou<br />

digital : 69 € TTC.<br />

Service abonnement de <strong>CB</strong> <strong>News</strong><br />

c/o Abomarque - CS 63656 - 31036<br />

Toulouse Cedex 1 - 05 34 56 35 60 -<br />

cbnewsabo@abomarque.fr<br />

Couverture : © Aida de Miguel<br />

66 Interview<br />

“ Le luxe, c’est des racines et des ailes. ”<br />

Interview de Laurent Boillot, p-dg de Hennessy.<br />

68 Récup’ vers le futur...<br />

Seconde main, premier choix. La seconde main est une<br />

réalité que plus aucune maison de mode n'ignore.<br />

Enquête recyclage.<br />

Enquêtes<br />

et reportages<br />

72 5 SECTEURS IMMUNISÉS CONTRE LA CRISE<br />

Ils sont arrivés à trouver un antidote.<br />

76 DEUX PLATEFORMES S’INVITENT DANS LE LUXE<br />

Amazon et Alibaba proposent des articles de luxe,<br />

avec succès ou difficultés. Enqute.<br />

80 LES MARQUES CHERCHENT DU RÉSEAU<br />

TikTok, Instagram, Snapchat, Twitter... attirent<br />

les marques et rivalisent de formats.<br />

84 L’HORLOGERIE À L’HEURE DU E-COMMERCE<br />

Des marques accélèrent leur transformation<br />

numérique. Exemples avec Breitling et Tag euer.<br />

90 BOÎTES DE PROD’ – AGENCES : LE PARTAGE<br />

DES TÂCHES ?<br />

Des grandes maisons travaillent directement avec<br />

des boîtes de prod’ sans passer par les agences.<br />

Enqute tendances.<br />

94 AGENCES ET ANNONCEURS À L’ÉPREUVE<br />

DU VIRUS<br />

Tout digital, décélération, environnement... les<br />

agences ont du pain sur la planche.<br />

114<br />

98 LA MAISON RUPTURE<br />

Une agence avec un projet poétique mais qui<br />

garde les pieds sur terre.<br />

100 L’AUTRE VOIE DE L’ÉXÉCUTION CRÉATIVE<br />

Titem Mouici trace son propre chemin avec Kind.<br />

Audacieux.<br />

102 LES PETITES OPPORTUNITÉS DE LA CRISE<br />

Les marques médias ont redoublé d’imagination<br />

avec certaines belles réalisations.<br />

Enqute médias.<br />

106 LA RELANCE INTÉRIEURE EN CHINE<br />

Le premier marché mondial du luxe affiche une<br />

croissance insolente. Pour trois raisons.<br />

110 LES 100 ANS DU N°5<br />

Interview au parfum de Thomas du<br />

Pré de Saint Maur, DG des ressources<br />

créatives parfums beauté et horlogerie<br />

joaillerie de Chanel.<br />

80<br />

114 LA GUERRE DES ÉTOILÉS<br />

Les recettes des hôtels et restaurants étoilés pour<br />

sortir de cette crise.<br />

120 PARFUMS DE NICHE<br />

Pour sortir des senteurs battues , des parfums<br />

singuliers qui affichent une belle croissance.<br />

124 OBJETS DE LUXE, LES CLASSIQUES DU GENRE<br />

Comment un objet devient-il une valeur sre <br />

Réponses à travers 5 pièces que tout.e amateur.<br />

trice éclairé.e doit posséder.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 12 . Spécial LUXE 2020


Le magazine<br />

ELLe<br />

fête ses<br />

75ans<br />

NUMÉRO SPÉCIAL ANNIVERSAIRE VENDREDI 11 DÉCEMBRE


Sommaire<br />

132<br />

140<br />

128 L’ESPRIT MAISONS<br />

Des hôtels où on fait un peu plus que passer la<br />

nuit. Expériences.<br />

132 PROPRIÉTÉS PRISÉES. EXCLUSIF À PARTAGER<br />

Le paraître, l’accumulation, la possession ne<br />

sont plus de mise. 6 adresses luxe à visiter.<br />

136 DESIGN D’EXCEPTION<br />

Architecte, musée, joaillerie au service du luxe.<br />

140 LES LUXES, C’EST LA DIVERGENCE<br />

Par Axelle de Buffévent, directrice de style<br />

chez Martell Mumm Perrier-Jouët.<br />

Focus<br />

142 SPIRITUEUX, VUE DE L’ESPRIT<br />

Les liqueurs H-Theoria, créées par<br />

Camille Hedin et Marlène Staiger.<br />

144 JM WESTON, SECONDE MAIN POUR LES PIEDS<br />

Weston Vintage, la rénovation des anciennes<br />

paires à porter comme neuves.<br />

146 LE DOIGT SUR LA COUTURE<br />

Bernard Zins, pantalonnier des grands<br />

couturiers se recentre et garde son savoir-faire.<br />

148 LE JARDINAGE EN BAS DE SOIE<br />

Les codes et la pratique du jardinage pour les<br />

« bourrus ». Mazette !<br />

150 UNE MAISON SANS CONCESSION<br />

Un endroit pour vivre sa passion des bolides.<br />

152 BONS BAISERS DE MADAME JACQUES<br />

Le Récemment Dégorgé, la cuvée Bollinger<br />

de Lily, Madame Jacques.<br />

154 DES MONTRES À REMONTER LE TEMPS<br />

La haute horlogerie allemande retrouve ses<br />

marques d’avant le mur. brégé d’histoire.<br />

156 THE SKY EN ACCESS<br />

Les montres Frédérique Constant en 5 mots.<br />

Coté.<br />

158 HARLEY, UN SILENCE ASSOURDISSANT<br />

La dernière Harley Davidson est puissante,<br />

bien bâtie, mais... silencieuse !<br />

Re-création<br />

160 CULTURE PRINT<br />

Qu’importe le acon Ça a l’odeur du luxe, les<br />

codes du luxe, mais ce n’est pas du luxe, mais<br />

vraiment pas du tout ! Par Joe La Pompe.<br />

162 EN MARGE<br />

Olivier Roller, photographe et portraitiste<br />

réputé (entre autres pour « <strong>CB</strong> ews ») dévoile<br />

ses choix. Vraiment en marge.<br />

164 ARTAZART<br />

Des palais désaffectés en Italie. À la fois beau<br />

et triste. Un livre magnifique. Par rtazart.<br />

166 PROFIL MOBILE<br />

Les applis préférées de Thomas Heisser,<br />

responsable communication Ken Groupe.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 14 . Spécial LUXE 2020


La Poste – SA au capital de 5 364 851 364 € – 356 000 000 RCS Paris – Siège social : 9, rue du Colonel-Pierre-Avia – 75015 Paris – Crédit photo : Philippe Miran – 11/2020 – .<br />

MÉDIA COURRIER<br />

POUVOIR D’ATTRACTION<br />

Le luxe ne résiste pas au potentiel émotionnel et créatif du courrier. Votre clientèle exigeante est très<br />

sensible à l’attention que peut déclencher un envoi personnalisé, et le taux de transformation pourrait vous<br />

surprendre. Dès lors, il serait dommage de vous priver du pouvoir d’attraction que représente le courrier<br />

publicitaire. Pensez à l’intégrer dans vos prochaines communications. En savoir plus : laposte.fr/entreprise.


Coups<br />

DE CŒUR<br />

Timber !<br />

ÇA BÛCHE<br />

Les chefs se sont adonnés au traditionnel<br />

exercice de la bûche. Malgré tout.<br />

Leur capacité à créer est toujours là. Et<br />

comme on sera moins de convives au<br />

dessert, on pourrait se laisser tenter.<br />

Notre préférée : celle de Nicolas Guerico<br />

de l’Hôtel Lutétia Paris Rive Gauche.<br />

La bague au doigt<br />

ON DIT “ OUI ”<br />

Aronine, marque de joaillerie artisanale, créée par<br />

Svetlana de Voronine (28 ans) et Richard Larget<br />

(27 ans), transpose sur le web la réussite de leur<br />

atelier qui existe depuis 2015 avec une offre de bijoux<br />

customisables. On peut par exemple grâce à un assistant<br />

3 D créer son alliance sur son smartphone, sa tablette ou<br />

son ordinateur à partir de treize modèles originaux permettant<br />

pas moins de 15000 possibilités. Les alliances<br />

sont ensuite réalisées à la main dans l’atelier lyonnais.<br />

Un bar à gemmes est visible en 3D.<br />

Pyjama pandémie<br />

ENTRE SES MURS<br />

Àl’aise. Quitte à être bloqués peut-être encore à<br />

l’avenir, certaines maisons proposent de belles<br />

choses pour cultiver son luxe intérieur. Loro Piana,<br />

la marque italienne spécialiste de la maille cashmere, a<br />

dévoilé The Art of Well Being. Une capsule conçue autour<br />

de la pratique du yoga, de la méditation et de l’activité<br />

physique, le tout incarné par Christy Turlington. Dior<br />

vient de dévoiler « Dior chez moi », une collection de<br />

pyjamas, de peignoirs, de ponchos. Plus près de nous, on<br />

trouve des charentaises de luxe notamment chez Tcha<br />

fabriquées à Trouve en Charentes (récompensées par une<br />

étoile à l’Observeur du Design).<br />

Pages réalisées par<br />

CATHERINE HEURTEBISE et AMELLE NEBIA<br />

PHOTOS : © DIOR. © ARONINE. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 16 . Spécial LUXE 2020


Coups<br />

DE CŒUR<br />

Trois siècles de luxe<br />

LES SECRETS<br />

Le rayonnement mondial du luxe français<br />

remonte à Louis XIV et à son ministre<br />

Colbert. C’est ce que dévoile le documentaire<br />

« L’Invention du luxe à la française », de Stéphane<br />

Bégoin, coécrit avec Flore Kosinetz, d’après une<br />

idée de Laurence Picot, journaliste et plasticienne.<br />

Parallèlement, cette dernière signe chez E/P/A<br />

& Arte Editions le beau livre « Les Secrets du luxe<br />

». Grâce aux images de LuxInside, mélange de<br />

scanner médical et de photographies, se révèlent<br />

des mystères invisibles à l’œil nu (c’est Laurence<br />

Picot qui est à l’initiative de ce procédé). L’ouvrage<br />

surprend et redonne du sens. Et déjà sous Louis<br />

XIV, Fénelon raillait les excès du luxe dans « Les<br />

Aventures de Télémaque »!<br />

“ Les Secrets du luxe”.<br />

éditions EPA & Arte,<br />

(2020), 256 pages.<br />

39,95€.<br />

Rotonde<br />

RENDEZ-VOUS<br />

D’ART<br />

l35 artistes et 174 œuvres. Des peintures, des sculptures,<br />

des photographies, des vidéos, du son et de la lumière. La<br />

totalité de la Bourse du Commerce sera investie, du studio<br />

(au niveau -2), jusqu’au troisième étage, par les œuvres<br />

d’art contemporain issues de la Collection Pinault. Un auditorium<br />

(300 places) permettra d’accueillir du live (conférences,<br />

concerts) quand on pourra. C’est l’architecte japonais Tadao<br />

nd (Franois Pinault a fait appel à lui pour le Palazzo Grassi<br />

et la Punta della Dogana à Venise) qui signe le lieu avec Lucie<br />

Niney, Thibault Marca et Pierre-Antoine Gatier. L’ouverture est<br />

prévue le 23 janvier 2021.<br />

Dessin du projet pour<br />

la Bourse du<br />

Commerce de Paris,<br />

par Tadao Andō.<br />

L’esthète dans le sac<br />

ANTICIPATION<br />

+6 %<br />

Jacquemus a dévoilé sur son<br />

compte Instagram (audience de<br />

3 millions) son distributeur de<br />

sacs. C’est possible car ses créations<br />

de maroquinerie le Bambino, le Pitchou<br />

et le Gadjo, sont minuscules.<br />

On doit pouvoir payer autrement<br />

qu’avec de la petite monnaie… On<br />

ne sait pas trop si tout cela est vrai<br />

ou si c’est uniquement un « décor »<br />

pour le shooting avec Laetitia Casta.<br />

Mais c’est une idée.<br />

C’est le pourcentage du désir<br />

de produits et services « cruelty<br />

free » et d’engagements éthiques<br />

et écologiques associés au luxe<br />

qui continuent à progresser. Mais<br />

seulement en Europe. Une tendance<br />

particulièrement portée par les<br />

boomers européens, contrairement<br />

aux Chinois et aux Américains.<br />

Source : World Luxury Tracking – Ipsos octobre 2020<br />

PHOTOS : © JAQUEMU (INSTAGRAM). DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 18 . Spécial LUXE 2020


www.francetvpub.fr


Tribune<br />

Marketing<br />

du luxe en<br />

Chine<br />

6 tendances<br />

pour 2021<br />

LES MARQUES OCCIDENTALES VONT<br />

DEVOIR REPENSER LEUR STRATÉGIE<br />

SI ELLES VEULENT AVOIR UNE PART<br />

DE MARCHÉ...<br />

YUAN ZOU<br />

est directrice du<br />

développement<br />

Europe mode et<br />

luxe de Hylink.<br />

Voici 6 tendances à suivre<br />

pour les marques de luxe<br />

officiant dans l’Empire<br />

du Milieu. Pourquoi<br />

seulement Parce<br />

que, dans la culture chinoise, certains<br />

nombres sont perus comme fastes (jili<br />

). C’est le cas du chiffre ( , liù),<br />

qui évoque le verbe « couler, s'écouler » ( , liú) pour<br />

une vie sécoulant sans souci et de manière uide.<br />

1 - Choyer la GEN Z<br />

La Gen Z chinoise continue d'être le moteur de la<br />

consommation de luxe et de mode dans l’Empire du<br />

Milieu. Ils sont en qute de produits confidentiels, de<br />

références plus pointues, avec une identité forte. es<br />

marques qui leur permettent d'exprimer leur individualité<br />

au travers des conversations et des interactions<br />

qu’ils peuvent avoir avec elles sur tous les canaux.<br />

2 - Anticiper le “ Guochao ” : les marques chinoises d’abord<br />

La préférence pour les produits de style chinois ou « Guochao<br />

», va se renforcer en . Revendiquée dans le plan<br />

gouvernemental, la préférence nationale sétend désormais<br />

à l'origine des produits et privilégie la production<br />

locale. Ce plan préconise aussi une montée en gamme.<br />

Les marques occidentales de luxe devront faire preuve<br />

d’ingéniosité pour concurrencer les marques locales.<br />

3 - Editorialiser le live streaming<br />

Le live streaming s’est imposé dans le quotidien des<br />

consommateurs chinois. Les marques se doivent de penser<br />

ce format comme un mini documentaire, d’en affiner<br />

le storytelling, de veiller à une exécution créative soignée.<br />

Il leur faudra tre sélectives dans le choix des KOL<br />

(inuenceurs chinois) avec lesquelles elles collaboreront.<br />

4 - Imaginer de nouveaux formats<br />

Les formats publicitaires traditionnels laissent la place<br />

à une intégration plus subtile des messages dans des<br />

contenus authentiques (documentaires) ou divertissants<br />

(fictions). La publicité en ligne et hors ligne se<br />

recentre sur lexpérience vécue par le consommateur.<br />

Les marques ont tout intért à bien définir les objectifs<br />

qu’elles souhaitent atteindre.<br />

5 - Penser KOL for ever<br />

En Chine, KOL et fans entretiennent une relation fusionnelle.<br />

L’inuenceur est un grand frère tout autant<br />

qu’un mentor. Plus l’attention portée au consommateur<br />

final par l’intermédiaire des KOL sera grande, plus<br />

les marques parviendront à fidéliser davantage leurs<br />

fans pour, in fine, les convertir en clients.<br />

6 - Considérer le triptyque Médias/Réseaux<br />

Sociaux/E-commerce<br />

Contenu, communauté de fans fidèles et transactions<br />

constituent la nouvelle chaîne de valeur des marques<br />

en Chine. Les médias évoluent vers le social media et le<br />

social média vers les marketplaces. La frontière entre les<br />

trois s’estompe et l’on passe des médias publicitaires à des<br />

médias marchands. Pour transformer des internautes<br />

en clients, il devient essentiel de multiplier les points de<br />

contact et de créer la différence sur chacun d’entre eux.<br />

En , année du Bufe, suivre ces tendances et appliquer<br />

une stratégie adéquate devront être les priorités des<br />

marques de luxe occidentales si elles souhaitent profiter<br />

pleinement de la reprise économique chinoise.<br />

POTO : © R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 20 . Spécial LUXE 2020


Parmi, les acteurs du luxe les plus<br />

performants dans le monde, 3 groupes<br />

français font partie du Top 5.<br />

Global Powers of Luxury Goods 2020<br />

Une nouvelle ère pour la mode et le luxe<br />

Découvrez<br />

notre nouvelle<br />

étude<br />

© 2020 Deloitte SAS. Membre de Deloitte Touche Tohmatsu Limited


Tribune<br />

Sérénité et<br />

exclusivité,<br />

nouveaux<br />

luxes à<br />

cultiver<br />

UN SERVICE COMME UN MÉDECIN DE<br />

FAMILLE... UN LUXE PAR LES TEMPS<br />

QUI COURENT.<br />

NIVA SINTÈS<br />

est directrice de<br />

Parnasse.<br />

Chaque année, en décembre,<br />

on se retourne<br />

sur les mois passés. Et<br />

marque un cap.<br />

ul navait prévu ces<br />

bouleversements inédits qui ont<br />

profondément changé nos comportements<br />

et notre vision du monde.<br />

Confinés, interdits de déplacements,<br />

ralentis ou au contraire<br />

pris dans le tourbillon nouveau du<br />

télétravail et des visioconférences,<br />

nous avons pris du recul, repensé notre rapport au<br />

temps. Et, pour beaucoup, il est devenu évident que le<br />

temps pour soi, celui qui nous appartient loin de toutes<br />

contraintes, est un luxe.<br />

Ce luxe, cest ce que Parnasse, depuis sa création, offre à<br />

ses membres. Pionnier, Orange a, en, effet, compris très<br />

tt quil faudrait accompagner les utilisateurs de téléphones<br />

mobiles, particulièrement ceux voyageant régulièrement,<br />

afin de leur faciliter lexistence, de gommer<br />

leurs inquiétudes. Orange a donc imaginé Parnasse, en<br />

, marque sélective, qui sest imposée comme un service<br />

avant-gardiste en matière de sérénité numérique.<br />

ujourdhui lenvironnement digital sest densifié,<br />

complexifié. On compte désormais environ écrans<br />

par foyer. La domotique, lélectroménager connecté<br />

deviennent incontournables. La sphère privée rejoint<br />

lunivers professionnel. Ce qui nécessite suivi, synchronisation.<br />

Et Parnasse, par son savoir-faire, est plus que<br />

jamais le garant dune forme dapaisement en prenant<br />

en charge les problématiques technologiques mais aussi<br />

celles de la protection des données.<br />

Si Parnasse est capable doffrir ce luxe à ses membres,<br />

cest parce que depuis toujours nous misons sur lhumain,<br />

le lien, léchange. Chacun de nos membres est<br />

en contact avec son coach, épaulé par un desk, et cela<br />

24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. L'un de nos membres<br />

me confiait un jour que son coach Parnasse est un peu<br />

comme un médecin de famille, qui le connat parfaitement<br />

et sait le soulager en toute confidentialité. Cette<br />

capacité à proposer un service « sans couture » est évidemment<br />

lié à la formation de nos équipes, dans notre<br />

aute cole du Service, basée sur lécoute et la bienveillance.<br />

Cest à nos yeux la seule faon de cultiver lart du<br />

conseil, dtre présent sans tre pressant, proactif ou plus<br />

en retrait selon les tempéraments.<br />

Pour faire du sur-mesure, de l’hyper-personnalisation,<br />

on doit sadresser à une communauté resserrée. Parnasse<br />

est ainsi un cercle où chaque candidature est soumise<br />

à un comité de sélection. Il est aujourdhui constitué<br />

d’un peu plus de membres à qui nous garantissons<br />

où qu’ils se situent en France et bien plus loin, calme,<br />

confiance et moments dexception. Car Parnasse a également<br />

à cur de fédérer ses clients et de les réunir lors<br />

dévénements uniques dans plusieurs régions de l’exagone.<br />

e la privatisation dexpositions à des rendezvous<br />

dans des ateliers dartistes, nous imaginons des<br />

parenthèses de rencontres et de surprises. es instants<br />

particuliers et uniques, hors du temps, que lon garde en<br />

mémoire. es souvenirs précieux qui, là aussi, riment<br />

avec luxes contemporains.<br />

POTO : © R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 22 . Spécial LUXE 2020


www.radiofrancepub.com


Tribune<br />

Le luxe après* :<br />

Les marques,<br />

nos intimes ?<br />

YVES HANANIA<br />

est fondateur et président<br />

de Lighthouse,<br />

cabinet de conseil en<br />

stratégie de marque,<br />

spécialisé dans la mode<br />

et le luxe.<br />

NOTRE RAPPORT AUX MARQUES A<br />

CHANGÉ AVEC LE CONFINEMENT.<br />

CELLES-CI DOIVENT CHANGER AVEC<br />

CETTE NOUVELLE RELATION.<br />

Durant ces derniers mois de confinement et<br />

d’isolement, les marques ont investi et préempté<br />

une nouvelle dimension : l’espace intime<br />

des maisons. Si la crise a apporté son lot<br />

de problèmes à gérer dans l’immédiat, dans un second<br />

temps, les marques de luxe ont su redoubler de créativité<br />

et d’ingéniosité pour occuper l’espace laissé libre « chez »<br />

leurs clients.<br />

Elles ont été parmi les premières à se mobiliser face à<br />

la crise sanitaire. Un comportement remarquable du<br />

départ qui est à saluer. Les plus grandes marques de<br />

luxe vont désormais plus loin. Elles ont conscience qu’il<br />

leur faut aussi rendre des services, enchanter notre vie,<br />

s’insérer dans notre cercle d’amis, devenir nos intimes,<br />

en s’invitant chez nous. urant le confinement, elles ont<br />

été nombreuses à multiplier leurs voies de communication<br />

comme leurs canaux de vente vers leurs clients<br />

leur offrant des master classes, des visites virtuelles de<br />

leur magasin… tout en leur permettant d’acheter leurs<br />

produits via les réseaux sociaux comme Instagram en<br />

quelques clics. Lululemon, la marque de vêtements de<br />

fitness à la mode, en est un très bon exemple avec le Mirror,<br />

un écran rééchissant installé à son domicile permettant<br />

à ses utilisateurs de faire de l’exercice en suivant<br />

des séances d’entraînement tout en se voyant.<br />

Imaginons un instant ce que d’autres pourraient faire.<br />

Les clients se prennent à rêver de concerts privés organisés<br />

par leur marque favorite comme Devialet ou<br />

Bang Olufsen, ou un Instagram life avec un chanteur<br />

iconique de rock qui pourrait être Bono, autant d’occasions<br />

de nouer et renforcer des liens avec leurs clients.<br />

Ceux de Louis Vuitton attendent de leur marque fétiche<br />

des expériences de voyages et de découvertes pour les<br />

enlever à la turpitude d’un monde à l’arrêt avec interdiction<br />

de quitter chez soi. À Louis Vuitton de nous faire<br />

voyager – son essence de marque est l’art du voyage<br />

après tout.<br />

Avec les fermetures à répétition, un enjeu évident est de<br />

retrouver le chemin des magasins avec une attente encore<br />

plus grande d’enchantement et d’émerveillement.<br />

Un nombre croissant de marques de luxe imagine des<br />

centres d’expériences créant de nouveaux espaces en<br />

leur sein : bien-être, culture et expositions, coworking,<br />

recyclage, etc. Les espaces expérientiels se multiplient.<br />

Les grands magasins redoublent de créativité afin d’offrir<br />

de nouvelles expériences comme des services.<br />

Pour devenir nos intimes, les marques mobilisent ainsi<br />

leur écosystème, avec l’aide du digital qui leur offre<br />

une connaissance fine de leurs clients et de leur évolution.<br />

Pour nourrir nos rêves. Pour répondre à nos désirs<br />

vintage ou d’avant-garde.<br />

Pour des services utiles. Pour<br />

prendre soin de nous. Les<br />

marques se sont ainsi invitées<br />

dans notre intimité et nous<br />

leur en sommes reconnaissants.<br />

À nous de les retrouver<br />

en magasin réinventé et digitalisé<br />

où le luxe demain aura<br />

pris vie et pris en compte les<br />

tendances qui se sont accélérées<br />

durant cette crise : la digitalisation,<br />

le développement<br />

durable, l’expérience client,<br />

la présence sur les réseaux<br />

sociaux, le e-commerce.<br />

* Le titre fait référence à un premier<br />

ouvrage paru avant la crise sanitaire, “ Le<br />

<strong>Luxe</strong> demain ” aux éditions Dunod, coécrit<br />

avec Isabelle Musnik et Philippe Gaillochet.<br />

POTO : RTM-GEC.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 24 . Spécial LUXE 2020


Il est temps d’oublier<br />

les idées toutes faites<br />

sur le print et le<br />

numérique.<br />

La nouvelle publication « Lift Off »<br />

de Sappi vous ouvrira les yeux sur<br />

ce que l’imprimé et le numérique<br />

peuvent accomplir ensemble.<br />

Papier + Numérique = résultats marketing<br />

Voici quelques exemples probants de cette combinaison gagnante :<br />

Lorsque les<br />

publicitaires<br />

investissent<br />

5%<br />

de leur<br />

budget<br />

dans les magazines<br />

papier, les RSI<br />

augmentent de<br />

90%<br />

en<br />

moyenne<br />

Les campagnes qui<br />

intègrent les magazines<br />

voient l’acquisition de<br />

clients progresser de<br />

161%<br />

La distribution<br />

ciblée de catalogues<br />

imprimés en période<br />

de pic peut générer<br />

un RSI compris entre<br />

300%<br />

et900%<br />

Scannez ce QR code ou rendez-vous<br />

sur www.sappipapers.com/fr/lift-off<br />

pour commander gratuitement votre<br />

magazine Lift Off.<br />

* Recherche menée par le service postal Royal Mail au Royaume-Uni.


Tribune<br />

Le luxe dans<br />

la crise,<br />

s'engager ou<br />

périr<br />

GROS CHALLENGE POUR<br />

LES MARQUES QUI DOIVENT<br />

RÉPONDRE SUR TOUS LES FRONTS<br />

ET LE PROUVER.<br />

STÉPHANE<br />

TRUCHI<br />

est président du<br />

directoire de l’Ifop.<br />

2020, annus horribilis, a<br />

précipité, en un mouvement<br />

aussi rapide que<br />

brutal, la presque totalité<br />

de la planète, sociétés,<br />

individus, entreprises, dans une<br />

vulnérabilité d’une ampleur jusqu’ici<br />

inégalée. Confrontés à ce traumatisme,<br />

les individus consommateurs<br />

ressentent le besoin impérieux,<br />

presque viscéral, d’être compris et<br />

rassurés. Ils attendent des marques<br />

en général, et tout particulièrement<br />

des marques de luxe, qu’elles démontrent la pleine<br />

conscience qu’elles ont de la gravité de la situation et<br />

leur capacité à soulager, ou atténuer, l’anxiété et le sentiment<br />

de vulnérabilité de leurs clients. C’est donc sur<br />

l’écoute, l’accompagnement et, de manière plus aboutie,<br />

car plus concrète, sur l’engagement, que les marques<br />

sont désormais challengées. Mais de quelle sorte d’engagement<br />

parle-t-on ici ?<br />

Eu égard à leur rayonnement et leur valeur emblématique,<br />

les marques de luxe ont un devoir d’excellence et<br />

d’exemplarité. Tel est le sens de la responsabilité qui leur<br />

échoit, et de l’engagement sur lequel elles sont attendues.<br />

Vaste programme, comme disait le général de Gaulle,<br />

car l’engagement dont il s’agit doit être holistique, capable<br />

de se déployer de manière systémique, donc sur<br />

plusieurs terrains en même temps : le terrain de la responsabilité<br />

sociale d’abord. Les marques de luxe sont<br />

mises au défi, dans un contexte à hauts risques, de faire<br />

le maximum pour préserver l’emploi, et veiller, à travers<br />

ses différentes expressions, à respecter toutes les sensibilités,<br />

à ne jamais heurter.<br />

Le terrain de la responsabilité environnementale,<br />

ensuite. Car ces marques se doivent de prouver leur<br />

contribution efficiente en matière d’empreinte écologique,<br />

de soutien au local, de respect de la cause animale.<br />

Le terrain du rapport à la consommation : l’ostentation,<br />

la profusion, les propositions incessantes, caractéristiques<br />

d’un luxe effervescent, sont désormais totalement<br />

inappropriées.<br />

Le terrain de la relation marque-client : à la verticalité<br />

de la marque en majesté qui domine de tout son prestige,<br />

se substitue une relation plus équitable, dans laquelle<br />

l’acheteur veut se sentir plus respecté, plus écouté. Le<br />

terrain, enfin, de l’indispensable protection apportée<br />

aux clients. Apaiser le stress, détendre autant que faire<br />

se peut, grâce à une ambiance d’achat calme, douce,<br />

réconfortante ; rassurer sur l’innocuité des produits ;<br />

garantir une sécurité absolue en point de vente, sont des<br />

impératifs à respecter pour conserver la confiance des<br />

acheteurs de luxe.<br />

Les enjeux, on le comprend, sont considérables. La<br />

confiance est le point nodal, cela de faon plus cruciale<br />

encore. Et l’engagement des marques de luxe ne saurait<br />

se limiter à des intentions, mais doit pouvoir se vérifier,<br />

se constater, par des actes concrets. Car ce sont désormais<br />

les actes qui font foi et qui peuvent stimuler l’indispensable<br />

ressort du luxe qu’est le désir. Sans désir,<br />

ne resterait plus aux marques qu’à tomber en désamour<br />

et périr.<br />

PHOTO : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 26 . Spécial LUXE 2020


www.marcade-event.com – T. +33 (0)1 49 05 05 49 – info@marcade-event.com


Portrait<br />

ÉCHAPPEMENT<br />

Heureux qui,<br />

COMME ULYSSE...<br />

PATRICK PRUNIAUX, CEO D’ULYSSE NARDIN ET GIRARD-PERREGAUX,<br />

EST UN HOMME PLEIN D’ASPÉRITÉS, EN RECHERCHE DU MOUVEMENT,<br />

D’AVENTURES, DE VOYAGES. UN HOMME QUI FAIT CONFIANCE,<br />

EXIGEANT ET, PARFOIS EN RETARD.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 28 . Spécial LUXE 2020


Portrait : recyclage<br />

PHOTOS : DR.<br />

Le monde entier est toujours là ; La vie pleine<br />

de choses surprenantes ». Deux vers tirés du<br />

poème de Blaise Cendrars « Tu es plus belle<br />

que le ciel et la mer ». Ce poème est le préféré<br />

de Patrick Pruniaux, double CEO dans<br />

le groupe Kering pour les marques Ulysse-Nardin et Girard-Perregaux.<br />

Dans ce texte un autre vers dit, à trois reprises<br />

: « Quand on aime il faut partir ». Vie surprenante,<br />

partir pour grandir. Deux maximes que Patrick Pruniaux<br />

met pleinement en application. Fidèle à son poème favori.<br />

Alors que nous le rencontrons sur Zoom, il revient de<br />

deux jours à Dubaï. Il est à l’heure à notre rendez-vous.<br />

L’étonnement nous gagne car Karine Salzmann, son assistante<br />

personnelle depuis dix ans avec qui il entretient<br />

une relation d’une grande confiance, nous avait prévenus<br />

: « C’est assez compliqué de gérer son agenda car<br />

il est vraiment souvent en retard, c’est un petit défaut,<br />

mais c’est un défaut tout de même ». Il concède : « C’est<br />

vrai. Je pense toujours qu’il y a plus de soixante secondes<br />

dans une minute. Quand je suis concentré sur un sujet,<br />

une problématique, j’ai envie d’aller jusqu’au bout ».<br />

Pruniaux confie qu’il avait pourtant progressé quand il<br />

travaillait chez Apple en Angleterre comme directeur<br />

général Royaume-Uni et Irlande après un an à Cupertino<br />

où il a participé en mode projet à l’élaboration et au lancement<br />

de l’Apple Watch. « En Angleterre, le retard est<br />

très mal vu. Alors je m’étais soigné », s’amuse-t-il.<br />

vant la firme à la pomme où il a « appris à travailler<br />

intensément en mode projet », à « comprendre le fonctionnement<br />

d’un management plus horizontal » et où il<br />

« a été impressionné par le savoir-faire de la marque dans<br />

l’exécution et la précision de l’expérience que l’on veut<br />

faire vivre aux clients », Patrick Pruniaux avait déjà une<br />

riche expérience. Il avait débuté chez Guinness où il a<br />

occupé plusieurs postes, dans différents pays d’Afrique :<br />

Mali, Ghana, Gabon, et Togo. Le tout pendant trois ans<br />

et demi. « J’aurais pu en sortant de l’école de commerce<br />

de Bordeaux aller travailler chez l’Oréal ou Michelin, j’ai<br />

préféré une autre aventure me sortant de ma zone de<br />

confort et me permettant de voyager », explique Patrick<br />

Pruniaux. Après cette expérience, le brasseur l’envoie à<br />

Chicago. Il y fait du marketing. Il n’y reste pas longtemps.<br />

« Je me suis assez vite ennuyé. » Besoin de partir. Encore.<br />

Il va alors à Miami, chez LVMH pour diriger les ventes de<br />

la division vins et spiritueux. « C’est un super souvenir.<br />

J’ai pu visiter tous les pays d’Amérique du Sud. »<br />

Voyager, partir, aventure. Trois mots qui collent bien<br />

au CEO d’Ulysse-Nardin. Après LVMH, il démissionne.<br />

Retourne à l’école pour faire un MBA à HEC et à la London<br />

School of Economics. C’est dans un train qui l’emmène<br />

rejoindre sa petite amie qu’il croise une ancienne<br />

DRH qui l’invite à candidater chez Tag Heuer. « Une<br />

marque fantastique » dans laquelle il restera huit ans pour<br />

terminer directeur commercial monde. Mais « quand on<br />

aime il faut partir », et il décide d'aller chez Apple. « J’aime<br />

beaucoup me mettre en déséquilibre. Le déséquilibre<br />

c’est l’apprentissage permanent », confie encore Patrick<br />

Pruniaux en faisant ensuite référence à la prière des parachutistes<br />

chez lesquels il fit son service militaire et dont<br />

il apprécie les valeurs humaines fortes : « Donne-moi la<br />

bagarre et donne-la moi une bonne fois pour toutes car<br />

je n’aurais pas toujours le courage de te la demander ». Le<br />

corollaire de ce déséquilibre qu’il aime, c’est à la fois son<br />

exigence forte envers les autres, mais aussi sa capacité à<br />

leur confier de lourdes responsabilités.<br />

“ JE PENSE TOUJOURS QU’IL<br />

Y A PLUS DE SOIXANTE<br />

SECONDES DANS UNE<br />

MINUTE. QUAND JE SUIS<br />

CONCENTRÉ SUR UN SUJET,<br />

UNE PROBLÉMATIQUE,<br />

J’AI ENVIE D’ALLER<br />

JUSQU’AU BOUT. ”<br />

« Patrick aime donner sa chance aux collaborateurs<br />

qu’il a repérés. J’en suis un exemple, confie Clémence<br />

Dubois, directrice du marketing de Girard-Perregaux.<br />

C’est quand il est arrivé, que nous avons commencé à travailler<br />

ensemble et qu’il m’a fait grandir, puis m’a confié<br />

de très grandes responsabilités. » C’est justement parce<br />

qu’il est capable de donner ainsi sa confiance que Patrick<br />

Pruniaux est apprécié, mais qu’il est aussi exigeant. Très.<br />

« Il est toujours connecté, toujours sur la brèche, il nous<br />

envoie des articles, des analyses tout le temps. Il s’intéresse<br />

à tous les métiers », confie encore Clémence ubois.<br />

Un sentiment partagé par Marie Ansel, la responsable des<br />

relations presse d’Ulysse Nardin. « Il nous oblige à nous<br />

surpasser car lui-même est dans cette volonté de dépassement<br />

permanent ». N’est-ce pas un peu trop ? « Je connais<br />

ce défaut, oui. Je suis obsédé par l’idée de trouver une<br />

solution à un problème. J’adore cela », admet-il. Trois<br />

ans après son arrivée chez Ulysse Nardin, il insiste : « La<br />

marque a un potentiel phénoménal qui n’est pas encore<br />

totalement exploité tant sur la communication, que<br />

sur le rajeunissement de certains produits ». La conversation<br />

se termine, il nous raconte son amour du sport :<br />

course à pied, kite surf, et cette « sensation de bien-être<br />

qui le gagne » quand il fait du sport. Il nous parle aussi<br />

spontanément d’un auteur qu’il aime : Joseph Kessel. Un<br />

voyageur, encore. « Ces récits de voyages sont extraordinaires.<br />

Ils disent tout de ce qu’apporte de positif, le décentrement<br />

». Le patron d’Ulysse Nardin n’est pas toujours à<br />

l’heure, mais clairement, il aime le mouvement.<br />

DAVID MEDIONI<br />

PATRICK<br />

PRUNIAUX<br />

est président-directeur<br />

général des montres<br />

Ulysse Nardin, du<br />

groupe Kering.<br />

Repères voyageurs<br />

partiels : Bordeaux,<br />

école de commerce,<br />

Mali, Ghana, Gabon,<br />

Togo et Chicago pour<br />

Guinness. Miami pour<br />

LVMH. Cupertino et<br />

Londres pour Apple...<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 29 . Spécial LUXE 2020


Twitterview<br />

13<br />

QUESTIONS À<br />

Sophie<br />

Fontanel<br />

LES MEILLEURES RÉPONSES SONT<br />

LES PLUS COURTES. 140 SIGNES<br />

PAS PLUS *, COMME SUR TWITTER.<br />

Votre luxe là tout de suite ?<br />

J’ai acheté cette nuit (insomnie) des taies d’oreiller<br />

Marimekko vintage sur eBay, des années 70.<br />

, mais... faut savoir les choisir <br />

La Bourse du commerce qui ouvrira en janvier,<br />

vous êtes invitée ?<br />

J’imagine que oui. Mais le luxe, ce n’est pas de passer à<br />

l’inauguration, c’est d’avoir un pass. De pouvoir revenir<br />

fois, à tout moment.<br />

Demna Gvasalia de Balenciaga qui présente sa<br />

dernière collection dans un jeu vidéo...on joue ?<br />

Ce n’est pas le Covid qui a tué les défilés, c’est leur<br />

monotonie. Enfin a bouge e ne sais pas si on joue,<br />

mais on jouit <br />

Marion Cotillard qui danse sur la lune pour Chanel<br />

N°5, on la suit ?<br />

J’entretiens un rapport beaucoup trop intime à ce <br />

pour le (res) sentir dans une pub qui vise une aussi<br />

grande audience.<br />

Gus Van Sant qui réalise une série pour Gucci,<br />

vous divulgachez ?<br />

J’ai écrit sur le sujet : cette faon de placer la mode<br />

dans la vie est historique. Il aura un avant et un après.<br />

Un coup de maître(s).<br />

Est-ce que la reprise en Chine nous éclaire (un peu) ?<br />

Ça aide. Mais si nous ne savons pas tre créatifs,<br />

porteurs d’un rve noble, alors la Chine fera un jour<br />

tout cela à notre place.<br />

Acheter en ligne du luxe n’est plus accessoire :<br />

on clique ?<br />

Moi, quand j’achète un truc cher en ligne, en général,<br />

c’est une pièce vintage, rare, je suis à la fois effarée et<br />

fascinée par le prix.<br />

La seconde main dans le luxe, c’est du premier choix ?<br />

C’est mme la grande affaire des années à venir : les<br />

marques commencent à comprendre qu’elles ont<br />

intérêt à gérer leur propre vintage.<br />

Vous cousez, reprisez, démontez les vêtements,<br />

c’est apaisant ?<br />

Oui. Sans un profond amour de la couture, on ne<br />

devrait rien avoir à faire dans ce milieu. élas, il offre<br />

des avantages qui attirent...<br />

2021...<br />

Des marques faisant des merveilles avec des tissus<br />

upcyclés. De petites marques neuves et luxueuses,<br />

proposant des choses irrésistibles.<br />

Vos pluriels pour le mot luxe en 140 caractères,<br />

c’est possible ?<br />

Je n’aime pas ce mot de « luxe », qui est trop lié au<br />

marketing, bien trop pluriel. Il aurait bien besoin de<br />

devenir un peu plus singulier.<br />

SOPHIE<br />

FONTANEL<br />

est écrivaine, critique<br />

de mode à “ L’Obs ”.<br />

*Twitter est passé depuis<br />

longtemps à 280 signes<br />

max. Très bien. Nous<br />

avons respecté cette<br />

décision, mais, nous,<br />

dans notre “ Twitterview<br />

”, on reste à 140<br />

signes. C'est bien plus<br />

challengeant.<br />

Le “ revenge shopping ” vous y croyez ?<br />

Je déteste ces deux mots. Mis ensemble, pire, ils sont<br />

dégradants. Les vtements nous permettent de faire<br />

peau neuve... besoin vital.<br />

Et toi, tweetes-tu ?<br />

’essaie (héroquement) de tweeter avec bonne<br />

humeur. Ça permet d’expliquer la pertinence de la<br />

mode à ceux qui s’en fichent. ’évangélise.<br />

Recueilli par AMELLE NEBIA<br />

POTO : R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 30 . Spécial LUXE 2020


Paroles<br />

DE…<br />

UNE PUBLICATION<br />

UN NOUVEL USAGE<br />

DU MÉDIA TV<br />

QUELQUES SEMAINES APRÈS LE LANCEMENT DE SON OFFRE « ADRESSABLE.TV »,<br />

FRANCETV PUBLICITÉ A DEMANDÉ À SES PARTENAIRES CE QUE LEUR INSPIRAIT<br />

LEUR PREMIÈRE EXPÉRIENCE EN TV SEGMENTÉE.<br />

« La publicité segmentée<br />

à la télévision arrive à<br />

point nommé pour<br />

procurer la rationalité<br />

économique et l’efficacité de<br />

ciblage dont les marques ont besoin<br />

dans une période ou leur prise de parole est de<br />

plus en plus déterminante pour leur avenir. »<br />

Laurent Broca<br />

CEO Pôle Media du groupe Havas<br />

« Chez Dentsu nous croyons que la publicité doit évoluer vers plus de<br />

pertinence. La personnalisation permet à la fois de mieux respecter les<br />

choix et les goûts des consommateurs, et de réduire l’impression de<br />

massification publicitaire, devenue trop souvent nocive. C’est pourquoi la<br />

TV segmentée doit devenir un atout supplémentaire permettant à nos clients<br />

de mieux cibler leurs prises de parole, ainsi qu’un levier enrichissant l’expérience<br />

utilisateur via la personnalisation des messages publicitaires au niveau du foyer. Elle sera un<br />

complément idéal à l’offre média nationale déjà largement utilisée par nos annonceurs. »<br />

Pierre Calmard<br />

CEO Dentsu Aegis Network France<br />

« La TV<br />

segmentée est<br />

potentiellement une<br />

avancée majeure pour les<br />

stratégies des annonceurs car lorsque l’on<br />

associe la puissance et la qualité de la TV<br />

(contexte, qualité de visionnage) avec<br />

une capacité de ciblage augmentée sur<br />

un média déjà globalement efficace, les<br />

marques pourront alors faire preuve de<br />

plus de créativité et de justesse mais<br />

aussi être plus empathiques et<br />

respectueuses dans les interactions avec<br />

les consommateurs. »<br />

Fernando Da Costa<br />

Co-CEO OMG<br />

Le Focus de l’expert<br />

« La télévision<br />

segmentée est<br />

un tournant décisif<br />

pour la TV, média<br />

référent pour sa puissance et sa<br />

capacité à bâtir les marques.<br />

Désormais, il fera, en complément,<br />

jeu égal avec les médias de<br />

précision : la géolocalisation, la<br />

data, les nouveaux modes<br />

d’achats automatisés en feront le<br />

média d’avenir incontournable<br />

pour nos clients. »<br />

Mathieu<br />

Morgensztern<br />

Country Manager de WPP France<br />

« La transformation digitale du<br />

média TV représente une formidable<br />

opportunité pour les marques<br />

d’optimiser leur médiaplanning à partir<br />

de nouvelles possibilités : intelligence de la data et<br />

personnalisation de la création, dans un contexte de brand<br />

safety et de confort de diffusion que garantit le média TV.<br />

Si la TV segmentée cristallise de nombreuses attentes, des<br />

challenges sont encore à résoudre notamment autour de la<br />

mesure des audiences et de la pige pour une juste prise en<br />

compte de cette nouvelle forme d’audience. Les mois à venir<br />

seront précieux et décisifs. Ils seront l’occasion pour Publicis<br />

d’accompagner chaque annonceur selon ses enjeux dans ses<br />

choix d’investissement sur ce nouveau levier. »<br />

Gautier Picquet<br />

COO Publicis France et CEO Publicis Media France<br />

Photos : DR<br />

Marianne<br />

Siproudhis<br />

Directrice générale<br />

de FranceTV Publicité<br />

Après 2 ans d’expérimentations, La TV segmentée devient une réalité et une innovation majeure pour notre média TV. En novembre<br />

et décembre prochains, pour la première fois en France, nous diffuserons les 11 premières campagnes de TV segmentée sur<br />

les chaînes de France Télévisions, via les décodeurs Orange : outre Orange, notre premier annonceur avec sa campagne « Maison<br />

protégée », nous diffusons des spots substitués pour Carte Noire, Citroën, EDF, Engie, Harrys, Intermarché, Peugeot, Reckitt, Renault et Sanofi.<br />

Notre satisfaction va de pair avec l’enthousiasme de nos clients et nous aurions pu accueillir 5 fois plus de campagnes sur cette période si les<br />

possibilités techniques nous l’avaient permis.<br />

À ce stade, l’offre « adressable.tv » de FranceTV Publicité permet aux annonceurs de profiter d’une personnalisation adéquate :<br />

géolocalisation de leur campagne, optimisation du spot selon des cibles de foyers spécifiques, usage de la consommation TV,<br />

mesures des KPI des campagnes selon les standards du digital. De façon globale, nous mettons l’accent sur les possibilités de ciblage<br />

géolocalisé (de la région jusqu’au quartier « zone IRIS ») avec cette opportunité nouvelle du mediaplanning en télévision, et particulièrement<br />

adaptée au contexte programme des chaînes de France Télévisions. Nous nous appuyons sur les décrochages régionaux de France 3 et la<br />

dynamique de nos forces commerciales en régions. Les nouvelles possibilités créatives sont vastes pour les annonceurs. Nous proposons<br />

dans une première étape des dispositifs simples et efficaces avant de sophistiquer les approches grâce à un enrichissement avec des<br />

données tierces. Quelles que soient les combinaisons de cette nouvelle forme de communication, nous respectons nos téléspectateurs qui<br />

devront donner leur consentement explicite pour recevoir ces publicités segmentées.


