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DÉCEMBRE 2020 / JANVIER 2021<br />
15 € - <strong>CB</strong>NEWS.FR
CREATIVE & TECHNOLOGICAL PLATFORM FOR LUXURY,<br />
PREMIUM, FASHION & CULTURE<br />
Digital platforms & E-commerce<br />
Tech & Data Consulting<br />
CRM & Webmarketing<br />
Experimental Retail<br />
Integrated Campaigns<br />
Social & Digital Activations<br />
Content Factory<br />
Corporate RSE<br />
Events & Fashion Shows<br />
Branding & Publishing<br />
Design & Packaging
PARIS | NEW YORK | SHANGHAI | BEIJING | HONG KONG<br />
mazarine.com
Pour défendre<br />
un savoir-faire,<br />
il faut d’abord<br />
le faire savoir<br />
inspire chaque mois<br />
(85% des top 8)<br />
(88% des acheteurs luxe)<br />
Source : ACPM One Next Influence Global 2020 V1 / Brand Régie Media Figaro
CULTIVER L’INTÉRÊT
Le meilleur remède<br />
contre les fake news * .<br />
La Radio. Les voix qui nous lient.<br />
Pour 1 Français sur 2, la radio est le média<br />
auquel ils font le plus confiance pour s’informer.<br />
33 ème baromètre de confiance dans les médias réalisé par Kantar pour La Croix. Enquête du 2 au 6 janvier 2020<br />
sur un échantillon de 1007 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus.<br />
Conception graphique :<br />
*Fake news : fausses informations.
Vous l’écoutez pendant<br />
des heures sans vous ennuyer.<br />
La Radio. Les voix qui nous lient.<br />
Les 3/4 des Français (1) écoutent la radio<br />
en moyenne 2h47 par jour (2) .<br />
(1) : Médiamétrie - 126 000 Radio septembre-octobre 2020, audience cumulée Total Radio (75,2%), Lu Ve, 5h-24h 13+.<br />
(2) : Médiamétrie - 126 000 radio cumul sept 2019 juin 2020, DEA Total Radio 13 ans +, Lu-Ve, 5h-24h.<br />
Conception graphique :
Édito<br />
DANSER SOUS<br />
LA PLUIE<br />
Un collector luxe en 2020 ? Alors que la planète est enfermée,<br />
que la maladie fait des ravages, que l’économie est au bord du<br />
gouffre. Quelle inconscience ! Quelle impudence ! Célébrer la<br />
consommation sans frein quand la terre se plaint, quelle folie !<br />
C’est une façon de voir les choses, mais ce n’est évidemment<br />
pas la nôtre. Si nous sommes plongés dans un marasme sans égal depuis des<br />
décennies, nous sommes toujours les mêmes, nous résistons, nous inventons,<br />
nous imaginons, nous rêvons. Et c’est cela qui au fond nous fait tenir<br />
face aux vagues successives d’attaques du virus. Et parmi les moyens à notre<br />
disposition, il n’y a pas le luxe, il y a les luxes. Ceux que nous avons au fond<br />
de notre tête, ces luxes qui nous font rêver et nous donnent l’envie d’être<br />
encore là demain, pour en profiter.<br />
Si nous étions seulement des êtres purement rationnels animés par la seule<br />
ambition de s’organiser pour vivre et survivre, il n’y aurait certes pas de<br />
luxe. Ni d’art, ni de beauté, ni de rupture et encore moins de mode. Mais<br />
nous ne sommes pas cela, nous sommes animés de pulsions, de coups de<br />
cœur, de passions, et ce sont ces luxes, accessibles ou non qui nous font<br />
avancer quelles que soient les circonstances. Alors évidemment, ce secteur<br />
a souffert. Le coup a été d’autant plus violent que non seulement les<br />
boutiques ont dû fermer mais les voyages se sont arrêtés et avec eux toute<br />
l’économie liée aux aéroports, à l’hôtellerie et plus largement à ce phénomène<br />
mystérieux qui fait que l’on est plus consommateur loin de chez soi.<br />
Alors, comme le dit le directeur général du groupe Kaspia, Ramon Mac<br />
Crohon, « Nous ne devons pas attendre que la tempête passe, mais apprendre<br />
à danser sous la pluie ». Et de fait, les palaces se sont mis à vendre<br />
des glaces, les chefs étoilés des plats à emporter, les Maisons ont défilé sur<br />
Zoom, les joailliers ont fait essayer leurs joyaux en ligne.<br />
Tout le monde s’est adapté et le renoncement n’a jamais été une option<br />
dans ce monde qui puise sa force dans la créativité et la perfection de<br />
l’exécution. Encore fallait-il que les clients soient au rendez-vous, ce qui<br />
semble avoir été le cas. Bien sûr, tout a ralenti et nombre de projets ont<br />
été repoussés à des jours meilleurs. Le regard tourné vers la Chine où<br />
tout a commencé, nous avons interrogé Paul-Emmanuel Reiffers dont le<br />
groupe Mazarine est fortement implanté à Shanghai où il travaille pour les<br />
marques locales et internationales. La reprise de la consommation dès la<br />
fin du confinement a selon lui quelque chose de rassurant. Et mme si les<br />
comportements face au luxe et à la consommation ne peuvent être transposés<br />
d’un pays à l’autre, parions sur le fait que l’an prochain le numéro<br />
Collector <strong>Luxe</strong> de « <strong>CB</strong> ews » célébrera une forme de renaissance. Ce n’est<br />
pas l’annonce de la thématique du numéro 99 mais la certitude que pardelà<br />
les crises, la créativité et la foi en l’avenir resteront les moteurs de<br />
notre humanité.<br />
Par FRÉDÉRIC ROY<br />
PHOTO : © ÉRIC LEGOUHY.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 8 . Spécial LUXE 2020
Sommaire<br />
56<br />
40<br />
16 COUPS DE CŒUR | UNE BÛCHE RIVE GAUCHE,<br />
UNE BAGUE SUR MESURE, UN PYJAMA CHIC,<br />
DES SECRETS DÉVOILÉS, LA ROTONDE D’ANDO,<br />
DES SACS LILLIPUTIENS, UN CHIFFRE RASSURANT…<br />
20 TRIBUNES<br />
20 | MARKETING DU LUXE EN CHINE :<br />
6 TENDANCES POUR 2021.<br />
PAR YUAN ZOU, DE HYLINK<br />
22 | SÉRÉNITÉ ET EXCLUSIVITÉ, NOUVEAUX LUXES<br />
À CULTIVER. PAR NIVA SINTÈS, DE PARNASSE.<br />
24 | LE LUXE APRÈS : LES MARQUES, NOS INTIMES ?<br />
PAR YVES HANANIA, DE LIGHTHOUSE.<br />
26 | LE LUXE DANS LA CRISE : S’ENGAGER OU PÉRIR.<br />
PAR STÉPHANE TRUCHI, DE L’IFOP.<br />
28 PORTRAIT PATRICK PRUNIAUX,<br />
D’ULYSSE NARDIN ET GIRARD-PERREGAUX.<br />
30 TWITTERVIEW<br />
13 QUESTIONS À SOPHIE FONTANEL, DE “ L’OBS ”.<br />
32 MAPPEMONDE<br />
LES INCARNATIONS DU LUXE.<br />
34 ÉTUDE IFOP<br />
EXCELLENCE ET RECYCLAGE.<br />
36 PROFIL <strong>CB</strong><br />
CHRISTOPHE PINGUET, DE SHORTCUT.<br />
38 BUREAU DE TRAVAIL<br />
ISIS-COLOMBE COMBRÉAS, DES MAGAZINES « MILK ».<br />
40 INTERVIEW CULTURE LUXE<br />
« LE LUXE LUI-MÊME EST DEVENU UNE FORME DE<br />
RELIGION », PAR OLIVIER GABET, DIRECTEUR DU MAD.<br />
44 MOTS DE PASSE<br />
ARIEL WIZMAN, HOMME PLURIEL.<br />
48<br />
La Grande Interview<br />
«Il y aura une explosion<br />
de la créativité »<br />
Paul-Emmanuel Reiffers est le fondateur et<br />
président de Mazarine. L’agence indépendante<br />
continue sa progression et s’offre<br />
mme le luxe de recruter Optimiste <br />
En couverture<br />
56<br />
Nouveau monde,<br />
nouveaux luxes ?<br />
L’expérience, l’authenticité remplacent le bling-bling,<br />
le superu. Les marques seront-elles attentives aux<br />
nouvelles valeurs Enquête.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 10 . Spécial LUXE 2020
Première régie<br />
sur les Femmes TOP 1 et TOP 2<br />
Source : One Next Influence 2020, Lecture Dernière Période des régies
Sommaire<br />
4 bis, rue de la Pyramide.<br />
92643 Boulogne-Billancourt Cedex.<br />
www.cbnews.fr.<br />
<strong>CB</strong> <strong>News</strong> est édité par <strong>CB</strong> Media.<br />
SAS au capital de 135 683 €<br />
RCS Nanterre 789 756 202 00014 –<br />
APE 5814Z.<br />
Fondateur : Christian Blachas.<br />
Président et directeur de la<br />
publication : Franck Papazian.<br />
Administrateur général :<br />
Kal Ladha.<br />
Actionnaire : Learning Management<br />
Développement.<br />
RÉDACTION :<br />
Directeur de la rédaction et<br />
rédacteur en chef : Frédéric Roy<br />
(55 22). Rédacteurs en chef<br />
adjoints : Amelle Nebia (conseil et<br />
marques) (51 05) et Thierry Wojciak<br />
(médias) (50 57).<br />
Rédacteurs : Thomas Moysan, Sarah<br />
Benayoun (55 46), Valentine Puaux<br />
(55 44). Hit Parade : Valérie Simon<br />
(55 07). Rédacteur en chef adjoint<br />
Édition : Bertrand Gauthey (51 01).<br />
Directrice artistique : Aida de Miguel.<br />
Directeur de <strong>CB</strong> Expert : Emmanuel<br />
Charonnat. Conception graphique :<br />
Mediamania (Claude Maggiori et<br />
Anne Maggiori). Responsable de<br />
production : Solen Bertemont (51 17).<br />
Ont collaboré à ce numéro : Éric<br />
Legouhy, photographe. Patrick Cappelli,<br />
Emmanuelle Grossir, Catherine<br />
Heurtebise, Catherine Jazdzewski ,<br />
David Medioni, Valéry Pothain, Antigone<br />
Shilling, Sophie Stadler, Éric Valz,<br />
rédacteurs. Et notre reporter masqué<br />
Joe La Pompe.<br />
PUBLICITÉ :<br />
Directrice Régie : Virginie Paradol<br />
(50 61). Directrice commerciale<br />
adjointe : Mélina Lorentz (55 48).<br />
Responsable du pôle Digital :<br />
Alexandre Hiriart (50 62).<br />
Responsable du pôle Agences :<br />
Barbara Dalbouse (50 09).<br />
Responsable B to B : Hélène Aubinais<br />
(55 43). Pour nous joindre : 01 55<br />
38 suivi du N° de poste, ou prénom.<br />
nom@cbnews.fr<br />
ISSN : 2116-9519<br />
CPPAP : 1022 T 84391<br />
Dépôt légal : décembre 2020-<br />
janvier 20201<br />
Imprimerie Lesaffre SA.<br />
Boulevard de l’Eurozone 9.<br />
7700 Mouscron. Belgique.<br />
N° National : BE 0421 148 066<br />
Ce numéro comprends 2 encarts<br />
brochés sur la totalité de la diffusion :<br />
1 encart 6 pages (ACPM) et 1 encart<br />
4 pages (Euronews) ; et 1 encart jeté<br />
sur la totalité de la diffusion routée<br />
(<strong>CB</strong> EXPERT).<br />
Service abonnements : 9 numéros<br />
+ l’Album by Shortlist, print et digital :<br />
219 € TTC (France).<br />
9 numéros + l’Album by Shortlist, en<br />
numérique : 180 € TTC (France). Tarif<br />
étudiant (France) : 9 numéros print ou<br />
digital : 69 € TTC.<br />
Service abonnement de <strong>CB</strong> <strong>News</strong><br />
c/o Abomarque - CS 63656 - 31036<br />
Toulouse Cedex 1 - 05 34 56 35 60 -<br />
cbnewsabo@abomarque.fr<br />
Couverture : © Aida de Miguel<br />
66 Interview<br />
“ Le luxe, c’est des racines et des ailes. ”<br />
Interview de Laurent Boillot, p-dg de Hennessy.<br />
68 Récup’ vers le futur...<br />
Seconde main, premier choix. La seconde main est une<br />
réalité que plus aucune maison de mode n'ignore.<br />
Enquête recyclage.<br />
Enquêtes<br />
et reportages<br />
72 5 SECTEURS IMMUNISÉS CONTRE LA CRISE<br />
Ils sont arrivés à trouver un antidote.<br />
76 DEUX PLATEFORMES S’INVITENT DANS LE LUXE<br />
Amazon et Alibaba proposent des articles de luxe,<br />
avec succès ou difficultés. Enqute.<br />
80 LES MARQUES CHERCHENT DU RÉSEAU<br />
TikTok, Instagram, Snapchat, Twitter... attirent<br />
les marques et rivalisent de formats.<br />
84 L’HORLOGERIE À L’HEURE DU E-COMMERCE<br />
Des marques accélèrent leur transformation<br />
numérique. Exemples avec Breitling et Tag euer.<br />
90 BOÎTES DE PROD’ – AGENCES : LE PARTAGE<br />
DES TÂCHES ?<br />
Des grandes maisons travaillent directement avec<br />
des boîtes de prod’ sans passer par les agences.<br />
Enqute tendances.<br />
94 AGENCES ET ANNONCEURS À L’ÉPREUVE<br />
DU VIRUS<br />
Tout digital, décélération, environnement... les<br />
agences ont du pain sur la planche.<br />
114<br />
98 LA MAISON RUPTURE<br />
Une agence avec un projet poétique mais qui<br />
garde les pieds sur terre.<br />
100 L’AUTRE VOIE DE L’ÉXÉCUTION CRÉATIVE<br />
Titem Mouici trace son propre chemin avec Kind.<br />
Audacieux.<br />
102 LES PETITES OPPORTUNITÉS DE LA CRISE<br />
Les marques médias ont redoublé d’imagination<br />
avec certaines belles réalisations.<br />
Enqute médias.<br />
106 LA RELANCE INTÉRIEURE EN CHINE<br />
Le premier marché mondial du luxe affiche une<br />
croissance insolente. Pour trois raisons.<br />
110 LES 100 ANS DU N°5<br />
Interview au parfum de Thomas du<br />
Pré de Saint Maur, DG des ressources<br />
créatives parfums beauté et horlogerie<br />
joaillerie de Chanel.<br />
80<br />
114 LA GUERRE DES ÉTOILÉS<br />
Les recettes des hôtels et restaurants étoilés pour<br />
sortir de cette crise.<br />
120 PARFUMS DE NICHE<br />
Pour sortir des senteurs battues , des parfums<br />
singuliers qui affichent une belle croissance.<br />
124 OBJETS DE LUXE, LES CLASSIQUES DU GENRE<br />
Comment un objet devient-il une valeur sre <br />
Réponses à travers 5 pièces que tout.e amateur.<br />
trice éclairé.e doit posséder.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 12 . Spécial LUXE 2020
Le magazine<br />
ELLe<br />
fête ses<br />
75ans<br />
NUMÉRO SPÉCIAL ANNIVERSAIRE VENDREDI 11 DÉCEMBRE
Sommaire<br />
132<br />
140<br />
128 L’ESPRIT MAISONS<br />
Des hôtels où on fait un peu plus que passer la<br />
nuit. Expériences.<br />
132 PROPRIÉTÉS PRISÉES. EXCLUSIF À PARTAGER<br />
Le paraître, l’accumulation, la possession ne<br />
sont plus de mise. 6 adresses luxe à visiter.<br />
136 DESIGN D’EXCEPTION<br />
Architecte, musée, joaillerie au service du luxe.<br />
140 LES LUXES, C’EST LA DIVERGENCE<br />
Par Axelle de Buffévent, directrice de style<br />
chez Martell Mumm Perrier-Jouët.<br />
Focus<br />
142 SPIRITUEUX, VUE DE L’ESPRIT<br />
Les liqueurs H-Theoria, créées par<br />
Camille Hedin et Marlène Staiger.<br />
144 JM WESTON, SECONDE MAIN POUR LES PIEDS<br />
Weston Vintage, la rénovation des anciennes<br />
paires à porter comme neuves.<br />
146 LE DOIGT SUR LA COUTURE<br />
Bernard Zins, pantalonnier des grands<br />
couturiers se recentre et garde son savoir-faire.<br />
148 LE JARDINAGE EN BAS DE SOIE<br />
Les codes et la pratique du jardinage pour les<br />
« bourrus ». Mazette !<br />
150 UNE MAISON SANS CONCESSION<br />
Un endroit pour vivre sa passion des bolides.<br />
152 BONS BAISERS DE MADAME JACQUES<br />
Le Récemment Dégorgé, la cuvée Bollinger<br />
de Lily, Madame Jacques.<br />
154 DES MONTRES À REMONTER LE TEMPS<br />
La haute horlogerie allemande retrouve ses<br />
marques d’avant le mur. brégé d’histoire.<br />
156 THE SKY EN ACCESS<br />
Les montres Frédérique Constant en 5 mots.<br />
Coté.<br />
158 HARLEY, UN SILENCE ASSOURDISSANT<br />
La dernière Harley Davidson est puissante,<br />
bien bâtie, mais... silencieuse !<br />
Re-création<br />
160 CULTURE PRINT<br />
Qu’importe le acon Ça a l’odeur du luxe, les<br />
codes du luxe, mais ce n’est pas du luxe, mais<br />
vraiment pas du tout ! Par Joe La Pompe.<br />
162 EN MARGE<br />
Olivier Roller, photographe et portraitiste<br />
réputé (entre autres pour « <strong>CB</strong> ews ») dévoile<br />
ses choix. Vraiment en marge.<br />
164 ARTAZART<br />
Des palais désaffectés en Italie. À la fois beau<br />
et triste. Un livre magnifique. Par rtazart.<br />
166 PROFIL MOBILE<br />
Les applis préférées de Thomas Heisser,<br />
responsable communication Ken Groupe.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 14 . Spécial LUXE 2020
La Poste – SA au capital de 5 364 851 364 € – 356 000 000 RCS Paris – Siège social : 9, rue du Colonel-Pierre-Avia – 75015 Paris – Crédit photo : Philippe Miran – 11/2020 – .<br />
MÉDIA COURRIER<br />
POUVOIR D’ATTRACTION<br />
Le luxe ne résiste pas au potentiel émotionnel et créatif du courrier. Votre clientèle exigeante est très<br />
sensible à l’attention que peut déclencher un envoi personnalisé, et le taux de transformation pourrait vous<br />
surprendre. Dès lors, il serait dommage de vous priver du pouvoir d’attraction que représente le courrier<br />
publicitaire. Pensez à l’intégrer dans vos prochaines communications. En savoir plus : laposte.fr/entreprise.
Coups<br />
DE CŒUR<br />
Timber !<br />
ÇA BÛCHE<br />
Les chefs se sont adonnés au traditionnel<br />
exercice de la bûche. Malgré tout.<br />
Leur capacité à créer est toujours là. Et<br />
comme on sera moins de convives au<br />
dessert, on pourrait se laisser tenter.<br />
Notre préférée : celle de Nicolas Guerico<br />
de l’Hôtel Lutétia Paris Rive Gauche.<br />
La bague au doigt<br />
ON DIT “ OUI ”<br />
Aronine, marque de joaillerie artisanale, créée par<br />
Svetlana de Voronine (28 ans) et Richard Larget<br />
(27 ans), transpose sur le web la réussite de leur<br />
atelier qui existe depuis 2015 avec une offre de bijoux<br />
customisables. On peut par exemple grâce à un assistant<br />
3 D créer son alliance sur son smartphone, sa tablette ou<br />
son ordinateur à partir de treize modèles originaux permettant<br />
pas moins de 15000 possibilités. Les alliances<br />
sont ensuite réalisées à la main dans l’atelier lyonnais.<br />
Un bar à gemmes est visible en 3D.<br />
Pyjama pandémie<br />
ENTRE SES MURS<br />
Àl’aise. Quitte à être bloqués peut-être encore à<br />
l’avenir, certaines maisons proposent de belles<br />
choses pour cultiver son luxe intérieur. Loro Piana,<br />
la marque italienne spécialiste de la maille cashmere, a<br />
dévoilé The Art of Well Being. Une capsule conçue autour<br />
de la pratique du yoga, de la méditation et de l’activité<br />
physique, le tout incarné par Christy Turlington. Dior<br />
vient de dévoiler « Dior chez moi », une collection de<br />
pyjamas, de peignoirs, de ponchos. Plus près de nous, on<br />
trouve des charentaises de luxe notamment chez Tcha<br />
fabriquées à Trouve en Charentes (récompensées par une<br />
étoile à l’Observeur du Design).<br />
Pages réalisées par<br />
CATHERINE HEURTEBISE et AMELLE NEBIA<br />
PHOTOS : © DIOR. © ARONINE. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 16 . Spécial LUXE 2020
Coups<br />
DE CŒUR<br />
Trois siècles de luxe<br />
LES SECRETS<br />
Le rayonnement mondial du luxe français<br />
remonte à Louis XIV et à son ministre<br />
Colbert. C’est ce que dévoile le documentaire<br />
« L’Invention du luxe à la française », de Stéphane<br />
Bégoin, coécrit avec Flore Kosinetz, d’après une<br />
idée de Laurence Picot, journaliste et plasticienne.<br />
Parallèlement, cette dernière signe chez E/P/A<br />
& Arte Editions le beau livre « Les Secrets du luxe<br />
». Grâce aux images de LuxInside, mélange de<br />
scanner médical et de photographies, se révèlent<br />
des mystères invisibles à l’œil nu (c’est Laurence<br />
Picot qui est à l’initiative de ce procédé). L’ouvrage<br />
surprend et redonne du sens. Et déjà sous Louis<br />
XIV, Fénelon raillait les excès du luxe dans « Les<br />
Aventures de Télémaque »!<br />
“ Les Secrets du luxe”.<br />
éditions EPA & Arte,<br />
(2020), 256 pages.<br />
39,95€.<br />
Rotonde<br />
RENDEZ-VOUS<br />
D’ART<br />
l35 artistes et 174 œuvres. Des peintures, des sculptures,<br />
des photographies, des vidéos, du son et de la lumière. La<br />
totalité de la Bourse du Commerce sera investie, du studio<br />
(au niveau -2), jusqu’au troisième étage, par les œuvres<br />
d’art contemporain issues de la Collection Pinault. Un auditorium<br />
(300 places) permettra d’accueillir du live (conférences,<br />
concerts) quand on pourra. C’est l’architecte japonais Tadao<br />
nd (Franois Pinault a fait appel à lui pour le Palazzo Grassi<br />
et la Punta della Dogana à Venise) qui signe le lieu avec Lucie<br />
Niney, Thibault Marca et Pierre-Antoine Gatier. L’ouverture est<br />
prévue le 23 janvier 2021.<br />
Dessin du projet pour<br />
la Bourse du<br />
Commerce de Paris,<br />
par Tadao Andō.<br />
L’esthète dans le sac<br />
ANTICIPATION<br />
+6 %<br />
Jacquemus a dévoilé sur son<br />
compte Instagram (audience de<br />
3 millions) son distributeur de<br />
sacs. C’est possible car ses créations<br />
de maroquinerie le Bambino, le Pitchou<br />
et le Gadjo, sont minuscules.<br />
On doit pouvoir payer autrement<br />
qu’avec de la petite monnaie… On<br />
ne sait pas trop si tout cela est vrai<br />
ou si c’est uniquement un « décor »<br />
pour le shooting avec Laetitia Casta.<br />
Mais c’est une idée.<br />
C’est le pourcentage du désir<br />
de produits et services « cruelty<br />
free » et d’engagements éthiques<br />
et écologiques associés au luxe<br />
qui continuent à progresser. Mais<br />
seulement en Europe. Une tendance<br />
particulièrement portée par les<br />
boomers européens, contrairement<br />
aux Chinois et aux Américains.<br />
Source : World Luxury Tracking – Ipsos octobre 2020<br />
PHOTOS : © JAQUEMU (INSTAGRAM). DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 18 . Spécial LUXE 2020
www.francetvpub.fr
Tribune<br />
Marketing<br />
du luxe en<br />
Chine<br />
6 tendances<br />
pour 2021<br />
LES MARQUES OCCIDENTALES VONT<br />
DEVOIR REPENSER LEUR STRATÉGIE<br />
SI ELLES VEULENT AVOIR UNE PART<br />
DE MARCHÉ...<br />
YUAN ZOU<br />
est directrice du<br />
développement<br />
Europe mode et<br />
luxe de Hylink.<br />
Voici 6 tendances à suivre<br />
pour les marques de luxe<br />
officiant dans l’Empire<br />
du Milieu. Pourquoi<br />
seulement Parce<br />
que, dans la culture chinoise, certains<br />
nombres sont perus comme fastes (jili<br />
). C’est le cas du chiffre ( , liù),<br />
qui évoque le verbe « couler, s'écouler » ( , liú) pour<br />
une vie sécoulant sans souci et de manière uide.<br />
1 - Choyer la GEN Z<br />
La Gen Z chinoise continue d'être le moteur de la<br />
consommation de luxe et de mode dans l’Empire du<br />
Milieu. Ils sont en qute de produits confidentiels, de<br />
références plus pointues, avec une identité forte. es<br />
marques qui leur permettent d'exprimer leur individualité<br />
au travers des conversations et des interactions<br />
qu’ils peuvent avoir avec elles sur tous les canaux.<br />
2 - Anticiper le “ Guochao ” : les marques chinoises d’abord<br />
La préférence pour les produits de style chinois ou « Guochao<br />
», va se renforcer en . Revendiquée dans le plan<br />
gouvernemental, la préférence nationale sétend désormais<br />
à l'origine des produits et privilégie la production<br />
locale. Ce plan préconise aussi une montée en gamme.<br />
Les marques occidentales de luxe devront faire preuve<br />
d’ingéniosité pour concurrencer les marques locales.<br />
3 - Editorialiser le live streaming<br />
Le live streaming s’est imposé dans le quotidien des<br />
consommateurs chinois. Les marques se doivent de penser<br />
ce format comme un mini documentaire, d’en affiner<br />
le storytelling, de veiller à une exécution créative soignée.<br />
Il leur faudra tre sélectives dans le choix des KOL<br />
(inuenceurs chinois) avec lesquelles elles collaboreront.<br />
4 - Imaginer de nouveaux formats<br />
Les formats publicitaires traditionnels laissent la place<br />
à une intégration plus subtile des messages dans des<br />
contenus authentiques (documentaires) ou divertissants<br />
(fictions). La publicité en ligne et hors ligne se<br />
recentre sur lexpérience vécue par le consommateur.<br />
Les marques ont tout intért à bien définir les objectifs<br />
qu’elles souhaitent atteindre.<br />
5 - Penser KOL for ever<br />
En Chine, KOL et fans entretiennent une relation fusionnelle.<br />
L’inuenceur est un grand frère tout autant<br />
qu’un mentor. Plus l’attention portée au consommateur<br />
final par l’intermédiaire des KOL sera grande, plus<br />
les marques parviendront à fidéliser davantage leurs<br />
fans pour, in fine, les convertir en clients.<br />
6 - Considérer le triptyque Médias/Réseaux<br />
Sociaux/E-commerce<br />
Contenu, communauté de fans fidèles et transactions<br />
constituent la nouvelle chaîne de valeur des marques<br />
en Chine. Les médias évoluent vers le social media et le<br />
social média vers les marketplaces. La frontière entre les<br />
trois s’estompe et l’on passe des médias publicitaires à des<br />
médias marchands. Pour transformer des internautes<br />
en clients, il devient essentiel de multiplier les points de<br />
contact et de créer la différence sur chacun d’entre eux.<br />
En , année du Bufe, suivre ces tendances et appliquer<br />
une stratégie adéquate devront être les priorités des<br />
marques de luxe occidentales si elles souhaitent profiter<br />
pleinement de la reprise économique chinoise.<br />
POTO : © R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 20 . Spécial LUXE 2020
Parmi, les acteurs du luxe les plus<br />
performants dans le monde, 3 groupes<br />
français font partie du Top 5.<br />
Global Powers of Luxury Goods 2020<br />
Une nouvelle ère pour la mode et le luxe<br />
Découvrez<br />
notre nouvelle<br />
étude<br />
© 2020 Deloitte SAS. Membre de Deloitte Touche Tohmatsu Limited
Tribune<br />
Sérénité et<br />
exclusivité,<br />
nouveaux<br />
luxes à<br />
cultiver<br />
UN SERVICE COMME UN MÉDECIN DE<br />
FAMILLE... UN LUXE PAR LES TEMPS<br />
QUI COURENT.<br />
NIVA SINTÈS<br />
est directrice de<br />
Parnasse.<br />
Chaque année, en décembre,<br />
on se retourne<br />
sur les mois passés. Et<br />
marque un cap.<br />
ul navait prévu ces<br />
bouleversements inédits qui ont<br />
profondément changé nos comportements<br />
et notre vision du monde.<br />
Confinés, interdits de déplacements,<br />
ralentis ou au contraire<br />
pris dans le tourbillon nouveau du<br />
télétravail et des visioconférences,<br />
nous avons pris du recul, repensé notre rapport au<br />
temps. Et, pour beaucoup, il est devenu évident que le<br />
temps pour soi, celui qui nous appartient loin de toutes<br />
contraintes, est un luxe.<br />
Ce luxe, cest ce que Parnasse, depuis sa création, offre à<br />
ses membres. Pionnier, Orange a, en, effet, compris très<br />
tt quil faudrait accompagner les utilisateurs de téléphones<br />
mobiles, particulièrement ceux voyageant régulièrement,<br />
afin de leur faciliter lexistence, de gommer<br />
leurs inquiétudes. Orange a donc imaginé Parnasse, en<br />
, marque sélective, qui sest imposée comme un service<br />
avant-gardiste en matière de sérénité numérique.<br />
ujourdhui lenvironnement digital sest densifié,<br />
complexifié. On compte désormais environ écrans<br />
par foyer. La domotique, lélectroménager connecté<br />
deviennent incontournables. La sphère privée rejoint<br />
lunivers professionnel. Ce qui nécessite suivi, synchronisation.<br />
Et Parnasse, par son savoir-faire, est plus que<br />
jamais le garant dune forme dapaisement en prenant<br />
en charge les problématiques technologiques mais aussi<br />
celles de la protection des données.<br />
Si Parnasse est capable doffrir ce luxe à ses membres,<br />
cest parce que depuis toujours nous misons sur lhumain,<br />
le lien, léchange. Chacun de nos membres est<br />
en contact avec son coach, épaulé par un desk, et cela<br />
24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. L'un de nos membres<br />
me confiait un jour que son coach Parnasse est un peu<br />
comme un médecin de famille, qui le connat parfaitement<br />
et sait le soulager en toute confidentialité. Cette<br />
capacité à proposer un service « sans couture » est évidemment<br />
lié à la formation de nos équipes, dans notre<br />
aute cole du Service, basée sur lécoute et la bienveillance.<br />
Cest à nos yeux la seule faon de cultiver lart du<br />
conseil, dtre présent sans tre pressant, proactif ou plus<br />
en retrait selon les tempéraments.<br />
Pour faire du sur-mesure, de l’hyper-personnalisation,<br />
on doit sadresser à une communauté resserrée. Parnasse<br />
est ainsi un cercle où chaque candidature est soumise<br />
à un comité de sélection. Il est aujourdhui constitué<br />
d’un peu plus de membres à qui nous garantissons<br />
où qu’ils se situent en France et bien plus loin, calme,<br />
confiance et moments dexception. Car Parnasse a également<br />
à cur de fédérer ses clients et de les réunir lors<br />
dévénements uniques dans plusieurs régions de l’exagone.<br />
e la privatisation dexpositions à des rendezvous<br />
dans des ateliers dartistes, nous imaginons des<br />
parenthèses de rencontres et de surprises. es instants<br />
particuliers et uniques, hors du temps, que lon garde en<br />
mémoire. es souvenirs précieux qui, là aussi, riment<br />
avec luxes contemporains.<br />
POTO : © R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 22 . Spécial LUXE 2020
www.radiofrancepub.com
Tribune<br />
Le luxe après* :<br />
Les marques,<br />
nos intimes ?<br />
YVES HANANIA<br />
est fondateur et président<br />
de Lighthouse,<br />
cabinet de conseil en<br />
stratégie de marque,<br />
spécialisé dans la mode<br />
et le luxe.<br />
NOTRE RAPPORT AUX MARQUES A<br />
CHANGÉ AVEC LE CONFINEMENT.<br />
CELLES-CI DOIVENT CHANGER AVEC<br />
CETTE NOUVELLE RELATION.<br />
Durant ces derniers mois de confinement et<br />
d’isolement, les marques ont investi et préempté<br />
une nouvelle dimension : l’espace intime<br />
des maisons. Si la crise a apporté son lot<br />
de problèmes à gérer dans l’immédiat, dans un second<br />
temps, les marques de luxe ont su redoubler de créativité<br />
et d’ingéniosité pour occuper l’espace laissé libre « chez »<br />
leurs clients.<br />
Elles ont été parmi les premières à se mobiliser face à<br />
la crise sanitaire. Un comportement remarquable du<br />
départ qui est à saluer. Les plus grandes marques de<br />
luxe vont désormais plus loin. Elles ont conscience qu’il<br />
leur faut aussi rendre des services, enchanter notre vie,<br />
s’insérer dans notre cercle d’amis, devenir nos intimes,<br />
en s’invitant chez nous. urant le confinement, elles ont<br />
été nombreuses à multiplier leurs voies de communication<br />
comme leurs canaux de vente vers leurs clients<br />
leur offrant des master classes, des visites virtuelles de<br />
leur magasin… tout en leur permettant d’acheter leurs<br />
produits via les réseaux sociaux comme Instagram en<br />
quelques clics. Lululemon, la marque de vêtements de<br />
fitness à la mode, en est un très bon exemple avec le Mirror,<br />
un écran rééchissant installé à son domicile permettant<br />
à ses utilisateurs de faire de l’exercice en suivant<br />
des séances d’entraînement tout en se voyant.<br />
Imaginons un instant ce que d’autres pourraient faire.<br />
Les clients se prennent à rêver de concerts privés organisés<br />
par leur marque favorite comme Devialet ou<br />
Bang Olufsen, ou un Instagram life avec un chanteur<br />
iconique de rock qui pourrait être Bono, autant d’occasions<br />
de nouer et renforcer des liens avec leurs clients.<br />
Ceux de Louis Vuitton attendent de leur marque fétiche<br />
des expériences de voyages et de découvertes pour les<br />
enlever à la turpitude d’un monde à l’arrêt avec interdiction<br />
de quitter chez soi. À Louis Vuitton de nous faire<br />
voyager – son essence de marque est l’art du voyage<br />
après tout.<br />
Avec les fermetures à répétition, un enjeu évident est de<br />
retrouver le chemin des magasins avec une attente encore<br />
plus grande d’enchantement et d’émerveillement.<br />
Un nombre croissant de marques de luxe imagine des<br />
centres d’expériences créant de nouveaux espaces en<br />
leur sein : bien-être, culture et expositions, coworking,<br />
recyclage, etc. Les espaces expérientiels se multiplient.<br />
Les grands magasins redoublent de créativité afin d’offrir<br />
de nouvelles expériences comme des services.<br />
Pour devenir nos intimes, les marques mobilisent ainsi<br />
leur écosystème, avec l’aide du digital qui leur offre<br />
une connaissance fine de leurs clients et de leur évolution.<br />
Pour nourrir nos rêves. Pour répondre à nos désirs<br />
vintage ou d’avant-garde.<br />
Pour des services utiles. Pour<br />
prendre soin de nous. Les<br />
marques se sont ainsi invitées<br />
dans notre intimité et nous<br />
leur en sommes reconnaissants.<br />
À nous de les retrouver<br />
en magasin réinventé et digitalisé<br />
où le luxe demain aura<br />
pris vie et pris en compte les<br />
tendances qui se sont accélérées<br />
durant cette crise : la digitalisation,<br />
le développement<br />
durable, l’expérience client,<br />
la présence sur les réseaux<br />
sociaux, le e-commerce.<br />
* Le titre fait référence à un premier<br />
ouvrage paru avant la crise sanitaire, “ Le<br />
<strong>Luxe</strong> demain ” aux éditions Dunod, coécrit<br />
avec Isabelle Musnik et Philippe Gaillochet.<br />
POTO : RTM-GEC.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 24 . Spécial LUXE 2020
Il est temps d’oublier<br />
les idées toutes faites<br />
sur le print et le<br />
numérique.<br />
La nouvelle publication « Lift Off »<br />
de Sappi vous ouvrira les yeux sur<br />
ce que l’imprimé et le numérique<br />
peuvent accomplir ensemble.<br />
Papier + Numérique = résultats marketing<br />
Voici quelques exemples probants de cette combinaison gagnante :<br />
Lorsque les<br />
publicitaires<br />
investissent<br />
5%<br />
de leur<br />
budget<br />
dans les magazines<br />
papier, les RSI<br />
augmentent de<br />
90%<br />
en<br />
moyenne<br />
Les campagnes qui<br />
intègrent les magazines<br />
voient l’acquisition de<br />
clients progresser de<br />
161%<br />
La distribution<br />
ciblée de catalogues<br />
imprimés en période<br />
de pic peut générer<br />
un RSI compris entre<br />
300%<br />
et900%<br />
Scannez ce QR code ou rendez-vous<br />
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pour commander gratuitement votre<br />
magazine Lift Off.<br />
* Recherche menée par le service postal Royal Mail au Royaume-Uni.