Planète<br />

LUXE<br />

AU TOUR DU MONDE<br />

AILLEURS, LOIN PARFOIS, QUELLES SONT LES INCARNATIONS<br />

DU LUXE ? UN PLURIEL POUR VOYAGER. QUAND MÊME.<br />

PHOTO : DR.<br />

États-Unis<br />

Incontournables pour l’architecture<br />

contemporaine, les États-Unis<br />

brillent par la virtuosité de leurs<br />

gratte-ciels et par la créativité de<br />

leurs maisons d’architectes. Le summum<br />

du luxe serait d’en acquérir<br />

une ou sinon de s’offrir un séjour<br />

dans une demeure usonienne de<br />

Frank Lloyd Wright. La John O.<br />

Carr House, (banlieue de Chicago)<br />

construite en 1950 et rénovée vient<br />

d’être mise en vente ainsi que la<br />

Dune House sur le site dwell. Assistant<br />

de Wright, John Lautner a,<br />

lui, créé des maisons autour de Los<br />

Angeles ainsi la Residence Sheats<br />

Goldstein (photo), vue dans « The<br />

Big Lebowski » et que Rihanna avait<br />

loué pour son anniversaire. La Villa<br />

de Bob Hope du même Lautner a<br />

été vendue 13 millions $ et la Wolf<br />

House vendue 5,9 millions $. Certaines<br />

de ces maisons sont disponibles<br />

en location, sinon réserver<br />

un bungalow au parfum vintage à<br />

l’hôtel Lautner à Palm Springs.<br />

PHOTO : © FABRICE MALARD.<br />

Afrique : textiles<br />

Si le continent Afrique est souvent<br />

réduit au wax, un créateur camerounais<br />

fait redécouvrir d’autres<br />

textiles issus d’un riche patrimoine<br />

artisanal. Imane Ayissi explique :<br />

« J’ai voulu donner une autre image,<br />

qui me semble plus authentique, du<br />

patrimoine textile africain, aider à<br />

préserver des savoir-faire locaux et<br />

faire travailler des artisans de différents<br />

pays d’Afrique. Ces tissus artisanaux<br />

se prêtent facilement à des<br />

évolutions contemporaines et sont<br />

authentiquement « luxueux » par<br />

leur travail et raffinement. » Invité<br />

lors des défilés de la haute couture à<br />

Paris, il définit son style comme « l’allure<br />

parisienne mixée avec l’héritage<br />

de cultures africaines. »<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 32 . Spécial LUXE 2020


Italie: Riva<br />

Rêver de Venise, de Portofino, du lac<br />

Iseo et imaginer le summum du luxe<br />

pour se mouvoir sur l’eau à bord d’un<br />

Riva. Né en 1950, dans une famille de<br />

charpentiers spécialisés dans les bateaux,<br />

Riva est une icône du luxe qui<br />

s’inspire de bateaux américains. Une<br />

sélection de bois précieux (souvent de<br />

l’acajou) vernissés, une forme effilée<br />

et des moteurs puissants signent ces<br />

Rolls-Royce de la mer. Et un art de vivre<br />

à l’italienne. Les derniers modèles en<br />

bois ont cessé leur fabrication en 1996 ;<br />

depuis, Riva met son savoir-faire au service<br />

de yachts.<br />

Japon : kintsugi<br />

Technique artisanale, le kintsugi recèle<br />

toute la subtilité et l’originalité de l’esthétique<br />

japonaise. Il s’agit d’accepter<br />

les aléas de la vie d’un objet, son usure<br />

en lui offrant une renaissance. La technique<br />

du kintsugi consiste à réparer,<br />

par exemple un bol fracturé, avec des<br />

coulures de laque le plus souvent de<br />

couleur dorée (en argent : gintsugi).<br />

Le dernier projet de Kenzo Takada<br />

consacré au design : K3 s’est inspiré de<br />

cette technique. Se retrouve en motif<br />

purement décoratif une trace dorée<br />

sur une table, dans des assemblages<br />

de tissus ; en phase avec l’asymétrie de<br />

l’esthétique japonaise.<br />

PHOTO : ©RIVA.<br />

PHOTO : DR.<br />

Moyen-Orient: oud<br />

Ingrédient mythique de la parfumerie,<br />

objet de fantasmes sans doute lié<br />

à son prix extrêmement élevé, le oud<br />

est issu de l’aquilaria, un bois infecté<br />

par un champignon. Très prisé dans<br />

les pays du Moyen-Orient, depuis<br />

plus de mille ans, on le trouve sous<br />

forme de copeaux, pour le faire brû-<br />

ler, et pour embaumer, il est de plus<br />

en plus présent dans des parfums.<br />

Or noir de la parfumerie, ce « bois<br />

d’agar » existe encore dans des fabri-<br />

cations artisanales du Proche Orient<br />

et dans des créations occidentales.<br />

Le premier à l’avoir revendiqué<br />

était M7 d’Yves Saint Laurent. .<br />

Rarement vrai, il est le plus souvent<br />

reconstitué mais son nom s’affiche<br />

chez Gucci, Tom Ford, Byredo, Maison<br />

Francis Kurkdjian...<br />

Russie: caviar<br />

Pays de la vodka, la Russie a également<br />

« inventé » le caviar par sa<br />

consommation à la cour des tsars.<br />

Quand la famille Petrossian émigra<br />

en France, fut lancée la mode du<br />

caviar lors des soirées des Années<br />

folles. L’URSS a continué pendant<br />

des décennies la production et la<br />

vente du précieux or noir. Mais,<br />

suite à la diminution de la population<br />

des esturgeons, ils furent interdits<br />

à la pêche en Mer Caspienne<br />

à partir de 2008. Depuis, le caviar<br />

légal est essentiellement un produit<br />

d’élevage et a quitté les bords de la<br />

Caspienne pour d’autres contrées<br />

(Chine, France…). Si aujourd’hui la<br />

Russie a perdu son hégémonie sur<br />

les sources actuelles, son attractivité<br />

demeure. Le caviar occupe toujours<br />

une place de choix dans les meilleurs<br />

restaurants de Moscou.<br />

Par ANTIGONE SCHILLING<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 33 . Spécial LUXE 2020


Étude<br />

Excellence et<br />

RECYCLAGE<br />

Définition<br />

SI CERTAINES VALEURS DU<br />

LES MOTS QUI DÉFINISSENT<br />

LUXE RESTENT PÉRENNES,<br />

LE MIEUX LE LUXE<br />

LES COMPORTEMENTS<br />

D’ACHATS ET DE<br />

CONSOMMATION ÉVOLUENT. %<br />

Excellence produit, le savoir-faire 16<br />

Pour mieux comprendre ce que<br />

sont les luxes aujourd’hui, Ifop a<br />

réalisé pour <strong>CB</strong> <strong>News</strong> une étude<br />

exclusive (). Première question :<br />

quelles catégories de produits – services<br />

incarnent le mieux le luxe La<br />

haute joaillerie arrive en tête, quels<br />

que soient l’âge et le sexe, suivie de<br />

l’automobile. La mode est en troisième position, boostée<br />

par les jeunes. Les montres sont logiquement l’apanage<br />

des hommes, comme les sacs, bagages et maroquineries<br />

mais aussi les cosmétiques et parfums celui des femmes.<br />

« Il est intéressant de noter, explique Stéphane Truchi,<br />

président du directoire de l’Ifop, que ce qui relève de<br />

l’expérientiel comme l’hôtellerie, la restauration ou les<br />

vins, est amplifié par les jeunes. » Seconde question :<br />

quels mots définissent le mieux le luxe « En période de<br />

crise, le luxe reste associé à l’excellence produit », continue<br />

Stéphane Truchi. À noter : l’excellence du service<br />

arrive en troisième position et elle est plus forte chez les<br />

jeunes. En revanche, le made in France est une valeur<br />

forte chez les plus gés. Les notions de plaisir, de personnalisation,<br />

d’audace et de discrétion sont davantage<br />

partagées par les jeunes. Surprise : la créativité et l’émotion<br />

se retrouvent plus chez les hommes. Mais le plus<br />

grand étonnement de cette étude vient des résultats de<br />

la troisième question sur les enjeux et évolutions du luxe.<br />

Le recyclage des produits de luxe et l’achat des produits<br />

d’occasion arrivent en première et deuxième positions,<br />

suivis de la location. « C’est une vraie surprise, insiste<br />

Stéphane Truchi, le luxe d’usage et le luxe responsable<br />

deviennent des normes. » Le luxe bouge enfin et c’est<br />

tant mieux !<br />

C ATHERINE HEURTEBISE<br />

(*) Étude Ifop réalisée online pour <strong>CB</strong> <strong>News</strong> auprès d’un échantillon de 1002<br />

Français du 4 au 6 novembre 2020.<br />

Femme : 66 % 50-64 ans : 66 % 55 ans et plus : 78 %<br />

Rareté<br />

Statut, réussite sociale<br />

Femme : 52 %<br />

Excellence du service<br />

Moins de 25 ans : 62 %<br />

Exclusivité<br />

Made-in france<br />

50-64 ans : 41 % 55 ans et plus : 49 %<br />

Plaisir<br />

25-34 ans : 39 %<br />

Créativité<br />

Homme : 36 %<br />

Vivre une expérience unique<br />

Tradition<br />

Personnalisation<br />

25-34 ans : 30 %<br />

16<br />

12<br />

9<br />

9<br />

9<br />

7<br />

5<br />

4<br />

3<br />

2<br />

% d’association<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 34 . Spécial LUXE 2020


Étude: excellence et recyclage<br />

Incarnation<br />

LES SECTEURS LES PLUS<br />

ASSOCIÉS AU LUXE<br />

%<br />

Haute joaillerie 28<br />

35-49 ans : 58 % 50-64 ans : 63 % 55 ans et plus : 68 %<br />

Automobiles de luxe<br />

Mode, prêt-à-porter de luxe<br />

25-34 ans : 44 % 35-49 ans : 47 %<br />

Montre de luxe<br />

Homme : 39 % 25-34 ans : 43 %<br />

16<br />

13<br />

10<br />

Évolution<br />

%<br />

Recycler les produits de luxe pour leur<br />

donner une seconde vie<br />

53<br />

Femme : 57 %<br />

Acheter des produits de luxe d’occasion<br />

50-64 ans : 54 %<br />

Louer un produit de luxe, plutôt que<br />

de l’acheter<br />

Femme : 48 %<br />

DE LA CONSOMMATION<br />

DU LUXE<br />

55 ans et plus : 51 %<br />

48<br />

44<br />

Acheter des produits de luxe dans les<br />

boutiques en ligne<br />

40<br />

Moins de 25 ans : 46 % 25-34 ans : 45 %<br />

Hôtellerie de luxe<br />

Moins de 25 ans : 42 % 55 ans et plus : 42 %<br />

Sacs à main, bagages, maroquinerie de luxe<br />

Femme : 38 %<br />

Cosmétiques et parfums de luxe<br />

Femme : 22 %<br />

Restaurant gastronomique, produits gourmets<br />

Moins de 25 ans : 24 %<br />

Décoration et inmobilier de luxe<br />

Vins et spiritueux de luxe<br />

Moins de 25 ans : 15 %<br />

8<br />

9<br />

6<br />

4<br />

3<br />

2<br />

% d’association<br />

Acheter du luxe en discount ou<br />

à prix réduits<br />

Femme : 44 %<br />

Acheter des articles de luxe qui ont une<br />

vraie valeur d’investissement<br />

Moins de 25 ans : 45 %<br />

Acheter des produits iconiques,<br />

des valeurs sûres<br />

Privilégier l’achat en boutique, pour vivre<br />

une expérience d’achat, être conseillé<br />

Moins de 25 ans : 45 %<br />

Acheter des produits de luxe via<br />

les réseaux sociaux<br />

Moins de 25 ans : 37 %<br />

25-34 ans : 36 %<br />

40<br />

35<br />

31<br />

29<br />

28<br />

% pensent que va se développer<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 35 . Spécial LUXE 2020


Profil<br />

<strong>CB</strong><br />

CHRISTOPHE<br />

PINGUET<br />

LE COFONDATEUR<br />

DE SHORTCUT,<br />

AGENCE<br />

ÉNÉNEMENTIELLE<br />

QU'ON NE<br />

PRÉSENTE PLUS,<br />

SE MONTRE SOUS<br />

UN PROFIL DRÔLE<br />

ET CORDIAL.<br />

À RENCONTRER<br />

SUR TEAMS<br />

OU ZOOM EN<br />

ATTENDANT...<br />

Les amis qui ont été déterminants dans<br />

mon parcours<br />

Christian<br />

Blachas<br />

Lionel<br />

Laval<br />

Christian Blachas le créateur de “ <strong>CB</strong> <strong>News</strong> ” qui fut le premier à s’intéresser<br />

à notre travail. Un génie ! Lionel Laval, comme tout le monde connaît la<br />

destinée de Shortcut, sans lui, je ne serai pas grand-chose. Ensemble, nous<br />

avons une très longue liste de remerciements possibles.<br />

Les amis dont je ne pourrais pas<br />

me passer plus de 48 h<br />

Mes nouveaux amis 2020 ? Teams et Zoom. Ils<br />

dirigent une agence matrimoniale de rendez-vous<br />

professionnels ou privés. Ils sont cools. Tu es seul<br />

au bureau ou tu as le cafard… ils te trouvent une<br />

solution en joignant tout plein de belles personnes<br />

éparpillées ici ou là !<br />

Mon meilleur ennemi<br />

Moi-même ! Depuis 8 mois, je lui dis tout… Il est<br />

très patient… Il écoute mes craintes, mes joies,<br />

mes leitmotivs, mes ambitions, mes théories, mes<br />

certitudes, ma foi… sans jamais se moquer malgré<br />

son air amusé. Dès qu’il le peut, il me remet en<br />

place !<br />

PHOTOS : © ERIC MERCIER. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 36 . Spécial LUXE 2020


Profil <strong>CB</strong><br />

J’habite…<br />

Le monde Paradoxalement, cette crise m’aura<br />

permis de sortir de ma coquille de confort. Et de<br />

descendre d’un piédestal qui aurait pu s’installer. La<br />

pandémie, le virus, auront touché la terre entière.<br />

J’ai pu échanger, dans une intimité renouvelée,<br />

avec tous mes amis autour de la planète. Ce qu’en<br />

temps normal je n’aurais peut-être pas fait.<br />

Je travaille…<br />

Du matin au soir. Au Shortcut Hub ! Nos nouveaux<br />

bureaux de la rue de la Pompe. La nouvelle adresse<br />

de Shortcut très high-tech se révélant être la super<br />

idée du premier confinement. Par anticipation de<br />

la nouvelle donne liée au télétravail, nous avons su<br />

nous mouvoir avec agilité !<br />

– “ DÉBUT 2020, J’AI DIT<br />

À TOUT LE MONDE<br />

QUE L’ANNÉE SERAIT<br />

« 20 SUR 20 ». PAS<br />

CERTAIN D’AVOIR ÉTÉ<br />

TRÈS JUSTE. ”<br />

Je m’habille en…<br />

Click Collect Pour du streetwear. Slim fit et<br />

beautiful sneakers.<br />

Je me déplace…<br />

Quasiment toujours à pied. Et masqué. Huit mois,<br />

moins kg. Peut encore mieux faire suivre.<br />

Je me confine...<br />

Dans l’Apps Tous anti Covid. De là (LOL), je vais<br />

parfois ici ou là en fonction de son utilisation et<br />

des autorisations. Je ne comprends pas comment<br />

cet outil indispensable et utile n’est pas une<br />

obligation pour se déplacer, travailler, sortir.<br />

Ma cantine préférée<br />

La Maison du Fruit. 76, rue de la Pompe.<br />

Salade et salade de fruits à 5,5 euros. Ou<br />

Daily Pic Beaupassage, le fast-good à la<br />

française. L’adresse hype d’Anne-Sophie<br />

Pic en livraison à domicile ou au bureau.<br />

Ma plus grosse bâche professionnelle<br />

Tous les matins… Il faut analyser tout ce<br />

que l’on a mal fait et essayer de mieux faire.<br />

La remise en question est perpétuelle.<br />

Ma plus grande fierté professionnelle<br />

Tous les soirs Il faut essayer d’tre satisfait et fier<br />

de sa journée, de ses rencontres, de ses dossiers.<br />

Et se dire que chaque événement, ou production,<br />

seront toujours à surpasser. La dernière cérémonie<br />

solennelle de la Nation au Panthéon pour le<br />

transfert des cendres de Maurice Genevoix fut une<br />

réelle fierté pour Lionel, nos équipes et moi.<br />

Ma devise au boulot<br />

« Vite, c’est mieux que bien ». De toute façon, il<br />

faut bien faire.<br />

Ma publicité préférée<br />

Pour la FDJ. « 100% des gagnants ont tenté leur<br />

chance ». J’en ai fait ma religion.<br />

Mon livre de chevet<br />

Je sais à peine lire ! Je regarde les photos !<br />

Mon film culte<br />

« Funny Face » de Stanley Donen. Un classique<br />

d’Hollywood. Mais j’ai envie de répondre, le<br />

prochain James Bond. D’abord à cause du titre<br />

« Mourir Peut Attendre ». Puis pour la chanson culte<br />

de Dalida « Dans la ville endormie » … Bien sûr<br />

aussi, pour mon côté 007 ! Non ?<br />

Ma série avouable (et non avouable)<br />

J’suis pas trop série !<br />

Mon luxe c'est...<br />

Vous ! Il me tarde de vous retrouver sur un<br />

événement Shortcut !<br />

Mes vœux 2021<br />

Début 2020, j’ai dit à tout le monde que l’année<br />

serait « 20 sur 20 ». Pas certain d’avoir été très juste.<br />

Le V étant la 22 e lettre de l’alphabet, j’ai envie de<br />

vous souhaiter à tous une bonne (v)accination,<br />

avec une merveilleuse année d’avance !<br />

Facebook et moi :<br />

De la positive attitude, des coups de cœur et un<br />

partage de bonne humeur décomplexé, sinon cela<br />

ne m’intéresse pas.<br />

Recueilli par<br />

FRÉDÉRIC ROY<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 37 . Spécial LUXE 2020


Le bureau<br />

DE TRAVAIL DE…<br />

ISIS-COLOMBE<br />

COMBRÉAS<br />

DANS LE CABINET<br />

DE CURIOSITÉS DE<br />

LA DIRECTRICE DES<br />

MAGAZINES MILK.<br />

EFFERVESCENTE<br />

C’est elle qui le mentionne<br />

dans un éclat de rire. « Isis<br />

travaille rue des Pyramides,<br />

c’est drôle non ? ».<br />

Oui ça l’est ! La fondatrice des magazines<br />

« Milk » et « Milk Décoration »,<br />

fondatrice de l’agence Fovea Design<br />

et de la toute nouvelle Craft Gallery,<br />

nous reçoit donc dans son bureau.<br />

L’unique fenêtre donne sur une cocarde<br />

bleu blanc rouge accrochée à<br />

l’immeuble d’en face. Celui des Musées<br />

nationaux. Située à deux pas du<br />

Louvre et du Musée des Arts décoratifs<br />

et à « 100 mètres du “ Canard<br />

Enchaîné ”, depuis le début et nous<br />

n’avons pas l’intention de déménager.<br />

Cette adresse, c’est un luxe »,<br />

assure-t-elle. Son bureau est comme<br />

un boudoir, le seul d’ailleurs à avoir<br />

un plafond « normal », le reste de la<br />

rédaction évoluant sous une hauteur<br />

de plus de cinq mètres. « Je déteste<br />

travailler chez moi, j’y suis donc<br />

souvent et davantage aujourd’hui<br />

que nous sommes bloqués », continue-t-elle,<br />

« avant je voyageais tout<br />

le temps pour le journal. Je suis une<br />

nomade dans l’âme. Du coup, je me<br />

déplace toute la journée avec mon<br />

ordinateur portable et m’installe où<br />

je peux dans les bureaux ». Ce qui<br />

change tout le temps également ce<br />

sont les accrochages et les dispositions<br />

des objets dans son bureau. « Je<br />

conserve ce qui me plaît et m’inspire.<br />

Un rouge à lèvres, des petites chaussures<br />

d’enfants, des matières brutes,<br />

des bouts de tissus, des souvenirs<br />

de reportages… », explique-t-elle<br />

en caressant ces talismans disposés<br />

PHOTOS : © ÉRIC LEGOUHY.<br />

C’EST UN BAZAR, ET C’EST MIEUX !<br />

UN MEUBLE À LA JACKSON POLLOCK<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 38 . Spécial LUXE 2020


MIAOU !<br />

UNE GOURDE DE LA FONDATION LOUIS VUITTON<br />

sur un étrange meuble de présentation<br />

recouvert de tâches de couleurs<br />

façon Jackson Pollock chiné chez<br />

Habits Neufs à Lourmarin. « Ici ce<br />

n’est pas un show-room, c’est une<br />

rédaction. Il y a donc du bazar et<br />

c’est tant mieux », explique-t-elle en<br />

changeant un tableau de place. À la<br />

réexion, elle change encore. S’enfuit<br />

dans une autre pièce, revient<br />

avec un autre tableau. L’installe. Se<br />

recule. Le retire. Enlève la vitre. Le<br />

replace. Se recule. « C’est mieux là<br />

non ? ». Son œil est exercé. « Trente<br />

ans à observer et raconter le beau<br />

partout sur planète, ça forge un<br />

tempérament. C’est pourquoi j’ai<br />

voulu récemment créé la Craft Gallery<br />

en octobre. Un laboratoire pictural<br />

en ligne avec des artistes que<br />

nous affectionnons. On y trouve des<br />

esquisses, des peintures, des dessins<br />

préparatoires, des natures mortes…<br />

De l’art print numéroté et accessible<br />

à moins de cent euros et en quatre<br />

formats. J’achète toutes les œuvres<br />

et constitue un fonds. C’est bien la<br />

première fois que j’endosse le costume<br />

de business woman ! », révèlet-elle.<br />

La Craft Gallery s’exposera<br />

en janvier chez Merci avec le labo<br />

Picto. L’une de ses autres activités,<br />

c’est l’agence de design Fovea. Son<br />

œil imagine des catalogues de mode<br />

(Le Bon Marché), de tissus (Elitis)<br />

et d’objets (beaux). Cette activité de<br />

création s’exprime également pour<br />

des nouvelles formules de presse.<br />

Elle signe la toute nouvelle formule<br />

de « Grazia » par exemple. Quand<br />

elle se pose (parfois), l’une de ses<br />

manies est d’allumer une bougie qui<br />

se reète dans le miroir. Elle allume<br />

aussi toutes les lumières. « Je suis<br />

moins “ dogma ” sur l’écologie que<br />

le reste de la rédaction plutôt jeune,<br />

s’amuse-t-elle, mais je m’améliore.<br />

Je viens toujours en vélo. Là je suis<br />

casquée, gantée, masquée, giletée…<br />

». Une gourde, offerte par la<br />

Fondation Louis Vuitton, achève<br />

le profil « éco responsable » de la<br />

convertie. Le luxe, elle a fait sa géographie.<br />

« e vais à pied au Louvre,<br />

au Musée des Arts décoratifs, aux<br />

Tuileries. On s’offre cette adresse.<br />

Pour la rédaction, c’est une chance<br />

pour l’inspiration. »<br />

AMELLE NEBIA<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 39 . Spécial LUXE 2020


Interview<br />

CULTURE LUXE<br />

“ Le luxe lui-même<br />

est devenu une<br />

FORME DE „<br />

RELIG ION<br />

LE MAD, LE MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS DE PARIS, OUVRE<br />

SES CIMAISES À UNE EXPOSITION CONSACRÉE AUX LUXES. LE<br />

DIRECTEUR DU MUSÉE, OLIVIER GABET NOUS GUIDE.<br />

<strong>CB</strong>N : Comment est né ce projet ?<br />

Olivier Gabet : Fruit d’une dizaine d’années de ré-<br />

exion, ce projet a eu une première mouture au Louvre<br />

Abu Dhabi. Sujet anthropologique et universel, la notion<br />

de luxe est à l’œuvre dans toutes les civilisations quelles<br />

que soient les périodes. Cela touche aux matériaux, aux<br />

routes de commerce, au sacré, au pouvoir, à la parure, à<br />

la distinction sociale. Le luxe a un rôle politique et sociétal<br />

très fort.<br />

<strong>CB</strong>N : Comment s’est faite la sélection des<br />

œuvres ?<br />

Olivier Gabet : Un énorme casse-tête. Le choix a été<br />

drastique, rationnel, logique, mais aussi subjectif avec<br />

une centaine d’œuvres de 3 500 avant notre ère jusqu’à<br />

hier matin. e voulais que figure l’Égypte : une cuiller à<br />

fard signe l’émergence du luxe de la parure. Le Collier<br />

Noisettes de Lalique est un chef-d’œuvre 1900. Et aujourd’hui,<br />

une valise Rimowa avec Supreme. Montrer<br />

que le luxe se renouvelle sans cesse et qu’il y a toujours<br />

dialogue et fusion des cultures. Pendant les trois quarts<br />

de l’exposition il y a toute une histoire civilisationnelle<br />

anthropologique exceptionnelle.<br />

<strong>CB</strong>N : Le luxe avant les marques ?<br />

Olivier Gabet : Oui, les marques expriment une queue<br />

de comète de l’histoire du luxe. Aujourd’hui les maisons<br />

se passionnent pour des éléments qui peuvent sembler<br />

lointains. Pour la collection des Métiers d’Art Paris New<br />

York de Chanel, Karl Lagerfeld rend hommage à l’Égypte<br />

par le prisme d’Hollywood et d’Elizabeth Taylor avec une<br />

création en marqueterie de plumes de la Maison Lemarié.<br />

<strong>CB</strong>N : Certains objets sont plus inattendus.<br />

Olivier Gabet : On voulait surprendre avec la typologie<br />

d’objets, il y a des cartes à jouer, des instruments<br />

scientifiques, une salière d’une époque où le sel était<br />

un condiment précieux. En fin d’exposition figure une<br />

robe de Guo Pei en broderies. La géographie du luxe<br />

n’a cessé d’évoluer, son histoire mobilise beaucoup<br />

d’éléments. Le luxe utilise des matériaux précieux, le<br />

ux passe par des routes de commerce, il a déclenché<br />

des conits militaires. Le mot luxe n’est pas superficiel,<br />

mais clef de lecture de l’histoire des civilisations.<br />

<strong>CB</strong>N : L’étymologie du mot ne viendrait pas<br />

de lux (lumière).<br />

Olivier Gabet : Oui de luxus. De ce qui est déboîté,<br />

déplacé, décalé, donc ce qui est marginal. La définition<br />

est plus ouverte. Depuis des millénaires le luxe a été ce<br />

qui distinguait des autres avec toujours quelque chose<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 40 . Spécial LUXE 2020


Interview : culture luxe<br />

<strong>Luxe</strong> vient de<br />

luxus. Ce qui est<br />

décalé, déplacé,<br />

donc ce qui est<br />

marginal.<br />

PHOTO : © ELÉONORE DEMEY.<br />

Olivier Gabet est<br />

directeur du Musée<br />

des arts décoratifs<br />

(MAD Paris), le<br />

“ conservatoire du<br />

génie des artisans et<br />

des artistes ”.<br />

d’exclusif. L’idée de sa démocratisation est presque en<br />

contradiction avec le luxe lui-même. Dans une société<br />

qui se veut inclusive, cela va être un énorme défi<br />

de répondre à certains critères ; il va falloir prendre<br />

conscience du vivant, de l’environnement. Dans le luxe<br />

d’hier figuraient la fourrure, l’ivoire, la corne de rhinocéros,<br />

certaines plumes, l’approche des matériaux va<br />

se modifier.<br />

<strong>CB</strong>N : La notion de “ travail ” semble être<br />

fondamentale.<br />

Olivier Gabet : Il y a un design de luxe, l’objet est<br />

pensé, se projette, cela peut être un jet privé ou un téléphone<br />

complexe. Le temps passé, la maîtrise technique<br />

en sont une particularité et la notion de métiers d’art<br />

est un nouvel étendard du luxe. Avec la marqueterie de<br />

paille de Jean-Michel Frank, quelque chose de banal,<br />

de commun devient du luxe.<br />

<strong>CB</strong>N : Dans la partie contemporaine de<br />

l’exposition la religion a disparu.<br />

Olivier Gabet : Le luxe lui-même est devenu une<br />

forme de religion avec beaucoup de pratiquants. Le<br />

luxe conserve un statut incroyable, et même dans<br />

la crise actuelle ce ne sont pas les biens de luxe qui<br />

souffrent le plus.<br />

<strong>CB</strong>N : Le luxe ne s’est-t-il pas uniformisé ?<br />

Olivier Gabet : Oui, une sorte de lingua franca, mais<br />

s’il y a une forme d’uniformisation, des résistances<br />

demeurent. Ce qui crée ce terreau global et universel,<br />

c’est la référence à des choses intangibles : les métiers<br />

d’art, le temps passé. À côté d’un bol japonais restauré<br />

au kintsugi (laque d’or), il y a un sac Kelly restauré, une<br />

partie des coutures est faite d’un fil plus blanc. L’objet<br />

de luxe se répare, se restaure, se conserve, se transfère,<br />

il y a transmission.<br />

<strong>CB</strong>N : Faites-vous une subdivision entre vrai<br />

et faux luxe ?<br />

Olivier Gabet : Non. Tout est dans la façon dont<br />

les acteurs en jouent. Un des plus géniaux est Alain-Dominique<br />

Perrin, avec les musts il a projeté l’idée du luxe<br />

dans un objet accessible, mais capitalise sur l’histoire<br />

d’une maison. Vrai ou faux luxe induirait un jugement.<br />

Un ryokan (une auberge japonaise) peut être perçu luxe<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 41 . Spécial LUXE 2020


Interview : culture luxe<br />

Corne à poudre, Inde,<br />

XVII e siècle. ©Musée<br />

du Louvre, Dist.RMN-<br />

Grand Palais/Hughes<br />

Dubois.<br />

Sablier Marc <strong>News</strong>on,<br />

The Hourglass, Suisse,<br />

2015: ©MAD Paris/<br />

Luc Boegly<br />

Voiture Hispano-<br />

Suiza H6B. Coll.<br />

Adrien Maeght)<br />

©MAD Paris/<br />

Christophe Dellière.<br />

ou rudimentaire ; il y a deux lectures possibles. Il y a<br />

aujourd’hui un jeu permanent sur la hiérarchie, tout est<br />

matière à débat.<br />

<strong>CB</strong>N : Mais avec les tee-shirts, le produit<br />

demeure banal ?<br />

Olivier Gabet : C’est là où le luxe est une notion intangible,<br />

insondable, les clients projettent leur idée<br />

du luxe sur l’objet. Chaque maison arrive à maintenir<br />

cette ductilité. Petit h (Hermès) explore quelque chose<br />

de génial : comment recycler des matériaux dont on<br />

n’a pas l’usage et créer des objets de luxe encore plus<br />

désirables. In fine que le matériau soit cher ou pas,<br />

mis en scène ou pas, le luxe c’est la créativité d’ordre<br />

esthétique.<br />

<strong>CB</strong>N : Le luxe est-il forcément rare ?<br />

Olivier Gabet : Il reste du domaine de la rareté comme<br />

la créativité, c’est un élément très fort de la définition<br />

du luxe.<br />

<strong>CB</strong>N : Utile ou superflu ?<br />

Olivier Gabet : Dans l’exposition figurent les deux,<br />

je ne ferai pas de différence, le luxe est une notion qui<br />

transcende et provoque parfois admiration ou même<br />

sidération. Le grand rhyton (coupe en forme de corne,<br />

NDLR)(Iran, VII e s. av. J-C.) a-t-il vraiment servi ? Qui<br />

le portait ? Un souverain, un prêtre …<br />

<strong>CB</strong>N : Avez-vous un objet préféré ?<br />

Olivier Gabet : On voulait intégrer le voyage au luxe,<br />

et j’avais envie d’une voiture. Le conservateur du Musée<br />

de Compiègne m’a incité à choisir l’Hispano-Suiza H6B<br />

de 1925.<br />

<strong>CB</strong>N : Le luxe est-il forcément pérenne ?<br />

Olivier Gabet : Quel que soit le matériau, le luxe n’est<br />

pas éphémère, il est intangible même si l’usage peut<br />

passer.<br />

Le mot luxe<br />

n’est pas superficiel,<br />

mais clef de lecture<br />

de l’histoire<br />

des civilisations.<br />

<strong>CB</strong>N : L’incarnation du luxe aujourd’hui ?<br />

Olivier Gabet : C’est compliqué. En fait c’est le temps,<br />

même si le dire maintenant, c’est de la provocation.<br />

<strong>CB</strong>N : Les nouveaux consommateurs ont de<br />

nouvelles demandes dans l’air du temps.<br />

Olivier Gabet : Oui, la question sociale avec BLM<br />

(Black Lives Matter) ou les sujets environnementaux, et<br />

il ne suffira pas de mettre des mannequins afro-américains<br />

sur un podium. On voit aussi la problématique de<br />

l’appropriation culturelle, il faut déminer le sujet. Il faut<br />

cocher les cases de l’inclusion tout en étant exclusif.<br />

<strong>CB</strong>N : La première œuvre, le sablier de Marc<br />

<strong>News</strong>on, c’est une façon d’inclure le temps ?<br />

Olivier Gabet : Elle commence et finit l’exposition.<br />

Le temps est le dernier critère, il s’écoule pour tout le<br />

monde même avec des calendriers différents. C’est<br />

un très bel objet, une sorte de « memento mori » assez<br />

bienveillant ; il pose les choses, le temps passe, le meilleur<br />

étalon pour comprendre ce qu’est le luxe.<br />

Recueilli par<br />

ANTIGONE SCHILLING<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 42 . Spécial LUXE 2020


Mots<br />

DE PASSE<br />

Le pluriel<br />

SELON<br />

A<br />

HOMME D’AFFAIRES,<br />

JOURNALISTE, RÉALISATEUR,<br />

DJ, DANDY… ET MAÎTRE<br />

DE CÉRÉMONIE DU PARIS<br />

LUXURY SUMMIT. ARIEL<br />

WIZMAN, HOMME PLURIEL,<br />

DÉVOILE SES LUXES.<br />

Un costume sur-mesure<br />

Savoir que quelqu'un attend de vraiment comprendre<br />

ce que vous voulez porter, et que discrètement, sans vous<br />

avertir de votre changement de tour de taille, de taille<br />

de col, ou de votre passage de poids moyen à poids milourd,<br />

va faire tout son possible pour vous mettre à votre<br />

avantage. Lui, avec dans son œil un doctorat intuitif de<br />

géométrie dans l'espace, et dans ses mains des liasses<br />

chaleureuses de tissus, épaisses comme les moquettes de<br />

Publicis dans les années 70. Il ne dira rien si vous choisissez<br />

un pied-de-coq vert pomme (dans l'espoir pathétique<br />

de faire un crossover Savile Row/Balenciaga) mais vous<br />

proposera humblement quelque chose de plus « sr »,<br />

de plus pérenne. Un tailleur, qui ne commente pas<br />

contrairement à la légende le cté où vous avez choisi<br />

de « porter », et qui, dessayage en essayage, rend de plus<br />

en plus érotique le moment où vous enfilerez luvre de<br />

ses dizaines dheures de travail et de réexion. Et enfin<br />

un costume, que vous porterez toujours, pour vous sentir<br />

au-delà de la critique, ou tout simplement dans l'aisance<br />

la plus absolue.<br />

Une journée, seul, et ailleurs<br />

Voilà, une fois de plus, vous avez choisi l'opium<br />

du voyage au long cours. Tokyo ? Barranquilla ? Cape<br />

Town ? Vous voilà, étranger au milieu de l'étrange, qui,<br />

nen doutez pas, existe encore, partout ailleurs. ous<br />

êtes seul, et ce bar, vide ou plein, vous fait de l'œil, vous<br />

y entrez et n'en sortirez que quand vous le souhaiterez,<br />

demain ou tout de suite. En bas de chez vous, auriezvous<br />

remarqué cette jeune fille à la peau de bronze, qui<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 44 . Spécial LUXE 2020


Mots de passe<br />

R<br />

PHOTO : ©DR.<br />

I E<br />

avance en regardant ses pieds ? Ce vendeur d'escargots ?<br />

Ce salon d'épilation ? Vous courez d'un point à l'autre,<br />

vous déjeunez deux fois, debout dans la rue, vous vous<br />

laissez bousculer, la ville est aussi profuse quun fil Instagram,<br />

aussi bavarde qu'un thread Twitter. Vous êtes fatigué,<br />

une chambre dhtel vous attend, les serviettes sont<br />

propres, et vous y tes seul. Et vous ne savez pas ce que<br />

vous voulez, ce que vous chercherez demain. Vous êtes<br />

bien en vie. C'est le voyage, c'est la ville, c'est le bonheur.<br />

Découvrir quelque chose<br />

Là où lherbe pousse en désordre, dans des lieux qui<br />

semblent voués à la solitude, d'un isolement même pas<br />

majestueux, un peu vain, le luxe a parfois irradié. u<br />

bout de ce sentier sans joie, à l'aurore ou au crépuscule,<br />

peut apparatre lun des chteaux franais abandonnés,<br />

ou l'une de ces demeures jadis sublime, et que<br />

lhéritage en indivision a figé comme une capsule temporelle.<br />

Les « Urbex » (explorateurs urbains) connaissent ce<br />

frisson du « cric », ce moment où la porte des secrets cède,<br />

et où lon découvre un moment gardé intact derrière des<br />

murs. écouvrir, cest a le luxe. « Tomber sur ». Cest<br />

parfois chercher quelque chose et trouver autre chose, la<br />

fameuse sérendipité. Ou tout simplement comme cela<br />

se passe avec la prière demander quelque chose sans<br />

savoir ce que la transcendance nous accordera. Finalement,<br />

peu de gens le savent, mais le luxe cest souvent<br />

obtenir autre chose que ce que l'on voulait.<br />

La résonance<br />

Un conseil qui tombe juste, deux pensées qui se<br />

croisent, le moment où deux personnes savent quelles<br />

ont envie de sembrasser. Cest la « résonance », la dimension<br />

vibratoire de la relation, ce luxe immense de<br />

l'impalpable. Je suis dans une pièce et virtuellement<br />

toutes les fréquences radio y sont, et je résonne avec<br />

lune seule dentre elles. Et voilà la musique, ou un<br />

L<br />

silence éloquent, voici France Culture, l'intelligence<br />

qui se mle comme une vibration, à la pièce où je me<br />

trouve. Ou me voici assis, dans la bibliothèque Nationale,<br />

rue de Richelieu, qui est un luxe gratuit, où je<br />

rentre en résonance avec les génies de la strophe ou les<br />

damnés de l'inspiration. Capter les bonnes fréquences,<br />

et faire durer la résonance, un luxe que lon acquiert en<br />

lisant quelques livres, en écoutant quelques disques, en<br />

entendant les plus furtifs murmures.<br />

Voler<br />

Eh bien, à quoi pense-t-on, devant des paysages<br />

grandioses, alors que l'on a traversé les océans pour les<br />

contempler ? On aimerait emprunter les airs pour s'y<br />

déplacer et les habiter. Disons-le tout net : voler serait<br />

un luxe quaucune boutique du Faubourg Saint-onoré<br />

ne serait en mesure de fournir. Mais qui mettrait toute<br />

lindustrie à genoux. Qui choisirait un sac à mains plutt<br />

qu'un vol plané dans les calanques écrasées de lumière ?<br />

Elon Musk nous emmènerait sur la lune, les htels <br />

étoiles ont des piscines perchées dans les airs, mais personne,<br />

même avec les plus gigantesques investissements,<br />

ne nous propose ce que les rêves nous autorisent gratuitement<br />

: voler.<br />

Recueilli par<br />

AMELLE NEBIA<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 45 . Spécial LUXE 2020


#onirimagency#onirimproduction#onirimpost


ONIRIM.COM


La Grande<br />

INTERVIEW<br />

“ Dans la période post-covid<br />

IL Y AURA UNE<br />

EXPLOS ION<br />

DE LA<br />

CRÉATIVITÉ ”<br />

LE FONDATEUR ET PRÉSIDENT<br />

DE MAZARINE, PAUL-EMMANUEL<br />

REIFFERS, ANNONCE DES JOURS<br />

MEILLEURS. L'AGENCE,<br />

INDÉPENDANTE, SPÉCIALISÉE DANS<br />

LE LUXE CONTINUE SA<br />

PROGRESSION DANS LE DIGITAL, EN<br />

CHINE ET AUX ÉTATS-UNIS. CERTES<br />

IMPACTÉE PAR LA CRISE, MAZARINE<br />

A MIS EN PLACE DES SOLUTIONS ET<br />

S'OFFRE MÊME LE LUXE DE<br />

RECRUTER ! OPTIMISTE ?<br />

<strong>CB</strong>N : 2020, année folle ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Une année assez<br />

dingue en effet. ous avons eu une fin d’année et<br />

un début d’année très forts avec de très bonnes<br />

perspectives aussi bien en événementiel qu’en digital et<br />

sur tous les métiers. Et puis mi-mars nous avons été surpris<br />

et impactés par la crise et le blocage complet de pans<br />

entiers de l’économie et notamment de l’événementiel.<br />

Par contre, ce que l’on constate, c’est que la position<br />

du groupe Mazarine, qui est très ciblé sur le secteur du<br />

premium et du luxe, mais qui est très diversifié par les<br />

métiers, nous a apporté une grosse résilience. Gérer plusieurs<br />

métiers a toujours été compliqué mais très enrichissant.<br />

Compliqué, parce que sur les cinq métiers que<br />

nous avons, il y en a toujours un qui va un peu moins<br />

bien que les autres.<br />

<strong>CB</strong>N : Quels sont-ils, ces cinq métiers ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Le digital et la performance,<br />

l’événementiel et l’influence, le content story<br />

telling et activation, le craft et design, et le média, mode<br />

art et culture. Le digital représente de notre activité,<br />

l’événementiel également, le story telling <br />

, le craft et le média représentant chacun. Cette<br />

année, nous allons faire moins de chiffre d’affaires<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 48 . Spécial LUXE 2020


La grande interview<br />

“ On a reconstruit<br />

nos métiers, on a<br />

inventé Mazarine<br />

Creative Intelligence<br />

pour virtualiser les<br />

événements de<br />

nos clients. ”<br />

PHOTOS: © E FROIS ROBERT.<br />

au niveau du groupe, moins de marge brute. La<br />

chute du chiffre d’affaires s’explique par l’arrt quasi-total<br />

de l’événementiel depuis mars, mme si nous avons<br />

pu maintenir quelques petites choses. Et le différentiel<br />

avec la marge brute s’explique par le fait que l’événementiel<br />

est consommateur de chiffre d’affaires. Par<br />

contre nos activités digitales et content sont stables. Elles<br />

n’ont pas progressé parce que mme dans ce domaine les<br />

annonceurs ont réduit leurs budgets. Quant aux métiers<br />

classiques, craft, design, édition, ils sont stables. otre<br />

deuxième force, c’est que nous avons entrepris une diversification<br />

à l’international sur deux continents, que<br />

sont la Chine et les États-Unis. ous sommes en progression<br />

dans ces deux pays. u total, la Chine représente<br />

de notre chiffre d’affaires et c’est plutt une bonne<br />

nouvelle. Parce que ces pays ne sont pas du tout en récession<br />

mais plutt en phase de recrutement, d’investissement<br />

et de développement. ernier atout, le fait d’tre<br />

positionné sur un secteur, le luxe et les marques premium,<br />

qui est très résilient. Ces marques ont beaucoup<br />

souffert mais elles performent beaucoup en Chine. u<br />

total, c’est moins catastrophique que prévu. Certes, en<br />

mars des budgets ont été coupés, mais les projets sont revenus<br />

depuis. u total, nous resterons bénéficiaires cette<br />

année ce qui est naturellement extrmement important<br />

parce que nous allons pouvoir investir.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 49 . Spécial LUXE 2020


La grande interview<br />

<strong>CB</strong>N : Dans quoi allez-vous investir ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : C’est dans la crise que<br />

l’on construit tout. On a reconstruit nos métiers, on a inventé<br />

des choses comme Mazarine Creative Intelligence<br />

qui va développer des solutions digitales très fortes<br />

pour virtualiser les événements de nos clients. C’est un<br />

très gros investissement d’autant que tout ce que nous<br />

avons fait entre mars et juillet a payé en termes d’image<br />

mais pas encore en termes de business. Parce que cette<br />

crise a pris nos clients par surprise. Mais le deuxième<br />

confinement au contraire nous permet de capitaliser<br />

sur cette prise de risque parce qu’il n’est pas question<br />

de tout arrter à nouveau. Tout le monde veut des outils<br />

pour digitaliser les événements, les amplifier et engager<br />

les audiences. otre Smart Player est particulièrement<br />

adapté à cette problématique en France et aux États-Unis.<br />

On a ainsi fait un salon virtuel pour le joailler Repossi et<br />

nous avons mis en place le Smart Player pour Balmain<br />

(voir p.).<br />

<strong>CB</strong>N : Quel est l’apport du Smart Player ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Cela permet d’interagir<br />

en direct sur un événement. L’interactivité permet<br />

de pousser du contenu à l’intérieur mme de la vidéo.<br />

insi dans un défilé, vous pouvez cliquer sur un modèle<br />

et faire apparatre ses caractéristiques, voire le commander<br />

ou le précommander. Cela fonctionne en live ou en<br />

différé. C’est ce que nous avons fait pour le lancement<br />

d’une montre Breitling.<br />

<strong>CB</strong>N : De tels outils permettent de maintenir des<br />

défilés en période de confinements ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Les périodes de défilés<br />

sont des moments incontournables. Sur un défilé,<br />

vous tes obligé de vous positionner : vous le faites ou<br />

pas. Les marques qui ont fait des défilés comme uitton<br />

ou Balmain, à qui nous avons apporté beaucoup de<br />

technologies, ont bénéficié à plein de ces événements.<br />

Celles qui ne l’ont pas fait ont beaucoup perdu parce<br />

que c’est une production de contenu en live. Un défilé,<br />

mme virtuel, cela reste un moment unique pendant<br />

lequel les gens ne bougent pas. Il y a une concentration<br />

et une tension qui n’existe nulle part ailleurs. Un défilé<br />

filmé en live reste quelque chose de très émotionnel.<br />

ous l’avons fait pendant la fashion week d’octobre et<br />

nous espérons naturellement le faire l’année prochaine.<br />

<strong>CB</strong>N : Justement, comment la voyez-vous, cette<br />

année 2021 ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Le premier semestre<br />

va tre compliqué parce que personne ne peut se projeter.<br />

Par contre en Chine, il n’y a pas de problème, et<br />

aux États-Unis cela va s’améliorer. ous nous sommes<br />

préparés à cette situation en recrutant des profils nouveaux,<br />

en créant aussi des studios de production photo<br />

et vidéo de m, ici mme, dans l’agence. Pourquoi<br />

Parce que l’internalisation nous permet de gagner<br />

du temps et de l’argent en particulier dans le content.<br />

Tout est sur place, les créatifs, les commerciaux et le<br />

client. Mme la post prod se fait chez nous. ous avons<br />

réduit nos frais inutiles pour nous concentrer sur les<br />

investissements.<br />

<strong>CB</strong>N : Cette politique d’investissements passe<br />

aussi par de la croissance externe ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Nous avons presque<br />

PHOTOS: © E FROIS ROBERT.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 50 . Spécial LUXE 2020


La grande interview<br />

trente ans. epuis , on en a traversé des crises <br />

ous sommes à l’écoute de croissances externes. Les<br />

crises apportent aussi des opportunités pour ceux qui<br />

sont les plus agiles. Le fait d’tre diversifié par nature<br />

nous permet de ne pas nous entter dans une voie<br />

sans issue. Le monde bouge, nous nous adaptons,<br />

nous créons de nouvelles voies. Il y a aujourd’hui des<br />

opportunités pour se diversifier, peut-tre mme dans<br />

des métiers connexes au ntre, comme le corporate<br />

ou l’institutionnel. ous travaillons beaucoup pour la<br />

culture en ce moment, pour l’Opéra, pour d’autres institutions<br />

culturelles.<br />

<strong>CB</strong>N : Comment ont réagi vos clients face à<br />

la crise ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Ils sont allés naturellement<br />

vers leurs partenaires les plus solides. Les marques<br />

avec lesquelles nous travaillons depuis des années, pour<br />

qui nous sommes en quelque sorte des fournisseurs<br />

institutionnels, ne nous ont pas remis en cause. ous<br />

avons été beaucoup plus dans une relation d’accompagnement,<br />

dans une relation plus vraie. Mais ils nous ont<br />

aussi demandé des efforts. Ensuite, le business ayant<br />

redémarré pour eux, de nouveaux projets ont été lancés.<br />

<strong>CB</strong>N : Vous êtes donc installés depuis des années<br />

en Chine, là où cette crise a commencé, qu’en estil<br />

aujourd’hui ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : La Chine est en explosion.<br />

C’est un marché qui est plus fort que jamais. Ce pays<br />

est beaucoup plus radical que nous en ce qui concerne le<br />

traitement de la crise. L’essentiel de nos équipes est basé<br />

à Shanghai, et jusqu’à la mi-novembre, plus personne ne<br />

de luxe le marché se tient plutt pas mal. C’est un pays où<br />

le e-commerce est très développé, y compris dans le luxe,<br />

du coup le confinement y est moins un frein que chez<br />

nous. Par ailleurs, le marché est beaucoup plus réactif.<br />

<strong>CB</strong>N : Pendant longtemps, les marques de<br />

luxe ont été réticentes face au digital. Même si<br />

nombreuses s’y sont converties, cette crise va-telle<br />

aider l’ensemble du secteur à franchir le pas ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Il y a deux phénomènes<br />

qui se produisent, et c’est cela qui rend les choses compliquées<br />

à gérer. Il y a d’abord une énorme accélération du<br />

digital. C’est devenu stratégique. Qu’il s’agisse de la data,<br />

de la gestion des clients, de la production de contenu ou<br />

de la présence sur les réseaux sociaux. Il faut communiquer<br />

tout le temps, produire du contenu tout le temps,<br />

c’est une force pour les annonceurs. Et en mme temps,<br />

il y a de plus en plus besoin de beaux produits print. Et<br />

d’ailleurs, on voit dans les maisons une accélération de<br />

la production de contenus qui sont parfois aussi beaux,<br />

sinon plus, que les magazines.<br />

“ On voit dans les maisons une<br />

accélération de la production de<br />

contenus qui sont parfois aussi beaux,<br />

sinon plus, que les magazines. ”<br />

portait de masque. Il y a eu un seul cas et tout le monde a<br />

remis le masque d’un jour à l’autre, spontanément. ous<br />

travaillons beaucoup sur l’animation du retail, le digital,<br />

le drive to store, le content parce que le story telling avec<br />

les stars est très important là-bas. Les consommateurs<br />

chinois ne voyageant plus, il y a une augmentation de<br />

la consommation locale (LR : voir aussi p. ) . En<br />

réalité, nous allons faire une année un tout petit peu<br />

meilleure que l’an dernier mais avec trois mois pendant<br />

lesquels tout a été fermé. onc en réalité, l’activité est<br />

très importante. ’ailleurs nous recrutons. ous sommes<br />

aujourd’hui une trentaine de personnes et nous avons<br />

besoin de nous staffer pour répondre à la demande.<br />

<strong>CB</strong>N : Et qu’en est-il des États-Unis ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Ce n’est pas comme la<br />

Chine, mais cela se maintient très bien pour nos clients.<br />

Il y a eu un ralentissement, cependant pour les marques<br />

<strong>CB</strong>N : À ce propos, comment se porte le<br />

magazine “ Numéro ”, dont vous êtes l’éditeur ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : « uméro » a fait preuve<br />

d’une énorme résilience jusqu’à fin juillet. Une grande<br />

stabilité qui s’explique par la qualité du produit qui a été<br />

très soutenu par les marques qui ont pris la peine de nous<br />

appeler pour nous dire qu’elles seraient présentes. Et<br />

comme tout le monde en septembre, nous avons connu<br />

un vague de coupes de budget qui entrane une baisse de<br />

chiffre d’affaires de . C’est un mauvais chiffre mais<br />

ce n’est pas catastrophique. Cela va nous obliger à investir<br />

pour le rendre encore plus fort, encore plus collector,<br />

encore plus beau. ’autre part, nous allons continuer à<br />

publier le numéro « rt », comme nous l’avons fait au<br />

premier semestre. Et nous développons beaucoup le<br />

digital en revoyant et en renforant notre présence sur<br />

les réseaux sociaux.<br />

<strong>CB</strong>N : Le thème du Paris Luxury Summit que<br />

<strong>CB</strong> <strong>News</strong> organise cette année en digital, est<br />

« L’Année folle », en référence entre autres, à ces<br />

Années folles dont on fête le centenaire. Cette<br />

époque a été marquée par une grande explosion<br />

artistique. Pensez-vous qu’il en sera de même en<br />

sortant de cette crise sanitaire ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Mais avant de parler<br />

de l’après crise, il faut avoir conscience que cette crise<br />

a coupé toutes les expositions. a a été un coup très dur<br />

pour les artistes, et, à part les stars, tous ont souffert. Il<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 51 . Spécial LUXE 2020


La grande interview<br />

“ Peut-être<br />

faut-il payer<br />

plus cher et<br />

consommer<br />

moins,<br />

c’est ce que<br />

comprennent<br />

certaines<br />

marques<br />

de luxe. ”<br />

n’y a pas de salon, il n’y a pas d’événements pour créer<br />

de l’envie chez les clients. On ne peut pas se contenter du<br />

digital et du virtuel mme si naturellement c’est important.<br />

Il faut se voir, se rencontrer, il faut susciter un désir.<br />

Mais il est évident que dans la période post-crise, oui, il y<br />

aura une explosion de la créativité. Les artistes vont vouloir<br />

sortir et s’exprimer mais il faut aussi qu’en face il y<br />

ait des acheteurs<br />

<strong>CB</strong>N : Or nous entrons dans une crise<br />

économique qui risque d’être sévère…<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : En réalité, on ne sait<br />

absolument pas comment va se comporter l’économie.<br />

Regardez le niveau de la Bourse. On va avoir incontestablement<br />

une crise, mais les métiers vont également changer.<br />

En fait, je suis assez confiant. On va tre tiré par la<br />

Chine et les États-Unis qui ont une capacité à se remettre<br />

qui est meilleure que la ntre. Et puis, en ce qui concerne<br />

le luxe, la France a une excellente position. Ensuite, ce qui<br />

est important, c’est que les voyages reprennent.<br />

<strong>CB</strong>N : Il y a une région du monde où le groupe<br />

Mazarine n’est pas présent, c’est le Moyen-<br />

Orient qui est pourtant grande consommatrice<br />

de luxe. Par manque d’opportunité ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Nous avions failli le<br />

faire par opportunité et puis nous avons renoncé, parce<br />

que nous n’avons pas peru de gros potentiels de business<br />

pour un groupe comme le ntre. Ce n’est pas un<br />

marché très stratégique pour nous comparé à la Chine et<br />

aux États-Unis où il y a des marques très puissantes. Le<br />

business dans cette région est plus politique donc il faut<br />

plus staffer en corporate pour accompagner des grandes<br />

opérations comme les inaugurations de musées.<br />

<strong>CB</strong>N : Il y a une forte critique de la publicité, qui<br />

s’est accentuée avec cette crise. Comment peuton<br />

y répondre ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Quand j’ai débuté, il y<br />

avait la pub et le reste du monde. L’événementiel, c’était<br />

les saltimbanques, faire de l’édition cétait laborieux, le<br />

digital c’était les techniciens. Et puis aujourd’hui, cest<br />

linverse : la pub est critiquée partout parce quelle ne<br />

s’est pas adaptée à ce monde. Et on en est arrivé à un<br />

extrme opposé où ce sont les grands groupes de consulting<br />

qui veulent faire de la pub. Le balancier est passé de<br />

l’autre cté. e pense que tout cela s’équilibrera. Mais on<br />

aura toujours besoin du génie des créatifs et des directeurs<br />

artistiques. Et quand on parle de la consommation,<br />

ce n’est pas la pub qu’il faut critiquer, ce sont les donneurs<br />

d’ordre. Peut-tre consomme-t-on trop en effet.<br />

Peut-tre faut-il payer plus cher et consommer moins,<br />

c’est ce que comprennent certaines marques de luxe.<br />

<strong>CB</strong>N : Un vœu pour 2021 ?<br />

Paul-Emmanuel Reiffers : Pour bien travailler,<br />

il faut avoir des gens qui soient bien dans leur tte. ujourd’hui,<br />

ce qu’on constate c’est que les gens peuvent<br />

tre mal parce que a ne marche pas bien, mais ils<br />

peuvent tre mal aussi quand a marche bien. e pense<br />

que si on arrive à avoir des relations plus apaisées, tout<br />

ira mieux. On a quand mme envie de sortir le soir, on a<br />

quand mme envie d’aller au restaurant, de se serrer la<br />

main. Il y a beaucoup de choses qu’on ne fait plus mais<br />

qui nous isolent progressivement sans quon s’en rende<br />

compte. Une fois qu’on aura a, le reste, on sait faire.<br />

Recueilli par<br />

FRÉDÉRIC ROY<br />

PHOTOS: © E FROIS ROBERT.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 52 . Spécial LUXE 2020


ACTEUR<br />

RESPONSABLE<br />

DEPUIS<br />

SA CRÉATION<br />

et pour toujours<br />

Choisir JCDecaux,<br />

c’est choisir un média d’utilité publique qui s’engage :<br />

Pour la ville<br />

et les territoires<br />

Pour l’emploi Pour la planète Pour le vivre-ensemble<br />

Créateur de mobiliers<br />

et services urbains<br />

innovants depuis 1964,<br />

présent dans près de<br />

3 000 villes en France.<br />

17 958 emplois soutenus<br />

en France dont près de<br />

3 400 emplois directs à<br />

93% en CDI.<br />

Mobiliers éco-conçus,<br />

100% d’électricité<br />

renouvelable,<br />

Neutralité Carbone<br />

dès 2021 en France.<br />

Plus de 1 800 visuels de<br />

campagnes évalués par<br />

notre comité de<br />

déontologie chaque<br />

année.<br />

Ensemble, soyons acteurs d’un monde plus durable !