Tribune<br />
Le luxe dans<br />
la crise,<br />
s'engager ou<br />
périr<br />
GROS CHALLENGE POUR<br />
LES MARQUES QUI DOIVENT<br />
RÉPONDRE SUR TOUS LES FRONTS<br />
ET LE PROUVER.<br />
STÉPHANE<br />
TRUCHI<br />
est président du<br />
directoire de l’Ifop.<br />
2020, annus horribilis, a<br />
précipité, en un mouvement<br />
aussi rapide que<br />
brutal, la presque totalité<br />
de la planète, sociétés,<br />
individus, entreprises, dans une<br />
vulnérabilité d’une ampleur jusqu’ici<br />
inégalée. Confrontés à ce traumatisme,<br />
les individus consommateurs<br />
ressentent le besoin impérieux,<br />
presque viscéral, d’être compris et<br />
rassurés. Ils attendent des marques<br />
en général, et tout particulièrement<br />
des marques de luxe, qu’elles démontrent la pleine<br />
conscience qu’elles ont de la gravité de la situation et<br />
leur capacité à soulager, ou atténuer, l’anxiété et le sentiment<br />
de vulnérabilité de leurs clients. C’est donc sur<br />
l’écoute, l’accompagnement et, de manière plus aboutie,<br />
car plus concrète, sur l’engagement, que les marques<br />
sont désormais challengées. Mais de quelle sorte d’engagement<br />
parle-t-on ici ?<br />
Eu égard à leur rayonnement et leur valeur emblématique,<br />
les marques de luxe ont un devoir d’excellence et<br />
d’exemplarité. Tel est le sens de la responsabilité qui leur<br />
échoit, et de l’engagement sur lequel elles sont attendues.<br />
Vaste programme, comme disait le général de Gaulle,<br />
car l’engagement dont il s’agit doit être holistique, capable<br />
de se déployer de manière systémique, donc sur<br />
plusieurs terrains en même temps : le terrain de la responsabilité<br />
sociale d’abord. Les marques de luxe sont<br />
mises au défi, dans un contexte à hauts risques, de faire<br />
le maximum pour préserver l’emploi, et veiller, à travers<br />
ses différentes expressions, à respecter toutes les sensibilités,<br />
à ne jamais heurter.<br />
Le terrain de la responsabilité environnementale,<br />
ensuite. Car ces marques se doivent de prouver leur<br />
contribution efficiente en matière d’empreinte écologique,<br />
de soutien au local, de respect de la cause animale.<br />
Le terrain du rapport à la consommation : l’ostentation,<br />
la profusion, les propositions incessantes, caractéristiques<br />
d’un luxe effervescent, sont désormais totalement<br />
inappropriées.<br />
Le terrain de la relation marque-client : à la verticalité<br />
de la marque en majesté qui domine de tout son prestige,<br />
se substitue une relation plus équitable, dans laquelle<br />
l’acheteur veut se sentir plus respecté, plus écouté. Le<br />
terrain, enfin, de l’indispensable protection apportée<br />
aux clients. Apaiser le stress, détendre autant que faire<br />
se peut, grâce à une ambiance d’achat calme, douce,<br />
réconfortante ; rassurer sur l’innocuité des produits ;<br />
garantir une sécurité absolue en point de vente, sont des<br />
impératifs à respecter pour conserver la confiance des<br />
acheteurs de luxe.<br />
Les enjeux, on le comprend, sont considérables. La<br />
confiance est le point nodal, cela de faon plus cruciale<br />
encore. Et l’engagement des marques de luxe ne saurait<br />
se limiter à des intentions, mais doit pouvoir se vérifier,<br />
se constater, par des actes concrets. Car ce sont désormais<br />
les actes qui font foi et qui peuvent stimuler l’indispensable<br />
ressort du luxe qu’est le désir. Sans désir,<br />
ne resterait plus aux marques qu’à tomber en désamour<br />
et périr.<br />
PHOTO : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 26 . Spécial LUXE 2020
www.marcade-event.com – T. +33 (0)1 49 05 05 49 – info@marcade-event.com
Portrait<br />
ÉCHAPPEMENT<br />
Heureux qui,<br />
COMME ULYSSE...<br />
PATRICK PRUNIAUX, CEO D’ULYSSE NARDIN ET GIRARD-PERREGAUX,<br />
EST UN HOMME PLEIN D’ASPÉRITÉS, EN RECHERCHE DU MOUVEMENT,<br />
D’AVENTURES, DE VOYAGES. UN HOMME QUI FAIT CONFIANCE,<br />
EXIGEANT ET, PARFOIS EN RETARD.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 28 . Spécial LUXE 2020
Portrait : recyclage<br />
PHOTOS : DR.<br />
Le monde entier est toujours là ; La vie pleine<br />
de choses surprenantes ». Deux vers tirés du<br />
poème de Blaise Cendrars « Tu es plus belle<br />
que le ciel et la mer ». Ce poème est le préféré<br />
de Patrick Pruniaux, double CEO dans<br />
le groupe Kering pour les marques Ulysse-Nardin et Girard-Perregaux.<br />
Dans ce texte un autre vers dit, à trois reprises<br />
: « Quand on aime il faut partir ». Vie surprenante,<br />
partir pour grandir. Deux maximes que Patrick Pruniaux<br />
met pleinement en application. Fidèle à son poème favori.<br />
Alors que nous le rencontrons sur Zoom, il revient de<br />
deux jours à Dubaï. Il est à l’heure à notre rendez-vous.<br />
L’étonnement nous gagne car Karine Salzmann, son assistante<br />
personnelle depuis dix ans avec qui il entretient<br />
une relation d’une grande confiance, nous avait prévenus<br />
: « C’est assez compliqué de gérer son agenda car<br />
il est vraiment souvent en retard, c’est un petit défaut,<br />
mais c’est un défaut tout de même ». Il concède : « C’est<br />
vrai. Je pense toujours qu’il y a plus de soixante secondes<br />
dans une minute. Quand je suis concentré sur un sujet,<br />
une problématique, j’ai envie d’aller jusqu’au bout ».<br />
Pruniaux confie qu’il avait pourtant progressé quand il<br />
travaillait chez Apple en Angleterre comme directeur<br />
général Royaume-Uni et Irlande après un an à Cupertino<br />
où il a participé en mode projet à l’élaboration et au lancement<br />
de l’Apple Watch. « En Angleterre, le retard est<br />
très mal vu. Alors je m’étais soigné », s’amuse-t-il.<br />
vant la firme à la pomme où il a « appris à travailler<br />
intensément en mode projet », à « comprendre le fonctionnement<br />
d’un management plus horizontal » et où il<br />
« a été impressionné par le savoir-faire de la marque dans<br />
l’exécution et la précision de l’expérience que l’on veut<br />
faire vivre aux clients », Patrick Pruniaux avait déjà une<br />
riche expérience. Il avait débuté chez Guinness où il a<br />
occupé plusieurs postes, dans différents pays d’Afrique :<br />
Mali, Ghana, Gabon, et Togo. Le tout pendant trois ans<br />
et demi. « J’aurais pu en sortant de l’école de commerce<br />
de Bordeaux aller travailler chez l’Oréal ou Michelin, j’ai<br />
préféré une autre aventure me sortant de ma zone de<br />
confort et me permettant de voyager », explique Patrick<br />
Pruniaux. Après cette expérience, le brasseur l’envoie à<br />
Chicago. Il y fait du marketing. Il n’y reste pas longtemps.<br />
« Je me suis assez vite ennuyé. » Besoin de partir. Encore.<br />
Il va alors à Miami, chez LVMH pour diriger les ventes de<br />
la division vins et spiritueux. « C’est un super souvenir.<br />
J’ai pu visiter tous les pays d’Amérique du Sud. »<br />
Voyager, partir, aventure. Trois mots qui collent bien<br />
au CEO d’Ulysse-Nardin. Après LVMH, il démissionne.<br />
Retourne à l’école pour faire un MBA à HEC et à la London<br />
School of Economics. C’est dans un train qui l’emmène<br />
rejoindre sa petite amie qu’il croise une ancienne<br />
DRH qui l’invite à candidater chez Tag Heuer. « Une<br />
marque fantastique » dans laquelle il restera huit ans pour<br />
terminer directeur commercial monde. Mais « quand on<br />
aime il faut partir », et il décide d'aller chez Apple. « J’aime<br />
beaucoup me mettre en déséquilibre. Le déséquilibre<br />
c’est l’apprentissage permanent », confie encore Patrick<br />
Pruniaux en faisant ensuite référence à la prière des parachutistes<br />
chez lesquels il fit son service militaire et dont<br />
il apprécie les valeurs humaines fortes : « Donne-moi la<br />
bagarre et donne-la moi une bonne fois pour toutes car<br />
je n’aurais pas toujours le courage de te la demander ». Le<br />
corollaire de ce déséquilibre qu’il aime, c’est à la fois son<br />
exigence forte envers les autres, mais aussi sa capacité à<br />
leur confier de lourdes responsabilités.<br />
“ JE PENSE TOUJOURS QU’IL<br />
Y A PLUS DE SOIXANTE<br />
SECONDES DANS UNE<br />
MINUTE. QUAND JE SUIS<br />
CONCENTRÉ SUR UN SUJET,<br />
UNE PROBLÉMATIQUE,<br />
J’AI ENVIE D’ALLER<br />
JUSQU’AU BOUT. ”<br />
« Patrick aime donner sa chance aux collaborateurs<br />
qu’il a repérés. J’en suis un exemple, confie Clémence<br />
Dubois, directrice du marketing de Girard-Perregaux.<br />
C’est quand il est arrivé, que nous avons commencé à travailler<br />
ensemble et qu’il m’a fait grandir, puis m’a confié<br />
de très grandes responsabilités. » C’est justement parce<br />
qu’il est capable de donner ainsi sa confiance que Patrick<br />
Pruniaux est apprécié, mais qu’il est aussi exigeant. Très.<br />
« Il est toujours connecté, toujours sur la brèche, il nous<br />
envoie des articles, des analyses tout le temps. Il s’intéresse<br />
à tous les métiers », confie encore Clémence ubois.<br />
Un sentiment partagé par Marie Ansel, la responsable des<br />
relations presse d’Ulysse Nardin. « Il nous oblige à nous<br />
surpasser car lui-même est dans cette volonté de dépassement<br />
permanent ». N’est-ce pas un peu trop ? « Je connais<br />
ce défaut, oui. Je suis obsédé par l’idée de trouver une<br />
solution à un problème. J’adore cela », admet-il. Trois<br />
ans après son arrivée chez Ulysse Nardin, il insiste : « La<br />
marque a un potentiel phénoménal qui n’est pas encore<br />
totalement exploité tant sur la communication, que<br />
sur le rajeunissement de certains produits ». La conversation<br />
se termine, il nous raconte son amour du sport :<br />
course à pied, kite surf, et cette « sensation de bien-être<br />
qui le gagne » quand il fait du sport. Il nous parle aussi<br />
spontanément d’un auteur qu’il aime : Joseph Kessel. Un<br />
voyageur, encore. « Ces récits de voyages sont extraordinaires.<br />
Ils disent tout de ce qu’apporte de positif, le décentrement<br />
». Le patron d’Ulysse Nardin n’est pas toujours à<br />
l’heure, mais clairement, il aime le mouvement.<br />
DAVID MEDIONI<br />
PATRICK<br />
PRUNIAUX<br />
est président-directeur<br />
général des montres<br />
Ulysse Nardin, du<br />
groupe Kering.<br />
Repères voyageurs<br />
partiels : Bordeaux,<br />
école de commerce,<br />
Mali, Ghana, Gabon,<br />
Togo et Chicago pour<br />
Guinness. Miami pour<br />
LVMH. Cupertino et<br />
Londres pour Apple...<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 29 . Spécial LUXE 2020
Twitterview<br />
13<br />
QUESTIONS À<br />
Sophie<br />
Fontanel<br />
LES MEILLEURES RÉPONSES SONT<br />
LES PLUS COURTES. 140 SIGNES<br />
PAS PLUS *, COMME SUR TWITTER.<br />
Votre luxe là tout de suite ?<br />
J’ai acheté cette nuit (insomnie) des taies d’oreiller<br />
Marimekko vintage sur eBay, des années 70.<br />
, mais... faut savoir les choisir <br />
La Bourse du commerce qui ouvrira en janvier,<br />
vous êtes invitée ?<br />
J’imagine que oui. Mais le luxe, ce n’est pas de passer à<br />
l’inauguration, c’est d’avoir un pass. De pouvoir revenir<br />
fois, à tout moment.<br />
Demna Gvasalia de Balenciaga qui présente sa<br />
dernière collection dans un jeu vidéo...on joue ?<br />
Ce n’est pas le Covid qui a tué les défilés, c’est leur<br />
monotonie. Enfin a bouge e ne sais pas si on joue,<br />
mais on jouit <br />
Marion Cotillard qui danse sur la lune pour Chanel<br />
N°5, on la suit ?<br />
J’entretiens un rapport beaucoup trop intime à ce <br />
pour le (res) sentir dans une pub qui vise une aussi<br />
grande audience.<br />
Gus Van Sant qui réalise une série pour Gucci,<br />
vous divulgachez ?<br />
J’ai écrit sur le sujet : cette faon de placer la mode<br />
dans la vie est historique. Il aura un avant et un après.<br />
Un coup de maître(s).<br />
Est-ce que la reprise en Chine nous éclaire (un peu) ?<br />
Ça aide. Mais si nous ne savons pas tre créatifs,<br />
porteurs d’un rve noble, alors la Chine fera un jour<br />
tout cela à notre place.<br />
Acheter en ligne du luxe n’est plus accessoire :<br />
on clique ?<br />
Moi, quand j’achète un truc cher en ligne, en général,<br />
c’est une pièce vintage, rare, je suis à la fois effarée et<br />
fascinée par le prix.<br />
La seconde main dans le luxe, c’est du premier choix ?<br />
C’est mme la grande affaire des années à venir : les<br />
marques commencent à comprendre qu’elles ont<br />
intérêt à gérer leur propre vintage.<br />
Vous cousez, reprisez, démontez les vêtements,<br />
c’est apaisant ?<br />
Oui. Sans un profond amour de la couture, on ne<br />
devrait rien avoir à faire dans ce milieu. élas, il offre<br />
des avantages qui attirent...<br />
2021...<br />
Des marques faisant des merveilles avec des tissus<br />
upcyclés. De petites marques neuves et luxueuses,<br />
proposant des choses irrésistibles.<br />
Vos pluriels pour le mot luxe en 140 caractères,<br />
c’est possible ?<br />
Je n’aime pas ce mot de « luxe », qui est trop lié au<br />
marketing, bien trop pluriel. Il aurait bien besoin de<br />
devenir un peu plus singulier.<br />
SOPHIE<br />
FONTANEL<br />
est écrivaine, critique<br />
de mode à “ L’Obs ”.<br />
*Twitter est passé depuis<br />
longtemps à 280 signes<br />
max. Très bien. Nous<br />
avons respecté cette<br />
décision, mais, nous,<br />
dans notre “ Twitterview<br />
”, on reste à 140<br />
signes. C'est bien plus<br />
challengeant.<br />
Le “ revenge shopping ” vous y croyez ?<br />
Je déteste ces deux mots. Mis ensemble, pire, ils sont<br />
dégradants. Les vtements nous permettent de faire<br />
peau neuve... besoin vital.<br />
Et toi, tweetes-tu ?<br />
’essaie (héroquement) de tweeter avec bonne<br />
humeur. Ça permet d’expliquer la pertinence de la<br />
mode à ceux qui s’en fichent. ’évangélise.<br />
Recueilli par AMELLE NEBIA<br />
POTO : R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 30 . Spécial LUXE 2020
Paroles<br />
DE…<br />
UNE PUBLICATION<br />
UN NOUVEL USAGE<br />
DU MÉDIA TV<br />
QUELQUES SEMAINES APRÈS LE LANCEMENT DE SON OFFRE « ADRESSABLE.TV »,<br />
FRANCETV PUBLICITÉ A DEMANDÉ À SES PARTENAIRES CE QUE LEUR INSPIRAIT<br />
LEUR PREMIÈRE EXPÉRIENCE EN TV SEGMENTÉE.<br />
« La publicité segmentée<br />
à la télévision arrive à<br />
point nommé pour<br />
procurer la rationalité<br />
économique et l’efficacité de<br />
ciblage dont les marques ont besoin<br />
dans une période ou leur prise de parole est de<br />
plus en plus déterminante pour leur avenir. »<br />
Laurent Broca<br />
CEO Pôle Media du groupe Havas<br />
« Chez Dentsu nous croyons que la publicité doit évoluer vers plus de<br />
pertinence. La personnalisation permet à la fois de mieux respecter les<br />
choix et les goûts des consommateurs, et de réduire l’impression de<br />
massification publicitaire, devenue trop souvent nocive. C’est pourquoi la<br />
TV segmentée doit devenir un atout supplémentaire permettant à nos clients<br />
de mieux cibler leurs prises de parole, ainsi qu’un levier enrichissant l’expérience<br />
utilisateur via la personnalisation des messages publicitaires au niveau du foyer. Elle sera un<br />
complément idéal à l’offre média nationale déjà largement utilisée par nos annonceurs. »<br />
Pierre Calmard<br />
CEO Dentsu Aegis Network France<br />
« La TV<br />
segmentée est<br />
potentiellement une<br />
avancée majeure pour les<br />
stratégies des annonceurs car lorsque l’on<br />
associe la puissance et la qualité de la TV<br />
(contexte, qualité de visionnage) avec<br />
une capacité de ciblage augmentée sur<br />
un média déjà globalement efficace, les<br />
marques pourront alors faire preuve de<br />
plus de créativité et de justesse mais<br />
aussi être plus empathiques et<br />
respectueuses dans les interactions avec<br />
les consommateurs. »<br />
Fernando Da Costa<br />
Co-CEO OMG<br />
Le Focus de l’expert<br />
« La télévision<br />
segmentée est<br />
un tournant décisif<br />
pour la TV, média<br />
référent pour sa puissance et sa<br />
capacité à bâtir les marques.<br />
Désormais, il fera, en complément,<br />
jeu égal avec les médias de<br />
précision : la géolocalisation, la<br />
data, les nouveaux modes<br />
d’achats automatisés en feront le<br />
média d’avenir incontournable<br />
pour nos clients. »<br />
Mathieu<br />
Morgensztern<br />
Country Manager de WPP France<br />
« La transformation digitale du<br />
média TV représente une formidable<br />
opportunité pour les marques<br />
d’optimiser leur médiaplanning à partir<br />
de nouvelles possibilités : intelligence de la data et<br />
personnalisation de la création, dans un contexte de brand<br />
safety et de confort de diffusion que garantit le média TV.<br />
Si la TV segmentée cristallise de nombreuses attentes, des<br />
challenges sont encore à résoudre notamment autour de la<br />
mesure des audiences et de la pige pour une juste prise en<br />
compte de cette nouvelle forme d’audience. Les mois à venir<br />
seront précieux et décisifs. Ils seront l’occasion pour Publicis<br />
d’accompagner chaque annonceur selon ses enjeux dans ses<br />
choix d’investissement sur ce nouveau levier. »<br />
Gautier Picquet<br />
COO Publicis France et CEO Publicis Media France<br />
Photos : DR<br />
Marianne<br />
Siproudhis<br />
Directrice générale<br />
de FranceTV Publicité<br />
Après 2 ans d’expérimentations, La TV segmentée devient une réalité et une innovation majeure pour notre média TV. En novembre<br />
et décembre prochains, pour la première fois en France, nous diffuserons les 11 premières campagnes de TV segmentée sur<br />
les chaînes de France Télévisions, via les décodeurs Orange : outre Orange, notre premier annonceur avec sa campagne « Maison<br />
protégée », nous diffusons des spots substitués pour Carte Noire, Citroën, EDF, Engie, Harrys, Intermarché, Peugeot, Reckitt, Renault et Sanofi.<br />
Notre satisfaction va de pair avec l’enthousiasme de nos clients et nous aurions pu accueillir 5 fois plus de campagnes sur cette période si les<br />
possibilités techniques nous l’avaient permis.<br />
À ce stade, l’offre « adressable.tv » de FranceTV Publicité permet aux annonceurs de profiter d’une personnalisation adéquate :<br />
géolocalisation de leur campagne, optimisation du spot selon des cibles de foyers spécifiques, usage de la consommation TV,<br />
mesures des KPI des campagnes selon les standards du digital. De façon globale, nous mettons l’accent sur les possibilités de ciblage<br />
géolocalisé (de la région jusqu’au quartier « zone IRIS ») avec cette opportunité nouvelle du mediaplanning en télévision, et particulièrement<br />
adaptée au contexte programme des chaînes de France Télévisions. Nous nous appuyons sur les décrochages régionaux de France 3 et la<br />
dynamique de nos forces commerciales en régions. Les nouvelles possibilités créatives sont vastes pour les annonceurs. Nous proposons<br />
dans une première étape des dispositifs simples et efficaces avant de sophistiquer les approches grâce à un enrichissement avec des<br />
données tierces. Quelles que soient les combinaisons de cette nouvelle forme de communication, nous respectons nos téléspectateurs qui<br />
devront donner leur consentement explicite pour recevoir ces publicités segmentées.
Planète<br />
LUXE<br />
AU TOUR DU MONDE<br />
AILLEURS, LOIN PARFOIS, QUELLES SONT LES INCARNATIONS<br />
DU LUXE ? UN PLURIEL POUR VOYAGER. QUAND MÊME.<br />
PHOTO : DR.<br />
États-Unis<br />
Incontournables pour l’architecture<br />
contemporaine, les États-Unis<br />
brillent par la virtuosité de leurs<br />
gratte-ciels et par la créativité de<br />
leurs maisons d’architectes. Le summum<br />
du luxe serait d’en acquérir<br />
une ou sinon de s’offrir un séjour<br />
dans une demeure usonienne de<br />
Frank Lloyd Wright. La John O.<br />
Carr House, (banlieue de Chicago)<br />
construite en 1950 et rénovée vient<br />
d’être mise en vente ainsi que la<br />
Dune House sur le site dwell. Assistant<br />
de Wright, John Lautner a,<br />
lui, créé des maisons autour de Los<br />
Angeles ainsi la Residence Sheats<br />
Goldstein (photo), vue dans « The<br />
Big Lebowski » et que Rihanna avait<br />
loué pour son anniversaire. La Villa<br />
de Bob Hope du même Lautner a<br />
été vendue 13 millions $ et la Wolf<br />
House vendue 5,9 millions $. Certaines<br />
de ces maisons sont disponibles<br />
en location, sinon réserver<br />
un bungalow au parfum vintage à<br />
l’hôtel Lautner à Palm Springs.<br />
PHOTO : © FABRICE MALARD.<br />
Afrique : textiles<br />
Si le continent Afrique est souvent<br />
réduit au wax, un créateur camerounais<br />
fait redécouvrir d’autres<br />
textiles issus d’un riche patrimoine<br />
artisanal. Imane Ayissi explique :<br />
« J’ai voulu donner une autre image,<br />
qui me semble plus authentique, du<br />
patrimoine textile africain, aider à<br />
préserver des savoir-faire locaux et<br />
faire travailler des artisans de différents<br />
pays d’Afrique. Ces tissus artisanaux<br />
se prêtent facilement à des<br />
évolutions contemporaines et sont<br />
authentiquement « luxueux » par<br />
leur travail et raffinement. » Invité<br />
lors des défilés de la haute couture à<br />
Paris, il définit son style comme « l’allure<br />
parisienne mixée avec l’héritage<br />
de cultures africaines. »<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 32 . Spécial LUXE 2020
Italie: Riva<br />
Rêver de Venise, de Portofino, du lac<br />
Iseo et imaginer le summum du luxe<br />
pour se mouvoir sur l’eau à bord d’un<br />
Riva. Né en 1950, dans une famille de<br />
charpentiers spécialisés dans les bateaux,<br />
Riva est une icône du luxe qui<br />
s’inspire de bateaux américains. Une<br />
sélection de bois précieux (souvent de<br />
l’acajou) vernissés, une forme effilée<br />
et des moteurs puissants signent ces<br />
Rolls-Royce de la mer. Et un art de vivre<br />
à l’italienne. Les derniers modèles en<br />
bois ont cessé leur fabrication en 1996 ;<br />
depuis, Riva met son savoir-faire au service<br />
de yachts.<br />
Japon : kintsugi<br />
Technique artisanale, le kintsugi recèle<br />
toute la subtilité et l’originalité de l’esthétique<br />
japonaise. Il s’agit d’accepter<br />
les aléas de la vie d’un objet, son usure<br />
en lui offrant une renaissance. La technique<br />
du kintsugi consiste à réparer,<br />
par exemple un bol fracturé, avec des<br />
coulures de laque le plus souvent de<br />
couleur dorée (en argent : gintsugi).<br />
Le dernier projet de Kenzo Takada<br />
consacré au design : K3 s’est inspiré de<br />
cette technique. Se retrouve en motif<br />
purement décoratif une trace dorée<br />
sur une table, dans des assemblages<br />
de tissus ; en phase avec l’asymétrie de<br />
l’esthétique japonaise.<br />
PHOTO : ©RIVA.<br />
PHOTO : DR.<br />
Moyen-Orient: oud<br />
Ingrédient mythique de la parfumerie,<br />
objet de fantasmes sans doute lié<br />
à son prix extrêmement élevé, le oud<br />
est issu de l’aquilaria, un bois infecté<br />
par un champignon. Très prisé dans<br />
les pays du Moyen-Orient, depuis<br />
plus de mille ans, on le trouve sous<br />
forme de copeaux, pour le faire brû-<br />
ler, et pour embaumer, il est de plus<br />
en plus présent dans des parfums.<br />
Or noir de la parfumerie, ce « bois<br />
d’agar » existe encore dans des fabri-<br />
cations artisanales du Proche Orient<br />
et dans des créations occidentales.<br />
Le premier à l’avoir revendiqué<br />
était M7 d’Yves Saint Laurent. .<br />
Rarement vrai, il est le plus souvent<br />
reconstitué mais son nom s’affiche<br />
chez Gucci, Tom Ford, Byredo, Maison<br />
Francis Kurkdjian...<br />
Russie: caviar<br />
Pays de la vodka, la Russie a également<br />
« inventé » le caviar par sa<br />
consommation à la cour des tsars.<br />
Quand la famille Petrossian émigra<br />
en France, fut lancée la mode du<br />
caviar lors des soirées des Années<br />
folles. L’URSS a continué pendant<br />
des décennies la production et la<br />
vente du précieux or noir. Mais,<br />
suite à la diminution de la population<br />
des esturgeons, ils furent interdits<br />
à la pêche en Mer Caspienne<br />
à partir de 2008. Depuis, le caviar<br />
légal est essentiellement un produit<br />
d’élevage et a quitté les bords de la<br />
Caspienne pour d’autres contrées<br />
(Chine, France…). Si aujourd’hui la<br />
Russie a perdu son hégémonie sur<br />
les sources actuelles, son attractivité<br />
demeure. Le caviar occupe toujours<br />
une place de choix dans les meilleurs<br />
restaurants de Moscou.<br />
Par ANTIGONE SCHILLING<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 33 . Spécial LUXE 2020
Étude<br />
Excellence et<br />
RECYCLAGE<br />
Définition<br />
SI CERTAINES VALEURS DU<br />
LES MOTS QUI DÉFINISSENT<br />
LUXE RESTENT PÉRENNES,<br />
LE MIEUX LE LUXE<br />
LES COMPORTEMENTS<br />
D’ACHATS ET DE<br />
CONSOMMATION ÉVOLUENT. %<br />
Excellence produit, le savoir-faire 16<br />
Pour mieux comprendre ce que<br />
sont les luxes aujourd’hui, Ifop a<br />
réalisé pour <strong>CB</strong> <strong>News</strong> une étude<br />
exclusive (). Première question :<br />
quelles catégories de produits – services<br />
incarnent le mieux le luxe La<br />
haute joaillerie arrive en tête, quels<br />
que soient l’âge et le sexe, suivie de<br />
l’automobile. La mode est en troisième position, boostée<br />
par les jeunes. Les montres sont logiquement l’apanage<br />
des hommes, comme les sacs, bagages et maroquineries<br />
mais aussi les cosmétiques et parfums celui des femmes.<br />
« Il est intéressant de noter, explique Stéphane Truchi,<br />
président du directoire de l’Ifop, que ce qui relève de<br />
l’expérientiel comme l’hôtellerie, la restauration ou les<br />
vins, est amplifié par les jeunes. » Seconde question :<br />
quels mots définissent le mieux le luxe « En période de<br />
crise, le luxe reste associé à l’excellence produit », continue<br />
Stéphane Truchi. À noter : l’excellence du service<br />
arrive en troisième position et elle est plus forte chez les<br />
jeunes. En revanche, le made in France est une valeur<br />
forte chez les plus gés. Les notions de plaisir, de personnalisation,<br />
d’audace et de discrétion sont davantage<br />
partagées par les jeunes. Surprise : la créativité et l’émotion<br />
se retrouvent plus chez les hommes. Mais le plus<br />
grand étonnement de cette étude vient des résultats de<br />
la troisième question sur les enjeux et évolutions du luxe.<br />
Le recyclage des produits de luxe et l’achat des produits<br />
d’occasion arrivent en première et deuxième positions,<br />
suivis de la location. « C’est une vraie surprise, insiste<br />
Stéphane Truchi, le luxe d’usage et le luxe responsable<br />
deviennent des normes. » Le luxe bouge enfin et c’est<br />
tant mieux !<br />
C ATHERINE HEURTEBISE<br />
(*) Étude Ifop réalisée online pour <strong>CB</strong> <strong>News</strong> auprès d’un échantillon de 1002<br />
Français du 4 au 6 novembre 2020.<br />
Femme : 66 % 50-64 ans : 66 % 55 ans et plus : 78 %<br />
Rareté<br />
Statut, réussite sociale<br />
Femme : 52 %<br />
Excellence du service<br />
Moins de 25 ans : 62 %<br />
Exclusivité<br />
Made-in france<br />
50-64 ans : 41 % 55 ans et plus : 49 %<br />
Plaisir<br />
25-34 ans : 39 %<br />
Créativité<br />
Homme : 36 %<br />
Vivre une expérience unique<br />
Tradition<br />
Personnalisation<br />
25-34 ans : 30 %<br />
16<br />
12<br />
9<br />
9<br />
9<br />
7<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
% d’association<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 34 . Spécial LUXE 2020
Étude: excellence et recyclage<br />
Incarnation<br />
LES SECTEURS LES PLUS<br />
ASSOCIÉS AU LUXE<br />
%<br />
Haute joaillerie 28<br />
35-49 ans : 58 % 50-64 ans : 63 % 55 ans et plus : 68 %<br />
Automobiles de luxe<br />
Mode, prêt-à-porter de luxe<br />
25-34 ans : 44 % 35-49 ans : 47 %<br />
Montre de luxe<br />
Homme : 39 % 25-34 ans : 43 %<br />
16<br />
13<br />
10<br />
Évolution<br />
%<br />
Recycler les produits de luxe pour leur<br />
donner une seconde vie<br />
53<br />
Femme : 57 %<br />
Acheter des produits de luxe d’occasion<br />
50-64 ans : 54 %<br />
Louer un produit de luxe, plutôt que<br />
de l’acheter<br />
Femme : 48 %<br />
DE LA CONSOMMATION<br />
DU LUXE<br />
55 ans et plus : 51 %<br />
48<br />
44<br />
Acheter des produits de luxe dans les<br />
boutiques en ligne<br />
40<br />
Moins de 25 ans : 46 % 25-34 ans : 45 %<br />
Hôtellerie de luxe<br />
Moins de 25 ans : 42 % 55 ans et plus : 42 %<br />
Sacs à main, bagages, maroquinerie de luxe<br />
Femme : 38 %<br />
Cosmétiques et parfums de luxe<br />
Femme : 22 %<br />
Restaurant gastronomique, produits gourmets<br />
Moins de 25 ans : 24 %<br />
Décoration et inmobilier de luxe<br />
Vins et spiritueux de luxe<br />
Moins de 25 ans : 15 %<br />
8<br />
9<br />
6<br />
4<br />
3<br />
2<br />
% d’association<br />
Acheter du luxe en discount ou<br />
à prix réduits<br />
Femme : 44 %<br />
Acheter des articles de luxe qui ont une<br />
vraie valeur d’investissement<br />
Moins de 25 ans : 45 %<br />
Acheter des produits iconiques,<br />
des valeurs sûres<br />
Privilégier l’achat en boutique, pour vivre<br />
une expérience d’achat, être conseillé<br />
Moins de 25 ans : 45 %<br />
Acheter des produits de luxe via<br />
les réseaux sociaux<br />
Moins de 25 ans : 37 %<br />
25-34 ans : 36 %<br />
40<br />
35<br />
31<br />
29<br />
28<br />
% pensent que va se développer<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 35 . Spécial LUXE 2020
Profil<br />
<strong>CB</strong><br />
CHRISTOPHE<br />
PINGUET<br />
LE COFONDATEUR<br />
DE SHORTCUT,<br />
AGENCE<br />
ÉNÉNEMENTIELLE<br />
QU'ON NE<br />
PRÉSENTE PLUS,<br />
SE MONTRE SOUS<br />
UN PROFIL DRÔLE<br />
ET CORDIAL.<br />
À RENCONTRER<br />
SUR TEAMS<br />
OU ZOOM EN<br />
ATTENDANT...<br />
Les amis qui ont été déterminants dans<br />
mon parcours<br />
Christian<br />
Blachas<br />
Lionel<br />
Laval<br />
Christian Blachas le créateur de “ <strong>CB</strong> <strong>News</strong> ” qui fut le premier à s’intéresser<br />
à notre travail. Un génie ! Lionel Laval, comme tout le monde connaît la<br />
destinée de Shortcut, sans lui, je ne serai pas grand-chose. Ensemble, nous<br />
avons une très longue liste de remerciements possibles.<br />
Les amis dont je ne pourrais pas<br />
me passer plus de 48 h<br />
Mes nouveaux amis 2020 ? Teams et Zoom. Ils<br />
dirigent une agence matrimoniale de rendez-vous<br />
professionnels ou privés. Ils sont cools. Tu es seul<br />
au bureau ou tu as le cafard… ils te trouvent une<br />
solution en joignant tout plein de belles personnes<br />
éparpillées ici ou là !<br />
Mon meilleur ennemi<br />
Moi-même ! Depuis 8 mois, je lui dis tout… Il est<br />
très patient… Il écoute mes craintes, mes joies,<br />
mes leitmotivs, mes ambitions, mes théories, mes<br />
certitudes, ma foi… sans jamais se moquer malgré<br />
son air amusé. Dès qu’il le peut, il me remet en<br />
place !<br />
PHOTOS : © ERIC MERCIER. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 36 . Spécial LUXE 2020
Profil <strong>CB</strong><br />
J’habite…<br />
Le monde Paradoxalement, cette crise m’aura<br />
permis de sortir de ma coquille de confort. Et de<br />
descendre d’un piédestal qui aurait pu s’installer. La<br />
pandémie, le virus, auront touché la terre entière.<br />
J’ai pu échanger, dans une intimité renouvelée,<br />
avec tous mes amis autour de la planète. Ce qu’en<br />
temps normal je n’aurais peut-être pas fait.<br />
Je travaille…<br />
Du matin au soir. Au Shortcut Hub ! Nos nouveaux<br />
bureaux de la rue de la Pompe. La nouvelle adresse<br />
de Shortcut très high-tech se révélant être la super<br />
idée du premier confinement. Par anticipation de<br />
la nouvelle donne liée au télétravail, nous avons su<br />
nous mouvoir avec agilité !<br />
– “ DÉBUT 2020, J’AI DIT<br />
À TOUT LE MONDE<br />
QUE L’ANNÉE SERAIT<br />
« 20 SUR 20 ». PAS<br />
CERTAIN D’AVOIR ÉTÉ<br />
TRÈS JUSTE. ”<br />
Je m’habille en…<br />
Click Collect Pour du streetwear. Slim fit et<br />
beautiful sneakers.<br />
Je me déplace…<br />
Quasiment toujours à pied. Et masqué. Huit mois,<br />
moins kg. Peut encore mieux faire suivre.<br />
Je me confine...<br />
Dans l’Apps Tous anti Covid. De là (LOL), je vais<br />
parfois ici ou là en fonction de son utilisation et<br />
des autorisations. Je ne comprends pas comment<br />
cet outil indispensable et utile n’est pas une<br />
obligation pour se déplacer, travailler, sortir.<br />
Ma cantine préférée<br />
La Maison du Fruit. 76, rue de la Pompe.<br />
Salade et salade de fruits à 5,5 euros. Ou<br />
Daily Pic Beaupassage, le fast-good à la<br />
française. L’adresse hype d’Anne-Sophie<br />
Pic en livraison à domicile ou au bureau.<br />
Ma plus grosse bâche professionnelle<br />
Tous les matins… Il faut analyser tout ce<br />
que l’on a mal fait et essayer de mieux faire.<br />
La remise en question est perpétuelle.<br />
Ma plus grande fierté professionnelle<br />
Tous les soirs Il faut essayer d’tre satisfait et fier<br />
de sa journée, de ses rencontres, de ses dossiers.<br />
Et se dire que chaque événement, ou production,<br />
seront toujours à surpasser. La dernière cérémonie<br />
solennelle de la Nation au Panthéon pour le<br />
transfert des cendres de Maurice Genevoix fut une<br />
réelle fierté pour Lionel, nos équipes et moi.<br />
Ma devise au boulot<br />
« Vite, c’est mieux que bien ». De toute façon, il<br />
faut bien faire.<br />
Ma publicité préférée<br />
Pour la FDJ. « 100% des gagnants ont tenté leur<br />
chance ». J’en ai fait ma religion.<br />
Mon livre de chevet<br />
Je sais à peine lire ! Je regarde les photos !<br />
Mon film culte<br />
« Funny Face » de Stanley Donen. Un classique<br />
d’Hollywood. Mais j’ai envie de répondre, le<br />
prochain James Bond. D’abord à cause du titre<br />
« Mourir Peut Attendre ». Puis pour la chanson culte<br />
de Dalida « Dans la ville endormie » … Bien sûr<br />
aussi, pour mon côté 007 ! Non ?<br />
Ma série avouable (et non avouable)<br />
J’suis pas trop série !<br />
Mon luxe c'est...<br />
Vous ! Il me tarde de vous retrouver sur un<br />
événement Shortcut !<br />
Mes vœux 2021<br />
Début 2020, j’ai dit à tout le monde que l’année<br />
serait « 20 sur 20 ». Pas certain d’avoir été très juste.<br />
Le V étant la 22 e lettre de l’alphabet, j’ai envie de<br />
vous souhaiter à tous une bonne (v)accination,<br />
avec une merveilleuse année d’avance !<br />
Facebook et moi :<br />
De la positive attitude, des coups de cœur et un<br />
partage de bonne humeur décomplexé, sinon cela<br />
ne m’intéresse pas.<br />
Recueilli par<br />
FRÉDÉRIC ROY<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 37 . Spécial LUXE 2020
Le bureau<br />
DE TRAVAIL DE…<br />
ISIS-COLOMBE<br />
COMBRÉAS<br />
DANS LE CABINET<br />
DE CURIOSITÉS DE<br />
LA DIRECTRICE DES<br />
MAGAZINES MILK.<br />
EFFERVESCENTE<br />
C’est elle qui le mentionne<br />
dans un éclat de rire. « Isis<br />
travaille rue des Pyramides,<br />
c’est drôle non ? ».<br />
Oui ça l’est ! La fondatrice des magazines<br />
« Milk » et « Milk Décoration »,<br />
fondatrice de l’agence Fovea Design<br />
et de la toute nouvelle Craft Gallery,<br />
nous reçoit donc dans son bureau.<br />
L’unique fenêtre donne sur une cocarde<br />
bleu blanc rouge accrochée à<br />
l’immeuble d’en face. Celui des Musées<br />
nationaux. Située à deux pas du<br />
Louvre et du Musée des Arts décoratifs<br />
et à « 100 mètres du “ Canard<br />
Enchaîné ”, depuis le début et nous<br />
n’avons pas l’intention de déménager.<br />
Cette adresse, c’est un luxe »,<br />
assure-t-elle. Son bureau est comme<br />
un boudoir, le seul d’ailleurs à avoir<br />
un plafond « normal », le reste de la<br />
rédaction évoluant sous une hauteur<br />
de plus de cinq mètres. « Je déteste<br />
travailler chez moi, j’y suis donc<br />
souvent et davantage aujourd’hui<br />
que nous sommes bloqués », continue-t-elle,<br />
« avant je voyageais tout<br />
le temps pour le journal. Je suis une<br />
nomade dans l’âme. Du coup, je me<br />
déplace toute la journée avec mon<br />
ordinateur portable et m’installe où<br />
je peux dans les bureaux ». Ce qui<br />
change tout le temps également ce<br />
sont les accrochages et les dispositions<br />
des objets dans son bureau. « Je<br />
conserve ce qui me plaît et m’inspire.<br />
Un rouge à lèvres, des petites chaussures<br />
d’enfants, des matières brutes,<br />
des bouts de tissus, des souvenirs<br />
de reportages… », explique-t-elle<br />
en caressant ces talismans disposés<br />
PHOTOS : © ÉRIC LEGOUHY.<br />
C’EST UN BAZAR, ET C’EST MIEUX !<br />
UN MEUBLE À LA JACKSON POLLOCK<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 38 . Spécial LUXE 2020
MIAOU !<br />
UNE GOURDE DE LA FONDATION LOUIS VUITTON<br />
sur un étrange meuble de présentation<br />
recouvert de tâches de couleurs<br />
façon Jackson Pollock chiné chez<br />
Habits Neufs à Lourmarin. « Ici ce<br />
n’est pas un show-room, c’est une<br />
rédaction. Il y a donc du bazar et<br />
c’est tant mieux », explique-t-elle en<br />
changeant un tableau de place. À la<br />
réexion, elle change encore. S’enfuit<br />
dans une autre pièce, revient<br />
avec un autre tableau. L’installe. Se<br />
recule. Le retire. Enlève la vitre. Le<br />
replace. Se recule. « C’est mieux là<br />
non ? ». Son œil est exercé. « Trente<br />
ans à observer et raconter le beau<br />
partout sur planète, ça forge un<br />
tempérament. C’est pourquoi j’ai<br />
voulu récemment créé la Craft Gallery<br />
en octobre. Un laboratoire pictural<br />
en ligne avec des artistes que<br />
nous affectionnons. On y trouve des<br />
esquisses, des peintures, des dessins<br />
préparatoires, des natures mortes…<br />
De l’art print numéroté et accessible<br />
à moins de cent euros et en quatre<br />
formats. J’achète toutes les œuvres<br />
et constitue un fonds. C’est bien la<br />
première fois que j’endosse le costume<br />
de business woman ! », révèlet-elle.<br />
La Craft Gallery s’exposera<br />
en janvier chez Merci avec le labo<br />
Picto. L’une de ses autres activités,<br />
c’est l’agence de design Fovea. Son<br />
œil imagine des catalogues de mode<br />
(Le Bon Marché), de tissus (Elitis)<br />
et d’objets (beaux). Cette activité de<br />
création s’exprime également pour<br />
des nouvelles formules de presse.<br />
Elle signe la toute nouvelle formule<br />
de « Grazia » par exemple. Quand<br />
elle se pose (parfois), l’une de ses<br />
manies est d’allumer une bougie qui<br />
se reète dans le miroir. Elle allume<br />
aussi toutes les lumières. « Je suis<br />
moins “ dogma ” sur l’écologie que<br />
le reste de la rédaction plutôt jeune,<br />
s’amuse-t-elle, mais je m’améliore.<br />
Je viens toujours en vélo. Là je suis<br />
casquée, gantée, masquée, giletée…<br />
». Une gourde, offerte par la<br />
Fondation Louis Vuitton, achève<br />
le profil « éco responsable » de la<br />
convertie. Le luxe, elle a fait sa géographie.<br />
« e vais à pied au Louvre,<br />
au Musée des Arts décoratifs, aux<br />
Tuileries. On s’offre cette adresse.<br />
Pour la rédaction, c’est une chance<br />
pour l’inspiration. »<br />
AMELLE NEBIA<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 39 . Spécial LUXE 2020
Interview<br />
CULTURE LUXE<br />
“ Le luxe lui-même<br />
est devenu une<br />
FORME DE „<br />
RELIG ION<br />
LE MAD, LE MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS DE PARIS, OUVRE<br />
SES CIMAISES À UNE EXPOSITION CONSACRÉE AUX LUXES. LE<br />
DIRECTEUR DU MUSÉE, OLIVIER GABET NOUS GUIDE.<br />
<strong>CB</strong>N : Comment est né ce projet ?<br />
Olivier Gabet : Fruit d’une dizaine d’années de ré-<br />
exion, ce projet a eu une première mouture au Louvre<br />
Abu Dhabi. Sujet anthropologique et universel, la notion<br />
de luxe est à l’œuvre dans toutes les civilisations quelles<br />
que soient les périodes. Cela touche aux matériaux, aux<br />
routes de commerce, au sacré, au pouvoir, à la parure, à<br />
la distinction sociale. Le luxe a un rôle politique et sociétal<br />
très fort.<br />
<strong>CB</strong>N : Comment s’est faite la sélection des<br />
œuvres ?<br />
Olivier Gabet : Un énorme casse-tête. Le choix a été<br />
drastique, rationnel, logique, mais aussi subjectif avec<br />
une centaine d’œuvres de 3 500 avant notre ère jusqu’à<br />
hier matin. e voulais que figure l’Égypte : une cuiller à<br />
fard signe l’émergence du luxe de la parure. Le Collier<br />
Noisettes de Lalique est un chef-d’œuvre 1900. Et aujourd’hui,<br />
une valise Rimowa avec Supreme. Montrer<br />
que le luxe se renouvelle sans cesse et qu’il y a toujours<br />
dialogue et fusion des cultures. Pendant les trois quarts<br />
de l’exposition il y a toute une histoire civilisationnelle<br />
anthropologique exceptionnelle.<br />
<strong>CB</strong>N : Le luxe avant les marques ?<br />
Olivier Gabet : Oui, les marques expriment une queue<br />
de comète de l’histoire du luxe. Aujourd’hui les maisons<br />
se passionnent pour des éléments qui peuvent sembler<br />
lointains. Pour la collection des Métiers d’Art Paris New<br />
York de Chanel, Karl Lagerfeld rend hommage à l’Égypte<br />
par le prisme d’Hollywood et d’Elizabeth Taylor avec une<br />
création en marqueterie de plumes de la Maison Lemarié.<br />
<strong>CB</strong>N : Certains objets sont plus inattendus.<br />
Olivier Gabet : On voulait surprendre avec la typologie<br />
d’objets, il y a des cartes à jouer, des instruments<br />
scientifiques, une salière d’une époque où le sel était<br />
un condiment précieux. En fin d’exposition figure une<br />
robe de Guo Pei en broderies. La géographie du luxe<br />
n’a cessé d’évoluer, son histoire mobilise beaucoup<br />
d’éléments. Le luxe utilise des matériaux précieux, le<br />
ux passe par des routes de commerce, il a déclenché<br />
des conits militaires. Le mot luxe n’est pas superficiel,<br />
mais clef de lecture de l’histoire des civilisations.<br />
<strong>CB</strong>N : L’étymologie du mot ne viendrait pas<br />
de lux (lumière).<br />
Olivier Gabet : Oui de luxus. De ce qui est déboîté,<br />
déplacé, décalé, donc ce qui est marginal. La définition<br />
est plus ouverte. Depuis des millénaires le luxe a été ce<br />
qui distinguait des autres avec toujours quelque chose<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 40 . Spécial LUXE 2020
Interview : culture luxe<br />
<strong>Luxe</strong> vient de<br />
luxus. Ce qui est<br />
décalé, déplacé,<br />
donc ce qui est<br />
marginal.<br />
PHOTO : © ELÉONORE DEMEY.<br />
Olivier Gabet est<br />
directeur du Musée<br />
des arts décoratifs<br />
(MAD Paris), le<br />
“ conservatoire du<br />
génie des artisans et<br />
des artistes ”.<br />
d’exclusif. L’idée de sa démocratisation est presque en<br />
contradiction avec le luxe lui-même. Dans une société<br />
qui se veut inclusive, cela va être un énorme défi<br />
de répondre à certains critères ; il va falloir prendre<br />
conscience du vivant, de l’environnement. Dans le luxe<br />
d’hier figuraient la fourrure, l’ivoire, la corne de rhinocéros,<br />
certaines plumes, l’approche des matériaux va<br />
se modifier.<br />
<strong>CB</strong>N : La notion de “ travail ” semble être<br />
fondamentale.<br />
Olivier Gabet : Il y a un design de luxe, l’objet est<br />
pensé, se projette, cela peut être un jet privé ou un téléphone<br />
complexe. Le temps passé, la maîtrise technique<br />
en sont une particularité et la notion de métiers d’art<br />
est un nouvel étendard du luxe. Avec la marqueterie de<br />
paille de Jean-Michel Frank, quelque chose de banal,<br />
de commun devient du luxe.<br />
<strong>CB</strong>N : Dans la partie contemporaine de<br />
l’exposition la religion a disparu.<br />
Olivier Gabet : Le luxe lui-même est devenu une<br />
forme de religion avec beaucoup de pratiquants. Le<br />
luxe conserve un statut incroyable, et même dans<br />
la crise actuelle ce ne sont pas les biens de luxe qui<br />
souffrent le plus.<br />
<strong>CB</strong>N : Le luxe ne s’est-t-il pas uniformisé ?<br />
Olivier Gabet : Oui, une sorte de lingua franca, mais<br />
s’il y a une forme d’uniformisation, des résistances<br />
demeurent. Ce qui crée ce terreau global et universel,<br />
c’est la référence à des choses intangibles : les métiers<br />
d’art, le temps passé. À côté d’un bol japonais restauré<br />
au kintsugi (laque d’or), il y a un sac Kelly restauré, une<br />
partie des coutures est faite d’un fil plus blanc. L’objet<br />
de luxe se répare, se restaure, se conserve, se transfère,<br />
il y a transmission.<br />
<strong>CB</strong>N : Faites-vous une subdivision entre vrai<br />
et faux luxe ?<br />
Olivier Gabet : Non. Tout est dans la façon dont<br />
les acteurs en jouent. Un des plus géniaux est Alain-Dominique<br />
Perrin, avec les musts il a projeté l’idée du luxe<br />
dans un objet accessible, mais capitalise sur l’histoire<br />
d’une maison. Vrai ou faux luxe induirait un jugement.<br />
Un ryokan (une auberge japonaise) peut être perçu luxe<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 41 . Spécial LUXE 2020
Interview : culture luxe<br />
Corne à poudre, Inde,<br />
XVII e siècle. ©Musée<br />
du Louvre, Dist.RMN-<br />
Grand Palais/Hughes<br />
Dubois.<br />
Sablier Marc <strong>News</strong>on,<br />
The Hourglass, Suisse,<br />
2015: ©MAD Paris/<br />
Luc Boegly<br />
Voiture Hispano-<br />
Suiza H6B. Coll.<br />
Adrien Maeght)<br />
©MAD Paris/<br />
Christophe Dellière.<br />
ou rudimentaire ; il y a deux lectures possibles. Il y a<br />
aujourd’hui un jeu permanent sur la hiérarchie, tout est<br />
matière à débat.<br />
<strong>CB</strong>N : Mais avec les tee-shirts, le produit<br />
demeure banal ?<br />
Olivier Gabet : C’est là où le luxe est une notion intangible,<br />
insondable, les clients projettent leur idée<br />
du luxe sur l’objet. Chaque maison arrive à maintenir<br />
cette ductilité. Petit h (Hermès) explore quelque chose<br />