Depuis 1729, le<br />

luxe chez Ruinart<br />

est dans la nature.<br />

Les conséquences<br />

du réchauffement<br />

climatiques sont<br />

visibles dans le travail<br />

des vignes et de<br />

la terre. Plus que<br />

jamais, la maison<br />

de champagne fait<br />

du développement<br />

durable et de la<br />

qualité ses valeurs<br />

fondamentales.<br />

PHOTOS : © STUDIO PAPI AIME MAMIE.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 56 . Spécial LUXE 2020


COVER Story<br />

NOUVEAU<br />

MONDE,<br />

NOUVEAUX<br />

LUXES ?<br />

Dossier réalisé par<br />

SOPHIE STADLER<br />

LE LUXE NE FAIT PAS<br />

EXCEPTION. LA CRISE<br />

FAIT BOUGER LES<br />

LIGNES : L'EXPÉRIENCE,<br />

L'AUTHENTICITÉ<br />

REMPLACENT LE BLING-BLING,<br />

LE SUPERFLU. LES MARQUES<br />

FERONT-ELLES PREUVE DE<br />

RÉSILIENCE, ET SERONT-ELLES<br />

ATTENTIVES AUX NOUVELLES<br />

VALEURS ? ENQUÊTE.<br />

Rêves d’ailleurs… La Nouvelle-<br />

Zélande ou la Thaïlande ? Ce<br />

sont les deux pays désormais<br />

les plus prisés des plus riches.<br />

Deux pays vus comme des refuges,<br />

des havres de paix et de<br />

sécurité dans un monde plongé<br />

depuis près de huit mois dans la<br />

pandémie du coronavirus, l’angoisse d’un système qui<br />

s’écroule, la hantise de l’effondrement. Le paradis n’est<br />

plus fiscal (quoique a ne gche rien ), il est strictement<br />

territorial et il repose sur la détention du bon passeport.<br />

Un nouveau luxe. Ainsi, selon le cabinet Henley & Partners,<br />

conseil en citoyenneté et lieux de résidence, depuis<br />

mars les demandes de migration ont cr de <br />

Et leur programme élégamment baptisé « cash for passeport<br />

» cartonne. Le passeport néo-zélandais est le plus<br />

demandé car le pays, avec sa première ministre charismatique<br />

a parfaitement su gérer la crise du Covid. Quant<br />

à la Thaïlande c’est son côté îles de rêve et Robinson Cru-<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 57 . Spécial LUXE 2020


COVER Story<br />

Ruinart invite trois<br />

chefs à imaginer des<br />

menus à livrer. Ici le<br />

chef Antonin Bonnet<br />

du restaurant étoilé<br />

Quinsou.<br />

FRÉDÉRIC DUFOUR<br />

est président de la maison<br />

Ruinart : “ L’essentiel reste<br />

l’humain, la solidarité,<br />

la santé, les bonheurs<br />

simples et non le superflu.<br />

Nous sommes passés d’un<br />

monde de possession à<br />

celui de l’expérience . ”<br />

soé qui attire, notamment les Américains… Attention<br />

tout de même : obtenir le droit de résidence et<br />

un second passeport peut coûter plusieurs millions<br />

d’euros (frais de « migration », obligation d’investir<br />

dans l’économie locale, d’y acquérir sa résidence<br />

principale, etc.). Cet exemple est évidemment<br />

anecdotique, mais il reète tout de mme une réalité<br />

: les consommateurs du luxe, ultra-riches ou<br />

non, ont avec cette crise du coronavirus changé<br />

de point de vue et changé d’envies, d’exigences, de<br />

besoins. Peu optent pour un déménagement et la<br />

fuite en avant. Mais nombreux sont en revanche<br />

ceux à remettre l’essentiel et l’humain dans le top<br />

de leurs priorités. « Cette crise a fondamentalement<br />

accéléré et renforcé des trends qui avaient<br />

pour beaucoup émergé lors de la précédente crise<br />

économique de 2008, confirme Frédéric Dufour<br />

président de la maison Ruinart. Mais cette fois,<br />

les marques, les consommateurs, les citoyens ont<br />

brutalement pris conscience que le monde était<br />

extrêmement fragile. Que l’essentiel reste l’humanité,<br />

la solidarité, la santé, les bonheurs simples et<br />

tous relativisent le superu, notamment les jeunes.<br />

Nous sommes vraiment passés d’un monde de<br />

possession à l’importance de l’expérience et cela<br />

impacte énormément le luxe ». Retour au réel, à<br />

la vie intense, à l’importance inestimable de ceux<br />

qu’on aime. Exit – et cette fois pour de bon — les<br />

gros logos, le futile, le bling-bling et l’ostentatoire.<br />

Et les marques, qui s’y étaient déjà bien préparées,<br />

se sont radicalement adaptées. Bien obligé. Alors<br />

que le marché mondial du luxe n’avait enregistré<br />

que 4 % de croissance en 2019, pesant tout de<br />

mme milliards d’euros, en juin dernier, le cabinet<br />

spécialisé Bain & Company notait la disparition<br />

pure et simple d’un tiers de la valeur du marché<br />

du luxe au premier semestre de cette année spéciale<br />

Covid. Résultat quand certains reprochaient<br />

depuis plusieurs années aux maisons de luxe de ne<br />

pas avoir su prendre le virage du numérique, de la<br />

vente en ligne, de la revente d’occasion, de l’émergence<br />

de nouvelles marques emblématiques fortes,<br />

de manque d’innovation, de nouveaux modes de<br />

production plus durables et respectueux de l’environnement,<br />

etc. Les Chanel, Hennessy, Hermès,<br />

Dior et consorts ont tout à trac fait preuve d’agilité<br />

et d’hyperréactivité démontrant que le luxe, parfois<br />

vu comme une vieille dame fatiguée au regard des<br />

start-up les plus branchées, en avait encore sous le pied.<br />

LVMH n’a-t-il pas été l’un des premiers groupes à produire<br />

du gel hydroalcoolique ou des masques ? Bulgari<br />

a carrément créé un fonds pour financer la recherche<br />

et trouver un vaccin universel contre le coronavirus. Le<br />

Bon Marché a inauguré un corner seconde main (Collector<br />

Square) mi-octobre. Et, incroyable, les défilés et<br />

la fashion week se sont transformés en « webinars ». En<br />

quelques mois les entreprises du luxe ont démontré que<br />

chez elles, la responsabilité sociale et sanitaire c’est du<br />

concret et qu’elles ont les moyens de financer des initiatives<br />

efficaces et de changer le monde. Une adaptabilité<br />

qui paie, puisque le luxe s’il était en recul d’environ 20 %<br />

à fin septembre, a déjà su faire preuve de résilience et<br />

su surfer sur les marchés qui repartaient en Asie quand<br />

les autres restaient englués dans la crise. Mais pour la<br />

première fois, tous les consommateurs du luxe dans le<br />

monde semblent sensibles et attentifs aux nouvelles<br />

valeurs et attentions que manifestent des marques tant<br />

pour leur bien-être que pour la planète.<br />

lors certes, la dynamique était chez certains déjà en<br />

route depuis plusieurs années et ronronnait plus ou<br />

moins doucement (fin de la fourrure, retour au fait main<br />

et à une production locale, choix de matières premières<br />

durables et certifiées, programmes zéro carbone ou de<br />

reforestation), mais dans le luxe comme dans l’ensemble<br />

des secteurs, la pandémie a tout accéléré. Or, contrairement<br />

aux autres secteurs justement, le luxe, a déjà toutes<br />

les cartes en jeu pour réussir et performer dans cette<br />

nouvelle donne, ce fameux Monde d’après tant attendu.<br />

Savoir-faire ancestraux, fabrication artisanale, qualité,<br />

traabilité, créativité, capacité à traverser les crises et à<br />

airer l’air du temps Peut-tre fallait-il seulement aux<br />

maisons de luxe que leurs consommateurs se réveillent<br />

à leur tour et fassent de ces nouvelles contraintes environnementales,<br />

sociales ou éthiques leurs nouveaux<br />

désidératas ? Qu’ils les réclament comme leurs néo<br />

caprices hype et tendances ? Sûrement, en tout cas c’est<br />

PHOTOS : © STUDIO PAPI AIME MAMIE. © JEAN PICON. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 58 . Spécial LUXE 2020


COVER Story<br />

LE PARADIS N’EST PLUS FISCAL (QUOIQUE...), IL EST<br />

STRICTEMENT TERRITORIAL ET IL REPOSE SUR LA<br />

DÉTENTION DU BON PASSEPORT. UN NOUVEAU LUXE.<br />

Objets de mode<br />

de Hermès, la ligne<br />

petit h est faite avec<br />

des chutes de leurs<br />

tissus, cuirs, etc. (voir<br />

aussi l'article p. 68).<br />

chose faite en 2020. Selon Bain &Company, la nouvelle<br />

hiérarchie des besoins des consommateurs du luxe a<br />

radicalement changé cette année. C’est « le basculement<br />

du somptuaire vers l’éthique » et la durabilité sous toutes<br />

ses formes sera l’une des tendances de consommation les<br />

plus importantes de la prochaine décennie. La durabilité<br />

devient un impératif commercial et le besoin d’activisme<br />

social restera le grand enseignement de cette crise. Une<br />

étude de Retviews, publiée cet été, le confirme : « avec<br />

la pandémie, la défense de l'environnement et la lutte<br />

contre le gaspillage sont revenues au cœur des préoccupations.<br />

Cest un sujet qui rencontre beaucoup dintért<br />

chez la génération Z et 90 % des consommateurs sont<br />

prts à changer de comportement. » Mêmes constats enfin<br />

dans la nouvelle étude orld Luxury Tracking dévoilée<br />

le octobre par lIfop (lire page ). En Chine, aux<br />

Etats Unis et en Europe, les clients du luxe veulent plus<br />

de local, de transparence et s’engager dans une consommation<br />

plus fondamentale du luxe, exigeante et favorisant<br />

bien être, expérience et épanouissement personnel<br />

ou familial. Sur les trois continents, le luxe doit se faire<br />

plus digital, mais redevenir surtout un plaisir fondamental,<br />

proposer une réelle valeur ajoutée (authenticité,<br />

qualité, bon investissement à long terme) ou encore<br />

être un refuge anti anxiété. Le luxe est à nouveau une<br />

valeur refuge dans tous les sens du terme. Et non plus<br />

un mode de consommation compulsif, sorte d’antidépresseur<br />

matériel voué à faire artificiellement baisser<br />

le niveau de frustration de consommateurs névrosés,<br />

mais au contraire être le gage d’achats maîtrisés, tracés,<br />

vérifiés, certifiés. Bref, incarner le nouveau credo « se<br />

sentir mieux en consommant mieux » Car, loin des<br />

années ou , en , l’objet de luxe n’est pas<br />

un trophée futile, un faire-valoir, ni un énième gadget<br />

show-off ou un marqueur de la réussite sociale…<br />

Il ne sert plus à afficher sa réussite ou à écraser les<br />

autres, mais à accéder à un peu plus de bonheur<br />

matériel, ou mieux, expérientiel. « Avec cette crise,<br />

un rééquilibrage profond s’opère, poursuit Frédéric<br />

Dufour, de Ruinart. Jusqu’ici les deux types de luxes<br />

coexistaient, l’ostentatoire versus le raffiné et le<br />

premier était celui qui primait encore très souvent.<br />

Désormais c’est tout l’inverse. Or le cousu main, la<br />

qualité, le made in France, le respect de la terre et de<br />

la nature, ou encore le luxe authentique c’est celui<br />

encré dans l’ADN d’une grande maison telle que la<br />

nôtre. On ne s’est pas transformés avec cette crise,<br />

on a toujours porté ces valeurs, il faut juste le rappeler<br />

au bon souvenir des consommateurs ».<br />

Quels sont les nouveaux<br />

luxes ?<br />

Avec l’authenticité, la quête de qualité et de valeurs fondamentales,<br />

reviennent aussi en vogue la puissance des<br />

sentiments et des émotions. Plus question de les gommer<br />

ni de les ignorer. « ous remarquons depuis la fin<br />

du premier confinement que nos clients ont envie et<br />

littéralement besoin de la joaillerie pour témoigner<br />

à l’autre qu’il est important à ses yeux, souligne Jean<br />

Marc Mansvelt, directeur général de Chaumet. Le bijou<br />

de sentiment a pris une importance bien plus grande<br />

qu’auparavant. Les demandes en mariage et les fian-<br />

ailles ont explosé en France, en Chine ou au apon ces<br />

derniers mois. Et ce témoignage d’amour par l’achat de<br />

très belles pièces de joaillerie va bien au-delà des seuls<br />

couples, il concerne aussi l’amour parents-enfants, les<br />

très bons amis, etc. ». La pièce de luxe est un objet sentimental,<br />

qu’on prend soin de choisir, de personnaliser<br />

et de dédier à l’autre et c’est surtout un objet intemporel,<br />

de transmission rassurant et réconfortant, puisqu’il<br />

survivra à celui qui l’offre… « Nous fêtons dans cette<br />

année si particulière nos ans, ajoute ean Marc<br />

Mansvelt. Et c’est très positif, car même si nous n’avons<br />

pas pu faire les célébrations prévues, cet anniversaire<br />

démontre que nous avons traversé tant d’autres crises<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 59 . Spécial LUXE 2020


COVER Story<br />

Simplicité chez Caviar<br />

Kaspia avec cette<br />

pomme de terre au<br />

caviar 1966.<br />

Ci-contre Ramon Mac<br />

Crohon, DG du groupe<br />

Kaspia : “ Cette année,<br />

nous devons prendre<br />

soin de nos clients, les<br />

rassurer ”.<br />

GILLES POPLIN<br />

est directeur de<br />

Penninghen.“ Aujourd’hui<br />

c’est l’expérience qui prime<br />

et ce n’est pas le prix qui fait<br />

le produit de luxe. ”<br />

sans vaciller et que la maison peut<br />

en traverser encore bien d’autres ».<br />

Le salut du luxe réside, bien plus<br />

aujourd’hui que les années précédentes<br />

dans cette expérience certes,<br />

difficile à mener par temps de Covid<br />

et de confinement(s), mais vitale.<br />

Comme le rêve, l’expérience extrait<br />

le client de la noirceur du quotidien.<br />

« Cette année nous aura donné<br />

beaucoup de leons, confirme à son<br />

tour Ramon Mac Crohon, directeur<br />

général du groupe de Caviar Kaspia<br />

(Kaspia et Maison de la Truffe). Les<br />

attentes des consommateurs ont énormément évolué.<br />

Oui, ils sont en forte demande d’authenticité et d’histoire,<br />

c’est rassurant d’acheter les produits d’une maison<br />

réputée depuis 1927. Mais ce qu’ils veulent encore<br />

plus c’est être en sécurité, se faire dorloter par des services<br />

sur-mesure de très haute qualité et d’une grande<br />

proximité, non plus physique mais commerciale, “ servicielle<br />

”, expérientielle. Plus que jamais avec la dématérialisation,<br />

la fermeture des points de vente physiques<br />

nous devons prendre soin de nos clients. Les vendeurs<br />

doivent être dévoués et être passionnés par la marque<br />

pour transmettre ses valeurs et répondre de manière très<br />

personnalisée aux clients. »<br />

Le prix fait-il toujours le luxe ?<br />

L’amour des belles choses et des savoir-faire est universel<br />

et rejoint en cela l’univers de l’art, de la culture, du<br />

patrimoine. « ujourd’hui c’est l’expérience qui prime et<br />

ce n’est pas le prix qui fait le produit de luxe, explique<br />

Gilles Poplin, directeur de l’école de design et de graphisme<br />

Penninghen qui collabore régulièrement en partenariat<br />

avec des maisons comme Chaumet, Hermès ou<br />

St Louis. La différence des grandes maisons de luxe avec<br />

les autres marques c’est qu’elles ont un patrimoine, une<br />

histoire, un savoir-faire qui a su traverser les siècles et des<br />

archives qui les inscrivent dans le temps, leur permettent<br />

de se réinventer sans cesse et de pérenniser l’expérience.<br />

Et vivre cette expérience du luxe, entrer dans une boutique,<br />

suivre le compte Instagram d’une grande maison<br />

ce n’est plus réservé qu’aux riches. Les grandes marques<br />

de luxe invitent désormais tous les consommateurs à<br />

s’approprier leur univers, découvrir leur patrimoine. »<br />

Car contrairement à la fast fashion ou à la fast food, le<br />

luxe s’inscrit dans le temps long, l’attente du produit, la<br />

frustration de ne pouvoir le posséder tout de suite, par<br />

manque de moyens ou pour les besoins de sa fabrication.<br />

Et surtout cette rareté, cette attente fait rêver, s’émerveiller<br />

tous les consommateurs. De la frustration naît le<br />

désir et la valeur de la marque, de l’objet. « La joaillerie<br />

et encore plus la haute joaillerie sont effectivement au<br />

carrefour du temps long, de l’authenticité et du rêve,<br />

ajoute ean Marc Mansvelt. Quoi de plus important en<br />

temps de crise que de continuer de rêver, de s’extraire<br />

d’un quotidien difficile pour admirer quelques la créativité,<br />

la virtuosité et la qualité exceptionnelles de produits<br />

de la terre, les pierres de nos bijoux »<br />

Les petites marques de luxe<br />

misent sur l’affect<br />

Alors certes, les grandes marques et grandes maisons de<br />

luxe ont, comme elles savent le faire depuis des siècles,<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 60 . Spécial LUXE 2020


LA PUB À<br />

L’OREILLE<br />

LE NOUVEAU PODCAST POUR TOUT COMPRENDRE<br />

DES GRANDES TENDANCES DU MARCHÉ PUB<br />

DISPONIBLE SUR TOUTES LES PLATEFORMES DE PODCASTS


COVER Story<br />

Les tissus Dormeuil<br />

et les vélos Tamboite<br />

s'associent pour mieux<br />

se démarquer en créant<br />

un produit d'exception<br />

et communiquer<br />

partout dans le monde.<br />

résisté aux premiers assauts de cette crise. Mais<br />

quid des petites griffes ? Des nouveaux entrants,<br />

des start-up du luxe et même des maisons ancestrales<br />

mais beaucoup moins célèbres que leurs grandes<br />

sœurs ? Tous s’engagent pour émerger, évidemment.<br />

Les rouges à lèvres de la nouvelle marque branchée de<br />

maquillage Kure Bazaar deviennent rechargeables. Cha<br />

Ling (LVMH), les nouveaux cosmétiques à base de thé<br />

surfent sur le bien-être vert. Le fabricant français de motos<br />

Voxan se lance dans l’électrique et vient de battre un<br />

nouveau record mondial de vitesse…<br />

« Cette crise a notamment permis aux Français de s’éveiller<br />

aux marques et aux savoir-faire qui se trouvaient près<br />

de chez eux et qu’ils ne connaissaient pas ou peu », explique<br />

Vincent Rebours, associé en charge du développement<br />

de la maison Tamboite. Une marque française qui<br />

fabrique à Paris des vélos sur-mesure et d’ultraluxe valant<br />

de 11 000 à 15 000 euros en moyenne et qui exporte<br />

plus de 50 % de sa production. « Avec cette crise, l’intérêt<br />

pour le vélo a été décuplé, ajoute-t-il. Cela n’a pas généré<br />

une précipitation folle dans nos ateliers pour passer<br />

commande, en revanche nous avons clairement constaté<br />

ce nouvel intérêt pour le made in France, les beaux objets<br />

sur-mesure et notre savoir-faire de la part du public<br />

notamment sur nos réseaux sociaux, notre site Internet,<br />

les demandes de visites de notre atelier et les inscriptions<br />

à nos balades d’essai dans Paris ». Les gens redécouvrent<br />

que pour changer le monde il faudra adopter de nouvelles<br />

habitudes, faire du vélo certes, mais consommer<br />

“ CETTE CRISE A<br />

NOTAMMENT PERMIS<br />

AUX FRANÇAIS DE<br />

S’ÉVEILLER AUX<br />

MARQUES ET AUX<br />

SAVOIR-FAIRE QUI SE<br />

TROUVAIENT PRÈS DE<br />

CHEZ EUX ET QU’ILS NE<br />

CONNAISSAIENT PAS . ”<br />

VINCENT REBOURS,<br />

MAISON TAMBOITE.<br />

mieux surtout, en investissant dans des produits de meilleure<br />

qualité, fabriqués en France. Le luxe ou les produits<br />

réputés chers, retrouvent d’un coup tout leur intérêt et<br />

leur valeur. « Les notions de production et de localisation<br />

sont des éléments désormais incontournables pour les<br />

consommateurs, ajoute Vincent Rebours. Et, nous remarquons<br />

aussi que les plus aisés sont convaincus qu’il<br />

faut faire mieux pour la planète sans être des activistes<br />

écologistes. Dès lors, pour eux, le vélo devient à son tour,<br />

un objet de différenciation, comme hier la montre ou la<br />

voiture de luxe ». Plutôt que de rouler en banal Rockrider<br />

ecathlon, mieux vaut affirmer fissa son statut social<br />

avec un bel objet, rare, unique, raffiné. Un Tamboite,<br />

sinon rien… « Nous avons aussi réalisé des partenariats<br />

avec de grandes maisons de luxe cette année, poursuit le<br />

directeur associé de Tamboite. Comme lancé un modèle<br />

de vélo en série particulière avec les tissus Dormeuil.<br />

L’opération a été relayée dans le monde entier dans les<br />

communications Dormeuil et a attiré l’attention des<br />

Chinois, des Coréens ou des Japonais sur nos vélos made<br />

in France. Des live-shows ont été organisés et ont fait<br />

connaître notre marque ». Même stratégie chez Maison<br />

Roussot. La petite fille du fondateur de cette ancienne<br />

ferronnerie d’art installée dans le Marais au siècle dernier<br />

fait renaître l’entreprise familiale depuis 2017. Mais<br />

elle a totalement changé de business. « Je réécris une<br />

PHOTO : © BENOÎT JEANNETON.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 62 . Spécial LUXE 2020


Une offre media<br />

Inspirationnelle<br />

& Expérientielle<br />

UNE AUDIENCE EXCEPTIONNELLE<br />

Influenceuse, hyper consommatrice, épicurienne et adepte du <strong>Luxe</strong><br />

UNE AUDIENCE AUSSI PRÉCIEUSE QUE PUISSANTE<br />

3,4 millions d’influenceurs français<br />

ACPM ONE NEXT Influence 2020 / % > à 30% du profil passager AF<br />

DES POINTS DE CONTACTS MULTIPLES<br />

ET COMPLÉMENTAIRES<br />

Dans un écosystème media homogène et hautement qualitatif<br />

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COVER Story<br />

La maison Roussot,<br />

jeune marque<br />

premium, twiste les<br />

classiques (bols, ronds<br />

de serviettes, etc.) et les<br />

personnalise à l'envi.<br />

La Tour d'Argent<br />

s'essaie aux nouvelles<br />

pratiques de la<br />

livraison à domicile, en<br />

passant par la création<br />

d'une e-boutique.<br />

CHARLOTTE<br />

ENGRAND<br />

fondatrice de la maison<br />

Roussot : “ Ce secteur ne<br />

fait pas de cadeau aux<br />

nouveaux entrants, pour<br />

se faire une place il faut<br />

proposer des services et<br />

des produits qui n'existent<br />

pas encore dans le luxe. ”<br />

nouvelle histoire avec les mêmes valeurs de rigueur, de<br />

fabrication française et de qualité », explique Charlotte<br />

Engrand. Après avoir travaillé dans l’univers de la décoration<br />

grand public et des maisons de luxe, la fondatrice<br />

veut créer sa marque de produits d’arts de la table. Son<br />

premier succès, les bols bretons à prénoms de très haute<br />

qualité et peints à la main. Pour se faire connaître, la<br />

jeune marque collabore elle aussi avec de grands noms<br />

du luxe ou du premium comme Sézanne, Le Bon Marché,<br />

Merci ou avec l’inuenceuse Marie Faure de MytravelDreams.<br />

Elle est déjà présente chez une centaine de<br />

revendeurs sélectionnés. « L’idée c’est de perpétuer les<br />

savoir-faire d’excellence, et de revisiter les classiques de<br />

chez nos grands-mères en twistant totalement le style et<br />

les décors, ajoute-t-elle. Le luxe et le très haut de gamme<br />

sont un secteur qui ne fait pas de cadeaux aux nouveaux<br />

arrivants, mais surtout en cette période de crise, avec la<br />

qualité et la traçabilité des produits, la personnalisation<br />

et le sur-mesure sont la clef du succès, surtout quand cela<br />

n’existait pas sur le marché. La personnalisation rend<br />

l’objet encore plus unique, renforce l’attachement de son<br />

propriétaire et le côté affectif, et, plus que le prix, c’est ce<br />

qui fait l’objet de luxe aujourd’hui ».<br />

Cette crise profite enfin aux jeunes plateformes de revente<br />

de produits de luxe d’occasion en France comme<br />

en Chine et un peu partout. Le Boston Consulting Group<br />

y voit un nouvel eldorado et prédit au secteur une croissance<br />

de 8 % par an d’ici 2025 en ligne et hors ligne. Idem<br />

pour la réparation des produits de luxe qui séduit notamment<br />

les plus jeunes. Les grandes maisons vont donc<br />

devoir répondre à ces nouvelles tendances car elles sont<br />

réellement challengées cette année. Mais réparer, transmettre,<br />

vendre aux enchères des produits qui gagnent de<br />

la valeur ou deviennent même des objets de collection<br />

est, là encore des spécialités du luxe et des services proposés<br />

depuis toujours par les grandes marques. Encore<br />

faut-il que leurs consommateurs s’en souviennent et<br />

qu’elles sachent reprendre la parole sur ces atouts repris<br />

aujourd’hui par de nouveaux challengers. « Nous avions<br />

une image un peu classique, distante, intimidante de<br />

grande maison, notamment auprès des consommateurs<br />

Franais et mme des habitants du quartier, explique ndré<br />

Terrail, propriétaire de la Tour d’Argent. Cette crise,<br />

très difficile et violente, nous a permis de démontrer l’inverse,<br />

de prouver que nous étions au contraire une maison<br />

sympa, ouverte et chaleureuse. L’une des dernières<br />

grandes maisons familiales de la restauration à Paris,<br />

pas une adresse à touristes, comme certains pouvaient le<br />

penser… Nous avons su rétablir cette vérité et le contact,<br />

avons été capables de nous réinventer et je suis persuadé<br />

que mme si cette crise va certainement durer, les Français<br />

s’en souviendront et nous démontreront encore leur<br />

attachement ». Tout est dans l’affect. Nouveau salut du<br />

luxe à la française… SO.S.<br />

LA REVENTE ET LA RÉPARATION DE PRODUITS DE LUXE<br />

SÉDUIT LES PLUS JEUNES. LES GRANDES MAISONS VONT<br />

DEVOIR RÉPONDRE À CES NOUVELLES TENDANCES.<br />

PHOTO : © MAISON ROUSSOT - DR. © TOUR D'ARGENT-LÉA MAUPETIT.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 64 . Spécial LUXE 2020


COVER Story<br />

“ LE LUXE, C'EST<br />

DES RACINES<br />

ET DES AILES. ”<br />

COMMENT LA MARQUE DE COGNAC QUI EXPORTE PLUS DE 99 %<br />

DE SA PRODUCTION TRAVERSE-T-ELLE LA CRISE ? PAR LAURENT<br />

BOILLOT, PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE HENNESSY.<br />

La Maison Hennessy,<br />

tricentenaire, travaille<br />

avec plus de 1 600 viticulteurs<br />

depuis parfois<br />

plusieurs siècles.<br />

<strong>CB</strong>N : En cette année noire, comment<br />

se porte le marché du luxe, et comment va<br />

Hennessy ?<br />

Laurent Boillot : Du point de vue économique, la<br />

crise n’est pas la même partout ni dans tous les secteurs.<br />

Il y a des secteurs comme l’hôtellerie ou les voyages et des<br />

pays où la consommation s’est arrêtée très brutalement<br />

et durablement. Et puis il y a des marchés où elle a repris<br />

et où la consommation connaît déjà un rebond. C’est le<br />

cas du marché des spiritueux premiums. Un secteur qui<br />

a la chance d’être aujourd’hui moins touché que d’autres,<br />

notamment aux États Unis ou en Chine où la consommation<br />

a augmenté en volumes ces derniers mois. Certes,<br />

un peu partout, la consommation festive dans les hôtels,<br />

les boîtes de nuit et les restaurants s’est arrêtée, mais elle<br />

s’est transférée au domicile des consommateurs. Quand<br />

nous avons dû stopper nos lignes de production, toute<br />

notre activité et nos expéditions en mars, nous ne savions<br />

où nous mènerait cette crise inédite mais Hennessy a<br />

finalement très bien résisté et a mme réalisé une belle<br />

année. Cette résilience est intimement liée à la force et à<br />

la puissance de cette maison. Aux liens qu’elle entretient<br />

depuis 1765 avec ses viticulteurs partenaires, son territoire<br />

et ses clients partout dans le monde.<br />

<strong>CB</strong>N : Cette crise fait-elle émerger de<br />

nouvelles formes de luxe et de nouvelles<br />

attentes-consommateurs ?<br />

Laurent Boillot : Elle a mis en exergue et accéléré<br />

le mouvement autour de valeurs que de nombreuses<br />

grandes maisons de luxe intègrent depuis toujours et<br />

que d’autres secteurs et marques semblent assez subitement<br />

découvrir. Mais la qualité, la transparence,<br />

l’exigence ou le respect de nos territoires et de la nature<br />

sont par essence liés aux savoir-faire et aux activités des<br />

maisons de luxe dignes de ce nom. L’une des missions<br />

premières d’une maison tricentenaire telle qu’Hennessy<br />

c’est de savoir préserver son patrimoine, le développer<br />

et le transmettre. Le luxe ce n’est pas seulement le beau,<br />

c’est aussi la qualité et c’est surtout le « bien ». Partout, les<br />

« raisons d’être des entreprises » émergent, mais ce n’est<br />

pas une mode, c’est une obligation. Et dans le luxe c’est<br />

une inclination naturelle, évidente, qui existe depuis<br />

toujours. Comment nos maisons auraient-elles résisté<br />

à tant d’années et de crise sans cela Cette pandémie<br />

permet de remettre en avant ces valeurs si importantes,<br />

parfois un peu oubliées par les consommateurs…<br />

<strong>CB</strong>N : Lesquelles ?<br />

Laurent Boillot : La notion de rareté revient très fort.<br />

Étymologiquement ce qui est rare permet d’échapper à<br />

la normalité, c’est le trajet inattendu, la révolte contre<br />

le banal. C’est essentiel aujourd’hui, avec cette crise qui<br />

nous a confinés. Tout comme le savoir-faire est capital,<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 66 . Spécial LUXE 2020


COVER Story<br />

“ Partout, les<br />

« raisons d’être<br />

des entreprises »<br />

émergent, mais<br />

ce n’est pas une<br />

mode, c’est une<br />

obligation. ”<br />

business, ce sont avant tout des marques avec un esprit<br />

familial et solidaire historique, des acteurs forts de leurs<br />

territoires. Nous travaillons avec plus de 1 600 viticulteurs<br />

depuis parfois plusieurs siècles !<br />

POTOS : © CLOTILE LE GU. EESS-R.<br />

LAURENT<br />

BOILLOT,<br />

p-dg de Hennessy :<br />

“ Nos bouteilles sont<br />

exportées en priorité<br />

par bateaux. (...) Nous<br />

travaillons avec les<br />

entreprises innovantes<br />

sur le lancement des<br />

futurs cargos à voiles. ”<br />

c’est l’intelligence, la connaissance du produit. L’excellence<br />

aussi même si elle a pu être écornée, banalisée<br />

parfois, c’est elle qui nous permet de nous élever, de<br />

nous dépasser. Enfin, le luxe c’est le temps long. Toute<br />

maison de luxe qui se respecte travaille dans ce temps<br />

long de la fabrication de produits d’exception, mais travaille<br />

aussi pour les générations qui suivront. La transmission<br />

est fondamentale, nous plantons aujourd’hui<br />

les vignes, récoltons les raisins et faisons vieillir les<br />

eaux-de-vie qui seront commercialisées dans seulement<br />

15, 20, 30 ans. Et puis il y a le Made in France,<br />

bien sûr, ou plutôt ici, le Made in Cognac et l’importance<br />

du territoire, du terroir. Mais je crois que le Made<br />

By est lui aussi de plus en plus important, surtout pour<br />

nos grandes maisons exportatrices. Hennessy exporte<br />

plus de 99 % de sa production et nos clients veulent<br />

plus que jamais savoir par qui et comment sont fabriqués<br />

les spiritueux qu’ils achètent.<br />

<strong>CB</strong>N : Êtes-vous une marque engagée ?<br />

Laurent Boillot : Nous sommes l’une des 100 marques<br />

classées parmi les plus puissantes du monde, nous<br />

avons donc une responsabilité forte à jouer à différents<br />

niveaux en interne, localement, mais aussi du côté de la<br />

biodiversité et du développement durable. Et, pendant<br />

cette pandémie nous avons aussi proposé notre aide<br />

(fabrication de gel hydroalcoolique, maintient des commandes<br />

auprès des fournisseurs et viticulteurs, etc.).<br />

Et, même si les critiques sont toujours faciles, ce n’est<br />

ni du greenwashing ni du « health washing ». De très<br />

nombreuses maisons de luxe sont très engagées même<br />

si elles sous-communiquent souvent sur ces questions.<br />

Le luxe ce n’est pas que des prix extrêmement chers et du<br />

<strong>CB</strong>N : Quels sont vos principaux<br />

engagements ?<br />

Laurent Boillot : Les questions de développement<br />

durable, de climat, de réduction de notre empreinte<br />

carbone sont très importantes car nous élaborons un<br />

produit très lié à la nature et parce que nous sommes<br />

un gros exportateur. Nous sommes donc engagés<br />

depuis de nombreuses années dans la réduction de<br />

notre consommation énergétique. Nos bouteilles sont<br />

exportées en priorité par bateaux. Nous misons sur<br />

les énergies alternatives comme le biogaz et tentons<br />

de réduire de 90 % notre consommation de gaz dans<br />

les prochaines années. Nous travaillons avec les entreprises<br />

innovantes sur le lancement des futurs cargos<br />

à voiles. Et nous travaillons aussi sur les questions de<br />

régénération, pour compenser l’empreinte carbone que<br />

nous ne pouvons réduire car nous exportons beaucoup.<br />

Nous sommes ainsi engagés dans des programmes<br />

longs d’agroforesterie à Cognac, au Kenya, aux États<br />

Unis, en Chine… Plus que jamais le luxe c’est d’abord<br />

des racines : une maison ancrée dans son territoire,<br />

construite par des générations de maîtres artisans. Et<br />

des ailes : la créativité, le rêve, l’évasion, la beauté et les<br />

exportations de ces produits d’exception partout dans<br />

le monde. Préparer l’avenir de nos maisons c’est savoir<br />

composer avec toutes ces valeurs, ancestrales et très<br />

nouvelles. Aujourd’hui plus que jamais, le « vrai » luxe<br />

c’est forcément le bon, le beau et le bien.<br />

Recueilli par<br />

SOPHIE STADLER<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 67 . Spécial LUXE 2020


Enquête<br />

RECYCLAGE<br />

Seconde main, premier choix<br />

RÉCUP'<br />

vers le futur<br />

C’ÉTAIT LATENT, FRÉMISSANT. C’EST DEVENU UNE RÉALITÉ QUE<br />

PLUS AUCUNE MAISON DE MODE IGNORE. LA SECONDE MAIN<br />

N’EST PLUS INVISIBLE ET FAIT BOUGER LES LIGNES DU LUXE,<br />

D'ARRIÈRE, EN AVANT.<br />

JULIE WAINWRIGHT<br />

est fondatrice de The<br />

Real Real, une plateforme<br />

qui remet en vente des<br />

vêtements signés. Gucci est<br />

l’une des marques les plus<br />

demandées. D’où la mise<br />

en ligne de therealreal.<br />

com/gucci. , un partenariat<br />

qui s'engage aussi pour la<br />

planète.<br />

Ce ne sont pas les fripes vintage<br />

de Killiwatch. i les fins de séries<br />

et les invendus des outlets de la<br />

grande banlieue, mais des tenues<br />

chics, signées, portées au maximum<br />

sept fois, la moyenne est<br />

de deux fois et demie, que leurs<br />

propriétaires remettent en vente<br />

sur des plateformes comme The RealReal aux US, estiaire<br />

Collective et inted en Europe, mais aussi Plum<br />

ou Ponhu en Chine. Car, à leur tour, les jeunes chinois<br />

s’adonnent à la seconde main qui a longtemps effrayé les<br />

maisons emblématiques du luxe. Chanel, entre autres,<br />

craignait de la voir se transformer en nouveau circuit de<br />

la contrefaon. Si elle est récente, elle a été initiée, il y<br />

a une dizaine d’années, par des start-upeuses comme<br />

ulie ainwright (The RealReal) et Milda Mitkute (inted),<br />

elle est sortie du circuit ventes d’occasion façon<br />

« bonnes affaires entre bonnes copines ». Estimée à <br />

milliards d’euros pour 2021, son chiffre d’affaires global<br />

devrait finalement dépasser cette année ce montant et<br />

sa progression est confirmée aux alentours de par<br />

les analystes pour les années à venir. En , ce marché<br />

a attiré plus de dix millions de nouveaux clients et,<br />

aux États-Unis, un acheteur du luxe sur deux déclare<br />

consommer aussi en seconde main. Est-ce la crise sanitaire,<br />

économique qui le booste autant u-delà du<br />

prix, c’est le produit qui attire. Si la seconde main s’est<br />

construite au départ autour des accessoires, les fameux<br />

it bag, puis sur les pièces des dressings, si la joaillerie et<br />

les montres y sont de plus en plus recherchées, ce sont<br />

les collaborations, les pièces iconiques désormais introuvables<br />

dans les circuits traditionnels et les séries limitées<br />

qui sont demandées par ses clients.<br />

Pour prouver aux maisons qu’elles n’avaient rien à<br />

craindre d’elle, mais au contraire tout intért à jouer<br />

son jeu, estiaire Collective avait commandé en au<br />

cabinet Boston Consulting Group l’étude hy Luxury<br />

Brands Should Celebrate the Preowned Boom. Contrairement<br />

à la tradition du beau et du cher, ce ne sont pas<br />

les produits qui ont fait de ces sites des acteurs incontournables<br />

du luxe, mais leurs clients. Ceux-ci appartiennent<br />

majoritairement à la génération et à celle des<br />

millennials. Outre une culture fashion pointue, cette jeunesse<br />

se démarque par sa sensibilité écologique. Ils ont<br />

à l’esprit que l’industrie textile est la troisième industrie<br />

la plus polluante de la planète et sont attentifs à sa responsabilité,<br />

à sa durabilité et à son éthique. En vendant<br />

et en rachetant, ils ont initié le luxe circulaire. Si le luxe<br />

statutaire ne le comprend pas, c’est à ses risques et périls.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 68 . Spécial LUXE 2020


Enquête : recyclage<br />

EN 2017, BURBERRY<br />

DÉTRUIT PLUS DE<br />

20 000 DE SES<br />

TRENCHS. SA VALEUR<br />

A ÉTÉ SI DÉGRADÉE<br />

QU’ELLE A DÛ SIGNER<br />

UN ACCORD DE VENTE<br />

DE SES INVENDUS AVEC<br />

THE REALREAL.<br />

POTOS : © MRGOT UE. R.<br />

Quand, en , Burberry annonce avoir détruit pour<br />

plus de millions d’euros de ses produits dont plus de<br />

de ses iconiques trenchs, sa valeur a été si dégradée<br />

qu’elle a d rétropédaler et signer un accord de vente<br />

de ses invendus avec The RealReal.<br />

Cette circularité a une égérie, Stella McCartney, qui a<br />

été la première à saisir son enjeu, et qui a été nommée<br />

l’an passé conseillère du développement durable du président<br />

et du comité de direction de LM. uitton pourrait<br />

s’y mettre de mme que Saint Laurent u sein du<br />

groupe Kering, Gucci vient de signer un partenariat qui<br />

va doper son image auprès de cette génération à conscience.<br />

Comme l’indique ulie ainwright, la fondatrice<br />

et CEO de The RealReal, Gucci est l’une des marques les<br />

plus demandées de sa plateforme, y enregistre de<br />

croissance par an, et ses pièces masculines y sont les plus<br />

vendues. ’où la mise en ligne de therealreal.comgucci.<br />

Mais le partenariat va plus loin qu’un simple accord de<br />

business. Pour tout achat - livraison sur le sol américain,<br />

les deux associés s’engagent à planter un arbre via l’OG<br />

One Tree Planted. Résultat : en confirmant son engagement<br />

pour la planète, en adhérant aux valeurs de cette<br />

génération, Gucci fait le pari d’une autre circularité du<br />

luxe. Ces jeunes acheteurs ne se contenteront pas d’adhérer<br />

à son story telling dans la seconde main, ils conti-<br />

Si la seconde main s’est<br />

construite au départ<br />

autour des accessoires,<br />

joaillerie, montres...<br />

ce sont les pièces<br />

iconiques introuvables,<br />

les séries limitées<br />

qui sont demandées<br />

aujourd'hui.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 69 . Spécial LUXE 2020


Enquête : recyclage<br />

DES MARQUES ONT SAISI<br />

L’OPPORTUNITÉ DE<br />

CETTE SECONDE MAIN ET<br />

CONVERTISSENT LEURS<br />

ANCIENS STOCKS EN<br />

“ ARCHIVES ” CHARGÉES<br />

D’ÉMOTIONS, D’HISTOIRES.<br />

MALIN.<br />

futur qui ferait du passé son allié (voir page<br />

). Exactement comme le fait Maria Grazia<br />

Gruzi chez ior en retravaillant le folklore.<br />

C’est se donner un supplément d’me. e plus<br />

jeter, tel est le credo de Marine Serre dont les<br />

collections sont en partie travaillées avec des<br />

matériaux récupérés comme un stock de vieux<br />

foulards destinés à tre jetés. « Pourquoi, ditelle,<br />

aller acheter du tissu en Chine ou en Italie<br />

alors qu’il y en a tant à réutiliser et que l’on<br />

se plaint sans cesse du gaspillage » Elle est la<br />

chef de file d’un mouvement encore balbutiant<br />

mais de plus en plus présent et inuent.<br />

L'up-cycling à l'œuvre :<br />

en haut à droite, Tom<br />

Van der Boght, Grand<br />

Prix mode à Hyères.<br />

Ci-dessus, casquettes<br />

à partir de toiles de<br />

parachutes et de pots<br />

de fleurs par Juana et<br />

Ddiddue Etcheberry.<br />

nueront d’acheter ses collections quand ils seront plus<br />

installés dans le succès et la réussite. La seconde main<br />

d’aujourd’hui prépare à la première main de demain.<br />

’autres maisons ont saisi l’opportunité de cette seconde<br />

main et convertissent leurs anciens stocks en « archives »<br />

chargées d’émotions, d’histoires. ernière en date, Sonia<br />

Rykiel vient de mettre en ligne celles de la maison, depuis<br />

les pièces phares comme le pull rayé, aux plus récentes.<br />

La couture, plus élitiste, s’adonne à un luxe régénératif<br />

qui est plus confidentiel, plus expérimental. Et bien plus<br />

créatif. L’upcycling donne une seconde vie à des chutes<br />

de tissus ou à des matériaux ingrats destinés à tre jetés.<br />

ermès a été la première maison à créer une collection<br />

d’objets à partir de bouts de cuir, de soie récupérés dans<br />

ses ateliers. Son nom : petit h. En janvier dernier, .M.<br />

eston lanait eston intage pour donner une seconde<br />

vie à des paires de chaussures usagées. Elles sont réparées<br />

et remises en vente. Pour Olivier Saillard, le directeur<br />

artistique de la maison, il s’agit de monter la voie d’un<br />

Lors du dernier festival d’yères, le Grand Prix<br />

Mode ainsi que celui de la ville ont été remis<br />

à Tom an der Borght pour sa collection masculine<br />

entièrement conue avec des matériaux<br />

de récupération. « e veux donner une nouvelle<br />

définition au luxe. ous sommes habitués<br />

aux matériaux luxueux classiques comme<br />

l’or ou le cuir. ’aime utiliser ce que les autres ne trouvent<br />

pas intéressant », déclare-t-il. ’où son pull tricoté avec<br />

les filaments de plastiques des étiquettes accrochées aux<br />

vtements, d’où un sac fabriqué à partir de peaux de poissons<br />

issues de l’industrie alimentaire et d’où un manteau<br />

bleu ashy monté en patchwork avec des fausses fourrures<br />

végétales. utres lauréats : uana et diddue Etcheberry,<br />

un duo frère et sur qui a fabriqué des casquettes<br />

à partir de toiles de parachute et de pots de eurs. ernier<br />

exemple, de La Redoute qui a proposé à huit élèves<br />

de Sasa , école de mode solidaire, de s’inspirer de ses<br />

archives et de revisiter ses looks pour inventer le luxe de<br />

demain. Ils ont créé de silhouettes à partir de matières<br />

récupérées et détournées comme les sacs en plastique. Si<br />

cette collaboration est utopique, gageons que se trouvent<br />

parmi ces futurs stylistes ceux qui seront les directeurs<br />

artistiques de demain des grandes maisons.<br />

C ATHERINE JAZDZEWSKI<br />

POTOS : PILIPPE RRIGEO. R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 70 . Spécial LUXE 2020


shortcut.fr shortcutevents @shortcut_events @shortcut_rp<br />

Lionel Laval contact@shortcut.fr Christophe Pinguet


Enquête<br />

RÉSISTANCE<br />

5 secteurs<br />

IMMUNISÉS<br />

contre la crise<br />

DE RARES SECTEURS DU<br />

LUXE SONT PARVENUS<br />

À TIRER LEUR ÉPINGLE<br />

DORÉE DU JEU. MAIS<br />

QUEL EST LEUR<br />

ANTIDOTE ?<br />

L'Art contemporain, l'immobilier premium,<br />

la conciergerie ou la location<br />

de jets privés font partie des niches du<br />

marché du luxe qui ont traversé la crise<br />

sans subir l’effondrement connu par<br />

d’autres secteurs. Si la digitalisation<br />

fut l’invitée incontournable des bons<br />

résultats, le pragmatisme des opérateurs et le besoin<br />

de réassurance d’une clientèle en recherche de valeurs<br />

essentielles ont permis de sceller de nouveaux liens de<br />

confiance à distance .<br />

L'Art contemporain...<br />

« Aujourd’hui, en temps de crise, le marché de l’art<br />

contemporain ne s’arrête plus », souligne Thierry<br />

Ehrman en préambule du rapport d’ArtPrice.com qui<br />

dresse le bilan du marché de l’art en 2020. Le dirigeant<br />

de la célèbre plateforme estime même que ce secteur<br />

« est au contraire le segment qui s’adapte le plus rapidement<br />

aux changements et celui qui se prête le mieux<br />

aux ventes en ligne ». Le rapport souligne l’extraordinaire<br />

adaptation du marché au confinement mondial.<br />

« Pour les salons, comme pour les galeristes et les socié-<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 72 . Spécial LUXE 2020


Enquête : résistance<br />

PHOTOS : © MIKE VON ON UNSPLASH. © PEXELS-ROMINA-BM. © iSTOCKPHOTO.<br />

tés de ventes, il aura fallu une situation d’urgence pour<br />

donner un coup d’accélérateur au développement digital.<br />

Les sociétés de ventes ont pour leur part évité le pire<br />

scénario – celui d’un arrêt total du marché – en faisant<br />

évoluer en urgence leur site internet pour multiplier<br />

les ventes en ligne, seul canal pour poursuivre le jeu<br />

des enchères et rester en lien avec les collectionneurs. »<br />

Les extraordinaires résultats des ventes à distances<br />

de la maison Sotheby’s en sont une démonstration :<br />

« Courant mars, la société américaine a déjà vendu <br />

fois plus d’œuvres que sa rivale Christie’s », précise le<br />

rapport. « En avril, elle génère 6,4m$, un record pour<br />

ses ventes en ligne. Plus de la moitié des lots vendus<br />

dépassent alors leur estimation haute », poursuit le<br />

rapport. En misant sur la réalité augmentée, Christie's<br />

réagira seulement en juillet en doublant ses scores et<br />

accréditant finalement une virtualisation généralisée<br />

du marché de l’art.<br />

Le jet privé… recours ultime<br />

Si début mars la fermeture des frontières signe l’arrêt<br />

brusque des voyages d’affaires en jet privés, l’affrètement<br />

par des particuliers et institutions pour les rapatriements<br />

de personnes aura permis à ces entreprises de maintenir<br />

un bon niveau d’activité, contrastant avec l’écroulement<br />

du trafic aérien mondial. « ous ferons une bonne<br />

année 2020 », estime François-Xavier Clerc, fondateur<br />

d’éroffaires qui opère depuis sur ce secteur très<br />

sélect de l’aviation haut de gamme. « ujourd’hui grce à<br />

notre plateforme CRM, 80 % de nos vols sont affrétés par<br />

des particuliers, et seulement par les entreprises, à<br />

l’inverse de la situation que nous connaissions en ».<br />

Sa prévision pour le futur : un retour à la normale dans<br />

deux ans, période durant laquelle l’offre se sera concentrée<br />

autour des compagnies les plus solides, provoquant<br />

anticipe-t-il, une augmentation probable des prix. L’expérience<br />

du voyage en jet privé n’en sera que plus exclusive !<br />

Recherche de proximité<br />

Côté immobilier, avec des prix quasi-stables sur le premier<br />

semestre, Alison Ashby dirigeante de l’agence Junot<br />

Fine Properties Knight Frank estime que le marché<br />

conserve son attractivité : « Les hôtels particuliers, belles<br />

maisons avec jardin, grandes terrasses étaient déjà une<br />

niche (moins d’une centaine de transactions par an à Paris).<br />

C’est toujours le cas, mais nous voyons davantage de<br />

demandes pour ces endroits vraiment exceptionnels, de<br />

la part de Français qui n’auraient pas forcément investi<br />

autant auparavant. Disons que ces projets, qui relevaient<br />

du rêve pour bon nombre de nos clients, Français notamment,<br />

sont devenus une nécessité dans l’éventualité où la<br />

situation devait perdurer. »<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 73 . Spécial LUXE 2020