de génial : comment recycler des matériaux dont on<br />
n’a pas l’usage et créer des objets de luxe encore plus<br />
désirables. In fine que le matériau soit cher ou pas,<br />
mis en scène ou pas, le luxe c’est la créativité d’ordre<br />
esthétique.<br />
<strong>CB</strong>N : Le luxe est-il forcément rare ?<br />
Olivier Gabet : Il reste du domaine de la rareté comme<br />
la créativité, c’est un élément très fort de la définition<br />
du luxe.<br />
<strong>CB</strong>N : Utile ou superflu ?<br />
Olivier Gabet : Dans l’exposition figurent les deux,<br />
je ne ferai pas de différence, le luxe est une notion qui<br />
transcende et provoque parfois admiration ou même<br />
sidération. Le grand rhyton (coupe en forme de corne,<br />
NDLR)(Iran, VII e s. av. J-C.) a-t-il vraiment servi ? Qui<br />
le portait ? Un souverain, un prêtre …<br />
<strong>CB</strong>N : Avez-vous un objet préféré ?<br />
Olivier Gabet : On voulait intégrer le voyage au luxe,<br />
et j’avais envie d’une voiture. Le conservateur du Musée<br />
de Compiègne m’a incité à choisir l’Hispano-Suiza H6B<br />
de 1925.<br />
<strong>CB</strong>N : Le luxe est-il forcément pérenne ?<br />
Olivier Gabet : Quel que soit le matériau, le luxe n’est<br />
pas éphémère, il est intangible même si l’usage peut<br />
passer.<br />
Le mot luxe<br />
n’est pas superficiel,<br />
mais clef de lecture<br />
de l’histoire<br />
des civilisations.<br />
<strong>CB</strong>N : L’incarnation du luxe aujourd’hui ?<br />
Olivier Gabet : C’est compliqué. En fait c’est le temps,<br />
même si le dire maintenant, c’est de la provocation.<br />
<strong>CB</strong>N : Les nouveaux consommateurs ont de<br />
nouvelles demandes dans l’air du temps.<br />
Olivier Gabet : Oui, la question sociale avec BLM<br />
(Black Lives Matter) ou les sujets environnementaux, et<br />
il ne suffira pas de mettre des mannequins afro-américains<br />
sur un podium. On voit aussi la problématique de<br />
l’appropriation culturelle, il faut déminer le sujet. Il faut<br />
cocher les cases de l’inclusion tout en étant exclusif.<br />
<strong>CB</strong>N : La première œuvre, le sablier de Marc<br />
<strong>News</strong>on, c’est une façon d’inclure le temps ?<br />
Olivier Gabet : Elle commence et finit l’exposition.<br />
Le temps est le dernier critère, il s’écoule pour tout le<br />
monde même avec des calendriers différents. C’est<br />
un très bel objet, une sorte de « memento mori » assez<br />
bienveillant ; il pose les choses, le temps passe, le meilleur<br />
étalon pour comprendre ce qu’est le luxe.<br />
Recueilli par<br />
ANTIGONE SCHILLING<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 42 . Spécial LUXE 2020
Mots<br />
DE PASSE<br />
Le pluriel<br />
SELON<br />
A<br />
HOMME D’AFFAIRES,<br />
JOURNALISTE, RÉALISATEUR,<br />
DJ, DANDY… ET MAÎTRE<br />
DE CÉRÉMONIE DU PARIS<br />
LUXURY SUMMIT. ARIEL<br />
WIZMAN, HOMME PLURIEL,<br />
DÉVOILE SES LUXES.<br />
Un costume sur-mesure<br />
Savoir que quelqu'un attend de vraiment comprendre<br />
ce que vous voulez porter, et que discrètement, sans vous<br />
avertir de votre changement de tour de taille, de taille<br />
de col, ou de votre passage de poids moyen à poids milourd,<br />
va faire tout son possible pour vous mettre à votre<br />
avantage. Lui, avec dans son œil un doctorat intuitif de<br />
géométrie dans l'espace, et dans ses mains des liasses<br />
chaleureuses de tissus, épaisses comme les moquettes de<br />
Publicis dans les années 70. Il ne dira rien si vous choisissez<br />
un pied-de-coq vert pomme (dans l'espoir pathétique<br />
de faire un crossover Savile Row/Balenciaga) mais vous<br />
proposera humblement quelque chose de plus « sr »,<br />
de plus pérenne. Un tailleur, qui ne commente pas<br />
contrairement à la légende le cté où vous avez choisi<br />
de « porter », et qui, dessayage en essayage, rend de plus<br />
en plus érotique le moment où vous enfilerez luvre de<br />
ses dizaines dheures de travail et de réexion. Et enfin<br />
un costume, que vous porterez toujours, pour vous sentir<br />
au-delà de la critique, ou tout simplement dans l'aisance<br />
la plus absolue.<br />
Une journée, seul, et ailleurs<br />
Voilà, une fois de plus, vous avez choisi l'opium<br />
du voyage au long cours. Tokyo ? Barranquilla ? Cape<br />
Town ? Vous voilà, étranger au milieu de l'étrange, qui,<br />
nen doutez pas, existe encore, partout ailleurs. ous<br />
êtes seul, et ce bar, vide ou plein, vous fait de l'œil, vous<br />
y entrez et n'en sortirez que quand vous le souhaiterez,<br />
demain ou tout de suite. En bas de chez vous, auriezvous<br />
remarqué cette jeune fille à la peau de bronze, qui<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 44 . Spécial LUXE 2020
Mots de passe<br />
R<br />
PHOTO : ©DR.<br />
I E<br />
avance en regardant ses pieds ? Ce vendeur d'escargots ?<br />
Ce salon d'épilation ? Vous courez d'un point à l'autre,<br />
vous déjeunez deux fois, debout dans la rue, vous vous<br />
laissez bousculer, la ville est aussi profuse quun fil Instagram,<br />
aussi bavarde qu'un thread Twitter. Vous êtes fatigué,<br />
une chambre dhtel vous attend, les serviettes sont<br />
propres, et vous y tes seul. Et vous ne savez pas ce que<br />
vous voulez, ce que vous chercherez demain. Vous êtes<br />
bien en vie. C'est le voyage, c'est la ville, c'est le bonheur.<br />
Découvrir quelque chose<br />
Là où lherbe pousse en désordre, dans des lieux qui<br />
semblent voués à la solitude, d'un isolement même pas<br />
majestueux, un peu vain, le luxe a parfois irradié. u<br />
bout de ce sentier sans joie, à l'aurore ou au crépuscule,<br />
peut apparatre lun des chteaux franais abandonnés,<br />
ou l'une de ces demeures jadis sublime, et que<br />
lhéritage en indivision a figé comme une capsule temporelle.<br />
Les « Urbex » (explorateurs urbains) connaissent ce<br />
frisson du « cric », ce moment où la porte des secrets cède,<br />
et où lon découvre un moment gardé intact derrière des<br />
murs. écouvrir, cest a le luxe. « Tomber sur ». Cest<br />
parfois chercher quelque chose et trouver autre chose, la<br />
fameuse sérendipité. Ou tout simplement comme cela<br />
se passe avec la prière demander quelque chose sans<br />
savoir ce que la transcendance nous accordera. Finalement,<br />
peu de gens le savent, mais le luxe cest souvent<br />
obtenir autre chose que ce que l'on voulait.<br />
La résonance<br />
Un conseil qui tombe juste, deux pensées qui se<br />
croisent, le moment où deux personnes savent quelles<br />
ont envie de sembrasser. Cest la « résonance », la dimension<br />
vibratoire de la relation, ce luxe immense de<br />
l'impalpable. Je suis dans une pièce et virtuellement<br />
toutes les fréquences radio y sont, et je résonne avec<br />
lune seule dentre elles. Et voilà la musique, ou un<br />
L<br />
silence éloquent, voici France Culture, l'intelligence<br />
qui se mle comme une vibration, à la pièce où je me<br />
trouve. Ou me voici assis, dans la bibliothèque Nationale,<br />
rue de Richelieu, qui est un luxe gratuit, où je<br />
rentre en résonance avec les génies de la strophe ou les<br />
damnés de l'inspiration. Capter les bonnes fréquences,<br />
et faire durer la résonance, un luxe que lon acquiert en<br />
lisant quelques livres, en écoutant quelques disques, en<br />
entendant les plus furtifs murmures.<br />
Voler<br />
Eh bien, à quoi pense-t-on, devant des paysages<br />
grandioses, alors que l'on a traversé les océans pour les<br />
contempler ? On aimerait emprunter les airs pour s'y<br />
déplacer et les habiter. Disons-le tout net : voler serait<br />
un luxe quaucune boutique du Faubourg Saint-onoré<br />
ne serait en mesure de fournir. Mais qui mettrait toute<br />
lindustrie à genoux. Qui choisirait un sac à mains plutt<br />
qu'un vol plané dans les calanques écrasées de lumière ?<br />
Elon Musk nous emmènerait sur la lune, les htels <br />
étoiles ont des piscines perchées dans les airs, mais personne,<br />
même avec les plus gigantesques investissements,<br />
ne nous propose ce que les rêves nous autorisent gratuitement<br />
: voler.<br />
Recueilli par<br />
AMELLE NEBIA<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 45 . Spécial LUXE 2020
#onirimagency#onirimproduction#onirimpost
ONIRIM.COM
La Grande<br />
INTERVIEW<br />
“ Dans la période post-covid<br />
IL Y AURA UNE<br />
EXPLOS ION<br />
DE LA<br />
CRÉATIVITÉ ”<br />
LE FONDATEUR ET PRÉSIDENT<br />
DE MAZARINE, PAUL-EMMANUEL<br />
REIFFERS, ANNONCE DES JOURS<br />
MEILLEURS. L'AGENCE,<br />
INDÉPENDANTE, SPÉCIALISÉE DANS<br />
LE LUXE CONTINUE SA<br />
PROGRESSION DANS LE DIGITAL, EN<br />
CHINE ET AUX ÉTATS-UNIS. CERTES<br />
IMPACTÉE PAR LA CRISE, MAZARINE<br />
A MIS EN PLACE DES SOLUTIONS ET<br />
S'OFFRE MÊME LE LUXE DE<br />
RECRUTER ! OPTIMISTE ?<br />
<strong>CB</strong>N : 2020, année folle ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Une année assez<br />
dingue en effet. ous avons eu une fin d’année et<br />
un début d’année très forts avec de très bonnes<br />
perspectives aussi bien en événementiel qu’en digital et<br />
sur tous les métiers. Et puis mi-mars nous avons été surpris<br />
et impactés par la crise et le blocage complet de pans<br />
entiers de l’économie et notamment de l’événementiel.<br />
Par contre, ce que l’on constate, c’est que la position<br />
du groupe Mazarine, qui est très ciblé sur le secteur du<br />
premium et du luxe, mais qui est très diversifié par les<br />
métiers, nous a apporté une grosse résilience. Gérer plusieurs<br />
métiers a toujours été compliqué mais très enrichissant.<br />
Compliqué, parce que sur les cinq métiers que<br />
nous avons, il y en a toujours un qui va un peu moins<br />
bien que les autres.<br />
<strong>CB</strong>N : Quels sont-ils, ces cinq métiers ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Le digital et la performance,<br />
l’événementiel et l’influence, le content story<br />
telling et activation, le craft et design, et le média, mode<br />
art et culture. Le digital représente de notre activité,<br />
l’événementiel également, le story telling <br />
, le craft et le média représentant chacun. Cette<br />
année, nous allons faire moins de chiffre d’affaires<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 48 . Spécial LUXE 2020
La grande interview<br />
“ On a reconstruit<br />
nos métiers, on a<br />
inventé Mazarine<br />
Creative Intelligence<br />
pour virtualiser les<br />
événements de<br />
nos clients. ”<br />
PHOTOS: © E FROIS ROBERT.<br />
au niveau du groupe, moins de marge brute. La<br />
chute du chiffre d’affaires s’explique par l’arrt quasi-total<br />
de l’événementiel depuis mars, mme si nous avons<br />
pu maintenir quelques petites choses. Et le différentiel<br />
avec la marge brute s’explique par le fait que l’événementiel<br />
est consommateur de chiffre d’affaires. Par<br />
contre nos activités digitales et content sont stables. Elles<br />
n’ont pas progressé parce que mme dans ce domaine les<br />
annonceurs ont réduit leurs budgets. Quant aux métiers<br />
classiques, craft, design, édition, ils sont stables. otre<br />
deuxième force, c’est que nous avons entrepris une diversification<br />
à l’international sur deux continents, que<br />
sont la Chine et les États-Unis. ous sommes en progression<br />
dans ces deux pays. u total, la Chine représente<br />
de notre chiffre d’affaires et c’est plutt une bonne<br />
nouvelle. Parce que ces pays ne sont pas du tout en récession<br />
mais plutt en phase de recrutement, d’investissement<br />
et de développement. ernier atout, le fait d’tre<br />
positionné sur un secteur, le luxe et les marques premium,<br />
qui est très résilient. Ces marques ont beaucoup<br />
souffert mais elles performent beaucoup en Chine. u<br />
total, c’est moins catastrophique que prévu. Certes, en<br />
mars des budgets ont été coupés, mais les projets sont revenus<br />
depuis. u total, nous resterons bénéficiaires cette<br />
année ce qui est naturellement extrmement important<br />
parce que nous allons pouvoir investir.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 49 . Spécial LUXE 2020
La grande interview<br />
<strong>CB</strong>N : Dans quoi allez-vous investir ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : C’est dans la crise que<br />
l’on construit tout. On a reconstruit nos métiers, on a inventé<br />
des choses comme Mazarine Creative Intelligence<br />
qui va développer des solutions digitales très fortes<br />
pour virtualiser les événements de nos clients. C’est un<br />
très gros investissement d’autant que tout ce que nous<br />
avons fait entre mars et juillet a payé en termes d’image<br />
mais pas encore en termes de business. Parce que cette<br />
crise a pris nos clients par surprise. Mais le deuxième<br />
confinement au contraire nous permet de capitaliser<br />
sur cette prise de risque parce qu’il n’est pas question<br />
de tout arrter à nouveau. Tout le monde veut des outils<br />
pour digitaliser les événements, les amplifier et engager<br />
les audiences. otre Smart Player est particulièrement<br />
adapté à cette problématique en France et aux États-Unis.<br />
On a ainsi fait un salon virtuel pour le joailler Repossi et<br />
nous avons mis en place le Smart Player pour Balmain<br />
(voir p.).<br />
<strong>CB</strong>N : Quel est l’apport du Smart Player ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Cela permet d’interagir<br />
en direct sur un événement. L’interactivité permet<br />
de pousser du contenu à l’intérieur mme de la vidéo.<br />
insi dans un défilé, vous pouvez cliquer sur un modèle<br />
et faire apparatre ses caractéristiques, voire le commander<br />
ou le précommander. Cela fonctionne en live ou en<br />
différé. C’est ce que nous avons fait pour le lancement<br />
d’une montre Breitling.<br />
<strong>CB</strong>N : De tels outils permettent de maintenir des<br />
défilés en période de confinements ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Les périodes de défilés<br />
sont des moments incontournables. Sur un défilé,<br />
vous tes obligé de vous positionner : vous le faites ou<br />
pas. Les marques qui ont fait des défilés comme uitton<br />
ou Balmain, à qui nous avons apporté beaucoup de<br />
technologies, ont bénéficié à plein de ces événements.<br />
Celles qui ne l’ont pas fait ont beaucoup perdu parce<br />
que c’est une production de contenu en live. Un défilé,<br />
mme virtuel, cela reste un moment unique pendant<br />
lequel les gens ne bougent pas. Il y a une concentration<br />
et une tension qui n’existe nulle part ailleurs. Un défilé<br />
filmé en live reste quelque chose de très émotionnel.<br />
ous l’avons fait pendant la fashion week d’octobre et<br />
nous espérons naturellement le faire l’année prochaine.<br />
<strong>CB</strong>N : Justement, comment la voyez-vous, cette<br />
année 2021 ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Le premier semestre<br />
va tre compliqué parce que personne ne peut se projeter.<br />
Par contre en Chine, il n’y a pas de problème, et<br />
aux États-Unis cela va s’améliorer. ous nous sommes<br />
préparés à cette situation en recrutant des profils nouveaux,<br />
en créant aussi des studios de production photo<br />
et vidéo de m, ici mme, dans l’agence. Pourquoi<br />
Parce que l’internalisation nous permet de gagner<br />
du temps et de l’argent en particulier dans le content.<br />
Tout est sur place, les créatifs, les commerciaux et le<br />
client. Mme la post prod se fait chez nous. ous avons<br />
réduit nos frais inutiles pour nous concentrer sur les<br />
investissements.<br />
<strong>CB</strong>N : Cette politique d’investissements passe<br />
aussi par de la croissance externe ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Nous avons presque<br />
PHOTOS: © E FROIS ROBERT.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 50 . Spécial LUXE 2020
La grande interview<br />
trente ans. epuis , on en a traversé des crises <br />
ous sommes à l’écoute de croissances externes. Les<br />
crises apportent aussi des opportunités pour ceux qui<br />
sont les plus agiles. Le fait d’tre diversifié par nature<br />
nous permet de ne pas nous entter dans une voie<br />
sans issue. Le monde bouge, nous nous adaptons,<br />
nous créons de nouvelles voies. Il y a aujourd’hui des<br />
opportunités pour se diversifier, peut-tre mme dans<br />
des métiers connexes au ntre, comme le corporate<br />
ou l’institutionnel. ous travaillons beaucoup pour la<br />
culture en ce moment, pour l’Opéra, pour d’autres institutions<br />
culturelles.<br />
<strong>CB</strong>N : Comment ont réagi vos clients face à<br />
la crise ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Ils sont allés naturellement<br />
vers leurs partenaires les plus solides. Les marques<br />
avec lesquelles nous travaillons depuis des années, pour<br />
qui nous sommes en quelque sorte des fournisseurs<br />
institutionnels, ne nous ont pas remis en cause. ous<br />
avons été beaucoup plus dans une relation d’accompagnement,<br />
dans une relation plus vraie. Mais ils nous ont<br />
aussi demandé des efforts. Ensuite, le business ayant<br />
redémarré pour eux, de nouveaux projets ont été lancés.<br />
<strong>CB</strong>N : Vous êtes donc installés depuis des années<br />
en Chine, là où cette crise a commencé, qu’en estil<br />
aujourd’hui ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : La Chine est en explosion.<br />
C’est un marché qui est plus fort que jamais. Ce pays<br />
est beaucoup plus radical que nous en ce qui concerne le<br />
traitement de la crise. L’essentiel de nos équipes est basé<br />
à Shanghai, et jusqu’à la mi-novembre, plus personne ne<br />
de luxe le marché se tient plutt pas mal. C’est un pays où<br />
le e-commerce est très développé, y compris dans le luxe,<br />
du coup le confinement y est moins un frein que chez<br />
nous. Par ailleurs, le marché est beaucoup plus réactif.<br />
<strong>CB</strong>N : Pendant longtemps, les marques de<br />
luxe ont été réticentes face au digital. Même si<br />
nombreuses s’y sont converties, cette crise va-telle<br />
aider l’ensemble du secteur à franchir le pas ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Il y a deux phénomènes<br />
qui se produisent, et c’est cela qui rend les choses compliquées<br />
à gérer. Il y a d’abord une énorme accélération du<br />
digital. C’est devenu stratégique. Qu’il s’agisse de la data,<br />
de la gestion des clients, de la production de contenu ou<br />
de la présence sur les réseaux sociaux. Il faut communiquer<br />
tout le temps, produire du contenu tout le temps,<br />
c’est une force pour les annonceurs. Et en mme temps,<br />
il y a de plus en plus besoin de beaux produits print. Et<br />
d’ailleurs, on voit dans les maisons une accélération de<br />
la production de contenus qui sont parfois aussi beaux,<br />
sinon plus, que les magazines.<br />
“ On voit dans les maisons une<br />
accélération de la production de<br />
contenus qui sont parfois aussi beaux,<br />
sinon plus, que les magazines. ”<br />
portait de masque. Il y a eu un seul cas et tout le monde a<br />
remis le masque d’un jour à l’autre, spontanément. ous<br />
travaillons beaucoup sur l’animation du retail, le digital,<br />
le drive to store, le content parce que le story telling avec<br />
les stars est très important là-bas. Les consommateurs<br />
chinois ne voyageant plus, il y a une augmentation de<br />
la consommation locale (LR : voir aussi p. ) . En<br />
réalité, nous allons faire une année un tout petit peu<br />
meilleure que l’an dernier mais avec trois mois pendant<br />
lesquels tout a été fermé. onc en réalité, l’activité est<br />
très importante. ’ailleurs nous recrutons. ous sommes<br />
aujourd’hui une trentaine de personnes et nous avons<br />
besoin de nous staffer pour répondre à la demande.<br />
<strong>CB</strong>N : Et qu’en est-il des États-Unis ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Ce n’est pas comme la<br />
Chine, mais cela se maintient très bien pour nos clients.<br />
Il y a eu un ralentissement, cependant pour les marques<br />
<strong>CB</strong>N : À ce propos, comment se porte le<br />
magazine “ Numéro ”, dont vous êtes l’éditeur ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : « uméro » a fait preuve<br />
d’une énorme résilience jusqu’à fin juillet. Une grande<br />
stabilité qui s’explique par la qualité du produit qui a été<br />
très soutenu par les marques qui ont pris la peine de nous<br />
appeler pour nous dire qu’elles seraient présentes. Et<br />
comme tout le monde en septembre, nous avons connu<br />
un vague de coupes de budget qui entrane une baisse de<br />
chiffre d’affaires de . C’est un mauvais chiffre mais<br />
ce n’est pas catastrophique. Cela va nous obliger à investir<br />
pour le rendre encore plus fort, encore plus collector,<br />
encore plus beau. ’autre part, nous allons continuer à<br />
publier le numéro « rt », comme nous l’avons fait au<br />
premier semestre. Et nous développons beaucoup le<br />
digital en revoyant et en renforant notre présence sur<br />
les réseaux sociaux.<br />
<strong>CB</strong>N : Le thème du Paris Luxury Summit que<br />
<strong>CB</strong> <strong>News</strong> organise cette année en digital, est<br />
« L’Année folle », en référence entre autres, à ces<br />
Années folles dont on fête le centenaire. Cette<br />
époque a été marquée par une grande explosion<br />
artistique. Pensez-vous qu’il en sera de même en<br />
sortant de cette crise sanitaire ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Mais avant de parler<br />
de l’après crise, il faut avoir conscience que cette crise<br />
a coupé toutes les expositions. a a été un coup très dur<br />
pour les artistes, et, à part les stars, tous ont souffert. Il<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 51 . Spécial LUXE 2020
La grande interview<br />
“ Peut-être<br />
faut-il payer<br />
plus cher et<br />
consommer<br />
moins,<br />
c’est ce que<br />
comprennent<br />
certaines<br />
marques<br />
de luxe. ”<br />
n’y a pas de salon, il n’y a pas d’événements pour créer<br />
de l’envie chez les clients. On ne peut pas se contenter du<br />
digital et du virtuel mme si naturellement c’est important.<br />
Il faut se voir, se rencontrer, il faut susciter un désir.<br />
Mais il est évident que dans la période post-crise, oui, il y<br />
aura une explosion de la créativité. Les artistes vont vouloir<br />
sortir et s’exprimer mais il faut aussi qu’en face il y<br />
ait des acheteurs<br />
<strong>CB</strong>N : Or nous entrons dans une crise<br />
économique qui risque d’être sévère…<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : En réalité, on ne sait<br />
absolument pas comment va se comporter l’économie.<br />
Regardez le niveau de la Bourse. On va avoir incontestablement<br />
une crise, mais les métiers vont également changer.<br />
En fait, je suis assez confiant. On va tre tiré par la<br />
Chine et les États-Unis qui ont une capacité à se remettre<br />
qui est meilleure que la ntre. Et puis, en ce qui concerne<br />
le luxe, la France a une excellente position. Ensuite, ce qui<br />
est important, c’est que les voyages reprennent.<br />
<strong>CB</strong>N : Il y a une région du monde où le groupe<br />
Mazarine n’est pas présent, c’est le Moyen-<br />
Orient qui est pourtant grande consommatrice<br />
de luxe. Par manque d’opportunité ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Nous avions failli le<br />
faire par opportunité et puis nous avons renoncé, parce<br />
que nous n’avons pas peru de gros potentiels de business<br />
pour un groupe comme le ntre. Ce n’est pas un<br />
marché très stratégique pour nous comparé à la Chine et<br />
aux États-Unis où il y a des marques très puissantes. Le<br />
business dans cette région est plus politique donc il faut<br />
plus staffer en corporate pour accompagner des grandes<br />
opérations comme les inaugurations de musées.<br />
<strong>CB</strong>N : Il y a une forte critique de la publicité, qui<br />
s’est accentuée avec cette crise. Comment peuton<br />
y répondre ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Quand j’ai débuté, il y<br />
avait la pub et le reste du monde. L’événementiel, c’était<br />
les saltimbanques, faire de l’édition cétait laborieux, le<br />
digital c’était les techniciens. Et puis aujourd’hui, cest<br />
linverse : la pub est critiquée partout parce quelle ne<br />
s’est pas adaptée à ce monde. Et on en est arrivé à un<br />
extrme opposé où ce sont les grands groupes de consulting<br />
qui veulent faire de la pub. Le balancier est passé de<br />
l’autre cté. e pense que tout cela s’équilibrera. Mais on<br />
aura toujours besoin du génie des créatifs et des directeurs<br />
artistiques. Et quand on parle de la consommation,<br />
ce n’est pas la pub qu’il faut critiquer, ce sont les donneurs<br />
d’ordre. Peut-tre consomme-t-on trop en effet.<br />
Peut-tre faut-il payer plus cher et consommer moins,<br />
c’est ce que comprennent certaines marques de luxe.<br />
<strong>CB</strong>N : Un vœu pour 2021 ?<br />
Paul-Emmanuel Reiffers : Pour bien travailler,<br />
il faut avoir des gens qui soient bien dans leur tte. ujourd’hui,<br />
ce qu’on constate c’est que les gens peuvent<br />
tre mal parce que a ne marche pas bien, mais ils<br />
peuvent tre mal aussi quand a marche bien. e pense<br />
que si on arrive à avoir des relations plus apaisées, tout<br />
ira mieux. On a quand mme envie de sortir le soir, on a<br />
quand mme envie d’aller au restaurant, de se serrer la<br />
main. Il y a beaucoup de choses qu’on ne fait plus mais<br />
qui nous isolent progressivement sans quon s’en rende<br />
compte. Une fois qu’on aura a, le reste, on sait faire.<br />
Recueilli par<br />
FRÉDÉRIC ROY<br />
PHOTOS: © E FROIS ROBERT.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 52 . Spécial LUXE 2020
ACTEUR<br />
RESPONSABLE<br />
DEPUIS<br />
SA CRÉATION<br />
et pour toujours<br />
Choisir JCDecaux,<br />
c’est choisir un média d’utilité publique qui s’engage :<br />
Pour la ville<br />
et les territoires<br />
Pour l’emploi Pour la planète Pour le vivre-ensemble<br />
Créateur de mobiliers<br />
et services urbains<br />
innovants depuis 1964,<br />
présent dans près de<br />
3 000 villes en France.<br />
17 958 emplois soutenus<br />
en France dont près de<br />
3 400 emplois directs à<br />
93% en CDI.<br />
Mobiliers éco-conçus,<br />
100% d’électricité<br />
renouvelable,<br />
Neutralité Carbone<br />
dès 2021 en France.<br />
Plus de 1 800 visuels de<br />
campagnes évalués par<br />
notre comité de<br />
déontologie chaque<br />
année.<br />
Ensemble, soyons acteurs d’un monde plus durable !
Depuis 1729, le<br />
luxe chez Ruinart<br />
est dans la nature.<br />
Les conséquences<br />
du réchauffement<br />
climatiques sont<br />
visibles dans le travail<br />
des vignes et de<br />
la terre. Plus que<br />
jamais, la maison<br />
de champagne fait<br />
du développement<br />
durable et de la<br />
qualité ses valeurs<br />
fondamentales.<br />
PHOTOS : © STUDIO PAPI AIME MAMIE.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 56 . Spécial LUXE 2020
COVER Story<br />
NOUVEAU<br />
MONDE,<br />
NOUVEAUX<br />
LUXES ?<br />
Dossier réalisé par<br />
SOPHIE STADLER<br />
LE LUXE NE FAIT PAS<br />
EXCEPTION. LA CRISE<br />
FAIT BOUGER LES<br />
LIGNES : L'EXPÉRIENCE,<br />
L'AUTHENTICITÉ<br />
REMPLACENT LE BLING-BLING,<br />
LE SUPERFLU. LES MARQUES<br />
FERONT-ELLES PREUVE DE<br />
RÉSILIENCE, ET SERONT-ELLES<br />
ATTENTIVES AUX NOUVELLES<br />
VALEURS ? ENQUÊTE.<br />
Rêves d’ailleurs… La Nouvelle-<br />
Zélande ou la Thaïlande ? Ce<br />
sont les deux pays désormais<br />
les plus prisés des plus riches.<br />
Deux pays vus comme des refuges,<br />
des havres de paix et de<br />
sécurité dans un monde plongé<br />
depuis près de huit mois dans la<br />
pandémie du coronavirus, l’angoisse d’un système qui<br />
s’écroule, la hantise de l’effondrement. Le paradis n’est<br />
plus fiscal (quoique a ne gche rien ), il est strictement<br />
territorial et il repose sur la détention du bon passeport.<br />
Un nouveau luxe. Ainsi, selon le cabinet Henley & Partners,<br />
conseil en citoyenneté et lieux de résidence, depuis<br />
mars les demandes de migration ont cr de <br />
Et leur programme élégamment baptisé « cash for passeport<br />
» cartonne. Le passeport néo-zélandais est le plus<br />
demandé car le pays, avec sa première ministre charismatique<br />
a parfaitement su gérer la crise du Covid. Quant<br />
à la Thaïlande c’est son côté îles de rêve et Robinson Cru-<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 57 . Spécial LUXE 2020
COVER Story<br />
Ruinart invite trois<br />
chefs à imaginer des<br />
menus à livrer. Ici le<br />
chef Antonin Bonnet<br />
du restaurant étoilé<br />
Quinsou.<br />
FRÉDÉRIC DUFOUR<br />
est président de la maison<br />
Ruinart : “ L’essentiel reste<br />
l’humain, la solidarité,<br />
la santé, les bonheurs<br />
simples et non le superflu.<br />
Nous sommes passés d’un<br />
monde de possession à<br />
celui de l’expérience . ”<br />
soé qui attire, notamment les Américains… Attention<br />
tout de même : obtenir le droit de résidence et<br />
un second passeport peut coûter plusieurs millions<br />
d’euros (frais de « migration », obligation d’investir<br />
dans l’économie locale, d’y acquérir sa résidence<br />
principale, etc.). Cet exemple est évidemment<br />
anecdotique, mais il reète tout de mme une réalité<br />
: les consommateurs du luxe, ultra-riches ou<br />
non, ont avec cette crise du coronavirus changé<br />
de point de vue et changé d’envies, d’exigences, de<br />
besoins. Peu optent pour un déménagement et la<br />
fuite en avant. Mais nombreux sont en revanche<br />
ceux à remettre l’essentiel et l’humain dans le top<br />
de leurs priorités. « Cette crise a fondamentalement<br />
accéléré et renforcé des trends qui avaient<br />
pour beaucoup émergé lors de la précédente crise<br />
économique de 2008, confirme Frédéric Dufour<br />
président de la maison Ruinart. Mais cette fois,<br />
les marques, les consommateurs, les citoyens ont<br />
brutalement pris conscience que le monde était<br />
extrêmement fragile. Que l’essentiel reste l’humanité,<br />
la solidarité, la santé, les bonheurs simples et<br />
tous relativisent le superu, notamment les jeunes.<br />
Nous sommes vraiment passés d’un monde de<br />
possession à l’importance de l’expérience et cela<br />
impacte énormément le luxe ». Retour au réel, à<br />
la vie intense, à l’importance inestimable de ceux<br />
qu’on aime. Exit – et cette fois pour de bon — les<br />
gros logos, le futile, le bling-bling et l’ostentatoire.<br />
Et les marques, qui s’y étaient déjà bien préparées,<br />
se sont radicalement adaptées. Bien obligé. Alors<br />
que le marché mondial du luxe n’avait enregistré<br />
que 4 % de croissance en 2019, pesant tout de<br />
mme milliards d’euros, en juin dernier, le cabinet<br />
spécialisé Bain & Company notait la disparition<br />
pure et simple d’un tiers de la valeur du marché<br />
du luxe au premier semestre de cette année spéciale<br />
Covid. Résultat quand certains reprochaient<br />
depuis plusieurs années aux maisons de luxe de ne<br />
pas avoir su prendre le virage du numérique, de la<br />
vente en ligne, de la revente d’occasion, de l’émergence<br />
de nouvelles marques emblématiques fortes,<br />
de manque d’innovation, de nouveaux modes de<br />
production plus durables et respectueux de l’environnement,<br />
etc. Les Chanel, Hennessy, Hermès,<br />
Dior et consorts ont tout à trac fait preuve d’agilité<br />
et d’hyperréactivité démontrant que le luxe, parfois<br />
vu comme une vieille dame fatiguée au regard des<br />
start-up les plus branchées, en avait encore sous le pied.<br />
LVMH n’a-t-il pas été l’un des premiers groupes à produire<br />
du gel hydroalcoolique ou des masques ? Bulgari<br />
a carrément créé un fonds pour financer la recherche<br />
et trouver un vaccin universel contre le coronavirus. Le<br />
Bon Marché a inauguré un corner seconde main (Collector<br />
Square) mi-octobre. Et, incroyable, les défilés et<br />
la fashion week se sont transformés en « webinars ». En<br />
quelques mois les entreprises du luxe ont démontré que<br />
chez elles, la responsabilité sociale et sanitaire c’est du<br />
concret et qu’elles ont les moyens de financer des initiatives<br />
efficaces et de changer le monde. Une adaptabilité<br />
qui paie, puisque le luxe s’il était en recul d’environ 20 %<br />
à fin septembre, a déjà su faire preuve de résilience et<br />
su surfer sur les marchés qui repartaient en Asie quand<br />
les autres restaient englués dans la crise. Mais pour la<br />
première fois, tous les consommateurs du luxe dans le<br />
monde semblent sensibles et attentifs aux nouvelles<br />
valeurs et attentions que manifestent des marques tant<br />
pour leur bien-être que pour la planète.<br />
lors certes, la dynamique était chez certains déjà en<br />
route depuis plusieurs années et ronronnait plus ou<br />
moins doucement (fin de la fourrure, retour au fait main<br />
et à une production locale, choix de matières premières<br />
durables et certifiées, programmes zéro carbone ou de<br />
reforestation), mais dans le luxe comme dans l’ensemble<br />
des secteurs, la pandémie a tout accéléré. Or, contrairement<br />
aux autres secteurs justement, le luxe, a déjà toutes<br />
les cartes en jeu pour réussir et performer dans cette<br />
nouvelle donne, ce fameux Monde d’après tant attendu.<br />
Savoir-faire ancestraux, fabrication artisanale, qualité,<br />
traabilité, créativité, capacité à traverser les crises et à<br />
airer l’air du temps Peut-tre fallait-il seulement aux<br />
maisons de luxe que leurs consommateurs se réveillent<br />
à leur tour et fassent de ces nouvelles contraintes environnementales,<br />
sociales ou éthiques leurs nouveaux<br />
désidératas ? Qu’ils les réclament comme leurs néo<br />
caprices hype et tendances ? Sûrement, en tout cas c’est<br />
PHOTOS : © STUDIO PAPI AIME MAMIE. © JEAN PICON. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 58 . Spécial LUXE 2020
COVER Story<br />
LE PARADIS N’EST PLUS FISCAL (QUOIQUE...), IL EST<br />
STRICTEMENT TERRITORIAL ET IL REPOSE SUR LA<br />
DÉTENTION DU BON PASSEPORT. UN NOUVEAU LUXE.<br />
Objets de mode<br />
de Hermès, la ligne<br />
petit h est faite avec<br />
des chutes de leurs<br />
tissus, cuirs, etc. (voir<br />
aussi l'article p. 68).<br />
chose faite en 2020. Selon Bain &Company, la nouvelle<br />
hiérarchie des besoins des consommateurs du luxe a<br />
radicalement changé cette année. C’est « le basculement<br />
du somptuaire vers l’éthique » et la durabilité sous toutes<br />
ses formes sera l’une des tendances de consommation les<br />
plus importantes de la prochaine décennie. La durabilité<br />
devient un impératif commercial et le besoin d’activisme<br />
social restera le grand enseignement de cette crise. Une<br />
étude de Retviews, publiée cet été, le confirme : « avec<br />
la pandémie, la défense de l'environnement et la lutte<br />
contre le gaspillage sont revenues au cœur des préoccupations.<br />
Cest un sujet qui rencontre beaucoup dintért<br />
chez la génération Z et 90 % des consommateurs sont<br />
prts à changer de comportement. » Mêmes constats enfin<br />
dans la nouvelle étude orld Luxury Tracking dévoilée<br />
le octobre par lIfop (lire page ). En Chine, aux<br />
Etats Unis et en Europe, les clients du luxe veulent plus<br />
de local, de transparence et s’engager dans une consommation<br />
plus fondamentale du luxe, exigeante et favorisant<br />
bien être, expérience et épanouissement personnel<br />
ou familial. Sur les trois continents, le luxe doit se faire<br />
plus digital, mais redevenir surtout un plaisir fondamental,<br />
proposer une réelle valeur ajoutée (authenticité,<br />
qualité, bon investissement à long terme) ou encore<br />
être un refuge anti anxiété. Le luxe est à nouveau une<br />
valeur refuge dans tous les sens du terme. Et non plus<br />
un mode de consommation compulsif, sorte d’antidépresseur<br />
matériel voué à faire artificiellement baisser<br />
le niveau de frustration de consommateurs névrosés,<br />
mais au contraire être le gage d’achats maîtrisés, tracés,<br />
vérifiés, certifiés. Bref, incarner le nouveau credo « se<br />
sentir mieux en consommant mieux » Car, loin des<br />
années ou , en , l’objet de luxe n’est pas<br />
un trophée futile, un faire-valoir, ni un énième gadget<br />
show-off ou un marqueur de la réussite sociale…<br />
Il ne sert plus à afficher sa réussite ou à écraser les<br />
autres, mais à accéder à un peu plus de bonheur<br />
matériel, ou mieux, expérientiel. « Avec cette crise,<br />
un rééquilibrage profond s’opère, poursuit Frédéric<br />
Dufour, de Ruinart. Jusqu’ici les deux types de luxes<br />
coexistaient, l’ostentatoire versus le raffiné et le<br />
premier était celui qui primait encore très souvent.<br />
Désormais c’est tout l’inverse. Or le cousu main, la<br />
qualité, le made in France, le respect de la terre et de<br />
la nature, ou encore le luxe authentique c’est celui<br />
encré dans l’ADN d’une grande maison telle que la<br />
nôtre. On ne s’est pas transformés avec cette crise,<br />
on a toujours porté ces valeurs, il faut juste le rappeler<br />
au bon souvenir des consommateurs ».<br />
Quels sont les nouveaux<br />
luxes ?<br />
Avec l’authenticité, la quête de qualité et de valeurs fondamentales,<br />
reviennent aussi en vogue la puissance des<br />
sentiments et des émotions. Plus question de les gommer<br />
ni de les ignorer. « ous remarquons depuis la fin<br />
du premier confinement que nos clients ont envie et<br />
littéralement besoin de la joaillerie pour témoigner<br />
à l’autre qu’il est important à ses yeux, souligne Jean<br />
Marc Mansvelt, directeur général de Chaumet. Le bijou<br />
de sentiment a pris une importance bien plus grande<br />
qu’auparavant. Les demandes en mariage et les fian-<br />
ailles ont explosé en France, en Chine ou au apon ces<br />
derniers mois. Et ce témoignage d’amour par l’achat de<br />
très belles pièces de joaillerie va bien au-delà des seuls<br />
couples, il concerne aussi l’amour parents-enfants, les<br />
très bons amis, etc. ». La pièce de luxe est un objet sentimental,<br />
qu’on prend soin de choisir, de personnaliser<br />
et de dédier à l’autre et c’est surtout un objet intemporel,<br />
de transmission rassurant et réconfortant, puisqu’il<br />
survivra à celui qui l’offre… « Nous fêtons dans cette<br />
année si particulière nos ans, ajoute ean Marc<br />
Mansvelt. Et c’est très positif, car même si nous n’avons<br />
pas pu faire les célébrations prévues, cet anniversaire<br />
démontre que nous avons traversé tant d’autres crises<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 59 . Spécial LUXE 2020
COVER Story<br />
Simplicité chez Caviar<br />
Kaspia avec cette<br />
pomme de terre au<br />
caviar 1966.<br />
Ci-contre Ramon Mac<br />
Crohon, DG du groupe<br />
Kaspia : “ Cette année,<br />
nous devons prendre<br />
soin de nos clients, les<br />
rassurer ”.<br />
GILLES POPLIN<br />
est directeur de<br />
Penninghen.“ Aujourd’hui<br />
c’est l’expérience qui prime<br />
et ce n’est pas le prix qui fait<br />
le produit de luxe. ”<br />
sans vaciller et que la maison peut<br />
en traverser encore bien d’autres ».<br />
Le salut du luxe réside, bien plus<br />
aujourd’hui que les années précédentes<br />
dans cette expérience certes,<br />
difficile à mener par temps de Covid<br />
et de confinement(s), mais vitale.<br />
Comme le rêve, l’expérience extrait<br />
le client de la noirceur du quotidien.<br />
« Cette année nous aura donné<br />
beaucoup de leons, confirme à son<br />
tour Ramon Mac Crohon, directeur<br />
général du groupe de Caviar Kaspia<br />
(Kaspia et Maison de la Truffe). Les<br />
attentes des consommateurs ont énormément évolué.<br />
Oui, ils sont en forte demande d’authenticité et d’histoire,<br />
c’est rassurant d’acheter les produits d’une maison<br />
réputée depuis 1927. Mais ce qu’ils veulent encore<br />
plus c’est être en sécurité, se faire dorloter par des services<br />
sur-mesure de très haute qualité et d’une grande<br />
proximité, non plus physique mais commerciale, “ servicielle<br />
”, expérientielle. Plus que jamais avec la dématérialisation,<br />
la fermeture des points de vente physiques<br />
nous devons prendre soin de nos clients. Les vendeurs<br />
doivent être dévoués et être passionnés par la marque<br />
pour transmettre ses valeurs et répondre de manière très<br />
personnalisée aux clients. »<br />
Le prix fait-il toujours le luxe ?<br />
L’amour des belles choses et des savoir-faire est universel<br />
et rejoint en cela l’univers de l’art, de la culture, du<br />
patrimoine. « ujourd’hui c’est l’expérience qui prime et<br />
ce n’est pas le prix qui fait le produit de luxe, explique<br />
Gilles Poplin, directeur de l’école de design et de graphisme<br />
Penninghen qui collabore régulièrement en partenariat<br />
avec des maisons comme Chaumet, Hermès ou<br />
St Louis. La différence des grandes maisons de luxe avec<br />
les autres marques c’est qu’elles ont un patrimoine, une<br />
histoire, un savoir-faire qui a su traverser les siècles et des<br />
archives qui les inscrivent dans le temps, leur permettent<br />
de se réinventer sans cesse et de pérenniser l’expérience.<br />
Et vivre cette expérience du luxe, entrer dans une boutique,<br />
suivre le compte Instagram d’une grande maison<br />
ce n’est plus réservé qu’aux riches. Les grandes marques<br />
de luxe invitent désormais tous les consommateurs à<br />
s’approprier leur univers, découvrir leur patrimoine. »<br />
Car contrairement à la fast fashion ou à la fast food, le<br />
luxe s’inscrit dans le temps long, l’attente du produit, la<br />
frustration de ne pouvoir le posséder tout de suite, par<br />
manque de moyens ou pour les besoins de sa fabrication.<br />
Et surtout cette rareté, cette attente fait rêver, s’émerveiller<br />
tous les consommateurs. De la frustration naît le<br />
désir et la valeur de la marque, de l’objet. « La joaillerie<br />
et encore plus la haute joaillerie sont effectivement au<br />
carrefour du temps long, de l’authenticité et du rêve,<br />
ajoute ean Marc Mansvelt. Quoi de plus important en<br />
temps de crise que de continuer de rêver, de s’extraire<br />
d’un quotidien difficile pour admirer quelques la créativité,<br />
la virtuosité et la qualité exceptionnelles de produits<br />
de la terre, les pierres de nos bijoux »<br />
Les petites marques de luxe<br />
misent sur l’affect<br />
Alors certes, les grandes marques et grandes maisons de<br />
luxe ont, comme elles savent le faire depuis des siècles,<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 60 . Spécial LUXE 2020
LA PUB À<br />
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COVER Story<br />
Les tissus Dormeuil<br />
et les vélos Tamboite<br />
s'associent pour mieux<br />
se démarquer en créant<br />
un produit d'exception<br />
et communiquer<br />
partout dans le monde.<br />
résisté aux premiers assauts de cette crise. Mais<br />
quid des petites griffes ? Des nouveaux entrants,<br />
des start-up du luxe et même des maisons ancestrales<br />
mais beaucoup moins célèbres que leurs grandes<br />
sœurs ? Tous s’engagent pour émerger, évidemment.<br />
Les rouges à lèvres de la nouvelle marque branchée de<br />
maquillage Kure Bazaar deviennent rechargeables. Cha<br />
Ling (LVMH), les nouveaux cosmétiques à base de thé<br />
surfent sur le bien-être vert. Le fabricant français de motos<br />
Voxan se lance dans l’électrique et vient de battre un<br />
nouveau record mondial de vitesse…<br />
« Cette crise a notamment permis aux Français de s’éveiller<br />
aux marques et aux savoir-faire qui se trouvaient près<br />
de chez eux et qu’ils ne connaissaient pas ou peu », explique<br />
Vincent Rebours, associé en charge du développement<br />
de la maison Tamboite. Une marque française qui<br />
fabrique à Paris des vélos sur-mesure et d’ultraluxe valant<br />
de 11 000 à 15 000 euros en moyenne et qui exporte<br />
plus de 50 % de sa production. « Avec cette crise, l’intérêt<br />
pour le vélo a été décuplé, ajoute-t-il. Cela n’a pas généré<br />
une précipitation folle dans nos ateliers pour passer<br />
commande, en revanche nous avons clairement constaté<br />
ce nouvel intérêt pour le made in France, les beaux objets<br />
sur-mesure et notre savoir-faire de la part du public<br />
notamment sur nos réseaux sociaux, notre site Internet,<br />
les demandes de visites de notre atelier et les inscriptions<br />
à nos balades d’essai dans Paris ». Les gens redécouvrent<br />
que pour changer le monde il faudra adopter de nouvelles<br />
habitudes, faire du vélo certes, mais consommer<br />
“ CETTE CRISE A<br />
NOTAMMENT PERMIS<br />
AUX FRANÇAIS DE<br />
S’ÉVEILLER AUX<br />
MARQUES ET AUX<br />
SAVOIR-FAIRE QUI SE<br />
TROUVAIENT PRÈS DE<br />
CHEZ EUX ET QU’ILS NE<br />
CONNAISSAIENT PAS . ”<br />
VINCENT REBOURS,<br />
MAISON TAMBOITE.<br />
mieux surtout, en investissant dans des produits de meilleure<br />
qualité, fabriqués en France. Le luxe ou les produits<br />
réputés chers, retrouvent d’un coup tout leur intérêt et<br />
leur valeur. « Les notions de production et de localisation<br />
sont des éléments désormais incontournables pour les<br />
consommateurs, ajoute Vincent Rebours. Et, nous remarquons<br />
aussi que les plus aisés sont convaincus qu’il<br />
faut faire mieux pour la planète sans être des activistes<br />
écologistes. Dès lors, pour eux, le vélo devient à son tour,<br />
un objet de différenciation, comme hier la montre ou la<br />
voiture de luxe ». Plutôt que de rouler en banal Rockrider<br />
ecathlon, mieux vaut affirmer fissa son statut social<br />
avec un bel objet, rare, unique, raffiné. Un Tamboite,<br />