Enquête : résistance<br />

Grâce aux<br />

rapatriements de<br />

personnes effectuées<br />

par des institutions,<br />

l'affrètement de jets<br />

privés permet au<br />

secteur de l'aviation<br />

haut de gamme de se<br />

maintenir.<br />

“ NOUS VOYONS<br />

DAVANTAGE DE<br />

DEMANDES POUR<br />

DES ENDROITS<br />

EXCEPTIONNELS DE<br />

LA PART DE FRANÇAIS<br />

QUI N’AURAIENT PAS<br />

INVESTI AUTANT<br />

AUPARAVANT. ”<br />

ALISON ASHBY,<br />

JUNOT FINE PROPERTIES KNIGHT FRANK.<br />

La conciergerie upgradée<br />

Grâce aux<br />

rapatriements de<br />

personnes effectuées<br />

par des institutions,<br />

l'affrètement de jets<br />

privés permet au<br />

secteur de l'aviation<br />

haut de gamme de se<br />

maintenir.<br />

Valeurs précieuses<br />

Les mauvais résultats de la joaillerie traditionnelle<br />

cette année cachent un phénomène plus prometteur,<br />

celui d’un engouement pour l’achat de bijoux vintage,<br />

un marché de seconde main dont le poids reste encore<br />

mal évalué (voir l'étude Ifop, p. 34). Pour la maison de<br />

vente parisienne Pescheteau-Badin, cela correspond à<br />

un goût prononcé pour les bijoux des années 2 000 qui<br />

ne sont plus fabriqués et l’attrait commercial représenté<br />

par ces objets dès lors que leur origine est attestée. Sonia<br />

Benarouch, fondatrice de la start-up Savage dédiée à la<br />

vente de bijoux seconde main, ne s’étonne pas d’un tel<br />

phénomène. « Les bijoux vintage sont à la fois des objets<br />

de plaisir, et des objets porteurs d’une valeur intrinsèque<br />

tout en restant plus accessible. » En proposant une collection<br />

dont la cohérence forme naturellement une identité<br />

de marque, elle est parvenue à créer une communauté<br />

sur Instagram durant le premier confinement, période<br />

où elle s’est lancée.<br />

Coupés du monde dans leur résidence, les consommateurs<br />

aisés ne se sont pas privés des produits et services<br />

auxquels ils aspiraient. Les conciergeries privées ont pris<br />

le relais pour apporter une distanciation sociale de luxe<br />

la moins contraignante possible : courses, livraisons,<br />

cours de cuisine en visio par des chefs, assistance scolaire…<br />

Le secteur en ressort transformé. Chez Quatreepingles.fr,<br />

l’agilité s’est traduite dans l’adaptation de<br />

services traditionnels de conciergerie d’entreprise en<br />

services à domicile auprès des salariés afin de favoriser<br />

leur bien-être au (télé)travail : la garde d’enfant et l’assistance<br />

pédagogique IRL font désormais partie de l’offre<br />

tandis que le coaching sportif s’est imposé via Zoom.<br />

Une reconfiguration de l’activité de confinement qui<br />

s’est traduite en octobre par la signature d’un accord de<br />

partenariat entre le service de conciergerie de luxe John<br />

Paul et le Groupe City One, afin de former les collaborateurs<br />

de ce dernier aux exigences d’un secteur<br />

de la conciergerie post-confinement plus haut<br />

de gamme.<br />

La capacité de quelques entreprises<br />

exemplaires à délivrer des services<br />

de haute qualité dans les<br />

premières semaines du confinement<br />

leur aura permis, non seulement<br />

de maintenir leur activité sur certains segments,<br />

voire de les développer, mais également<br />

de préparer un redoutable business<br />

model de sortie de crise.<br />

EMMANUELLE GROSSIR<br />

PHOTOS : © iSTOCKPHOTO.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 74 . Spécial LUXE 2020


Défilés #Collecti<br />

ium #Live #Mann<br />

HauteCouture #S<br />

Tendances #PFW<br />

tars #Makeup #P<br />

tomneHiver #Sa<br />

ntRow #PretàPo<br />

eauté #Str eetSt<br />

Toutes les discussions #<strong>Luxe</strong>,<br />

DigitalFashoWee<br />

#Beauté et #Fashion sont sur Twitter.<br />

Rejoignez la conversation.<br />

ries #Makeup #P<br />

Twitter pour les marques<br />

@TwitterMktgFR<br />

*


Enquête<br />

PLATEFORMES<br />

AMAZON<br />

LE LUXE NE FAIT PAS<br />

(encore) MASSE<br />

LE GÉANT DU E-COMMERCE DE MASSE VEUT SÉDUIRE LES<br />

MARQUES DE LUXE DEPUIS LONGTEMPS. CELLES-CI NE SEMBLENT<br />

PAS ENCORE PRÊTES MALGRÉ LES EFFORTS DE JEFF BEZOS POUR<br />

QUI CETTE OPÉRATION TOURNE À L’OBSESSION.<br />

Dossier réalisé par<br />

PATRICK CAPPELLI<br />

GUILLAUME<br />

POMMIER<br />

est directeur délégué de<br />

Social & Stories : “ Le rôle<br />

des marques de luxe est<br />

d’être des leaders d’opinion.<br />

C’est plus difficile en<br />

devenant grand public et<br />

trop accessibles ”.<br />

Pourra-t-on bientôt trouver des<br />

sacs Chanel à côté d’un aspirateur<br />

chinois sur le site d’Amazon ? Jeff<br />

Bezos lorgne sur le marché du luxe<br />

depuis plusieurs années. En 2015,<br />

il a essayé sans succès de ravir au<br />

groupe Richemont le vestiaire haut<br />

de gamme Net-a-Porter.com. Depuis,<br />

le groupe suisse a continué de développer ce site<br />

qui vise les millennials avec Net Sustain, qui propose<br />

des marques ayant des engagements durables et écologiques.<br />

Et sur ce site, des EIP (Extremely Important<br />

People) peuvent désormais s’offrir des pièces de joaillerie<br />

inédites voire uniques. Mais l’homme le plus riche<br />

du monde n’en démord pas : « ça fait dix ans qu’il essaie<br />

de conquérir ce marché. Il a sponsorisé des Fashion<br />

eeks et le Met Gala (collecte de fonds au profit du nna<br />

Wintour Costume Center du Metropolitan Museum<br />

of Art de New York), essayé de racheter Net-a-Porter. Il<br />

a envie de prouver que c’est un entrepreneur universel<br />

qui réussit même dans ce secteur à l’opposé de son modèle<br />

de e-commerce de masse », explique Pascal Malotti,<br />

directeur stratégique et développement business de<br />

Valtech. Cette obsession du luxe a peut-être à voir avec<br />

l’évolution personnelle du multimilliardaire. Après son<br />

divorce, le patron d’Amazon a changé de style de vie<br />

et d’apparence physique avec musculation et costumes<br />

de prix. Le Jeff Bezos nouveau n’a plus grand-chose à<br />

voir avec le geek ingrat et mal fagoté de ses débuts. Sa<br />

nouvelle tentative de séduction du luxe s’appelle Luxury<br />

Stores, un magasin ouvert sur l’application mobile,<br />

disponible uniquement aux États-Unis et réservé aux<br />

membres du programme Prime, recrutés sur invitation<br />

(un des codes du luxe). « Le rôle des marques de luxes<br />

est d’être des leaders d’opinion. Elles doivent rester<br />

influentes. Or, c’est plus difficile en devenant grand<br />

public et trop accessibles », estime Guillaume Pommier,<br />

directeur délégué de Social & Stories<br />

Un outil interactif de<br />

visualisation<br />

Luxury Stores n’a pas encore séduit beaucoup de maisons<br />

si ce n’est Oscar de la Renta, les marques de prêtà-porter<br />

haut de gamme Altuzarra et Roland Mouret,<br />

La Perla (lingerie) et Clé de Peau (cosmétiques, groupe<br />

Sisheido). « Impossible aujourd’hui de prédire un succès<br />

ou un échec de cette conquête du marché du luxe.<br />

Les trois grands groupes – LVMH, Kering et Richemont<br />

n’ont jamais accepté de vendre sur cette plateforme<br />

généraliste qu’est Amazon. D’abord à cause du<br />

marché gris de la contrefaçon. Ensuite, parce que l’ex-<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 76 . Spécial LUXE 2020


Enquête : plateformes<br />

“ JEFF BEZOS VEUT<br />

PROUVER QUE C’EST<br />

UN ENTREPRENEUR<br />

UNIVERSEL QUI<br />

RÉUSSIT DANS CE<br />

SECTEUR À L’OPPOSÉ<br />

DE SON MODÈLE DE<br />

E-COMMERCE DE<br />

MASSE ”.<br />

PASCAL MALOTTI, VALTECH.<br />

PHOTOS : DR.<br />

Luxury Stores, un<br />

magasin Amazon<br />

ouvert sur l’application<br />

mobile, est disponible<br />

uniquement aux<br />

États-Unis et réservé<br />

aux membres du<br />

programme Prime,<br />

recrutés sur invitation.<br />

périence d’achat est beaucoup moins exclusive qu’en<br />

boutique ou en grand magasin », décrypte Pascal Malotti.<br />

Pour rassurer ces grandes marques et leur fournir<br />

un environnement plus exclusif, Luxury Stores propose<br />

un template (site prt à l’emploi) spécifique sur lequel<br />

les annonceurs peuvent gérer eux-mêmes leurs prix,<br />

leur assortiment, leur stock et leur communication.<br />

L’outil interactif View in 360 permet de visualiser le<br />

vêtement sur des mannequins sous toutes les coutures.<br />

On est loin du site de e-commerce classique fourre-tout<br />

dont l’esthétique n’est pas la première préoccupation.<br />

Une initiative d’Amazon qui résonne avec la crise sanitaire<br />

et les confinements à répétition, synonymes de<br />

fermeture des points de vente en propre comme dans<br />

les corners des grands magasins. Aux États-Unis, ceuxci<br />

souffrent énormément. Barney’s New York et l’enseigne<br />

emblématique Neiman Marcus ont fait faillite<br />

et Macy’s et Nordstrom sont en grand danger. Pour le<br />

spécialiste luxe de Valtech, le patron d’Amazon est « devant<br />

un sacré défi. Les grands groupes n’ont pas envie<br />

d’y aller et ne sont pas en situation de faiblesse vu leur<br />

capitalisation record, et les médias sociaux ont tissé un<br />

univers d’inuence autour de la mode qui fonctionne<br />

bien. C’est un environnement complexe». Gageons<br />

néanmoins qu’avec ses moyens financiers illimités, eff<br />

Bezos finira bien par se payer le luxe. P.C.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 77 . Spécial LUXE 2020


Enquête<br />

PLATEFORMES<br />

ALIBABA<br />

ELDORADO DU LUXE,<br />

OUVRE-TOI !<br />

EN ASIE, ACHETER DU LUXE EN LIGNE EST ENTRÉ DANS LES MŒURS.<br />

UNE CLIENTÈLE JEUNE ET AISÉE SE PAYE DES OBJETS DE MARQUE<br />

DEPUIS SON PORTABLE, CE QUI A FAIT LE SUCCÈS DU SITE TMALL<br />

D’ALIBABA QUI A OUVERT IL Y A TROIS ANS UNE DIVISION LUXE.<br />

NICOLAS CANO<br />

de Tmall Luxury Division<br />

en France, Benelux et<br />

EMEA : “ En Chine,<br />

le consommateur<br />

possède une identité<br />

numérique unique, ce qui<br />

permet de comprendre<br />

leurs habitudes de<br />

consommation pour leur<br />

pousser des services qui<br />

correspondent. ”<br />

Dès qu’on parle du marché chinois,<br />

les chiffres donnent le tournis.<br />

Une classe moyenne estimée<br />

à 400 millions de personnes,<br />

soit quasiment la population de<br />

l’Union européenne ; 530 millions<br />

d’internautes ; des sites web<br />

parmi les plus visités du monde,<br />

à l’image de Tmall du groupe Alibaba qui se classe troisième<br />

après google.com et youtube.com d’après le classement<br />

Alexa. L’Empire du Milieu représente un eldorado<br />

unique pour les marques de luxe en cette période de<br />

pandémie et de confinement. Les experts de ce marché<br />

sont unanimes : c’est la Chine qui tire les ventes et permet<br />

à des groupes comme LM ou ermès d’afficher<br />

des résultats positifs malgré la fermeture des boutiques<br />

et des corners des grands magasins dans les pays qui<br />

ont décidé de confiner leur population. Selon le Boston<br />

Consulting Group, le marché du luxe pourrait croître de<br />

près de 30 % en Chine en 2020 grâce au « revenge shopping<br />

» de consommateurs frustrés par les confinements.<br />

Hermès a par exemple réalisé 2,46 millions d’euros de<br />

chiffre d’affaires le 11 avril dernier après la réouverture<br />

de son magasin de Guangzhou (Canton en français) !<br />

Une tendance sur laquelle surfe le groupe Alibaba avec<br />

son site Tmall qui a ouvert il y a trois ans une division<br />

luxe, le Luxury Pavilion. « J’accompagne les marques de<br />

luxe des plus grands groupes et des marques indépendantes<br />

d’“ affordable luxury ” comme Isabelle Marant<br />

ou le groupe SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot) sur<br />

notre Luxury Pavilion. Il y a trois ans, aucune de ces<br />

marques n’était présente sur nos plateformes de e-commerce,<br />

Tmall pour les marques implantées en Chine<br />

(environ 70 000) et Tmall Global pour celles qui n’ont<br />

aucune présence physique. Notre objectif sur les douze<br />

prochains mois est d’intégrer mille nouvelles marques<br />

sur Tmall Global », explique Nicolas Cano, International<br />

senior Business Development Manager de Tmall Luxury<br />

Division en France, Benelux et EMEA.<br />

Des influenceuses en live<br />

streaming<br />

Passé par L’Oréal, LVMH et Christian Lacroix, ce spécialiste<br />

du développement international a pour tâche<br />

de présenter aux maisons de luxe l’immense potentiel<br />

d’une classe moyenne jeune et très demandeuse de ces<br />

produits. Une étude de McKinsey & Company montre<br />

que les Gen Z chinois dépensent en moyenne 3 600 $<br />

( ) par an pour des produits de luxe, soit pratiquement<br />

autant que leurs parents nés dans les seventies.<br />

L’acheteur de luxe chinois, plus jeune que son équivalent<br />

européen – des clients de Tmall Luxury Pavilion<br />

ont moins de ans – est parfaitement à l’aise pour se<br />

PHOTOS : © JOACHIM FRYDMAN. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 78 . Spécial LUXE 2020


Enquête : plateformes<br />

Un livestreamer sur<br />

le site Tmall,<br />

d’Alibaba entre Viya et<br />

Kim Kardashian.<br />

80 % DES CLIENTS DE TMALL<br />

LUXURY PAVILION ONT<br />

MOINS DE 35 ANS ET 90 %<br />

DES TRANSACTIONS SONT<br />

RÉALISÉES SUR MOBILE.<br />

payer un sac Vuitton ou un parfum Dior en pianotant sur<br />

son portable, 90 % des transactions étant réalisées sur<br />

mobile. Comme le Luxury Stores d’Amazon (voir page<br />

précédente), le Luxury Pavilion de Tmall permet aux<br />

marques de contrôler entièrement leur environnement :<br />

apparence du flagship, prix, merchandising, supply<br />

chain, etc. La marque peut par exemple choisir d’adopter<br />

l’apparence de son site corporate ou une présentation<br />

customisée. Le paiement se fait via la plateforme Alipay<br />

qui appartient également à Alibaba Group. « Nous leur<br />

proposons une connaissance approfondie des consommateurs<br />

dans l’écosystème Alibaba grâce à la data et<br />

l’intelligence artificielle. En Chine, le consommateur<br />

possède une identité numérique unique, ce qui permet<br />

de comprendre leurs habitudes de consommation pour<br />

leur pousser des services qui correspondent », détaille<br />

Nicolas Cano. Tmall collecte à la fois les données structurées<br />

(état civil, âge, sexe, historique d’achat) mais également<br />

les données non structurées : commentaires sur<br />

les médias sociaux, informations sur les inuenceurs,<br />

parcours multicanal, vidéos. L’inuence marketing est<br />

prépondérante en Chine, c’est pourquoi Tmall multiplie<br />

les « live streaming » avec des inuenceuses. Lancme a<br />

ainsi invité quatorze « live streameuses » dont deux KOL<br />

(Key Opinion Leaders) très connues, Viya et Huang,<br />

dans une de ses boutiques. Huang a vendu 4700 sérums<br />

dvanced Génifique ( à ) en une heure et ce live<br />

a engendré 10 millions d’interactions. En Chine, il n’y a<br />

plus de distinction entre on et off line, ce que le groupe<br />

Alibaba appelle le « New Retail ». En 2019, le marché<br />

chinois a contribué à 90 % de la croissance du secteur<br />

du luxe et en 2025, les Chinois représenteront 45 % des<br />

consommateurs mondiaux. Autant dire que dans un<br />

monde où le Covid serait toujours présent, l’Empire du<br />

Milieu est et sera plus que jamais primordial pour le marché<br />

du luxe. P.C.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 79 . Spécial LUXE 2020


Enquête<br />

MEDIAS<br />

TikTok, Instagram, Twitter, Snapchat...<br />

LES MARQUES<br />

CHERCHENT<br />

DU RÉSEAU<br />

LES MÉDIAS SOCIAUX SONT DEVENUS LE CANAL DE COMMUNI-<br />

CATION PRINCIPAL DES MARQUES DE LUXE, AVEC INSTAGRAM EN<br />

TÊTE. TOUTES LES PLATEFORMES RIVALISENT DE NOUVEAUX<br />

FORMATS POUR LES ATTIRER.<br />

Toc Toc, je voudrais entrer chez<br />

TikTok. Les marques de luxe, toujours<br />

à l’affût de la dernière hype,<br />

s’intéressent à ce réseau adopté<br />

par les jeunes générations. TikTok<br />

est la version « reste du monde »<br />

de l’appli chinoise Douyin lancée<br />

en 2016 par ByteDance. Utilisée<br />

en majorité par les 13 - 24 ans, cette plateforme conçue<br />

pour lancer des challenges musicaux et dansants est le<br />

dernier endroit virtuel à la mode. En l’investissant, le<br />

luxe veut toucher la Gen Z qui représentera quasiment<br />

la moitié de ses acheteurs d’ici à cinq ans. Burberry a été<br />

pionnier, suivi par Gucci, Balenciaga, Givenchy, Kenzo,<br />

Dior, Saint Laurent, Fendi et bien sûr Balmain, dont le directeur<br />

de création Olivier Rousteing est lui-mme un in-<br />

uenceur de poids avec , millions de followers sur Instagram<br />

(en plus des 10,7 millions du compte Balmain).<br />

On peut légitimement s’interroger sur l’intért des<br />

marques à être présentes sur ce nouveau média dont<br />

l’aspect frénétique, vidéos très courtes de 15 secondes<br />

et scrolling permanent, semble bien loin de l’écrin et<br />

de l’esthétisme que cherche habituellement le monde<br />

du luxe. L’arrivée de TikTok ressemble furieusement<br />

à celle d’Instagram à ses débuts, quand les marques se<br />

demandaient s’il était bien raisonnable de figurer entre<br />

photos de plats prises au restaurant et selfies de proto<br />

influenceuses court vtues devant le Taj Mahal. On a<br />

aujourd’hui la réponse: le média social de Facebook est<br />

devenu un espace incontournable pour le luxe, et depuis<br />

deux ans un canal de vente grâce à la fonction Shopping.<br />

« TikTok reste la plateforme la plus innovante et créative<br />

du marché. Et toutes les marques ont envie d’être vues<br />

sous ce prisme », explique Guillaume Pommier, directeur<br />

délégué de Social & Stories, l’agence social médias<br />

du groupe Figaro. « TikTok a évolué. On voit de plus en<br />

plus de contenus qualitatifs, l’algorithme de sélection<br />

de contenus est redoutable. Vous y allez trois fois pour<br />

regarder une vidéo de sport, et dès que vous revenez, on<br />

vous propose ce type de contenus. Le format full vidéo<br />

de 15 secondes associé à un défilement incessant est<br />

puissant si les marques savent comment s’y insérer »,<br />

ajoute Christophe Huck, fondateur et directeur de création<br />

de l’agence Helmut.<br />

La guerre des réseaux<br />

Pour Jean-Baptiste Bourgeois, planneur stratégique<br />

chez WeAreSocial, le social média est devenu essentiel<br />

pour les marques de luxe : « avant, elles l’envisageaient<br />

comme un relais pour leur communication sur les médias<br />

classiques. Dorénavant, il y a des campagnes qui<br />

se créent pour des plateformes en particulier ». Et selon<br />

son collègue Jean-François Ballé, directeur artistique<br />

de l’agence, « les campagnes de Dior, Gucci, Balenciaga<br />

et Givenchy sur TikTok ont bien marché car elles ont<br />

adopté les codes de la plateforme et de ses communautés<br />

». Des tiktokeurs ont par exemple lancé le Gucci Model<br />

Challenge dans lequel ils s’habillent à la façon des mannequins<br />

de la marque avec leurs propres vêtements. Ce<br />

POTOS : R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 80 . Spécial LUXE 2020


Enquête : médias<br />

Les réseaux se piquent<br />

les formats. Instagram<br />

a repris les stories de<br />

Snapchat et les courtes<br />

vidéos de TikTok<br />

appelées Reels. Et<br />

Snapchat s'est s'inspiré<br />

du concept de TikTok<br />

en lançant Sounds, etc.<br />

Chacune des plateformes<br />

a un rôle : engagement<br />

sur Instagram,<br />

animation sur TikTok,<br />

préférence de marque<br />

sur Pinterest, messagerie<br />

interactive pour<br />

Snapchat, information<br />

corporate et RSE sur<br />

Twitter, drive to store<br />

local sur Facebook...<br />

qui a débuté comme une parodie a été<br />

habilement exploité par la marque qui a<br />

posté certaines vidéos sur son compte et<br />

pourrait collaborer avec les fans les plus<br />

créatifs. « Avant même de penser business, les marques<br />

doivent s’approprier les formats des utilisateurs », estime<br />

Jean-Baptiste Bourgeois. L’aspect participatif des médias<br />

sociaux est de plus en plus apprécié par les maisons de<br />

luxe, qui ont compris que ce besoin d’tre acteur plutt<br />

que spectateur permet d’attirer cette population jeune.<br />

« Il faut le faire intelligemment. Et demain, je pense qu’on<br />

pourra aussi acheter sur TikTok comme sur Instagram<br />

Shopping », prédit Cyril Marin Le Quellec, vice-président<br />

exécutif de Mazarine. Pour lui, chacune des plateformes<br />

sociales a un rle : engagement sur Instagram (à condition<br />

de produire plusieurs contenus par semaine), animation<br />

et participation sur TikTok, préférence de marque<br />

sur Pinterest, messagerie interactive pour Snapchat,<br />

information corporate et RSE sur Twitter, drive to store<br />

local sur Facebook. Pour attirer et retenir cette audience<br />

jeune, les réseaux n’hésitent pas à se vampiriser en adoptant<br />

le format d’un concurrent puis en le rebaptisant. Instagram<br />

a repris le format des stories de Snapchat et les<br />

“ LES CAMPAGNES DE DIOR,<br />

GUCCI, BALENCIAGA ET<br />

GIVENCHY SUR TIKTOK ONT<br />

BIEN MARCHÉ CAR ELLES<br />

ONT ADOPTÉ LES CODES DE<br />

LA PLATEFORME ET DE SES<br />

COMMUNAUTÉS. ”<br />

JEAN-FRANÇOIS BALLÉ,<br />

WEARESOCIAL.<br />

courtes vidéos de TikTok qu’il a appelé Reels. e son cté,<br />

Snapchat s’est fortement inspiré du concept de TikTok en<br />

lançant Sounds, une fonctionnalité qui permet d’ajouter<br />

de la musique aux snaps. Quant à YouTube, il a mis en<br />

place Shorts, un nouveau service de partage vidéo de<br />

très courte durée pour concurrencer TikTok. Twitter teste<br />

Fleets, un format de stories.<br />

Alimenter la machine sociale<br />

« Pour que le contenu devienne vraiment conversationnel,<br />

il faut travailler trois axes. D’abord, le contexte (que<br />

consomment les gens ?), ensuite la culture (quels formats<br />

) et enfin le message (que veut dire la marque ).<br />

L’exemple de Givenchy sur Animal Crossing (la marque<br />

propose de personnaliser le look des personnages du jeu<br />

avec ses produits cosmétiques et ses vtements LR) est<br />

un bon exemple d’un usage cool pour un investissement<br />

raisonné », décrit Guillaume Pommier. On peut aussi<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 81 . Spécial LUXE 2020


Enquête : médias<br />

PATRICK<br />

CALMELS<br />

Client Partner <strong>Luxe</strong><br />

Twitter France : Le<br />

luxe est générateur de<br />

conversations sur Twitter.<br />

« Les maisons veulent avoir<br />

accès à ces échanges, les<br />

analyser, les structurer<br />

et éventuellement y<br />

participer. »<br />

GEOFFREY PEREZ,<br />

Global Head of Luxury<br />

chez Snap Inc. : “ Gucci<br />

est venu sur Snap pour<br />

faire quelque chose<br />

d’innovant, une première à<br />

une échelle mondiale. Les<br />

utilisateurs ont joué entre<br />

20 et 40 secondes avec les<br />

baskets virtuelles (via des<br />

lens). Et le montant des<br />

ventes a dépassé celui de<br />

l’investissement média. ”<br />

citer Burberry’s, marque patrimoniale qui a diffusé<br />

le défilé de sa collection printemps-été <br />

sur Twitch, le réseau des gamers. éanmoins,<br />

les vieilles habitudes meurent difficilement, et<br />

dans les maisons de haute couture, l’opposition<br />

entre direction artistique et marketing existe toujours.<br />

Mais pas chez les jeunes créateurs, comme<br />

acquemus ou Rousteing, qui ne se posent plus<br />

la question. Le premier a été précurseur sur Instagram<br />

en supprimant les filtres entre lui et sa<br />

communauté. Un lien direct qui est une attente<br />

forte des jeunes générations. Parmi les maisons<br />

de haute couture, Balmain est devenue une griffe<br />

« digital oriented » grce en grande partie à son<br />

directeur artistique Olivier Rousteing. vec des résultats<br />

tangibles puisque Balmain a quadruplé son<br />

chiffre d’affaires depuis son arrivée. Participation<br />

mais aussi authenticité sont des valeurs appréciées<br />

des Gen . L’égérie L’Oréal Eva Longoria s’est par<br />

exemple filmée chez elle sans maquillage et avec<br />

des cheveux blancs en accord avec la marque de<br />

cosmétiques. « L’authenticité, c’est ce que les gens<br />

réclament. Ils veulent regarder un défilé en live<br />

diffusé sans trucages vidéo et pouvoir le commenter<br />

comme s’ils faisaient partie des IP invités.<br />

Cette population ne veut plus rester passive mais<br />

agir, par exemple en participant à un challenge<br />

sur TikTok », analyse Cyril Marin Le Quellec. Sur<br />

ces plateformes sociales, le modèle publicitaire<br />

traditionnel du film très léché diffusé ensuite sur<br />

les écrans télé du monde entier n’a plus lieu d’être.<br />

L’agence Helmut a collaboré avec Yves Saint Laurent<br />

Beauté (L’Oréal) pour le lancement du rouge<br />

à lèvres The Slim. « Nous les avons accompagnés<br />

sur le lancement avec un code graphique fort, un<br />

trait de lipstick rouge comme un signe de ralliement<br />

d’une génération. Le social était inclus dès la<br />

conception de la campagne. u lieu de penser film<br />

télé de 30 secondes, on s’est demandé quel visuel<br />

on pouvait décliner sur Instagram et les autres<br />

réseaux. Depuis deux ans, nous alimentons la machine<br />

sociale avec de nouveaux contenus pour que le moteur<br />

continue de tourner », détaille Christophe Huck, le fondateur<br />

de Helmut.<br />

Baskets virtuelles et émojis<br />

personnalisés<br />

Le social est un mélange de fond (des messages efficaces<br />

et performants) et de forme (comment trouver les bons<br />

formats), les temps d’attention étant réduits à leur plus<br />

simple expression. Une alchimie pas évidente à réussir.<br />

D’autant que la Covid et le confinement ont forcé<br />

les marques à réduire leur niveau d’exigence. Du jour<br />

au lendemain, elles ont dû se mettre à shooter avec les<br />

moyens du bord leurs nouvelles campagnes. « Celles qui<br />

ont adopté les codes du social media sont les plus pertinentes.<br />

Comme Jacquemus qui a envoyé des vêtements<br />

à Bella Hadid et a réalisé le premier shoot Facetime »,<br />

décrit Jean-Baptiste Bourgeois. Cette prépondérance<br />

des médias sociaux en période de confinement conduit<br />

les marques à transférer une partie de leurs budgets des<br />

médias classiques aux réseaux. Snapchat, réseau apprécié<br />

des Gen Z, multiplie ainsi les collaborations avec les<br />

marques de luxe. « Cette année a été une année charnière<br />

Balmain est devenue<br />

une griffe “ digital<br />

oriented ” grâce en<br />

grande partie à son<br />

directeur artistique<br />

Olivier Rousteing.<br />

Avec des résultats<br />

tangibles, puisque<br />

Balmain a quadruplé<br />

son chiffre d’affaires<br />

depuis son arrivée.<br />

avec une forte accélération vers le on line puisqu’on ne<br />

pouvait plus sortir de chez soi. Les marques ont utilisé<br />

notre plateforme pour retransmettre leur expérience<br />

grâce à nos technologies comme la réalité augmentée »,<br />

explique Geoffrey Perez, Global Head of Luxury chez<br />

Snap Inc. Exemple avec les amateurs de sneakers Gucci<br />

qui ont pu essayer quatre modèles via des lens (filtres) en<br />

3D. « Gucci est venu sur Snap pour faire quelque chose<br />

d’innovant, une première à une échelle mondiale. Au<br />

niveau engagement, les utilisateurs ont joué entre 20 et<br />

40 secondes avec les baskets virtuelles. Et le montant des<br />

ventes a dépassé celui de l’investissement média », précise<br />

Geoffrey Perez. Toujours dans ce domaine, les snapchateurs<br />

peuvent essayer six modèles de la B27 de Dior<br />

pour voir à quoi ils ressemblent, puis acheter via Snapchat<br />

grce au « Brand Profil » ior et sur le site ior.com.<br />

Ralph Lauren a préféré se servir de Bitmoji, une société<br />

rachetée par Snapchat il y a quatre ans qui propose des<br />

avatars virtuels personnalisés. Les utilisateurs de Snapchat<br />

ont pu habiller leur Bitmoji avec les vtements Ralph<br />

Lauren. Une opération mise en avant par la marque américaine<br />

sur son site. « Aujourd’hui, les marques de luxe se<br />

sont rendu compte qu’elles doivent posséder leur propre<br />

espace virtuel. Nous leur permettons de le faire via la réalité<br />

augmentée », analyse le responsable luxe.<br />

POTOS : R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 82 . Spécial LUXE 2020


Enquête : médias<br />

“ AU LIEU DE PENSER<br />

FILM TÉLÉ DE 30<br />

SECONDES POUR UN<br />

ROUGE LÈVRES D'YSL,<br />

ON S’EST DEMANDÉ<br />

QUEL VISUEL ON<br />

POUVAIT DÉCLINER<br />

SUR INSTAGRAM ET LES<br />

AUTRES RÉSEAUX. ”<br />

CHRISTOPHE HUCK,<br />

DE L'AGENCE HELMUT.<br />

Ralph Lauren se sert de<br />

de Bitmoji (Snapchat).<br />

Des avatars virtuels<br />

personnalisés peuvent<br />

être habillés avec<br />

les vêtements de<br />

la marque.<br />

Des formats sur mesure<br />

La concurrence de TikTok inquiète-t-elle le réseau des<br />

jeunes ? « Nous restons la première application mobile<br />

pour les 11 - 24 ans d’un point de vue audience quotidienne<br />

selon Médiamétrie », répond Geoffrey Perez de<br />

Snap. Le luxe est un domaine très générateur de conversations<br />

que Twitter cherche à mettre en avant. « Les maisons<br />

veulent avoir accès à ces échanges, les analyser, les<br />

structurer et éventuellement y participer », explique Patrick<br />

Calmels, Client Partner <strong>Luxe</strong> chez Twitter France,<br />

qui a travaillé douze ans chez L’Oréal avant de rejoindre<br />

le réseau à l’oiseau bleu. Les marques utilisent aussi Twitter<br />

pour diffuser leurs shows en live. Le dernier défilé<br />

Hermès qui présentait la collection Women’s Fall-Winter<br />

a généré millions de vues. Les tweets sponsorisés<br />

sont un autre moyen de se faire voir sur le réseau.<br />

« Ce format sert à lancer une nouveauté, se connecter<br />

aux conversations autour des grands événements mondiaux<br />

(Festival de Cannes, cérémonie des Oscars) et à<br />

diffuser des live de défilés mais aussi des manifestations<br />

culturelles comme l’a fait récemment la Fondation Louis<br />

uitton pendant les vingt semaines de confinement avec<br />

des rétrospectives d’expositions ou un concert hebdomadaire<br />

de Gautier Capuçon », détaille Patrick Calmels.<br />

Pour attirer ces annonceurs prestigieux, Twitter multiplie<br />

les efforts de créativité. Par exemple, des captures<br />

vidéo avec des angles multiples pour les live ou le format<br />

de stories nommé Fleets (un message éphémère<br />

de 24 heures avec une interface dédiée) actuellement<br />

testé en Italie avec Gucci. Le carrousel de tweets, sur<br />

lequel la marque peut mettre en avant plusieurs images<br />

ou vidéos dans le même message, est un autre procédé<br />

innovant. « Par ailleurs, nous réalisons beaucoup de stratégies<br />

d’activation sur mesure pour le luxe. Par exemple,<br />

Balenciaga a fait un film pour sa campagne Summer <br />

qui reprenait les codes des chaînes d’info en continu.<br />

Nous leur avons proposé d’être en live 24 heures durant<br />

sur notre plateforme avec ce dispositif. Bulgari nous a<br />

demandé un moyen original de célébrer leur partenariat<br />

avec l’actrice Zendaya. Toutes les personnes qui avaient<br />

liké un tweet promettant une annonce événementielle<br />

de la marque recevaient une notification en avant-première<br />

avec une vidéo. C’est notre équipe Twitter ext<br />

qui met au point ce type de collaborations personnalisées<br />

», décrit Patrick Calmels. Les maisons doivent elles<br />

aussi faire preuve de créativité en cette période difficile.<br />

Pour conserver le cté exclusif des défilés en live, des<br />

marques ont mis en ligne des vidéos pré-enregistrées à<br />

l’heure exacte où le défilé devait avoir lieu. Certaines<br />

ont diffusé d’anciens défilés pour compenser le manque<br />

des aficionados de la mode. Pour entretenir le lien avec<br />

leur audience dans un monde confiné, les marques de<br />

luxe vont sans doute utiliser encore plus cet univers des<br />

médias sociaux en perpétuelle expansion.<br />

PATRICK CAPPELLI<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 83 . Spécial LUXE 2020


Enquête<br />

DIGITAL<br />

L'horlogerie<br />

À L'HEURE<br />

DU E-C MMERCE<br />

LE CONFINEMENT PRIVE<br />

LES MAISONS DE LUXE DE<br />

LEURS RÉSEAUX DE VENTE<br />

PHYSIQUE. RÉTICENTES À<br />

L'ÉGARD DU E-COMMERCE,<br />

ELLES ACCÉLÉRENT<br />

LEUR TRANSFORMATION<br />

NUMÉRIQUE.<br />

ILLUSTRATION AVEC<br />

BREITLING ET TAG HEUER.<br />

Àla recherche du client confiné.<br />

a pourrait tre le titre d’un film<br />

sur l’industrie du luxe en ces<br />

temps de pandémie. près un<br />

premier puis un second confinement<br />

qui a obligé les boutiques<br />

de marques et la distribution sélective<br />

à fermer leurs portes, les<br />

maisons de luxe doivent miser sur un nouveau canal de<br />

distribution. Le e-commerce devient la planche de salut<br />

des marques, longtemps réticentes à sacrifier leur image<br />

glamour et leur expérience exclusive, faite de agships<br />

luxueux et de ventes ultra-privées, pour un genre de commerce<br />

considéré comme peu valorisant et trop connoté<br />

mass market. Sans oublier le éau de la contrefaon qui<br />

reste un problème non résolu.<br />

En matière de e-commerce, les groupes de luxe se sont<br />

réveillés assez récemment. LM a lancé son site de<br />

ventes multimarques Sèvres en , rebaptisé S<br />

deux ans plus tard pour accompagner un déploiement<br />

international dans pays. Son concurrent Kering a<br />

repris en main son commerce on line l’année dernière<br />

après l’avoir confié depuis à oox et-a-Porter, un<br />

site propriété du groupe Richemont qui, de son cté, a<br />

noué un partenariat avec la plateforme Tmall Luxury<br />

Pavilion du chinois libaba (voir article, p. ). ermès<br />

a rénové son agship digital en qui est devenu le<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 84 . Spécial LUXE 2020


Enquête : e-commerce<br />

Breitling a revu sa<br />

stratégie e-commerce.<br />

“ On ne fait pas du<br />

e-commerce pour<br />

des produits de luxe<br />

comme on le fait sur<br />

Amazon ”, affirme<br />

Pierre Harand partner<br />

chez Fifty-five.<br />

quatrième magasin dans le monde en termes de ventes<br />

selon xel umas, gérant du groupe. Seul Chanel continue<br />

de résister aux sirènes de la vente en ligne. Mais la<br />

Covid et son cortège de confinements vont peut-tre<br />

infléchir la stratégie de la marque de la rue Cambon.<br />

Les maisons ne communiquent pas sur le poids du canal<br />

on line, mais spécialistes et cabinets conseil l’évaluent à<br />

environ du chiffre d’affaires, un chiffre qui devrait<br />

doubler en . « Les marques ont une double problématique<br />

: un souci de retail avec la fermeture des boutiques,<br />

et le e-commerce. Pourquoi acheter en ligne sur<br />

le site de marque plutt que sur Sephora.com qui vous<br />

propose des points de fidélité et des réductions », s’interroge<br />

Cyril Marin Le Quellec, Executive ice President de<br />

l’agence Mazarine. Sa réponse : privilégier l’expérience<br />

de marque et personnaliser le produit. Par exemple, la<br />

possibilité de graver son nom sur l’étui du parfum des<br />

teliers Cologne (L’Oréal <strong>Luxe</strong>), une des marques pour<br />

qui travaille l’agence.<br />

Breitling active le<br />

e-commerce dans 50 pays<br />

De plus, la vente directe permet de réaliser une meilleure<br />

marge en se passant d’intermédiaire et de capter<br />

de la data pour pousser des offres au consommateur<br />

“ POURQUOI<br />

ACHETER EN LIGNE<br />

SUR LE SITE DE<br />

MARQUE PLUTÔT<br />

QUE SUR SEPHORA.<br />

COM QUI VOUS<br />

PROPOSE DES POINTS<br />

DE FIDÉLITÉ ET DES<br />

RÉDUCTIONS ? ”<br />

CYRIL MARIN LE QUELLEC,<br />

MAZARINE.<br />

et faire du cross selling. « Il est beaucoup moins surprenant<br />

aujourd’hui d’entendre quelqu’un dire qu’il a<br />

acheté une montre très chère ou un autre produit de<br />

luxe sur internet. Mme si en France, la réticence existe<br />

encore », pense Guillaume Pommier, directeur délégué<br />

de Social Stories. L’industrie horlogère reste assez<br />

traditionnelle mais le confinement la pousse à accélérer<br />

sa transformation numérique.<br />

Pour compenser la fermeture des points de vente, Breitling,<br />

propriété du fonds dinvestissement CC Capital<br />

Partners depuis , et TG euer, racheté en par<br />

LM, deux marques d’horlogerie nées au e siècle,<br />

ont revu leur stratégie e-commerce. « On ne fait pas du<br />

e-commerce pour des produits de luxe comme on le fait<br />

sur mazon. Toutes les marques ne s’y sont pas mises car<br />

le digital et la data ne sont pas dans l’ de ces groupes<br />

qui s’occupent d’abord de la qualité de leur image. La<br />

technologie n’est pas forcément naturelle chez elles »,<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 85 . Spécial LUXE 2020


Enquête : e-commerce<br />

POUR HUMANISER<br />

L’EXPÉRIENCE CLIENT<br />

DIGITALE, TAG HEUER<br />

OFFRE LA POSSIBILITÉ<br />

DE JOINDRE UN<br />

AGENT « CARE »<br />

AU TÉLÉPHONE,<br />

ET BIENTÔT EN<br />

CO BROWSING.<br />

BÉATRICE GOASGLAS,<br />

TAG HEUER.<br />

ANTONIO CARRIERO<br />

Brietling : “ Le client<br />

consulte des plateformes,<br />

que la marque contrôle ou<br />

pas, très en amont, parfois<br />

jusqu’à trois mois avant de<br />

prendre sa décision ”<br />

analyse Pierre arand, partner chez Fifty-five, qui a travaillé<br />

avec Breitling sur la data. Le fabricant suisse veut<br />

rendre possible l’acte d’achat et l’engagement avec la<br />

marque à travers tous les points de contact. « Il y a vingt<br />

ans, il fallait rentrer dans une boutique pour avoir des<br />

informations. ujourd’hui, celle-ci est largement disponible<br />

sur les canaux digitaux. Le client consulte des plateformes,<br />

que la marque contrle ou pas, très en amont,<br />

parfois jusqu’à trois mois avant de prendre sa décision »,<br />

décrit ntonio Carriero, CO de Breitling. Le diplmé en<br />

mathématique de Polytechnique Lausanne a mis en place<br />

et supervisé la transformation digitale du groupe Richemont<br />

au niveau mondial avant de rejoindre Breitling<br />

début . « En presque trois ans, nous avons rattrapé<br />

notre retard dans le domaine digital et nous avons activé<br />

le e-commerce dans une cinquantaine de pays, en commenant<br />

par nos principaux marchés, Europe, mérique<br />

du ord et Chine », décrit le CO. es fonctionnalités<br />

comme commander en ligne et aller chercher sa montre<br />

en boutique ont été ajoutés. Un service de click collect<br />

toujours actif malgré le confinement. urant le premier<br />

confinement, la vente en ligne a été multipliée par trois.<br />

ans certains pays, le e-commerce peut représenter<br />

jusqu’à du volume de ventes.<br />

Sauter dans l'inconnu<br />

Fifty-five a accompagné l’horloger sur la collecte de la<br />

donnée et plus récemment sur les parcours client. « Comment<br />

faire pour que l’expérience reste personnalisée et<br />

uide, sachant que la décision d’achat est prise sur Internet<br />

Il faut comprendre quels sont les sites et les pages<br />

produits les plus consultés pour documenter le vendeur<br />

en amont de la prise de rendez-vous », détaille Pierre arand.<br />

« ous avons appliqué des algorithmes de machine<br />

learning pour définir les profils de nos clients et réutiliser<br />

cette donnée pour un retargeting plus efficace », complète<br />

ntonio Carriero. près avoir accompli un premier<br />

cycle autour de la donnée cross canal pour mieux comprendre<br />

les comportements de ses clients, Breitling va<br />

ajouter des datas complémentaires et les analyser afin de<br />

décrypter les attentes des acheteurs et prospects. « ous<br />

voulons définir des clusters de clients plus précis pour<br />

acquérir du trafic qualifié car chaque futur client du e-<br />

commerce va nous coter plus cher », ajoute le CO de<br />

Breitling. Les budgets publicitaires, en hausse, ont été petit<br />

à petit réalloués aux médias digitaux. Pour cet expert<br />

du digital dans l’univers du luxe, le confinement pousse<br />

les entreprises du luxe encore réticentes à « sauter dans le<br />

vide du e-commerce ».<br />

TG euer, autre maison plus que centenaire, a, elle<br />

aussi, refondé sa stratégie e-commerce. La marque est<br />

connue pour son appétence à légard de la technologie<br />

et de l’innovation via son Institut de recherche qui<br />

emploie scientifiques et pour avoir sorti une des premières<br />

montres de luxe connectées dès . Il y a trois<br />

ans, Frédéric rnault, un des fils du patron de LM,<br />

a repris en main la marque pour la moderniser. « En<br />

créant un département digital et client, nous voulions<br />

nous rapprocher du client, de celui qui portera notre<br />

pièce à son poignet. insi, nous avons créé un nouveau<br />

site, pour raconter notre histoire, notre savoir-faire<br />

et nos collections », explique Béatrice Goasglas, viceprésidente<br />

igital Customer Experience, passée par<br />

L’Oréal, Sephora et SMCP. Organisée en mode com-<br />

PHOTOS : © I TL. R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 86 . Spécial LUXE 2020


Enquête : e-commerce<br />

Le nouveau site web<br />

Tag Heuer, par le studio<br />

Bonhomme. En haut<br />

à droite, Emmanuel<br />

Cruellas Fondateur du<br />

studio Bonhomme.<br />

mando, l’équipe se lance dans un chantier de mois<br />

pour transformer toute son organisation autour du<br />

digital, du back office à l’UI (interface utilisateur) du<br />

nouveau site qui a été lancé en février dans tous<br />

les pays du monde, mais avec la fonction e-commerce<br />

activée pour cinq marchés seulement (US, apon,<br />

ustralie, Suisse et UK), la France ayant rejoint cette<br />

liste début novembre. Un timing parfait avec l’arrivée<br />

de la pandémie en février. « Le succès de cette transformation<br />

digitale a été immédiat. Cela a accéléré l’adhésion<br />

en interne », souligne Béatrice Goasglas. Succès<br />

commercial avec une part de marché d’environ du<br />

chiffre d’affaires global. Une campagne de communication<br />

en Europe sur les réseaux sociaux et les consommateurs<br />

présents dans les bases de données est prévue<br />

pour ol.<br />

Faire beau et bien<br />

La marque de LM a choisi le studio Bonhomme pour<br />

créer une nouvelle expérience de marque plutt qu’un<br />

grand groupe de publicité. « Bonhomme nous a convaincus<br />

immédiatement en s’appropriant les codes de la Maison.<br />

Leur état d’esprit d’entrepreneurs passionnés, qui<br />

est aussi celui du top management de TG euer, nous<br />

a séduit », évoque Béatrice Goasglas. Outre l’interface du<br />

site, le studio a signé le packaging avec un colis présenté<br />

comme un écrin, avec une pochette de voyage en cuir<br />

grainé et un QR code qui renvoie à une vidéo sur le savoirfaire<br />

de la maison. Un packaging exclusif au site e-commerce.<br />

Toujours pour humaniser l’expérience client digitale,<br />

TG euer offre la possibilité de joindre un agent<br />

« care » au téléphone (et bientt en co browsing [ndlr :<br />

conavigation]) « : cela permet de proposer des services de<br />

maintenance ou une prise en charge de la réparation »,<br />

ajoute Emmanuel Cruellas fondateur de Bonhomme.<br />

Clin d’il techno sur le nouveau site tagheuer.com : la<br />

possibilité de mettre les montres à l’heure en cliquant sur<br />

la fiche produit. Parallèlement, TG euer travaille sur<br />

son réseau de points de vente en propre pour concilier<br />

vente physique et digitale : « l’idée n’est pas de cannibaliser<br />

les boutiques mais de faire des ventes incrémentales<br />

avec le e-commerce », précise la vice présidente igital<br />

customer experience. En juin , le reste du monde<br />

devrait pouvoir acheter des montres sur le site marchand,<br />

y compris en Chine avec une plateforme dédiée et un<br />

programme sur eChat, la messagerie multifonction<br />

utilisée par plus d’un milliard de personnes. Malgré un<br />

timing serré pour ce genre de projet de transformation<br />

globale qui demande habituellement trois ou quatre ans,<br />

l’équipe digital et consumer a réussi à inclure toutes les<br />

composantes de la société, des horlogers aux R en passant<br />

par le marketing et les dirigeants. « Le digital ne se<br />

résume pas au e-commerce. L’une de mes grandes fiertés,<br />

c’est d’avoir allié le beau et le bon et d’avoir embarqué<br />

cette maison centenaire dans cette formidable aventure »,<br />

conclut Béatrice Goasglas.<br />

PATRICK CAPPELLI<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 87 . Spécial LUXE 2020


Enquête<br />

AGENCES<br />

Boîtes de prod' - agences<br />

LE PARTAGE DES<br />

TÂCHES ?<br />

DE GRANDES MAISONS CONFIENT<br />

LA RÉALISATION DE LEURS “ OBJETS ”<br />

DE COMMUNICATION À D’AUTRES<br />

MAISONS… DE PRODUCTION, SANS<br />

PASSER PAR LA CASE AGENCE. UNE<br />

TENDANCE DE FOND ?<br />

ELSA RAKOTOSON<br />

CEO de Frenzy Paris :<br />

“ Nous avons toujours<br />

collaboré en direct avec les<br />

annonceurs, car ce mode<br />

de fonctionnement est<br />

dans l’ADN des marques<br />

de luxe. ”<br />

Si la désintermédiation n’est pas une pratique<br />

propre aux métiers de la communication et<br />

de la publicité, elle y rencontre un vrai succès.<br />

Relancée au rythme des crises, elle est souvent<br />

motivée par l’espoir de réaliser des économies,<br />

parfois réelles et substantielles, mais pas seulement. Dans<br />

l’univers du luxe, depuis longtemps, « certains annonceurs<br />

s’adressent directement à une production s’ils ont<br />

un choix clair sur un réalisateur auquel ils souhaitent laisser<br />

carte blanche, rappelle Perrine Schwartz, productrice<br />

chez Wanda. À l’image du film Cartier pour la montre<br />

Panthère réalisé par Sofia Coppola ». Si elles n’ont pas<br />

les compétences d’agence en matière de réexion stratégique,<br />

de conception de dispositif de communication<br />

complexe, les maisons de production revendiquent en<br />

revanche la plus grande agilité pour connecter les talents<br />

avec la marque. « Le secteur du luxe est très codé où les<br />

marques ont un ADN qu’il faut comprendre et face auxquelles<br />

il faut mettre des talents adaptés. On n’aborde<br />

pas un film SL comme un film Orange, reprend Perrine<br />

Schwartz. Les talents du luxe sont spécifiques, il faut un<br />

œil, une patte via le bon réalisateur, chef décorateur ou<br />

étalonneur, la meilleure glam team (stylisme, coiffure,<br />

maquillage…), le bon directeur de la photographie, etc. »<br />

Pour mieux traiter ces demandes en direct, certaines maisons<br />

de productions ont également fait évoluer leur offre<br />

ou leur positionnement. À l’image d’Onirim ou de Frenzy<br />

Paris qui réalisent toutes les deux 80 % de leur activité en<br />

direct avec les annonceurs : « Nous avons toujours collaboré<br />

en direct, car ce mode de fonctionnement est dans<br />

l’ADN des marques de luxe, mais la pratique a évolué<br />

avec la digitalisation de l’activité et la dématérialisation<br />

des savoir-faire observe Elsa Rakotoson, CEO de Frenzy<br />

Paris. Les talents sont devenus plus polyvalents et sont à<br />

la fois DA, photographe, réalisateur etc. Ils ont appris à<br />

s’exprimer sur différent type de médias, ce qui nous permet<br />

d’étoffer notre offre. »<br />

Sur la même ligne, Onirim revendique un seuil de compétences<br />

dépassant la production au sens classique du<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 90 . Spécial LUXE 2020


Enquête: agences<br />

La campagne digitale<br />

pour Miu Miu par<br />

Onirim.<br />

La campagne pour<br />

Hermès “ Objects for<br />

interior life ” réalisée<br />

par Christopher Anderson<br />

pour Birth LX.<br />

NOUS POUVONS<br />

ACCOMPAGNER LES<br />

ANNONCEURS SUR LA<br />

CRÉATION DE FILMS ET<br />

D’IMAGES, MAIS NOUS<br />

N’INTERVENONS PAS<br />

SUR L’ACHAT D’ESPACE<br />

ET LES DÉCLINAISONS.<br />

NOUS NE SOMMES PAS<br />

UNE AGENCE.<br />

YOHAN UNGER,<br />

BIRTH LX.<br />

PHOTOS : DR.<br />

Ci-contre, la campagne<br />

pour le parfum Nina<br />

Ricci Rose dirigée par<br />

Jade Lombard (photos<br />

de Fiona Torre), par<br />

Frenzy Paris.<br />

terme : « Nous nous positionnons comme une société de<br />

production créative, ajoute Diane Edelmann, directrice<br />

générale et DC d’Onirim. Constatant que les agences produisaient<br />

de plus en plus, au détriment des artistes, nous<br />

nous sommes dotés d’un studio créatif et avons intégré la<br />

brique stratégique pour travailler sur la vision de marque.<br />

Ce positionnement permet une plus grande rapidité<br />

d’exécution et des économies intéressantes pour l’annonceur…<br />

à condition d’avoir les bons talents à proposer ! ».<br />

Si le discours et le positionnement varient chez Birth, la<br />

finalité est à peu près la mme, avec le souci de ménager<br />

les agences qui restent encore un gros apporteur d’affaires.<br />

« Historiquement, nous avons toujours été partenaires<br />

des agences, rappelle ohan Unger, producteur et<br />

associé chez Birth LX, le département luxe de Birth. Dans<br />

ma démarche, passer directement par la production n’est<br />

pas une source d’économie substantielle. C’est davantage<br />

sur la rapidité d’exécution et d’activation que les choix<br />

d’annonceurs s’opèrent. Nous pouvons<br />

les accompagner sur la création de films et<br />

d’images, mais nous n’intervenons pas sur<br />

l’achat d’espace et les déclinaisons. Nous<br />

ne sommes pas une agence. Notre ADN est<br />

celui de la production de film incluant tous les contenus<br />

(films, assets digitaux) d’une campagne plus globale.<br />

Nous accompagnons les marques, les agences et les artistes<br />

du début de la réexion au délivrable. » Une posture<br />

de cohabitation qui pour l’heure passe plutôt bien du<br />

fait de l’explosion des besoins en contenus : « Le secteur<br />

investit plus qu’avant dans la communication car le volume<br />

de films est énorme, notamment pour alimenter le<br />

digital mais aussi le marché asiatique », souligne Patrick<br />

Barbier, CEO de anda. Une posture qui passe d’autant<br />

mieux que la désintermédiation des agences reste encore<br />

suffisamment négligeable pour nombre de sociétés<br />

de production : « Nous travaillons avec des annonceurs<br />

comme ior, Cartier, SL, Guerlain mais le plus souvent<br />

via leur agence. La commande en direct reste une<br />

exception. » Jusqu’ici tout va bien !<br />

VALÉRY POTHAIN<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 91 . Spécial LUXE 2020


Enquête: agences<br />

“ Si tout le monde fait tout<br />

on perd le sens des<br />

responsabilités.”<br />

“ NOUS POUVONS<br />

SORTIR UNE BELLE<br />

IDÉE POUR UN<br />

ANNONCEUR, MAIS LA<br />

CAPACITÉ À DÉLIVRER<br />

LA BIG IDEA RESTE DU<br />

CÔTÉ DE L’AGENCE. ”<br />

PATRICE HADDAD<br />

est président et<br />

fondateur de Première<br />

Heure.<br />

<strong>CB</strong>N : Qu’est-ce qui motive les<br />

annonceurs à négocier directement avec les<br />

maisons de production ?<br />

Patrice Haddad : Le choix de traiter directement<br />

avec la production répond en priorité à une<br />

recherche d’agilité et de rapidité. La digitalisation<br />

a également créé de nouveaux besoins, plus complémentaires<br />

qu’alternatifs, qui créent du volume<br />

qu’il faut être en mesure de produire rapidement.<br />

Parallèlement, les annonceurs ont mûri, se sont<br />

structurés, se sont dotés de studios de créations<br />

intégrés. Nous pouvons apporter une valeur ajoutée<br />

à leur création.<br />

<strong>CB</strong>N : Que vous inspirent les agences<br />

qui intègrent la production ?<br />

Patrice Haddad : Si tout le monde fait tout on<br />

perd le sens des responsabilités. On enlève à notre<br />

métier ses lettres de noblesse, on le banalise en réduisant<br />

la production à un acte de fabrication. Or<br />

notre métier est bien plus que cela : nous menons<br />

une veille artistique essentielle à la production<br />

d’un film. Faire des films publicitaires n’est pas<br />

notre seul métier : nous accompagnons nos artistes<br />

partout et sur tous leurs projets artistiques,<br />

humanitaires, etc. Ce sont les maisons de production<br />

et leurs artistes qui créent la valeur ajoutée.<br />

<strong>CB</strong>N : Mais la création est une<br />

revendication d’agence…<br />

Patrice Haddad : Nous ne sommes pas une<br />

agence de publicité, mais nous avons des réalisateurs<br />

créatifs. Nous pouvons sortir une belle idée<br />

pour un annonceur, mais la capacité à délivrer la<br />

big idea reste du côté de l’agence. Elle est incontournable<br />

et le restera, tout comme la production.<br />

Nous sommes davantage un laboratoire d’idées.<br />

Nous pouvons être les SSII de l’image, proposant<br />

du conseil en structuration et développement<br />

d’image.<br />

Récueilli par<br />

VALÉRY POTHAIN<br />

PHOTO : © RIC LEGOU. R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 92 . Spécial LUXE 2020


WE GIVE BIRTH TO STRONG IDEAS<br />

ARTISTS<br />

JAN GLEIE<br />

TEMPLE CACHÉ<br />

WARREN DU PREEZ<br />

& NICK THORNTON<br />

JONES ZHANG + KNIGHT<br />

MARILOU CHABERT<br />

DAN BELEIU<br />

CHRISTOPHER ANDERSON<br />

FRANCESCO CARROZZINI<br />

ROBERT BROADHURST<br />

ANDREW DOSUNMU<br />

MATVEY FIKS<br />

LUKE & NIK<br />

FILM & PHOTOGRAPHY - PRODUCTION HOUSE FOR UNIQUE BRANDS - WWW.BIRTH.TV


Analyse<br />

AGENCES<br />

Agences et annonceurs<br />

À L’ÉPREUVE DU<br />

VIRU S<br />

ENTRE LE PASSAGE FORCÉ AU “ COLLECTIF ” DIGITAL, LES<br />

PROMESSES — DE GASCON ? —CONCERNANT LA PRÉSERVATION<br />

DE L'ENVIRONNEMENT, LA DÉCÉLÉRATION... LE LUXE VA SANS<br />

DOUTE LAISSER DES PLUMES. LES AGENCES ONT DU PAIN SUR<br />

LA PLANCHE. ANALYSE.<br />

Q<br />

ui l’eut cru : le luxe souffre ! Entre la<br />

fermeture des points de ventes, l’interdiction<br />

de voyager et la réduction de la<br />

consommation aux produits essentiels,<br />

« c’est la première fois que le secteur<br />

est aussi touché, observe Stéphane Truchi, président<br />

du directoire de l’Ifop. C’est aussi la première fois<br />

qu’une crise survient aussi rapidement, brutalement<br />

et mondialement qu’elle provoque une fragilisation à<br />

la fois physique (la peur de mourir), morale, sociale<br />

et économique. » S’il est encore trop tôt pour évaluer<br />

l’ampleur des dégâts, l’institut a quand même pu identifier<br />

quelques incidences, positives ou négatives, de<br />

la crise sur le secteur du luxe. À commencer, bien sûr,<br />

par l’accélération de la digitalisation. « Nous sommes<br />

passés d’un collectif physique s’appuyant sur un individualisme<br />

digital à un collectif digital, observe Stéphane<br />

Truchi. Le digital est ainsi devenu « le » moyen de communication<br />

et de construction de relations sociales. Les<br />

marques sont attendues sur leur capacité à proposer<br />

des expériences créatives : une bonne nouvelle pour<br />

les marques de luxe qui ne manquent pas de matière<br />

pour y parvenir. »<br />

Autre bonne nouvelle, la conscientisation des Français<br />

du lien entre la santé de la planète et celle des hommes<br />

a conforté les marques de luxes dans leurs engagements<br />

en matière de préservation et de protection des environnements,<br />

de traçabilité des matériaux, etc. « Sur ces<br />

terrains, il faut cependant être prudent, car ces aspirations<br />

formulées dans les pays occidentaux ne le sont pas<br />

en Chine ou sur le continent africain », prévient Yves<br />

Hanania, président de Lighthouse, cabinet de conseil<br />

en stratégie de marques et auteur du livre « Le <strong>Luxe</strong><br />

demain » (Dunod). Prudence également à l’égard des<br />

élans patriotes appelant un retour à la souveraineté nationale…<br />

et au repli sur soi. « La peur de l’étranger ou<br />

d’une menace extérieure est potentiellement génératrice<br />

de postures néo-nationalistes, rappelle Stéphane Truchi.<br />

Le luxe étant devenu mondial, le fort recentrage sur le<br />

local, en termes de production et de clientèle, peut être<br />

préjudiciable. Les Chinois veulent aujourd’hui consommer<br />

des produits chinois ! »<br />

Dernière tendance observée par Ifop : la poursuite<br />

de la décélération exprimée avant la crise par l’émergence<br />

des slow : food, life et autre slow time, et plus<br />

récemment par les initiatives d’acteurs du luxe et de la<br />

mode. En mai dernier, alors que Gucci annonçait sur<br />

son compte Instagram qu’elle ne présenterait plus que<br />

deux collections par an, le British Fashion Council et<br />

le Council of Fashion Designers of America publiaient<br />

une déclaration commune recommandant à l’ensemble<br />

des acteurs de la filière de suivre la mme voie. Un arrt<br />

brutal imposé par les mesures sanitaires qui a involontairement<br />

réinscrit la notion de temps (long) dans les<br />

agendas, donnant aux marques l’occasion de prendre<br />

un peu de hauteur et de se remettre en question.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 94 . Spécial LUXE 2020


Analyse: agences<br />

“ CERTAINES MARQUES<br />

TRAVAILLENT LA<br />

DIVERSIFICATION,<br />

À L’IMAGE DE LOUIS<br />

VUITTON AVEC SON<br />

RESTAURANT<br />

À OSAKA. ”<br />

YVES HANANIA,<br />

LIGHTHOUSE.<br />

PHOTOS : DR.<br />

Le magasin Louis<br />

Vuitton à Osaka,<br />

au Japon, abrite le<br />

premier restaurant<br />

de la marque.<br />

Défilé Balmain SS21 :<br />

Mazarine a développé<br />

une solution pour virtualiser<br />

des événements<br />

en leur intégrant<br />

des fonctionnalités<br />

conversationnelles<br />

et transactionnelles.<br />

(voir page suivante et<br />

la Grande Interview<br />

de Paul-Emmanuel<br />

Reiffers, p.48)<br />

Pour Yves Hanania, « Il y a du positif dans cette crise,<br />

comme le rééquilibrage entre le on et le off line : on<br />

ne vendait pas aussi facilement sur Instagram il y a un<br />

an, tout est désormais beaucoup plus uide. La crise<br />

a également accéléré la réexion autour des systèmes de<br />

marque. Longtemps rivées à leurs seuls produits, elles investissent<br />

les dimensions servicielles (reprise, réparation,<br />

revente…) et expérientielles de leur marque. Certaines<br />

travaillent la diversification, à l’image de Louis uitton<br />

avec son restaurant à Osaka. » Observateur aguerri du<br />

marché, il reste lucide : « Je reste positif sur l’évolution<br />

du marché, mais avec des morts ! Le luxe est immortel,<br />

mais pas les marques. On peut s’inquiéter pour certaines<br />

activités, comme les restaurants étoilés, mais je ne doute<br />

pas que d’autres durement touchées, comme les maisons<br />

de champagne, ne réussissent pas à survivre à cette crise<br />

après avoir survécu à plusieurs guerres. »<br />

Logiquement, les difficultés rencontrées par les marques<br />

de luxe ont des répercussions sur les agences à travers<br />

le gel des budgets de conseil et de communication. Certaines<br />

maisons ont réaffecté leurs investissements sur<br />

différents médias, souvent au profit du digital, mais sans<br />

jamais abandonner les canaux historiques (télévision et<br />

print). « Mais pour l’heure, les marques s’expriment assez<br />

peu comparé aux années précédentes, observe Yves Hanania.<br />

Mme à l’approche de ol, il est difficile de partir<br />

sur une envolée lyrique. Il leur faut garder un peu de<br />

retenue. » « Les agences doivent intégrer que leurs clients<br />

vont désormais s’appuyer sur d’autres ressorts et communiquer<br />

différemment, ajoute Stéphane Truchi. Elles<br />

réinjectent plus de fond sur le canal digital qu’elles consacraient<br />

surtout à l’activation. Les communications vont<br />

se recentrer sur les thèmes considérés comme essentiels :<br />

le recyclage, la lutte contre le gâchis, la conscience des<br />

prix, le bien-être… » Autant de sujets centraux et beaucoup<br />

moins glamour sur lesquels les agences vont devoir<br />

plancher sans verser dans l’austérité. « Elles vont devoir<br />

abandonner les ressorts classiques du luxe pour une communication<br />

plus légère, plus décalée et plus conviviale<br />

reprend Stéphane Truchi. Les marques vont devoir être<br />

plus proches du public… sans pour autant devenir plus<br />

accessibles. » Histoire de rester un luxe !<br />

VALÉRY POTHAIN<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 95 . Spécial LUXE 2020


Analyse: agences<br />

Conversion massive<br />

au tout-digital<br />

FACE À CES NOUVEAUX DÉFIS, NOUS AVONS DEMANDÉ À QUELQUES<br />

AGENCES DU SECTEUR DE NOUS EXPLIQUER COMMENT ELLES ABORDAIENT<br />

LEUR ACTIVITÉ À L’ÈRE COVID 19. VOICI CE QU’ELLES EN DISENT…<br />

Publicis <strong>Luxe</strong><br />

« L’année a été difficile tant pour les<br />

équipes que pour les clients et les<br />

talents partenaires de l’agence. Mais<br />

la crise nous a confortés dans les<br />

choix stratégiques opérés dès la création<br />

de Publicis <strong>Luxe</strong> en : tre<br />

capable de proposer une expérience<br />

concrète, complète et engageante via<br />

tous les canaux de distribution (retail<br />

et digital), des campagnes intégrées<br />

et une communication Always-on.<br />

La crise nous a également incités à<br />

accélérer sur des projets engagés<br />

auprès de clients acquis, comme<br />

le développement des ventes en<br />

e-commerce avec l’intégration de<br />

nouvelles fonctionnalités (essais<br />

virtuels…), mais aussi la mutation<br />

phygitale du retail qui doit rester<br />

un lieu d’expérience où l’on va s’informer,<br />

tester, etc. explique Laure<br />

Garboua Tateossian, directrice<br />

générale de Publicis <strong>Luxe</strong>. Pour<br />

2021, les tendances vont se poursuivre<br />

avec une demande croissante<br />

de storytelling pour satisfaire<br />

les besoins de clients désireux de<br />

tout connaître, de tout savoir d’une<br />

marque, au-delà de ses produits, en<br />

activant tous les points de contacts,<br />

en trouvant le bon arc narratif pour<br />

maintenir l’attention et l’intérêt portés<br />

à la marque. »<br />

Helmut<br />

« Nous n’avions pas anticipé la Covid,<br />

mais les évolutions et l’organisation<br />

du marché d’avant-crise nous avaient<br />

déjà appris la flexibilité. Passer en<br />

télétravail n’a donc pas été perturbant,<br />

reconnaît Christophe Huck,<br />

fondateur d’Helmut. Pour le reste,<br />

nous continuons à travailler sur les<br />

problématiques d’engagement, de<br />

lien avec les marques mais en développant<br />

des contenus plus pragmatiques<br />

pour créer du business et de la<br />

conversion. Et si les marques de luxe<br />

ont toujours besoin d’un bel objet de<br />

communication (film, support…)<br />

les équipes marketing ont bien compris<br />

l’enjeu et l’obligation de prendre<br />

en compte les modes de consommation<br />

et de communication des<br />

nouvelles générations. » es modes<br />

en grande partie digitaux qui sont<br />

donc en phase avec la situation et les<br />

contraintes actuelles, où le point de<br />

contact principal s’établit désormais<br />

sur les médias sociaux et non plus sur<br />

le point de vente.<br />

Bel Ami<br />

Créée en 2018, l’agence Bel Ami n’a<br />

pas souffert de la Covid . Une santé<br />

que son fondateur, Thomas Mondo<br />

(ex Publicis et cofondateur de<br />

Darkplanneur), explique par la<br />

spécificité de son concept : « Nous<br />

nous voyons comme des artisans.<br />

Nous craftons nos stratégies et nos<br />

créations ». Loin des structures classiques,<br />

Bel Ami revendique sa (toute)<br />

petite taille ( collaborateurs) s’appuyant<br />

sur des ressources externes.<br />

Celles-ci lui permettent de constituer<br />

pour chaque client ou pour chaque<br />

projet une équipe au profil unique et<br />

adapté afin de traiter la marque, de<br />

la définition d’une vision à la mise en<br />

situation des campagnes en fonction<br />

des médias et des formats. « Là où les<br />

grandes agences se mobilisent sur<br />

l’exécution de belles campagnes de<br />

contenu, nous privilégions l’idéation.<br />

ous prenons le temps de rééchir à<br />

la vision et au purpose, avant de travailler<br />

l’identité, les messages, les<br />

formats, etc. Notre motto, emprunté<br />

à Thomas Edison, ne dit rien d’autre :<br />

« ision without Execution is allucination<br />

» !<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 96 . Spécial LUXE 2020


Reaching the<br />

fashion world demands<br />

a global runway.<br />

From the Paris runways to the store racks,<br />

the fashion world relies on The New York Times.<br />

With millions of affluent, engaged readers<br />

turning here every day, there’s no better way<br />

to reach the world of style.<br />

For advertising information contact<br />

Tom Armstrong on +44 78 60 75 26 75.


Projet<br />

AGENCE ?<br />

LA MAISON<br />

DE LA<br />

RUPTURE<br />

De gauche à droite,<br />

Alexandre Sap, Julien<br />

Grollemund, et<br />

Thomas Erber dans<br />

la rue du Vertbois,<br />

qu'ils sont chargés<br />

d'achalander.<br />

CETTE NOUVELLE<br />

AGENCE FAIT DE<br />

LA PRESSE, VEND<br />

DES DISQUES,<br />

OUVRE DES<br />

BOUTIQUES HYPE,<br />

DES RESTOS, DES<br />

LIBRAIRIES PRÈS<br />

DE LA RÉPUBLIQUE<br />

À PARIS. ET LA PUB<br />

DANS TOUT ÇA ?<br />

Année folle ? Certainement. Et plus encore<br />

quand on décide de créer une agence de<br />

pub d’un nouveau genre en mars 2020<br />

et que l’on met ce projet à exécution en<br />

septembre. Thomas Erber, Julien Grollemund<br />

et Alexandre Sap sont donc probablement assez<br />

fous pour être passés à l’acte. Pourtant, en créant Rupture<br />

& Associés, les trois compères ont fait aboutir un<br />

projet mûri de longue date. Car les deux derniers cités<br />

étaient déjà à l’origine de la Maison Dentsu, ouverte en<br />

juin 2019 et qui se voulait déjà une entité hybride, trait<br />

d’union entre les marques et les artistes, pour séduire les<br />

marques de luxe. Les changements dans le management<br />

du groupe japonais et son recentrage vers ses métiers<br />

d’origine ont conduit Alexandre Sap et Julien Grollemund<br />

à poursuivre leur aventure en indépendants.<br />

Le lieu dans un tel projet est presque aussi important<br />

que les idées et les associés ont trouvé leur bonheur,<br />

place André-Malraux, en face de la Comédie<br />

Française et tout près de l’appartement où ils avaient<br />

installé la Maison Dentsu, rue de Rivoli. « On ne pouvait<br />

pas trouver meilleure adresse pour un lieu célébrant<br />

la culture », remarque Alexandre Sap en admirant<br />

la vue sur la maison de Molière de l’autre côté de<br />

l’avenue de l’Opéra. Dans ce vaste appartement meublé<br />

d’objets signés, on y accroche des tableaux, expose des<br />

sculptures, on reçoit des artistes en résidence, comme<br />

à la villa Medicis dont elle s’inspire. Mais on y fait aussi<br />

du business. « On peut organiser des rencontres entre<br />

marques et artistes pour construire des stratégies d’un<br />

nouveau genre », ajoute Julien Grollemund.<br />

Rupture reprend le nom du label musical et de la<br />

boutique de vinyles créés par Alexandre Sap, mais ce<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 98 . Spécial LUXE 2020


Projet : agence ?<br />

CE PROJET REVENDIQUE<br />

UNE FORME DE POÉSIE,<br />

MAIS L'AGENCE A PASSÉ<br />

UN ACCORD AVEC LE<br />

GROUPE HAVAS.<br />

PHOTOS :© ÉRIC LEGOUHY. DR.<br />

nom s’explique aussi par les convictions des fondateurs.<br />

« On estime que ce n’est pas à nous d’avoir l’idée<br />

qui tue, mais aux artistes. Cela permet de redonner<br />

aux marques une identité culturelle », explique Julien<br />

Grollemund. « Nous allons également éditer un magazine<br />

et publier des livres », ajoute Alexandre Sap. Les<br />

premiers clients sont déjà là comme Les Bienheureux,<br />

la société de Jean Moueix, héritier d’un grand groupe<br />

bordelais, et Alexandre Sirech, ancien responsable de<br />

célèbres marques de spiritueux, à l’origine du whisky<br />

français Bellevoye, déjà promu par la Maison Dentsu, et<br />

qui s’apprête à lancer d’autres spiritueux, dont un rhum.<br />

Un groupe de presse de luxe et la création d’une marque<br />

pour un brasseur font également partie des premiers<br />

sujets. Le plus spectaculaire est certainement celui de la<br />

rue du Vertbois, dans le 3 e arrondissemnt de Paris. Tendue<br />

entre les rues Turbigo et Saint-Martin, cette petite<br />

voie s’apprête à devenir un haut lieu de la culture et du<br />

luxe parisien branché. Rupture s’est en effet vu confier<br />

par le fonds d’investissement qui est propriétaire des 50<br />

commerces du quartier, la mission de constituer un « village<br />

» mêlant culture et luxe, librairie et restos ultra-exclusifs,<br />

marques de modes pointues et autres coiffeurs -<br />

barbiers hype. « Nous sommes les curateurs et directeurs<br />

artistiques de ce lieu », explique Alexandre Sap dont la<br />

boutique de disques s’y est installée. D’autres commerces<br />

ont déjà ouvert et la grande inauguration aura lieu en<br />

avril si la situation sanitaire le permet.<br />

« Nous voulons réinventer le modèle d’agence »,<br />

affirme lexandre Sap, conscient de ne pas tre le premier<br />

à le proclamer. Mais pour celui qui, en digne fils<br />

spirituel de Séguéla déclare vouloir promouvoir « un<br />

marketing du cœur plus que celui de l’intelligence »,<br />

l’émotion sera le moteur de la croissance à venir. Et<br />

s’il revendique une forme de poésie dans son projet, il<br />

n’en a pas moins les pieds sur terre puisqu’il a passé un<br />

accord avec le groupe Havas qui lui donne accès, aussi,<br />

à des moyens industriels. Rupture aura ainsi accès au<br />

réseau du groupe, notamment à l’international, pour<br />

amplifier les démarches artistiques qu’il initie.<br />

FRÉDÉRIC ROY<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 99 . Spécial LUXE 2020


Interview<br />

PARTENAIRE<br />

L’autre voie de<br />

L'EXÉCUTION<br />

RÉATIVE<br />

TRACER SON PROPRE CHEMIN. C’EST CE QUE PROPOSE<br />

TITEM MOUICI AVEC KIND PARIS. NI AGENCE NI BOÎTE DE<br />

PRODUCTION, ELLE RÉUSSIT, POUR LE LUXE, À IMPOSER<br />

SA VISION. AUDACIEUX.<br />

<strong>CB</strong>N : Kind Paris, c'est plutôt une agence ?<br />

Une boîte de production ? Ou rien de cela ?<br />

Titem Mouici: i l’un ni l’autre ’ai créé Kind<br />

Paris il y a trois ans après 15 ans d’expérience en agence<br />

comme T Producer. Kind Paris est un bureau d’exécution<br />

indépendant en charge du suivi de la production<br />

publicitaire. Pour nous, l’annonceur, l’agence et la production<br />

sont au même niveau et c’est en cela que notre<br />

positionnement est novateur et je pense unique sur le<br />

marché. Nous protégeons les intérêts de chacune des<br />

parties. À la manière des artisans du luxe.<br />

<strong>CB</strong>N : Les clients vous sollicitent par le<br />

biais d'une agence, d'une boîte de production,<br />

directement ?<br />

Titem Mouici: Nos premiers clients ont beaucoup<br />

été des annonceurs qui nous appellent en parallèle<br />

des agences de communication avec lesquelles ils travaillent<br />

à l’année, pour assurer le suivi de la production<br />

et la recherche de talents. ous préférons nous définir<br />

comme partenaire et nous mettons en place des collaborations<br />

sur mesure. Nous avons aussi comme clients,<br />

et de plus en plus, des agences, notamment Publicis<br />

<strong>Luxe</strong> pour La vie est belle ou Idole, ou encore Buzzman<br />

pour Diesel, qui nous appellent très en amont sur des<br />

sujets précis où notre expertise sert de caution. Nous<br />

les rassurons. Certains clients nous appellent aussi en<br />

direct en dissociant création et exécution.<br />

<strong>CB</strong>N : Votre expertise fait la différence sur la<br />

créativité ? Sur l'exécution ?<br />

Titem Mouici: Notre premier savoir-faire est de chercher<br />

et de trouver le meilleur talent pour chaque création.<br />

Et c’est plus compliqué que ce qu’il n’y parat Ce<br />

n’est pas juste présenter une bande démo d’un réalisateur<br />

ou d’un photographe. Les problématiques en<br />

production sont immenses et presque infinies. C’est la<br />

combinaison d’un talent, d’un producteur, d’un script<br />

et de la volonté réelle d’un annonceur. C’est la somme<br />

de ces éléments qui nous poussent à présenter tel ou tel<br />

talent et à défendre telle ou telle piste créative.<br />

<strong>CB</strong>N : Plus largement, quelle est votre<br />

perception de l'organisation de l'écosystème de<br />

la création publicitaire dans le domaine du luxe ?<br />

Titem Mouici: L’exécution ne peut être différenciée<br />

de la création et c’est d’abord elle qui fera la différence<br />

entre un bon film et un mauvais. Les maisons du luxe<br />

ont besoin d’être au plus près des meilleurs talents<br />

pour faire avancer leurs marques. Les players qui se<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 100 . Spécial LUXE 2020


Interview : partenaire<br />

Campagne Diesel,<br />

Spirit of the brave.<br />

Réalisateur : NDVD<br />

Production : Phantasm<br />

Bureau d'exécution :<br />

Titem Mouici &<br />

Margaux Le Gall pour<br />

Kind Paris.<br />

Directeur de création :<br />

Jérémie Rozan pour<br />

Kind Paris.<br />

Campagne L’Oréal<br />

Paris, Isabel Marant.<br />

Réalisateur :<br />

Dexter Navy.<br />

Production : Division<br />

Bureau d'éxecution :<br />

Titem Mouici pour<br />

Kind Paris. Agence :<br />

Mc Cann.<br />

TITEM MOUICI<br />

est Fondatrice de Kind,<br />

un bureau de conseil<br />

en exécution image<br />

spécialisé dans le luxe.<br />

sont positionnés en usines à production font, à<br />

mon sens, fausse route. Chaque projet doit être<br />

traité de manière exceptionnelle. Un bon script<br />

mal réalisé, mal photographié ou mal produit ne<br />

peut mener qu’au désastre.<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong>N : Que vous évoque l'agilité mise en<br />

avant comme compétence de base pour évoluer<br />

dans ce secteur ?<br />

Titem Mouici: Dans le secteur de la production publicitaire<br />

l’agilité n’est pas véritablement la qualité que je<br />

recherche en premier. Évidemment que rien ne se passe<br />

jamais comme prévu et qu’il faut être souple. La compétence<br />

de base dans la production publicitaire c’est le<br />

risque. Défendre ses idées, tenter des choses, oser travailler<br />

avec des nouveaux talents. e passe ma vie à contredire<br />

des idées reues Il faut trouver la juste balance entre<br />

risque et excellence. Nous sommes là pour ça.<br />

<strong>CB</strong>N : Quelles autres expertises sont<br />

nécessaires pour imaginer des campagnes qui<br />

marquent et demeurent ?<br />

Titem Mouici: Notre positionnement n’est pas d’imaginer<br />

des campagnes, mais d’accompagner la créativité.<br />

Notre cœur de métier c’est d’accompagner la création,<br />

de comprendre le contexte, d’instaurer une relation de<br />

confiance et d’impliquer les bonnes personnes au bon<br />

moment. Ce n’est pas l’assurance d’un succès, mais cela<br />

diminue fortement l’échec.<br />

<strong>CB</strong>N : Nous avons choisi d'écrire, pour<br />

ce Collector, le luxe au pluriel, quels sont les<br />

vôtres ?<br />

Titem Mouici: Le plus grand des luxes c’est le choix.<br />

Rayer la mention "pas le choix" de mon vocabulaire est<br />

un travail quotidien, un luxe absolu. Choisir les projets,<br />

supprimer le lundi d’un calendrier, ce qui fait partie<br />

des nombreux avantages de l’entrepreneuriat. e dirai<br />

aussi le temps, car le bien le plus précieux dans la vie.<br />

L’autre définition pour une marque de luxe, c’est une<br />

marque qui ne se compare à aucune autre.<br />

Recueilli par<br />

AMELLE NEBIA<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 101 . Spécial LUXE 2020


Enquête<br />

MÉDIAS<br />

LES PETITES<br />

OPPORTUNITÉS<br />

de la<br />

CRISE<br />

ALORS QUE LES ANNONCEURS N’ÉTAIENT PAS TOUJOURS<br />

AU RENDEZ-VOUS, LES MARQUES MÉDIAS ONT PROFITÉ<br />

DE CETTE ANNÉE 2020 SI PARTICULIÈRE POUR REDOUBLER<br />

D’IMAGINATION. AVEC CERTAINES BELLES RÉALISATIONS.<br />

DELPHINE ROYANT<br />

Publisher et Chief Officer de<br />

Vogue France chez Condé<br />

Nast France : “ « Vogue » a<br />

réussi à mettre en place une<br />

nouvelle forme de shooting<br />

avec des mannequins qui<br />

se prenaient en photo<br />

elles-mêmes et qui étaient<br />

coachées par un photographe<br />

en FaceTime. ”<br />

Les moments de crise produisent un redoublement<br />

de vie chez les hommes », estimait,<br />

optimiste, François-René de Chateaubriand.<br />

Était-il si optimiste que cela d’ailleurs ? Si l’on<br />

se penche sur la façon dont les médias, notamment<br />

la presse dite luxe ou premium, ont réagi et ont<br />

innové dans cette période si particulière que le monde<br />

traverse, alors peut-être faut-il convenir que l’auteur des<br />

« Mémoires d’outre-tombe » énonçait là une forme de<br />

vérité et avait en grande partie raison.<br />

En effet, pour ces médias qui traitent notamment de<br />

l’actualité du luxe, comme pour l’industrie du luxe dans<br />

son ensemble, l’épisode de confinement du printemps<br />

comme, dans une moindre mesure, celui de l’automne,<br />

sont venus chambouler tant les prévisions de recettes<br />

publicitaires que la façon de fabriquer des journaux. « La<br />

première chose que nous avons dû affronter dans ces<br />

mois difficiles, c’est d’abord l’impossibilité physique de<br />

produire des magazines », se souvient Delphine Royant,<br />

publisher et chief officer de ogue France chez Conde<br />

Nast. Les shootings mode sont annulés, les marques ne<br />

communiquent plus et l’actualité du secteur est au point<br />

mort. Pas simple de se réinventer. Et pourtant, « Vogue<br />

France » et plus largement le groupe Condé Nast avec<br />

« GQ » et « Vanity Fair » explorent alors de nouvelles voies.<br />

« Ce qui est à retenir de cette période, c’est l’agilité que<br />

nous avons su mettre en place pour à la fois fabriquer nos<br />

magazines, mais aussi pour inventer de nouveaux formats<br />

», détaille Delphine Royant. Ainsi « Vogue » a réussi à<br />

mettre en place une nouvelle forme de shooting avec des<br />

mannequins qui se prenaient en photo elles-mêmes et qui<br />

étaient coachées par un photographe en FaceTime, « Vanity<br />

Fair » a publié tout au long du premier confinement<br />

un quotidien on line et disponible également en PDF qui<br />

racontait de manière décalée ce que nous vivions collectivement.<br />

» Cela avant de publier un numéro, en juillet-août<br />

avec Lou Doillon, photographiée en Face Time,<br />

qui a cartonné en ventes. « Ce que j’ai envie de garder de<br />

tout cela, c’est la créativité encore plus importante que<br />

d’habitude qui a permis à toutes nos marques de sortir les<br />

journaux attendus et de créer de nouvelles initiatives »,<br />

affirme encore elphine Royant. Et de citer en exemple :<br />

la hausse importante de la fréquentation, mais aussi<br />

pour attirer de nouveaux les annonceurs qui, eux aussi,<br />

ont été au point mort durant le premier confinement.<br />

Sur cet aspect, la voie choisie et explorée est celle d’une<br />

monétisation de l’hyper connaissance des audiences qualifiées<br />

des différentes marques du groupe. insi la mise<br />

en place de l’offre performance sur les cibles qualifiées<br />

de l’ensemble de ses titres : « engage for business » et qu’il<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 102 . Spécial LUXE 2020


Enquête : médias<br />

Bella Hadid pose<br />

pour Jacquemus via<br />

FaceTime. Campagne<br />

Jacquemus (printemps-été<br />

2020). Bella<br />

Hadid © Instagram @<br />

jacquemus.<br />

POTOS : R.<br />

a décidé de la pérenniser devant son succès. « C’est une<br />

offre multitouch point qui permet à nos annonceurs d’allier<br />

puissance et finesse des cibles », se réjouit la responsable<br />

de Vogue. L’autre lancement qui était prévu mais<br />

qui a été affiné c’est celui de l’application payante de GQ<br />

qui a pour ambition de monétiser l’audience du mensuel<br />

lifestyle masculin, grâce à la création du club GQ.<br />

Monétisation de l’audience, affinage des stratégies de<br />

conquête des annonceurs et monétisation de la data, c’est<br />

aussi la stratégie gagnante adoptée par le groupe Figaro<br />

cette année. « Ce que nous avons remarqué et analysé<br />

sur cette année si particulière, c’est une accélération agrante<br />

de différentes tendances qui étaient en train de se<br />

faire jour sur le marché », souligne Aurore Domont, présidente<br />

de Media Figaro, la régie publicitaire du groupe<br />

Figaro. Pour elle, trois tendances majeures se dessinent<br />

et s’amplifient. ’abord le « besoin accru des clients de<br />

connatre avec une infime précision les consommateurs<br />

à qui ils s’adressent au travers de nos marques ». Ainsi,<br />

Media Figaro a travaillé en « profondeur avec les marques<br />

pour affiner encore l’exploitation des datas en possession<br />

du groupe ». La régie a ainsi mis en place des verticales<br />

thématiques encore plus poussées qu’auparavant sur la<br />

thématique du lifestyle notamment et propose à tous<br />

ses clients des études Brand Survey afin que ces derniers<br />

puissent affiner encore leurs différentes prises de parole<br />

dans les médias en général, et dans l’univers brand safety<br />

du Figaro en particulier. Évidemment, dans ces datas<br />

récoltées, on peut trouver des insights sur les envies et<br />

les aspirations des consommateurs qui sont en demande<br />

« forte d’éthique de la part des marques » mais aussi dans<br />

La couverture de<br />

“ Vanity Fair ” en mai<br />

avec Lou Doillon<br />

photographié en<br />

FaceTime.<br />

UNE TENDANCE QUI SE<br />

DÉGAGE, C’EST LE BESOIN<br />

D’UNE “ OMNICANALITÉ<br />

ENCORE PLUS FORTE AU<br />

SEIN D’UN FLAGSHIP<br />

DE MARQUES ”.<br />

AURORE DOMONT,<br />

FIGARO MEDIAS.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 103 . Spécial LUXE 2020


Enquête : médias<br />

une approche « plus raisonnée de leur consommation. »<br />

La deuxième tendance qui se dégage, c’est le besoin d’une<br />

« omnicanalité encore plus forte au sein d’un agship de<br />

marques », détaille encore Aurore Domont. « Les marques<br />

médias que nous représentons peuvent apporter cet univers<br />

et cette expérience différente qui est toujours plus recherchée<br />

tant par les consommateurs que par les annonceurs<br />

», juge la présidente de Media Figaro. La dernière<br />

tendance qu’elle observe est la façon dont les annonceurs<br />

ont besoin « aujourd’hui de théâtraliser toujours<br />

plus leurs campagnes. Ainsi, elles sont plus longues, plus<br />

amples, et tentent de capter toujours mieux l’attention.<br />

Notre rôle est de les aider dans cet axe de travail, avec<br />

notamment nos formats publicitaires vraiment sur-mesure<br />

comme certains formats dits cathédrale ou autres »,<br />

confie encore Aurore Domont. Selon elle, si les régies<br />

peuvent répondre ainsi, alors les annonceurs reviennent<br />

et restent mme fidèles. Sur le plan de l’éditorial et de<br />

l’événementiel, le groupe Figaro a également fait preuve<br />

d’imagination en digitalisant tous ses événements, mais<br />

aussi en profitant de cette période de confinement pour<br />

franchir la barre des 200 000 abonnés payants en numérique.<br />

« 2020 fut paradoxale en ce sens qu’elle nous<br />

a invités à être humbles et à prendre des décisions au<br />

jour le jour, sans ne rien prévoir, mais elle a été aussi une<br />

belle opportunité pour tester, analyser et imaginer », souligne<br />

Laure Pellouard, éditrice déléguée adjointe chez<br />

Madame Figaro. Et de souhaiter que « puisse tre<br />

l’année de l’alliance du meilleur des deux mondes. Celui<br />

d’avant, et celui d’après où l’on sait encore mieux réagir,<br />

tester et innover ».<br />

Mais l’innovation n’est pas l’apanage des grands groupes<br />

de presse. Les titres indépendants ont aussi su tirer leur<br />

épingle du jeu. C’est le cas de « Palace », le magazine<br />

gratuit des établissements Costes, imaginé par Claude<br />

Maggiori et dirigé par Anne Delalandre. Alors que les<br />

“ NOUS AVONS CONSERVÉ<br />

LE LIEN AVEC NOS<br />

LECTEURS GRÂCE AU<br />

NUMÉRIQUE ET À LA FAÇON<br />

DONT NOUS AVONS EU DE<br />

NOURRIR LEURS ENVIES DE<br />

BEAU AVEC LES ARTICLES<br />

EN LIGNE. ”<br />

En haut, à gauche,<br />

l'application payante<br />

de “ GQ ” qui veut<br />

monétiser l'audience<br />

du mensuel lifestyle<br />

masculin, grâce à la<br />

création d'un club<br />

GQ. À droite, le Palace<br />

Scope, le site internet<br />

de la revue “ Palace ”.<br />

ANNE DELALANDRE,<br />

“ PALACE ”.<br />

numéros du printemps ne sont pas parus du fait du confinement,<br />

« les annonceurs nous sont restés très fidèles et<br />

nous avons pu faire un très beau numéro en septembre<br />

et sur la fin de l’année également », confie ainsi Anne<br />

Delalandre, l’éditrice du magazine. Surtout, durant cette<br />

période si particulière, « Palace » a pris une place conséquente<br />

sur le lifestyle et le beau en ligne avec la montée<br />

en puissance de Palace Scope, le site internet dédié lancé<br />

fin et qui a pris son envol en . « urant toute<br />

la période particulière que nous avons traversée, nous<br />

avons conservé le lien avec nos lecteurs grâce au numérique<br />

et à la façon dont nous avons eu de nourrir leurs<br />

envies de beau avec les articles en ligne, et aussi la newsletter<br />

hebdomadaire que nous envoyons désormais à plus<br />

de personnes », détaille encore nne elalandre.<br />

Comme quoi il y avait, encore, des opportunités à saisir.<br />

DAVID MEDIONI<br />

POTOS : R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 104 . Spécial LUXE 2020


Plus de 180 millions de<br />

Snapchatters en moyenne<br />

utilisent la réalité augmentée<br />

tous les jours.<br />

Rencontrez<br />

la génération Snapchat.<br />

En savoir plus sur snapchat.com/generation<br />

Débloquez les expériences<br />

en scannant les Snapcodes<br />

ci-dessous :<br />

Données internes de Snap Inc. au 2e trimestre 2020


Enquête<br />

Relance<br />

INTÉRIEURE EN<br />

CHINE<br />

LE PREMIER MARCHÉ DE LUXE MONDIAL AFFICHE UNE<br />

CROISSANCE INSOLENTE. LES RAISONS : LE GEL DES FLUX<br />

INTERNATIONAUX, LA POUSSÉE DU DIGITAL ET LE RÔLE<br />

CLÉ DES JEUNES ACHETEURS.<br />

Selon l’OCDE, la Chine devrait enregistrer<br />

cette année une croissance de<br />

1,8 %, suivi d'un rebond de 8 % en<br />

2021. C’est deux fois plus qu'aux États-<br />

Unis. Quant au marché du luxe, il devrait<br />

croître cette année de 20 à 30 %<br />

selon le BCG x Tencent Digital Luxury<br />

Report. Et c’est logique. Comme ils ne<br />

peuvent plus acheter en Europe et dans les aéroports, les<br />

Chinois se sont rués sur le e-commerce (qui représenterait<br />

désormais 30 % des achats de luxe en Chine contre<br />

11 % en 2019) puis sur les magasins. On a vu tourner sur<br />

les réseaux sociaux cette scène filmée à Guangzhou miavril<br />

: des centaines de personnes à peine déconfinées se<br />

ruant au magasin Hermès local. En quelques heures, la<br />

griffe de luxe explosait ses ventes. « Il y a eu en Chine<br />

une frénésie de “ revenge shopping ”, commente Yuan<br />

Zou, directrice du développement Europe mode et luxe<br />

de Hylink. Le marché a montré une grande résilience. La<br />

reprise est là. En octobre, le National Memorial Day et le<br />

Festival de la Lune ont enregistré des records de consommation<br />

et de voyages vers le sud. » Promise Consulting/<br />

Panel On The Web a réalisé de mars à septembre, en<br />

partenariat avec Luca Solca, un baromètre, Tracking<br />

the Rebound, pour établir un indice de rebond des activités<br />

en Chine. Résultats : la reprise est plus vigoureuse<br />

qu’en Europe. « Il faut dire, reconnaît Philippe Jourdan,<br />

CEO de Promise Consulting, que le président Xi Jinping<br />

a annoncé début septembre que la crise sanitaire était<br />

terminée. Mais le focus que nous avons réalisé sur les<br />

foyers les plus aisés, les gros acheteurs de luxe qui représentent<br />

5 % de la population, montre leur volonté de<br />

consommer comme avant. Cependant, on ne peut pas<br />

parler de consommation de rattrapage, car ces riches<br />

Chinois achètent en Chine les marques de luxe qu’ils ne<br />

peuvent plus acquérir lors de leurs voyages. » En effet,<br />

70 % environ des dépenses des consommateurs chinois<br />

se faisaient jusqu’alors à l’extérieur de la Chine. Pour que<br />

le marché récupère totalement les effets de la demande<br />

chinoise, il faudrait tabler sur une consommation du<br />

luxe intra-muros multipliée par trois… Ce qui n’est pas<br />

encore le cas. Que doivent faire alors les marques de luxe<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 106 . Spécial LUXE 2020


Enquête : marché<br />

+30%<br />

LVMH affiche une<br />

progression de<br />

13 % de la croissance<br />

organique en Asie<br />

Pacifique au troisième<br />

trimestre. Pour Kering,<br />

c’est +18,5 %. Et pour<br />

Hermès +30 % !<br />

13 %<br />

+ 18,5 %<br />

LES GROS ACHETEURS DE LUXE CHINOIS – 5 % DE LA<br />

POPULATION – ACHÈTENT EN CHINE LES MARQUES DE LUXE<br />

QU’ILS NE PEUVENT PLUS ACQUÉRIR LORS DE LEURS VOYAGES.<br />

PHOTOS : DR.<br />

européennes pour récupérer une partie de cette manne ?<br />

« Les grandes marques, Chanel, Hermès, Dior, Louis<br />

Vuitton… qui ont une présence physique n’ont pas trop<br />

de soucis à se faire, même s’il leur faut peut-être repenser<br />

leur réseau de distribution, répond Philippe Jourdan.<br />

Pour les autres, elles devront passer des accords<br />

avec des plateformes comme Alibaba. Mais il faut faire<br />

attention car on passe alors d’un marketing “ pull ” spécifique<br />

au luxe à un marketing “ push ”, celui des produits<br />

de grande consommation et les marques peuvent perdre<br />

leur capital au profit des distributeurs. »<br />

« Le retour à la normale pour le luxe a été plus rapide<br />

que prévu. ès fin mars et jusqu’en juin, nous avons eu<br />

une forte poussée digitale. L’événementiel est revenu en<br />

juin », confirme ean-Laurent ilon, managing director<br />

de Mazarine sia Pacific (trois bureaux à Shanga, Pékin<br />

et Hong Kong, 35 personnes, 15 % du chiffre d’affaires<br />

de l’agence). L’activité de Mazarine en Chine, déjà très<br />

digitale, s’est renforcée avec beaucoup de campagnes<br />

intégrées comprenant du digital, de l’événementiel<br />

magasin et des PR. Mazarine a ainsi démarré pendant<br />

la crise pour Cartier et Piaget des opérations de e-commerce<br />

avec Tmall, surtout sur les villes moyennes où les<br />

grandes marques n’ont pas de présence physique. Autre<br />

exemple : l’agence a conçu et développé en septembre<br />

une campagne digitale et sociale on line to off line, de<br />

création de trafic en boutique pour Boucheron qui venait<br />

d’ouvrir une nouvelle boutique à Beijing SKP, destination<br />

phare du luxe dans la capitale chinoise. Cette campagne<br />

mettait en scène Wladimir, le chat de Gérard Boucheron,<br />

lequel apparaissait aux côtés de l’ambassadrice de<br />

la marque Zhou Dongyu et de son compagnon parisien.<br />

L’agence a créé un jeu interactif dont la récompense à<br />

l’effigie de ladimir était à retrouver en boutique. « Ces<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 107 . Spécial LUXE 2020


Enquête : marché<br />

« LES MARQUES DOIVENT<br />

CIBLER DES CONSOMMATEURS<br />

DIFFÉRENTS DE CEUX DES<br />

GRANDES VILLES. AINSI, LES<br />

HOMMES Y SONT DE PLUS<br />

GROS ACHETEURS DE LUXE<br />

QUE LES FEMMES. »<br />

YUAN ZOU, HYLINK.<br />

PHILIPPE<br />

JOURDAN<br />

est CEO de<br />

Promise Consulting :<br />

"Attention, pour les<br />

marques qui vont sur<br />

Alibaba, “ on passe alors<br />

d’un marketing « pull »<br />

spécifique au luxe à<br />

un marketing « push »,<br />

des produits de grande<br />

consommation ”.<br />

activations digitales traduisent bien la tendance actuelle<br />

de la communication en Chine pour les grands<br />

du luxe », continue Jean-Laurent Vilon, précisant que<br />

« les marques de second niveau ont plus de mal et se<br />

tournent vers l’e-commerce. Tmall est un bon accélérateur<br />

de e-commerce mais, avertit Jean-Laurent<br />

Vilon, « nous expliquons à nos clients qu’ils ne doivent<br />

pas privilégier le court terme en laissant partir leur<br />

expérience client. Ce sera l’enjeu 2021 : réaccompagner<br />

par un storytelling efficace le consommateur sur<br />

l’ensemble du parcours client ».<br />

Les villes moyennes représentent un vivier pour<br />

le luxe. Ainsi les « Tiers 3 » (villes qui comptent entre<br />

150 000 à 3 millions d’habitants et dont le PIB oscille<br />

entre 18 et 67 milliards de dollars) ont des habitants<br />

avides de découvertes et de consommation. « Les<br />

marques doivent cibler ces consommateurs qui sont différents<br />

de ceux des grandes villes, explique encore Yuan<br />

Zou. Ainsi, les hommes y sont de plus gros acheteurs<br />

de luxe que les femmes. Et surtout les jeunes sont très<br />

demandeurs mais aussi très exigeants. » Hylink a ainsi<br />

réalisé pour les cosmétiques MAC un jeu sur smartphone<br />

s’inspirant du jeu de type manga Glory of Kings. Chaque<br />

hérone était identifiée à une couleur de rouge à lèvres.<br />

Les stocks ont été épuisés dans les heures qui ont suivi<br />

l’opération. « Les marques doivent prendre des risques<br />

pour accrocher cette génération Z. » Les 11-25 ans qui totalisent<br />

17 % de la population chinoise (qui s’élève à 1,4<br />

milliard) et que an ou définit en six « C » : C comme<br />

centre, enfants uniques pour la plupart ils sont choyés<br />

par leur entourage ; C comme confiants car, nés dans<br />

un pays puissant, ils dépensent sans peur du lendemain ;<br />

C comme Conflictuel car, surprotégés, ils ont besoin<br />

d’aventures et d’excès ; C comme conscients car ils<br />

sont sensibles à l’environnement, à la culture et engagés<br />

socialement ; C comme connectés, car pour ces digital<br />

native, la connexion permet d’être en lien avec la société<br />

collective et enfin C comme complexes car ces jeunes ne<br />

forment pas un groupe homogène ». ’où la difficulté de<br />

les toucher. « Il faut être très sensible aux cultures, bien<br />

les connaître avant de faire du storytelling, conseille<br />

Yan Zou. Il faut aussi maîtriser tous les tutos sociaux<br />

qui évoluent très vite, et surtout oser car bientôt, avec<br />

la concurrence, les marques qui ne risquent pas, seront<br />

vite dépassées ».<br />

Alors, bel avenir pour le luxe dans l’empire du Milieu ?<br />

Assurément si l’on en croit les estimations de Bain&Co :<br />

les consommateurs chinois représenteront près de 50 %<br />

du marché mondial du luxe (évalué à environ 374–386<br />

milliards de dollars) d'ici à 2025.<br />

CATHERINE HEURTEBISE<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 108 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

ÉDITORIAL<br />

UNE PUBLICATION<br />

DIGITAL,<br />

LE TERRITOIRE<br />

D’UN LUXE QUI<br />

SE RÉINVENTE<br />

MORIN OLUWOLE, GLOBAL HEAD OF LUXURY CHEZ FACEBOOK, REVIENT<br />

SUR LES ENSEIGNEMENTS QUE NOUS POUVONS TIRER DE CETTE ANNÉE<br />

2020 SI PARTICULIÈRE ET NOUS PARTAGE SES IMPRESSIONS QUANT À LA<br />

DIGITALISATION D’UN SECTEUR QUI SE RENOUVELLE À GRANDS PAS.<br />

*Facebook IQ source: “Emerging Trends Research” Sep 2020. Crédit photo : DR.<br />

Face à la crise sanitaire, les Maisons<br />

de luxe se sont emparées du digital<br />

pour pallier la fermeture des<br />

magasins et le e-commerce a<br />

connu une accélération sans précédent.<br />

McKinsey précise qu’en<br />

seulement 8 semaines, nous avons<br />

fait un bond de 5 ans en matière<br />

de digitalisation des économies !<br />

J’ai été épatée par l’agilité et l’audace dont nos<br />

partenaires ont fait preuve pour s’adapter à un<br />

consommateur plongé dans un environnement<br />

de plus en plus numérique. Mobile, réseaux<br />

sociaux, messagerie, tout a été mis en œuvre<br />

pour offrir une expérience optimale leur permettant<br />

d’acheter leur produit en toute simplicité.<br />

Mieux, de se sentir écoutés, rassurés et accompagnés<br />

à toutes les étapes de leur parcours.<br />

Chez Facebook, nous nous sommes mobilisés<br />

chaque jour afin de mettre à profit le potentiel<br />

de nos plateformes et la créativité de nos<br />

équipes pour faciliter cette transition. Nous<br />

avons par exemple travaillé main dans la main<br />

avec l’horloger suisse IWC Schaffhausen pour<br />

mettre au point un dispositif de conseiller<br />

virtuel via un chatbot sur Messenger dans le<br />

cadre du lancement de leur nouvelle collection,<br />

Portugeiser. L’objectif étant de reproduire l’expérience<br />

personnalisée offerte par une boutique<br />

IWC en communiquant directement avec la<br />

Maison. Ce chatbot offrant également la possibilité<br />

de prendre rendez-vous en boutique et d’être<br />

informés de leur réouverture grâce à des notifications<br />

mais surtout d’être parmi les premiers à<br />

découvrir cette nouvelle collection.<br />

RÉENCHANTER GRÂCE<br />

À LA FORCE DE LA MARQUE<br />

Cette digitalisation ne concerne pas uniquement<br />

le parcours d’achat mais également tout<br />

le storytelling qui l’accompagne. Les marques<br />

de luxe ont su se saisir des moyens d’expression<br />

offerts par nos plateformes pour déployer<br />

leur univers de façon inédite et insuffler cette<br />

part de magie auprès de consommateurs qui<br />

étaient très en demande.<br />

Louis Vuitton a par exemple décidé de dévoiler<br />

sa nouvelle collection dans une série de vidéos<br />

Reels sur Instagram. Un contenu original qui<br />

a massivement attiré la communauté de la<br />

marque avec près de 7 millions de vues sur<br />

chacune des vidéos.<br />

Alors que les consommateurs sont à la<br />

recherche de moyens plus immersifs et plus<br />

immédiats pour interagir, les marques comprennent<br />

l’intérêt de réunir l’expérience<br />

d’achat et l’expérience de marque au sein d’un<br />

même point de contact. C’est dans cette perspective<br />

que nous avons lancé les Live Shopping<br />

aux États-Unis et en Asie. D’après une étude<br />

que nous avons menée avec GFK, près de la<br />

moitié (49 %) des acheteurs en ligne sont prêts<br />

à acheter un produit directement depuis le live<br />

vidéo d’une marque, d’une célébrité ou d’un<br />

influenceur. Ces nouveaux formats sont une<br />

opportunité pour le luxe de recréer des expériences<br />

d’exception qui allient à la fois l’univers<br />

de marque et la vente de produits.<br />

ENGAGER GRÂCE À DES<br />

EXPÉRIENCES TOUJOURS PLUS<br />

IMMERSIVES<br />

Et ce n’est que le début ! Cette alliance entre<br />

storytelling et e-commerce peut aller encore plus<br />

loin grâce à la réalité augmentée et virtuelle.<br />

Aujourd’hui, 86 % des consommateurs sont<br />

ouverts à des expériences de marque en réalité<br />

augmentée. Et 63 % indiquent vouloir « essayer<br />

virtuellement des produits confortablement<br />

depuis chez soi ».*<br />

C’est le pari que nous avons fait avec Sephora.<br />

À l’occasion de la sortie de leur premier parfum<br />

Do not drink, nos équipes Creative Shop ont collaboré<br />

avec des créateurs et Sephora pour développer<br />

des filtres en réalité augmentée afin de<br />

mettre en valeur la composition des fragrances<br />

et permettre aux utilisateurs de se projeter dans<br />

leurs différentes ambiances.<br />

Toutes ces contraintes ont été l’occasion pour<br />

les Maisons de luxe de challenger leur créativité,<br />

de bousculer les codes et de se réinventer<br />

dans des propositions novatrices. Cette<br />

épreuve de l’épidémie nous prouve une fois<br />

de plus qu’elles savent traverser les difficultés<br />

de leur époque sans jamais rien perdre de leur<br />

force, ni de leur excellence.