sinon rien… « Nous avons aussi réalisé des partenariats<br />
avec de grandes maisons de luxe cette année, poursuit le<br />
directeur associé de Tamboite. Comme lancé un modèle<br />
de vélo en série particulière avec les tissus Dormeuil.<br />
L’opération a été relayée dans le monde entier dans les<br />
communications Dormeuil et a attiré l’attention des<br />
Chinois, des Coréens ou des Japonais sur nos vélos made<br />
in France. Des live-shows ont été organisés et ont fait<br />
connaître notre marque ». Même stratégie chez Maison<br />
Roussot. La petite fille du fondateur de cette ancienne<br />
ferronnerie d’art installée dans le Marais au siècle dernier<br />
fait renaître l’entreprise familiale depuis 2017. Mais<br />
elle a totalement changé de business. « Je réécris une<br />
PHOTO : © BENOÎT JEANNETON.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 62 . Spécial LUXE 2020
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COVER Story<br />
La maison Roussot,<br />
jeune marque<br />
premium, twiste les<br />
classiques (bols, ronds<br />
de serviettes, etc.) et les<br />
personnalise à l'envi.<br />
La Tour d'Argent<br />
s'essaie aux nouvelles<br />
pratiques de la<br />
livraison à domicile, en<br />
passant par la création<br />
d'une e-boutique.<br />
CHARLOTTE<br />
ENGRAND<br />
fondatrice de la maison<br />
Roussot : “ Ce secteur ne<br />
fait pas de cadeau aux<br />
nouveaux entrants, pour<br />
se faire une place il faut<br />
proposer des services et<br />
des produits qui n'existent<br />
pas encore dans le luxe. ”<br />
nouvelle histoire avec les mêmes valeurs de rigueur, de<br />
fabrication française et de qualité », explique Charlotte<br />
Engrand. Après avoir travaillé dans l’univers de la décoration<br />
grand public et des maisons de luxe, la fondatrice<br />
veut créer sa marque de produits d’arts de la table. Son<br />
premier succès, les bols bretons à prénoms de très haute<br />
qualité et peints à la main. Pour se faire connaître, la<br />
jeune marque collabore elle aussi avec de grands noms<br />
du luxe ou du premium comme Sézanne, Le Bon Marché,<br />
Merci ou avec l’inuenceuse Marie Faure de MytravelDreams.<br />
Elle est déjà présente chez une centaine de<br />
revendeurs sélectionnés. « L’idée c’est de perpétuer les<br />
savoir-faire d’excellence, et de revisiter les classiques de<br />
chez nos grands-mères en twistant totalement le style et<br />
les décors, ajoute-t-elle. Le luxe et le très haut de gamme<br />
sont un secteur qui ne fait pas de cadeaux aux nouveaux<br />
arrivants, mais surtout en cette période de crise, avec la<br />
qualité et la traçabilité des produits, la personnalisation<br />
et le sur-mesure sont la clef du succès, surtout quand cela<br />
n’existait pas sur le marché. La personnalisation rend<br />
l’objet encore plus unique, renforce l’attachement de son<br />
propriétaire et le côté affectif, et, plus que le prix, c’est ce<br />
qui fait l’objet de luxe aujourd’hui ».<br />
Cette crise profite enfin aux jeunes plateformes de revente<br />
de produits de luxe d’occasion en France comme<br />
en Chine et un peu partout. Le Boston Consulting Group<br />
y voit un nouvel eldorado et prédit au secteur une croissance<br />
de 8 % par an d’ici 2025 en ligne et hors ligne. Idem<br />
pour la réparation des produits de luxe qui séduit notamment<br />
les plus jeunes. Les grandes maisons vont donc<br />
devoir répondre à ces nouvelles tendances car elles sont<br />
réellement challengées cette année. Mais réparer, transmettre,<br />
vendre aux enchères des produits qui gagnent de<br />
la valeur ou deviennent même des objets de collection<br />
est, là encore des spécialités du luxe et des services proposés<br />
depuis toujours par les grandes marques. Encore<br />
faut-il que leurs consommateurs s’en souviennent et<br />
qu’elles sachent reprendre la parole sur ces atouts repris<br />
aujourd’hui par de nouveaux challengers. « Nous avions<br />
une image un peu classique, distante, intimidante de<br />
grande maison, notamment auprès des consommateurs<br />
Franais et mme des habitants du quartier, explique ndré<br />
Terrail, propriétaire de la Tour d’Argent. Cette crise,<br />
très difficile et violente, nous a permis de démontrer l’inverse,<br />
de prouver que nous étions au contraire une maison<br />
sympa, ouverte et chaleureuse. L’une des dernières<br />
grandes maisons familiales de la restauration à Paris,<br />
pas une adresse à touristes, comme certains pouvaient le<br />
penser… Nous avons su rétablir cette vérité et le contact,<br />
avons été capables de nous réinventer et je suis persuadé<br />
que mme si cette crise va certainement durer, les Français<br />
s’en souviendront et nous démontreront encore leur<br />
attachement ». Tout est dans l’affect. Nouveau salut du<br />
luxe à la française… SO.S.<br />
LA REVENTE ET LA RÉPARATION DE PRODUITS DE LUXE<br />
SÉDUIT LES PLUS JEUNES. LES GRANDES MAISONS VONT<br />
DEVOIR RÉPONDRE À CES NOUVELLES TENDANCES.<br />
PHOTO : © MAISON ROUSSOT - DR. © TOUR D'ARGENT-LÉA MAUPETIT.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 64 . Spécial LUXE 2020
COVER Story<br />
“ LE LUXE, C'EST<br />
DES RACINES<br />
ET DES AILES. ”<br />
COMMENT LA MARQUE DE COGNAC QUI EXPORTE PLUS DE 99 %<br />
DE SA PRODUCTION TRAVERSE-T-ELLE LA CRISE ? PAR LAURENT<br />
BOILLOT, PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DE HENNESSY.<br />
La Maison Hennessy,<br />
tricentenaire, travaille<br />
avec plus de 1 600 viticulteurs<br />
depuis parfois<br />
plusieurs siècles.<br />
<strong>CB</strong>N : En cette année noire, comment<br />
se porte le marché du luxe, et comment va<br />
Hennessy ?<br />
Laurent Boillot : Du point de vue économique, la<br />
crise n’est pas la même partout ni dans tous les secteurs.<br />
Il y a des secteurs comme l’hôtellerie ou les voyages et des<br />
pays où la consommation s’est arrêtée très brutalement<br />
et durablement. Et puis il y a des marchés où elle a repris<br />
et où la consommation connaît déjà un rebond. C’est le<br />
cas du marché des spiritueux premiums. Un secteur qui<br />
a la chance d’être aujourd’hui moins touché que d’autres,<br />
notamment aux États Unis ou en Chine où la consommation<br />
a augmenté en volumes ces derniers mois. Certes,<br />
un peu partout, la consommation festive dans les hôtels,<br />
les boîtes de nuit et les restaurants s’est arrêtée, mais elle<br />
s’est transférée au domicile des consommateurs. Quand<br />
nous avons dû stopper nos lignes de production, toute<br />
notre activité et nos expéditions en mars, nous ne savions<br />
où nous mènerait cette crise inédite mais Hennessy a<br />
finalement très bien résisté et a mme réalisé une belle<br />
année. Cette résilience est intimement liée à la force et à<br />
la puissance de cette maison. Aux liens qu’elle entretient<br />
depuis 1765 avec ses viticulteurs partenaires, son territoire<br />
et ses clients partout dans le monde.<br />
<strong>CB</strong>N : Cette crise fait-elle émerger de<br />
nouvelles formes de luxe et de nouvelles<br />
attentes-consommateurs ?<br />
Laurent Boillot : Elle a mis en exergue et accéléré<br />
le mouvement autour de valeurs que de nombreuses<br />
grandes maisons de luxe intègrent depuis toujours et<br />
que d’autres secteurs et marques semblent assez subitement<br />
découvrir. Mais la qualité, la transparence,<br />
l’exigence ou le respect de nos territoires et de la nature<br />
sont par essence liés aux savoir-faire et aux activités des<br />
maisons de luxe dignes de ce nom. L’une des missions<br />
premières d’une maison tricentenaire telle qu’Hennessy<br />
c’est de savoir préserver son patrimoine, le développer<br />
et le transmettre. Le luxe ce n’est pas seulement le beau,<br />
c’est aussi la qualité et c’est surtout le « bien ». Partout, les<br />
« raisons d’être des entreprises » émergent, mais ce n’est<br />
pas une mode, c’est une obligation. Et dans le luxe c’est<br />
une inclination naturelle, évidente, qui existe depuis<br />
toujours. Comment nos maisons auraient-elles résisté<br />
à tant d’années et de crise sans cela Cette pandémie<br />
permet de remettre en avant ces valeurs si importantes,<br />
parfois un peu oubliées par les consommateurs…<br />
<strong>CB</strong>N : Lesquelles ?<br />
Laurent Boillot : La notion de rareté revient très fort.<br />
Étymologiquement ce qui est rare permet d’échapper à<br />
la normalité, c’est le trajet inattendu, la révolte contre<br />
le banal. C’est essentiel aujourd’hui, avec cette crise qui<br />
nous a confinés. Tout comme le savoir-faire est capital,<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 66 . Spécial LUXE 2020
COVER Story<br />
“ Partout, les<br />
« raisons d’être<br />
des entreprises »<br />
émergent, mais<br />
ce n’est pas une<br />
mode, c’est une<br />
obligation. ”<br />
business, ce sont avant tout des marques avec un esprit<br />
familial et solidaire historique, des acteurs forts de leurs<br />
territoires. Nous travaillons avec plus de 1 600 viticulteurs<br />
depuis parfois plusieurs siècles !<br />
POTOS : © CLOTILE LE GU. EESS-R.<br />
LAURENT<br />
BOILLOT,<br />
p-dg de Hennessy :<br />
“ Nos bouteilles sont<br />
exportées en priorité<br />
par bateaux. (...) Nous<br />
travaillons avec les<br />
entreprises innovantes<br />
sur le lancement des<br />
futurs cargos à voiles. ”<br />
c’est l’intelligence, la connaissance du produit. L’excellence<br />
aussi même si elle a pu être écornée, banalisée<br />
parfois, c’est elle qui nous permet de nous élever, de<br />
nous dépasser. Enfin, le luxe c’est le temps long. Toute<br />
maison de luxe qui se respecte travaille dans ce temps<br />
long de la fabrication de produits d’exception, mais travaille<br />
aussi pour les générations qui suivront. La transmission<br />
est fondamentale, nous plantons aujourd’hui<br />
les vignes, récoltons les raisins et faisons vieillir les<br />
eaux-de-vie qui seront commercialisées dans seulement<br />
15, 20, 30 ans. Et puis il y a le Made in France,<br />
bien sûr, ou plutôt ici, le Made in Cognac et l’importance<br />
du territoire, du terroir. Mais je crois que le Made<br />
By est lui aussi de plus en plus important, surtout pour<br />
nos grandes maisons exportatrices. Hennessy exporte<br />
plus de 99 % de sa production et nos clients veulent<br />
plus que jamais savoir par qui et comment sont fabriqués<br />
les spiritueux qu’ils achètent.<br />
<strong>CB</strong>N : Êtes-vous une marque engagée ?<br />
Laurent Boillot : Nous sommes l’une des 100 marques<br />
classées parmi les plus puissantes du monde, nous<br />
avons donc une responsabilité forte à jouer à différents<br />
niveaux en interne, localement, mais aussi du côté de la<br />
biodiversité et du développement durable. Et, pendant<br />
cette pandémie nous avons aussi proposé notre aide<br />
(fabrication de gel hydroalcoolique, maintient des commandes<br />
auprès des fournisseurs et viticulteurs, etc.).<br />
Et, même si les critiques sont toujours faciles, ce n’est<br />
ni du greenwashing ni du « health washing ». De très<br />
nombreuses maisons de luxe sont très engagées même<br />
si elles sous-communiquent souvent sur ces questions.<br />
Le luxe ce n’est pas que des prix extrêmement chers et du<br />
<strong>CB</strong>N : Quels sont vos principaux<br />
engagements ?<br />
Laurent Boillot : Les questions de développement<br />
durable, de climat, de réduction de notre empreinte<br />
carbone sont très importantes car nous élaborons un<br />
produit très lié à la nature et parce que nous sommes<br />
un gros exportateur. Nous sommes donc engagés<br />
depuis de nombreuses années dans la réduction de<br />
notre consommation énergétique. Nos bouteilles sont<br />
exportées en priorité par bateaux. Nous misons sur<br />
les énergies alternatives comme le biogaz et tentons<br />
de réduire de 90 % notre consommation de gaz dans<br />
les prochaines années. Nous travaillons avec les entreprises<br />
innovantes sur le lancement des futurs cargos<br />
à voiles. Et nous travaillons aussi sur les questions de<br />
régénération, pour compenser l’empreinte carbone que<br />
nous ne pouvons réduire car nous exportons beaucoup.<br />
Nous sommes ainsi engagés dans des programmes<br />
longs d’agroforesterie à Cognac, au Kenya, aux États<br />
Unis, en Chine… Plus que jamais le luxe c’est d’abord<br />
des racines : une maison ancrée dans son territoire,<br />
construite par des générations de maîtres artisans. Et<br />
des ailes : la créativité, le rêve, l’évasion, la beauté et les<br />
exportations de ces produits d’exception partout dans<br />
le monde. Préparer l’avenir de nos maisons c’est savoir<br />
composer avec toutes ces valeurs, ancestrales et très<br />
nouvelles. Aujourd’hui plus que jamais, le « vrai » luxe<br />
c’est forcément le bon, le beau et le bien.<br />
Recueilli par<br />
SOPHIE STADLER<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 67 . Spécial LUXE 2020
Enquête<br />
RECYCLAGE<br />
Seconde main, premier choix<br />
RÉCUP'<br />
vers le futur<br />
C’ÉTAIT LATENT, FRÉMISSANT. C’EST DEVENU UNE RÉALITÉ QUE<br />
PLUS AUCUNE MAISON DE MODE IGNORE. LA SECONDE MAIN<br />
N’EST PLUS INVISIBLE ET FAIT BOUGER LES LIGNES DU LUXE,<br />
D'ARRIÈRE, EN AVANT.<br />
JULIE WAINWRIGHT<br />
est fondatrice de The<br />
Real Real, une plateforme<br />
qui remet en vente des<br />
vêtements signés. Gucci est<br />
l’une des marques les plus<br />
demandées. D’où la mise<br />
en ligne de therealreal.<br />
com/gucci. , un partenariat<br />
qui s'engage aussi pour la<br />
planète.<br />
Ce ne sont pas les fripes vintage<br />
de Killiwatch. i les fins de séries<br />
et les invendus des outlets de la<br />
grande banlieue, mais des tenues<br />
chics, signées, portées au maximum<br />
sept fois, la moyenne est<br />
de deux fois et demie, que leurs<br />
propriétaires remettent en vente<br />
sur des plateformes comme The RealReal aux US, estiaire<br />
Collective et inted en Europe, mais aussi Plum<br />
ou Ponhu en Chine. Car, à leur tour, les jeunes chinois<br />
s’adonnent à la seconde main qui a longtemps effrayé les<br />
maisons emblématiques du luxe. Chanel, entre autres,<br />
craignait de la voir se transformer en nouveau circuit de<br />
la contrefaon. Si elle est récente, elle a été initiée, il y<br />
a une dizaine d’années, par des start-upeuses comme<br />
ulie ainwright (The RealReal) et Milda Mitkute (inted),<br />
elle est sortie du circuit ventes d’occasion façon<br />
« bonnes affaires entre bonnes copines ». Estimée à <br />
milliards d’euros pour 2021, son chiffre d’affaires global<br />
devrait finalement dépasser cette année ce montant et<br />
sa progression est confirmée aux alentours de par<br />
les analystes pour les années à venir. En , ce marché<br />
a attiré plus de dix millions de nouveaux clients et,<br />
aux États-Unis, un acheteur du luxe sur deux déclare<br />
consommer aussi en seconde main. Est-ce la crise sanitaire,<br />
économique qui le booste autant u-delà du<br />
prix, c’est le produit qui attire. Si la seconde main s’est<br />
construite au départ autour des accessoires, les fameux<br />
it bag, puis sur les pièces des dressings, si la joaillerie et<br />
les montres y sont de plus en plus recherchées, ce sont<br />
les collaborations, les pièces iconiques désormais introuvables<br />
dans les circuits traditionnels et les séries limitées<br />
qui sont demandées par ses clients.<br />
Pour prouver aux maisons qu’elles n’avaient rien à<br />
craindre d’elle, mais au contraire tout intért à jouer<br />
son jeu, estiaire Collective avait commandé en au<br />
cabinet Boston Consulting Group l’étude hy Luxury<br />
Brands Should Celebrate the Preowned Boom. Contrairement<br />
à la tradition du beau et du cher, ce ne sont pas<br />
les produits qui ont fait de ces sites des acteurs incontournables<br />
du luxe, mais leurs clients. Ceux-ci appartiennent<br />
majoritairement à la génération et à celle des<br />
millennials. Outre une culture fashion pointue, cette jeunesse<br />
se démarque par sa sensibilité écologique. Ils ont<br />
à l’esprit que l’industrie textile est la troisième industrie<br />
la plus polluante de la planète et sont attentifs à sa responsabilité,<br />
à sa durabilité et à son éthique. En vendant<br />
et en rachetant, ils ont initié le luxe circulaire. Si le luxe<br />
statutaire ne le comprend pas, c’est à ses risques et périls.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 68 . Spécial LUXE 2020
Enquête : recyclage<br />
EN 2017, BURBERRY<br />
DÉTRUIT PLUS DE<br />
20 000 DE SES<br />
TRENCHS. SA VALEUR<br />
A ÉTÉ SI DÉGRADÉE<br />
QU’ELLE A DÛ SIGNER<br />
UN ACCORD DE VENTE<br />
DE SES INVENDUS AVEC<br />
THE REALREAL.<br />
POTOS : © MRGOT UE. R.<br />
Quand, en , Burberry annonce avoir détruit pour<br />
plus de millions d’euros de ses produits dont plus de<br />
de ses iconiques trenchs, sa valeur a été si dégradée<br />
qu’elle a d rétropédaler et signer un accord de vente<br />
de ses invendus avec The RealReal.<br />
Cette circularité a une égérie, Stella McCartney, qui a<br />
été la première à saisir son enjeu, et qui a été nommée<br />
l’an passé conseillère du développement durable du président<br />
et du comité de direction de LM. uitton pourrait<br />
s’y mettre de mme que Saint Laurent u sein du<br />
groupe Kering, Gucci vient de signer un partenariat qui<br />
va doper son image auprès de cette génération à conscience.<br />
Comme l’indique ulie ainwright, la fondatrice<br />
et CEO de The RealReal, Gucci est l’une des marques les<br />
plus demandées de sa plateforme, y enregistre de<br />
croissance par an, et ses pièces masculines y sont les plus<br />
vendues. ’où la mise en ligne de therealreal.comgucci.<br />
Mais le partenariat va plus loin qu’un simple accord de<br />
business. Pour tout achat - livraison sur le sol américain,<br />
les deux associés s’engagent à planter un arbre via l’OG<br />
One Tree Planted. Résultat : en confirmant son engagement<br />
pour la planète, en adhérant aux valeurs de cette<br />
génération, Gucci fait le pari d’une autre circularité du<br />
luxe. Ces jeunes acheteurs ne se contenteront pas d’adhérer<br />
à son story telling dans la seconde main, ils conti-<br />
Si la seconde main s’est<br />
construite au départ<br />
autour des accessoires,<br />
joaillerie, montres...<br />
ce sont les pièces<br />
iconiques introuvables,<br />
les séries limitées<br />
qui sont demandées<br />
aujourd'hui.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 69 . Spécial LUXE 2020
Enquête : recyclage<br />
DES MARQUES ONT SAISI<br />
L’OPPORTUNITÉ DE<br />
CETTE SECONDE MAIN ET<br />
CONVERTISSENT LEURS<br />
ANCIENS STOCKS EN<br />
“ ARCHIVES ” CHARGÉES<br />
D’ÉMOTIONS, D’HISTOIRES.<br />
MALIN.<br />
futur qui ferait du passé son allié (voir page<br />
). Exactement comme le fait Maria Grazia<br />
Gruzi chez ior en retravaillant le folklore.<br />
C’est se donner un supplément d’me. e plus<br />
jeter, tel est le credo de Marine Serre dont les<br />
collections sont en partie travaillées avec des<br />
matériaux récupérés comme un stock de vieux<br />
foulards destinés à tre jetés. « Pourquoi, ditelle,<br />
aller acheter du tissu en Chine ou en Italie<br />
alors qu’il y en a tant à réutiliser et que l’on<br />
se plaint sans cesse du gaspillage » Elle est la<br />
chef de file d’un mouvement encore balbutiant<br />
mais de plus en plus présent et inuent.<br />
L'up-cycling à l'œuvre :<br />
en haut à droite, Tom<br />
Van der Boght, Grand<br />
Prix mode à Hyères.<br />
Ci-dessus, casquettes<br />
à partir de toiles de<br />
parachutes et de pots<br />
de fleurs par Juana et<br />
Ddiddue Etcheberry.<br />
nueront d’acheter ses collections quand ils seront plus<br />
installés dans le succès et la réussite. La seconde main<br />
d’aujourd’hui prépare à la première main de demain.<br />
’autres maisons ont saisi l’opportunité de cette seconde<br />
main et convertissent leurs anciens stocks en « archives »<br />
chargées d’émotions, d’histoires. ernière en date, Sonia<br />
Rykiel vient de mettre en ligne celles de la maison, depuis<br />
les pièces phares comme le pull rayé, aux plus récentes.<br />
La couture, plus élitiste, s’adonne à un luxe régénératif<br />
qui est plus confidentiel, plus expérimental. Et bien plus<br />
créatif. L’upcycling donne une seconde vie à des chutes<br />
de tissus ou à des matériaux ingrats destinés à tre jetés.<br />
ermès a été la première maison à créer une collection<br />
d’objets à partir de bouts de cuir, de soie récupérés dans<br />
ses ateliers. Son nom : petit h. En janvier dernier, .M.<br />
eston lanait eston intage pour donner une seconde<br />
vie à des paires de chaussures usagées. Elles sont réparées<br />
et remises en vente. Pour Olivier Saillard, le directeur<br />
artistique de la maison, il s’agit de monter la voie d’un<br />
Lors du dernier festival d’yères, le Grand Prix<br />
Mode ainsi que celui de la ville ont été remis<br />
à Tom an der Borght pour sa collection masculine<br />
entièrement conue avec des matériaux<br />
de récupération. « e veux donner une nouvelle<br />
définition au luxe. ous sommes habitués<br />
aux matériaux luxueux classiques comme<br />
l’or ou le cuir. ’aime utiliser ce que les autres ne trouvent<br />
pas intéressant », déclare-t-il. ’où son pull tricoté avec<br />
les filaments de plastiques des étiquettes accrochées aux<br />
vtements, d’où un sac fabriqué à partir de peaux de poissons<br />
issues de l’industrie alimentaire et d’où un manteau<br />
bleu ashy monté en patchwork avec des fausses fourrures<br />
végétales. utres lauréats : uana et diddue Etcheberry,<br />
un duo frère et sur qui a fabriqué des casquettes<br />
à partir de toiles de parachute et de pots de eurs. ernier<br />
exemple, de La Redoute qui a proposé à huit élèves<br />
de Sasa , école de mode solidaire, de s’inspirer de ses<br />
archives et de revisiter ses looks pour inventer le luxe de<br />
demain. Ils ont créé de silhouettes à partir de matières<br />
récupérées et détournées comme les sacs en plastique. Si<br />
cette collaboration est utopique, gageons que se trouvent<br />
parmi ces futurs stylistes ceux qui seront les directeurs<br />
artistiques de demain des grandes maisons.<br />
C ATHERINE JAZDZEWSKI<br />
POTOS : PILIPPE RRIGEO. R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 70 . Spécial LUXE 2020
shortcut.fr shortcutevents @shortcut_events @shortcut_rp<br />
Lionel Laval contact@shortcut.fr Christophe Pinguet
Enquête<br />
RÉSISTANCE<br />
5 secteurs<br />
IMMUNISÉS<br />
contre la crise<br />
DE RARES SECTEURS DU<br />
LUXE SONT PARVENUS<br />
À TIRER LEUR ÉPINGLE<br />
DORÉE DU JEU. MAIS<br />
QUEL EST LEUR<br />
ANTIDOTE ?<br />
L'Art contemporain, l'immobilier premium,<br />
la conciergerie ou la location<br />
de jets privés font partie des niches du<br />
marché du luxe qui ont traversé la crise<br />
sans subir l’effondrement connu par<br />
d’autres secteurs. Si la digitalisation<br />
fut l’invitée incontournable des bons<br />
résultats, le pragmatisme des opérateurs et le besoin<br />
de réassurance d’une clientèle en recherche de valeurs<br />
essentielles ont permis de sceller de nouveaux liens de<br />
confiance à distance .<br />
L'Art contemporain...<br />
« Aujourd’hui, en temps de crise, le marché de l’art<br />
contemporain ne s’arrête plus », souligne Thierry<br />
Ehrman en préambule du rapport d’ArtPrice.com qui<br />
dresse le bilan du marché de l’art en 2020. Le dirigeant<br />
de la célèbre plateforme estime même que ce secteur<br />
« est au contraire le segment qui s’adapte le plus rapidement<br />
aux changements et celui qui se prête le mieux<br />
aux ventes en ligne ». Le rapport souligne l’extraordinaire<br />
adaptation du marché au confinement mondial.<br />
« Pour les salons, comme pour les galeristes et les socié-<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 72 . Spécial LUXE 2020
Enquête : résistance<br />
PHOTOS : © MIKE VON ON UNSPLASH. © PEXELS-ROMINA-BM. © iSTOCKPHOTO.<br />
tés de ventes, il aura fallu une situation d’urgence pour<br />
donner un coup d’accélérateur au développement digital.<br />
Les sociétés de ventes ont pour leur part évité le pire<br />
scénario – celui d’un arrêt total du marché – en faisant<br />
évoluer en urgence leur site internet pour multiplier<br />
les ventes en ligne, seul canal pour poursuivre le jeu<br />
des enchères et rester en lien avec les collectionneurs. »<br />
Les extraordinaires résultats des ventes à distances<br />
de la maison Sotheby’s en sont une démonstration :<br />
« Courant mars, la société américaine a déjà vendu <br />
fois plus d’œuvres que sa rivale Christie’s », précise le<br />
rapport. « En avril, elle génère 6,4m$, un record pour<br />
ses ventes en ligne. Plus de la moitié des lots vendus<br />
dépassent alors leur estimation haute », poursuit le<br />
rapport. En misant sur la réalité augmentée, Christie's<br />
réagira seulement en juillet en doublant ses scores et<br />
accréditant finalement une virtualisation généralisée<br />
du marché de l’art.<br />
Le jet privé… recours ultime<br />
Si début mars la fermeture des frontières signe l’arrêt<br />
brusque des voyages d’affaires en jet privés, l’affrètement<br />
par des particuliers et institutions pour les rapatriements<br />
de personnes aura permis à ces entreprises de maintenir<br />
un bon niveau d’activité, contrastant avec l’écroulement<br />
du trafic aérien mondial. « ous ferons une bonne<br />
année 2020 », estime François-Xavier Clerc, fondateur<br />
d’éroffaires qui opère depuis sur ce secteur très<br />
sélect de l’aviation haut de gamme. « ujourd’hui grce à<br />
notre plateforme CRM, 80 % de nos vols sont affrétés par<br />
des particuliers, et seulement par les entreprises, à<br />
l’inverse de la situation que nous connaissions en ».<br />
Sa prévision pour le futur : un retour à la normale dans<br />
deux ans, période durant laquelle l’offre se sera concentrée<br />
autour des compagnies les plus solides, provoquant<br />
anticipe-t-il, une augmentation probable des prix. L’expérience<br />
du voyage en jet privé n’en sera que plus exclusive !<br />
Recherche de proximité<br />
Côté immobilier, avec des prix quasi-stables sur le premier<br />
semestre, Alison Ashby dirigeante de l’agence Junot<br />
Fine Properties Knight Frank estime que le marché<br />
conserve son attractivité : « Les hôtels particuliers, belles<br />
maisons avec jardin, grandes terrasses étaient déjà une<br />
niche (moins d’une centaine de transactions par an à Paris).<br />
C’est toujours le cas, mais nous voyons davantage de<br />
demandes pour ces endroits vraiment exceptionnels, de<br />
la part de Français qui n’auraient pas forcément investi<br />
autant auparavant. Disons que ces projets, qui relevaient<br />
du rêve pour bon nombre de nos clients, Français notamment,<br />
sont devenus une nécessité dans l’éventualité où la<br />
situation devait perdurer. »<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 73 . Spécial LUXE 2020
Enquête : résistance<br />
Grâce aux<br />
rapatriements de<br />
personnes effectuées<br />
par des institutions,<br />
l'affrètement de jets<br />
privés permet au<br />
secteur de l'aviation<br />
haut de gamme de se<br />
maintenir.<br />
“ NOUS VOYONS<br />
DAVANTAGE DE<br />
DEMANDES POUR<br />
DES ENDROITS<br />
EXCEPTIONNELS DE<br />
LA PART DE FRANÇAIS<br />
QUI N’AURAIENT PAS<br />
INVESTI AUTANT<br />
AUPARAVANT. ”<br />
ALISON ASHBY,<br />
JUNOT FINE PROPERTIES KNIGHT FRANK.<br />
La conciergerie upgradée<br />
Grâce aux<br />
rapatriements de<br />
personnes effectuées<br />
par des institutions,<br />
l'affrètement de jets<br />
privés permet au<br />
secteur de l'aviation<br />
haut de gamme de se<br />
maintenir.<br />
Valeurs précieuses<br />
Les mauvais résultats de la joaillerie traditionnelle<br />
cette année cachent un phénomène plus prometteur,<br />
celui d’un engouement pour l’achat de bijoux vintage,<br />
un marché de seconde main dont le poids reste encore<br />
mal évalué (voir l'étude Ifop, p. 34). Pour la maison de<br />
vente parisienne Pescheteau-Badin, cela correspond à<br />
un goût prononcé pour les bijoux des années 2 000 qui<br />
ne sont plus fabriqués et l’attrait commercial représenté<br />
par ces objets dès lors que leur origine est attestée. Sonia<br />
Benarouch, fondatrice de la start-up Savage dédiée à la<br />
vente de bijoux seconde main, ne s’étonne pas d’un tel<br />
phénomène. « Les bijoux vintage sont à la fois des objets<br />
de plaisir, et des objets porteurs d’une valeur intrinsèque<br />
tout en restant plus accessible. » En proposant une collection<br />
dont la cohérence forme naturellement une identité<br />
de marque, elle est parvenue à créer une communauté<br />
sur Instagram durant le premier confinement, période<br />
où elle s’est lancée.<br />
Coupés du monde dans leur résidence, les consommateurs<br />
aisés ne se sont pas privés des produits et services<br />
auxquels ils aspiraient. Les conciergeries privées ont pris<br />
le relais pour apporter une distanciation sociale de luxe<br />
la moins contraignante possible : courses, livraisons,<br />
cours de cuisine en visio par des chefs, assistance scolaire…<br />
Le secteur en ressort transformé. Chez Quatreepingles.fr,<br />
l’agilité s’est traduite dans l’adaptation de<br />
services traditionnels de conciergerie d’entreprise en<br />
services à domicile auprès des salariés afin de favoriser<br />
leur bien-être au (télé)travail : la garde d’enfant et l’assistance<br />
pédagogique IRL font désormais partie de l’offre<br />
tandis que le coaching sportif s’est imposé via Zoom.<br />
Une reconfiguration de l’activité de confinement qui<br />
s’est traduite en octobre par la signature d’un accord de<br />
partenariat entre le service de conciergerie de luxe John<br />
Paul et le Groupe City One, afin de former les collaborateurs<br />
de ce dernier aux exigences d’un secteur<br />
de la conciergerie post-confinement plus haut<br />
de gamme.<br />
La capacité de quelques entreprises<br />
exemplaires à délivrer des services<br />
de haute qualité dans les<br />
premières semaines du confinement<br />
leur aura permis, non seulement<br />
de maintenir leur activité sur certains segments,<br />
voire de les développer, mais également<br />
de préparer un redoutable business<br />
model de sortie de crise.<br />
EMMANUELLE GROSSIR<br />
PHOTOS : © iSTOCKPHOTO.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 74 . Spécial LUXE 2020
Défilés #Collecti<br />
ium #Live #Mann<br />
HauteCouture #S<br />
Tendances #PFW<br />
tars #Makeup #P<br />
tomneHiver #Sa<br />
ntRow #PretàPo<br />
eauté #Str eetSt<br />
Toutes les discussions #<strong>Luxe</strong>,<br />
DigitalFashoWee<br />
#Beauté et #Fashion sont sur Twitter.<br />
Rejoignez la conversation.<br />
ries #Makeup #P<br />
Twitter pour les marques<br />
@TwitterMktgFR<br />
*
Enquête<br />
PLATEFORMES<br />
AMAZON<br />
LE LUXE NE FAIT PAS<br />
(encore) MASSE<br />
LE GÉANT DU E-COMMERCE DE MASSE VEUT SÉDUIRE LES<br />
MARQUES DE LUXE DEPUIS LONGTEMPS. CELLES-CI NE SEMBLENT<br />
PAS ENCORE PRÊTES MALGRÉ LES EFFORTS DE JEFF BEZOS POUR<br />
QUI CETTE OPÉRATION TOURNE À L’OBSESSION.<br />
Dossier réalisé par<br />
PATRICK CAPPELLI<br />
GUILLAUME<br />
POMMIER<br />
est directeur délégué de<br />
Social & Stories : “ Le rôle<br />
des marques de luxe est<br />
d’être des leaders d’opinion.<br />
C’est plus difficile en<br />
devenant grand public et<br />
trop accessibles ”.<br />
Pourra-t-on bientôt trouver des<br />
sacs Chanel à côté d’un aspirateur<br />
chinois sur le site d’Amazon ? Jeff<br />
Bezos lorgne sur le marché du luxe<br />
depuis plusieurs années. En 2015,<br />
il a essayé sans succès de ravir au<br />
groupe Richemont le vestiaire haut<br />
de gamme Net-a-Porter.com. Depuis,<br />
le groupe suisse a continué de développer ce site<br />
qui vise les millennials avec Net Sustain, qui propose<br />
des marques ayant des engagements durables et écologiques.<br />
Et sur ce site, des EIP (Extremely Important<br />
People) peuvent désormais s’offrir des pièces de joaillerie<br />
inédites voire uniques. Mais l’homme le plus riche<br />
du monde n’en démord pas : « ça fait dix ans qu’il essaie<br />
de conquérir ce marché. Il a sponsorisé des Fashion<br />
eeks et le Met Gala (collecte de fonds au profit du nna<br />
Wintour Costume Center du Metropolitan Museum<br />
of Art de New York), essayé de racheter Net-a-Porter. Il<br />
a envie de prouver que c’est un entrepreneur universel<br />
qui réussit même dans ce secteur à l’opposé de son modèle<br />
de e-commerce de masse », explique Pascal Malotti,<br />
directeur stratégique et développement business de<br />
Valtech. Cette obsession du luxe a peut-être à voir avec<br />
l’évolution personnelle du multimilliardaire. Après son<br />
divorce, le patron d’Amazon a changé de style de vie<br />
et d’apparence physique avec musculation et costumes<br />
de prix. Le Jeff Bezos nouveau n’a plus grand-chose à<br />
voir avec le geek ingrat et mal fagoté de ses débuts. Sa<br />
nouvelle tentative de séduction du luxe s’appelle Luxury<br />
Stores, un magasin ouvert sur l’application mobile,<br />
disponible uniquement aux États-Unis et réservé aux<br />
membres du programme Prime, recrutés sur invitation<br />
(un des codes du luxe). « Le rôle des marques de luxes<br />
est d’être des leaders d’opinion. Elles doivent rester<br />
influentes. Or, c’est plus difficile en devenant grand<br />
public et trop accessibles », estime Guillaume Pommier,<br />
directeur délégué de Social & Stories<br />
Un outil interactif de<br />
visualisation<br />
Luxury Stores n’a pas encore séduit beaucoup de maisons<br />
si ce n’est Oscar de la Renta, les marques de prêtà-porter<br />
haut de gamme Altuzarra et Roland Mouret,<br />
La Perla (lingerie) et Clé de Peau (cosmétiques, groupe<br />
Sisheido). « Impossible aujourd’hui de prédire un succès<br />
ou un échec de cette conquête du marché du luxe.<br />
Les trois grands groupes – LVMH, Kering et Richemont<br />
n’ont jamais accepté de vendre sur cette plateforme<br />
généraliste qu’est Amazon. D’abord à cause du<br />
marché gris de la contrefaçon. Ensuite, parce que l’ex-<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 76 . Spécial LUXE 2020
Enquête : plateformes<br />
“ JEFF BEZOS VEUT<br />
PROUVER QUE C’EST<br />
UN ENTREPRENEUR<br />
UNIVERSEL QUI<br />
RÉUSSIT DANS CE<br />
SECTEUR À L’OPPOSÉ<br />
DE SON MODÈLE DE<br />
E-COMMERCE DE<br />
MASSE ”.<br />
PASCAL MALOTTI, VALTECH.<br />
PHOTOS : DR.<br />
Luxury Stores, un<br />
magasin Amazon<br />
ouvert sur l’application<br />
mobile, est disponible<br />
uniquement aux<br />
États-Unis et réservé<br />
aux membres du<br />
programme Prime,<br />
recrutés sur invitation.<br />
périence d’achat est beaucoup moins exclusive qu’en<br />
boutique ou en grand magasin », décrypte Pascal Malotti.<br />
Pour rassurer ces grandes marques et leur fournir<br />
un environnement plus exclusif, Luxury Stores propose<br />
un template (site prt à l’emploi) spécifique sur lequel<br />
les annonceurs peuvent gérer eux-mêmes leurs prix,<br />
leur assortiment, leur stock et leur communication.<br />
L’outil interactif View in 360 permet de visualiser le<br />
vêtement sur des mannequins sous toutes les coutures.<br />
On est loin du site de e-commerce classique fourre-tout<br />
dont l’esthétique n’est pas la première préoccupation.<br />
Une initiative d’Amazon qui résonne avec la crise sanitaire<br />
et les confinements à répétition, synonymes de<br />
fermeture des points de vente en propre comme dans<br />
les corners des grands magasins. Aux États-Unis, ceuxci<br />
souffrent énormément. Barney’s New York et l’enseigne<br />
emblématique Neiman Marcus ont fait faillite<br />
et Macy’s et Nordstrom sont en grand danger. Pour le<br />
spécialiste luxe de Valtech, le patron d’Amazon est « devant<br />
un sacré défi. Les grands groupes n’ont pas envie<br />
d’y aller et ne sont pas en situation de faiblesse vu leur<br />
capitalisation record, et les médias sociaux ont tissé un<br />
univers d’inuence autour de la mode qui fonctionne<br />
bien. C’est un environnement complexe». Gageons<br />
néanmoins qu’avec ses moyens financiers illimités, eff<br />
Bezos finira bien par se payer le luxe. P.C.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 77 . Spécial LUXE 2020
Enquête<br />
PLATEFORMES<br />
ALIBABA<br />
ELDORADO DU LUXE,<br />
OUVRE-TOI !<br />
EN ASIE, ACHETER DU LUXE EN LIGNE EST ENTRÉ DANS LES MŒURS.<br />
UNE CLIENTÈLE JEUNE ET AISÉE SE PAYE DES OBJETS DE MARQUE<br />
DEPUIS SON PORTABLE, CE QUI A FAIT LE SUCCÈS DU SITE TMALL<br />
D’ALIBABA QUI A OUVERT IL Y A TROIS ANS UNE DIVISION LUXE.<br />
NICOLAS CANO<br />
de Tmall Luxury Division<br />
en France, Benelux et<br />
EMEA : “ En Chine,<br />
le consommateur<br />
possède une identité<br />
numérique unique, ce qui<br />
permet de comprendre<br />
leurs habitudes de<br />
consommation pour leur<br />
pousser des services qui<br />
correspondent. ”<br />
Dès qu’on parle du marché chinois,<br />
les chiffres donnent le tournis.<br />
Une classe moyenne estimée<br />
à 400 millions de personnes,<br />
soit quasiment la population de<br />
l’Union européenne ; 530 millions<br />
d’internautes ; des sites web<br />
parmi les plus visités du monde,<br />
à l’image de Tmall du groupe Alibaba qui se classe troisième<br />
après google.com et youtube.com d’après le classement<br />
Alexa. L’Empire du Milieu représente un eldorado<br />
unique pour les marques de luxe en cette période de<br />
pandémie et de confinement. Les experts de ce marché<br />
sont unanimes : c’est la Chine qui tire les ventes et permet<br />
à des groupes comme LM ou ermès d’afficher<br />
des résultats positifs malgré la fermeture des boutiques<br />
et des corners des grands magasins dans les pays qui<br />
ont décidé de confiner leur population. Selon le Boston<br />
Consulting Group, le marché du luxe pourrait croître de<br />
près de 30 % en Chine en 2020 grâce au « revenge shopping<br />
» de consommateurs frustrés par les confinements.<br />
Hermès a par exemple réalisé 2,46 millions d’euros de<br />
chiffre d’affaires le 11 avril dernier après la réouverture<br />
de son magasin de Guangzhou (Canton en français) !<br />
Une tendance sur laquelle surfe le groupe Alibaba avec<br />
son site Tmall qui a ouvert il y a trois ans une division<br />
luxe, le Luxury Pavilion. « J’accompagne les marques de<br />
luxe des plus grands groupes et des marques indépendantes<br />
d’“ affordable luxury ” comme Isabelle Marant<br />
ou le groupe SMCP (Sandro, Maje, Claudie Pierlot) sur<br />
notre Luxury Pavilion. Il y a trois ans, aucune de ces<br />
marques n’était présente sur nos plateformes de e-commerce,<br />
Tmall pour les marques implantées en Chine<br />
(environ 70 000) et Tmall Global pour celles qui n’ont<br />
aucune présence physique. Notre objectif sur les douze<br />
prochains mois est d’intégrer mille nouvelles marques<br />
sur Tmall Global », explique Nicolas Cano, International<br />
senior Business Development Manager de Tmall Luxury<br />
Division en France, Benelux et EMEA.<br />
Des influenceuses en live<br />
streaming<br />
Passé par L’Oréal, LVMH et Christian Lacroix, ce spécialiste<br />
du développement international a pour tâche<br />
de présenter aux maisons de luxe l’immense potentiel<br />
d’une classe moyenne jeune et très demandeuse de ces<br />
produits. Une étude de McKinsey & Company montre<br />
que les Gen Z chinois dépensent en moyenne 3 600 $<br />
( ) par an pour des produits de luxe, soit pratiquement<br />
autant que leurs parents nés dans les seventies.<br />
L’acheteur de luxe chinois, plus jeune que son équivalent<br />
européen – des clients de Tmall Luxury Pavilion<br />
ont moins de ans – est parfaitement à l’aise pour se<br />
PHOTOS : © JOACHIM FRYDMAN. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 78 . Spécial LUXE 2020
Enquête : plateformes<br />
Un livestreamer sur<br />
le site Tmall,<br />
d’Alibaba entre Viya et<br />
Kim Kardashian.<br />
80 % DES CLIENTS DE TMALL<br />
LUXURY PAVILION ONT<br />
MOINS DE 35 ANS ET 90 %<br />
DES TRANSACTIONS SONT<br />
RÉALISÉES SUR MOBILE.<br />
payer un sac Vuitton ou un parfum Dior en pianotant sur<br />
son portable, 90 % des transactions étant réalisées sur<br />
mobile. Comme le Luxury Stores d’Amazon (voir page<br />
précédente), le Luxury Pavilion de Tmall permet aux<br />
marques de contrôler entièrement leur environnement :<br />
apparence du flagship, prix, merchandising, supply<br />
chain, etc. La marque peut par exemple choisir d’adopter<br />
l’apparence de son site corporate ou une présentation<br />
customisée. Le paiement se fait via la plateforme Alipay<br />
qui appartient également à Alibaba Group. « Nous leur<br />
proposons une connaissance approfondie des consommateurs<br />
dans l’écosystème Alibaba grâce à la data et<br />
l’intelligence artificielle. En Chine, le consommateur<br />
possède une identité numérique unique, ce qui permet<br />
de comprendre leurs habitudes de consommation pour<br />
leur pousser des services qui correspondent », détaille<br />
Nicolas Cano. Tmall collecte à la fois les données structurées<br />
(état civil, âge, sexe, historique d’achat) mais également<br />
les données non structurées : commentaires sur<br />
les médias sociaux, informations sur les inuenceurs,<br />
parcours multicanal, vidéos. L’inuence marketing est<br />
prépondérante en Chine, c’est pourquoi Tmall multiplie<br />
les « live streaming » avec des inuenceuses. Lancme a<br />
ainsi invité quatorze « live streameuses » dont deux KOL<br />
(Key Opinion Leaders) très connues, Viya et Huang,<br />
dans une de ses boutiques. Huang a vendu 4700 sérums<br />
dvanced Génifique ( à ) en une heure et ce live<br />
a engendré 10 millions d’interactions. En Chine, il n’y a<br />
plus de distinction entre on et off line, ce que le groupe<br />
Alibaba appelle le « New Retail ». En 2019, le marché<br />
chinois a contribué à 90 % de la croissance du secteur<br />
du luxe et en 2025, les Chinois représenteront 45 % des<br />
consommateurs mondiaux. Autant dire que dans un<br />
monde où le Covid serait toujours présent, l’Empire du<br />
Milieu est et sera plus que jamais primordial pour le marché<br />
du luxe. P.C.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 79 . Spécial LUXE 2020
Enquête<br />
MEDIAS<br />
TikTok, Instagram, Twitter, Snapchat...<br />
LES MARQUES<br />
CHERCHENT<br />
DU RÉSEAU<br />
LES MÉDIAS SOCIAUX SONT DEVENUS LE CANAL DE COMMUNI-<br />
CATION PRINCIPAL DES MARQUES DE LUXE, AVEC INSTAGRAM EN<br />
TÊTE. TOUTES LES PLATEFORMES RIVALISENT DE NOUVEAUX<br />
FORMATS POUR LES ATTIRER.<br />
Toc Toc, je voudrais entrer chez<br />
TikTok. Les marques de luxe, toujours<br />
à l’affût de la dernière hype,<br />
s’intéressent à ce réseau adopté<br />
par les jeunes générations. TikTok<br />
est la version « reste du monde »<br />
de l’appli chinoise Douyin lancée<br />
en 2016 par ByteDance. Utilisée<br />
en majorité par les 13 - 24 ans, cette plateforme conçue<br />
pour lancer des challenges musicaux et dansants est le<br />
dernier endroit virtuel à la mode. En l’investissant, le<br />
luxe veut toucher la Gen Z qui représentera quasiment<br />
la moitié de ses acheteurs d’ici à cinq ans. Burberry a été<br />
pionnier, suivi par Gucci, Balenciaga, Givenchy, Kenzo,<br />
Dior, Saint Laurent, Fendi et bien sûr Balmain, dont le directeur<br />
de création Olivier Rousteing est lui-mme un in-<br />
uenceur de poids avec , millions de followers sur Instagram<br />
(en plus des 10,7 millions du compte Balmain).<br />
On peut légitimement s’interroger sur l’intért des<br />
marques à être présentes sur ce nouveau média dont<br />
l’aspect frénétique, vidéos très courtes de 15 secondes<br />
et scrolling permanent, semble bien loin de l’écrin et<br />
de l’esthétisme que cherche habituellement le monde<br />
du luxe. L’arrivée de TikTok ressemble furieusement<br />
à celle d’Instagram à ses débuts, quand les marques se<br />
demandaient s’il était bien raisonnable de figurer entre<br />
photos de plats prises au restaurant et selfies de proto<br />
influenceuses court vtues devant le Taj Mahal. On a<br />
aujourd’hui la réponse: le média social de Facebook est<br />
devenu un espace incontournable pour le luxe, et depuis<br />
deux ans un canal de vente grâce à la fonction Shopping.<br />
« TikTok reste la plateforme la plus innovante et créative<br />
du marché. Et toutes les marques ont envie d’être vues<br />
sous ce prisme », explique Guillaume Pommier, directeur<br />
délégué de Social & Stories, l’agence social médias<br />
du groupe Figaro. « TikTok a évolué. On voit de plus en<br />
plus de contenus qualitatifs, l’algorithme de sélection<br />
de contenus est redoutable. Vous y allez trois fois pour<br />
regarder une vidéo de sport, et dès que vous revenez, on<br />
vous propose ce type de contenus. Le format full vidéo<br />
de 15 secondes associé à un défilement incessant est<br />
puissant si les marques savent comment s’y insérer »,<br />
ajoute Christophe Huck, fondateur et directeur de création<br />
de l’agence Helmut.<br />
La guerre des réseaux<br />
Pour Jean-Baptiste Bourgeois, planneur stratégique<br />
chez WeAreSocial, le social média est devenu essentiel<br />
pour les marques de luxe : « avant, elles l’envisageaient<br />
comme un relais pour leur communication sur les médias<br />
classiques. Dorénavant, il y a des campagnes qui<br />
se créent pour des plateformes en particulier ». Et selon<br />
son collègue Jean-François Ballé, directeur artistique<br />
de l’agence, « les campagnes de Dior, Gucci, Balenciaga<br />
et Givenchy sur TikTok ont bien marché car elles ont<br />
adopté les codes de la plateforme et de ses communautés<br />
». Des tiktokeurs ont par exemple lancé le Gucci Model<br />