Interview<br />

AU PARFUM<br />

“ LES CENT ANS<br />

du<br />

N°5 ”<br />

COCO POSERA LA PREMIÈRE POUR SON PARFUM. N°5<br />

HABILLERA MARILYN LA NUIT, VOYAGERA AVEC DENEUVE<br />

AUX STATES, OU SUR LA LUNE, ET INSPIRERA BRAD PITT...<br />

RETOUR SUR L’HISTOIRE D’UN CHIFFRE CULTE.<br />

Une des premières<br />

campagnes du N°5<br />

dans la presse, pour<br />

un grand magasin, aux<br />

États-Unis en 1925.<br />

En 2021 le N°5 de Chanel célèbrera son centenaire,<br />

l’occasion de revenir sur le parcours<br />

du parfum N°1 en termes de notoriété ; une<br />

aventure de communication étonnante,<br />

épousant les sinuosités de l’air du temps avec<br />

une aventure privilégiée outre-Atlantique. Thomas du<br />

Pré de Saint Maur, directeur des ressources créatives<br />

Chanel Parfums Beauté, en décrypte les temps forts parmi<br />

des centaines de visuels et films mythiques jusqu’à<br />

aujourd’hui avec Marion Cotillard.<br />

<strong>CB</strong>N : Qu’est-ce qui est le plus important<br />

quand on imagine une campagne pour le N°5 ?<br />

Thomas du Pré de Saint Maur :Peut-être la qualité<br />

des talents, mais c’est sans doute un présupposé. Le 5<br />

est tellement référent que l’exercice est compliqué. Pour<br />

Chanel, il faut à la fois une logique de rigueur, de tenue,<br />

avec des règles et en même temps quelque chose qui<br />

parle de liberté avec spontanéité. L’ordre libre et la règle<br />

qui libère. L’équation sur le 5 : une image d’une grande<br />

beauté avec tenue et en même temps laisser vivre un univers<br />

féminin très vivant.<br />

<strong>CB</strong>N : Il y a le paradoxe d’un parfum sensuel<br />

et d’un flacon sobre, épuré ?<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Ce paradoxe de la<br />

règle et de la liberté est une équation intenable : l’épure<br />

absolue et un foisonnement d’émotions. Il faut tenir les<br />

deux, parler d’une extrme sensualité avec le acon le<br />

plus rigoureux du monde et un numéro qui n’a aucune<br />

histoire, juste entre le et le . Quand le sort, on<br />

quitte une époque narrative, et arrive quelque chose<br />

de complètement nouveau comme s’il était le premier<br />

parfum du XX e siècle.<br />

<strong>CB</strong>N : Après le lancement, les premières<br />

réclames arrivent vite, mais surtout aux<br />

États-Unis.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Oui, les premières<br />

réclames ont été faites pour les États-Unis, ce marché a<br />

été un grand levier de développement pour les parfums<br />

Chanel. La distribution était à l’époque très en avance<br />

avec les grands magasins et le N°5 a pris un essor spectaculaire.<br />

Dans cette logique de marché, il était évident<br />

de faire de la pub.<br />

<strong>CB</strong>N : Un premier tournant, c’est Gabrielle<br />

Chanel assurant la promotion du N°5.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Coco Chanel s’invite<br />

en photo. Il y a déjà l’intuition de ce que le parfum vend<br />

un style de vie on sort de l’objet. On passe de l’idée<br />

d’un artisan parfumeur à, tout d’un coup, une marque.<br />

On va projeter une vision du monde qui s’applique à<br />

d’autres choses et d’abord au lifestyle, c’est un point<br />

pivot. La photo a été intuitivement pensée comme un<br />

instinct pour rendre désirable le produit. Il faut propo-<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 110 . Spécial LUXE 2020


Interview au parfum<br />

“ On passe de<br />

l’idée d’un artisan<br />

parfumeur à<br />

une marque. On<br />

va projeter une<br />

vision du monde<br />

qui s’applique à<br />

d’autres choses<br />

et d’abord au<br />

lifestyle. ”<br />

Thomas du Pré<br />

de Saint Maur est<br />

directeur général des<br />

ressources créatives<br />

parfums beauté et<br />

horlogerie joaillerie<br />

de Chanel.<br />

ser quelque chose d’immatériel, de plus projectif. Tout<br />

d’un coup on s’écarte du seul produit, on ouvre l’imaginaire.<br />

On va préférer un produit plus qu’un autre parce<br />

que son univers est ultra désirable.<br />

<strong>CB</strong>N : Et puis arrivent les mannequins<br />

célèbres.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : D’abord Marie-Hélène<br />

rnaud, c’est la fille en Chanel. vec Suzy Parker, il<br />

y a dans cette image des éléments qui vont devenir marquant<br />

pour le futur de la pub : la vie s’intensifie. Il y a<br />

un côté plus star, plus célébrité. La campagne introduit<br />

le rêve, la féérie. Un bal, deux chevaliers servants et la<br />

femme fait son entrée dans le monde. C’est une photo<br />

d’Avedon avec une image très café society des années<br />

, c’est une queue de comète dans son travail, là on est<br />

en . C’est l’intensification de ce que le luxe donne<br />

à vivre après le chemin prendra une autre voie. li<br />

Mac Graw arrive en . Le style est très nature et se<br />

découvre une forme d’intimité que l’on retrouvera plus<br />

tard avec Catherine eneuve, il y en a déjà tous les ferments,<br />

et c’est comme si le décor ne comptait plus. La<br />

campagne pour le bain est contextualisée, mais il n’y a<br />

pas de distance, il y a une vraie intimité, Ali Mac Graw<br />

se livre de façon très nue, pas uniquement physique,<br />

mais ce n’est pas pour autant familier. C’est une règle<br />

de base chez Chanel.<br />

se déploie et c’est le génie dans la bouteille, ultra<br />

sensuel. La femme remplace le parfum, le flacon<br />

devient aussi important que l’égérie.<br />

<strong>CB</strong>N : Et il y a toute la saga Deneuve aux<br />

États-Unis.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : C’est une aventure<br />

magistrale dans la durée, de à . u-delà de<br />

la beauté, on fait parler la femme derrière la star, c’est<br />

elle en tant que femme. L’émotion s’écrit avec des dialogues<br />

assez incroyables et, au fil du temps, se découvre<br />

un changement de la stature de Catherine eneuve.<br />

<strong>CB</strong>N : C’est une période ou le 5 n’était pas<br />

numéro 1…<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Avec Deneuve le 5<br />

redémarre, mais aussi à l’époque, arrivèrent de sérieux<br />

concurrents dont Opium puis plus tard Poison. Ce qui<br />

est passionnant, c’est ce qui se passé en même temps<br />

avec le magazine « Seventeen». Chanel incarnait le luxe<br />

absolu, il y a eu en parallèle la volonté de rajeunir la<br />

cible avec une communication qui n’a rien à voir avec<br />

l’autre. Une com’ fondamentalement lifestyle (alors<br />

que l’autre s’en éloigne avec Deneuve) et cela a duré 20<br />

ans (-). es photographes connus (vedon)<br />

ou moins connus ont composé un style Gap avant Gap,<br />

Gucci avant Gucci. Les premières datent de , en<br />

mme temps que Suzy Parker. Toutes les campagnes<br />

ont des claims différents. L’aventure débute en noir et<br />

blanc avant le passage à la couleur dans les années .<br />

Les campagnes s’arrêtent en 1977 et ont bien participé<br />

au succès du aux tats-Unis.<br />

PHOTO : © CHANEL.<br />

<strong>CB</strong>N : Les années 60 font bouger le 5.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Avec Lauren Hutton<br />

on se saisit de la culture du Swinging London. Dans<br />

une photo très mode Avedon a capté quelque chose de<br />

vivant mais au final la réalisation est aussi tenue, il y a<br />

la barre graphique qui traverse. Et si l’image est assez<br />

maîtrisée il y a aussi la liberté ; c’est l’équation. Avec<br />

elmut ewton en , c’est toujours la féminité qui<br />

<strong>CB</strong>N : L’histoire du N°5 est très particulière<br />

aux États-Unis.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Avant-guerre le 5<br />

était déjà présent, ensuite au moment de la guerre les<br />

GI font la queue pour l’acheter. Arrive après la petite<br />

phrase de Marilyn, l’étui au MOM () et enfin les<br />

sérigraphies de arhol (). C’est comme s’il y avait<br />

une formule magique qui associe le N°5 aux États-Unis.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 111 . Spécial LUXE 2020


Interview au parfum<br />

1<br />

3<br />

4<br />

2<br />

<strong>CB</strong>N : L’arrivée de Karl Lagerfeld est un<br />

nouveau tournant.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : En la mode<br />

revient avec un style très codé. Le luxe s’internationalise,<br />

la cible est plus large, il faut que la marque soit plus<br />

repérable avec sa signalétique. On sent l’encodage des<br />

marques dans les années . vec ces nouvelles images<br />

on entre dans la démonstration d’une forme de pouvoir<br />

féminin, il y a une mise en scène d’une « empowered<br />

woman » avec Carole Bouquet. Figurent tous les signes<br />

de la puissance (masculine), la femme conduit la Ferrari,<br />

l’émancipation financière, sexuelle<br />

<strong>CB</strong>N : Un peu dans l’air du temps ?<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Oui mais l’idée du<br />

c’est : comment je surfe sur ce qui est à l’uvre<br />

dans mon époque pour dire qui je suis. Comme li<br />

Mac Graw faisait le lien avec un période un peu hippie,<br />

ici la femme a du pouvoir avec des codes : tailleur,<br />

épaules marquées, gourmette avec charms. Et puis,<br />

toujours avec Carole Bouquet, il y a une évolution vers<br />

des images plus sensuelles moins dans l’affirmation<br />

d’un pouvoir presque « viril ». Toute cette période, on<br />

pousse les curseurs, on arrive dans une logique où on<br />

commence à saturer les choses.<br />

Fin des années 90 arrive le petit chaperon rouge, une<br />

campagne assez explicite, au-delà du sexuel. vec la<br />

métaphore du loup, le conte est poussé à l’extrme de<br />

la licence. Avec Besson on décolle du réel et on retourne<br />

à un univers onirique alors que Ridley Scott avec Carole<br />

Bouquet composait un univers ultra cinématographique<br />

d’un monde saturé de luxe. Ici on se sert d’un élément<br />

culturel universel comme une parabole.<br />

Puis, avec Jean Paul Goude, c’est la sanctuarisation<br />

du produit, mais le acon se renverse, de faon un peu<br />

sacrilège.<br />

<strong>CB</strong>N : Dans les années 2000 les égéries stars<br />

prennent le pouvoir.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Avec Nicole Kidman,<br />

c’est l’avènement d’un nouveau monde : hyperréalisme,<br />

hyper cinématographie, hyper codification de<br />

la marque. La femme la plus célèbre du monde porte<br />

Dans les années<br />

2000, la publicité<br />

devient un objet,<br />

on lance la pub<br />

comme si on<br />

lançait un nouveau<br />

parfum ; les pubs<br />

deviennent<br />

des films.<br />

le parfum le plus célèbre du monde. Tous les curseurs<br />

sont poussés. ans une esthétique très Baz Luhrmann<br />

(« Moulin Rouge »), la publicité devient un objet, on<br />

lance la pub comme si on lançait un nouveau parfum ;<br />

les pubs deviennent des films.<br />

<strong>CB</strong>N : Ensuite une pub absolument<br />

étonnante avec Brad Pitt.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : L’idée est formidablement<br />

intéressante, si le N°5 incarne la féminité, faire<br />

parler un homme de l’incarnation du parfum au féminin<br />

est une idée de génie. Une campagne sans doute en<br />

POTOS: R.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 112 . Spécial LUXE 2020


Interview au parfum<br />

6<br />

8<br />

5<br />

9<br />

10<br />

7<br />

1937. Coco Chanel,<br />

par François Kollar.<br />

1961. Avec Suzy<br />

Parker, par Richard<br />

Avedon.<br />

1966. Ali MacGraw,<br />

par Jérôme Ducrot.<br />

1968. Lauren<br />

Hutton, par Richard<br />

Avedon.<br />

1971. Ali MacGraw,<br />

par Jérôme Ducrot.<br />

1971.<br />

Jean Shrimpton,<br />

par Helmut Newton.<br />

1973. Catherine<br />

Deneuve, par Richard<br />

Avedon.<br />

1975, avec le magazine<br />

« Seventeen », une<br />

com’ fondamentalement<br />

lifestyle.<br />

1997. Carole<br />

Bouquet, par Patrick<br />

Demarchelier.<br />

1999. Estella Warren,<br />

par Luc Besson.<br />

avance, mais peut-être pas avec la maîtrise absolue en<br />

termes d’exécution L’épure allait vers quelque chose<br />

d’inquiétant dans un univers très gris. Cette idée formidable<br />

aurait pu être un coup de maître, elle continuera<br />

à faire parler, c’est « inévitable ».<br />

<strong>CB</strong>N : En 2013, Marylin revient.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Brad Pitt était au<br />

masculin ce que Marilyn est au féminin à des époques<br />

différentes. Entendre la vraie voix de Marilyn qui<br />

confirme à Georges Belmont qui l’interviewe, qu’elle<br />

a prononcé cette phrase On a trouvé cette interview<br />

quand on a fait des recherches sur le 5, c’est fabuleux.<br />

<strong>CB</strong>N : Retour à la modernité ensuite avec<br />

Gisele Bündchen.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Gisele est dans la<br />

mme veine que la campagne avec udrey Tautou, à<br />

savoir faire émerger quelque chose d’une relation à soimême,<br />

une femme engagée sur des choix importants,<br />

une femme convoquée par l’homme qui la confronte à<br />

un choix. C’est l’antithèse de la pub avec Kidman, elle ne<br />

renonce pas, elle y va. C’est aussi un film de Baz Luhrmann,<br />

mais on sent l’encodage Chanel, il y a du 5 partout.<br />

On voit une forme d’opposition assez intéressante, elle<br />

réussit tout, a tout accompli, doit encore faire des choix<br />

et fait le bon.<br />

<strong>CB</strong>N : Après on découvre une nouvelle<br />

facette du 5.<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Le changement est<br />

radical, le lancement de l’eau s’adresse à un public plus<br />

jeune d’où le choix de Lily Rose epp. Cela résonne avec<br />

la jeune génération multi facettes. Le « ou know me and<br />

you don’t » parle d’une jeunesse d’esprit.<br />

<strong>CB</strong>N : Enfin, le 5 arrive sur la lune…<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : Pour les 100 ans du<br />

, produit de luxe, il y a eu une volonté de revenir à<br />

quelque chose de sophistiqué, à l’essence du parfum.<br />

Il semblait stratégique et pertinent de repartir vers le<br />

symbolisme plutt que l’hyperréalisme. Repasser dans<br />

un univers onirique avec la capacité de rêve. Les rêves<br />

les plus incroyables vont devenir réels, une rencontre<br />

sur la lune et puis un retour sur terre avec la danse.<br />

Il s’agissait d’une campagne pour la fin de l’année la<br />

lune, la neige sont des univers oniriques parfaits. La<br />

lune est symbole d’un nouveau cycle, de renouveau.<br />

Ainsi, ohan Renck, le réalisateur, a proposé la lune.<br />

<strong>CB</strong>N : La robe ?<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : La robe que Coco<br />

Chanel portait dans la photo de Cecil Beaton a été refaite<br />

par Virginie Viard pour Marion Cotillard. Le print<br />

donne une image très sophistiquée dans des tons dorés,<br />

mais figure la barre noire. C’était important de repositionner<br />

le 5 comme quelque chose d’ultra symbolique.<br />

<strong>CB</strong>N : Le plus important dans le choix<br />

d’une égérie ?<br />

Thomas du Pré de Saint Maur : L’envie de travailler<br />

avec elle ; une pub, c’est une aventure humaine. Je crois<br />

aux publicités heureuses.<br />

Recueilli par ANTIGONE SCHILLING<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 113 . Spécial LUXE 2020


Survie<br />

Hôtels restaurants<br />

LAGUERRE<br />

DES ÉTOILÉS<br />

SERVICES, QUALITÉ,<br />

INNOVATIONS SONT AU<br />

CŒUR DE LA RÉSILIENCE<br />

POUR LES HÔTELS ET<br />

RESTAURANTS ÉTOILÉS.<br />

LEURS RECETTES POUR<br />

SORTIR DE CETTE CRISE.<br />

C’est sans doute l’une des plus<br />

grandes victimes collatérales<br />

du Coronavirus : le secteur de<br />

l’hôtellerie-restauration est fortement<br />

touché par la pandémie.<br />

« Et les palaces, hôtels et restaurants<br />

étoilés tout particulièrement,<br />

puisqu’ils dépendent en très<br />

grande majorité d’une clientèle internationale qui a disparu<br />

depuis des mois, explique Leslie Johns fondatrice,<br />

de Pitaya Group, spécialiste depuis 7 ans de la création de<br />

concepts d’hospitality. Certains ont des taux d’occupation<br />

tombés jusqu’à 10 %, beaucoup n’ont pas rouvert après le<br />

premier confinement, d’autres ne rouvriront sans doute<br />

jamais même s’ils sont situés près des Champs-Elysées…<br />

Mais, nombreux ont été ceux à avoir très vite trouvé des<br />

solutions totalement inédites, inimaginables avant cette<br />

crise. Oui, ces grandes maisons, ces paquebots aux centaines<br />

de salariés se sont réinventés, se sont adaptées<br />

et ont innové !». Dans l’hôtellerie, un principe voudrait<br />

qu’il faille 12 expériences positives pour effacer dans<br />

l’esprit du client un souvenir négatif. Or, si 2020 ne sera<br />

(bientt ) plus qu’un très mauvais souvenir pour tout<br />

le monde, les établissements de luxe, les grandes tables<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 114 . Spécial LUXE 2020


Enquête: survie<br />

L’hôtel Crillon propose<br />

cornets, glaces et<br />

gauffres place de La<br />

Concorde dans son<br />

camions à glaces.<br />

Ci-dessous, cocktail sur<br />

le rooftop du Crillon.<br />

“ LA CHAMPAGNE<br />

OU LA NORMANDIE<br />

SONT DEVENUES DES<br />

DESTINATIONS DE<br />

VACANCES DE LUXE. ”<br />

JULIA BARY,<br />

GRAND LUXURY GROUP.<br />

PHOTOS : © GERALDINE MARTENS.<br />

et les palaces ont déployé des trésors de bonnes idées et<br />

d’expériences positives. L’avenir est donc à ceux qui ont<br />

osé. « La priorité pour beaucoup a été de remettre le client<br />

au centre et de ne pas s’activer uniquement à rattraper<br />

le chiffre d’affaires perdu en remontant des prix déjà<br />

élevés », ajoute Leslie Johns. La solution n’a quasiment<br />

jamais été de retirer des services (buffets, voituriers,<br />

bagagistes, conciergerie, spa fermé) en gonant ou en<br />

conservant des tarifs de luxe. Au contraire, le luxe aura<br />

plutt été de modifier les pratiques sans que les clients en<br />

pâtissent ou s’en aperçoivent…<br />

« Les premières mesures sanitaires n’étaient pas très glamour,<br />

mais les hôtels et palaces ont rebondi en étant très<br />

créatifs », ajoute Julia Bary général manager d’un autre<br />

spécialiste de l’hôtellerie, Grand Luxury Group. Cet été<br />

le Meurice a ainsi proposé des massages en chambres,<br />

plutôt qu’au sein du spa. Le Plazza Athénée a été l’un des<br />

premiers palaces à lancer la livraison à domicile de ses<br />

plats. Le Brach a transformé certaines de ses suites en<br />

salles de réception ou de restauration pour dispatcher<br />

la clientèle et garantir la distanciation physique. Le Crillon<br />

a proposé une offre de camion glacier place de la<br />

Concorde. Le Berkeley à Londres a mis ses barmen à vélo<br />

pour livrer des cocktails aux domiciles des Londoniens<br />

confinés. « Entre les deux confinements les palaces ont<br />

imaginé des offres inédites de « staycations » (vacances<br />

à la maison LR) avec - sur le prix de la chambre<br />

réservée pour les enfants et ont choyé ces jeunes clients<br />

en décorant leurs suites avec des tipis et des cabanes ou<br />

en leur prêtant des mini Range Rover pour se promener<br />

dans leurs jardins, ajoute Julia Bary. Et puis ils ont aussi<br />

permis aux Français et aux locaux de redécouvrir des<br />

régions ou des lieux qu’ils ne connaissaient plus vraiment.<br />

La Champagne ou la Normandie sont devenues<br />

des destinations de vacances et d’expériences de luxe.<br />

Pourquoi aller au bout du monde quand on peut aussi<br />

se faire chouchouter, s’évader, rêver et se fabriquer de<br />

bons souvenirs en France » Le Bristol a invité les Parisiens<br />

à passer le week-end à l’hôtel pour découvrir les<br />

charmes d’un Paris luxueux qu’ils ignoraient jusque-là.<br />

Partout en France, les restaurants étoilés ont proposé<br />

la vente à emporter et ou les livraisons à domicile et en<br />

entreprises. Sur les réseaux sociaux grands chefs comme<br />

palaces ont ouvert leurs coulisses, inventé des tutoriels<br />

de déco, dévoilé leurs recettes fétiches, lancé des e-magazines.<br />

« Nous avons fait des choses pour sortir de cette<br />

crise que nous n’aurions jamais faites en temps normal,<br />

explique Gérald Krischek, directeur général du Prince de<br />

LESLIE JOHNS<br />

est fondatrice de Pitaye<br />

Group : “ La priorité<br />

pour beaucoup a été de<br />

remettre le client au centre<br />

et de ne pas s’activer<br />

uniquement à rattraper le<br />

chiffre d’affaires perdu en<br />

remontant des prix déjà<br />

élevés ”.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 115 . Spécial LUXE 2020


Enquête: survie<br />

Cocktails à domicile<br />

pour les Londoniens<br />

confinés grâce à l’hôtel<br />

Berkeley, à Londres,<br />

grâce à ses barmen<br />

à vélo.<br />

“ AUJOURD’HUI<br />

NOUS DEVONS DIRE<br />

À NOS CLIENTS QUE<br />

LE BONHEUR SE<br />

COMMANDE…<br />

EN LIVRAISON À<br />

DOMICILE<br />

OU À EMPORTER ! ”<br />

RAMON MAC CROHON,<br />

GROUPE KASPIA.<br />

GÉRALD KRISCHEK<br />

est directeur général du<br />

Prince de Galles : “ Nous<br />

avons fait des choses pour<br />

sortir de cette crise que<br />

nous n’aurions jamais faites<br />

en temps normal : nous<br />

avons mis notre carte sur<br />

Deliveroo (...) ”.<br />

Galles. Nous avons mis notre carte sur Deliveroo, ce qui<br />

a finalement permis aux gens du quartier de nous découvrir.<br />

Nous avons lancé notre e-boutique sur laquelle<br />

nous vendons objets, cadeaux de Noël, livres, souvenirs.<br />

Honnêtement, je n’étais pas très enclin à de telles offres<br />

avant cette crise, mais le monde a changé et pour continuer<br />

d’exister nous devons répondre à cette demande.<br />

De cette crise émerge aussi du positif, nous devons saisir<br />

ces opportunités. Être actifs dans ce “ new normal ”. Plus<br />

les hôtels, les restaurants s’y mettront, plus Internet présentera<br />

des offres variées et diversifiées et plus il ressemblera<br />

(virtuellement) aux rues de nos villes<br />

Les services, l’humain : plus<br />

que jamais bichonner le client<br />

« La situation est difficile, mais nous nous sommes<br />

sentis un peu plus armés à l’annonce du second confinement,<br />

explique André Terrail propriétaire de la<br />

Tour d’rgent. En mars notre premier réexe a été de<br />

garder le contact avec nos clients qu’en général nous<br />

connaissons très bien. Nous les avons appelés, leur<br />

avons envoyé des textos pour prendre de leurs nouvelles,<br />

comme nous le faisions avec nos proches, c’était<br />

naturel. Puis, nous avons nous aussi lancé des offres<br />

qui n’existaient pas auparavant comme la livraison<br />

dans toute l’Europe de canards frais Burgaud. Les produits<br />

de notre boulangerie ou les plats de la rôtisserie,<br />

restées ouvertes, sont désormais livrés dans toute l’Îlede-France.<br />

Nous avons proposé une offre de glacier<br />

cet été. » Entre les deux confinements, le restaurant a<br />

aussi imaginé un service traiteur « la Tour chez vous ».<br />

Les clients pouvaient choisir en ligne un menu en indiquant<br />

la date et le nombre de convives et réserver ainsi<br />

une table mais… chez eux ! Et un chef et des serveurs<br />

se déplaçaient à domicile. « Nous ne devons<br />

pas attendre que la tempête passe, mais apprendre<br />

à danser sous la pluie, explique Ramon Mac Crohon,<br />

directeur général du groupe Kaspia. Certains<br />

cherchent ou attendent le bonheur. Aujourd’hui<br />

nous devons leur dire qu’il se commande… en livraison<br />

à domicile ou à emporter ! ».<br />

Pour le groupe hôtelier Pariente au positionnement de<br />

« petite » maison de luxe, très raffinée et proche de ses<br />

clients, c’est l’humain qui reste au cœur de la réponse.<br />

« Le maître mot pour sortir de cette crise, c’est la personnalisation,<br />

expliquent Leslie Kouhana-Pariente,<br />

présidente, Kimberley Pariente, directrice artistique<br />

et Guy Bertaud, directeur général de Maisons Pariente<br />

(Le Coucou à Méribel, Lou Pinet à Saint-Tropez, Crillon<br />

le Brave dans le aucluse). Bien sr il a fallu se mettre<br />

aux nouvelles normes sanitaires, mais nous sommes<br />

allés encore plus loin dans l’ultrapersonnalisation de<br />

nos offres et services. Chez nous les clients peuvent<br />

tout choisir : où ils veulent s’asseoir au restaurant, dans<br />

quelle chambre séjourner mais aussi comment ou par<br />

qui ils veulent être servis. La liberté de choix est aussi<br />

un luxe aujourd’hui. Il ne s’agit pas de retirer du choix<br />

face à cette crise, mais d’en ajouter ». Plus d’espace<br />

dans les établissements, plus de titres de presse disponibles<br />

en téléchargement, plus de repas pouvant être<br />

servis en chambre, plus de liberté dans le check in et<br />

le check out en ligne, plus de contenants individuels et<br />

sécurisés quand les buffets de petits-déjeuners seront à<br />

nouveau possibles, etc. « Et l’humain c’est aussi garder<br />

cote que cote le lien avec nos clients d’affaires, événementiels<br />

et étrangers, ajoutent les dirigeants de Maisons<br />

Pariente. Nous sentons déjà qu’ils ont très envie<br />

de revenir dans nos établissements. » La France offre<br />

des prestations étoilées sres, haut de gamme, gastronomiques<br />

et tellement variées que la destination reste<br />

unique au monde. Cette attractivité ne disparaîtra pas.<br />

« Nous avons conscience ici aussi, que le premier luxe<br />

c’est d’être résident à Monaco, où malgré des mesures<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 116 . Spécial LUXE 2020


«J’ai appris que le courage n’est pas l’absence<br />

de peur, mais la capacité de la vaincre.»<br />

Nelson Mandela<br />

Valentin, Manon #lavietriomphetoujours


Enquête: survie<br />

Un panier repas à<br />

emporter du chef Alan<br />

Geaam, partenaire de<br />

Cook and Com.<br />

À droite, une patisserie<br />

de la Tour d’Argent<br />

que le restaurant peut<br />

désormais livrer.<br />

“NOUS AVONS IMAGINÉ<br />

AVEC LE CHEF DOUBLEMENT<br />

ÉTOILÉ MICHEL TRAMA<br />

UN FOODTRUCK ET DES<br />

SOLUTIONS DE PANIERS<br />

REPAS À EMPORTER. ”<br />

AXEL HOPPENOT<br />

est directeur marketing de<br />

la Monte Carlo - Société<br />

des Bains de Mer :“ toutes<br />

ces nouvelles mesures (...)<br />

deviendront des services<br />

supplémentaires gages de<br />

notre qualité et de notre<br />

savoir-faire ”.<br />

SONIA DUPUIS, COOK AND COM.<br />

strictes, et un couvre-feu, nous n’avons pas été reconfinés,<br />

explique Axel Hoppenot, directeur marketing de la<br />

Monte Carlo-Société des Bains de Mer (hôtels, casino,<br />

restaurants). La vie culturelle, artistique, commerciale<br />

continue, c’est une chance. Les récentes annonces de<br />

l’arrivée d’un potentiel vaccin dès 2021 nous redonnent<br />

aussi beaucoup d’espoir. Et toutes ces nouvelles mesures<br />

et nouveautés mises en place depuis des mois ne<br />

sont pas vaines. Elles resteront, deviendront des commodités<br />

et des services supplémentaires gages de notre<br />

qualité et de notre savoir-faire. Dans cette crise, on s’est<br />

encore améliorés et nos clients le savent. » Le moment<br />

venu, ils n’en seront que plus reconnaissants !<br />

Plus atypique chez les étoilés, l’agence Cook and Com’<br />

– qui propose depuis 8 ans, des buffets animés exclusivement<br />

par des chefs étoilés lors d’événements très<br />

haut de gamme, a totalement réinventé son offre pour<br />

survivre à cette crise. Et, permettre aussi aux grands<br />

chefs français de traverser la tourmente en se réinventant.<br />

Quand la situation le permet (dans le respect des<br />

règles sanitaires), des paniers repas peuvent être livrés<br />

aux salariés restés en entreprise ou à chaque télétravailleur<br />

à domicile lors de visioconférences (Comex,<br />

Codir, réunions virtuelles d’affaires, etc.) en version déjeuner,<br />

petit-déjeuner, apéritif dînatoire, etc. Plus d’une<br />

centaine d’opérations ont été organisées entre les deux<br />

confinements dans toute la France. « ous avons aussi<br />

mené pendant les confinements la campagne So Far So<br />

Good sur les réseaux sociaux, explique Sonia Dupuis<br />

la fondatrice de Cook and Com. os chefs partenaires<br />

assuraient des ateliers culinaires en ligne, souvent<br />

avec leurs enfants et en famille, ce qui a contribué à les<br />

désacraliser et à leur conférer une nouvelle image plus<br />

accessible et sympathique. À l’annonce du deuxième<br />

confinement nous avons imaginé avec le chef doublement<br />

étoilé Michel Trama un foodtruck et des solutions<br />

de paniers repas à emporter. La solidarité dans l’univers<br />

de la gastronomie est immense et réciproque à tous les<br />

niveaux, ce n’est pas anecdotique. ous prenons soin<br />

les uns des autres, petits et grands, étoilés ou non. » La<br />

solidarité, c’est ce qui permettra au secteur de se relever<br />

plus vite de ce cataclysme.<br />

« Cette année nous a prouvé que nous étions capables<br />

de nous réinventer, d’être agiles et de nous adapter,<br />

ajoute André Terrail. Paris restera impacté durement et<br />

longtemps par cette crise. Certains de nos clients parisiens<br />

ont définitivement déserté la capitale, le tourisme<br />

ne redémarrera que très lentement, il nous faudra sans<br />

doute au moins deux ans pour retrouver notre clientèle<br />

internationale. Mais nous sommes une grande maison<br />

solide, nous survivrons. C’est nettement plus dur pour<br />

nos confrères mais nous nous serrons les coudes, idem<br />

avec les prestataires, les partenaires. Tous, nous avons su<br />

nous réinventer et innover très vite. Dans les mois à venir<br />

La Tour D’argent comptera encore sur la boulangerie, la<br />

rôtisserie, notre e-boutique, l’épicerie pour mettre à disposition<br />

de beaux produits (sauces, foies gras, canards<br />

maturés). os équipes, personnes dans le groupe au<br />

total, peuvent tre fières de tout ce qu’elles accomplissent<br />

pour affronter cette crise ». Un combat mené avec dignité,<br />

courage et élégance <strong>Luxe</strong> oblige.<br />

SOPHIE STADLER<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 118 . Spécial LUXE 2020


«J’ai appris que le courage n’est pas l’absence<br />

de peur, mais la capacité de la vaincre.»<br />

Nelson Mandela<br />

Marie, Maud, Ingrid, Isabelle, Tiffany, Jolie, Fabrice, Nina #lavietriomphetoujours


Enquête<br />

INSPIRATIONS<br />

Parfums de niche<br />

SORTIR DES<br />

senteurs battues<br />

COMMENT<br />

LAISSER UN SILLAGE<br />

EXCEPTIONNEL POUR<br />

SE DISTINGUER ?<br />

PROPOSITIONS<br />

POUR CONJUGUER<br />

SA FRAGRANCE AU<br />

SINGULIER.<br />

arfums d’auteurs, histoires atypiques,<br />

matières d’exception… la<br />

parfumerie dite de niche se révèle<br />

tout terrain et affiche une belle<br />

croissance. Réponse à des envies<br />

de consommateurs véritables amateurs<br />

ou pour ceux qui veulent se<br />

différencier, la niche offre pléthore<br />

de propositions, mais n’incarne pas<br />

forcément la panacée.<br />

Échapper aux<br />

classiques<br />

Envie de sentir le garage, l’encre,<br />

l’immortelle, le cannabis… ? Sortir<br />

des sentiers battus peut être le<br />

credo d’amateurs, de curieux optant<br />

pour la singularité. Les marques<br />

En haut, Azahar de<br />

Voyages imaginaires<br />

(Isabelle Doyen et<br />

Camille Goutal) vogue<br />

vers l’Espagne et la<br />

fleur d’oranger. À<br />

gauche, Mentha Religiosa<br />

(Roos & Roos),<br />

de Fabrice Pellegrin<br />

autour de la menthe et<br />

de l’encens.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 120 . Spécial LUXE 2020


Enquête : inspirations<br />

PHOTO : © DR.<br />

de niche ne cherchent pas à être<br />

consensuelles, elles échappent aux<br />

briefs en quête du plus grand dénominateur<br />

pour plaire en Europe,<br />

aux États-Unis et dans les pays du<br />

Moyen-Orient. Avec moins d’argent<br />

dans le marketing, pas de pub, ces<br />

marques ont souvent pour atout premier<br />

la qualité (sauf exception) avec<br />

un coût du concentré globalement<br />

plus élevé.<br />

Il est difficile d’avoir une idée<br />

précise de la taille du marché, en<br />

France aux alentours de 8 %, mais<br />

aux États-Unis plus de 10 % du sélectif.<br />

L’offre est de plus en plus pléthorique<br />

: si en 2010, 388 nouveaux<br />

parfums de niche étaient lancés, en<br />

2019 ils sont 1 278 (source Michael<br />

Edwards, Fragrances of the world).<br />

Pour ces marques hors-pistes, le prix<br />

de vente est plus élevé, irtant avec<br />

les 150 € pour un 100 ml et avec des<br />

propositions hyperluxe à plusieurs<br />

centaines d’euros. La croissance<br />

de ce secteur est estimée à deux<br />

chiffres. Le réseau de distribution<br />

aurait environ 3000 points de vente<br />

dans le monde : grands magasins,<br />

boutiques spécialisées (comme Nose<br />

ou Jovoy à Paris) et parfumeries très<br />

sélectives. Le salon Esxence à Milan<br />

(depuis 2009) présente la diversité<br />

de l’offre avec en 2019, 221 marques<br />

présentes (+19 %) et près de 8 000<br />

visiteurs de 77 pays différents. Pour<br />

séduire les consommateurs, certains<br />

ajoutent différentes formes<br />

de personnalisation, étuis (Atelier<br />

Cologne), acons et rubans de couleurs<br />

(Guerlain), variations de compositions<br />

(Ex Nihilo), noms gravés…<br />

Origines<br />

Quand les premières marques<br />

qualifiées par la suite de niche sont<br />

apparues, elles revendiquaient juste<br />

une liberté de création, sans trop de<br />

marketing, sans distinguer un masculin<br />

d’un féminin, sans regarder le<br />

prix de revient et sans la moulinette<br />

des tests consommateurs. Quelques<br />

noms ont préfiguré le phénomène :<br />

Santa Maria Novella dès 1612, Creed<br />

en 1760 ou Penhaligon’s en 1870. De<br />

grandes maisons de parfums comme<br />

Guerlain ou Caron ont conservé une<br />

démarche proche avec en parallèle<br />

des créations plus confiden-<br />

LES PREMIÈRES<br />

MARQUES DE NICHE<br />

REVENDIQUAIENT<br />

JUSTE UNE LIBERTÉ DE<br />

CRÉATION, SANS TROP<br />

DE MARKETING,<br />

SANS DISTINGUER<br />

UN MASCULIN<br />

D’UN FÉMININ...<br />

En haut, Parco<br />

Palladiano de Bottega<br />

Veneta, Musc Tonkin,<br />

Parfum d'Empire<br />

et Replica , Maison<br />

Margiela.<br />

Ci-contre, Liquides<br />

imaginaires. Liquide :<br />

une édition limitée pour<br />

un “ argent liquide ”.<br />

Phantasma, une hallucination<br />

(yuzu, poudre<br />

de riz et bois).<br />

tielles et remarquables. C’est dans<br />

la seconde moitié du XX e siècle que<br />

sont nés la plupart des acteurs. Diptyque<br />

(1968), l’Artisan parfumeur<br />

(1976), Annick Goutal (1981), Nicolaï<br />

(1989), Jo Malone (1994) ont<br />

jeté les bases de l’aventure et Serge<br />

Lutens (1992) lui a sans doute donné<br />

ses lettres de noblesse dans son écrin<br />

des Jardins du Palais-Royal.<br />

Collections de<br />

parfumeurs<br />

Ayant parfois travaillé pour des<br />

marques de niche, les nez sautent<br />

de plus en plus le pas et choisissent<br />

de confronter leur talent personnel<br />

directement avec le public. Francis<br />

Kurkdjian a créé sa maison en 2009<br />

avec son associé, Marc Chaya. Il raconte<br />

: « Je voulais ancrer le parfum<br />

dans mon époque tout en conservant<br />

l’exigence de la tradition… la<br />

qualité sans concession ». Son vestiaire<br />

olfactif se compose aujourd’hui<br />

d’une vingtaine de parfums. Alberto<br />

Morillas a débuté Mizensir avec des<br />

bougies avant de créer ses parfums.<br />

Michel Almairac a imaginé Parlemoi<br />

de parfum. Jean-Michel Duriez,<br />

autrefois chez Patou, s’est lancé sous<br />

son nom. Sonia Constant avec Ella<br />

K utilise des souvenirs de voyages<br />

ainsi Mémoire de Daisen-In. Olivier<br />

Cresp a lancé Akkro, une série d’addictions<br />

autour d‘odeurs de tabac,<br />

de cannabis, de chocolat, d’alcool…<br />

Aurélien Guichard avec Matière première<br />

joue en majeur des ingrédients<br />

mythiques. Isabelle Doyen et Camille<br />

Goutal imaginent leurs Voyages imaginaires<br />

avec des formules 100 %<br />

naturelles.<br />

Des concepts<br />

Avec le temps, le phénomène s’est<br />

amplifié avec des histoires imaginées<br />

parfois avec de vrais professionnels,<br />

mais aussi avec de simples amateurs<br />

plus ou moins bien éclairés et qui<br />

n’ont pas la sagesse de s’entourer<br />

a minima de bons parfumeurs (un<br />

gage de qualité). Le secteur est encombré<br />

et le succès pas toujours à la<br />

clé de lancements météoriques.<br />

De ces marques, il faut retenir<br />

les belles histoires. Comme des<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 121<br />

. Spécial LUXE 2020


Enquête : inspirations<br />

garçons depuis près de 30 ans multiplie<br />

les créations hors sentiers<br />

battus. Frédéric Malle, éditeur de<br />

parfums, donne carte blanche à ses<br />

auteurs ainsi Dominique Ropion,<br />

Pierre Bourdon… The different<br />

Company a débuté avec Jean-<br />

Claude Ellena et continue avec différents<br />

parfumeurs. By Kilian est<br />

l’œuvre au noir de Kilian Hennessy.<br />

Memo (Clara Molloy) a choisi les<br />

voyages et une collection japonisante,<br />

Floraiku. État libre d’orange<br />

d’Etienne de Swardt joue la provocation<br />

et l’humour : Putain des<br />

palaces, Secrétions magnifiques<br />

Parfum d’empire de Marc-Antoine<br />

Corticchiato part à la recherche<br />

d’« empires » sans oublier les senteurs<br />

de sa Corse. The Alchemist se<br />

fonde sur les principes du yin et du<br />

yang. Pierre Guillaume poursuit de<br />

belles aventures dont Parfumerie<br />

générale. Roos & Roos (Chantal et<br />

Alexandra Roos) composent avec<br />

une inspiration en partie musicale :<br />

A Capella, Pale Blue Eyes… sans<br />

oublier un extraordinaire Mentha<br />

religiosa. Liquides imaginaires (Philippe<br />

Di Méo) offre une facette mystique,<br />

ésotérique. Tom Ford, Byredo<br />

de Ben Gorham, Juliette has a gun<br />

de Romano Ricci, Pour toujours de<br />

Martine Denisot, les Bains Guerbois,<br />

Ex Nihilo, Antoinette Poisson<br />

(du nom de la Pompadour) … autant<br />

de propositions diverses. Des<br />

personnalités comme Diane Pernet<br />

ou Carine Roitfeld se frottent aussi<br />

aux parfums.<br />

Les grands groupes ou les fonds<br />

d’investissement voient un grand<br />

potentiel de développement à ces<br />

marques et les rachètent à très bon<br />

prix : Le Labo et Frédéric Malle<br />

par Estée Lauder, Atelier Cologne<br />

par L’Oréal, L’artisan parfumeur et<br />

Penhaligon’s par Puig, Byredo et<br />

Diptyque par Manzanita Capital et<br />

une prise de participation de LVMH<br />

dans Maison Francis Kurkdjian.<br />

Marques de luxe<br />

L’existence de ces niches a<br />

conduit les grandes marques du luxe<br />

à se (re)pencher sur leur propre patrimoine.<br />

Chanel a toujours conservé<br />

des parfums d’exception comme<br />

Cuir de Russie, Bois des îles, point<br />

de départ des désormais Exclusifs.<br />

LES GRANDS<br />

GROUPES VOIENT UN<br />

GRAND POTENTIEL<br />

DE DÉVELOPPEMENT<br />

À CES MARQUES<br />

DE NICHE ET LES<br />

RACHÈTENT À TRÈS<br />

BON PRIX.<br />

À gauche, Fils de<br />

Joie, Serge Lutens,<br />

Parisian Musc, Matière<br />

Première.<br />

Ci-contre, l'originalité<br />

d’une rose au<br />

masculin signée Francis<br />

Kurkdjian sur fond<br />

boisé et ciste ; à cueillir.<br />

En bas, Memo et sa<br />

collection japonisante,<br />

Floraiku.<br />

Olivier Polge a ajouté les derniers<br />

opus : Misia, Boy, 1957 et un Lion<br />

qui rugit superbement. Hermès a<br />

sa belle collection d’Hermessence<br />

signée Jean-Claude Ellena et continuée<br />

par Christine Nagel. Armani<br />

Privé a débuté avec un encens magnifique,<br />

souvenir d’enfance de<br />

Giorgio Armani à l’église. La gamme<br />

s’est enrichie de cuirs et d’une collection<br />

de « pierres ». Les Parfums<br />

Maison Christian Dior ont débuté<br />

avec des Colognes et se composent<br />

aujourd’hui d’une trentaine de parfums<br />

dont un séduisant Spice Blend.<br />

Pour la fin d’année se découvre une<br />

édition éphémère au motif de toile<br />

de Jouy. Replica de Martin Margiela<br />

traduit un concept issu de la mode<br />

autour des notions de temps et d’espace<br />

ainsi By the Fireplace, Chamonix,<br />

1971. Van Cleef & Arpels dans<br />

sa collection extraordinaire met en<br />

avant la qualité d’exception des matières<br />

premières ainsi que Boucheron.<br />

Bulgari, fidèle aux pierres, les<br />

magnifie avec les Gemme. ves Saint<br />

Laurent a opté pour l’idée du Vestiaire<br />

imaginant les icônes du couturier<br />

: Caban, Saharienne… Parco<br />

Palladiano, délicieuse rêverie naturaliste<br />

de Bottega Veneta, parcourt<br />

les jardins des villas palladiennes.<br />

Déjà il y a une quinzaine d’années<br />

Serge Lutens raillait cette terminologie<br />

: « La niche, cela dépend de ce que<br />

l’on met dedans : Médor, Royal parfum…<br />

moi je suis un chien errant et<br />

préférerai la fourrière ! ». Il ajoutait :<br />

« Ce n’est plus une niche, c’est un chenil.<br />

» Si la typologie canine semble<br />

un peu dépassée, elle est néanmoins<br />

(re)connue. Que ce soit des parfums<br />

d’auteurs, des parfums rares, des exclusifs,<br />

ces créations renouent avec<br />

les qualités premières d’une belle<br />

parfumerie. Avec la niche, le choix<br />

ne s’embarrasse pas d’égéries, l’important<br />

demeure ce qu’il y a dans la<br />

bouteille : le parfum.<br />

ANTIGONE SCHILLING<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 122 . Spécial LUXE 2020


Enquête : inspirations<br />

Verbatims olfactifs<br />

CRÉATRICE DE PARFUMS, PARFUMEURS, LES MOTS POUR CERNER LEURS CRÉATIONS.<br />

Marc-Antoine Corticchiato :<br />

Parfum d’Empire est une marque<br />

réellement indépendante, artisanale,<br />

qui aime les partis pris olfactifs.<br />

Avoir une telle zone d’expression<br />

et de liberté totale est une<br />

chance inouïe, un privilège rare.<br />

Aurélien Guichard:<br />

Je ne vois pas Matière Première<br />

comme une marque, mais comme<br />

une maison. Je crée des parfums<br />

structurés autour d’un ingrédient<br />

d’exception qui est central, visible<br />

et palpable.<br />

Alexandra Roos:<br />

Roos & Roos est une maison parisienne,<br />

une histoire de famille, une<br />

histoire de femmes et de transmission<br />

qui s’écrit de mère en fille, une<br />

collection de parfums entre tradition<br />

et rupture.<br />

Quatre jus<br />

récompensés<br />

Comment définiriez-vous<br />

votre marque ?<br />

Chaque année The Fragrance Foundation France<br />

récompense les parfums de niche (cette année<br />

parfumerie d’auteur) par un prix des experts. Pour l’année<br />

2019, dans la catégorie indépendante, un franc-tireur issu<br />

de la mode, Marc-Antoine Barrois avec un éblouissant<br />

Ganymède (Quentin Bisch). Pour les marques affiliées:<br />

Comme des garçons et un beau Copper (Aliénor<br />

Massenet) aux notes vertes, ex aequo avec Eau de<br />

Minthé (Diptyque) de Fabrice Pellegrin. Enfin pour<br />

les grandes marques, l’Atelier des fleurs de Chloé se<br />

distingue avec Herba Mimosa (Amandine Clerc-Marie).<br />

Philippe Di Méo :<br />

Les Liquides Imaginaires ont été<br />

conçus comme un hommage à<br />

l’inépuisable mythologie du parfum<br />

et sont inspirés par le creux des<br />

coupoles à offrandes, les flacons<br />

des apothicaires, les anfractuosités<br />

de la pierre….<br />

Alexandra Roos :<br />

Elle risque de devenir obsolète<br />

même si la taille du marché de<br />

cette parfumerie reste modeste en<br />

comparaison des parfums dits sélectifs<br />

mais le nombre ne cesse de<br />

croître, la concurrence est rude, les<br />

comètes du secteur sont rachetées<br />

par les grands groupes, le terme<br />

se galvaude. Mais le mot niche<br />

m’évoque un abri et ça me plaît.<br />

Marc-Antoine Corticchiato:<br />

Aujourd’hui, la niche ne veut plus<br />

dire grand-chose. Elle devrait être<br />

une prise de risque, une vraie différence<br />

avec la parfumerie sélective. Les<br />

grandes marques du luxe en ont repris<br />

les codes et de nombreuses marques<br />

opportunistes se sont engouffrées<br />

dans cette offre. Le consensuel et<br />

l’uniformisation ont trop souvent pris<br />

le pas sur la créativité.<br />

Philippe Di Méo :<br />

Je ne suis pas un grand fan de cette<br />

terminologie, je lui préfère parfums<br />

rares ou hautes parfumeries,<br />

mais elle a l’avantage d’être une<br />

catégorie identifiée et compréhensible<br />

également à l’international.<br />

Que pensez-vous de la<br />

terminologie marque de niche ?<br />

Aurélien Guichard :<br />

C’est une dénomination qui aujourd'hui<br />

englobe beaucoup de<br />

marques très différentes les unes<br />

des autres. Elle se définit par<br />

la distribution. Il y a des chefsd’œuvre<br />

créatifs et des parfums<br />

plus communs aussi bien dans les<br />

marques confidentielles que dans<br />

de grandes marques.<br />

Recueillis par<br />

ANTIGONE SCHILLING<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 123 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

OBJETS<br />

LUXE<br />

LES CLASSIQUES<br />

COMMENT UN OBJET DEVIENT-IL UN<br />

INCONTOURNABLE, UNE VALEUR<br />

SÛRE ? RÉPONSES À TRAVERS 5<br />

PIÈCES QUE TOUT AMATEUR.TRICE<br />

ÉCLAIRÉ.E DOIT POSSÉDER.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 124 . Spécial LUXE 2020


Focus : objets<br />

Cachemire de la<br />

maison Montagut,<br />

installée en Ardèche<br />

depuis 1840, garante<br />

du tricotage à la<br />

française.<br />

PHOTOS : © MASON MONTAGUT.<br />

Un beau design ne suffit pas pour<br />

durer. Pour traverser les époques,<br />

un objet doit concentrer en lui<br />

des émotions. Des souvenirs,<br />

des émotions collectives, individuelles<br />

qui vont se transmettre<br />

d’une génération à l’autre. Il s’inscrit<br />

dans une lignée, participe<br />

à la construction de sa généalogie et devient lui-même<br />

un mythe. Dès lors que son imaginaire est cultivé par un<br />

récit, il gagne le challenge faustien : il est immortel. On<br />

dirait classique en franais et « subdued » en anglais (tamisé).<br />

Une combinaison entre passé et présent qui ouvre<br />

la voie du futur. Mais qui creuse aussi les aspérités des<br />

classes sociales.<br />

Fil d’origine<br />

Pièce mode sous les aiguilles de Lucien Pellat Finet<br />

qui l’a sorti de son confinement bourgeois, devenu un<br />

basique du vestiaire dès lors que des enseignes comme<br />

Uniqlo ou Monoprix ont démocratisé ses mailles. Revirement<br />

de situation, le cachemire remonte l’échelle du<br />

luxe. Ce fil animal est porté par leurs nouvelles valeurs.<br />

Sa chaleur légendaire est un cocon doux, protecteur, enveloppant<br />

et émotionnel, que s’approprient tous les labels<br />

qui travaillent lifestyle et préciosité. À l’image de Maison<br />

Montagut qui, elle, a la vertu de l’infuser de son histoire.<br />

Installée en Ardèche depuis 1840, cette maison est pionnière<br />

du tricotage à la française avec un savoir-faire synonyme<br />

de qualité et de durabilité. Reprise par Marine et<br />

Nicolas Gros, qui représentent la septième génération<br />

d’artisans fabricants, elle s’enracine dans le passé par des<br />

emprunts subtils de dessins, dans ses archives, et, dans<br />

la modernité en cultivant l’éthique du recyclage. Ainsi,<br />

une de ses collections hivernales est montée dans des fils<br />

récupérés de matières usagées.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 125 . Spécial LUXE 2020


Focus : objets<br />

Menottes Love de<br />

Cartier en or jaune et<br />

rose, l'un des bijoux les<br />

plus vendus au monde.<br />

La collection Writers<br />

Edition de Montblanc<br />

rend hommage<br />

chaque année depuis<br />

1992 à un écrivain.<br />

Cette année, Victor<br />

Hugo.<br />

Signature<br />

Spike Lee écrit ses scénarios au stylo-plume. Pour<br />

s’imprégner des mots de Molière, Shakespeare ou Dumas,<br />

Patrice Chéreau recopiait à la main leurs œuvres.<br />

Parfois plusieurs fois. C’est dire l’importance de l’écriture…<br />

Penser que son usage aurait été balayé par le pianotement<br />

des touches d’une tablette, c’est mésestimer<br />

le pouvoir de l’encre qui continue de jaillir de ces objets<br />

ciselés comme des pièces d’orfèvrerie. Si, autrefois, le<br />

Montblanc exprimait la réussite, il a basculé aujourd’hui<br />

du côté des esthètes qui apprécient autant pour la beauté<br />

calligraphique qu’il induit que pour la petite musique de<br />

sa plume. Ce qui induit un savoir-faire rare, celui que les<br />

maîtres orfèvres et les maîtres sertisseurs se transmettent<br />

depuis la création de la maison en 1906 à Hambourg. À<br />

admirer dans Writers Edition dont le raffinement est<br />

époustouant. Cette collection rend hommage chaque<br />

année depuis 1992 à un écrivain. Après Rudyard Kipling,<br />

William Faulkner… et une seule femme, Virginia Woolf,<br />

elle consacre l’œuvre de Victor Hugo. Soit quatre séries<br />

de stylos billes, de stylos plumes dont le ciselage est un<br />

travail de haute orfèvrerie rare et précieux.<br />

Libertin<br />

En principe, dans le choix des filles, le bracelet vient<br />

en troisième position, après les bagues et les boucles<br />

d’oreilles. Sauf quand il s’agit de cette menotte en or<br />

jaune ou rose signée Cartier. La forme pure et sobre de<br />

Love a été dessinée par Aldo Cipullo à New York en 1969.<br />

En pleine période de libération des mœurs, ce jeune designer<br />

veut alors sceller l’amour éternel. Un symbole à<br />

contretemps ? Pas vraiment. Ce bracelet ciselé de vis et<br />

clos par un tournevis marque une rupture dans la joaillerie.<br />

Il la fait basculer dans la modernité en rompant avec<br />

plusieurs décennies de fioritures chargées, de pièces<br />

statutaires, travaillées à l’extrême. On bascule dans une<br />

joaillerie plus audacieuse, spectaculaire par sa sobriété<br />

et en mouvement sur le corps. insi, Love a une exibilité<br />

au poignet qui cache une technique novatrice de<br />

mise au point. S’il a été voulu mixte, c’est le sexe féminin<br />

qui a fait son succès planétaire et, de lui, l’un des bijoux<br />

les plus vendus au monde. Changement de code, ce qui<br />

ne déplairait pas à son inventeur, porté par le nouvel<br />

engouement des hommes pour les bijoux, il s’affiche<br />

aux poignets masculins, comme un lien qu’on échange,<br />

qu’on partage, plus genderless que jamais.<br />

Emblématique<br />

Récemment, le site Vestiaire Collective a listé les dix<br />

montres les plus bankables selon lui. Parmi elles, quatre<br />

Rolex, trois modèles masculins et un féminin. Et ce n’est<br />

pas parce qu’il y a quelque temps on lui a bêtement collé<br />

PHOTOS : © MONTBLANC. ©CARTIER ©LAZIZ HAMANI.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 126 . Spécial LUXE 2020


Focus : objets<br />

Le sac Birkin est<br />

toujours le sac le plus<br />

vendu chez Hermès<br />

(print de<br />

l’agence<br />

Publicis Etnous).<br />

PHOTOS : © ROLEX – CLAUDE BOSSEL. © STUDIO DES FLEURS POUR HERMÈS.<br />

L'Oyster octogonale<br />

et l'Oyster Perpetual<br />

41, de Rolex, signes<br />

de bon goût et en<br />

tout cas assurance de<br />

longévité.<br />

une image de réussite ou de nouveau riche. Rolex<br />

est l’expression de la perfection horlogère. Fondée<br />

en 1905 par Hans Wildorf, la maison est devenue, à<br />

son décès, une fondation afin de protéger son capital.<br />

Elle est donc restée sans compromission. Outre<br />

que porter une Submariner ou une Oyster est signe<br />

de bon goût, c’est aussi une assurance de longévité.<br />

Longévité de leurs mécanismes, de leurs complications<br />

qui sont capables de remonter le temps sans<br />

jamais freiner. Pérennité de leurs lignes à l’identité, à<br />

l’élégance sobre et intemporelle. Cette philosophie de<br />

garde-temps à la qualité irréprochable les rend addictifs<br />

pour les jeunes générations. Ils ne les portent pas<br />

parce qu’elles représentent un investissement à succès<br />

mais parce qu’elles sont uniques dans leur genre<br />

avec leur qualité validée par chaque génération à<br />

chaque décennie. Soit une réussite emblématique…<br />

Fonctionnelle<br />

Chez Hermès, on ne parle pas de classicisme, mais<br />

de pérennité. Ce qui permet à cette maison d’échapper à<br />

toutes les crises. Ainsi, ce printemps, en pleine tempête<br />

sanitaire mondiale, elle a ouvert des boutiques à Madrid,<br />

Osaka et à Dalian, en Chine. Sans oublier une nouvelle<br />

usine en Ardèche… Avec ses lignes nettes, sans chichis,<br />

minimalistes, le sac Birkin a été le premier it-bag et est<br />

toujours le sac le plus vendu chez Hermès. On pourrait<br />

dire qu’il réassure parce qu’on le connaît, qu’on le reconnaît,<br />

car sa qualité est immuable. On dira plutôt qu’il est<br />

attirant puisque, derrière ses cuirs numérotés et séries<br />

très limitées, il est d’une fonctionnalité idéale. Jane Birkin,<br />

qui l’a conçu en duo avec Jean-Louis Dumas, ne l’a<br />

pas voulu comme un sac show mais comme un cabas<br />

pratique dans lequel on range et on trouve tout. Le Birkin<br />

n’est donc ni un sac de dame ou de fashionata mais<br />

le fourre-tout ultra-beau et ultra-raffiné des filles qui<br />

réussissent, mais qui n’affichent pas leur identité dans<br />

cette réussite. Si on « pintereste » les célébrités qui l’ont<br />

adopté, le collectionne à l’overdose, derrière chacune<br />

se cache une Birkin, une personne vraie, réelle. Le Birkin,<br />

c’est donc l’expression d’un luxe féminin, et on peut<br />

compter sur les doigts d’une main les objets qui le sont<br />

autant que lui.<br />

CATHERINE JAZDZEWSKI<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 127 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

BIEN-ÊTRE<br />

L'ESPRIT<br />

maisons<br />

par CATHERINE JAZDZEWSKI<br />

D'EXCEPTION ON PASSE<br />

À AFFECTIF. LES HÔTELS<br />

SE MÉTAMORPHOSENT<br />

ET ÉPOUSENT L'AIR DU<br />

TEMPS. ON Y FAIT UN<br />

PEU PLUS QUE PASSER<br />

LA NUIT. ON RETROUVE<br />

LA MÉMOIRE OU ON<br />

FAIT UNE EXPÉRIENCE.<br />

4 LIEUX LOIN DES<br />

PALACES.<br />

On sort du décor. On ne dort plus dans la<br />

chambre d’un autre, fût-elle celle d’un<br />

designer à la renommée internationale.<br />

Le mouvement des hôtels signés comme<br />

un mobilier aura bercé les nuits des globetrotters<br />

depuis qu’à Londres, en , Ian Schrager confie<br />

la réalisation intérieure de l’hôtel Anderson à Philippe<br />

Starck. Le gourou français imagine alors pour cette ancienne<br />

fabrique de papiers peints un univers surréaliste<br />

emprunté à Cocteau. Quant à son théâtral spa, il donne<br />

le coup d’envoi de ces temples du bien-être… Dès lors,<br />

tous les hôtels chics de la planète se sont mis à revendiquer<br />

une identité, une signature visuelle bien plus que<br />

l’hospitalité que confort. « Si ces dernières années, le luxe<br />

était lié à l’esthétisme, la situation actuelle a accéléré sa<br />

mutation. Il se métamorphose en une autre forme, plus<br />

incarnée, plus humaine, plus organoleptique, commente<br />

Luca Marchetti du label The Prospectivists. On pourrait<br />

parler de luxe cool, mais c’est un peu réducteur, car cela<br />

ne tient pas compte de son ancrage dans l’intime. Le nouveau<br />

luxe parle de partage, d’affectivité. On y adhère car<br />

il revient à ses fondamentaux, il reète de ce que nous<br />

sommes. N’oubliez pas qu’avant d’être un produit, d’avoir<br />

une valeur matérielle, il est une croyance, il a une aura de<br />

merveille. » Voilà pourquoi les boutiques hôtels, sémantiquement<br />

liés à la consommation, laissent la place aux<br />

« maisons », des lieux à échelle humaine que l’on habite<br />

comme si elles étaient les nôtres, qui sont incarnées par<br />

leurs propriétaires, lesquels proposent à leurs invités de<br />

vivre des expériences. Cela peut être des expériences<br />

artistiques comme celles de la Maison La Minervetta à<br />

Naples, locavores comme la ferme Les Callis de Gordes où<br />

l’on hâle face à un potager en permaculture où l’on cueille<br />

soi-même les herbes et les légumes de son déjeuner. Cela<br />

peut-être des immersions dans la cambrousse profonde<br />

comme avec les Maison Aribert et Céranne. On n’achète<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 128 . Spécial LUXE 2020


Focus : bien-être<br />

Vue spectaculaire<br />

sur l'Estérel de la<br />

résidence d'artistes<br />

Green Galaxie.<br />

PHOTOS : © VILLEROY-DR. © MATTHEW FROST.<br />

La caisse d'escalier<br />

de l'Hôtel Particulier<br />

Villeroy. Une<br />

maison privée de 11<br />

appartements dans<br />

le 8 e arrondissement<br />

de Paris.<br />

plus des rêves, on les vit. Même à Hollywood, puisque<br />

Avi Brosch, le nouveau tycoon de l’hôtellerie de luxe<br />

américaine, ouvre à Los Angeles des maisons privées<br />

qui renouent avec la amboyance de celles des nababs<br />

des années trente, quarante…<br />

Maison privée<br />

Cette demeure du début du XX e siècle a été celle<br />

d’une famille dont le nom est lié à l’art de vivre<br />

à la française. Le passé ne s’efface pas. Dès que<br />

l’on franchit la porte de l’Hôtel Particulier Villeroy, on est<br />

pris, happé par son atmosphère pourtant zéro show off,<br />

sobre, feutrée. Le lieu, qui n’est ni un hôtel, ni un palace,<br />

est empreint de ce luxe classique, presque intemporel<br />

qui rime avec chic et élégance. Cette maison privée se<br />

compose de onze appartements, soit des suites et des<br />

chambres où l’on vous accompagne dès votre arrivée. À<br />

votre service, jour et nuit, nuit et jour, un majordome.<br />

Vous pouvez aussi bien avoir votre table à son restaurant<br />

gastronomique, le Trente Trois, que dîner dans<br />

votre salle à manger. Le bar Jean Goujon renoue avec<br />

l’esprit club privé et sa carte de whiskies japonais est la<br />

plus belle de la capitale, mais réservée aux hôtes du moment…<br />

Le luxe, c’est aussi la mémoire. Se rappeler lors<br />

de votre prochain séjour que vos eurs préférées sont les<br />

pivoines anciennes, que vous préférez le Chasse Spleen<br />

Cuvée 12 plutôt que 14…<br />

Maison brutaliste<br />

Elle a passé toute son enfance dans cette maison de<br />

l’Estérel que son grand-père a voulu à la fin des<br />

années cinquante pour sa grand-mère. Il en avait<br />

alors confié la réalisation à son ami Pierre Paulin. « Ce fut<br />

le premier boulot de Pierre, raconte Jennifer Eymère. Il<br />

s’est inspiré des villas californiennes de Richard Neutra<br />

mais il ne l’a pas achevée, car appelé par d’autres commandes<br />

dont les appartements de l’Elysée. » Cette utopie<br />

architecturale en devient une autre, sociétale, sous<br />

la houlette de cette jeune femme. La maison de famille<br />

devient la base d’un vaste projet consacré à l’écologie.<br />

D’où son nom : Green Galaxie. Soit une résidence d’artistes,<br />

une scène d’événements privés, notamment pour<br />

Vuitton, un lieu de soutien aux savoir-faire locaux, dont<br />

le liège et la céramique, mais aussi une ferme d’agrotourisme.<br />

Cette Green Galaxie Farm cultive exclusivement<br />

le chanvre et c’est dans ses champs que le designer Ora<br />

Ito installera l’an prochain non pas un hôtel mais 60<br />

cabanons. Construite en matériaux bruts et naturels,<br />

habillée de chanvre et de liège, chaque cabane aura bien<br />

sûr un impact environnemental négatif. On pourra aussi<br />

profiter d’un spa et d’une table cannabis.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 129 . Spécial LUXE 2020


Focus : bien-être<br />

Dans le Perche, par<br />

une belle journée<br />

de printemps, une<br />

maison de campagne,<br />

D'Une Île.<br />

Une des quatre<br />

chambres et un détail<br />

du vitrail du lobby<br />

au Collatéral, dans le<br />

cœur d'Arles.<br />

Maison d’art<br />

Avant de devenir cette maison époustou-<br />

ante, inclassable tant elle est unique, ce fut<br />

une église, un cabaret, puis un magasin de<br />

meubles. Anne Laurence et Philippe Schiepan partagent<br />

au moins deux passions, l’art et l’architecture,<br />

ce qui leur a permis d’inventer de toutes pièces cet<br />

htel, le Collatéral, qui propose sur m 2 quatre<br />

chambres, sans oublier une terrasse à ciel ouvert.<br />

utant dire que le lieu a du soufe, qu’il est habité<br />

par le goût entre pierres, béton et bois. Un escalier<br />

sculptural relie les espaces pleins d’espace à vivre et<br />

à dormir où l’on vient faire une pause, se reconnecter à<br />

soi, à son rythme, mais aussi, s’enrichir, s’ouvrir au fil des<br />

happenings et des performances qui peuvent tout à coup<br />

s’improviser. Artistes, musiciens, chorégraphes sont ici<br />

de passage, fut-ce pour quelques heures, comme dans<br />

une résidence. N’oubliez pas que l’on est au cœur de la<br />

vibrante et culturelle Arles… On participe à la création,<br />

on n’est jamais spectateur. Et si on aspire à la tranquillité,<br />

celle-ci n’est jamais troublée, dérangée grâce à la vigilance<br />

pointue des fondateurs, à leur sens de l’hospitalité<br />

et à leur attention des détails.<br />

Maison de campagne<br />

Mais c’est le trou du monde… », voilà ce que l’on<br />

entendait dire voici peu encore à propos du<br />

Perche. Et pourtant c’est dans ce bocage nor-<br />

mand que, depuis, deux, trois ans, le Tout-Paris, quartiers<br />

9 e et 11 e , rachètent d’anciennes fermes dont ils ne gardent<br />

les vieilles façades dans leur jus décrépi et organisent<br />

entre amis des barbecues de viandes en chemise de trappeurs.<br />

Ce qui est l’esprit D’une Île. À quelques encablures<br />

de Nogent-le-Rotrou, Théophile Pourriat et Bertrand<br />

Grebaut, les patrons du restaurant Septime, ont ouvert<br />

ce qu’ils appellent leur « maison de campagne ». Hôtel,<br />

maison d’hôtes, cet ancien ensemble de cinq bâtiments<br />

en pierre du XVII e siècle cultive effectivement l’esprit<br />

de la maison où l’on vient respirer le week-end. Ils l’ont<br />

rénové en dix chambres et une table restaurant. Aux<br />

beaux jours, on déjeune, on dîne sur le haut de la colline<br />

avec vue imprenable sur les prairies une cuisine locale,<br />

durable, basée sur le végétal. Si on passe dans le coin, on<br />

peut y réserver son couvert. Mais surtout ses jolis points<br />

de vue sur la nature, sont privatisables. De quoi organiser<br />

de belles, très belles fêtes…<br />

PHOTOS : © RORY WYLIE. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 130 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

L'ESPRIT DU LIEU<br />

Propriétés prisées<br />

EXCLUSIF<br />

PARTA-<br />

GER<br />

par CATHERINE JAZDZEWSKI<br />

LE PARAÎTRE, L’ACCUMULATION,<br />

LA POSSESSION NE SONT PLUS<br />

DE MISE. DÉSORMAIS, POUR<br />

ÊTRE EXCLUSIF, ON DOIT<br />

PARTAGER, S’EXPLIQUER. SIX<br />

ADRESSES À VISITER POUR<br />

COMPRENDRE.<br />

Tout comme on veut vivre des expériences,<br />

on veut s’approprier<br />

le savoir-faire qui est à l’origine<br />

d’un mécanisme horloger, de<br />

l’assemblage d’un alcool ou<br />

de la création d’un objet, d’un<br />

mobilier. D’où ces lieux dédiés.<br />

Ils ne sont pas des vitrines, mais<br />

des immersions dans l’histoire, la culture des maisons.<br />

Le succès de l’École des Arts Joailliers, initiée par Van<br />

Cleef and Arpels il y a dix ans, son exportation à Dubaï<br />

et à Hong Kong, illustre ce besoin désormais compulsif<br />

de s’approprier l’excellence, non pas pour le vulgariser,<br />

mais pour l’émotion, le frisson que procurent ces<br />

savoirs qui se transmettent d’initiés à initiés depuis des<br />

siècles. S’ils n’ont pas de prix pour les amateurs, ils légitiment<br />

néanmoins ceux-ci. …<br />

PHOTOS : DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 132 . Spécial LUXE 2020


Focus : l'esprit du lieu<br />

La Vitra Haus,<br />

construite par les<br />

architectes Herzog &<br />

de Meuron, à Weilam-Rhein,<br />

dans le<br />

Bade-Wurtemberg en<br />

Allemagne.<br />

Paysage intérieur/extérieur<br />

Après Ilse Crawford, India Madhawi et Raw Edjes,<br />

la Vitra Haus invite pour ses dix ans Charlap Hyman &<br />

Herrero. Le studio américain a créé pour l’éditeur suisse<br />

de mobilier un paysage intérieur luxuriant qui reète<br />

les tensions entre ancien et nouveau, étrange et réel,<br />

et dans lequel les meubles composent une promenade<br />

hommage au cinéma avec ses références à Cocteau et à<br />

Antonioni. Dehors, un jardin de 4 000 m 2 a été planté par<br />

le paysagiste néerlandais Piet Oudlolf, le chef de file des<br />

jardins naturalistes et sauvages à vivaces et à graminées.<br />

Cimaises vénitiennes<br />

Après la mode, la beauté préempte l’art à Venise,<br />

avec la fondation Valmont, voulue par Didier Guillon,<br />

fondateur et président du groupe suisse de cosmétiques.<br />

Esthète et collectionneur, il a acquis sur<br />

le Grand Canal, à Santa Croce, le Palazzo Bonvicini.<br />

Cette demeure de la Renaissance dont il a conservé les<br />

lustres, est la scène d’expositions, et une résidence pour<br />

les artistes qu’il affectionne, comme Aristide Nagean et<br />

Silvano Rubino. Sculptures et photographies, ceux-ci<br />

livrent cette saison dans Venetian Love leurs regards<br />

sur la lagune et ses îles.<br />

Didier Guillon, esthète<br />

et collectionneur, a<br />

acquis sur le Grand<br />

Canal, à Santa Croce,<br />

le Palazzo Bonvicini.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 133 . Spécial LUXE 2020


Focus : l'esprit du lieu<br />

Près de New York. La<br />

Sylvan Rock House,<br />

tout en cèdre, dispose<br />

d'une piscine et d'un<br />

garage abritant une<br />

Aston Martin concue<br />

pour la résidence.<br />

Quartier Général<br />

Décor d’un prochain James Bond ? Sur les rives de<br />

l’Hudson, à une encablure de New York, Aston Martin<br />

coule les fondations de sa première maison privée. Au<br />

cœur d’un parc boisé, cette demeure luxueuse d’une surface<br />

totale de 555m 2 , 4 chambres 4 salles de bain, est<br />

construite en partenariat avec l’agence S3 Architecture,<br />

et s’intègre totalement au paysage avec son cèdre noirci<br />

et ses immenses baies vitrées. Cette Sylvan Rock House<br />

qui reprend le style chic et sobre du constructeur anglais,<br />

privilégie au jacuzzi… le garage. Ses futurs propriétaires<br />

y gareront leurs trois Aston Martin dont une DBX<br />

Onyx Black conçue pour la résidence. Livraison prévue<br />

en 2021 pour un montant de 6,5 millions d’euros.<br />

La création du temps<br />

L’horlogerie suisse a longtemps cultivé le secret. Elle<br />

se met à l’heure de ses collectionneurs en leur ouvrant<br />

enfin ses manufactures. Ce qui rendra ses remontetemps<br />

encore plus précieux. Jaeger-Lecoultre invite<br />

ainsi à l’Atelier d’Antoine, du prénom de son fondateur<br />

Antoine Lecoultre. Outre la visite de ses ateliers<br />

qui datent de 1833, on pourra – avec une certaine<br />

émotion participer à des master classes, s’initier à<br />

la conception d’un modèle, de son mouvement, de sa<br />

complication, et cela sous la direction bienveillante de<br />

ceux qui les créent, ses maîtres horlogers.<br />

L’Atelier d’Antoine<br />

se trouve dans la<br />

Manufacture historique<br />

de Jaeger-Lecoultre<br />

située dans le village du<br />

Sentier, en Suisse.<br />

PHOTOS : FOR ASTON MARTIN-© S3 ARCHITECTURE, COURTESY CORCORAN COUNTRY LIVING. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 134 . Spécial LUXE 2020


Focus : l'esprit du lieu<br />

Le Hennessy X.O.<br />

Club, aux teintes<br />

cognac, à Cognac.<br />

Maître assemblier<br />

Cognac n’étincelle pas comme Versailles. Mais telle<br />

est l’ambition de Hennessy qui a fait appel au duo de<br />

Festen rchitecture pour donner un nouveau soufe au<br />

bureau du maître assembleur. Mêlant tradition et modernité<br />

à la manière des assembliers, ils ont joué avec<br />

subtilité des matières, des couleurs pour faire resurgir<br />

dans ce lieu masculin voué à l’ouvrage son âme qui couvait<br />

sous les boiseries. Ce qui s’allie harmonieusement<br />

à la scénographie conçue par Solène d’Aboville pour<br />

l’espace éphémère Hennesy X.O. Club.<br />

Atelier d’écriture<br />

C’est là, à Hambourg, que tout a commencé en 1906,<br />

et c’est là que tout s’écrit encore, notamment dans le<br />

musée Montblanc qui ouvrira en 2021. Si le bâtiment<br />

reprend tous les codes de la maison, à l’intérieur, c’est<br />

à une expérience multisensorielle et interactive que<br />

le visiteur est convié. Imaginez des engrenages surdimensionnés<br />

comme dans Metropolis pour comprendre<br />

les mécanismes d’un stylo-plume, des sculptures cinétiques<br />

qui zooment sur son travail d’ornementation…<br />

Tout montre, démontre que objets d’écriture sont des<br />

accessoires issus des savoir-faire, des métiers d’art…<br />

Le musée Montblanc<br />

ouvrira ses portes à<br />

Hambourg en 2021.<br />

PHOTOS : © HENESSAY-FRANCOIS COQUERE. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 135 . Spécial LUXE 2020


Tendances<br />

FORMES<br />

Design<br />

d'exception<br />

Par CATHERINE HEURTEBISE<br />

UNE CARAFE REVUE PAR UN GRAND ARCHITECTE, UN<br />

CHAMPAGNE QUI S’OFFRE UNE SECONDE PEAU ÉCO-CONÇUE,<br />

UNE MARQUE HORLOGÈRE QUI CRÉÉ SON MUSÉE ATELIER<br />

ET UNE NOUVELLE GRIFFE DE HAUTE-JOAILLERIE QUI VEUT<br />

IMPOSER SON MAILLON JAUNE. LE RAFFINEMENT ET LE FASTE<br />

FLIRTENT AVEC L’HYPER LUXE.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 136 . Spécial LUXE 2020


Tendances : formes<br />

Une seconde peau<br />

éco-conçue pour Ruinart<br />

PHOTOS : DR.<br />

De l’or, du verre et du bronze,<br />

pour Hennessy X.O.<br />

On lui doit le musée Guggenheim à Bilbao, le Walt<br />

Disney Concert Hall à Los Angeles ou encore la Fondation<br />

Louis-Vuitton à Paris. Et c’est lui, Frank Gehry, qu’a<br />

choisi la Maison Hennessy à l’occasion du 150 e anniversaire<br />

de Hennessy X.O pour réinterpréter sa carafe emblématique.<br />

travers deux créations, une pièce exclusive,<br />

mlant les matériaux du bronze, de l’or et du verre<br />

et un coffret en édition limitée, l’architecte mle sa vision<br />

et l’histoire de la Maison. La carafe iconique est enveloppée<br />

dans un écrin plissé de bronze couvert dor carats.<br />

Elle repose sur une sculpture de verre. Ce design a été<br />

réalisé grce au travail minutieux dartisans qui ont créé<br />

une seconde peau pour Hennessy X.O. Chaque étape qui<br />

a permis de donner vie à l’inspiration de Frank Gehry, a<br />

nécessité de nombreuses heures d’attention, de soin et<br />

de minutie. « e voulais donner vie à ennessy .O, alors<br />

je me suis inspiré de son lieu de naissance et jai utilisé le<br />

froissement de la matière pour lui donner une sensation<br />

de mouvement. Les matériaux que jai choisis, attrapent<br />

la lumière et en font un objet singulier à lui seul. C’est<br />

seulement ensuite que l’on s’aperçoit que c’est une bouteille<br />

de ennessy .O », a expliqué Frank Gehry. Pour<br />

approfondir lexpérience autour de la carafe, il a développé<br />

un fusil, fait de laiton et dor, qui reète le rituel<br />

du matre assembleur pour le service optimal du cognac<br />

extra old. Pour renforcer l’effet de contraste, tous les<br />

éléments ont été emballés dans un étui, en carton compressé.<br />

Le coffret se compose d’une carafe Hennessy X.O,<br />

redesignée où l’on retrouve, grce à un jeu de matière<br />

et de transparence, le mouvement, qui est au cur de<br />

toutes les uvres de Frank Gehry. L’architecte a puisé<br />

son inspiration au cur du fleuve de la Charente qui<br />

borde la ville de Cognac, berceau historique de la Maison<br />

ennessy. La carafe est disponible en exemplaires<br />

numérotés et portant la signature de l’artiste, au prix de<br />

15 000 euros. Le coffret en édition limitée est proposé<br />

pour euros.<br />

La Maison Ruinart, plus ancienne marque de<br />

champagne (), a été pionnière sur bien des<br />

fronts : première à commercialiser un champagne<br />

rosé en , première à acquérir des crayères millénaires,<br />

première à collaborer avec des artistes en<br />

, pionnière dès les années pour sa politique<br />

de développement durable Et aujourd’hui,<br />

elle innove encore en remplaant ses coffrets (déjà<br />

plus légers depuis ) par un nouveau packaging<br />

disruptif, éco-conu, zéro plastique, recyclable<br />

et neuf fois plus léger. Cet étui seconde peau, qui a<br />

nécessité deux ans de recherche, sept prototypes et<br />

un million d’euros d’investissement est disruptif au<br />

niveau écologique mais aussi nologique. Fruit du<br />

travail des équipes internes et de leurs partenaires,<br />

le fabricant Pusterla 1880 et la manufacture James<br />

Cropper, cet écrin est composé de fibre de cellulose<br />

ou pâte à papier, ce qui le rend imperméable à la<br />

lumière, laquelle peut altérer le vin et qui résiste à<br />

l’humidité. Ruinart propose aussi une nouvelle gestuelle<br />

: l’étui conserve son intégrité plusieurs heures<br />

dans un seau à glace et son design est inspiré<br />

par la manière dont les matres d’htels<br />

enroulent une serviette blanche<br />

autour des bouteilles de champagne.<br />

Le design a été proposé par l’agence<br />

Chic. Signé du monogramme de la<br />

Maison, le système de fermeture en<br />

papier est à la fois dissimulé et intuitif.<br />

Une enveloppe finement gravée de<br />

détails évoque la texture des crayères<br />

de Reims. Moulé en trois dimensions,<br />

l’étui épouse les formes de la bouteille.<br />

Le coffret est le mme pour les différents<br />

champagnes. Seule l’étiquette<br />

change. Une belle démarche globale<br />

que Violaine Basse, directrice marketing<br />

et communication résume par<br />

ces mots : « ous avons voulu aller<br />

le plus loin possible aussi bien sur<br />

l’empreinte environnementale<br />

que sur les finitions, le design,<br />

les usages ».<br />

Nouveau packaging<br />

en pâte à papier 100 %<br />

recyclable, et neuf fois<br />

plus léger.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 137 . Spécial LUXE 2020


Tendances : formes<br />

Musée Atelier Audemars<br />

Piguet : designer le temps<br />

C’est au cur de la allée de oux, dans le territoire<br />

suisse du Brassus, là où a commencé l’histoire<br />

de la marque horlogère en , qu’udemars<br />

Piguet, l’une des très rares manufactures toujours<br />

détenues par les familles de ses fondateurs a ouvert<br />

avant cet été son musée. Ou plutt son Musée telier.<br />

La simplicité de ce nom, créé par Carré Basset,<br />

laisse entrevoir la dimension expérientielle de cette<br />

marque horlogère qui nous fait perdre la notion du<br />

temps. Alliant une scénographie conçue comme une<br />

partition musicale à une architecture ultra contemporaine,<br />

cet espace fusionne la tradition et la philosophie<br />

avant-gardiste de la manufacture. Conu<br />

par le cabinet d’architecture Big, il réunit latelier<br />

dorigine où les fondateurs se sont installés à une<br />

nouvelle structure de verre en forme de double spirale<br />

sintégrant dans le paysage. Lidentité visuelle,<br />

signée Carré Basset également, est un hommage à<br />

cette prouesse architecturale. Elle adopte une forme<br />

de sobriété qui sera ensuite déclinée sur lensemble<br />

des outils de communication, Le Musée Atelier sert<br />

d’écrin à quelque montres dont de nombreux<br />

chefs d’uvre de complication, de miniaturisation<br />

et de design retraant deux siècles d’histoire horlogère<br />

de la vallée de oux. Par ailleurs, trois ateliers<br />

sont aménagés au cur de l’espace, ce qui permet<br />

aux visiteurs de pouvoir apprécier le travail des horlogers<br />

mais aussi des joailliers, des sertisseurs, des<br />

graveurs Un lieu où vivent les artisans créateurs<br />

qui designent le temps !<br />

Viltier, haute joaillerie solaire<br />

Iris et Thomas, deux amis d’enfance que la vie<br />

sépare puis réunit des années après autour d’une<br />

passion commune pour la joaillerie. C’est l’histoire<br />

de la création de la marque iltier en mars de<br />

cette année folle ! Les créateurs ont fait le dos rond<br />

et attendu la fin du confinement pour révéler leurs<br />

premières collections via une distribution hybride,<br />

entre le on line et le off line. L’ de la marque est<br />

le maillon alluré symbolisé par la collection Magnetic.<br />

Malachite, diamants, lapis, nacre iltier veut<br />

incarner une nouvelle haute-joaillerie ultra-créative<br />

et engagée. Les créateurs utilisent de l’or Fairmined<br />

et les bijoux sont fabriqués en France. BETC esign a<br />

accompagné les fondateurs pour incarner leur vision<br />

d’une haute joaillerie rayonnante et décomplexée.<br />

L’agence a donné naissance à un univers visuel vibrant<br />

et moderne composé de plusieurs éléments<br />

iconiques. Le logotype utilise une typo avec et sans<br />

emptements pour raconter la rencontre des deux<br />

fondateurs et mettre en exergue le dualisme au cur<br />

de la marque. Une couleur identitaire audacieuse,<br />

le jaune, permet à la marque de traduire sa vision<br />

d’une haute joaillerie solaire et positive. Le symbole<br />

de marque raconte le lien et la volonté de réunir tradition<br />

et modernité. Un « pattern » iconique inspiré<br />

des grandes maisons s’inscrit dans les codes du luxe,<br />

tout en se les réappropriant. Enfin, un système de<br />

branding exible et évolutif donne l’opportunité à<br />

cette jeune marque de s’exprimer de manière optimale<br />

sur l’ensemble de ses points de contacts. BETC<br />

esign a aussi créé les packagings et les plateaux de<br />

présentation des bijoux dont les prix vont de à<br />

euros, voire plus.<br />

Le Musée Atelier<br />

Audemars Piguet, en<br />

Suisse, conçu par le<br />

cabinet d'architecture<br />

danois Big.<br />

PHOTOS : © DR.


Interview<br />

PATRIMOINE<br />

LES LUXES,<br />

C’EST LA<br />

DIVERGENCE<br />

LA DIRECTRICE DU STYLE DES MAISONS<br />

MARTELL, MUMM ET PERRIER-JOUËT,<br />

AXELLE DE BUFFÉVENT, DÉVOILE LES<br />

CONTOURS DE SA FONCTION. ET EXPLIQUE<br />

EN QUOI LE LUXE DOIT ÊTRE ÉQUIVOQUE.<br />

<strong>CB</strong>N : Vous êtes directrice du style pour<br />

trois marques, Martell, Mumm et Perrier-Jouët,<br />

qu'est-ce que recouvre votre fonction ?<br />

Axelle de Buffévent : C’est orchestrer les expressions<br />

visuelles et verbales de trois marques de luxe au<br />

sein de Pernod-Ricard qui n’est pas un groupe de luxe.<br />

C’est une création de poste et je suis directement rattachée<br />

au président [NDLR : Alexandre Ricard] et fais<br />

partie du comité de direction. C’est une expression assez<br />

nette de la volonté de placer la création comme un actif<br />

stratégique. Je travaille sur le patrimoine, l’ancrage<br />

culturel de chacune des trois maisons avec un champ<br />

d’action très ample : campagnes de communication,<br />

événements, expériences, innovation produit et packaging…<br />

En veillant à ne pas être passéiste. Car là où il y<br />

a patrimoine, il y a créativité. Une équipe de vingt-cinq<br />

personnes accompagne cette ambition : copywriters, directeurs<br />

artistiques, photographes, designers espace et<br />

produit, réalisateurs… Certains appartiennent à des collectifs<br />

spécialisés dans le luxe. Certains sont freelances<br />

sous contrat, d’autres pas. Et tous sont engagés sur le<br />

long terme avec nous et ce sur les trois marques. Cette<br />

équipe, je l’ai voulue ainsi étant moi-même quelqu’un<br />

de très libre. Dans ma carrière, j’ai très souvent occupé<br />

des fonctions qui… n’existaient pas. Travailler sous<br />

contrainte n’est pas possible dans les métiers créatifs.<br />

<strong>CB</strong>N : Vous menez trois stratégies<br />

différentes pour chacune de ces trois marques,<br />

qu'est-ce qui est commun ?<br />

Axelle de Buffévent : Notre ancrage c’est le vivant.<br />

La terre, la vigne. Avec les métiers qui les façonnent et<br />

les respectent. Nous prônons des approches de plus en<br />

plus ouvertes avec les viticulteurs et les vignerons. La<br />

formation par exemple vers la transition écologique<br />

est centrale et vitale dans vos métiers. Nous avons par<br />

exemple, pour Perrier-Jouët, produit une Ecobox qui<br />

réduit drastiquement notre empreinte écologique.<br />

Nous avons diminué le poids du coffret de 30 %, les<br />

encres, la surface imprimée, et totalement supprimé les<br />

vernis. Le tout avec des fibres naturelles rendant le coffret<br />

recyclable. Un travail colossal mené en une année<br />

avec le fabricant Le Sanglier.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 140 . Spécial LUXE 2020


Le Curiosity Cloud du<br />

collectif Mischer'taxler<br />

à la Maison Belle<br />

Époque d'Epernay.<br />

PHOTO : © ED REEVE. DR.<br />

AXELLE DE<br />

BUFFÉVENT<br />

est directrice de style<br />

chez Martell Mumm<br />

Perrier-Jouët.<br />

Ci-contre, l'Écobox, le<br />

coffret responsable.<br />

<strong>CB</strong>N : Vous dites que la période que nous<br />

vivons est propice à la création, pourquoi ?<br />

Axelle de Buffévent : L’histoire nous aide à comprendre<br />

que les crises et les grandes secousses sociales<br />

ont toutes été exprimées par les artistes avant qu’elles<br />

ne surviennent. L’art nouveau par exemple est né sur<br />

le terreau de l’industrialisation et de la misère sociale<br />

qu’elle a installée. Il s’agissait de réinjecter du beau<br />

dans le travail de la main en décloisonnant les disciplines<br />

artistiques. C’est le premier mouvement artistique<br />

qui s’est mondialisé. La fin du e siècle est, par<br />

certains aspects, comparable à ce que nous vivons.<br />

L’intelligence artificielle crée autant d’angoisses que les<br />

débuts de l’industrialisation. C’est ce que nous voulions<br />

traduire avec le collectif autrichien mischer’traxler et<br />

leur œuvre connectée au vivant Curiosity Cloud. Une<br />

œuvre qui fait partie de notre fonds artistique qui s’exprime<br />

notamment à DesignMiami/ où nous sommes<br />

partenaires depuis huit ans et bien sûr à la Maison Belle<br />

Époque à Epernay. Enfin, les mouvements collectifs,<br />

notamment d’opposition et de solidarité, nés pendant<br />

les crises, sont très inspirants pour la création. Le luxe<br />

devrait s’en inspirer davantage à mon sens.<br />

<strong>CB</strong>N : Est-ce que vos sources<br />

d'inspiration ont changé depuis le<br />

printemps ?<br />

Axelle de Buffévent : Elles ont muté. Et<br />

l’isolement confirme mon besoin d’être<br />

entourée. Les expositions et le théâtre me<br />

manquent cruellement. La nature est redevenue,<br />

comme beaucoup, une source d’inspiration.<br />

Au niveau professionnel, pour un<br />

groupe comme le nôtre qui place la convivialité au<br />

centre, c’est évidemment difficile. ans notre nouveau<br />

siège nous avons placé un bar… À nous d’imaginer une<br />

nouvelle convivialité pour nous et nos clients. On y<br />

travaille.<br />

<strong>CB</strong>N : Vous avez suivi une formation artistique<br />

solide – École du Louvre, Esat, Atelier Met<br />

de Penninghen - en quoi vous aide-t-elle dans<br />

votre carrière ?<br />

Axelle de Buffévent : Elle m’aide parce que je n’ai pas<br />

de carrière Comme je parle le mme langage que les<br />

artistes, je fais le pont avec l’entreprise et les Maisons. Je<br />

ne suis pas contrainte dans ma fonction. Je ne peux travailler<br />

que comme cela.<br />

<strong>CB</strong>N : Ce numéro a mis un pluriel au mot<br />

luxe, qu'est que ce “ s ” vous inspire ?<br />

Axelle de Buffévent : Le luxe ne peut être univoque.<br />

Le « s » c’est la divergence. C’est salvateur ce pluriel.<br />

C’est aussi de la générosité. Ce serait d’un ennui si le<br />

luxe était pensé et traduit au singulier.<br />

Recueilli par<br />

AMELLE NEBIA<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 141 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

SPIRITUEUX,<br />

vue de l’esprit<br />

EN ALLIANT MYSTÈRE ET POÉSIE, CAMILLE HEDIN ET MARLÈNE STAIGER<br />

ONT CRÉÉ DES LIQUEURS COMME DES PARFUMS. BIENVENUE CHEZ<br />

H-THEORIA, AU BAR DES ANGES...<br />

À gauche, Camille<br />

Hedin et Marlène<br />

Staiger cofondatrices<br />

de H-Theoria. Sur la<br />

carte : Electric Velvet,<br />

Amour Matador, Cuir<br />

Lointain et Midi Fauve.<br />

L’odorat est le sens de l’imagination », philosophait<br />

Jean-Jacques Rousseau. Marlène Staiger et<br />

Camille Hedin ne se sont, elles, pas contentées de<br />

philosopher. Elles ont poussé à l’extrême la maxime du<br />

philosophe des Lumières puisqu’elles ont créé en <br />

– grâce à leur nez – H-Theoria, une marque de liqueurs<br />

d’un nouveau genre. Au départ, Ni Marlène ni Camille<br />

ne viennent de cet univers des spiritueux. Camille Hedin<br />

est une femme de commerce et elle s’est d’abord tournée<br />

vers la gastronomie en travaillant longtemps pour Lenôtre.<br />

Marlène, elle, est l’artiste du couple. Après un IUT<br />

de génie biologique en science et industrie alimentaire,<br />

un stage chez Gabriel Boudier. Marlène a intégré l’ISIPCA<br />

(Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique<br />

et de l’aromatique alimentaire) où elle s’est spécialisée<br />

en aromatique alimentaire puis, pendant quatre<br />

ans, elle a géré le service R & D du FoodLab, où elle a travaillé<br />

avec Christophe Laudamiel, son mentor. Camille<br />

est donc la commerciale, tandis que Marlène est le nez,<br />

l’artiste de la marque. « Avec Christophe, on imaginait<br />

des expériences sensorielles qui mêlaient la science et<br />

les arts. Avec un parfum, on raconte une histoire : j’avais<br />

envie d’avoir la même approche dans les spiritueux, de<br />

reproduire le goût des émotions. Un soir, Camille m’a<br />

dit : « On va le faire ! ». Trois ans plus tard, nous avons<br />

lancé Perfidie, ystérie et Procrastination », se souvient<br />

Marlène Staiger. Elle ajoute : « Le principal point com-<br />

mun entre la parfumerie et les spiritueux, c’est que l’on<br />

part de matières premières pour créer des assemblages<br />

aromatiques. » Assemblages aromatiques et ambiances.<br />

H-Theoria adopte à la fois les codes de la parfumerie et<br />

aussi des grandes marques de spiritueux, avec un design<br />

audacieux et poétique signé Pixelis. D’ailleurs, alors que<br />

la marque existe depuis trois ans, en cette fin , elle<br />

accélère. Les trois liqueurs historiques changent de nom<br />

et de packaging : ystérie devient Electric elvet, Perfidie<br />

devient Amour Matador, et Procrastination devient<br />

Cuir Lointain. Une quatrième liqueur voit le jour : Midi<br />

Fauve. « Avec ces changements de noms et d’étiquettes,<br />

et ce lancement nous affirmons un peu plus la dimension<br />

artistique de H-Theoria », détaille encore Marlène Staiger.<br />

Et quid du nom : « H-Theoria » ? « C’est la théorie du<br />

H. Nous avions Camille et moi envie de créer un univers<br />

mystérieux et le H nous apparaît comme la lettre qui relie<br />

la matière à l’esprit », décrypte avec poésie la fondatrice.<br />

Pour l’heure, ces liqueurs trouvent un nouveau public : des<br />

femmes mais aussi des curieux qui cherchent de nouvelles<br />

expériences avec les alcools pour sortir du whisky et du<br />

rhum. -Theoria écoule bouteilles par an, est déjà<br />

présente en Angleterre, en Italie, en Suisse, en Norvège,<br />

à Hong-Kong, aux Pays-Bas et devrait être aux USA et en<br />

sie d’ici à deux ans. L’odeur apaisante et vivifiante de ces<br />

liqueurs va bientôt picoter les narines du monde entier.<br />

DAVID MEDIONI<br />

PHOTOS: © JF KERN RENT.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 142 . Spécial LUXE 2020


publi-info<br />

Des Stories aux Success Stories<br />

Le nouveau rapport au temps, véritable enjeu des marques de luxe.<br />

De plus en plus de marques, de plus en<br />

plus d’influenceurs, de plus en plus de<br />

plates-formes, de plus en plus d’usages,<br />

de plus en plus de formats, de plus en<br />

plus de points de contact. Il y a de plus<br />

en plus de tout.<br />

Dans cette inflation généralisée de ce<br />

qui fait la matière première de la communication,<br />

il y a un facteur qui ne<br />

bouge pas, qui reste indéboulonnable, il<br />

y a une donnée absolument inamovible :<br />

c’est le temps. Il n’y a que 24 heures dans<br />

une journée. C’est non négociable.<br />

Si on y pense, c’est beaucoup. Cela permet<br />

théoriquement à n’importe qui<br />

de regarder plus de 28000 vidéos par<br />

jour si, comme YouTube, on considère<br />

qu’une vidéo est vue quand elle a été<br />

visionnée trois secondes.<br />

24 heures c’est donc en réalité infime.<br />

Il y a tant de marques qui ont de belles<br />

histoires à raconter, tant de produits<br />

incroyables à présenter, tant de reasons<br />

to believe à expliquer, tant de traits de<br />

personnalité à exposer !<br />

Le plus grand défi des marques<br />

d’aujourd’hui est bien d’ordre temporel.<br />

La marque c’est le temps long, c’est<br />

la construction patiente d’affects,<br />

d’images, de représentations, d’associations.<br />

Comment peut-on construire une<br />

marque aujourd’hui dans un monde<br />

où tout est fragmenté, où le discours<br />

est miniaturisé, où le temps d’attention<br />

moyen sur Internet est évalué à huit<br />

secondes ? Commet marquer les esprits<br />

alors que les formats de communication<br />

émergents sont fondés sur l’éphémère ?<br />

Stories, Snap, lives, et maintenant Fleets :<br />

tous fondent leur succès sur la notion de<br />

disparition, sur la quasi impossibilité<br />

d’archivage. C’est le règne de la communication<br />

Mission Impossible dans lequel<br />

chaque message s’autodétruit dans les 5<br />

secondes.<br />

Cette question est encore plus cruciale<br />

pour les marques de luxe qui ne vendent<br />

pas seulement des produits à leurs<br />

clients, mais leur offrent surtout la puissance<br />

d’un imaginaire qui bien souvent<br />

justifie le prix. Cet imaginaire est massivement<br />

assis sur un savoir-faire, sur<br />

des archives, sur la vie même du fondateur,<br />

bref sur une ligne continue là où la<br />

modernité semble requérir le pointillé.<br />

On oppose habituellement la vision<br />

occidentale du temps qui serait une<br />

ligne droite à la vison orientale qui serait<br />

un cycle. Ce que la modernité nous<br />

apprend, c’est que le temps est désormais<br />

un nuage de points. C’est donc en<br />

changeant radicalement de paradigme<br />

que les marques de luxe peuvent continuer<br />

à communiquer efficacement, à<br />

faire rêver et à inspirer jusqu’à provoquer<br />

l’achat.<br />

Que doivent-elles faire concrètement ?<br />

Premièrement, elles doivent penser<br />

tous leurs contenus aussi nombreux<br />

soient-ils comme des univers en soi. La<br />

moindre petite capsule doit être porteuse<br />

de sens, doit délivrer l’ADN de la<br />

marque. Le consommateur ne va pas<br />

s’échiner à reconstituer toute l’histoire<br />

en assemblant des morceaux éparpillés.<br />

S’il ne doit voir ne serait-ce qu’une story<br />

d’influenceur, alors il doit avoir tout<br />

compris de la marque ou presque. Il n’y<br />

a pas de hiérarchie entre les contenus<br />

produits : tout doit refléter les valeurs<br />

que la marque entretient.<br />

ADRIEN SAMMUT - FONDATEUR DE L’AGENCE HANI<br />

Deuxièmement, elle doit faire plusieurs<br />

choses en même temps : elle doit<br />

concentrer le funnel en quelques secondes.<br />

Ainsi l’explosion du live shopping,<br />

qui domine en Chine et va déferler<br />

probablement sur le reste du monde, apparaît<br />

comme une formidable occasion<br />

de repenser la fin du parcours client : il<br />

donne l’opportunité de storyteller l’acte<br />

d’achat. C’est ce que Monnier Frères,<br />

que nous accompagnons, fait en mettant<br />

en place une expérience de live<br />

shopping durant le shoot de la nouvelle<br />

saison. Ou encore la Maison de joaillerie<br />

Djula avec qui nous imaginons ces<br />

nouveaux formats. Une manière de faire<br />

entrer les gens dans les coulisses d’une<br />

Maison, de les faire se sentir uniques, de<br />

partager les valeurs de marques et bien<br />

sûr de vendre. Tout ça dans le même<br />

mouvement.<br />

Pour les annonceurs comme pour la<br />

marque, l’agilité est la clé. Mais cette<br />

agilité n’est pas une fin. C’est un moyen<br />

pour gérer le nouveau facteur temps, et<br />

continuer à fabriquer ce qui est au fondement<br />

d’une vraie marque de luxe :<br />

l’intemporel.<br />

Adrien Sammut crée HANI après 10 années<br />

passées à travailler auprès de grandes Maisons<br />

de beauté, mode, parfum, joaillerie, d’horlogerie<br />

et d’hôtellerie au sein de CLM BBDO,<br />

MAZARINE et BETC ETOILE ROUGE.<br />

hani_agency / hani-paris.com


Focus<br />

JM WESTON,<br />

seconde main<br />

pour les pieds<br />

LE CHAUSSEUR DE LIMOGES A LANCÉ WESTON<br />

VINTAGE, UN SERVICE DE COLLECTE ET DE<br />

RÉNOVATION D’ANCIENNES PAIRES DE WESTON.<br />

UNE DÉMARCHE RESPONSABLE ET INTELLIGENTE.<br />

Rien ne se perd, tout se<br />

transforme, on recycle,<br />

on fait du neuf ancien<br />

avec du vieux...<br />

Nous avons plus de 300 personnes en liste<br />

d’attente », confie Thierry Oriez, le président<br />

de M eston. C’est dire si le lancement de<br />

eston intage, service de collecte et de rénovation<br />

d’anciennes paires de eston pour ensuite les vendre<br />

à moitié prix est un succès. Lancée il y a un an, l’initiative<br />

du chausseur de Limoges a clairement trouvé son<br />

public. « vec Olivier Saillard, le directeur artistique de<br />

M eston, nous avions envie depuis plusieurs années<br />

d’aller chercher ce marché de l’occasion qui existait en<br />

dehors de nous sur les chaussures eston », détaille<br />

Thierry Oriez. C’est ainsi qu’ils ont imaginé eston intage.<br />

Le principe est simple : M eston fait appel à ses<br />

clients pour qu’ils rapportent en boutique leurs paires<br />

les plus anciennes ou qu’ils ne mettent plus, et une<br />

expertise des chaussures a lieu. Si elle est concluante,<br />

le client repart avec un bon d’achat de minimum <br />

euros et la paire usagée est envoyée durant deux mois<br />

dans la manufacture de Limoges pour subir une rénovation<br />

complète, une remise sur forme, ressemelage,<br />

etc. u bout de deux mois, les paires sont de retour en<br />

boutique rue Saint-onoré et avenue des Champs-Elysées<br />

pour tre vendues à la moitié du prix du modèle<br />

neuf. insi, par exemple, le Mocassin vintage icne<br />

de la marque s’échange à euros au lieu de .<br />

« ous avons choisi de privilégier les modèles iconiques<br />

de la marque, car ce sont ceux que nous connaissons le<br />

mieux et qui sont le plus recherchés », détaille encore<br />

Thierry Oriez. Toutefois, il est aussi possible de trouver<br />

de belles éditions limitées dans les intage à disposition.<br />

« ous avons été agréablement surpris par l’ampleur de<br />

la demande, signe que cette économie de la fonctionnalité<br />

est dans l’air du temps », se réjouit le président de<br />

la marque. Et d’insister aussi sur l’autre avantage de ce<br />

nouveau service imaginé par la marque : « Chez eston<br />

nous avons toujours insisté sur la notion de transmission,<br />

notamment entre père et fils. vec la mise en place de<br />

intage nous sommes en plein dans notre histoire. Les<br />

uns « transmettent » des paires à d’autres ». Les uns vers<br />

les autres. Les clients « intage » ont une moyenne d’ge<br />

plus jeune. e quoi séduire ainsi une nouvelle clientèle<br />

et mettre aussi en valeur le savoir-faire de la marque<br />

dans son ensemble. Savoir-faire qui va de la tannerie<br />

jusqu’à la conception de toute la paire de chaussures.<br />

insi intage, c’est à la fois la mise en avant de la durée<br />

de vie des souliers eston, mais également une faon<br />

d’ancrer la marque dans une modernité. Entre tradition,<br />

fonctionnalité et économie circulaire. u luxe responsable,<br />

en somme.<br />

DAVID MEDIONI<br />

POTOS: © ESTO ITGER.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 144 . Spécial LUXE 2020


<strong>CB</strong> INSPIRATION<br />

UNE PUBLICATION<br />

Photographe : ©Yasmine Bennis<br />

HAPSATOU W. DORO EST<br />

LA FONDATRICE DE<br />

DIGITAL SOCIETY (DS),<br />

UNE AGENCE<br />

SPÉCIALISÉE DANS<br />

LE MARKETING DIGITAL POUR LES<br />

MARQUES ET LES HÔTELS EN FRANCE.<br />

ELLE RÉPOND AUX BESOINS<br />

STRATÉGIQUES DES ENTREPRISES<br />

ISSUES DE DIFFÉRENTS SECTEURS.<br />

EXPERTE EN COMMUNICATION<br />

D’INFLUENCE DIGITALE ET EN<br />

CRÉATION DE CONTENUS, DS PERMET<br />

À SES CLIENTS DE VALORISER ET DE<br />

COMMUNIQUER SUR LEURS<br />

ACTUALITÉS À TRAVERS UN BRAND<br />

PARTNERSHIP EFFICACE ET DES<br />

OPÉRATIONS DE COMMUNICATION<br />

PERSONNALISÉES ET NOVATRICES.<br />

Quels sont les clients qui font appel à<br />

votre expertise ?<br />

Nous avons des agences stratégiques<br />

réputées qui nous consultent pour des<br />

recommandations et des actions d’influence<br />

afin d’assurer des campagnes<br />

à 360° élaborées pour leur portefeuille<br />

clients.<br />

Nous travaillons également en direct<br />

avec des groupes français et étrangers et<br />

des grandes marques, qui évoluent dans<br />

différents secteurs (retail, cosmétique,<br />

grande distribution…) tels que TechStyle,<br />

Mauboussin Parfums, Philips, La Maison<br />

du Chocolat…<br />

Enfin, nous organisons des évènements<br />

et produisons des vidéos pour des hôtels<br />

de luxe.<br />

Comment l’agence s’est-elle adaptée à<br />

la crise sanitaire ?<br />

Avant cette pandémie, nous proposions<br />

principalement à nos clients une campagne<br />

de communication inédite scindée<br />

en deux parties. La première consistait à<br />

organiser un évènement brandé mémorable<br />

tandis que la deuxième reposait sur<br />

une campagne diffusée sur les réseaux<br />

sociaux. Elle permettait de promouvoir<br />

les actualités de nos clients à travers des<br />

personnalités digitales.<br />

Le contexte actuel ne nous permet plus<br />

de proposer ce package qui séduisait de<br />

nombreux clients. Désormais, nous nous<br />

focalisons sur la partie digitale : production<br />

de contenu et des techniques de publicités<br />

comme le placement de produit.<br />

De plus, nous créons ou renforçons les<br />

liens entre les influenceurs et nos clients,<br />

les marques et les consommateurs avec<br />

audace et créativité. L’objectif est de<br />

créer du traffic depuis les réseaux sociaux<br />

vers les boutiques en ligne et les points<br />

physiques des clients.<br />

Pour terminer, nous réalisons des vidéos<br />

inédites et exceptionnelles telle que la<br />

dernière que nous avons produite pour<br />

l’hôtel Plaza Athénée : une immersion<br />

dans les coulisses de l’un des établissements<br />

les plus prestigieux au monde.<br />

Ce récent reportage disponible sur notre<br />

chaine Youtube a été salué par plusieurs<br />

professionnels du secteur du luxe.<br />

Comment une marque de luxe peut-elle<br />

se différencier sur les réseaux sociaux à<br />

l’heure actuelle ?<br />

Aujourd’hui, les consommateurs sont davantage<br />

séduits par du contenu authentique,<br />

qui fait sens. Nous incitons nos<br />

clients à ne pas craindre la nouveauté. Le<br />

défi est de communiquer sur leur personnalité<br />

tout en faisant du e-business à travers<br />

un contenu qui va susciter de l’émotion.<br />

Pour cela, nous produisons des<br />

éléments qui ont pour but d’encenser les<br />

valeurs et la vision de la marque. De plus,<br />

nous les associons à des égéries virtuelles<br />

dans l’air du temps qui correspondent à<br />

l’image et à l’esprit de la marque, afin de<br />

proposer des collaborations cohérentes<br />

et sur la durée.<br />

Digital Society dispose d’un portefeuille<br />

de clients varié, ainsi certains d’entre eux<br />

n’appartiennent pas à l’univers du luxe.<br />

Cependant, nous appliquons cette stratégie<br />

réseaux sociaux et les codes du luxe<br />

dans toutes nos campagnes. Cela nous<br />

permet d’obtenir des résultats exceptionnels<br />

qui marquent toujours les esprits.<br />

Quelle est votre définition du luxe ?<br />

Le luxe se trouve dans les détails. Vous<br />

savez, ceux que l’on n’oublie jamais et qui<br />

font la différence. Ils permettent d’obtenir<br />

des produits d’exception et des services<br />

uniques. Le luxe, c’est une volonté<br />

d’exigence dans tout ce que l’on fait, ce<br />

que l’on offre et ce que l’on est.<br />

DIGITAL SOCIETY EST …<br />

une jeune agence audacieuse qui<br />

impulse un véritable changement<br />

au sein de l’évènementiel haut de<br />

gamme et dans la communication<br />

d’influence digitale.<br />

L’entreprise à taille humaine est<br />

connue pour ses campagnes<br />

originales.<br />

Le mot d’ordre ?<br />

Penser et agir grand !