Challenge dans lequel ils s’habillent à la façon des mannequins<br />
de la marque avec leurs propres vêtements. Ce<br />
POTOS : R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 80 . Spécial LUXE 2020
Enquête : médias<br />
Les réseaux se piquent<br />
les formats. Instagram<br />
a repris les stories de<br />
Snapchat et les courtes<br />
vidéos de TikTok<br />
appelées Reels. Et<br />
Snapchat s'est s'inspiré<br />
du concept de TikTok<br />
en lançant Sounds, etc.<br />
Chacune des plateformes<br />
a un rôle : engagement<br />
sur Instagram,<br />
animation sur TikTok,<br />
préférence de marque<br />
sur Pinterest, messagerie<br />
interactive pour<br />
Snapchat, information<br />
corporate et RSE sur<br />
Twitter, drive to store<br />
local sur Facebook...<br />
qui a débuté comme une parodie a été<br />
habilement exploité par la marque qui a<br />
posté certaines vidéos sur son compte et<br />
pourrait collaborer avec les fans les plus<br />
créatifs. « Avant même de penser business, les marques<br />
doivent s’approprier les formats des utilisateurs », estime<br />
Jean-Baptiste Bourgeois. L’aspect participatif des médias<br />
sociaux est de plus en plus apprécié par les maisons de<br />
luxe, qui ont compris que ce besoin d’tre acteur plutt<br />
que spectateur permet d’attirer cette population jeune.<br />
« Il faut le faire intelligemment. Et demain, je pense qu’on<br />
pourra aussi acheter sur TikTok comme sur Instagram<br />
Shopping », prédit Cyril Marin Le Quellec, vice-président<br />
exécutif de Mazarine. Pour lui, chacune des plateformes<br />
sociales a un rle : engagement sur Instagram (à condition<br />
de produire plusieurs contenus par semaine), animation<br />
et participation sur TikTok, préférence de marque<br />
sur Pinterest, messagerie interactive pour Snapchat,<br />
information corporate et RSE sur Twitter, drive to store<br />
local sur Facebook. Pour attirer et retenir cette audience<br />
jeune, les réseaux n’hésitent pas à se vampiriser en adoptant<br />
le format d’un concurrent puis en le rebaptisant. Instagram<br />
a repris le format des stories de Snapchat et les<br />
“ LES CAMPAGNES DE DIOR,<br />
GUCCI, BALENCIAGA ET<br />
GIVENCHY SUR TIKTOK ONT<br />
BIEN MARCHÉ CAR ELLES<br />
ONT ADOPTÉ LES CODES DE<br />
LA PLATEFORME ET DE SES<br />
COMMUNAUTÉS. ”<br />
JEAN-FRANÇOIS BALLÉ,<br />
WEARESOCIAL.<br />
courtes vidéos de TikTok qu’il a appelé Reels. e son cté,<br />
Snapchat s’est fortement inspiré du concept de TikTok en<br />
lançant Sounds, une fonctionnalité qui permet d’ajouter<br />
de la musique aux snaps. Quant à YouTube, il a mis en<br />
place Shorts, un nouveau service de partage vidéo de<br />
très courte durée pour concurrencer TikTok. Twitter teste<br />
Fleets, un format de stories.<br />
Alimenter la machine sociale<br />
« Pour que le contenu devienne vraiment conversationnel,<br />
il faut travailler trois axes. D’abord, le contexte (que<br />
consomment les gens ?), ensuite la culture (quels formats<br />
) et enfin le message (que veut dire la marque ).<br />
L’exemple de Givenchy sur Animal Crossing (la marque<br />
propose de personnaliser le look des personnages du jeu<br />
avec ses produits cosmétiques et ses vtements LR) est<br />
un bon exemple d’un usage cool pour un investissement<br />
raisonné », décrit Guillaume Pommier. On peut aussi<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 81 . Spécial LUXE 2020
Enquête : médias<br />
PATRICK<br />
CALMELS<br />
Client Partner <strong>Luxe</strong><br />
Twitter France : Le<br />
luxe est générateur de<br />
conversations sur Twitter.<br />
« Les maisons veulent avoir<br />
accès à ces échanges, les<br />
analyser, les structurer<br />
et éventuellement y<br />
participer. »<br />
GEOFFREY PEREZ,<br />
Global Head of Luxury<br />
chez Snap Inc. : “ Gucci<br />
est venu sur Snap pour<br />
faire quelque chose<br />
d’innovant, une première à<br />
une échelle mondiale. Les<br />
utilisateurs ont joué entre<br />
20 et 40 secondes avec les<br />
baskets virtuelles (via des<br />
lens). Et le montant des<br />
ventes a dépassé celui de<br />
l’investissement média. ”<br />
citer Burberry’s, marque patrimoniale qui a diffusé<br />
le défilé de sa collection printemps-été <br />
sur Twitch, le réseau des gamers. éanmoins,<br />
les vieilles habitudes meurent difficilement, et<br />
dans les maisons de haute couture, l’opposition<br />
entre direction artistique et marketing existe toujours.<br />
Mais pas chez les jeunes créateurs, comme<br />
acquemus ou Rousteing, qui ne se posent plus<br />
la question. Le premier a été précurseur sur Instagram<br />
en supprimant les filtres entre lui et sa<br />
communauté. Un lien direct qui est une attente<br />
forte des jeunes générations. Parmi les maisons<br />
de haute couture, Balmain est devenue une griffe<br />
« digital oriented » grce en grande partie à son<br />
directeur artistique Olivier Rousteing. vec des résultats<br />
tangibles puisque Balmain a quadruplé son<br />
chiffre d’affaires depuis son arrivée. Participation<br />
mais aussi authenticité sont des valeurs appréciées<br />
des Gen . L’égérie L’Oréal Eva Longoria s’est par<br />
exemple filmée chez elle sans maquillage et avec<br />
des cheveux blancs en accord avec la marque de<br />
cosmétiques. « L’authenticité, c’est ce que les gens<br />
réclament. Ils veulent regarder un défilé en live<br />
diffusé sans trucages vidéo et pouvoir le commenter<br />
comme s’ils faisaient partie des IP invités.<br />
Cette population ne veut plus rester passive mais<br />
agir, par exemple en participant à un challenge<br />
sur TikTok », analyse Cyril Marin Le Quellec. Sur<br />
ces plateformes sociales, le modèle publicitaire<br />
traditionnel du film très léché diffusé ensuite sur<br />
les écrans télé du monde entier n’a plus lieu d’être.<br />
L’agence Helmut a collaboré avec Yves Saint Laurent<br />
Beauté (L’Oréal) pour le lancement du rouge<br />
à lèvres The Slim. « Nous les avons accompagnés<br />
sur le lancement avec un code graphique fort, un<br />
trait de lipstick rouge comme un signe de ralliement<br />
d’une génération. Le social était inclus dès la<br />
conception de la campagne. u lieu de penser film<br />
télé de 30 secondes, on s’est demandé quel visuel<br />
on pouvait décliner sur Instagram et les autres<br />
réseaux. Depuis deux ans, nous alimentons la machine<br />
sociale avec de nouveaux contenus pour que le moteur<br />
continue de tourner », détaille Christophe Huck, le fondateur<br />
de Helmut.<br />
Baskets virtuelles et émojis<br />
personnalisés<br />
Le social est un mélange de fond (des messages efficaces<br />
et performants) et de forme (comment trouver les bons<br />
formats), les temps d’attention étant réduits à leur plus<br />
simple expression. Une alchimie pas évidente à réussir.<br />
D’autant que la Covid et le confinement ont forcé<br />
les marques à réduire leur niveau d’exigence. Du jour<br />
au lendemain, elles ont dû se mettre à shooter avec les<br />
moyens du bord leurs nouvelles campagnes. « Celles qui<br />
ont adopté les codes du social media sont les plus pertinentes.<br />
Comme Jacquemus qui a envoyé des vêtements<br />
à Bella Hadid et a réalisé le premier shoot Facetime »,<br />
décrit Jean-Baptiste Bourgeois. Cette prépondérance<br />
des médias sociaux en période de confinement conduit<br />
les marques à transférer une partie de leurs budgets des<br />
médias classiques aux réseaux. Snapchat, réseau apprécié<br />
des Gen Z, multiplie ainsi les collaborations avec les<br />
marques de luxe. « Cette année a été une année charnière<br />
Balmain est devenue<br />
une griffe “ digital<br />
oriented ” grâce en<br />
grande partie à son<br />
directeur artistique<br />
Olivier Rousteing.<br />
Avec des résultats<br />
tangibles, puisque<br />
Balmain a quadruplé<br />
son chiffre d’affaires<br />
depuis son arrivée.<br />
avec une forte accélération vers le on line puisqu’on ne<br />
pouvait plus sortir de chez soi. Les marques ont utilisé<br />
notre plateforme pour retransmettre leur expérience<br />
grâce à nos technologies comme la réalité augmentée »,<br />
explique Geoffrey Perez, Global Head of Luxury chez<br />
Snap Inc. Exemple avec les amateurs de sneakers Gucci<br />
qui ont pu essayer quatre modèles via des lens (filtres) en<br />
3D. « Gucci est venu sur Snap pour faire quelque chose<br />
d’innovant, une première à une échelle mondiale. Au<br />
niveau engagement, les utilisateurs ont joué entre 20 et<br />
40 secondes avec les baskets virtuelles. Et le montant des<br />
ventes a dépassé celui de l’investissement média », précise<br />
Geoffrey Perez. Toujours dans ce domaine, les snapchateurs<br />
peuvent essayer six modèles de la B27 de Dior<br />
pour voir à quoi ils ressemblent, puis acheter via Snapchat<br />
grce au « Brand Profil » ior et sur le site ior.com.<br />
Ralph Lauren a préféré se servir de Bitmoji, une société<br />
rachetée par Snapchat il y a quatre ans qui propose des<br />
avatars virtuels personnalisés. Les utilisateurs de Snapchat<br />
ont pu habiller leur Bitmoji avec les vtements Ralph<br />
Lauren. Une opération mise en avant par la marque américaine<br />
sur son site. « Aujourd’hui, les marques de luxe se<br />
sont rendu compte qu’elles doivent posséder leur propre<br />
espace virtuel. Nous leur permettons de le faire via la réalité<br />
augmentée », analyse le responsable luxe.<br />
POTOS : R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 82 . Spécial LUXE 2020
Enquête : médias<br />
“ AU LIEU DE PENSER<br />
FILM TÉLÉ DE 30<br />
SECONDES POUR UN<br />
ROUGE LÈVRES D'YSL,<br />
ON S’EST DEMANDÉ<br />
QUEL VISUEL ON<br />
POUVAIT DÉCLINER<br />
SUR INSTAGRAM ET LES<br />
AUTRES RÉSEAUX. ”<br />
CHRISTOPHE HUCK,<br />
DE L'AGENCE HELMUT.<br />
Ralph Lauren se sert de<br />
de Bitmoji (Snapchat).<br />
Des avatars virtuels<br />
personnalisés peuvent<br />
être habillés avec<br />
les vêtements de<br />
la marque.<br />
Des formats sur mesure<br />
La concurrence de TikTok inquiète-t-elle le réseau des<br />
jeunes ? « Nous restons la première application mobile<br />
pour les 11 - 24 ans d’un point de vue audience quotidienne<br />
selon Médiamétrie », répond Geoffrey Perez de<br />
Snap. Le luxe est un domaine très générateur de conversations<br />
que Twitter cherche à mettre en avant. « Les maisons<br />
veulent avoir accès à ces échanges, les analyser, les<br />
structurer et éventuellement y participer », explique Patrick<br />
Calmels, Client Partner <strong>Luxe</strong> chez Twitter France,<br />
qui a travaillé douze ans chez L’Oréal avant de rejoindre<br />
le réseau à l’oiseau bleu. Les marques utilisent aussi Twitter<br />
pour diffuser leurs shows en live. Le dernier défilé<br />
Hermès qui présentait la collection Women’s Fall-Winter<br />
a généré millions de vues. Les tweets sponsorisés<br />
sont un autre moyen de se faire voir sur le réseau.<br />
« Ce format sert à lancer une nouveauté, se connecter<br />
aux conversations autour des grands événements mondiaux<br />
(Festival de Cannes, cérémonie des Oscars) et à<br />
diffuser des live de défilés mais aussi des manifestations<br />
culturelles comme l’a fait récemment la Fondation Louis<br />
uitton pendant les vingt semaines de confinement avec<br />
des rétrospectives d’expositions ou un concert hebdomadaire<br />
de Gautier Capuçon », détaille Patrick Calmels.<br />
Pour attirer ces annonceurs prestigieux, Twitter multiplie<br />
les efforts de créativité. Par exemple, des captures<br />
vidéo avec des angles multiples pour les live ou le format<br />
de stories nommé Fleets (un message éphémère<br />
de 24 heures avec une interface dédiée) actuellement<br />
testé en Italie avec Gucci. Le carrousel de tweets, sur<br />
lequel la marque peut mettre en avant plusieurs images<br />
ou vidéos dans le même message, est un autre procédé<br />
innovant. « Par ailleurs, nous réalisons beaucoup de stratégies<br />
d’activation sur mesure pour le luxe. Par exemple,<br />
Balenciaga a fait un film pour sa campagne Summer <br />
qui reprenait les codes des chaînes d’info en continu.<br />
Nous leur avons proposé d’être en live 24 heures durant<br />
sur notre plateforme avec ce dispositif. Bulgari nous a<br />
demandé un moyen original de célébrer leur partenariat<br />
avec l’actrice Zendaya. Toutes les personnes qui avaient<br />
liké un tweet promettant une annonce événementielle<br />
de la marque recevaient une notification en avant-première<br />
avec une vidéo. C’est notre équipe Twitter ext<br />
qui met au point ce type de collaborations personnalisées<br />
», décrit Patrick Calmels. Les maisons doivent elles<br />
aussi faire preuve de créativité en cette période difficile.<br />
Pour conserver le cté exclusif des défilés en live, des<br />
marques ont mis en ligne des vidéos pré-enregistrées à<br />
l’heure exacte où le défilé devait avoir lieu. Certaines<br />
ont diffusé d’anciens défilés pour compenser le manque<br />
des aficionados de la mode. Pour entretenir le lien avec<br />
leur audience dans un monde confiné, les marques de<br />
luxe vont sans doute utiliser encore plus cet univers des<br />
médias sociaux en perpétuelle expansion.<br />
PATRICK CAPPELLI<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 83 . Spécial LUXE 2020
Enquête<br />
DIGITAL<br />
L'horlogerie<br />
À L'HEURE<br />
DU E-C MMERCE<br />
LE CONFINEMENT PRIVE<br />
LES MAISONS DE LUXE DE<br />
LEURS RÉSEAUX DE VENTE<br />
PHYSIQUE. RÉTICENTES À<br />
L'ÉGARD DU E-COMMERCE,<br />
ELLES ACCÉLÉRENT<br />
LEUR TRANSFORMATION<br />
NUMÉRIQUE.<br />
ILLUSTRATION AVEC<br />
BREITLING ET TAG HEUER.<br />
Àla recherche du client confiné.<br />
a pourrait tre le titre d’un film<br />
sur l’industrie du luxe en ces<br />
temps de pandémie. près un<br />
premier puis un second confinement<br />
qui a obligé les boutiques<br />
de marques et la distribution sélective<br />
à fermer leurs portes, les<br />
maisons de luxe doivent miser sur un nouveau canal de<br />
distribution. Le e-commerce devient la planche de salut<br />
des marques, longtemps réticentes à sacrifier leur image<br />
glamour et leur expérience exclusive, faite de agships<br />
luxueux et de ventes ultra-privées, pour un genre de commerce<br />
considéré comme peu valorisant et trop connoté<br />
mass market. Sans oublier le éau de la contrefaon qui<br />
reste un problème non résolu.<br />
En matière de e-commerce, les groupes de luxe se sont<br />
réveillés assez récemment. LM a lancé son site de<br />
ventes multimarques Sèvres en , rebaptisé S<br />
deux ans plus tard pour accompagner un déploiement<br />
international dans pays. Son concurrent Kering a<br />
repris en main son commerce on line l’année dernière<br />
après l’avoir confié depuis à oox et-a-Porter, un<br />
site propriété du groupe Richemont qui, de son cté, a<br />
noué un partenariat avec la plateforme Tmall Luxury<br />
Pavilion du chinois libaba (voir article, p. ). ermès<br />
a rénové son agship digital en qui est devenu le<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 84 . Spécial LUXE 2020
Enquête : e-commerce<br />
Breitling a revu sa<br />
stratégie e-commerce.<br />
“ On ne fait pas du<br />
e-commerce pour<br />
des produits de luxe<br />
comme on le fait sur<br />
Amazon ”, affirme<br />
Pierre Harand partner<br />
chez Fifty-five.<br />
quatrième magasin dans le monde en termes de ventes<br />
selon xel umas, gérant du groupe. Seul Chanel continue<br />
de résister aux sirènes de la vente en ligne. Mais la<br />
Covid et son cortège de confinements vont peut-tre<br />
infléchir la stratégie de la marque de la rue Cambon.<br />
Les maisons ne communiquent pas sur le poids du canal<br />
on line, mais spécialistes et cabinets conseil l’évaluent à<br />
environ du chiffre d’affaires, un chiffre qui devrait<br />
doubler en . « Les marques ont une double problématique<br />
: un souci de retail avec la fermeture des boutiques,<br />
et le e-commerce. Pourquoi acheter en ligne sur<br />
le site de marque plutt que sur Sephora.com qui vous<br />
propose des points de fidélité et des réductions », s’interroge<br />
Cyril Marin Le Quellec, Executive ice President de<br />
l’agence Mazarine. Sa réponse : privilégier l’expérience<br />
de marque et personnaliser le produit. Par exemple, la<br />
possibilité de graver son nom sur l’étui du parfum des<br />
teliers Cologne (L’Oréal <strong>Luxe</strong>), une des marques pour<br />
qui travaille l’agence.<br />
Breitling active le<br />
e-commerce dans 50 pays<br />
De plus, la vente directe permet de réaliser une meilleure<br />
marge en se passant d’intermédiaire et de capter<br />
de la data pour pousser des offres au consommateur<br />
“ POURQUOI<br />
ACHETER EN LIGNE<br />
SUR LE SITE DE<br />
MARQUE PLUTÔT<br />
QUE SUR SEPHORA.<br />
COM QUI VOUS<br />
PROPOSE DES POINTS<br />
DE FIDÉLITÉ ET DES<br />
RÉDUCTIONS ? ”<br />
CYRIL MARIN LE QUELLEC,<br />
MAZARINE.<br />
et faire du cross selling. « Il est beaucoup moins surprenant<br />
aujourd’hui d’entendre quelqu’un dire qu’il a<br />
acheté une montre très chère ou un autre produit de<br />
luxe sur internet. Mme si en France, la réticence existe<br />
encore », pense Guillaume Pommier, directeur délégué<br />
de Social Stories. L’industrie horlogère reste assez<br />
traditionnelle mais le confinement la pousse à accélérer<br />
sa transformation numérique.<br />
Pour compenser la fermeture des points de vente, Breitling,<br />
propriété du fonds dinvestissement CC Capital<br />
Partners depuis , et TG euer, racheté en par<br />
LM, deux marques d’horlogerie nées au e siècle,<br />
ont revu leur stratégie e-commerce. « On ne fait pas du<br />
e-commerce pour des produits de luxe comme on le fait<br />
sur mazon. Toutes les marques ne s’y sont pas mises car<br />
le digital et la data ne sont pas dans l’ de ces groupes<br />
qui s’occupent d’abord de la qualité de leur image. La<br />
technologie n’est pas forcément naturelle chez elles »,<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 85 . Spécial LUXE 2020
Enquête : e-commerce<br />
POUR HUMANISER<br />
L’EXPÉRIENCE CLIENT<br />
DIGITALE, TAG HEUER<br />
OFFRE LA POSSIBILITÉ<br />
DE JOINDRE UN<br />
AGENT « CARE »<br />
AU TÉLÉPHONE,<br />
ET BIENTÔT EN<br />
CO BROWSING.<br />
BÉATRICE GOASGLAS,<br />
TAG HEUER.<br />
ANTONIO CARRIERO<br />
Brietling : “ Le client<br />
consulte des plateformes,<br />
que la marque contrôle ou<br />
pas, très en amont, parfois<br />
jusqu’à trois mois avant de<br />
prendre sa décision ”<br />
analyse Pierre arand, partner chez Fifty-five, qui a travaillé<br />
avec Breitling sur la data. Le fabricant suisse veut<br />
rendre possible l’acte d’achat et l’engagement avec la<br />
marque à travers tous les points de contact. « Il y a vingt<br />
ans, il fallait rentrer dans une boutique pour avoir des<br />
informations. ujourd’hui, celle-ci est largement disponible<br />
sur les canaux digitaux. Le client consulte des plateformes,<br />
que la marque contrle ou pas, très en amont,<br />
parfois jusqu’à trois mois avant de prendre sa décision »,<br />
décrit ntonio Carriero, CO de Breitling. Le diplmé en<br />
mathématique de Polytechnique Lausanne a mis en place<br />
et supervisé la transformation digitale du groupe Richemont<br />
au niveau mondial avant de rejoindre Breitling<br />
début . « En presque trois ans, nous avons rattrapé<br />
notre retard dans le domaine digital et nous avons activé<br />
le e-commerce dans une cinquantaine de pays, en commenant<br />
par nos principaux marchés, Europe, mérique<br />
du ord et Chine », décrit le CO. es fonctionnalités<br />
comme commander en ligne et aller chercher sa montre<br />
en boutique ont été ajoutés. Un service de click collect<br />
toujours actif malgré le confinement. urant le premier<br />
confinement, la vente en ligne a été multipliée par trois.<br />
ans certains pays, le e-commerce peut représenter<br />
jusqu’à du volume de ventes.<br />
Sauter dans l'inconnu<br />
Fifty-five a accompagné l’horloger sur la collecte de la<br />
donnée et plus récemment sur les parcours client. « Comment<br />
faire pour que l’expérience reste personnalisée et<br />
uide, sachant que la décision d’achat est prise sur Internet<br />
Il faut comprendre quels sont les sites et les pages<br />
produits les plus consultés pour documenter le vendeur<br />
en amont de la prise de rendez-vous », détaille Pierre arand.<br />
« ous avons appliqué des algorithmes de machine<br />
learning pour définir les profils de nos clients et réutiliser<br />
cette donnée pour un retargeting plus efficace », complète<br />
ntonio Carriero. près avoir accompli un premier<br />
cycle autour de la donnée cross canal pour mieux comprendre<br />
les comportements de ses clients, Breitling va<br />
ajouter des datas complémentaires et les analyser afin de<br />
décrypter les attentes des acheteurs et prospects. « ous<br />
voulons définir des clusters de clients plus précis pour<br />
acquérir du trafic qualifié car chaque futur client du e-<br />
commerce va nous coter plus cher », ajoute le CO de<br />
Breitling. Les budgets publicitaires, en hausse, ont été petit<br />
à petit réalloués aux médias digitaux. Pour cet expert<br />
du digital dans l’univers du luxe, le confinement pousse<br />
les entreprises du luxe encore réticentes à « sauter dans le<br />
vide du e-commerce ».<br />
TG euer, autre maison plus que centenaire, a, elle<br />
aussi, refondé sa stratégie e-commerce. La marque est<br />
connue pour son appétence à légard de la technologie<br />
et de l’innovation via son Institut de recherche qui<br />
emploie scientifiques et pour avoir sorti une des premières<br />
montres de luxe connectées dès . Il y a trois<br />
ans, Frédéric rnault, un des fils du patron de LM,<br />
a repris en main la marque pour la moderniser. « En<br />
créant un département digital et client, nous voulions<br />
nous rapprocher du client, de celui qui portera notre<br />
pièce à son poignet. insi, nous avons créé un nouveau<br />
site, pour raconter notre histoire, notre savoir-faire<br />
et nos collections », explique Béatrice Goasglas, viceprésidente<br />
igital Customer Experience, passée par<br />
L’Oréal, Sephora et SMCP. Organisée en mode com-<br />
PHOTOS : © I TL. R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 86 . Spécial LUXE 2020
Enquête : e-commerce<br />
Le nouveau site web<br />
Tag Heuer, par le studio<br />
Bonhomme. En haut<br />
à droite, Emmanuel<br />
Cruellas Fondateur du<br />
studio Bonhomme.<br />
mando, l’équipe se lance dans un chantier de mois<br />
pour transformer toute son organisation autour du<br />
digital, du back office à l’UI (interface utilisateur) du<br />
nouveau site qui a été lancé en février dans tous<br />
les pays du monde, mais avec la fonction e-commerce<br />
activée pour cinq marchés seulement (US, apon,<br />
ustralie, Suisse et UK), la France ayant rejoint cette<br />
liste début novembre. Un timing parfait avec l’arrivée<br />
de la pandémie en février. « Le succès de cette transformation<br />
digitale a été immédiat. Cela a accéléré l’adhésion<br />
en interne », souligne Béatrice Goasglas. Succès<br />
commercial avec une part de marché d’environ du<br />
chiffre d’affaires global. Une campagne de communication<br />
en Europe sur les réseaux sociaux et les consommateurs<br />
présents dans les bases de données est prévue<br />
pour ol.<br />
Faire beau et bien<br />
La marque de LM a choisi le studio Bonhomme pour<br />
créer une nouvelle expérience de marque plutt qu’un<br />
grand groupe de publicité. « Bonhomme nous a convaincus<br />
immédiatement en s’appropriant les codes de la Maison.<br />
Leur état d’esprit d’entrepreneurs passionnés, qui<br />
est aussi celui du top management de TG euer, nous<br />
a séduit », évoque Béatrice Goasglas. Outre l’interface du<br />
site, le studio a signé le packaging avec un colis présenté<br />
comme un écrin, avec une pochette de voyage en cuir<br />
grainé et un QR code qui renvoie à une vidéo sur le savoirfaire<br />
de la maison. Un packaging exclusif au site e-commerce.<br />
Toujours pour humaniser l’expérience client digitale,<br />
TG euer offre la possibilité de joindre un agent<br />
« care » au téléphone (et bientt en co browsing [ndlr :<br />
conavigation]) « : cela permet de proposer des services de<br />
maintenance ou une prise en charge de la réparation »,<br />
ajoute Emmanuel Cruellas fondateur de Bonhomme.<br />
Clin d’il techno sur le nouveau site tagheuer.com : la<br />
possibilité de mettre les montres à l’heure en cliquant sur<br />
la fiche produit. Parallèlement, TG euer travaille sur<br />
son réseau de points de vente en propre pour concilier<br />
vente physique et digitale : « l’idée n’est pas de cannibaliser<br />
les boutiques mais de faire des ventes incrémentales<br />
avec le e-commerce », précise la vice présidente igital<br />
customer experience. En juin , le reste du monde<br />
devrait pouvoir acheter des montres sur le site marchand,<br />
y compris en Chine avec une plateforme dédiée et un<br />
programme sur eChat, la messagerie multifonction<br />
utilisée par plus d’un milliard de personnes. Malgré un<br />
timing serré pour ce genre de projet de transformation<br />
globale qui demande habituellement trois ou quatre ans,<br />
l’équipe digital et consumer a réussi à inclure toutes les<br />
composantes de la société, des horlogers aux R en passant<br />
par le marketing et les dirigeants. « Le digital ne se<br />
résume pas au e-commerce. L’une de mes grandes fiertés,<br />
c’est d’avoir allié le beau et le bon et d’avoir embarqué<br />
cette maison centenaire dans cette formidable aventure »,<br />
conclut Béatrice Goasglas.<br />
PATRICK CAPPELLI<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 87 . Spécial LUXE 2020
Enquête<br />
AGENCES<br />
Boîtes de prod' - agences<br />
LE PARTAGE DES<br />
TÂCHES ?<br />
DE GRANDES MAISONS CONFIENT<br />
LA RÉALISATION DE LEURS “ OBJETS ”<br />
DE COMMUNICATION À D’AUTRES<br />
MAISONS… DE PRODUCTION, SANS<br />
PASSER PAR LA CASE AGENCE. UNE<br />
TENDANCE DE FOND ?<br />
ELSA RAKOTOSON<br />
CEO de Frenzy Paris :<br />
“ Nous avons toujours<br />
collaboré en direct avec les<br />
annonceurs, car ce mode<br />
de fonctionnement est<br />
dans l’ADN des marques<br />
de luxe. ”<br />
Si la désintermédiation n’est pas une pratique<br />
propre aux métiers de la communication et<br />
de la publicité, elle y rencontre un vrai succès.<br />
Relancée au rythme des crises, elle est souvent<br />
motivée par l’espoir de réaliser des économies,<br />
parfois réelles et substantielles, mais pas seulement. Dans<br />
l’univers du luxe, depuis longtemps, « certains annonceurs<br />
s’adressent directement à une production s’ils ont<br />
un choix clair sur un réalisateur auquel ils souhaitent laisser<br />
carte blanche, rappelle Perrine Schwartz, productrice<br />
chez Wanda. À l’image du film Cartier pour la montre<br />
Panthère réalisé par Sofia Coppola ». Si elles n’ont pas<br />
les compétences d’agence en matière de réexion stratégique,<br />
de conception de dispositif de communication<br />
complexe, les maisons de production revendiquent en<br />
revanche la plus grande agilité pour connecter les talents<br />
avec la marque. « Le secteur du luxe est très codé où les<br />
marques ont un ADN qu’il faut comprendre et face auxquelles<br />
il faut mettre des talents adaptés. On n’aborde<br />
pas un film SL comme un film Orange, reprend Perrine<br />
Schwartz. Les talents du luxe sont spécifiques, il faut un<br />
œil, une patte via le bon réalisateur, chef décorateur ou<br />
étalonneur, la meilleure glam team (stylisme, coiffure,<br />
maquillage…), le bon directeur de la photographie, etc. »<br />
Pour mieux traiter ces demandes en direct, certaines maisons<br />
de productions ont également fait évoluer leur offre<br />
ou leur positionnement. À l’image d’Onirim ou de Frenzy<br />
Paris qui réalisent toutes les deux 80 % de leur activité en<br />
direct avec les annonceurs : « Nous avons toujours collaboré<br />
en direct, car ce mode de fonctionnement est dans<br />
l’ADN des marques de luxe, mais la pratique a évolué<br />
avec la digitalisation de l’activité et la dématérialisation<br />
des savoir-faire observe Elsa Rakotoson, CEO de Frenzy<br />
Paris. Les talents sont devenus plus polyvalents et sont à<br />
la fois DA, photographe, réalisateur etc. Ils ont appris à<br />
s’exprimer sur différent type de médias, ce qui nous permet<br />
d’étoffer notre offre. »<br />
Sur la même ligne, Onirim revendique un seuil de compétences<br />
dépassant la production au sens classique du<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 90 . Spécial LUXE 2020
Enquête: agences<br />
La campagne digitale<br />
pour Miu Miu par<br />
Onirim.<br />
La campagne pour<br />
Hermès “ Objects for<br />
interior life ” réalisée<br />
par Christopher Anderson<br />
pour Birth LX.<br />
NOUS POUVONS<br />
ACCOMPAGNER LES<br />
ANNONCEURS SUR LA<br />
CRÉATION DE FILMS ET<br />
D’IMAGES, MAIS NOUS<br />
N’INTERVENONS PAS<br />
SUR L’ACHAT D’ESPACE<br />
ET LES DÉCLINAISONS.<br />
NOUS NE SOMMES PAS<br />
UNE AGENCE.<br />
YOHAN UNGER,<br />
BIRTH LX.<br />
PHOTOS : DR.<br />
Ci-contre, la campagne<br />
pour le parfum Nina<br />
Ricci Rose dirigée par<br />
Jade Lombard (photos<br />
de Fiona Torre), par<br />
Frenzy Paris.<br />
terme : « Nous nous positionnons comme une société de<br />
production créative, ajoute Diane Edelmann, directrice<br />
générale et DC d’Onirim. Constatant que les agences produisaient<br />
de plus en plus, au détriment des artistes, nous<br />
nous sommes dotés d’un studio créatif et avons intégré la<br />
brique stratégique pour travailler sur la vision de marque.<br />
Ce positionnement permet une plus grande rapidité<br />
d’exécution et des économies intéressantes pour l’annonceur…<br />
à condition d’avoir les bons talents à proposer ! ».<br />
Si le discours et le positionnement varient chez Birth, la<br />
finalité est à peu près la mme, avec le souci de ménager<br />
les agences qui restent encore un gros apporteur d’affaires.<br />
« Historiquement, nous avons toujours été partenaires<br />
des agences, rappelle ohan Unger, producteur et<br />
associé chez Birth LX, le département luxe de Birth. Dans<br />
ma démarche, passer directement par la production n’est<br />
pas une source d’économie substantielle. C’est davantage<br />
sur la rapidité d’exécution et d’activation que les choix<br />
d’annonceurs s’opèrent. Nous pouvons<br />
les accompagner sur la création de films et<br />
d’images, mais nous n’intervenons pas sur<br />
l’achat d’espace et les déclinaisons. Nous<br />
ne sommes pas une agence. Notre ADN est<br />
celui de la production de film incluant tous les contenus<br />
(films, assets digitaux) d’une campagne plus globale.<br />
Nous accompagnons les marques, les agences et les artistes<br />
du début de la réexion au délivrable. » Une posture<br />
de cohabitation qui pour l’heure passe plutôt bien du<br />
fait de l’explosion des besoins en contenus : « Le secteur<br />
investit plus qu’avant dans la communication car le volume<br />
de films est énorme, notamment pour alimenter le<br />
digital mais aussi le marché asiatique », souligne Patrick<br />
Barbier, CEO de anda. Une posture qui passe d’autant<br />
mieux que la désintermédiation des agences reste encore<br />
suffisamment négligeable pour nombre de sociétés<br />
de production : « Nous travaillons avec des annonceurs<br />
comme ior, Cartier, SL, Guerlain mais le plus souvent<br />
via leur agence. La commande en direct reste une<br />
exception. » Jusqu’ici tout va bien !<br />
VALÉRY POTHAIN<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 91 . Spécial LUXE 2020
Enquête: agences<br />
“ Si tout le monde fait tout<br />
on perd le sens des<br />
responsabilités.”<br />
“ NOUS POUVONS<br />
SORTIR UNE BELLE<br />
IDÉE POUR UN<br />
ANNONCEUR, MAIS LA<br />
CAPACITÉ À DÉLIVRER<br />
LA BIG IDEA RESTE DU<br />
CÔTÉ DE L’AGENCE. ”<br />
PATRICE HADDAD<br />
est président et<br />
fondateur de Première<br />
Heure.<br />
<strong>CB</strong>N : Qu’est-ce qui motive les<br />
annonceurs à négocier directement avec les<br />
maisons de production ?<br />
Patrice Haddad : Le choix de traiter directement<br />
avec la production répond en priorité à une<br />
recherche d’agilité et de rapidité. La digitalisation<br />
a également créé de nouveaux besoins, plus complémentaires<br />
qu’alternatifs, qui créent du volume<br />
qu’il faut être en mesure de produire rapidement.<br />
Parallèlement, les annonceurs ont mûri, se sont<br />
structurés, se sont dotés de studios de créations<br />
intégrés. Nous pouvons apporter une valeur ajoutée<br />
à leur création.<br />
<strong>CB</strong>N : Que vous inspirent les agences<br />
qui intègrent la production ?<br />
Patrice Haddad : Si tout le monde fait tout on<br />
perd le sens des responsabilités. On enlève à notre<br />
métier ses lettres de noblesse, on le banalise en réduisant<br />
la production à un acte de fabrication. Or<br />
notre métier est bien plus que cela : nous menons<br />
une veille artistique essentielle à la production<br />
d’un film. Faire des films publicitaires n’est pas<br />
notre seul métier : nous accompagnons nos artistes<br />
partout et sur tous leurs projets artistiques,<br />
humanitaires, etc. Ce sont les maisons de production<br />
et leurs artistes qui créent la valeur ajoutée.<br />
<strong>CB</strong>N : Mais la création est une<br />
revendication d’agence…<br />
Patrice Haddad : Nous ne sommes pas une<br />
agence de publicité, mais nous avons des réalisateurs<br />
créatifs. Nous pouvons sortir une belle idée<br />
pour un annonceur, mais la capacité à délivrer la<br />
big idea reste du côté de l’agence. Elle est incontournable<br />
et le restera, tout comme la production.<br />
Nous sommes davantage un laboratoire d’idées.<br />
Nous pouvons être les SSII de l’image, proposant<br />
du conseil en structuration et développement<br />
d’image.<br />
Récueilli par<br />
VALÉRY POTHAIN<br />
PHOTO : © RIC LEGOU. R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 92 . Spécial LUXE 2020
WE GIVE BIRTH TO STRONG IDEAS<br />
ARTISTS<br />
JAN GLEIE<br />
TEMPLE CACHÉ<br />
WARREN DU PREEZ<br />
& NICK THORNTON<br />
JONES ZHANG + KNIGHT<br />
MARILOU CHABERT<br />
DAN BELEIU<br />
CHRISTOPHER ANDERSON<br />
FRANCESCO CARROZZINI<br />
ROBERT BROADHURST<br />
ANDREW DOSUNMU<br />
MATVEY FIKS<br />
LUKE & NIK<br />
FILM & PHOTOGRAPHY - PRODUCTION HOUSE FOR UNIQUE BRANDS - WWW.BIRTH.TV
Analyse<br />
AGENCES<br />
Agences et annonceurs<br />
À L’ÉPREUVE DU<br />
VIRU S<br />
ENTRE LE PASSAGE FORCÉ AU “ COLLECTIF ” DIGITAL, LES<br />
PROMESSES — DE GASCON ? —CONCERNANT LA PRÉSERVATION<br />
DE L'ENVIRONNEMENT, LA DÉCÉLÉRATION... LE LUXE VA SANS<br />
DOUTE LAISSER DES PLUMES. LES AGENCES ONT DU PAIN SUR<br />
LA PLANCHE. ANALYSE.<br />
Q<br />
ui l’eut cru : le luxe souffre ! Entre la<br />
fermeture des points de ventes, l’interdiction<br />
de voyager et la réduction de la<br />
consommation aux produits essentiels,<br />
« c’est la première fois que le secteur<br />
est aussi touché, observe Stéphane Truchi, président<br />
du directoire de l’Ifop. C’est aussi la première fois<br />
qu’une crise survient aussi rapidement, brutalement<br />
et mondialement qu’elle provoque une fragilisation à<br />
la fois physique (la peur de mourir), morale, sociale<br />
et économique. » S’il est encore trop tôt pour évaluer<br />
l’ampleur des dégâts, l’institut a quand même pu identifier<br />
quelques incidences, positives ou négatives, de<br />
la crise sur le secteur du luxe. À commencer, bien sûr,<br />
par l’accélération de la digitalisation. « Nous sommes<br />
passés d’un collectif physique s’appuyant sur un individualisme<br />
digital à un collectif digital, observe Stéphane<br />
Truchi. Le digital est ainsi devenu « le » moyen de communication<br />
et de construction de relations sociales. Les<br />
marques sont attendues sur leur capacité à proposer<br />
des expériences créatives : une bonne nouvelle pour<br />
les marques de luxe qui ne manquent pas de matière<br />
pour y parvenir. »<br />
Autre bonne nouvelle, la conscientisation des Français<br />
du lien entre la santé de la planète et celle des hommes<br />
a conforté les marques de luxes dans leurs engagements<br />
en matière de préservation et de protection des environnements,<br />
de traçabilité des matériaux, etc. « Sur ces<br />
terrains, il faut cependant être prudent, car ces aspirations<br />
formulées dans les pays occidentaux ne le sont pas<br />
en Chine ou sur le continent africain », prévient Yves<br />
Hanania, président de Lighthouse, cabinet de conseil<br />
en stratégie de marques et auteur du livre « Le <strong>Luxe</strong><br />
demain » (Dunod). Prudence également à l’égard des<br />
élans patriotes appelant un retour à la souveraineté nationale…<br />
et au repli sur soi. « La peur de l’étranger ou<br />
d’une menace extérieure est potentiellement génératrice<br />
de postures néo-nationalistes, rappelle Stéphane Truchi.<br />
Le luxe étant devenu mondial, le fort recentrage sur le<br />
local, en termes de production et de clientèle, peut être<br />
préjudiciable. Les Chinois veulent aujourd’hui consommer<br />
des produits chinois ! »<br />
Dernière tendance observée par Ifop : la poursuite<br />
de la décélération exprimée avant la crise par l’émergence<br />
des slow : food, life et autre slow time, et plus<br />
récemment par les initiatives d’acteurs du luxe et de la<br />
mode. En mai dernier, alors que Gucci annonçait sur<br />
son compte Instagram qu’elle ne présenterait plus que<br />
deux collections par an, le British Fashion Council et<br />
le Council of Fashion Designers of America publiaient<br />
une déclaration commune recommandant à l’ensemble<br />
des acteurs de la filière de suivre la mme voie. Un arrt<br />
brutal imposé par les mesures sanitaires qui a involontairement<br />
réinscrit la notion de temps (long) dans les<br />
agendas, donnant aux marques l’occasion de prendre<br />
un peu de hauteur et de se remettre en question.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 94 . Spécial LUXE 2020
Analyse: agences<br />
“ CERTAINES MARQUES<br />
TRAVAILLENT LA<br />
DIVERSIFICATION,<br />
À L’IMAGE DE LOUIS<br />
VUITTON AVEC SON<br />
RESTAURANT<br />
À OSAKA. ”<br />
YVES HANANIA,<br />
LIGHTHOUSE.<br />
PHOTOS : DR.<br />
Le magasin Louis<br />
Vuitton à Osaka,<br />
au Japon, abrite le<br />
premier restaurant<br />
de la marque.<br />
Défilé Balmain SS21 :<br />
Mazarine a développé<br />
une solution pour virtualiser<br />
des événements<br />
en leur intégrant<br />
des fonctionnalités<br />
conversationnelles<br />
et transactionnelles.<br />
(voir page suivante et<br />
la Grande Interview<br />
de Paul-Emmanuel<br />
Reiffers, p.48)<br />
Pour Yves Hanania, « Il y a du positif dans cette crise,<br />
comme le rééquilibrage entre le on et le off line : on<br />
ne vendait pas aussi facilement sur Instagram il y a un<br />
an, tout est désormais beaucoup plus uide. La crise<br />
a également accéléré la réexion autour des systèmes de<br />
marque. Longtemps rivées à leurs seuls produits, elles investissent<br />
les dimensions servicielles (reprise, réparation,<br />
revente…) et expérientielles de leur marque. Certaines<br />
travaillent la diversification, à l’image de Louis uitton<br />
avec son restaurant à Osaka. » Observateur aguerri du<br />
marché, il reste lucide : « Je reste positif sur l’évolution<br />
du marché, mais avec des morts ! Le luxe est immortel,<br />
mais pas les marques. On peut s’inquiéter pour certaines<br />
activités, comme les restaurants étoilés, mais je ne doute<br />
pas que d’autres durement touchées, comme les maisons<br />
de champagne, ne réussissent pas à survivre à cette crise<br />
après avoir survécu à plusieurs guerres. »<br />
Logiquement, les difficultés rencontrées par les marques<br />
de luxe ont des répercussions sur les agences à travers<br />
le gel des budgets de conseil et de communication. Certaines<br />
maisons ont réaffecté leurs investissements sur<br />
différents médias, souvent au profit du digital, mais sans<br />
jamais abandonner les canaux historiques (télévision et<br />
print). « Mais pour l’heure, les marques s’expriment assez<br />
peu comparé aux années précédentes, observe Yves Hanania.<br />
Mme à l’approche de ol, il est difficile de partir<br />
sur une envolée lyrique. Il leur faut garder un peu de<br />
retenue. » « Les agences doivent intégrer que leurs clients<br />
vont désormais s’appuyer sur d’autres ressorts et communiquer<br />
différemment, ajoute Stéphane Truchi. Elles<br />
réinjectent plus de fond sur le canal digital qu’elles consacraient<br />
surtout à l’activation. Les communications vont<br />
se recentrer sur les thèmes considérés comme essentiels :<br />
le recyclage, la lutte contre le gâchis, la conscience des<br />
prix, le bien-être… » Autant de sujets centraux et beaucoup<br />
moins glamour sur lesquels les agences vont devoir<br />
plancher sans verser dans l’austérité. « Elles vont devoir<br />
abandonner les ressorts classiques du luxe pour une communication<br />
plus légère, plus décalée et plus conviviale<br />
reprend Stéphane Truchi. Les marques vont devoir être<br />
plus proches du public… sans pour autant devenir plus<br />
accessibles. » Histoire de rester un luxe !<br />
VALÉRY POTHAIN<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 95 . Spécial LUXE 2020
Analyse: agences<br />
Conversion massive<br />
au tout-digital<br />
FACE À CES NOUVEAUX DÉFIS, NOUS AVONS DEMANDÉ À QUELQUES<br />
AGENCES DU SECTEUR DE NOUS EXPLIQUER COMMENT ELLES ABORDAIENT<br />
LEUR ACTIVITÉ À L’ÈRE COVID 19. VOICI CE QU’ELLES EN DISENT…<br />
Publicis <strong>Luxe</strong><br />
« L’année a été difficile tant pour les<br />
équipes que pour les clients et les<br />
talents partenaires de l’agence. Mais<br />
la crise nous a confortés dans les<br />
choix stratégiques opérés dès la création<br />
de Publicis <strong>Luxe</strong> en : tre<br />
capable de proposer une expérience<br />
concrète, complète et engageante via<br />
tous les canaux de distribution (retail<br />
et digital), des campagnes intégrées<br />
et une communication Always-on.<br />
La crise nous a également incités à<br />
accélérer sur des projets engagés<br />
auprès de clients acquis, comme<br />
le développement des ventes en<br />
e-commerce avec l’intégration de<br />
nouvelles fonctionnalités (essais<br />
virtuels…), mais aussi la mutation<br />
phygitale du retail qui doit rester<br />
un lieu d’expérience où l’on va s’informer,<br />
tester, etc. explique Laure<br />
Garboua Tateossian, directrice<br />
générale de Publicis <strong>Luxe</strong>. Pour<br />
2021, les tendances vont se poursuivre<br />
avec une demande croissante<br />
de storytelling pour satisfaire<br />
les besoins de clients désireux de<br />
tout connaître, de tout savoir d’une<br />
marque, au-delà de ses produits, en<br />
activant tous les points de contacts,<br />
en trouvant le bon arc narratif pour<br />
maintenir l’attention et l’intérêt portés<br />
à la marque. »<br />
Helmut<br />
« Nous n’avions pas anticipé la Covid,<br />
mais les évolutions et l’organisation<br />
du marché d’avant-crise nous avaient<br />
déjà appris la flexibilité. Passer en<br />
télétravail n’a donc pas été perturbant,<br />
reconnaît Christophe Huck,<br />
fondateur d’Helmut. Pour le reste,<br />
nous continuons à travailler sur les<br />
problématiques d’engagement, de<br />
lien avec les marques mais en développant<br />
des contenus plus pragmatiques<br />
pour créer du business et de la<br />
conversion. Et si les marques de luxe<br />
ont toujours besoin d’un bel objet de<br />
communication (film, support…)<br />
les équipes marketing ont bien compris<br />
l’enjeu et l’obligation de prendre<br />
en compte les modes de consommation<br />
et de communication des<br />
nouvelles générations. » es modes<br />
en grande partie digitaux qui sont<br />
donc en phase avec la situation et les<br />
contraintes actuelles, où le point de<br />
contact principal s’établit désormais<br />
sur les médias sociaux et non plus sur<br />
le point de vente.<br />
Bel Ami<br />
Créée en 2018, l’agence Bel Ami n’a<br />
pas souffert de la Covid . Une santé<br />
que son fondateur, Thomas Mondo<br />
(ex Publicis et cofondateur de<br />
Darkplanneur), explique par la<br />
spécificité de son concept : « Nous<br />
nous voyons comme des artisans.<br />
Nous craftons nos stratégies et nos<br />
créations ». Loin des structures classiques,<br />
Bel Ami revendique sa (toute)<br />
petite taille ( collaborateurs) s’appuyant<br />
sur des ressources externes.<br />
Celles-ci lui permettent de constituer<br />
pour chaque client ou pour chaque<br />
projet une équipe au profil unique et<br />
adapté afin de traiter la marque, de<br />
la définition d’une vision à la mise en<br />
situation des campagnes en fonction<br />
des médias et des formats. « Là où les<br />
grandes agences se mobilisent sur<br />
l’exécution de belles campagnes de<br />
contenu, nous privilégions l’idéation.<br />
ous prenons le temps de rééchir à<br />
la vision et au purpose, avant de travailler<br />
l’identité, les messages, les<br />
formats, etc. Notre motto, emprunté<br />
à Thomas Edison, ne dit rien d’autre :<br />
« ision without Execution is allucination<br />
» !<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 96 . Spécial LUXE 2020
Reaching the<br />
fashion world demands<br />
a global runway.<br />
From the Paris runways to the store racks,<br />
the fashion world relies on The New York Times.<br />
With millions of affluent, engaged readers<br />
turning here every day, there’s no better way<br />
to reach the world of style.<br />
For advertising information contact<br />
Tom Armstrong on +44 78 60 75 26 75.