Focus<br />

Le doigt<br />

SUR LA COUTURE<br />

BERNARD ZINS EST UNE MARQUE HISTORIQUE DU LUXE PANTALONNIER<br />

HEXAGONAL. ELLE A SU SE RÉINVENTER ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ.<br />

La marque Zins<br />

fournissait les grands<br />

couturiers jusque<br />

dans les années 80.<br />

Aujourd’hui elle se<br />

recentre tout en gardant<br />

son savoir-faire<br />

de tailleur. Culotté.<br />

Je suis le continuateur d’une œuvre entamée<br />

par mes parents en 1967 », confie<br />

chaleureusement avec sa voix grave<br />

Frank Zins, le président de la marque de pantalon<br />

Bernard Zins. Chez Zins, on n’est pas tailleurs, on<br />

n’est pas habilleurs, on est « ingénieur pantalonnier ».<br />

Cela signifie que dans la foulée de ce que faisait son<br />

père, Frank ins entend faire bénéficier le grand public<br />

de la qualité et du savoir-faire de la philosophie tailleur.<br />

Pari osé, mais pari réussi. S’il continue l’œuvre familiale,<br />

Frank Zins a toutefois conduit une transformation<br />

profonde de la marque. Du temps du paternel, la maison<br />

Zins fournit en marque blanche des pantalons pour<br />

tous les grands couturiers de l’époque (Lanvin, Yves<br />

Saint Laurent, Pierre Cardin, Chanel). Ce sont les quatre<br />

piliers du savoir-faire Zins innovation, choix des tissus,<br />

précision des coupes et qualité de fabrication, alliant à<br />

la perfection tradition et modernité qui en font l’une des<br />

marques les plus reconnues jusqu’au milieu des années<br />

80. L’entreprise compte alors 750 salariés et une grande<br />

usine dans le Nord de la France. La crise du textile et les<br />

délocalisations mettent l’entreprise en difficulté. Son<br />

modèle de fournisseur de savoir-faire pour les grandes<br />

enseignes tangue. Qu’à ce que ce que cela ne tienne,<br />

sous l’impulsion de Frank, Zins se recentre sur son développement<br />

en propre, restructure l’entreprise et ouvre<br />

deux boutiques l’une homme et l’une femme à Paris. Son<br />

crédo : faire vivre au client l’expérience d’un pantalon au<br />

prix d’un prêt à porter haut de gamme avec le savoir-faire<br />

d’un tailleur. Au menu : tissus recherchés, repassage à<br />

froid, suspension des formes et une palette de coloris<br />

profonds et originaux disponibles chez aucun autre habilleur.<br />

L’autre idée qui anime aujourd’hui la quinzaine<br />

de collaborateurs de la marque est de faire du pantalon<br />

l’une des pièces centrales de la tenue. « La nouvelle façon<br />

de s’habiller moins formelle sans pour autant être<br />

moins chic conduit de nombreux hommes mais aussi de<br />

plus en plus de femmes à ne plus imaginer leur tenue<br />

à partir d’une veste, mais plutôt du pantalon », détaille<br />

Frank Zins. Ainsi, « les différentes formes, la taille haute,<br />

le porté de nos pièces et notre palette de couleurs permet<br />

aux clients de personnaliser leur silhouette en fonction<br />

du but recherché ». La moyenne d’âge de la clientèle<br />

tourne autour de 50 ans et tend à se rajeunir, un peu.<br />

Notamment grâce à l’autre atout de la marque Zins : la<br />

montée en puissance du e-commerce mis en place pendant<br />

le premier confinement et le lancement d’un service<br />

de commande spéciale à la rentrée 2020 qui accentue un<br />

peu plus encore la dimension de philosophie tailleur de<br />

la marque. Une tradition qui vient du passé et tend vers<br />

l’avenir.<br />

DAVID MEDIONI<br />

PHOTOS: © ZINS-DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 146 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

LE JARDINAGE<br />

EN BAS DE SOIE<br />

QU’ILS SOIENT GENTLEMEN GARDINERS, BOURRUS (BOURGEOIS<br />

RURAUX) OU DIGITAL NOMADS, ILS RÉVOLUTIONNENT À PRIX D’OR<br />

LES CODES ET LA PRATIQUE DU JARDINAGE. BÊCHE, PIMBÊCHE !<br />

Paru en début d’été 2020, un sondage réalisé<br />

par Opinionway pour Stihl brossait un<br />

tableau champêtre de l’exode urbain. Un<br />

Français sur trois y avouait avoir l’intention<br />

de quitter la vie urbaine pour rejoindre la<br />

campagne. Le ratio approchait même les 40 % chez les<br />

- ans. Le jardin s’affichait dans l’esprit des sondés<br />

comme une « pièce à vivre<br />

supplémentaire » de la<br />

maison. De là à y cultiver<br />

l’art de vivre, il n’y a qu’une<br />

paire de bottes ou une veste<br />

en tweed à enfiler pour<br />

franchir la porte d’une jardinerie.<br />

Et y acquérir des<br />

outils, des objets statutaires<br />

et du mobilier design qui<br />

transformeront nos bons<br />

vieux gentlemen farmers<br />

en gentlemen gardiners.<br />

« Barbecues, braseros,<br />

salons de jardin, abris, portiques…,<br />

la nature doit être<br />

domestiquée. Le végétal est<br />

d’abord considéré comme<br />

du décor », souligne Marie-<br />

Pierre Ombrédanne qui<br />

travaillait déjà en 2019 sur<br />

le lancement du magazine<br />

« Ma Campagne » aux Éditions<br />

Larivière. Mais au<br />

terme de gentlemen gardiners,<br />

elle préfère utiliser celui de bourrus, inspiré du<br />

mot valise bourus, contraction de bourgeois et ruraux,<br />

imaginé par le magazine « Technikart » en octobre 2017.<br />

Avec une variété de thèmes très large (de la cueillette<br />

aux fourneaux, en passant par le choix d’un sécateur),<br />

Ma Campagne qui boucle son troisième numéro,<br />

affiche des sujets très pointus avec une approche<br />

généraliste. Un magazine fait à la campagne pour des<br />

gens qui l’aiment. Nourris par un terreau panthéiste<br />

(Spinoza), nous savons, depuis les Lumières, qu’il faut<br />

cultiver son jardin, (Voltaire).<br />

Sur le territoire de la gadoue, mon jardinier se<br />

chaussera de derby classique à grosses semelles de<br />

caoutchouc, nouant ses lacets en double-boucle façon<br />

indsor ou Berluti, plutt que d’enfiler une paire de<br />

sabots ou de bottillons. Madame, elle, lassée du vert ou<br />

du marron optera pour la jeune marque (30 ans) familiale<br />

Maine-et-Loire Blackfox avec ses féminines et très<br />

accessibles bottes Phoenix à effet denim.<br />

Pour un surcroît d’élégance et de confort, on pourra<br />

toujours s’offrir une ballade chez Berteil, sous l’inuence<br />

de son très prolifique compte Instagram. Le Made to<br />

Order (la personnalisation)<br />

s’impose et s’illustre<br />

jusque dans le choix des<br />

matières. L’iconique Timber,<br />

veste inspirée de celles<br />

des gardes-forestiers américains<br />

des années 50, se<br />

prêtera à toute occupation<br />

champêtre. Mais contrairement<br />

à l’univers de la<br />

marque Prince jardinier,<br />

créée voici 25 ans déjà par<br />

l’« entrepreneur militant<br />

écologiste » Louis Albert<br />

de Broglie, avec ses accessoires<br />

à prix délirants<br />

comme des arrosoirs en<br />

laiton à plus de 100 euros,<br />

on ne fait plus aujourd’hui<br />

dans le jardinage déco, on<br />

bêche vraiment.<br />

La vente des outils<br />

s’envole, les prix aussi,<br />

tous boostés comme en<br />

automobile par la fée électrique.<br />

Car le premier luxe à la campagne ne s’avère pas<br />

être l’espace mais le silence… Au prix déjà élevé de l’acquisition<br />

d’une tronçonneuse électrique, il faudra rajouter<br />

celui de deux batteries au lithium et d’un chargeur.<br />

Du luxe signé Husqvarna, Stihl ou Kubota (comptez 1<br />

euros). Quant aux soufeurs, la nouvelle star à batterie<br />

nous vient d’Iseki France, c’est le soufeur dorsal<br />

Ego Power à batterie arc lithium de 56 V. Comptez 500<br />

euros … Le ramassage des feuilles mortes au lithium,<br />

a en jette autant dans le statutaire qu’un beau acon de<br />

cognac haut-de-gamme, sur la table basse italienne de<br />

son salon de jardin design.<br />

ÉRIC VALZ<br />

PHOTOS: © JOHN ARMSTRONG. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 148 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

Une maison sans<br />

CONCESSION...<br />

LES CONCESSIONNAIRES AUTOMOBILES PEUVENT ÊTRE FRUSTANTS. DES MAISONS<br />

PROPOSENT DE S’ARRÊTER ET D’EN PARLER. POUR POUVOIR VIVRE SA PASSION.<br />

Rêve de vitesse ? De<br />

bolides ? Dorénavant,<br />

les passionnés peuvent<br />

prendre le luxe de<br />

s’attarder autour d’une<br />

Aston Martin, d’une<br />

Bugati, et même<br />

d’y passer la nuit...<br />

Comme si c’était son<br />

garage privé !<br />

Qu’est-ce que le luxe ? Si c’est une question de<br />

prix, une voiture, quelle qu’elle soit, c’est un<br />

luxe. » Celui qui prononce cette phrase, Édouard<br />

Schumacher, sait de quoi il parle. Parce que des voitures,<br />

dans la famille, on en vend depuis 1947, de père<br />

en fils. douard, c’est le fils. Il a pris les rnes du groupe<br />

fondé par André, son père, en 2007 à la mort de ce dernier.<br />

Depuis, l’entreprise est devenue LS Group après<br />

le rapprochement avec le groupe Lamirault, et a vendu<br />

autos en , dont neuves. Si l’histoire<br />

a commencé avec Renault, elle se poursuit aujourd’hui<br />

avec une vingtaine de marques, d’barth à olkswagen<br />

en passant par udi, Citron et Skoda. Mais le luxe<br />

dans tout cela « e parlerai plutt de grand sport », dit<br />

Edouard Schumacher. Et en effet, si toute auto est un<br />

luxe, il faut ajouter un autre adjectif pour Lamborghini,<br />

Bugatti ou McLaren auxquelles on peut ajouter lpine,<br />

dont les prix sont certes plus raisonnables mais la sportivité<br />

au moins aussi prononcée.<br />

Mais puisqu’il n’est pas seulement question d’argent,<br />

qu’est-ce qui différencie la vente de ces bolides de celles<br />

des berlines du commun des mortels « Le sens du client,<br />

son accueil, sa connaissance authentique », estime<br />

Édouard Schumacher. « Je ne veux pas qu’on se cache<br />

derrière le CRM », ajoute-t-il, privilégiant la connaissance<br />

des desiderata du client à la data. Certes, il est<br />

beaucoup plus facile de connatre les désirs et les besoins<br />

des quelques centaines d’acheteurs de ses modèles<br />

d’exception, que ceux des consommateurs de Renault ou<br />

de Seat. Mais encore faut-il les comprendre. C’est pourquoi<br />

l’atelier est toujours mis en avant dans les espaces<br />

d’accueil, « car nos clients connaissent mieux les techniciens<br />

que les commerciaux. » Non parce que ces voitures<br />

seraient plus problématiques que les autres, mais parce<br />

que la passion de la mécanique se partage mieux avec<br />

les spécialistes.<br />

Pour ces voitures de rve, il faut aussi un écrin à la hauteur<br />

de leurs folles caractéristiques. Ce sont les Maisons.<br />

C’est ainsi que la « Maison McLaren Paris » a ouvert ses<br />

portes en septembre à Saint-Cloud, dans les auts-de-<br />

Seine. La différence entre une maison et une concession<br />

? « C’est un lieu de vie, il y a un appartement à<br />

l’étage, c’est un endroit où l’on peut vivre sa passion, voir<br />

les voitures. On peut y goter la gastronomie, on pourra<br />

mme y dormir », s’enthousiasme Edouard Schumacher.<br />

C’est aussi un endroit ouvert aux rves des enfants, loin<br />

des showrooms glacés devant lesquels le simple fait de<br />

s’arrter est intimidant. « C’est extrmement important<br />

que les jeunes, garons et filles, insiste-t-il, rvent devant<br />

ces voitures, c’est l’avenir de l’automobile. Et apparemment<br />

à voir les yeux émerveillés de toutes les générations<br />

devant les lignes de ces autos, la passion n’est pas<br />

près de s’éteindre.<br />

FRÉDÉRIC ROY<br />

POTOS: ICET LRE.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 150 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

BONS BAISERS<br />

de Madame Jacques<br />

LA QUINTESSENCE DU LUXE DANS LE CHAMPAGNE C’EST UN VIEUX<br />

MILLÉSIME, JEUNE DÉGORGÉ ET DOSÉ COMME UN EXTRA BRUT. SOIT LA<br />

GRANDE VISION DE MME BOLLINGER QUI PROVOQUERA DÈS 1967 UNE<br />

GRANDE ÉVASION GUSTATIVE. À VOS PALAIS.<br />

Elisabeth, Lily,<br />

Bollinger parcourait<br />

son vignoble à vélo.<br />

Elle créa notamment la<br />

cuvée Bollinger R.D.<br />

Depuis leur création en 1967, les<br />

Bollinger R.. pour Récemment<br />

Dégorgé – nous révèlent<br />

une incroyable profondeur de champ.<br />

Fruits d’une idée géniale d’Elisabeth Bollinger,<br />

veuve de Jacques et stratège du<br />

goût, face à la concurrence des cuvées<br />

de prestiges des autres maisons champe-<br />

noises. Le Bollinger R.D. est donc un champagne<br />

extra brut (3g) millésimé, vieilli sur lies durant un temps<br />

beaucoup plus long et offert à la dégustation juste après<br />

son dégorgement. Pour exemple, les derniers Bollinger<br />

R.D. à avoir été mis sur le marché sont les R.D. 2002 en<br />

2014 et 2004 en 2018, soit respectivement trois et quatre<br />

ans après leur sortie en Grande Année. Autant d’années<br />

supplémentaires en vieillissement sur lies propices à plus<br />

de complexité et d’évolution aromatique.<br />

Libérez les arômes tertiaires<br />

Soit un vieillissement où l’autolyse des levures – leur<br />

mort progressive libère des molécules qui vont interagir<br />

avec celles du vin – et l’oxydation lente – provenant,<br />

elle, du bouchage – vont libérer des arômes tertiaires,<br />

notent les professionnels. Ces vins sont très faiblement<br />

dosés en liqueurs d’expédition (extra brut) car c’est le<br />

vieillissement (plus de quatre fois supérieur aux<br />

règles de l’appellation) qui leur apportera profondeur<br />

et arrondi au palais, sans trop altérer leur<br />

acidité naturelle. La fraîcheur du champagne se<br />

joue d’abord sur le niveau d’acidité du raisin, assuré<br />

ici par les pinots noirs (66 %) et chardonnay<br />

(34 %) grand cru et premier cru, au pressurage<br />

qui privilégiera la cuvée premier jus plus riche<br />

en acidité. Suite au vieillissement, l’extra brut<br />

reprendra un extraordinaire coup de frais au<br />

dégorgement à la volée (à la main).<br />

N’attendez aucun fondu ; le champagne est plus<br />

vif et rock’n’roll et pourra ainsi vieillir indéfiniment<br />

si vous décidez de ne pas le consommer rapi-<br />

dement après son dégorgement et sa mise sur le marché.<br />

Ce qui est rare est cher<br />

Le Bollinger R.D. représente 1 % de la production annuelle.Les<br />

grands crus et premiers crus vinifiés sousbois,<br />

cités plus haut, de la Montagne de Reims (en partie,<br />

Côte des Noirs) et de la Côte des Blancs, sous l’œil<br />

et le palais du bien nommé chef de cave Gilles Descôtes,<br />

augmenteront naturellement son prix, ainsi que les<br />

magnums de réserve, bouchés au liège, nécessaire à ses<br />

3 g., idem pour le vieillissement prolongé, le remuage<br />

et le dégorgement à la main.<br />

Des investissements hyper coûteux qui donnent une<br />

idée de la puissance financière de Bollinger avec des<br />

coûts très importants d’immobilisation et de stockage<br />

(immobilier).<br />

ÉRIC VALZ<br />

PHOTOS: © OLIVIER MESNAGE. BOLLINGER-DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 152 . Spécial LUXE 2020


Focus<br />

Des montres à<br />

REMONTER LE TEMPS<br />

LA HAUTE HORLOGERIE ALLEMANDE RETROUVE SES MARQUES ET SES<br />

MODÈLES D’AVANT LE MUR. UNE INSPIRATION QUI DONNE NAISSANCE À<br />

DES MODÈLES QUI POURRAIENT DEVENIR CULTE. ABRÉGÉ D’HISTOIRE.<br />

L’Odysseus acier de<br />

Lange & Söhne et à<br />

droite deux modèles<br />

de SQ de Glasshütte<br />

Original.<br />

Le 18 septembre, la prestigieuse maison horlogère<br />

A. Lange & Söhne, propriété du groupe<br />

Richemont depuis 2000, célébrait les 175 d’histoire<br />

horlogère de Glashütte, bourgade de l’ex-RDA aux<br />

portes de Dresde. C’est à cette date, en 1845, que Ferdinand<br />

Adolphe Lange y ouvrait son premier atelier, à<br />

l’origine d’une épopée industrielle qui transformera une<br />

pauvre cité minière en berceau de la haute horlogerie<br />

allemande. Le village survivra à la dévastation d’une Allemagne<br />

deux fois vaincue, aux bombardements de ses<br />

usines, à la spoliation et au démantèlement de son outil<br />

de production en 1945 par les Russes. Puis, en 1948, à la<br />

nationalisation de ses manufactures qui seront regroupées<br />

quatre ans plus tard dans la VEB Glashütter Uhrenbetrieb<br />

(GUB). C’est de ce conglomérat, privatisé après<br />

la disparition de la RDA, qu’est issue la marque Glashütte<br />

Original en 1994, rachetée par le Swatch Group au tournant<br />

du millénaire.<br />

Mais une fois encore, ici, c’est un Lange qui initiera le<br />

mouvement, dès 1990, sur les ruines du Mur. 42 ans<br />

après l’expropriation de sa famille, Walter Lange, l’arrière-petit-fils<br />

de Ferdinand dolph, relance l’entreprise<br />

familiale à Glashütte et fonde A. Lange & Söhne. Une<br />

odyssée, célébrée fin avec le lancement de l’Odysseus,<br />

premier modèle en acier à être produit en série.<br />

L’inoxydable marque allemande s’attaque ainsi à Poséidon,<br />

Charybde et Scylla, soit les mythiques modèles<br />

d’Audemars Piguet – la Royal Oak –, de Patek Philippe – la<br />

Nautilus, voire de Vacheron Constantin – l’Overseas. Pour<br />

l’heure, avec une petite production de 6 000 montres par<br />

an, A. Lange & Söhne réserve ses nouveautés en priorité<br />

à sa clientèle. C’est ainsi qu’à la boutique parisienne de la<br />

rue de la Paix, vous ne pourrez acquérir l’Odysseus acier<br />

que si vous êtes déjà client.<br />

Destinée sur le papier à devenir une icône, la SQ de<br />

Glashütte Original s’inspire en trois versions d’un modèle<br />

mythique de son héritage historique qui assume la RDA.<br />

Soit un modèle de 1969 spécialement développé pour<br />

la plongée sportive, la Spezimatic Type RP TS 200. En<br />

jouant sur cette résurrection qui conjugue naturellement<br />

l’histoire et la modernité, la Manufacture de Glashüte<br />

Original laisse entendre, sans la jouer, l’introduction du<br />

magnifique hymne national de la défunte R. « uferstanden<br />

aus Ruinen und der Zukunft zugewandt… »,<br />

« Ressuscitée des ruines et tournée vers l’avenir », un<br />

chant de résilience qu’on entendra beaucoup dans les<br />

compétitions sportives des années 70 et 80. L’État communiste<br />

s’était alors littéralement adonné, comme les<br />

groupes horlogers d’aujourd’hui, au culte de la performance.<br />

Son icône, Kornelia Ender aura à jamais 16 ans.<br />

Aux JO de Montréal en 1976, sans que ses cheveux blonds<br />

aient eu le temps de sécher entre les deux épreuves, elle<br />

vient de s’emparer de l’or des 100 m papillon et 200 m<br />

nage libre, la plus courte et ravageuse odyssée de l’histoire<br />

de la natation.<br />

La lecture du temps est aussi celle d’un état du cœur.<br />

Kornelia Ender qui a symbolisé à outrance le culte de la<br />

performance, est devenue le punctum waterproof, écrirait<br />

Roland Barthes, de la haute horlogerie dans l’ancien<br />

royaume de Saxe.<br />

ÉRIC VALZ<br />

PHOTOS: © ERIK SCHIMSCHAR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 154 . Spécial LUXE 2020


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Rencontre<br />

CHRONO<br />

The Sky<br />

EN ACCESS<br />

FLY-BACK SUR FRÉDÉRIQUE CONSTANT AVEC<br />

SON DG FRANCE, YOHAN BIZY, MANAGER<br />

D’UNE ENSEIGNE SUISSE, JADIS CRÉÉE PAR DES<br />

NÉERLANDAIS, ET DONT LE GROUPE EST COTÉ<br />

À TOKYO. INDEX.<br />

Le choix de créer une marque suisse fut lié à<br />

l’engouement pour l’horlogerie suisse, initié<br />

par Swatch créateur du swiss made avec<br />

mouvements quartz dans les années . letta Bax<br />

et Peter Stas ont surfé dès sur cette vague de<br />

la passion horlogère avec le luxe accessible comme<br />

stratégie de marque.<br />

Échappement<br />

« Nous sommes une marque d’innovation. Le<br />

lancement en 2008 de la Frédérique Constant<br />

Tourbillon Manufacture avec un échappement<br />

en silicium, nous aura introduits à 20 ans dans<br />

la cour des grands. Seule Patek Philippe, à<br />

l’époque, pouvait rivaliser. »<br />

TOURBILLONS<br />

« La stratégie de développement de Frédérique<br />

Constant est liée à quatre critères : la qualité<br />

des produits, l’exclusivité nos tourbillons sont<br />

produits en séries limitées de à pièces , le<br />

savoir-faire et la passion. des mouvements<br />

manufacture sont conçus, produits et assemblés<br />

en interne. »<br />

YOHAN BIZY<br />

est DG France de<br />

la manufacture<br />

horlogère suisse<br />

Frédérique Constant.<br />

Citizen... can<br />

«Sans perspective de transmission familiale,<br />

les fondateurs vendent Frédérique Constant au<br />

groupe international Citizen. marque aussi<br />

le début du travail sur la seconde génération<br />

de la collection sportive chic Highlife. Citizen<br />

est un actionnaire silencieux qui laisse libre<br />

cours à notre imagination et à nos stratégies<br />

d’expansion. Sky is the limit Par ricochet, nous<br />

sommes cotés à la Bourse de Tokyo, ce qui nous<br />

a apporté des apports financiers colossaux.<br />

Depuis le rachat, nous avons doublé la taille de la<br />

manufacture Frédérique Constant à Genève ainsi<br />

que sa capacité de production. »<br />

Bissextiles<br />

« Nous ne sommes pas les moins chers mais les<br />

plus accessibles. Nous ne jouons pas sur notre<br />

image pour fixer les prix. ous proposons aux<br />

clients français la bonne montre avec la meilleure<br />

complication possible et le meilleur prix. Soit<br />

le meilleur rapport qualité versus le prix que le<br />

client peut mettre. Comme la Highlife Calendrier<br />

perpétuel Manufacture avec sa complication de<br />

haute horlogerie (qui tient compte des années<br />

bissextiles), accessible à .»<br />

ICÔNE<br />

«Une icône horlogère est une montre qui ne subit<br />

pas les effets du temps. La première génération<br />

de la collection Highlife n’en était pas une. Mais<br />

la nouvelle le deviendra. Comme le modèle<br />

ighlife automatique certifié COSC, trois<br />

aiguilles date ( ). Une collection dans l’air<br />

du temps avec son bracelet acier intégré ( <br />

des montres exportées de Suisse en ont un), ici<br />

interchangeable en secondes. »<br />

Recueilli par ÉRIC VALZ<br />

PHOTOS : © MONA BOITIÈRE. © ERIC ROSSIER.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 156 . Spécial LUXE 2020


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Focus<br />

Harley, un silence<br />

ASSOURDISSANT...<br />

ÇA DEVAIT ARRIVER, HARLEY FILE À L’ÉLECTRIQUE !, ENFIN LE NOUVEAU MODÈLE , LA<br />

LIVEWIRE, VÉRITABLE OXYMORE DE LA MARQUE US. ENTRE PLAISIR ET FRUSTRATION.<br />

La LiveWire de<br />

Harley-Davidson,<br />

moto entièrement<br />

électrique, de 105 ch.<br />

Un engin plaisant, aux<br />

accélérations aussi<br />

franches que linéaires,<br />

disposant d’une<br />

tenue de route et d’un<br />

freinage performant.<br />

D’Harley, elle hérite<br />

des lignes puissantes<br />

et son prix...<br />

Tous les marketeurs du monde vous le diront : une<br />

marque trouve sa légitimité dans son histoire,<br />

dans ses racines. Dans son ADN. C’est encore<br />

plus vrai dans un univers de passion comme celui de<br />

la moto avec ses tribus de passionnés. En ce domaine,<br />

Harley-Davidson est sans aucun doute une référence.<br />

Marque plus que centenaire, produisant des engins emblématiques<br />

tant par leurs formes que par leur son, Harley<br />

a développé et entretenu un culte, notamment à travers<br />

le HOG, Harley Owners Group, qui rassemblent plus<br />

d’un million de propriétaires dans le monde. Des adeptes<br />

d’une religion basée sur les chromes et le « pot, pot, pot »,<br />

le bruit de l’énorme et vibrant moteur bicylindre.<br />

Aussi, quand ladite marque a présenté son modèle entièrement<br />

électrique LiveWire en 2019, il y a eu comme<br />

un blanc. Car la nouveauté est radicale. Elle est même<br />

l’absolu opposé de tout cet ADN de Harley. Pas de bruit,<br />

sinon des sifements et des frottements, pas de chrome<br />

pour enluminer les lignes tendues et modernes… Une<br />

moto européenne en somme portant le logo de la plus<br />

emblématique des marques américaines. Seul le poids<br />

de kg, et une vibration artificielle ressentie au démarrage<br />

peuvent raccrocher la LiveWire à ces sœurs à<br />

moteur thermique. Pourtant, l’engin s’avère des plus<br />

plaisant, procurant des accélérations aussi franches que<br />

linéaires, disposant d’une tenue de route tout à fait performante,<br />

d’un freinage d’autant plus efficace que le moteur<br />

s’en charge avec puissance et délicatesse à l’arrière.<br />

Bref, une moto efficace, amusante en ville où se faufiler<br />

est un jeu d’enfant (dangereux). Sur route l’absence de<br />

bruit, de boîte de vitesses et par conséquent de rétrogradage<br />

à l’approche des virages rend la conduite plus<br />

ennuyeuse. L’autonomie, de l’ordre de 250 kilomètres,<br />

est suffisante pour un usage urbain quotidien. utant<br />

dire que les qualités de cette moto correspondent globalement<br />

aux défauts qui sont généralement attribués aux<br />

Harley traditionnelles. Mais à l’inverse de ces dernières,<br />

la moto électrique ne procure aucune émotion. Or on<br />

chevauche une Harley autant pour ce qu’elle montre que<br />

pour ce qu’elle fait ressentir.<br />

Pionnière d’une gamme qui va s’enrichir d’autres propositions<br />

électriques, la LiveWire a pour mission de<br />

conquérir de nouvelles populations de motards, plus<br />

urbains, plus jeunes pour compenser l’inexorable vieillissement<br />

de la base de fan dont la barbe blanchit au vent.<br />

Pour l’heure, le pari ne semble pas gagné et nombre de<br />

clients de la LiveWire sont des propriétaires d’un twin<br />

qui veulent pouvoir rouler en Harley même les jours<br />

de restrictions de circulation pour cause de pollution.<br />

Reste que nouveau ou ancien client, il faut une forme de<br />

conviction pour investir dans ce véhicule atypique.<br />

Un prix de base avant personnalisation, toujours<br />

possible dans cette maison où il est de bon ton d’avoir un<br />

véhicule qui ne ressemble à nul autre. Et dans ce registre,<br />

la Liveire est une vraie arley.<br />

FRÉDÉRIC ROY<br />

PHOTOS: © ALESSIO BARBANTI.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 158 . Spécial LUXE 2020


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Culture<br />

PRINT<br />

QU’IMPORTE<br />

LE FLACON<br />

<br />

CES PUBS AUX FLACONS LUXUEUX ET<br />

FRAGRANCES ENVOÛTANTES NE FONT PAS LA<br />

PROMOTION DE PARFUM ! ÇA A L’ODEUR DU LUXE,<br />

LES CODES DU LUXE MAIS CE N’EST PAS DU LUXE.<br />

CONTREFAÇONS OU BLAGUE POUR SE FAIRE<br />

REMARQUER ? PAR (LE VRAI) JOE LA POMPE.<br />

<br />

<br />

2009/USA. Annonceur<br />

: Pine-Sol Lemon<br />

Fresh Intensity , « The<br />

scent of real clean ».<br />

Agence : DDB West SF.<br />

États-Unis<br />

2008/France. Annonceur<br />

: Nescafé Spécial<br />

Filtre, « Encore plus riche<br />

en arôme ». Agence :<br />

Publicis Conseil Paris.<br />

2020/Hongrie.<br />

Annonceur : Campagne<br />

de Prévention contre<br />

la Covid-19, « It lasts for<br />

days » (The virus can survive<br />

on the skin for days).<br />

Agence : Greenroom<br />

Budapest.<br />

2002/France. Annonceur<br />

: EDF, « Donner au<br />

monde l’énergie d’être<br />

meilleur ». Agence :<br />

CLM/BBDO.<br />

2012/Espagne.<br />

Annonceur : Ford<br />

(voitures d’occasion).<br />

Annonceur : « Smells like<br />

new ». Agence : Bassat<br />

Ogilvy Madrid.<br />

2003/Chine. Annonceur<br />

: Nike Women,<br />

« Your sweat is the best<br />

fragrance », (distribution<br />

de testeurs de parfums<br />

dans les magasins de<br />

beauté). Agence : JWT,<br />

Hong Kong.<br />

<br />

<br />

<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 160 . Spécial LUXE 2020


Culture Print<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

1990/États-Unis.<br />

Annonceur : Minnesota<br />

Department of Health,<br />

« If You Smoke, Your<br />

Expensive Perfume<br />

Won’t Smell So Expensive<br />

». Agence : Martin<br />

Williams, Minneapolis.<br />

2016/Royaume-Uni.<br />

Annonceur : Paramount<br />

Pictures, « Zoolander<br />

N°2. Coming soon ».<br />

2015/ Japon.<br />

Annonceur : Burger<br />

King, No Whopper, No<br />

Life, « Flame-grilled<br />

fragrance », (Un parfum<br />

édition limitée disponible<br />

uniquement le 1er avril).<br />

2020/Royaume-Uni.<br />

Annonceur : Nestlé<br />

Céréales, « Eau de Lion ».<br />

Agence : Mother,<br />

London.<br />

2016/Uruguay.<br />

Annonceur : Agence Mc<br />

Cann (auto promo), « I<br />

Cann. Eau de créativité »<br />

Agence : Mc Cann<br />

Montevideo.<br />

2016/Argentine.<br />

Annonceur : General<br />

Electrics, (hotte aspirante),<br />

« Don’t let your<br />

flavour become your<br />

fragrance ». Agence :<br />

Wunderman, Buenos<br />

Aires.<br />

2006/ Nouvelle-<br />

Zélande. Annonceur :<br />

NOKIA, « So many<br />

features, you’ll think<br />

it does everything ».<br />

Agence : Young &<br />

Rubicam Auckland.<br />

2008/Espagne.<br />

Annonceur : Cocaïne,<br />

pour homme (campagne<br />

de prévention Anti-<br />

Drogue), « The biggest<br />

danger is forgetting what<br />

they really are ». Agence :<br />

Sra. Rushmore, Madrid.<br />

2012/Canada – Australie.<br />

Annonceur : Pizza<br />

Hut , « Yeah. We bottled<br />

it. » ; Agence : Grip<br />

Limited Canada / M&C<br />

Saatchi Australie.<br />

2009/ Australie.<br />

Annonceur : Ambi-Pur,<br />

Burst of Lemon, « Parfum<br />

de toilet. Now that’s an<br />

eau de toilette ». Agence :<br />

Jay Grey Sydney.<br />

2001/France. Annonceur<br />

: Heineken. Agence :<br />

Publicis Conseil Paris.<br />

2010/Royaume-Uni.<br />

Annonceur : Marmite<br />

Cereal Bar, « That may be<br />

too far, but what about<br />

this ? ». Agence : DDB<br />

London.<br />

<br />

<br />

<br />

<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 161 . Spécial LUXE 2020


Inspiration<br />

EN MARGE<br />

La sélection de<br />

OLIVIER ROLLER<br />

TOUS LES MOIS, NOUS DEMANDONS À DES ARTISTES, DA, DC ET<br />

AUTRES CRÉAS DE NOUS DÉVOILER LEURS SOURCES D’INSPIRATION,<br />

LEURS DÉCOUVERTES, LEURS INFLUENCES, LEUR JARDIN SECRET.<br />

FLIPPÉ<br />

Masques<br />

ASPIRATEUR<br />

Casa Susanna<br />

J’ai quelques masques africains<br />

dans mon studio. Pour l’anecdote,<br />

Fred et Farid étaient venus pour une<br />

séance photo pour « <strong>CB</strong> ews » ,<br />

et l’un des deux a tellemement<br />

ippé en les voyant qu’il n’a pas pu<br />

passer la porte, et ils sont repartis !<br />

Ces photos ont été découvertes par deux collectionneurs<br />

dans un marché aux puces à New York.<br />

Ils les ont éditées dans un livre, « Casa Susanna »,<br />

nom de la maison où se réunissaient le week-end<br />

dans les années 60 des hommes qui s’habillaient<br />

en femmes. Le temps d’un week-end, ils se photographiaient,<br />

déjeunaient ensemble, passaient<br />

l’aspirateur...<br />

En Marge essaie de trouver la part d’ombre<br />

des artistes interviewés. Si la tâche n’est<br />

pas toujours évidente avec certains créas,<br />

c’est du gâteau avec Olivier Roller tant<br />

son travail de photographe explore la face<br />

cachée. La preuve, il photographie en ce moment des<br />

corps de personnes dans le coma, atteintes du Covid :<br />

« On donne des chiffres sur l’épidémie, moi je suis témoin<br />

avec mes photos. Aucun journal ne pourra publier<br />

ça, j’en ferai une expo ». Portraitiste recherché,<br />

il travaille avec « <strong>CB</strong> <strong>News</strong> » depuis déjà 10 ans. Des<br />

portraits sans concessions des puissants, dans le cadre<br />

de sa série sur les Figures du pouvoir. Le contraire des<br />

clichés corporate et lisses. « Moi je mets mon grain de<br />

sable, je vais chercher chez ces gens comment le pouvoir<br />

les marque ». La recherche de la figure de l’autorité<br />

? « Possible, je n’ai pas connu mon père, et ma mère<br />

a jeté toutes ces photos ». Une mère qu’il photographie<br />

depuis 20 ans dans une série baptisée « La Muette ».<br />

Blanc « À ces dirigeants, je leur dis : je vais vous<br />

faire rééchir, je ne viens pas vous atter. La photographie<br />

est remplie de gens qui veulent faire bien.<br />

Mais il est où le cœur qui bat ? Moi mon job, c’est de<br />

faire des images pas d’avoir des copains. » La vanité,<br />

c’est ce qui intéresse Olivier Roller, la part d’animalité<br />

que l’on cache, ce que nous avons de singulier. Il relit<br />

sans cesse Antigone. Et fréquente Thanatos régulièrement<br />

dans ses images. « Fixons l’image qui pourrait<br />

être la dernière. » Eros en photo, il n’a pas<br />

encore trouvé sa grammaire, mais il me<br />

dévoile dans son smartphone des essais,<br />

des images blanches laiteuses et veinées,<br />

marmoréennes. Superbe. Prolixe, agité,<br />

cordial, il quitte son studio, ses masques<br />

africains et un immense portrait de<br />

Jeanne Moreau, enfourche son vélo et<br />

part photographier des morts du Covid<br />

dans les hôpitaux. Vanité.<br />

Pages réalisées par<br />

BERTRAND GAUTHEY<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 162 .<br />

Spécial LUXE 2020


En marge : Olivier Roller<br />

VISAGES<br />

Helmar Lerski<br />

Ce photographe et cinéaste suisse il a participé<br />

au « Metropolis » de Fritz Lang part en Palestine,<br />

où il réalise une série de 239 photos, d’un<br />

même homme, prises sur le toit d’une maison à<br />

Tel-Aviv. En pleine chaleur, avec des miroirs...<br />

ans un seul visage, il y a tous les visages.<br />

TÉMOIGNAGE<br />

Kasimir Zgorecki<br />

Photographe d’origine polonaise, il a immortalisé<br />

la vie des émigrés polonais dans les mines du Pasde-Calais.<br />

À l’époque, la photographie a valeur de<br />

témoignage. À la demande des parents ou de la<br />

famille, il photographiait aussi leurs enfants morts...<br />

LAIDEUR<br />

Histoire de la Laideur<br />

Deux livres, dans un coffret, un sur<br />

l’« istoire de la beauté », l’autre sur<br />

l’« istoire de la laideur », sous la direction<br />

de Umberto Ecco. La laideur est tellement<br />

plus intéressante, la beauté tellement lisse...<br />

PHOTOS : DR. © OLIVIER ROLLER.<br />

PASSION<br />

Bernard Hinault<br />

J’adore le vélo, je roule tout le<br />

temps, c’est une vraie passion.<br />

OLIVIER ROLLER<br />

est photographe.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 163 . Spécial LUXE 2020


Beaux<br />

LIVRES<br />

MÉLANCOLIE<br />

DES PALAIS DÉSAFFECTÉS AUX PIÈCES D'APPARAT VIDES, BAIGNÉES<br />

D'UNE LUMIÈRE MYSTÉRIEUSE... UNE VACUITÉ TROUBLANTE, DE LA<br />

NOSTALGIE. UN LIVRE QUI INVITE À LA RÊVERIE ET AU TEMPS QUI PASSE.<br />

EN PARTENARIAT AVEC<br />

Artazart libraire-galeriste<br />

83, quai de Valmy, 75010<br />

Paris. www.artazart.com<br />

Abandonnées<br />

VEDUTA<br />

« Les idées que les ruines réveillent en moi sont<br />

grandes. Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. Il n’y<br />

a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui<br />

dure. » Diderot.<br />

Parce que même le luxe s’enfuit aussi sur les<br />

ailes du temps, voici un plongeon dans le passé<br />

d’une Italie luxueuse en compagnie du photographe<br />

Thomas Jorion, spécialiste des paysages<br />

déshumanisées.<br />

Une série prise en Italie de 2009 à 2020, à la découverte<br />

des riches demeures abandonnées des 18 e<br />

et 19 e siècles, écrins silencieux d’un luxe évaporé.<br />

CARL HUGUENIN<br />

est cofondateur de<br />

la librairie-galerie Artazart<br />

“ Veduta ”, de Thomas<br />

Jorion. (Introduction<br />

de Giovanni Fanelli.<br />

Éditions La Martinière.<br />

(octobre 2020).<br />

32 x 25,6 cm. 228<br />

pages. 49 €.<br />

Fugata,<br />

Ligurie, 2018<br />

Imbarco,<br />

Piémont, 2019<br />

PHOTOS : © THOMAS JORION.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 164 . Spécial LUXE 2020


Beaux livres<br />

Duello,<br />

Lombardie, 2017<br />

SOGNARE,<br />

TESSIN, 2016<br />

« Un palais à Sognare<br />

dans lequel je suis<br />

rentré à l’arrache. Je<br />

n’ai pas pu accéder à<br />

l’intérieur par contre, et<br />

suis resté sur la terrasse,<br />

les yeux tournés vers le<br />

lac Majeur. C’était une<br />

fin de journée d’hiver et<br />

la neige est tombée. J’ai<br />

fait une pose longue de<br />

8 minutes, pas certain<br />

que ça donne quelque<br />

chose… »<br />

PORPORA,<br />

PIÉMONT, 2010<br />

« C'était le mois de<br />

mai en Italie, une<br />

explosion de couleurs,<br />

de chaleurs et d'odeurs.<br />

Cette villa découverte<br />

en raison de sa position<br />

géographique malheureuse<br />

s’avéra fermée<br />

au premier regard.<br />

Quelle déception, tant<br />

de route pour rester<br />

sur le seuil... Le front<br />

collé à la porte à scruter<br />

cette maudite chaîne.<br />

Surprise ! Un maillon<br />

est coupé, il ne reste<br />

qu'à la retirer pour<br />

entrer et saisir cette<br />

beauté endormie. »<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 165 . Spécial LUXE 2020


Profil<br />

MOBILE<br />

Les apps de<br />

Thomas<br />

Heisser<br />

DIS-MOI QUELLES SONT<br />

LES APPLIS DE TON<br />

SMARTPHONE, JE TE<br />

DIRAI QUI TU ES. PAR LE<br />

RESPONSABLE DE LA<br />

COMMUNICATION<br />

KEN GROUP.<br />

Spotify<br />

« Mes artistes feel good du<br />

moment : Miriam Makeba, Flo<br />

The Kid et Lizzo. En boucle, la<br />

réédition de l’album “ Planet<br />

Gold ” du pianiste Sofiane<br />

Pamart (mention spéciale pour<br />

“ Medellin ”). »<br />

Radio France<br />

« Mon app. couteau suisse :<br />

France Culture pour “ Les<br />

Enjeux internationaux ”, France<br />

Info pour le café du matin et<br />

France Inter pour l’humour<br />

inégalé de Guillaume Meurice. »<br />

Instagram<br />

« Pour l’évasion, je scrolle les<br />

comptes de @lejenke pour ses<br />

créations inspirantes, @julieb<br />

pour ses talks engagés et @<br />

lewandz pour son regard coloré<br />

de la société. »<br />

“ EN MODE<br />

SILENCIEUX ”<br />

Ecosia<br />

« L’alternative idéale à<br />

Google : un moteur de<br />

recherche qui promet<br />

d’inverser les effets du<br />

changement climatique.<br />

Ecosia plante des millions<br />

d’arbres, chaque mois, dans<br />

les zones les plus menacées<br />

du monde. »<br />

GQ<br />

« Ma dose quotidienne de<br />

style. Toujours un coup<br />

d’avance, surtout avec les<br />

adresses confidentielles de<br />

la rédaction. À retrouver<br />

en exclusivité sur l’app : les<br />

masterclass sport GQ avec les<br />

coachs du Ken Club, du Klay<br />

et de Blanche. »<br />

Philharmonie Live<br />

« Une large sélection de<br />

concerts classique et jazz,<br />

parfaits après une journée<br />

de travail, en cuisine avec<br />

un verre de vin rouge. Le<br />

concert d’Oumou Sangaré<br />

et la performance “ Ravel<br />

et Moussorgski ” de Khatia<br />

Buniatishvili. »<br />

Accor All<br />

« Là où tous mes projets de<br />

voyages se concrétisent.<br />

Prochaine destination<br />

post-Covid : Salar de Uyuni,<br />

en Bolivie. Sans oublier un<br />

programme d’expériences<br />

exclusives, comme l’accès<br />

aux matchs du PSG au Parc<br />

des Princes. »<br />

Jamais sans mon téléphone, mais toujours sur mode<br />

silencieux ”, c’est ainsi que Thomas Heisser, le responsable<br />

de la communication de Ken Group (Ken Club, Klay et<br />

Blanche), envisage sa vie mobile. “ C’est à mon sens le<br />

meilleur moyen de s’engager à 100 % dans ses projets, sans<br />

distraction. Prendre le temps d’apprécier l’instant présent.<br />

Savoir se rendre disponible, mais l’inverse est tout aussi<br />

important : le parfait équilibre entre passion professionnelle<br />

et vie familiale. Le téléphone reste mon meilleur outil pour<br />

créer et collecter des souvenirs. ” Soit 23 394 photos et vidéos<br />

sauvegardées le jour de cette interview.<br />

PHOTOS : © ©MANNYSEGUIN. DR.<br />

<strong>CB</strong> NEWS . 166 . Spécial LUXE 2020


L’ART DE RÉVÉLER LA NATURE*

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