Projet<br />
AGENCE ?<br />
LA MAISON<br />
DE LA<br />
RUPTURE<br />
De gauche à droite,<br />
Alexandre Sap, Julien<br />
Grollemund, et<br />
Thomas Erber dans<br />
la rue du Vertbois,<br />
qu'ils sont chargés<br />
d'achalander.<br />
CETTE NOUVELLE<br />
AGENCE FAIT DE<br />
LA PRESSE, VEND<br />
DES DISQUES,<br />
OUVRE DES<br />
BOUTIQUES HYPE,<br />
DES RESTOS, DES<br />
LIBRAIRIES PRÈS<br />
DE LA RÉPUBLIQUE<br />
À PARIS. ET LA PUB<br />
DANS TOUT ÇA ?<br />
Année folle ? Certainement. Et plus encore<br />
quand on décide de créer une agence de<br />
pub d’un nouveau genre en mars 2020<br />
et que l’on met ce projet à exécution en<br />
septembre. Thomas Erber, Julien Grollemund<br />
et Alexandre Sap sont donc probablement assez<br />
fous pour être passés à l’acte. Pourtant, en créant Rupture<br />
& Associés, les trois compères ont fait aboutir un<br />
projet mûri de longue date. Car les deux derniers cités<br />
étaient déjà à l’origine de la Maison Dentsu, ouverte en<br />
juin 2019 et qui se voulait déjà une entité hybride, trait<br />
d’union entre les marques et les artistes, pour séduire les<br />
marques de luxe. Les changements dans le management<br />
du groupe japonais et son recentrage vers ses métiers<br />
d’origine ont conduit Alexandre Sap et Julien Grollemund<br />
à poursuivre leur aventure en indépendants.<br />
Le lieu dans un tel projet est presque aussi important<br />
que les idées et les associés ont trouvé leur bonheur,<br />
place André-Malraux, en face de la Comédie<br />
Française et tout près de l’appartement où ils avaient<br />
installé la Maison Dentsu, rue de Rivoli. « On ne pouvait<br />
pas trouver meilleure adresse pour un lieu célébrant<br />
la culture », remarque Alexandre Sap en admirant<br />
la vue sur la maison de Molière de l’autre côté de<br />
l’avenue de l’Opéra. Dans ce vaste appartement meublé<br />
d’objets signés, on y accroche des tableaux, expose des<br />
sculptures, on reçoit des artistes en résidence, comme<br />
à la villa Medicis dont elle s’inspire. Mais on y fait aussi<br />
du business. « On peut organiser des rencontres entre<br />
marques et artistes pour construire des stratégies d’un<br />
nouveau genre », ajoute Julien Grollemund.<br />
Rupture reprend le nom du label musical et de la<br />
boutique de vinyles créés par Alexandre Sap, mais ce<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 98 . Spécial LUXE 2020
Projet : agence ?<br />
CE PROJET REVENDIQUE<br />
UNE FORME DE POÉSIE,<br />
MAIS L'AGENCE A PASSÉ<br />
UN ACCORD AVEC LE<br />
GROUPE HAVAS.<br />
PHOTOS :© ÉRIC LEGOUHY. DR.<br />
nom s’explique aussi par les convictions des fondateurs.<br />
« On estime que ce n’est pas à nous d’avoir l’idée<br />
qui tue, mais aux artistes. Cela permet de redonner<br />
aux marques une identité culturelle », explique Julien<br />
Grollemund. « Nous allons également éditer un magazine<br />
et publier des livres », ajoute Alexandre Sap. Les<br />
premiers clients sont déjà là comme Les Bienheureux,<br />
la société de Jean Moueix, héritier d’un grand groupe<br />
bordelais, et Alexandre Sirech, ancien responsable de<br />
célèbres marques de spiritueux, à l’origine du whisky<br />
français Bellevoye, déjà promu par la Maison Dentsu, et<br />
qui s’apprête à lancer d’autres spiritueux, dont un rhum.<br />
Un groupe de presse de luxe et la création d’une marque<br />
pour un brasseur font également partie des premiers<br />
sujets. Le plus spectaculaire est certainement celui de la<br />
rue du Vertbois, dans le 3 e arrondissemnt de Paris. Tendue<br />
entre les rues Turbigo et Saint-Martin, cette petite<br />
voie s’apprête à devenir un haut lieu de la culture et du<br />
luxe parisien branché. Rupture s’est en effet vu confier<br />
par le fonds d’investissement qui est propriétaire des 50<br />
commerces du quartier, la mission de constituer un « village<br />
» mêlant culture et luxe, librairie et restos ultra-exclusifs,<br />
marques de modes pointues et autres coiffeurs -<br />
barbiers hype. « Nous sommes les curateurs et directeurs<br />
artistiques de ce lieu », explique Alexandre Sap dont la<br />
boutique de disques s’y est installée. D’autres commerces<br />
ont déjà ouvert et la grande inauguration aura lieu en<br />
avril si la situation sanitaire le permet.<br />
« Nous voulons réinventer le modèle d’agence »,<br />
affirme lexandre Sap, conscient de ne pas tre le premier<br />
à le proclamer. Mais pour celui qui, en digne fils<br />
spirituel de Séguéla déclare vouloir promouvoir « un<br />
marketing du cœur plus que celui de l’intelligence »,<br />
l’émotion sera le moteur de la croissance à venir. Et<br />
s’il revendique une forme de poésie dans son projet, il<br />
n’en a pas moins les pieds sur terre puisqu’il a passé un<br />
accord avec le groupe Havas qui lui donne accès, aussi,<br />
à des moyens industriels. Rupture aura ainsi accès au<br />
réseau du groupe, notamment à l’international, pour<br />
amplifier les démarches artistiques qu’il initie.<br />
FRÉDÉRIC ROY<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 99 . Spécial LUXE 2020
Interview<br />
PARTENAIRE<br />
L’autre voie de<br />
L'EXÉCUTION<br />
RÉATIVE<br />
TRACER SON PROPRE CHEMIN. C’EST CE QUE PROPOSE<br />
TITEM MOUICI AVEC KIND PARIS. NI AGENCE NI BOÎTE DE<br />
PRODUCTION, ELLE RÉUSSIT, POUR LE LUXE, À IMPOSER<br />
SA VISION. AUDACIEUX.<br />
<strong>CB</strong>N : Kind Paris, c'est plutôt une agence ?<br />
Une boîte de production ? Ou rien de cela ?<br />
Titem Mouici: i l’un ni l’autre ’ai créé Kind<br />
Paris il y a trois ans après 15 ans d’expérience en agence<br />
comme T Producer. Kind Paris est un bureau d’exécution<br />
indépendant en charge du suivi de la production<br />
publicitaire. Pour nous, l’annonceur, l’agence et la production<br />
sont au même niveau et c’est en cela que notre<br />
positionnement est novateur et je pense unique sur le<br />
marché. Nous protégeons les intérêts de chacune des<br />
parties. À la manière des artisans du luxe.<br />
<strong>CB</strong>N : Les clients vous sollicitent par le<br />
biais d'une agence, d'une boîte de production,<br />
directement ?<br />
Titem Mouici: Nos premiers clients ont beaucoup<br />
été des annonceurs qui nous appellent en parallèle<br />
des agences de communication avec lesquelles ils travaillent<br />
à l’année, pour assurer le suivi de la production<br />
et la recherche de talents. ous préférons nous définir<br />
comme partenaire et nous mettons en place des collaborations<br />
sur mesure. Nous avons aussi comme clients,<br />
et de plus en plus, des agences, notamment Publicis<br />
<strong>Luxe</strong> pour La vie est belle ou Idole, ou encore Buzzman<br />
pour Diesel, qui nous appellent très en amont sur des<br />
sujets précis où notre expertise sert de caution. Nous<br />
les rassurons. Certains clients nous appellent aussi en<br />
direct en dissociant création et exécution.<br />
<strong>CB</strong>N : Votre expertise fait la différence sur la<br />
créativité ? Sur l'exécution ?<br />
Titem Mouici: Notre premier savoir-faire est de chercher<br />
et de trouver le meilleur talent pour chaque création.<br />
Et c’est plus compliqué que ce qu’il n’y parat Ce<br />
n’est pas juste présenter une bande démo d’un réalisateur<br />
ou d’un photographe. Les problématiques en<br />
production sont immenses et presque infinies. C’est la<br />
combinaison d’un talent, d’un producteur, d’un script<br />
et de la volonté réelle d’un annonceur. C’est la somme<br />
de ces éléments qui nous poussent à présenter tel ou tel<br />
talent et à défendre telle ou telle piste créative.<br />
<strong>CB</strong>N : Plus largement, quelle est votre<br />
perception de l'organisation de l'écosystème de<br />
la création publicitaire dans le domaine du luxe ?<br />
Titem Mouici: L’exécution ne peut être différenciée<br />
de la création et c’est d’abord elle qui fera la différence<br />
entre un bon film et un mauvais. Les maisons du luxe<br />
ont besoin d’être au plus près des meilleurs talents<br />
pour faire avancer leurs marques. Les players qui se<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 100 . Spécial LUXE 2020
Interview : partenaire<br />
Campagne Diesel,<br />
Spirit of the brave.<br />
Réalisateur : NDVD<br />
Production : Phantasm<br />
Bureau d'exécution :<br />
Titem Mouici &<br />
Margaux Le Gall pour<br />
Kind Paris.<br />
Directeur de création :<br />
Jérémie Rozan pour<br />
Kind Paris.<br />
Campagne L’Oréal<br />
Paris, Isabel Marant.<br />
Réalisateur :<br />
Dexter Navy.<br />
Production : Division<br />
Bureau d'éxecution :<br />
Titem Mouici pour<br />
Kind Paris. Agence :<br />
Mc Cann.<br />
TITEM MOUICI<br />
est Fondatrice de Kind,<br />
un bureau de conseil<br />
en exécution image<br />
spécialisé dans le luxe.<br />
sont positionnés en usines à production font, à<br />
mon sens, fausse route. Chaque projet doit être<br />
traité de manière exceptionnelle. Un bon script<br />
mal réalisé, mal photographié ou mal produit ne<br />
peut mener qu’au désastre.<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong>N : Que vous évoque l'agilité mise en<br />
avant comme compétence de base pour évoluer<br />
dans ce secteur ?<br />
Titem Mouici: Dans le secteur de la production publicitaire<br />
l’agilité n’est pas véritablement la qualité que je<br />
recherche en premier. Évidemment que rien ne se passe<br />
jamais comme prévu et qu’il faut être souple. La compétence<br />
de base dans la production publicitaire c’est le<br />
risque. Défendre ses idées, tenter des choses, oser travailler<br />
avec des nouveaux talents. e passe ma vie à contredire<br />
des idées reues Il faut trouver la juste balance entre<br />
risque et excellence. Nous sommes là pour ça.<br />
<strong>CB</strong>N : Quelles autres expertises sont<br />
nécessaires pour imaginer des campagnes qui<br />
marquent et demeurent ?<br />
Titem Mouici: Notre positionnement n’est pas d’imaginer<br />
des campagnes, mais d’accompagner la créativité.<br />
Notre cœur de métier c’est d’accompagner la création,<br />
de comprendre le contexte, d’instaurer une relation de<br />
confiance et d’impliquer les bonnes personnes au bon<br />
moment. Ce n’est pas l’assurance d’un succès, mais cela<br />
diminue fortement l’échec.<br />
<strong>CB</strong>N : Nous avons choisi d'écrire, pour<br />
ce Collector, le luxe au pluriel, quels sont les<br />
vôtres ?<br />
Titem Mouici: Le plus grand des luxes c’est le choix.<br />
Rayer la mention "pas le choix" de mon vocabulaire est<br />
un travail quotidien, un luxe absolu. Choisir les projets,<br />
supprimer le lundi d’un calendrier, ce qui fait partie<br />
des nombreux avantages de l’entrepreneuriat. e dirai<br />
aussi le temps, car le bien le plus précieux dans la vie.<br />
L’autre définition pour une marque de luxe, c’est une<br />
marque qui ne se compare à aucune autre.<br />
Recueilli par<br />
AMELLE NEBIA<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 101 . Spécial LUXE 2020
Enquête<br />
MÉDIAS<br />
LES PETITES<br />
OPPORTUNITÉS<br />
de la<br />
CRISE<br />
ALORS QUE LES ANNONCEURS N’ÉTAIENT PAS TOUJOURS<br />
AU RENDEZ-VOUS, LES MARQUES MÉDIAS ONT PROFITÉ<br />
DE CETTE ANNÉE 2020 SI PARTICULIÈRE POUR REDOUBLER<br />
D’IMAGINATION. AVEC CERTAINES BELLES RÉALISATIONS.<br />
DELPHINE ROYANT<br />
Publisher et Chief Officer de<br />
Vogue France chez Condé<br />
Nast France : “ « Vogue » a<br />
réussi à mettre en place une<br />
nouvelle forme de shooting<br />
avec des mannequins qui<br />
se prenaient en photo<br />
elles-mêmes et qui étaient<br />
coachées par un photographe<br />
en FaceTime. ”<br />
Les moments de crise produisent un redoublement<br />
de vie chez les hommes », estimait,<br />
optimiste, François-René de Chateaubriand.<br />
Était-il si optimiste que cela d’ailleurs ? Si l’on<br />
se penche sur la façon dont les médias, notamment<br />
la presse dite luxe ou premium, ont réagi et ont<br />
innové dans cette période si particulière que le monde<br />
traverse, alors peut-être faut-il convenir que l’auteur des<br />
« Mémoires d’outre-tombe » énonçait là une forme de<br />
vérité et avait en grande partie raison.<br />
En effet, pour ces médias qui traitent notamment de<br />
l’actualité du luxe, comme pour l’industrie du luxe dans<br />
son ensemble, l’épisode de confinement du printemps<br />
comme, dans une moindre mesure, celui de l’automne,<br />
sont venus chambouler tant les prévisions de recettes<br />
publicitaires que la façon de fabriquer des journaux. « La<br />
première chose que nous avons dû affronter dans ces<br />
mois difficiles, c’est d’abord l’impossibilité physique de<br />
produire des magazines », se souvient Delphine Royant,<br />
publisher et chief officer de ogue France chez Conde<br />
Nast. Les shootings mode sont annulés, les marques ne<br />
communiquent plus et l’actualité du secteur est au point<br />
mort. Pas simple de se réinventer. Et pourtant, « Vogue<br />
France » et plus largement le groupe Condé Nast avec<br />
« GQ » et « Vanity Fair » explorent alors de nouvelles voies.<br />
« Ce qui est à retenir de cette période, c’est l’agilité que<br />
nous avons su mettre en place pour à la fois fabriquer nos<br />
magazines, mais aussi pour inventer de nouveaux formats<br />
», détaille Delphine Royant. Ainsi « Vogue » a réussi à<br />
mettre en place une nouvelle forme de shooting avec des<br />
mannequins qui se prenaient en photo elles-mêmes et qui<br />
étaient coachées par un photographe en FaceTime, « Vanity<br />
Fair » a publié tout au long du premier confinement<br />
un quotidien on line et disponible également en PDF qui<br />
racontait de manière décalée ce que nous vivions collectivement.<br />
» Cela avant de publier un numéro, en juillet-août<br />
avec Lou Doillon, photographiée en Face Time,<br />
qui a cartonné en ventes. « Ce que j’ai envie de garder de<br />
tout cela, c’est la créativité encore plus importante que<br />
d’habitude qui a permis à toutes nos marques de sortir les<br />
journaux attendus et de créer de nouvelles initiatives »,<br />
affirme encore elphine Royant. Et de citer en exemple :<br />
la hausse importante de la fréquentation, mais aussi<br />
pour attirer de nouveaux les annonceurs qui, eux aussi,<br />
ont été au point mort durant le premier confinement.<br />
Sur cet aspect, la voie choisie et explorée est celle d’une<br />
monétisation de l’hyper connaissance des audiences qualifiées<br />
des différentes marques du groupe. insi la mise<br />
en place de l’offre performance sur les cibles qualifiées<br />
de l’ensemble de ses titres : « engage for business » et qu’il<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 102 . Spécial LUXE 2020
Enquête : médias<br />
Bella Hadid pose<br />
pour Jacquemus via<br />
FaceTime. Campagne<br />
Jacquemus (printemps-été<br />
2020). Bella<br />
Hadid © Instagram @<br />
jacquemus.<br />
POTOS : R.<br />
a décidé de la pérenniser devant son succès. « C’est une<br />
offre multitouch point qui permet à nos annonceurs d’allier<br />
puissance et finesse des cibles », se réjouit la responsable<br />
de Vogue. L’autre lancement qui était prévu mais<br />
qui a été affiné c’est celui de l’application payante de GQ<br />
qui a pour ambition de monétiser l’audience du mensuel<br />
lifestyle masculin, grâce à la création du club GQ.<br />
Monétisation de l’audience, affinage des stratégies de<br />
conquête des annonceurs et monétisation de la data, c’est<br />
aussi la stratégie gagnante adoptée par le groupe Figaro<br />
cette année. « Ce que nous avons remarqué et analysé<br />
sur cette année si particulière, c’est une accélération agrante<br />
de différentes tendances qui étaient en train de se<br />
faire jour sur le marché », souligne Aurore Domont, présidente<br />
de Media Figaro, la régie publicitaire du groupe<br />
Figaro. Pour elle, trois tendances majeures se dessinent<br />
et s’amplifient. ’abord le « besoin accru des clients de<br />
connatre avec une infime précision les consommateurs<br />
à qui ils s’adressent au travers de nos marques ». Ainsi,<br />
Media Figaro a travaillé en « profondeur avec les marques<br />
pour affiner encore l’exploitation des datas en possession<br />
du groupe ». La régie a ainsi mis en place des verticales<br />
thématiques encore plus poussées qu’auparavant sur la<br />
thématique du lifestyle notamment et propose à tous<br />
ses clients des études Brand Survey afin que ces derniers<br />
puissent affiner encore leurs différentes prises de parole<br />
dans les médias en général, et dans l’univers brand safety<br />
du Figaro en particulier. Évidemment, dans ces datas<br />
récoltées, on peut trouver des insights sur les envies et<br />
les aspirations des consommateurs qui sont en demande<br />
« forte d’éthique de la part des marques » mais aussi dans<br />
La couverture de<br />
“ Vanity Fair ” en mai<br />
avec Lou Doillon<br />
photographié en<br />
FaceTime.<br />
UNE TENDANCE QUI SE<br />
DÉGAGE, C’EST LE BESOIN<br />
D’UNE “ OMNICANALITÉ<br />
ENCORE PLUS FORTE AU<br />
SEIN D’UN FLAGSHIP<br />
DE MARQUES ”.<br />
AURORE DOMONT,<br />
FIGARO MEDIAS.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 103 . Spécial LUXE 2020
Enquête : médias<br />
une approche « plus raisonnée de leur consommation. »<br />
La deuxième tendance qui se dégage, c’est le besoin d’une<br />
« omnicanalité encore plus forte au sein d’un agship de<br />
marques », détaille encore Aurore Domont. « Les marques<br />
médias que nous représentons peuvent apporter cet univers<br />
et cette expérience différente qui est toujours plus recherchée<br />
tant par les consommateurs que par les annonceurs<br />
», juge la présidente de Media Figaro. La dernière<br />
tendance qu’elle observe est la façon dont les annonceurs<br />
ont besoin « aujourd’hui de théâtraliser toujours<br />
plus leurs campagnes. Ainsi, elles sont plus longues, plus<br />
amples, et tentent de capter toujours mieux l’attention.<br />
Notre rôle est de les aider dans cet axe de travail, avec<br />
notamment nos formats publicitaires vraiment sur-mesure<br />
comme certains formats dits cathédrale ou autres »,<br />
confie encore Aurore Domont. Selon elle, si les régies<br />
peuvent répondre ainsi, alors les annonceurs reviennent<br />
et restent mme fidèles. Sur le plan de l’éditorial et de<br />
l’événementiel, le groupe Figaro a également fait preuve<br />
d’imagination en digitalisant tous ses événements, mais<br />
aussi en profitant de cette période de confinement pour<br />
franchir la barre des 200 000 abonnés payants en numérique.<br />
« 2020 fut paradoxale en ce sens qu’elle nous<br />
a invités à être humbles et à prendre des décisions au<br />
jour le jour, sans ne rien prévoir, mais elle a été aussi une<br />
belle opportunité pour tester, analyser et imaginer », souligne<br />
Laure Pellouard, éditrice déléguée adjointe chez<br />
Madame Figaro. Et de souhaiter que « puisse tre<br />
l’année de l’alliance du meilleur des deux mondes. Celui<br />
d’avant, et celui d’après où l’on sait encore mieux réagir,<br />
tester et innover ».<br />
Mais l’innovation n’est pas l’apanage des grands groupes<br />
de presse. Les titres indépendants ont aussi su tirer leur<br />
épingle du jeu. C’est le cas de « Palace », le magazine<br />
gratuit des établissements Costes, imaginé par Claude<br />
Maggiori et dirigé par Anne Delalandre. Alors que les<br />
“ NOUS AVONS CONSERVÉ<br />
LE LIEN AVEC NOS<br />
LECTEURS GRÂCE AU<br />
NUMÉRIQUE ET À LA FAÇON<br />
DONT NOUS AVONS EU DE<br />
NOURRIR LEURS ENVIES DE<br />
BEAU AVEC LES ARTICLES<br />
EN LIGNE. ”<br />
En haut, à gauche,<br />
l'application payante<br />
de “ GQ ” qui veut<br />
monétiser l'audience<br />
du mensuel lifestyle<br />
masculin, grâce à la<br />
création d'un club<br />
GQ. À droite, le Palace<br />
Scope, le site internet<br />
de la revue “ Palace ”.<br />
ANNE DELALANDRE,<br />
“ PALACE ”.<br />
numéros du printemps ne sont pas parus du fait du confinement,<br />
« les annonceurs nous sont restés très fidèles et<br />
nous avons pu faire un très beau numéro en septembre<br />
et sur la fin de l’année également », confie ainsi Anne<br />
Delalandre, l’éditrice du magazine. Surtout, durant cette<br />
période si particulière, « Palace » a pris une place conséquente<br />
sur le lifestyle et le beau en ligne avec la montée<br />
en puissance de Palace Scope, le site internet dédié lancé<br />
fin et qui a pris son envol en . « urant toute<br />
la période particulière que nous avons traversée, nous<br />
avons conservé le lien avec nos lecteurs grâce au numérique<br />
et à la façon dont nous avons eu de nourrir leurs<br />
envies de beau avec les articles en ligne, et aussi la newsletter<br />
hebdomadaire que nous envoyons désormais à plus<br />
de personnes », détaille encore nne elalandre.<br />
Comme quoi il y avait, encore, des opportunités à saisir.<br />
DAVID MEDIONI<br />
POTOS : R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 104 . Spécial LUXE 2020
Plus de 180 millions de<br />
Snapchatters en moyenne<br />
utilisent la réalité augmentée<br />
tous les jours.<br />
Rencontrez<br />
la génération Snapchat.<br />
En savoir plus sur snapchat.com/generation<br />
Débloquez les expériences<br />
en scannant les Snapcodes<br />
ci-dessous :<br />
Données internes de Snap Inc. au 2e trimestre 2020
Enquête<br />
Relance<br />
INTÉRIEURE EN<br />
CHINE<br />
LE PREMIER MARCHÉ DE LUXE MONDIAL AFFICHE UNE<br />
CROISSANCE INSOLENTE. LES RAISONS : LE GEL DES FLUX<br />
INTERNATIONAUX, LA POUSSÉE DU DIGITAL ET LE RÔLE<br />
CLÉ DES JEUNES ACHETEURS.<br />
Selon l’OCDE, la Chine devrait enregistrer<br />
cette année une croissance de<br />
1,8 %, suivi d'un rebond de 8 % en<br />
2021. C’est deux fois plus qu'aux États-<br />
Unis. Quant au marché du luxe, il devrait<br />
croître cette année de 20 à 30 %<br />
selon le BCG x Tencent Digital Luxury<br />
Report. Et c’est logique. Comme ils ne<br />
peuvent plus acheter en Europe et dans les aéroports, les<br />
Chinois se sont rués sur le e-commerce (qui représenterait<br />
désormais 30 % des achats de luxe en Chine contre<br />
11 % en 2019) puis sur les magasins. On a vu tourner sur<br />
les réseaux sociaux cette scène filmée à Guangzhou miavril<br />
: des centaines de personnes à peine déconfinées se<br />
ruant au magasin Hermès local. En quelques heures, la<br />
griffe de luxe explosait ses ventes. « Il y a eu en Chine<br />
une frénésie de “ revenge shopping ”, commente Yuan<br />
Zou, directrice du développement Europe mode et luxe<br />
de Hylink. Le marché a montré une grande résilience. La<br />
reprise est là. En octobre, le National Memorial Day et le<br />
Festival de la Lune ont enregistré des records de consommation<br />
et de voyages vers le sud. » Promise Consulting/<br />
Panel On The Web a réalisé de mars à septembre, en<br />
partenariat avec Luca Solca, un baromètre, Tracking<br />
the Rebound, pour établir un indice de rebond des activités<br />
en Chine. Résultats : la reprise est plus vigoureuse<br />
qu’en Europe. « Il faut dire, reconnaît Philippe Jourdan,<br />
CEO de Promise Consulting, que le président Xi Jinping<br />
a annoncé début septembre que la crise sanitaire était<br />
terminée. Mais le focus que nous avons réalisé sur les<br />
foyers les plus aisés, les gros acheteurs de luxe qui représentent<br />
5 % de la population, montre leur volonté de<br />
consommer comme avant. Cependant, on ne peut pas<br />
parler de consommation de rattrapage, car ces riches<br />
Chinois achètent en Chine les marques de luxe qu’ils ne<br />
peuvent plus acquérir lors de leurs voyages. » En effet,<br />
70 % environ des dépenses des consommateurs chinois<br />
se faisaient jusqu’alors à l’extérieur de la Chine. Pour que<br />
le marché récupère totalement les effets de la demande<br />
chinoise, il faudrait tabler sur une consommation du<br />
luxe intra-muros multipliée par trois… Ce qui n’est pas<br />
encore le cas. Que doivent faire alors les marques de luxe<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 106 . Spécial LUXE 2020
Enquête : marché<br />
+30%<br />
LVMH affiche une<br />
progression de<br />
13 % de la croissance<br />
organique en Asie<br />
Pacifique au troisième<br />
trimestre. Pour Kering,<br />
c’est +18,5 %. Et pour<br />
Hermès +30 % !<br />
13 %<br />
+ 18,5 %<br />
LES GROS ACHETEURS DE LUXE CHINOIS – 5 % DE LA<br />
POPULATION – ACHÈTENT EN CHINE LES MARQUES DE LUXE<br />
QU’ILS NE PEUVENT PLUS ACQUÉRIR LORS DE LEURS VOYAGES.<br />
PHOTOS : DR.<br />
européennes pour récupérer une partie de cette manne ?<br />
« Les grandes marques, Chanel, Hermès, Dior, Louis<br />
Vuitton… qui ont une présence physique n’ont pas trop<br />
de soucis à se faire, même s’il leur faut peut-être repenser<br />
leur réseau de distribution, répond Philippe Jourdan.<br />
Pour les autres, elles devront passer des accords<br />
avec des plateformes comme Alibaba. Mais il faut faire<br />
attention car on passe alors d’un marketing “ pull ” spécifique<br />
au luxe à un marketing “ push ”, celui des produits<br />
de grande consommation et les marques peuvent perdre<br />
leur capital au profit des distributeurs. »<br />
« Le retour à la normale pour le luxe a été plus rapide<br />
que prévu. ès fin mars et jusqu’en juin, nous avons eu<br />
une forte poussée digitale. L’événementiel est revenu en<br />
juin », confirme ean-Laurent ilon, managing director<br />
de Mazarine sia Pacific (trois bureaux à Shanga, Pékin<br />
et Hong Kong, 35 personnes, 15 % du chiffre d’affaires<br />
de l’agence). L’activité de Mazarine en Chine, déjà très<br />
digitale, s’est renforcée avec beaucoup de campagnes<br />
intégrées comprenant du digital, de l’événementiel<br />
magasin et des PR. Mazarine a ainsi démarré pendant<br />
la crise pour Cartier et Piaget des opérations de e-commerce<br />
avec Tmall, surtout sur les villes moyennes où les<br />
grandes marques n’ont pas de présence physique. Autre<br />
exemple : l’agence a conçu et développé en septembre<br />
une campagne digitale et sociale on line to off line, de<br />
création de trafic en boutique pour Boucheron qui venait<br />
d’ouvrir une nouvelle boutique à Beijing SKP, destination<br />
phare du luxe dans la capitale chinoise. Cette campagne<br />
mettait en scène Wladimir, le chat de Gérard Boucheron,<br />
lequel apparaissait aux côtés de l’ambassadrice de<br />
la marque Zhou Dongyu et de son compagnon parisien.<br />
L’agence a créé un jeu interactif dont la récompense à<br />
l’effigie de ladimir était à retrouver en boutique. « Ces<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 107 . Spécial LUXE 2020
Enquête : marché<br />
« LES MARQUES DOIVENT<br />
CIBLER DES CONSOMMATEURS<br />
DIFFÉRENTS DE CEUX DES<br />
GRANDES VILLES. AINSI, LES<br />
HOMMES Y SONT DE PLUS<br />
GROS ACHETEURS DE LUXE<br />
QUE LES FEMMES. »<br />
YUAN ZOU, HYLINK.<br />
PHILIPPE<br />
JOURDAN<br />
est CEO de<br />
Promise Consulting :<br />
"Attention, pour les<br />
marques qui vont sur<br />
Alibaba, “ on passe alors<br />
d’un marketing « pull »<br />
spécifique au luxe à<br />
un marketing « push »,<br />
des produits de grande<br />
consommation ”.<br />
activations digitales traduisent bien la tendance actuelle<br />
de la communication en Chine pour les grands<br />
du luxe », continue Jean-Laurent Vilon, précisant que<br />
« les marques de second niveau ont plus de mal et se<br />
tournent vers l’e-commerce. Tmall est un bon accélérateur<br />
de e-commerce mais, avertit Jean-Laurent<br />
Vilon, « nous expliquons à nos clients qu’ils ne doivent<br />
pas privilégier le court terme en laissant partir leur<br />
expérience client. Ce sera l’enjeu 2021 : réaccompagner<br />
par un storytelling efficace le consommateur sur<br />
l’ensemble du parcours client ».<br />
Les villes moyennes représentent un vivier pour<br />
le luxe. Ainsi les « Tiers 3 » (villes qui comptent entre<br />
150 000 à 3 millions d’habitants et dont le PIB oscille<br />
entre 18 et 67 milliards de dollars) ont des habitants<br />
avides de découvertes et de consommation. « Les<br />
marques doivent cibler ces consommateurs qui sont différents<br />
de ceux des grandes villes, explique encore Yuan<br />
Zou. Ainsi, les hommes y sont de plus gros acheteurs<br />
de luxe que les femmes. Et surtout les jeunes sont très<br />
demandeurs mais aussi très exigeants. » Hylink a ainsi<br />
réalisé pour les cosmétiques MAC un jeu sur smartphone<br />
s’inspirant du jeu de type manga Glory of Kings. Chaque<br />
hérone était identifiée à une couleur de rouge à lèvres.<br />
Les stocks ont été épuisés dans les heures qui ont suivi<br />
l’opération. « Les marques doivent prendre des risques<br />
pour accrocher cette génération Z. » Les 11-25 ans qui totalisent<br />
17 % de la population chinoise (qui s’élève à 1,4<br />
milliard) et que an ou définit en six « C » : C comme<br />
centre, enfants uniques pour la plupart ils sont choyés<br />
par leur entourage ; C comme confiants car, nés dans<br />
un pays puissant, ils dépensent sans peur du lendemain ;<br />
C comme Conflictuel car, surprotégés, ils ont besoin<br />
d’aventures et d’excès ; C comme conscients car ils<br />
sont sensibles à l’environnement, à la culture et engagés<br />
socialement ; C comme connectés, car pour ces digital<br />
native, la connexion permet d’être en lien avec la société<br />
collective et enfin C comme complexes car ces jeunes ne<br />
forment pas un groupe homogène ». ’où la difficulté de<br />
les toucher. « Il faut être très sensible aux cultures, bien<br />
les connaître avant de faire du storytelling, conseille<br />
Yan Zou. Il faut aussi maîtriser tous les tutos sociaux<br />
qui évoluent très vite, et surtout oser car bientôt, avec<br />
la concurrence, les marques qui ne risquent pas, seront<br />
vite dépassées ».<br />
Alors, bel avenir pour le luxe dans l’empire du Milieu ?<br />
Assurément si l’on en croit les estimations de Bain&Co :<br />
les consommateurs chinois représenteront près de 50 %<br />
du marché mondial du luxe (évalué à environ 374–386<br />
milliards de dollars) d'ici à 2025.<br />
CATHERINE HEURTEBISE<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 108 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
ÉDITORIAL<br />
UNE PUBLICATION<br />
DIGITAL,<br />
LE TERRITOIRE<br />
D’UN LUXE QUI<br />
SE RÉINVENTE<br />
MORIN OLUWOLE, GLOBAL HEAD OF LUXURY CHEZ FACEBOOK, REVIENT<br />
SUR LES ENSEIGNEMENTS QUE NOUS POUVONS TIRER DE CETTE ANNÉE<br />
2020 SI PARTICULIÈRE ET NOUS PARTAGE SES IMPRESSIONS QUANT À LA<br />
DIGITALISATION D’UN SECTEUR QUI SE RENOUVELLE À GRANDS PAS.<br />
*Facebook IQ source: “Emerging Trends Research” Sep 2020. Crédit photo : DR.<br />
Face à la crise sanitaire, les Maisons<br />
de luxe se sont emparées du digital<br />
pour pallier la fermeture des<br />
magasins et le e-commerce a<br />
connu une accélération sans précédent.<br />
McKinsey précise qu’en<br />
seulement 8 semaines, nous avons<br />
fait un bond de 5 ans en matière<br />
de digitalisation des économies !<br />
J’ai été épatée par l’agilité et l’audace dont nos<br />
partenaires ont fait preuve pour s’adapter à un<br />
consommateur plongé dans un environnement<br />
de plus en plus numérique. Mobile, réseaux<br />
sociaux, messagerie, tout a été mis en œuvre<br />
pour offrir une expérience optimale leur permettant<br />
d’acheter leur produit en toute simplicité.<br />
Mieux, de se sentir écoutés, rassurés et accompagnés<br />
à toutes les étapes de leur parcours.<br />
Chez Facebook, nous nous sommes mobilisés<br />
chaque jour afin de mettre à profit le potentiel<br />
de nos plateformes et la créativité de nos<br />
équipes pour faciliter cette transition. Nous<br />
avons par exemple travaillé main dans la main<br />
avec l’horloger suisse IWC Schaffhausen pour<br />
mettre au point un dispositif de conseiller<br />
virtuel via un chatbot sur Messenger dans le<br />
cadre du lancement de leur nouvelle collection,<br />
Portugeiser. L’objectif étant de reproduire l’expérience<br />
personnalisée offerte par une boutique<br />
IWC en communiquant directement avec la<br />
Maison. Ce chatbot offrant également la possibilité<br />
de prendre rendez-vous en boutique et d’être<br />
informés de leur réouverture grâce à des notifications<br />
mais surtout d’être parmi les premiers à<br />
découvrir cette nouvelle collection.<br />
RÉENCHANTER GRÂCE<br />
À LA FORCE DE LA MARQUE<br />
Cette digitalisation ne concerne pas uniquement<br />
le parcours d’achat mais également tout<br />
le storytelling qui l’accompagne. Les marques<br />
de luxe ont su se saisir des moyens d’expression<br />
offerts par nos plateformes pour déployer<br />
leur univers de façon inédite et insuffler cette<br />
part de magie auprès de consommateurs qui<br />
étaient très en demande.<br />
Louis Vuitton a par exemple décidé de dévoiler<br />
sa nouvelle collection dans une série de vidéos<br />
Reels sur Instagram. Un contenu original qui<br />
a massivement attiré la communauté de la<br />
marque avec près de 7 millions de vues sur<br />
chacune des vidéos.<br />
Alors que les consommateurs sont à la<br />
recherche de moyens plus immersifs et plus<br />
immédiats pour interagir, les marques comprennent<br />
l’intérêt de réunir l’expérience<br />
d’achat et l’expérience de marque au sein d’un<br />
même point de contact. C’est dans cette perspective<br />
que nous avons lancé les Live Shopping<br />
aux États-Unis et en Asie. D’après une étude<br />
que nous avons menée avec GFK, près de la<br />
moitié (49 %) des acheteurs en ligne sont prêts<br />
à acheter un produit directement depuis le live<br />
vidéo d’une marque, d’une célébrité ou d’un<br />
influenceur. Ces nouveaux formats sont une<br />
opportunité pour le luxe de recréer des expériences<br />
d’exception qui allient à la fois l’univers<br />
de marque et la vente de produits.<br />
ENGAGER GRÂCE À DES<br />
EXPÉRIENCES TOUJOURS PLUS<br />
IMMERSIVES<br />
Et ce n’est que le début ! Cette alliance entre<br />
storytelling et e-commerce peut aller encore plus<br />
loin grâce à la réalité augmentée et virtuelle.<br />
Aujourd’hui, 86 % des consommateurs sont<br />
ouverts à des expériences de marque en réalité<br />
augmentée. Et 63 % indiquent vouloir « essayer<br />
virtuellement des produits confortablement<br />
depuis chez soi ».*<br />
C’est le pari que nous avons fait avec Sephora.<br />
À l’occasion de la sortie de leur premier parfum<br />
Do not drink, nos équipes Creative Shop ont collaboré<br />
avec des créateurs et Sephora pour développer<br />
des filtres en réalité augmentée afin de<br />
mettre en valeur la composition des fragrances<br />
et permettre aux utilisateurs de se projeter dans<br />
leurs différentes ambiances.<br />
Toutes ces contraintes ont été l’occasion pour<br />
les Maisons de luxe de challenger leur créativité,<br />
de bousculer les codes et de se réinventer<br />
dans des propositions novatrices. Cette<br />
épreuve de l’épidémie nous prouve une fois<br />
de plus qu’elles savent traverser les difficultés<br />
de leur époque sans jamais rien perdre de leur<br />
force, ni de leur excellence.
Interview<br />
AU PARFUM<br />
“ LES CENT ANS<br />
du<br />
N°5 ”<br />
COCO POSERA LA PREMIÈRE POUR SON PARFUM. N°5<br />
HABILLERA MARILYN LA NUIT, VOYAGERA AVEC DENEUVE<br />
AUX STATES, OU SUR LA LUNE, ET INSPIRERA BRAD PITT...<br />
RETOUR SUR L’HISTOIRE D’UN CHIFFRE CULTE.<br />
Une des premières<br />
campagnes du N°5<br />
dans la presse, pour<br />
un grand magasin, aux<br />
États-Unis en 1925.<br />
En 2021 le N°5 de Chanel célèbrera son centenaire,<br />
l’occasion de revenir sur le parcours<br />
du parfum N°1 en termes de notoriété ; une<br />
aventure de communication étonnante,<br />
épousant les sinuosités de l’air du temps avec<br />
une aventure privilégiée outre-Atlantique. Thomas du<br />
Pré de Saint Maur, directeur des ressources créatives<br />
Chanel Parfums Beauté, en décrypte les temps forts parmi<br />
des centaines de visuels et films mythiques jusqu’à<br />
aujourd’hui avec Marion Cotillard.<br />
<strong>CB</strong>N : Qu’est-ce qui est le plus important<br />
quand on imagine une campagne pour le N°5 ?<br />
Thomas du Pré de Saint Maur :Peut-être la qualité<br />
des talents, mais c’est sans doute un présupposé. Le 5<br />
est tellement référent que l’exercice est compliqué. Pour<br />
Chanel, il faut à la fois une logique de rigueur, de tenue,<br />
avec des règles et en même temps quelque chose qui<br />
parle de liberté avec spontanéité. L’ordre libre et la règle<br />
qui libère. L’équation sur le 5 : une image d’une grande<br />
beauté avec tenue et en même temps laisser vivre un univers<br />
féminin très vivant.<br />
<strong>CB</strong>N : Il y a le paradoxe d’un parfum sensuel<br />
et d’un flacon sobre, épuré ?<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Ce paradoxe de la<br />
règle et de la liberté est une équation intenable : l’épure<br />
absolue et un foisonnement d’émotions. Il faut tenir les<br />
deux, parler d’une extrme sensualité avec le acon le<br />
plus rigoureux du monde et un numéro qui n’a aucune<br />
histoire, juste entre le et le . Quand le sort, on<br />
quitte une époque narrative, et arrive quelque chose<br />
de complètement nouveau comme s’il était le premier<br />
parfum du XX e siècle.<br />
<strong>CB</strong>N : Après le lancement, les premières<br />
réclames arrivent vite, mais surtout aux<br />
États-Unis.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Oui, les premières<br />
réclames ont été faites pour les États-Unis, ce marché a<br />
été un grand levier de développement pour les parfums<br />
Chanel. La distribution était à l’époque très en avance<br />
avec les grands magasins et le N°5 a pris un essor spectaculaire.<br />
Dans cette logique de marché, il était évident<br />
de faire de la pub.<br />
<strong>CB</strong>N : Un premier tournant, c’est Gabrielle<br />
Chanel assurant la promotion du N°5.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Coco Chanel s’invite<br />
en photo. Il y a déjà l’intuition de ce que le parfum vend<br />
un style de vie on sort de l’objet. On passe de l’idée<br />
d’un artisan parfumeur à, tout d’un coup, une marque.<br />
On va projeter une vision du monde qui s’applique à<br />
d’autres choses et d’abord au lifestyle, c’est un point<br />
pivot. La photo a été intuitivement pensée comme un<br />
instinct pour rendre désirable le produit. Il faut propo-<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 110 . Spécial LUXE 2020
Interview au parfum<br />
“ On passe de<br />
l’idée d’un artisan<br />
parfumeur à<br />
une marque. On<br />
va projeter une<br />
vision du monde<br />
qui s’applique à<br />
d’autres choses<br />
et d’abord au<br />
lifestyle. ”<br />
Thomas du Pré<br />
de Saint Maur est<br />
directeur général des<br />
ressources créatives<br />
parfums beauté et<br />
horlogerie joaillerie<br />
de Chanel.<br />
ser quelque chose d’immatériel, de plus projectif. Tout<br />
d’un coup on s’écarte du seul produit, on ouvre l’imaginaire.<br />
On va préférer un produit plus qu’un autre parce<br />
que son univers est ultra désirable.<br />
<strong>CB</strong>N : Et puis arrivent les mannequins<br />
célèbres.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : D’abord Marie-Hélène<br />
rnaud, c’est la fille en Chanel. vec Suzy Parker, il<br />
y a dans cette image des éléments qui vont devenir marquant<br />
pour le futur de la pub : la vie s’intensifie. Il y a<br />
un côté plus star, plus célébrité. La campagne introduit<br />
le rêve, la féérie. Un bal, deux chevaliers servants et la<br />
femme fait son entrée dans le monde. C’est une photo<br />
d’Avedon avec une image très café society des années<br />
, c’est une queue de comète dans son travail, là on est<br />
en . C’est l’intensification de ce que le luxe donne<br />
à vivre après le chemin prendra une autre voie. li<br />
Mac Graw arrive en . Le style est très nature et se<br />
découvre une forme d’intimité que l’on retrouvera plus<br />
tard avec Catherine eneuve, il y en a déjà tous les ferments,<br />
et c’est comme si le décor ne comptait plus. La<br />
campagne pour le bain est contextualisée, mais il n’y a<br />
pas de distance, il y a une vraie intimité, Ali Mac Graw<br />
se livre de façon très nue, pas uniquement physique,<br />
mais ce n’est pas pour autant familier. C’est une règle<br />
de base chez Chanel.<br />
se déploie et c’est le génie dans la bouteille, ultra<br />
sensuel. La femme remplace le parfum, le flacon<br />
devient aussi important que l’égérie.<br />
<strong>CB</strong>N : Et il y a toute la saga Deneuve aux<br />
États-Unis.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : C’est une aventure<br />
magistrale dans la durée, de à . u-delà de<br />
la beauté, on fait parler la femme derrière la star, c’est<br />
elle en tant que femme. L’émotion s’écrit avec des dialogues<br />
assez incroyables et, au fil du temps, se découvre<br />
un changement de la stature de Catherine eneuve.<br />
<strong>CB</strong>N : C’est une période ou le 5 n’était pas<br />
numéro 1…<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Avec Deneuve le 5<br />
redémarre, mais aussi à l’époque, arrivèrent de sérieux<br />
concurrents dont Opium puis plus tard Poison. Ce qui<br />
est passionnant, c’est ce qui se passé en même temps<br />
avec le magazine « Seventeen». Chanel incarnait le luxe<br />
absolu, il y a eu en parallèle la volonté de rajeunir la<br />
cible avec une communication qui n’a rien à voir avec<br />
l’autre. Une com’ fondamentalement lifestyle (alors<br />
que l’autre s’en éloigne avec Deneuve) et cela a duré 20<br />
ans (-). es photographes connus (vedon)<br />
ou moins connus ont composé un style Gap avant Gap,<br />
Gucci avant Gucci. Les premières datent de , en<br />
mme temps que Suzy Parker. Toutes les campagnes<br />
ont des claims différents. L’aventure débute en noir et<br />
blanc avant le passage à la couleur dans les années .<br />
Les campagnes s’arrêtent en 1977 et ont bien participé<br />
au succès du aux tats-Unis.<br />
PHOTO : © CHANEL.<br />
<strong>CB</strong>N : Les années 60 font bouger le 5.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Avec Lauren Hutton<br />
on se saisit de la culture du Swinging London. Dans<br />
une photo très mode Avedon a capté quelque chose de<br />
vivant mais au final la réalisation est aussi tenue, il y a<br />
la barre graphique qui traverse. Et si l’image est assez<br />
maîtrisée il y a aussi la liberté ; c’est l’équation. Avec<br />
elmut ewton en , c’est toujours la féminité qui<br />
<strong>CB</strong>N : L’histoire du N°5 est très particulière<br />
aux États-Unis.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Avant-guerre le 5<br />
était déjà présent, ensuite au moment de la guerre les<br />
GI font la queue pour l’acheter. Arrive après la petite<br />
phrase de Marilyn, l’étui au MOM () et enfin les<br />
sérigraphies de arhol (). C’est comme s’il y avait<br />
une formule magique qui associe le N°5 aux États-Unis.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 111 . Spécial LUXE 2020
Interview au parfum<br />
1<br />
3<br />
4<br />
2<br />
<strong>CB</strong>N : L’arrivée de Karl Lagerfeld est un<br />
nouveau tournant.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : En la mode<br />
revient avec un style très codé. Le luxe s’internationalise,<br />
la cible est plus large, il faut que la marque soit plus<br />
repérable avec sa signalétique. On sent l’encodage des<br />
marques dans les années . vec ces nouvelles images<br />
on entre dans la démonstration d’une forme de pouvoir<br />
féminin, il y a une mise en scène d’une « empowered<br />
woman » avec Carole Bouquet. Figurent tous les signes<br />
de la puissance (masculine), la femme conduit la Ferrari,<br />
l’émancipation financière, sexuelle<br />
<strong>CB</strong>N : Un peu dans l’air du temps ?<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Oui mais l’idée du<br />
c’est : comment je surfe sur ce qui est à l’uvre<br />
dans mon époque pour dire qui je suis. Comme li<br />
Mac Graw faisait le lien avec un période un peu hippie,<br />
ici la femme a du pouvoir avec des codes : tailleur,<br />
épaules marquées, gourmette avec charms. Et puis,<br />
toujours avec Carole Bouquet, il y a une évolution vers<br />
des images plus sensuelles moins dans l’affirmation<br />
d’un pouvoir presque « viril ». Toute cette période, on<br />
pousse les curseurs, on arrive dans une logique où on<br />
commence à saturer les choses.<br />
Fin des années 90 arrive le petit chaperon rouge, une<br />
campagne assez explicite, au-delà du sexuel. vec la<br />
métaphore du loup, le conte est poussé à l’extrme de<br />
la licence. Avec Besson on décolle du réel et on retourne<br />
à un univers onirique alors que Ridley Scott avec Carole<br />
Bouquet composait un univers ultra cinématographique<br />
d’un monde saturé de luxe. Ici on se sert d’un élément<br />
culturel universel comme une parabole.<br />
Puis, avec Jean Paul Goude, c’est la sanctuarisation<br />
du produit, mais le acon se renverse, de faon un peu<br />
sacrilège.<br />
<strong>CB</strong>N : Dans les années 2000 les égéries stars<br />
prennent le pouvoir.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Avec Nicole Kidman,<br />
c’est l’avènement d’un nouveau monde : hyperréalisme,<br />
hyper cinématographie, hyper codification de<br />
la marque. La femme la plus célèbre du monde porte<br />
Dans les années<br />
2000, la publicité<br />
devient un objet,<br />
on lance la pub<br />
comme si on<br />
lançait un nouveau<br />
parfum ; les pubs<br />
deviennent<br />
des films.<br />
le parfum le plus célèbre du monde. Tous les curseurs<br />
sont poussés. ans une esthétique très Baz Luhrmann<br />
(« Moulin Rouge »), la publicité devient un objet, on<br />
lance la pub comme si on lançait un nouveau parfum ;<br />
les pubs deviennent des films.<br />
<strong>CB</strong>N : Ensuite une pub absolument<br />
étonnante avec Brad Pitt.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : L’idée est formidablement<br />
intéressante, si le N°5 incarne la féminité, faire<br />
parler un homme de l’incarnation du parfum au féminin<br />
est une idée de génie. Une campagne sans doute en<br />
POTOS: R.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 112 . Spécial LUXE 2020
Interview au parfum<br />
6<br />
8<br />
5<br />
9<br />
10<br />
7<br />
1937. Coco Chanel,<br />
par François Kollar.<br />
1961. Avec Suzy<br />
Parker, par Richard<br />
Avedon.<br />
1966. Ali MacGraw,<br />
par Jérôme Ducrot.<br />
1968. Lauren<br />
Hutton, par Richard<br />
Avedon.<br />
1971. Ali MacGraw,<br />
par Jérôme Ducrot.<br />
1971.<br />
Jean Shrimpton,<br />
par Helmut Newton.<br />
1973. Catherine<br />
Deneuve, par Richard<br />
Avedon.<br />
1975, avec le magazine<br />
« Seventeen », une<br />
com’ fondamentalement<br />
lifestyle.<br />
1997. Carole<br />
Bouquet, par Patrick<br />
Demarchelier.<br />
1999. Estella Warren,<br />
par Luc Besson.<br />
avance, mais peut-être pas avec la maîtrise absolue en<br />
termes d’exécution L’épure allait vers quelque chose<br />
d’inquiétant dans un univers très gris. Cette idée formidable<br />
aurait pu être un coup de maître, elle continuera<br />
à faire parler, c’est « inévitable ».<br />
<strong>CB</strong>N : En 2013, Marylin revient.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Brad Pitt était au<br />
masculin ce que Marilyn est au féminin à des époques<br />
différentes. Entendre la vraie voix de Marilyn qui<br />
confirme à Georges Belmont qui l’interviewe, qu’elle<br />
a prononcé cette phrase On a trouvé cette interview<br />
quand on a fait des recherches sur le 5, c’est fabuleux.<br />
<strong>CB</strong>N : Retour à la modernité ensuite avec<br />
Gisele Bündchen.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Gisele est dans la<br />
mme veine que la campagne avec udrey Tautou, à<br />
savoir faire émerger quelque chose d’une relation à soimême,<br />
une femme engagée sur des choix importants,<br />
une femme convoquée par l’homme qui la confronte à<br />
un choix. C’est l’antithèse de la pub avec Kidman, elle ne<br />
renonce pas, elle y va. C’est aussi un film de Baz Luhrmann,<br />
mais on sent l’encodage Chanel, il y a du 5 partout.<br />
On voit une forme d’opposition assez intéressante, elle<br />
réussit tout, a tout accompli, doit encore faire des choix<br />
et fait le bon.<br />
<strong>CB</strong>N : Après on découvre une nouvelle<br />
facette du 5.<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Le changement est<br />
radical, le lancement de l’eau s’adresse à un public plus<br />
jeune d’où le choix de Lily Rose epp. Cela résonne avec<br />
la jeune génération multi facettes. Le « ou know me and<br />
you don’t » parle d’une jeunesse d’esprit.<br />
<strong>CB</strong>N : Enfin, le 5 arrive sur la lune…<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : Pour les 100 ans du<br />
, produit de luxe, il y a eu une volonté de revenir à<br />
quelque chose de sophistiqué, à l’essence du parfum.<br />
Il semblait stratégique et pertinent de repartir vers le<br />
symbolisme plutt que l’hyperréalisme. Repasser dans<br />
un univers onirique avec la capacité de rêve. Les rêves<br />
les plus incroyables vont devenir réels, une rencontre<br />
sur la lune et puis un retour sur terre avec la danse.<br />
Il s’agissait d’une campagne pour la fin de l’année la<br />
lune, la neige sont des univers oniriques parfaits. La<br />
lune est symbole d’un nouveau cycle, de renouveau.<br />
Ainsi, ohan Renck, le réalisateur, a proposé la lune.<br />
<strong>CB</strong>N : La robe ?<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : La robe que Coco<br />
Chanel portait dans la photo de Cecil Beaton a été refaite<br />
par Virginie Viard pour Marion Cotillard. Le print<br />
donne une image très sophistiquée dans des tons dorés,<br />
mais figure la barre noire. C’était important de repositionner<br />
le 5 comme quelque chose d’ultra symbolique.<br />
<strong>CB</strong>N : Le plus important dans le choix<br />
d’une égérie ?<br />
Thomas du Pré de Saint Maur : L’envie de travailler<br />
avec elle ; une pub, c’est une aventure humaine. Je crois<br />
aux publicités heureuses.<br />
Recueilli par ANTIGONE SCHILLING<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 113 . Spécial LUXE 2020
Survie<br />
Hôtels restaurants<br />
LAGUERRE<br />
DES ÉTOILÉS<br />
SERVICES, QUALITÉ,<br />
INNOVATIONS SONT AU<br />
CŒUR DE LA RÉSILIENCE<br />
POUR LES HÔTELS ET<br />
RESTAURANTS ÉTOILÉS.<br />
LEURS RECETTES POUR<br />
SORTIR DE CETTE CRISE.<br />
C’est sans doute l’une des plus<br />
grandes victimes collatérales<br />
du Coronavirus : le secteur de<br />
l’hôtellerie-restauration est fortement<br />
touché par la pandémie.<br />
« Et les palaces, hôtels et restaurants<br />
étoilés tout particulièrement,<br />
puisqu’ils dépendent en très<br />
grande majorité d’une clientèle internationale qui a disparu<br />
depuis des mois, explique Leslie Johns fondatrice,<br />
de Pitaya Group, spécialiste depuis 7 ans de la création de<br />
concepts d’hospitality. Certains ont des taux d’occupation<br />
tombés jusqu’à 10 %, beaucoup n’ont pas rouvert après le<br />
premier confinement, d’autres ne rouvriront sans doute<br />
jamais même s’ils sont situés près des Champs-Elysées…<br />
Mais, nombreux ont été ceux à avoir très vite trouvé des<br />
solutions totalement inédites, inimaginables avant cette<br />
crise. Oui, ces grandes maisons, ces paquebots aux centaines<br />
de salariés se sont réinventés, se sont adaptées<br />
et ont innové !». Dans l’hôtellerie, un principe voudrait<br />
qu’il faille 12 expériences positives pour effacer dans<br />
l’esprit du client un souvenir négatif. Or, si 2020 ne sera<br />
(bientt ) plus qu’un très mauvais souvenir pour tout<br />
le monde, les établissements de luxe, les grandes tables<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 114 . Spécial LUXE 2020
Enquête: survie<br />
L’hôtel Crillon propose<br />
cornets, glaces et<br />
gauffres place de La<br />
Concorde dans son<br />
camions à glaces.<br />
Ci-dessous, cocktail sur<br />
le rooftop du Crillon.<br />
“ LA CHAMPAGNE<br />
OU LA NORMANDIE<br />
SONT DEVENUES DES<br />
DESTINATIONS DE<br />
VACANCES DE LUXE. ”<br />
JULIA BARY,<br />
GRAND LUXURY GROUP.<br />
PHOTOS : © GERALDINE MARTENS.<br />
et les palaces ont déployé des trésors de bonnes idées et<br />
d’expériences positives. L’avenir est donc à ceux qui ont<br />
osé. « La priorité pour beaucoup a été de remettre le client<br />
au centre et de ne pas s’activer uniquement à rattraper<br />
le chiffre d’affaires perdu en remontant des prix déjà<br />
élevés », ajoute Leslie Johns. La solution n’a quasiment<br />
jamais été de retirer des services (buffets, voituriers,<br />
bagagistes, conciergerie, spa fermé) en gonant ou en<br />
conservant des tarifs de luxe. Au contraire, le luxe aura<br />
plutt été de modifier les pratiques sans que les clients en<br />
pâtissent ou s’en aperçoivent…<br />
« Les premières mesures sanitaires n’étaient pas très glamour,<br />
mais les hôtels et palaces ont rebondi en étant très<br />
créatifs », ajoute Julia Bary général manager d’un autre<br />
spécialiste de l’hôtellerie, Grand Luxury Group. Cet été<br />
le Meurice a ainsi proposé des massages en chambres,<br />
plutôt qu’au sein du spa. Le Plazza Athénée a été l’un des<br />
premiers palaces à lancer la livraison à domicile de ses<br />
plats. Le Brach a transformé certaines de ses suites en<br />
salles de réception ou de restauration pour dispatcher<br />
la clientèle et garantir la distanciation physique. Le Crillon<br />
a proposé une offre de camion glacier place de la<br />
Concorde. Le Berkeley à Londres a mis ses barmen à vélo<br />
pour livrer des cocktails aux domiciles des Londoniens<br />
confinés. « Entre les deux confinements les palaces ont<br />
imaginé des offres inédites de « staycations » (vacances<br />
à la maison LR) avec - sur le prix de la chambre<br />
réservée pour les enfants et ont choyé ces jeunes clients<br />
en décorant leurs suites avec des tipis et des cabanes ou<br />
en leur prêtant des mini Range Rover pour se promener<br />
dans leurs jardins, ajoute Julia Bary. Et puis ils ont aussi<br />
permis aux Français et aux locaux de redécouvrir des<br />
régions ou des lieux qu’ils ne connaissaient plus vraiment.<br />
La Champagne ou la Normandie sont devenues<br />
des destinations de vacances et d’expériences de luxe.<br />
Pourquoi aller au bout du monde quand on peut aussi<br />
se faire chouchouter, s’évader, rêver et se fabriquer de<br />
bons souvenirs en France » Le Bristol a invité les Parisiens<br />
à passer le week-end à l’hôtel pour découvrir les<br />
charmes d’un Paris luxueux qu’ils ignoraient jusque-là.<br />
Partout en France, les restaurants étoilés ont proposé<br />
la vente à emporter et ou les livraisons à domicile et en<br />
entreprises. Sur les réseaux sociaux grands chefs comme<br />
palaces ont ouvert leurs coulisses, inventé des tutoriels<br />
de déco, dévoilé leurs recettes fétiches, lancé des e-magazines.<br />
« Nous avons fait des choses pour sortir de cette<br />
crise que nous n’aurions jamais faites en temps normal,<br />
explique Gérald Krischek, directeur général du Prince de<br />
LESLIE JOHNS<br />
est fondatrice de Pitaye<br />
Group : “ La priorité<br />
pour beaucoup a été de<br />
remettre le client au centre<br />
et de ne pas s’activer<br />
uniquement à rattraper le<br />
chiffre d’affaires perdu en<br />
remontant des prix déjà<br />
élevés ”.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 115 . Spécial LUXE 2020
Enquête: survie<br />
Cocktails à domicile<br />
pour les Londoniens<br />
confinés grâce à l’hôtel<br />
Berkeley, à Londres,<br />
grâce à ses barmen<br />
à vélo.<br />
“ AUJOURD’HUI<br />
NOUS DEVONS DIRE<br />
À NOS CLIENTS QUE<br />
LE BONHEUR SE<br />
COMMANDE…<br />
EN LIVRAISON À<br />
DOMICILE<br />
OU À EMPORTER ! ”<br />
RAMON MAC CROHON,<br />
GROUPE KASPIA.<br />
GÉRALD KRISCHEK<br />
est directeur général du<br />
Prince de Galles : “ Nous<br />
avons fait des choses pour<br />
sortir de cette crise que<br />
nous n’aurions jamais faites<br />
en temps normal : nous<br />
avons mis notre carte sur<br />
Deliveroo (...) ”.<br />
Galles. Nous avons mis notre carte sur Deliveroo, ce qui<br />
a finalement permis aux gens du quartier de nous découvrir.<br />
Nous avons lancé notre e-boutique sur laquelle<br />
nous vendons objets, cadeaux de Noël, livres, souvenirs.<br />
Honnêtement, je n’étais pas très enclin à de telles offres<br />
avant cette crise, mais le monde a changé et pour continuer<br />
d’exister nous devons répondre à cette demande.<br />
De cette crise émerge aussi du positif, nous devons saisir<br />
ces opportunités. Être actifs dans ce “ new normal ”. Plus<br />
les hôtels, les restaurants s’y mettront, plus Internet présentera<br />
des offres variées et diversifiées et plus il ressemblera<br />
(virtuellement) aux rues de nos villes<br />
Les services, l’humain : plus<br />
que jamais bichonner le client<br />
« La situation est difficile, mais nous nous sommes<br />
sentis un peu plus armés à l’annonce du second confinement,<br />
explique André Terrail propriétaire de la<br />
Tour d’rgent. En mars notre premier réexe a été de<br />
garder le contact avec nos clients qu’en général nous<br />
connaissons très bien. Nous les avons appelés, leur<br />
avons envoyé des textos pour prendre de leurs nouvelles,<br />
comme nous le faisions avec nos proches, c’était<br />
naturel. Puis, nous avons nous aussi lancé des offres<br />
qui n’existaient pas auparavant comme la livraison<br />
dans toute l’Europe de canards frais Burgaud. Les produits<br />
de notre boulangerie ou les plats de la rôtisserie,<br />
restées ouvertes, sont désormais livrés dans toute l’Îlede-France.<br />
Nous avons proposé une offre de glacier<br />
cet été. » Entre les deux confinements, le restaurant a<br />
aussi imaginé un service traiteur « la Tour chez vous ».<br />
Les clients pouvaient choisir en ligne un menu en indiquant<br />
la date et le nombre de convives et réserver ainsi<br />
une table mais… chez eux ! Et un chef et des serveurs<br />
se déplaçaient à domicile. « Nous ne devons<br />
pas attendre que la tempête passe, mais apprendre<br />
à danser sous la pluie, explique Ramon Mac Crohon,<br />
directeur général du groupe Kaspia. Certains<br />
cherchent ou attendent le bonheur. Aujourd’hui<br />
nous devons leur dire qu’il se commande… en livraison<br />
à domicile ou à emporter ! ».<br />
Pour le groupe hôtelier Pariente au positionnement de<br />
« petite » maison de luxe, très raffinée et proche de ses<br />
clients, c’est l’humain qui reste au cœur de la réponse.<br />
« Le maître mot pour sortir de cette crise, c’est la personnalisation,<br />
expliquent Leslie Kouhana-Pariente,<br />
présidente, Kimberley Pariente, directrice artistique<br />
et Guy Bertaud, directeur général de Maisons Pariente<br />
(Le Coucou à Méribel, Lou Pinet à Saint-Tropez, Crillon<br />
le Brave dans le aucluse). Bien sr il a fallu se mettre<br />
aux nouvelles normes sanitaires, mais nous sommes<br />
allés encore plus loin dans l’ultrapersonnalisation de<br />
nos offres et services. Chez nous les clients peuvent<br />
tout choisir : où ils veulent s’asseoir au restaurant, dans<br />
quelle chambre séjourner mais aussi comment ou par<br />
qui ils veulent être servis. La liberté de choix est aussi<br />
un luxe aujourd’hui. Il ne s’agit pas de retirer du choix<br />
face à cette crise, mais d’en ajouter ». Plus d’espace<br />
dans les établissements, plus de titres de presse disponibles<br />
en téléchargement, plus de repas pouvant être<br />
servis en chambre, plus de liberté dans le check in et<br />
le check out en ligne, plus de contenants individuels et<br />
sécurisés quand les buffets de petits-déjeuners seront à<br />
nouveau possibles, etc. « Et l’humain c’est aussi garder<br />
cote que cote le lien avec nos clients d’affaires, événementiels<br />
et étrangers, ajoutent les dirigeants de Maisons<br />
Pariente. Nous sentons déjà qu’ils ont très envie<br />
de revenir dans nos établissements. » La France offre<br />
des prestations étoilées sres, haut de gamme, gastronomiques<br />
et tellement variées que la destination reste<br />
unique au monde. Cette attractivité ne disparaîtra pas.<br />
« Nous avons conscience ici aussi, que le premier luxe<br />
c’est d’être résident à Monaco, où malgré des mesures<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 116 . Spécial LUXE 2020
«J’ai appris que le courage n’est pas l’absence<br />
de peur, mais la capacité de la vaincre.»<br />
Nelson Mandela<br />
Valentin, Manon #lavietriomphetoujours
Enquête: survie<br />
Un panier repas à<br />
emporter du chef Alan<br />
Geaam, partenaire de<br />
Cook and Com.<br />
À droite, une patisserie<br />
de la Tour d’Argent<br />
que le restaurant peut<br />
désormais livrer.<br />
“NOUS AVONS IMAGINÉ<br />
AVEC LE CHEF DOUBLEMENT<br />
ÉTOILÉ MICHEL TRAMA<br />
UN FOODTRUCK ET DES<br />
SOLUTIONS DE PANIERS<br />
REPAS À EMPORTER. ”<br />
AXEL HOPPENOT<br />
est directeur marketing de<br />
la Monte Carlo - Société<br />
des Bains de Mer :“ toutes<br />
ces nouvelles mesures (...)<br />
deviendront des services<br />
supplémentaires gages de<br />
notre qualité et de notre<br />
savoir-faire ”.<br />
SONIA DUPUIS, COOK AND COM.<br />
strictes, et un couvre-feu, nous n’avons pas été reconfinés,<br />
explique Axel Hoppenot, directeur marketing de la<br />
Monte Carlo-Société des Bains de Mer (hôtels, casino,<br />
restaurants). La vie culturelle, artistique, commerciale<br />
continue, c’est une chance. Les récentes annonces de<br />
l’arrivée d’un potentiel vaccin dès 2021 nous redonnent<br />
aussi beaucoup d’espoir. Et toutes ces nouvelles mesures<br />
et nouveautés mises en place depuis des mois ne<br />
sont pas vaines. Elles resteront, deviendront des commodités<br />
et des services supplémentaires gages de notre<br />
qualité et de notre savoir-faire. Dans cette crise, on s’est<br />
encore améliorés et nos clients le savent. » Le moment<br />
venu, ils n’en seront que plus reconnaissants !<br />
Plus atypique chez les étoilés, l’agence Cook and Com’<br />
– qui propose depuis 8 ans, des buffets animés exclusivement<br />
par des chefs étoilés lors d’événements très<br />
haut de gamme, a totalement réinventé son offre pour<br />
survivre à cette crise. Et, permettre aussi aux grands<br />
chefs français de traverser la tourmente en se réinventant.<br />
Quand la situation le permet (dans le respect des<br />
règles sanitaires), des paniers repas peuvent être livrés<br />
aux salariés restés en entreprise ou à chaque télétravailleur<br />
à domicile lors de visioconférences (Comex,<br />
Codir, réunions virtuelles d’affaires, etc.) en version déjeuner,<br />
petit-déjeuner, apéritif dînatoire, etc. Plus d’une<br />
centaine d’opérations ont été organisées entre les deux<br />
confinements dans toute la France. « ous avons aussi<br />
mené pendant les confinements la campagne So Far So<br />
Good sur les réseaux sociaux, explique Sonia Dupuis<br />
la fondatrice de Cook and Com. os chefs partenaires<br />
assuraient des ateliers culinaires en ligne, souvent<br />
avec leurs enfants et en famille, ce qui a contribué à les<br />
désacraliser et à leur conférer une nouvelle image plus<br />
accessible et sympathique. À l’annonce du deuxième<br />
confinement nous avons imaginé avec le chef doublement<br />
étoilé Michel Trama un foodtruck et des solutions<br />
de paniers repas à emporter. La solidarité dans l’univers<br />
de la gastronomie est immense et réciproque à tous les<br />
niveaux, ce n’est pas anecdotique. ous prenons soin<br />
les uns des autres, petits et grands, étoilés ou non. » La<br />
solidarité, c’est ce qui permettra au secteur de se relever<br />
plus vite de ce cataclysme.<br />
« Cette année nous a prouvé que nous étions capables<br />
de nous réinventer, d’être agiles et de nous adapter,<br />
ajoute André Terrail. Paris restera impacté durement et<br />
longtemps par cette crise. Certains de nos clients parisiens<br />
ont définitivement déserté la capitale, le tourisme<br />
ne redémarrera que très lentement, il nous faudra sans<br />
doute au moins deux ans pour retrouver notre clientèle<br />
internationale. Mais nous sommes une grande maison<br />
solide, nous survivrons. C’est nettement plus dur pour<br />
nos confrères mais nous nous serrons les coudes, idem<br />
avec les prestataires, les partenaires. Tous, nous avons su<br />
nous réinventer et innover très vite. Dans les mois à venir<br />
La Tour D’argent comptera encore sur la boulangerie, la<br />
rôtisserie, notre e-boutique, l’épicerie pour mettre à disposition<br />
de beaux produits (sauces, foies gras, canards<br />
maturés). os équipes, personnes dans le groupe au<br />
total, peuvent tre fières de tout ce qu’elles accomplissent<br />
pour affronter cette crise ». Un combat mené avec dignité,<br />
courage et élégance <strong>Luxe</strong> oblige.<br />
SOPHIE STADLER<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 118 . Spécial LUXE 2020
«J’ai appris que le courage n’est pas l’absence<br />
de peur, mais la capacité de la vaincre.»<br />
Nelson Mandela<br />
Marie, Maud, Ingrid, Isabelle, Tiffany, Jolie, Fabrice, Nina #lavietriomphetoujours
Enquête<br />
INSPIRATIONS<br />
Parfums de niche<br />
SORTIR DES<br />
senteurs battues<br />
COMMENT<br />
LAISSER UN SILLAGE<br />
EXCEPTIONNEL POUR<br />
SE DISTINGUER ?<br />
PROPOSITIONS<br />
POUR CONJUGUER<br />
SA FRAGRANCE AU<br />
SINGULIER.<br />
arfums d’auteurs, histoires atypiques,<br />
matières d’exception… la<br />
parfumerie dite de niche se révèle<br />
tout terrain et affiche une belle<br />
croissance. Réponse à des envies<br />
de consommateurs véritables amateurs<br />
ou pour ceux qui veulent se<br />
différencier, la niche offre pléthore<br />
de propositions, mais n’incarne pas<br />
forcément la panacée.<br />
Échapper aux<br />
classiques<br />
Envie de sentir le garage, l’encre,<br />
l’immortelle, le cannabis… ? Sortir<br />
des sentiers battus peut être le<br />
credo d’amateurs, de curieux optant<br />
pour la singularité. Les marques<br />
En haut, Azahar de<br />
Voyages imaginaires<br />
(Isabelle Doyen et<br />
Camille Goutal) vogue<br />
vers l’Espagne et la<br />
fleur d’oranger. À<br />
gauche, Mentha Religiosa<br />
(Roos & Roos),<br />
de Fabrice Pellegrin<br />
autour de la menthe et<br />
de l’encens.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 120 . Spécial LUXE 2020
Enquête : inspirations<br />
PHOTO : © DR.<br />
de niche ne cherchent pas à être<br />
consensuelles, elles échappent aux<br />
briefs en quête du plus grand dénominateur<br />
pour plaire en Europe,<br />
aux États-Unis et dans les pays du<br />
Moyen-Orient. Avec moins d’argent<br />
dans le marketing, pas de pub, ces<br />
marques ont souvent pour atout premier<br />
la qualité (sauf exception) avec<br />
un coût du concentré globalement<br />
plus élevé.<br />
Il est difficile d’avoir une idée<br />
précise de la taille du marché, en<br />
France aux alentours de 8 %, mais<br />
aux États-Unis plus de 10 % du sélectif.<br />
L’offre est de plus en plus pléthorique<br />
: si en 2010, 388 nouveaux<br />
parfums de niche étaient lancés, en<br />
2019 ils sont 1 278 (source Michael<br />
Edwards, Fragrances of the world).<br />
Pour ces marques hors-pistes, le prix<br />
de vente est plus élevé, irtant avec<br />
les 150 € pour un 100 ml et avec des<br />
propositions hyperluxe à plusieurs<br />
centaines d’euros. La croissance<br />
de ce secteur est estimée à deux<br />
chiffres. Le réseau de distribution<br />
aurait environ 3000 points de vente<br />
dans le monde : grands magasins,<br />
boutiques spécialisées (comme Nose<br />
ou Jovoy à Paris) et parfumeries très<br />
sélectives. Le salon Esxence à Milan<br />
(depuis 2009) présente la diversité<br />
de l’offre avec en 2019, 221 marques<br />
présentes (+19 %) et près de 8 000<br />
visiteurs de 77 pays différents. Pour<br />
séduire les consommateurs, certains<br />
ajoutent différentes formes<br />
de personnalisation, étuis (Atelier<br />
Cologne), acons et rubans de couleurs<br />
(Guerlain), variations de compositions<br />
(Ex Nihilo), noms gravés…<br />
Origines<br />
Quand les premières marques<br />
qualifiées par la suite de niche sont<br />
apparues, elles revendiquaient juste<br />
une liberté de création, sans trop de<br />
marketing, sans distinguer un masculin<br />
d’un féminin, sans regarder le<br />
prix de revient et sans la moulinette<br />
des tests consommateurs. Quelques<br />
noms ont préfiguré le phénomène :<br />
Santa Maria Novella dès 1612, Creed<br />
en 1760 ou Penhaligon’s en 1870. De<br />
grandes maisons de parfums comme<br />
Guerlain ou Caron ont conservé une<br />
démarche proche avec en parallèle<br />
des créations plus confiden-<br />
LES PREMIÈRES<br />
MARQUES DE NICHE<br />
REVENDIQUAIENT<br />
JUSTE UNE LIBERTÉ DE<br />
CRÉATION, SANS TROP<br />
DE MARKETING,<br />
SANS DISTINGUER<br />
UN MASCULIN<br />
D’UN FÉMININ...<br />
En haut, Parco<br />
Palladiano de Bottega<br />
Veneta, Musc Tonkin,<br />
Parfum d'Empire<br />
et Replica , Maison<br />
Margiela.<br />
Ci-contre, Liquides<br />
imaginaires. Liquide :<br />
une édition limitée pour<br />
un “ argent liquide ”.<br />
Phantasma, une hallucination<br />
(yuzu, poudre<br />
de riz et bois).<br />
tielles et remarquables. C’est dans<br />
la seconde moitié du XX e siècle que<br />
sont nés la plupart des acteurs. Diptyque<br />
(1968), l’Artisan parfumeur<br />
(1976), Annick Goutal (1981), Nicolaï<br />
(1989), Jo Malone (1994) ont<br />
jeté les bases de l’aventure et Serge<br />
Lutens (1992) lui a sans doute donné<br />
ses lettres de noblesse dans son écrin<br />
des Jardins du Palais-Royal.<br />
Collections de<br />
parfumeurs<br />
Ayant parfois travaillé pour des<br />
marques de niche, les nez sautent<br />
de plus en plus le pas et choisissent<br />
de confronter leur talent personnel<br />
directement avec le public. Francis<br />
Kurkdjian a créé sa maison en 2009<br />
avec son associé, Marc Chaya. Il raconte<br />
: « Je voulais ancrer le parfum<br />
dans mon époque tout en conservant<br />
l’exigence de la tradition… la<br />
qualité sans concession ». Son vestiaire<br />
olfactif se compose aujourd’hui<br />
d’une vingtaine de parfums. Alberto<br />
Morillas a débuté Mizensir avec des<br />
bougies avant de créer ses parfums.<br />
Michel Almairac a imaginé Parlemoi<br />
de parfum. Jean-Michel Duriez,<br />
autrefois chez Patou, s’est lancé sous<br />
son nom. Sonia Constant avec Ella<br />
K utilise des souvenirs de voyages<br />
ainsi Mémoire de Daisen-In. Olivier<br />
Cresp a lancé Akkro, une série d’addictions<br />
autour d‘odeurs de tabac,<br />
de cannabis, de chocolat, d’alcool…<br />
Aurélien Guichard avec Matière première<br />
joue en majeur des ingrédients<br />
mythiques. Isabelle Doyen et Camille<br />
Goutal imaginent leurs Voyages imaginaires<br />
avec des formules 100 %<br />
naturelles.<br />
Des concepts<br />
Avec le temps, le phénomène s’est<br />
amplifié avec des histoires imaginées<br />
parfois avec de vrais professionnels,<br />
mais aussi avec de simples amateurs<br />
plus ou moins bien éclairés et qui<br />
n’ont pas la sagesse de s’entourer<br />
a minima de bons parfumeurs (un<br />
gage de qualité). Le secteur est encombré<br />
et le succès pas toujours à la<br />
clé de lancements météoriques.<br />
De ces marques, il faut retenir<br />
les belles histoires. Comme des<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 121<br />
. Spécial LUXE 2020
Enquête : inspirations<br />
garçons depuis près de 30 ans multiplie<br />
les créations hors sentiers<br />
battus. Frédéric Malle, éditeur de<br />
parfums, donne carte blanche à ses<br />
auteurs ainsi Dominique Ropion,<br />
Pierre Bourdon… The different<br />
Company a débuté avec Jean-<br />
Claude Ellena et continue avec différents<br />
parfumeurs. By Kilian est<br />
l’œuvre au noir de Kilian Hennessy.<br />
Memo (Clara Molloy) a choisi les<br />
voyages et une collection japonisante,<br />
Floraiku. État libre d’orange<br />
d’Etienne de Swardt joue la provocation<br />
et l’humour : Putain des<br />
palaces, Secrétions magnifiques<br />
Parfum d’empire de Marc-Antoine<br />
Corticchiato part à la recherche<br />
d’« empires » sans oublier les senteurs<br />
de sa Corse. The Alchemist se<br />
fonde sur les principes du yin et du<br />
yang. Pierre Guillaume poursuit de<br />
belles aventures dont Parfumerie<br />
générale. Roos & Roos (Chantal et<br />
Alexandra Roos) composent avec<br />
une inspiration en partie musicale :<br />
A Capella, Pale Blue Eyes… sans<br />
oublier un extraordinaire Mentha<br />
religiosa. Liquides imaginaires (Philippe<br />
Di Méo) offre une facette mystique,<br />
ésotérique. Tom Ford, Byredo<br />
de Ben Gorham, Juliette has a gun<br />
de Romano Ricci, Pour toujours de<br />
Martine Denisot, les Bains Guerbois,<br />
Ex Nihilo, Antoinette Poisson<br />
(du nom de la Pompadour) … autant<br />
de propositions diverses. Des<br />
personnalités comme Diane Pernet<br />
ou Carine Roitfeld se frottent aussi<br />
aux parfums.<br />
Les grands groupes ou les fonds<br />
d’investissement voient un grand<br />
potentiel de développement à ces<br />
marques et les rachètent à très bon<br />
prix : Le Labo et Frédéric Malle<br />
par Estée Lauder, Atelier Cologne<br />
par L’Oréal, L’artisan parfumeur et<br />
Penhaligon’s par Puig, Byredo et<br />
Diptyque par Manzanita Capital et<br />
une prise de participation de LVMH<br />
dans Maison Francis Kurkdjian.<br />
Marques de luxe<br />
L’existence de ces niches a<br />
conduit les grandes marques du luxe<br />
à se (re)pencher sur leur propre patrimoine.<br />
Chanel a toujours conservé<br />
des parfums d’exception comme<br />
Cuir de Russie, Bois des îles, point<br />
de départ des désormais Exclusifs.<br />
LES GRANDS<br />
GROUPES VOIENT UN<br />
GRAND POTENTIEL<br />
DE DÉVELOPPEMENT<br />
À CES MARQUES<br />
DE NICHE ET LES<br />
RACHÈTENT À TRÈS<br />
BON PRIX.<br />
À gauche, Fils de<br />
Joie, Serge Lutens,<br />
Parisian Musc, Matière<br />
Première.<br />
Ci-contre, l'originalité<br />
d’une rose au<br />
masculin signée Francis<br />
Kurkdjian sur fond<br />
boisé et ciste ; à cueillir.<br />
En bas, Memo et sa<br />
collection japonisante,<br />
Floraiku.<br />
Olivier Polge a ajouté les derniers<br />
opus : Misia, Boy, 1957 et un Lion<br />
qui rugit superbement. Hermès a<br />
sa belle collection d’Hermessence<br />
signée Jean-Claude Ellena et continuée<br />
par Christine Nagel. Armani<br />
Privé a débuté avec un encens magnifique,<br />
souvenir d’enfance de<br />
Giorgio Armani à l’église. La gamme<br />
s’est enrichie de cuirs et d’une collection<br />
de « pierres ». Les Parfums<br />
Maison Christian Dior ont débuté<br />
avec des Colognes et se composent<br />
aujourd’hui d’une trentaine de parfums<br />
dont un séduisant Spice Blend.<br />
Pour la fin d’année se découvre une<br />
édition éphémère au motif de toile<br />
de Jouy. Replica de Martin Margiela<br />
traduit un concept issu de la mode<br />
autour des notions de temps et d’espace<br />
ainsi By the Fireplace, Chamonix,<br />
1971. Van Cleef & Arpels dans<br />
sa collection extraordinaire met en<br />
avant la qualité d’exception des matières<br />
premières ainsi que Boucheron.<br />
Bulgari, fidèle aux pierres, les<br />
magnifie avec les Gemme. ves Saint<br />
Laurent a opté pour l’idée du Vestiaire<br />
imaginant les icônes du couturier<br />
: Caban, Saharienne… Parco<br />
Palladiano, délicieuse rêverie naturaliste<br />
de Bottega Veneta, parcourt<br />
les jardins des villas palladiennes.<br />
Déjà il y a une quinzaine d’années<br />
Serge Lutens raillait cette terminologie<br />
: « La niche, cela dépend de ce que<br />
l’on met dedans : Médor, Royal parfum…<br />
moi je suis un chien errant et<br />
préférerai la fourrière ! ». Il ajoutait :<br />
« Ce n’est plus une niche, c’est un chenil.<br />
» Si la typologie canine semble<br />
un peu dépassée, elle est néanmoins<br />
(re)connue. Que ce soit des parfums<br />
d’auteurs, des parfums rares, des exclusifs,<br />
ces créations renouent avec<br />
les qualités premières d’une belle<br />
parfumerie. Avec la niche, le choix<br />
ne s’embarrasse pas d’égéries, l’important<br />
demeure ce qu’il y a dans la<br />
bouteille : le parfum.<br />
ANTIGONE SCHILLING<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 122 . Spécial LUXE 2020
Enquête : inspirations<br />
Verbatims olfactifs<br />
CRÉATRICE DE PARFUMS, PARFUMEURS, LES MOTS POUR CERNER LEURS CRÉATIONS.<br />
Marc-Antoine Corticchiato :<br />
Parfum d’Empire est une marque<br />
réellement indépendante, artisanale,<br />
qui aime les partis pris olfactifs.<br />
Avoir une telle zone d’expression<br />
et de liberté totale est une<br />
chance inouïe, un privilège rare.<br />
Aurélien Guichard:<br />
Je ne vois pas Matière Première<br />
comme une marque, mais comme<br />
une maison. Je crée des parfums<br />
structurés autour d’un ingrédient<br />
d’exception qui est central, visible<br />
et palpable.<br />
Alexandra Roos:<br />
Roos & Roos est une maison parisienne,<br />
une histoire de famille, une<br />
histoire de femmes et de transmission<br />
qui s’écrit de mère en fille, une<br />
collection de parfums entre tradition<br />
et rupture.<br />
Quatre jus<br />
récompensés<br />
Comment définiriez-vous<br />
votre marque ?<br />
Chaque année The Fragrance Foundation France<br />
récompense les parfums de niche (cette année<br />
parfumerie d’auteur) par un prix des experts. Pour l’année<br />
2019, dans la catégorie indépendante, un franc-tireur issu<br />
de la mode, Marc-Antoine Barrois avec un éblouissant<br />
Ganymède (Quentin Bisch). Pour les marques affiliées:<br />
Comme des garçons et un beau Copper (Aliénor<br />
Massenet) aux notes vertes, ex aequo avec Eau de<br />
Minthé (Diptyque) de Fabrice Pellegrin. Enfin pour<br />
les grandes marques, l’Atelier des fleurs de Chloé se<br />
distingue avec Herba Mimosa (Amandine Clerc-Marie).<br />
Philippe Di Méo :<br />
Les Liquides Imaginaires ont été<br />
conçus comme un hommage à<br />
l’inépuisable mythologie du parfum<br />
et sont inspirés par le creux des<br />
coupoles à offrandes, les flacons<br />
des apothicaires, les anfractuosités<br />
de la pierre….<br />
Alexandra Roos :<br />
Elle risque de devenir obsolète<br />
même si la taille du marché de<br />
cette parfumerie reste modeste en<br />
comparaison des parfums dits sélectifs<br />
mais le nombre ne cesse de<br />
croître, la concurrence est rude, les<br />
comètes du secteur sont rachetées<br />
par les grands groupes, le terme<br />
se galvaude. Mais le mot niche<br />
m’évoque un abri et ça me plaît.<br />
Marc-Antoine Corticchiato:<br />
Aujourd’hui, la niche ne veut plus<br />
dire grand-chose. Elle devrait être<br />
une prise de risque, une vraie différence<br />
avec la parfumerie sélective. Les<br />
grandes marques du luxe en ont repris<br />
les codes et de nombreuses marques<br />
opportunistes se sont engouffrées<br />
dans cette offre. Le consensuel et<br />
l’uniformisation ont trop souvent pris<br />
le pas sur la créativité.<br />
Philippe Di Méo :<br />
Je ne suis pas un grand fan de cette<br />
terminologie, je lui préfère parfums<br />
rares ou hautes parfumeries,<br />
mais elle a l’avantage d’être une<br />
catégorie identifiée et compréhensible<br />
également à l’international.<br />
Que pensez-vous de la<br />
terminologie marque de niche ?<br />
Aurélien Guichard :<br />
C’est une dénomination qui aujourd'hui<br />
englobe beaucoup de<br />
marques très différentes les unes<br />
des autres. Elle se définit par<br />
la distribution. Il y a des chefsd’œuvre<br />
créatifs et des parfums<br />
plus communs aussi bien dans les<br />
marques confidentielles que dans<br />
de grandes marques.<br />
Recueillis par<br />
ANTIGONE SCHILLING<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 123 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
OBJETS<br />
LUXE<br />
LES CLASSIQUES<br />
COMMENT UN OBJET DEVIENT-IL UN<br />
INCONTOURNABLE, UNE VALEUR<br />
SÛRE ? RÉPONSES À TRAVERS 5<br />
PIÈCES QUE TOUT AMATEUR.TRICE<br />
ÉCLAIRÉ.E DOIT POSSÉDER.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 124 . Spécial LUXE 2020
Focus : objets<br />
Cachemire de la<br />
maison Montagut,<br />
installée en Ardèche<br />
depuis 1840, garante<br />
du tricotage à la<br />
française.<br />
PHOTOS : © MASON MONTAGUT.<br />
Un beau design ne suffit pas pour<br />
durer. Pour traverser les époques,<br />
un objet doit concentrer en lui<br />
des émotions. Des souvenirs,<br />
des émotions collectives, individuelles<br />
qui vont se transmettre<br />
d’une génération à l’autre. Il s’inscrit<br />
dans une lignée, participe<br />
à la construction de sa généalogie et devient lui-même<br />
un mythe. Dès lors que son imaginaire est cultivé par un<br />
récit, il gagne le challenge faustien : il est immortel. On<br />
dirait classique en franais et « subdued » en anglais (tamisé).<br />
Une combinaison entre passé et présent qui ouvre<br />
la voie du futur. Mais qui creuse aussi les aspérités des<br />
classes sociales.<br />
Fil d’origine<br />
Pièce mode sous les aiguilles de Lucien Pellat Finet<br />
qui l’a sorti de son confinement bourgeois, devenu un<br />
basique du vestiaire dès lors que des enseignes comme<br />
Uniqlo ou Monoprix ont démocratisé ses mailles. Revirement<br />
de situation, le cachemire remonte l’échelle du<br />
luxe. Ce fil animal est porté par leurs nouvelles valeurs.<br />
Sa chaleur légendaire est un cocon doux, protecteur, enveloppant<br />
et émotionnel, que s’approprient tous les labels<br />
qui travaillent lifestyle et préciosité. À l’image de Maison<br />
Montagut qui, elle, a la vertu de l’infuser de son histoire.<br />
Installée en Ardèche depuis 1840, cette maison est pionnière<br />
du tricotage à la française avec un savoir-faire synonyme<br />
de qualité et de durabilité. Reprise par Marine et<br />
Nicolas Gros, qui représentent la septième génération<br />
d’artisans fabricants, elle s’enracine dans le passé par des<br />
emprunts subtils de dessins, dans ses archives, et, dans<br />
la modernité en cultivant l’éthique du recyclage. Ainsi,<br />
une de ses collections hivernales est montée dans des fils<br />
récupérés de matières usagées.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 125 . Spécial LUXE 2020
Focus : objets<br />
Menottes Love de<br />
Cartier en or jaune et<br />
rose, l'un des bijoux les<br />
plus vendus au monde.<br />
La collection Writers<br />
Edition de Montblanc<br />
rend hommage<br />
chaque année depuis<br />
1992 à un écrivain.<br />
Cette année, Victor<br />
Hugo.<br />
Signature<br />
Spike Lee écrit ses scénarios au stylo-plume. Pour<br />
s’imprégner des mots de Molière, Shakespeare ou Dumas,<br />
Patrice Chéreau recopiait à la main leurs œuvres.<br />
Parfois plusieurs fois. C’est dire l’importance de l’écriture…<br />
Penser que son usage aurait été balayé par le pianotement<br />
des touches d’une tablette, c’est mésestimer<br />
le pouvoir de l’encre qui continue de jaillir de ces objets<br />
ciselés comme des pièces d’orfèvrerie. Si, autrefois, le<br />
Montblanc exprimait la réussite, il a basculé aujourd’hui<br />
du côté des esthètes qui apprécient autant pour la beauté<br />
calligraphique qu’il induit que pour la petite musique de<br />
sa plume. Ce qui induit un savoir-faire rare, celui que les<br />
maîtres orfèvres et les maîtres sertisseurs se transmettent<br />
depuis la création de la maison en 1906 à Hambourg. À<br />
admirer dans Writers Edition dont le raffinement est<br />
époustouant. Cette collection rend hommage chaque<br />
année depuis 1992 à un écrivain. Après Rudyard Kipling,<br />
William Faulkner… et une seule femme, Virginia Woolf,<br />
elle consacre l’œuvre de Victor Hugo. Soit quatre séries<br />
de stylos billes, de stylos plumes dont le ciselage est un<br />
travail de haute orfèvrerie rare et précieux.<br />
Libertin<br />
En principe, dans le choix des filles, le bracelet vient<br />
en troisième position, après les bagues et les boucles<br />
d’oreilles. Sauf quand il s’agit de cette menotte en or<br />
jaune ou rose signée Cartier. La forme pure et sobre de<br />
Love a été dessinée par Aldo Cipullo à New York en 1969.<br />
En pleine période de libération des mœurs, ce jeune designer<br />
veut alors sceller l’amour éternel. Un symbole à<br />
contretemps ? Pas vraiment. Ce bracelet ciselé de vis et<br />
clos par un tournevis marque une rupture dans la joaillerie.<br />
Il la fait basculer dans la modernité en rompant avec<br />
plusieurs décennies de fioritures chargées, de pièces<br />
statutaires, travaillées à l’extrême. On bascule dans une<br />
joaillerie plus audacieuse, spectaculaire par sa sobriété<br />
et en mouvement sur le corps. insi, Love a une exibilité<br />
au poignet qui cache une technique novatrice de<br />
mise au point. S’il a été voulu mixte, c’est le sexe féminin<br />
qui a fait son succès planétaire et, de lui, l’un des bijoux<br />
les plus vendus au monde. Changement de code, ce qui<br />
ne déplairait pas à son inventeur, porté par le nouvel<br />
engouement des hommes pour les bijoux, il s’affiche<br />
aux poignets masculins, comme un lien qu’on échange,<br />
qu’on partage, plus genderless que jamais.<br />
Emblématique<br />
Récemment, le site Vestiaire Collective a listé les dix<br />
montres les plus bankables selon lui. Parmi elles, quatre<br />
Rolex, trois modèles masculins et un féminin. Et ce n’est<br />
pas parce qu’il y a quelque temps on lui a bêtement collé<br />
PHOTOS : © MONTBLANC. ©CARTIER ©LAZIZ HAMANI.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 126 . Spécial LUXE 2020
Focus : objets<br />
Le sac Birkin est<br />
toujours le sac le plus<br />
vendu chez Hermès<br />
(print de<br />
l’agence<br />
Publicis Etnous).<br />
PHOTOS : © ROLEX – CLAUDE BOSSEL. © STUDIO DES FLEURS POUR HERMÈS.<br />
L'Oyster octogonale<br />
et l'Oyster Perpetual<br />
41, de Rolex, signes<br />
de bon goût et en<br />
tout cas assurance de<br />
longévité.<br />
une image de réussite ou de nouveau riche. Rolex<br />
est l’expression de la perfection horlogère. Fondée<br />
en 1905 par Hans Wildorf, la maison est devenue, à<br />
son décès, une fondation afin de protéger son capital.<br />
Elle est donc restée sans compromission. Outre<br />
que porter une Submariner ou une Oyster est signe<br />
de bon goût, c’est aussi une assurance de longévité.<br />
Longévité de leurs mécanismes, de leurs complications<br />
qui sont capables de remonter le temps sans<br />
jamais freiner. Pérennité de leurs lignes à l’identité, à<br />
l’élégance sobre et intemporelle. Cette philosophie de<br />
garde-temps à la qualité irréprochable les rend addictifs<br />
pour les jeunes générations. Ils ne les portent pas<br />
parce qu’elles représentent un investissement à succès<br />
mais parce qu’elles sont uniques dans leur genre<br />
avec leur qualité validée par chaque génération à<br />
chaque décennie. Soit une réussite emblématique…<br />
Fonctionnelle<br />
Chez Hermès, on ne parle pas de classicisme, mais<br />
de pérennité. Ce qui permet à cette maison d’échapper à<br />
toutes les crises. Ainsi, ce printemps, en pleine tempête<br />
sanitaire mondiale, elle a ouvert des boutiques à Madrid,<br />
Osaka et à Dalian, en Chine. Sans oublier une nouvelle<br />
usine en Ardèche… Avec ses lignes nettes, sans chichis,<br />
minimalistes, le sac Birkin a été le premier it-bag et est<br />
toujours le sac le plus vendu chez Hermès. On pourrait<br />
dire qu’il réassure parce qu’on le connaît, qu’on le reconnaît,<br />
car sa qualité est immuable. On dira plutôt qu’il est<br />
attirant puisque, derrière ses cuirs numérotés et séries<br />
très limitées, il est d’une fonctionnalité idéale. Jane Birkin,<br />
qui l’a conçu en duo avec Jean-Louis Dumas, ne l’a<br />
pas voulu comme un sac show mais comme un cabas<br />
pratique dans lequel on range et on trouve tout. Le Birkin<br />
n’est donc ni un sac de dame ou de fashionata mais<br />
le fourre-tout ultra-beau et ultra-raffiné des filles qui<br />
réussissent, mais qui n’affichent pas leur identité dans<br />
cette réussite. Si on « pintereste » les célébrités qui l’ont<br />
adopté, le collectionne à l’overdose, derrière chacune<br />
se cache une Birkin, une personne vraie, réelle. Le Birkin,<br />
c’est donc l’expression d’un luxe féminin, et on peut<br />
compter sur les doigts d’une main les objets qui le sont<br />
autant que lui.<br />
CATHERINE JAZDZEWSKI<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 127 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
BIEN-ÊTRE<br />
L'ESPRIT<br />
maisons<br />
par CATHERINE JAZDZEWSKI<br />
D'EXCEPTION ON PASSE<br />
À AFFECTIF. LES HÔTELS<br />
SE MÉTAMORPHOSENT<br />
ET ÉPOUSENT L'AIR DU<br />
TEMPS. ON Y FAIT UN<br />
PEU PLUS QUE PASSER<br />
LA NUIT. ON RETROUVE<br />
LA MÉMOIRE OU ON<br />
FAIT UNE EXPÉRIENCE.<br />
4 LIEUX LOIN DES<br />
PALACES.<br />
On sort du décor. On ne dort plus dans la<br />
chambre d’un autre, fût-elle celle d’un<br />
designer à la renommée internationale.<br />
Le mouvement des hôtels signés comme<br />
un mobilier aura bercé les nuits des globetrotters<br />
depuis qu’à Londres, en , Ian Schrager confie<br />
la réalisation intérieure de l’hôtel Anderson à Philippe<br />
Starck. Le gourou français imagine alors pour cette ancienne<br />
fabrique de papiers peints un univers surréaliste<br />
emprunté à Cocteau. Quant à son théâtral spa, il donne<br />
le coup d’envoi de ces temples du bien-être… Dès lors,<br />
tous les hôtels chics de la planète se sont mis à revendiquer<br />
une identité, une signature visuelle bien plus que<br />
l’hospitalité que confort. « Si ces dernières années, le luxe<br />
était lié à l’esthétisme, la situation actuelle a accéléré sa<br />
mutation. Il se métamorphose en une autre forme, plus<br />
incarnée, plus humaine, plus organoleptique, commente<br />
Luca Marchetti du label The Prospectivists. On pourrait<br />
parler de luxe cool, mais c’est un peu réducteur, car cela<br />
ne tient pas compte de son ancrage dans l’intime. Le nouveau<br />
luxe parle de partage, d’affectivité. On y adhère car<br />
il revient à ses fondamentaux, il reète de ce que nous<br />
sommes. N’oubliez pas qu’avant d’être un produit, d’avoir<br />
une valeur matérielle, il est une croyance, il a une aura de<br />
merveille. » Voilà pourquoi les boutiques hôtels, sémantiquement<br />
liés à la consommation, laissent la place aux<br />
« maisons », des lieux à échelle humaine que l’on habite<br />
comme si elles étaient les nôtres, qui sont incarnées par<br />
leurs propriétaires, lesquels proposent à leurs invités de<br />
vivre des expériences. Cela peut être des expériences<br />
artistiques comme celles de la Maison La Minervetta à<br />
Naples, locavores comme la ferme Les Callis de Gordes où<br />
l’on hâle face à un potager en permaculture où l’on cueille<br />
soi-même les herbes et les légumes de son déjeuner. Cela<br />
peut-être des immersions dans la cambrousse profonde<br />
comme avec les Maison Aribert et Céranne. On n’achète<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 128 . Spécial LUXE 2020
Focus : bien-être<br />
Vue spectaculaire<br />
sur l'Estérel de la<br />
résidence d'artistes<br />
Green Galaxie.<br />
PHOTOS : © VILLEROY-DR. © MATTHEW FROST.<br />
La caisse d'escalier<br />
de l'Hôtel Particulier<br />
Villeroy. Une<br />
maison privée de 11<br />
appartements dans<br />
le 8 e arrondissement<br />
de Paris.<br />
plus des rêves, on les vit. Même à Hollywood, puisque<br />
Avi Brosch, le nouveau tycoon de l’hôtellerie de luxe<br />
américaine, ouvre à Los Angeles des maisons privées<br />
qui renouent avec la amboyance de celles des nababs<br />
des années trente, quarante…<br />
Maison privée<br />
Cette demeure du début du XX e siècle a été celle<br />
d’une famille dont le nom est lié à l’art de vivre<br />
à la française. Le passé ne s’efface pas. Dès que<br />
l’on franchit la porte de l’Hôtel Particulier Villeroy, on est<br />
pris, happé par son atmosphère pourtant zéro show off,<br />
sobre, feutrée. Le lieu, qui n’est ni un hôtel, ni un palace,<br />
est empreint de ce luxe classique, presque intemporel<br />
qui rime avec chic et élégance. Cette maison privée se<br />
compose de onze appartements, soit des suites et des<br />
chambres où l’on vous accompagne dès votre arrivée. À<br />
votre service, jour et nuit, nuit et jour, un majordome.<br />
Vous pouvez aussi bien avoir votre table à son restaurant<br />
gastronomique, le Trente Trois, que dîner dans<br />
votre salle à manger. Le bar Jean Goujon renoue avec<br />
l’esprit club privé et sa carte de whiskies japonais est la<br />
plus belle de la capitale, mais réservée aux hôtes du moment…<br />
Le luxe, c’est aussi la mémoire. Se rappeler lors<br />
de votre prochain séjour que vos eurs préférées sont les<br />
pivoines anciennes, que vous préférez le Chasse Spleen<br />
Cuvée 12 plutôt que 14…<br />
Maison brutaliste<br />
Elle a passé toute son enfance dans cette maison de<br />
l’Estérel que son grand-père a voulu à la fin des<br />
années cinquante pour sa grand-mère. Il en avait<br />
alors confié la réalisation à son ami Pierre Paulin. « Ce fut<br />
le premier boulot de Pierre, raconte Jennifer Eymère. Il<br />
s’est inspiré des villas californiennes de Richard Neutra<br />
mais il ne l’a pas achevée, car appelé par d’autres commandes<br />
dont les appartements de l’Elysée. » Cette utopie<br />
architecturale en devient une autre, sociétale, sous<br />
la houlette de cette jeune femme. La maison de famille<br />
devient la base d’un vaste projet consacré à l’écologie.<br />
D’où son nom : Green Galaxie. Soit une résidence d’artistes,<br />
une scène d’événements privés, notamment pour<br />
Vuitton, un lieu de soutien aux savoir-faire locaux, dont<br />
le liège et la céramique, mais aussi une ferme d’agrotourisme.<br />
Cette Green Galaxie Farm cultive exclusivement<br />
le chanvre et c’est dans ses champs que le designer Ora<br />
Ito installera l’an prochain non pas un hôtel mais 60<br />
cabanons. Construite en matériaux bruts et naturels,<br />
habillée de chanvre et de liège, chaque cabane aura bien<br />
sûr un impact environnemental négatif. On pourra aussi<br />
profiter d’un spa et d’une table cannabis.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 129 . Spécial LUXE 2020
Focus : bien-être<br />
Dans le Perche, par<br />
une belle journée<br />
de printemps, une<br />
maison de campagne,<br />
D'Une Île.<br />
Une des quatre<br />
chambres et un détail<br />
du vitrail du lobby<br />
au Collatéral, dans le<br />
cœur d'Arles.<br />
Maison d’art<br />
Avant de devenir cette maison époustou-<br />
ante, inclassable tant elle est unique, ce fut<br />
une église, un cabaret, puis un magasin de<br />
meubles. Anne Laurence et Philippe Schiepan partagent<br />
au moins deux passions, l’art et l’architecture,<br />
ce qui leur a permis d’inventer de toutes pièces cet<br />
htel, le Collatéral, qui propose sur m 2 quatre<br />
chambres, sans oublier une terrasse à ciel ouvert.<br />
utant dire que le lieu a du soufe, qu’il est habité<br />
par le goût entre pierres, béton et bois. Un escalier<br />
sculptural relie les espaces pleins d’espace à vivre et<br />
à dormir où l’on vient faire une pause, se reconnecter à<br />
soi, à son rythme, mais aussi, s’enrichir, s’ouvrir au fil des<br />
happenings et des performances qui peuvent tout à coup<br />
s’improviser. Artistes, musiciens, chorégraphes sont ici<br />
de passage, fut-ce pour quelques heures, comme dans<br />
une résidence. N’oubliez pas que l’on est au cœur de la<br />
vibrante et culturelle Arles… On participe à la création,<br />
on n’est jamais spectateur. Et si on aspire à la tranquillité,<br />
celle-ci n’est jamais troublée, dérangée grâce à la vigilance<br />
pointue des fondateurs, à leur sens de l’hospitalité<br />
et à leur attention des détails.<br />
Maison de campagne<br />
Mais c’est le trou du monde… », voilà ce que l’on<br />
entendait dire voici peu encore à propos du<br />
Perche. Et pourtant c’est dans ce bocage nor-<br />
mand que, depuis, deux, trois ans, le Tout-Paris, quartiers<br />
9 e et 11 e , rachètent d’anciennes fermes dont ils ne gardent<br />
les vieilles façades dans leur jus décrépi et organisent<br />
entre amis des barbecues de viandes en chemise de trappeurs.<br />
Ce qui est l’esprit D’une Île. À quelques encablures<br />
de Nogent-le-Rotrou, Théophile Pourriat et Bertrand<br />
Grebaut, les patrons du restaurant Septime, ont ouvert<br />
ce qu’ils appellent leur « maison de campagne ». Hôtel,<br />
maison d’hôtes, cet ancien ensemble de cinq bâtiments<br />
en pierre du XVII e siècle cultive effectivement l’esprit<br />
de la maison où l’on vient respirer le week-end. Ils l’ont<br />
rénové en dix chambres et une table restaurant. Aux<br />
beaux jours, on déjeune, on dîne sur le haut de la colline<br />
avec vue imprenable sur les prairies une cuisine locale,<br />
durable, basée sur le végétal. Si on passe dans le coin, on<br />
peut y réserver son couvert. Mais surtout ses jolis points<br />
de vue sur la nature, sont privatisables. De quoi organiser<br />
de belles, très belles fêtes…<br />
PHOTOS : © RORY WYLIE. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 130 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
L'ESPRIT DU LIEU<br />
Propriétés prisées<br />
EXCLUSIF<br />
PARTA-<br />
GER<br />
par CATHERINE JAZDZEWSKI<br />
LE PARAÎTRE, L’ACCUMULATION,<br />
LA POSSESSION NE SONT PLUS<br />
DE MISE. DÉSORMAIS, POUR<br />
ÊTRE EXCLUSIF, ON DOIT<br />
PARTAGER, S’EXPLIQUER. SIX<br />
ADRESSES À VISITER POUR<br />
COMPRENDRE.<br />
Tout comme on veut vivre des expériences,<br />
on veut s’approprier<br />
le savoir-faire qui est à l’origine<br />
d’un mécanisme horloger, de<br />
l’assemblage d’un alcool ou<br />
de la création d’un objet, d’un<br />
mobilier. D’où ces lieux dédiés.<br />
Ils ne sont pas des vitrines, mais<br />
des immersions dans l’histoire, la culture des maisons.<br />
Le succès de l’École des Arts Joailliers, initiée par Van<br />
Cleef and Arpels il y a dix ans, son exportation à Dubaï<br />
et à Hong Kong, illustre ce besoin désormais compulsif<br />
de s’approprier l’excellence, non pas pour le vulgariser,<br />
mais pour l’émotion, le frisson que procurent ces<br />
savoirs qui se transmettent d’initiés à initiés depuis des<br />
siècles. S’ils n’ont pas de prix pour les amateurs, ils légitiment<br />
néanmoins ceux-ci. …<br />
PHOTOS : DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 132 . Spécial LUXE 2020
Focus : l'esprit du lieu<br />
La Vitra Haus,<br />
construite par les<br />
architectes Herzog &<br />
de Meuron, à Weilam-Rhein,<br />
dans le<br />
Bade-Wurtemberg en<br />
Allemagne.<br />
Paysage intérieur/extérieur<br />
Après Ilse Crawford, India Madhawi et Raw Edjes,<br />
la Vitra Haus invite pour ses dix ans Charlap Hyman &<br />
Herrero. Le studio américain a créé pour l’éditeur suisse<br />
de mobilier un paysage intérieur luxuriant qui reète<br />
les tensions entre ancien et nouveau, étrange et réel,<br />
et dans lequel les meubles composent une promenade<br />
hommage au cinéma avec ses références à Cocteau et à<br />
Antonioni. Dehors, un jardin de 4 000 m 2 a été planté par<br />
le paysagiste néerlandais Piet Oudlolf, le chef de file des<br />
jardins naturalistes et sauvages à vivaces et à graminées.<br />
Cimaises vénitiennes<br />
Après la mode, la beauté préempte l’art à Venise,<br />
avec la fondation Valmont, voulue par Didier Guillon,<br />
fondateur et président du groupe suisse de cosmétiques.<br />
Esthète et collectionneur, il a acquis sur<br />
le Grand Canal, à Santa Croce, le Palazzo Bonvicini.<br />
Cette demeure de la Renaissance dont il a conservé les<br />
lustres, est la scène d’expositions, et une résidence pour<br />
les artistes qu’il affectionne, comme Aristide Nagean et<br />
Silvano Rubino. Sculptures et photographies, ceux-ci<br />
livrent cette saison dans Venetian Love leurs regards<br />
sur la lagune et ses îles.<br />
Didier Guillon, esthète<br />
et collectionneur, a<br />
acquis sur le Grand<br />
Canal, à Santa Croce,<br />
le Palazzo Bonvicini.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 133 . Spécial LUXE 2020
Focus : l'esprit du lieu<br />
Près de New York. La<br />
Sylvan Rock House,<br />
tout en cèdre, dispose<br />
d'une piscine et d'un<br />
garage abritant une<br />
Aston Martin concue<br />
pour la résidence.<br />
Quartier Général<br />
Décor d’un prochain James Bond ? Sur les rives de<br />
l’Hudson, à une encablure de New York, Aston Martin<br />
coule les fondations de sa première maison privée. Au<br />
cœur d’un parc boisé, cette demeure luxueuse d’une surface<br />
totale de 555m 2 , 4 chambres 4 salles de bain, est<br />
construite en partenariat avec l’agence S3 Architecture,<br />
et s’intègre totalement au paysage avec son cèdre noirci<br />
et ses immenses baies vitrées. Cette Sylvan Rock House<br />
qui reprend le style chic et sobre du constructeur anglais,<br />
privilégie au jacuzzi… le garage. Ses futurs propriétaires<br />
y gareront leurs trois Aston Martin dont une DBX<br />
Onyx Black conçue pour la résidence. Livraison prévue<br />
en 2021 pour un montant de 6,5 millions d’euros.<br />
La création du temps<br />
L’horlogerie suisse a longtemps cultivé le secret. Elle<br />
se met à l’heure de ses collectionneurs en leur ouvrant<br />
enfin ses manufactures. Ce qui rendra ses remontetemps<br />
encore plus précieux. Jaeger-Lecoultre invite<br />
ainsi à l’Atelier d’Antoine, du prénom de son fondateur<br />
Antoine Lecoultre. Outre la visite de ses ateliers<br />
qui datent de 1833, on pourra – avec une certaine<br />
émotion participer à des master classes, s’initier à<br />
la conception d’un modèle, de son mouvement, de sa<br />
complication, et cela sous la direction bienveillante de<br />
ceux qui les créent, ses maîtres horlogers.<br />
L’Atelier d’Antoine<br />
se trouve dans la<br />
Manufacture historique<br />
de Jaeger-Lecoultre<br />
située dans le village du<br />
Sentier, en Suisse.<br />
PHOTOS : FOR ASTON MARTIN-© S3 ARCHITECTURE, COURTESY CORCORAN COUNTRY LIVING. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 134 . Spécial LUXE 2020
Focus : l'esprit du lieu<br />
Le Hennessy X.O.<br />
Club, aux teintes<br />
cognac, à Cognac.<br />
Maître assemblier<br />
Cognac n’étincelle pas comme Versailles. Mais telle<br />
est l’ambition de Hennessy qui a fait appel au duo de<br />
Festen rchitecture pour donner un nouveau soufe au<br />
bureau du maître assembleur. Mêlant tradition et modernité<br />
à la manière des assembliers, ils ont joué avec<br />
subtilité des matières, des couleurs pour faire resurgir<br />
dans ce lieu masculin voué à l’ouvrage son âme qui couvait<br />
sous les boiseries. Ce qui s’allie harmonieusement<br />
à la scénographie conçue par Solène d’Aboville pour<br />
l’espace éphémère Hennesy X.O. Club.<br />
Atelier d’écriture<br />
C’est là, à Hambourg, que tout a commencé en 1906,<br />
et c’est là que tout s’écrit encore, notamment dans le<br />
musée Montblanc qui ouvrira en 2021. Si le bâtiment<br />
reprend tous les codes de la maison, à l’intérieur, c’est<br />
à une expérience multisensorielle et interactive que<br />
le visiteur est convié. Imaginez des engrenages surdimensionnés<br />
comme dans Metropolis pour comprendre<br />
les mécanismes d’un stylo-plume, des sculptures cinétiques<br />
qui zooment sur son travail d’ornementation…<br />
Tout montre, démontre que objets d’écriture sont des<br />
accessoires issus des savoir-faire, des métiers d’art…<br />
Le musée Montblanc<br />
ouvrira ses portes à<br />
Hambourg en 2021.<br />
PHOTOS : © HENESSAY-FRANCOIS COQUERE. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 135 . Spécial LUXE 2020
Tendances<br />
FORMES<br />
Design<br />
d'exception<br />
Par CATHERINE HEURTEBISE<br />
UNE CARAFE REVUE PAR UN GRAND ARCHITECTE, UN<br />
CHAMPAGNE QUI S’OFFRE UNE SECONDE PEAU ÉCO-CONÇUE,<br />
UNE MARQUE HORLOGÈRE QUI CRÉÉ SON MUSÉE ATELIER<br />
ET UNE NOUVELLE GRIFFE DE HAUTE-JOAILLERIE QUI VEUT<br />
IMPOSER SON MAILLON JAUNE. LE RAFFINEMENT ET LE FASTE<br />
FLIRTENT AVEC L’HYPER LUXE.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 136 . Spécial LUXE 2020
Tendances : formes<br />
Une seconde peau<br />
éco-conçue pour Ruinart<br />
PHOTOS : DR.<br />
De l’or, du verre et du bronze,<br />
pour Hennessy X.O.<br />
On lui doit le musée Guggenheim à Bilbao, le Walt<br />
Disney Concert Hall à Los Angeles ou encore la Fondation<br />
Louis-Vuitton à Paris. Et c’est lui, Frank Gehry, qu’a<br />
choisi la Maison Hennessy à l’occasion du 150 e anniversaire<br />
de Hennessy X.O pour réinterpréter sa carafe emblématique.<br />
travers deux créations, une pièce exclusive,<br />
mlant les matériaux du bronze, de l’or et du verre<br />
et un coffret en édition limitée, l’architecte mle sa vision<br />
et l’histoire de la Maison. La carafe iconique est enveloppée<br />
dans un écrin plissé de bronze couvert dor carats.<br />
Elle repose sur une sculpture de verre. Ce design a été<br />
réalisé grce au travail minutieux dartisans qui ont créé<br />
une seconde peau pour Hennessy X.O. Chaque étape qui<br />
a permis de donner vie à l’inspiration de Frank Gehry, a<br />
nécessité de nombreuses heures d’attention, de soin et<br />
de minutie. « e voulais donner vie à ennessy .O, alors<br />
je me suis inspiré de son lieu de naissance et jai utilisé le<br />
froissement de la matière pour lui donner une sensation<br />
de mouvement. Les matériaux que jai choisis, attrapent<br />
la lumière et en font un objet singulier à lui seul. C’est<br />
seulement ensuite que l’on s’aperçoit que c’est une bouteille<br />
de ennessy .O », a expliqué Frank Gehry. Pour<br />
approfondir lexpérience autour de la carafe, il a développé<br />
un fusil, fait de laiton et dor, qui reète le rituel<br />
du matre assembleur pour le service optimal du cognac<br />
extra old. Pour renforcer l’effet de contraste, tous les<br />
éléments ont été emballés dans un étui, en carton compressé.<br />
Le coffret se compose d’une carafe Hennessy X.O,<br />
redesignée où l’on retrouve, grce à un jeu de matière<br />
et de transparence, le mouvement, qui est au cur de<br />
toutes les uvres de Frank Gehry. L’architecte a puisé<br />
son inspiration au cur du fleuve de la Charente qui<br />
borde la ville de Cognac, berceau historique de la Maison<br />
ennessy. La carafe est disponible en exemplaires<br />
numérotés et portant la signature de l’artiste, au prix de<br />
15 000 euros. Le coffret en édition limitée est proposé<br />
pour euros.<br />
La Maison Ruinart, plus ancienne marque de<br />
champagne (), a été pionnière sur bien des<br />
fronts : première à commercialiser un champagne<br />
rosé en , première à acquérir des crayères millénaires,<br />
première à collaborer avec des artistes en<br />
, pionnière dès les années pour sa politique<br />
de développement durable Et aujourd’hui,<br />
elle innove encore en remplaant ses coffrets (déjà<br />
plus légers depuis ) par un nouveau packaging<br />
disruptif, éco-conu, zéro plastique, recyclable<br />
et neuf fois plus léger. Cet étui seconde peau, qui a<br />
nécessité deux ans de recherche, sept prototypes et<br />
un million d’euros d’investissement est disruptif au<br />
niveau écologique mais aussi nologique. Fruit du<br />
travail des équipes internes et de leurs partenaires,<br />
le fabricant Pusterla 1880 et la manufacture James<br />
Cropper, cet écrin est composé de fibre de cellulose<br />
ou pâte à papier, ce qui le rend imperméable à la<br />
lumière, laquelle peut altérer le vin et qui résiste à<br />
l’humidité. Ruinart propose aussi une nouvelle gestuelle<br />
: l’étui conserve son intégrité plusieurs heures<br />
dans un seau à glace et son design est inspiré<br />
par la manière dont les matres d’htels<br />
enroulent une serviette blanche<br />
autour des bouteilles de champagne.<br />
Le design a été proposé par l’agence<br />
Chic. Signé du monogramme de la<br />
Maison, le système de fermeture en<br />
papier est à la fois dissimulé et intuitif.<br />
Une enveloppe finement gravée de<br />
détails évoque la texture des crayères<br />
de Reims. Moulé en trois dimensions,<br />
l’étui épouse les formes de la bouteille.<br />
Le coffret est le mme pour les différents<br />
champagnes. Seule l’étiquette<br />
change. Une belle démarche globale<br />
que Violaine Basse, directrice marketing<br />
et communication résume par<br />
ces mots : « ous avons voulu aller<br />
le plus loin possible aussi bien sur<br />
l’empreinte environnementale<br />
que sur les finitions, le design,<br />
les usages ».<br />
Nouveau packaging<br />
en pâte à papier 100 %<br />
recyclable, et neuf fois<br />
plus léger.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 137 . Spécial LUXE 2020
Tendances : formes<br />
Musée Atelier Audemars<br />
Piguet : designer le temps<br />
C’est au cur de la allée de oux, dans le territoire<br />
suisse du Brassus, là où a commencé l’histoire<br />
de la marque horlogère en , qu’udemars<br />
Piguet, l’une des très rares manufactures toujours<br />
détenues par les familles de ses fondateurs a ouvert<br />
avant cet été son musée. Ou plutt son Musée telier.<br />
La simplicité de ce nom, créé par Carré Basset,<br />
laisse entrevoir la dimension expérientielle de cette<br />
marque horlogère qui nous fait perdre la notion du<br />
temps. Alliant une scénographie conçue comme une<br />
partition musicale à une architecture ultra contemporaine,<br />
cet espace fusionne la tradition et la philosophie<br />
avant-gardiste de la manufacture. Conu<br />
par le cabinet d’architecture Big, il réunit latelier<br />
dorigine où les fondateurs se sont installés à une<br />
nouvelle structure de verre en forme de double spirale<br />
sintégrant dans le paysage. Lidentité visuelle,<br />
signée Carré Basset également, est un hommage à<br />
cette prouesse architecturale. Elle adopte une forme<br />
de sobriété qui sera ensuite déclinée sur lensemble<br />
des outils de communication, Le Musée Atelier sert<br />
d’écrin à quelque montres dont de nombreux<br />
chefs d’uvre de complication, de miniaturisation<br />
et de design retraant deux siècles d’histoire horlogère<br />
de la vallée de oux. Par ailleurs, trois ateliers<br />
sont aménagés au cur de l’espace, ce qui permet<br />
aux visiteurs de pouvoir apprécier le travail des horlogers<br />
mais aussi des joailliers, des sertisseurs, des<br />
graveurs Un lieu où vivent les artisans créateurs<br />
qui designent le temps !<br />
Viltier, haute joaillerie solaire<br />
Iris et Thomas, deux amis d’enfance que la vie<br />
sépare puis réunit des années après autour d’une<br />
passion commune pour la joaillerie. C’est l’histoire<br />
de la création de la marque iltier en mars de<br />
cette année folle ! Les créateurs ont fait le dos rond<br />
et attendu la fin du confinement pour révéler leurs<br />
premières collections via une distribution hybride,<br />
entre le on line et le off line. L’ de la marque est<br />
le maillon alluré symbolisé par la collection Magnetic.<br />
Malachite, diamants, lapis, nacre iltier veut<br />
incarner une nouvelle haute-joaillerie ultra-créative<br />
et engagée. Les créateurs utilisent de l’or Fairmined<br />
et les bijoux sont fabriqués en France. BETC esign a<br />
accompagné les fondateurs pour incarner leur vision<br />
d’une haute joaillerie rayonnante et décomplexée.<br />
L’agence a donné naissance à un univers visuel vibrant<br />
et moderne composé de plusieurs éléments<br />
iconiques. Le logotype utilise une typo avec et sans<br />
emptements pour raconter la rencontre des deux<br />
fondateurs et mettre en exergue le dualisme au cur<br />
de la marque. Une couleur identitaire audacieuse,<br />
le jaune, permet à la marque de traduire sa vision<br />
d’une haute joaillerie solaire et positive. Le symbole<br />
de marque raconte le lien et la volonté de réunir tradition<br />
et modernité. Un « pattern » iconique inspiré<br />
des grandes maisons s’inscrit dans les codes du luxe,<br />
tout en se les réappropriant. Enfin, un système de<br />
branding exible et évolutif donne l’opportunité à<br />
cette jeune marque de s’exprimer de manière optimale<br />
sur l’ensemble de ses points de contacts. BETC<br />
esign a aussi créé les packagings et les plateaux de<br />
présentation des bijoux dont les prix vont de à<br />
euros, voire plus.<br />
Le Musée Atelier<br />
Audemars Piguet, en<br />
Suisse, conçu par le<br />
cabinet d'architecture<br />
danois Big.<br />
PHOTOS : © DR.
Interview<br />
PATRIMOINE<br />
LES LUXES,<br />
C’EST LA<br />
DIVERGENCE<br />
LA DIRECTRICE DU STYLE DES MAISONS<br />
MARTELL, MUMM ET PERRIER-JOUËT,<br />
AXELLE DE BUFFÉVENT, DÉVOILE LES<br />
CONTOURS DE SA FONCTION. ET EXPLIQUE<br />
EN QUOI LE LUXE DOIT ÊTRE ÉQUIVOQUE.<br />
<strong>CB</strong>N : Vous êtes directrice du style pour<br />
trois marques, Martell, Mumm et Perrier-Jouët,<br />
qu'est-ce que recouvre votre fonction ?<br />
Axelle de Buffévent : C’est orchestrer les expressions<br />
visuelles et verbales de trois marques de luxe au<br />
sein de Pernod-Ricard qui n’est pas un groupe de luxe.<br />
C’est une création de poste et je suis directement rattachée<br />
au président [NDLR : Alexandre Ricard] et fais<br />
partie du comité de direction. C’est une expression assez<br />
nette de la volonté de placer la création comme un actif<br />
stratégique. Je travaille sur le patrimoine, l’ancrage<br />
culturel de chacune des trois maisons avec un champ<br />
d’action très ample : campagnes de communication,<br />
événements, expériences, innovation produit et packaging…<br />
En veillant à ne pas être passéiste. Car là où il y<br />
a patrimoine, il y a créativité. Une équipe de vingt-cinq<br />
personnes accompagne cette ambition : copywriters, directeurs<br />
artistiques, photographes, designers espace et<br />
produit, réalisateurs… Certains appartiennent à des collectifs<br />
spécialisés dans le luxe. Certains sont freelances<br />
sous contrat, d’autres pas. Et tous sont engagés sur le<br />
long terme avec nous et ce sur les trois marques. Cette<br />
équipe, je l’ai voulue ainsi étant moi-même quelqu’un<br />
de très libre. Dans ma carrière, j’ai très souvent occupé<br />
des fonctions qui… n’existaient pas. Travailler sous<br />
contrainte n’est pas possible dans les métiers créatifs.<br />
<strong>CB</strong>N : Vous menez trois stratégies<br />
différentes pour chacune de ces trois marques,<br />
qu'est-ce qui est commun ?<br />
Axelle de Buffévent : Notre ancrage c’est le vivant.<br />
La terre, la vigne. Avec les métiers qui les façonnent et<br />
les respectent. Nous prônons des approches de plus en<br />
plus ouvertes avec les viticulteurs et les vignerons. La<br />
formation par exemple vers la transition écologique<br />
est centrale et vitale dans vos métiers. Nous avons par<br />
exemple, pour Perrier-Jouët, produit une Ecobox qui<br />
réduit drastiquement notre empreinte écologique.<br />
Nous avons diminué le poids du coffret de 30 %, les<br />
encres, la surface imprimée, et totalement supprimé les<br />
vernis. Le tout avec des fibres naturelles rendant le coffret<br />
recyclable. Un travail colossal mené en une année<br />
avec le fabricant Le Sanglier.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 140 . Spécial LUXE 2020
Le Curiosity Cloud du<br />
collectif Mischer'taxler<br />
à la Maison Belle<br />
Époque d'Epernay.<br />
PHOTO : © ED REEVE. DR.<br />
AXELLE DE<br />
BUFFÉVENT<br />
est directrice de style<br />
chez Martell Mumm<br />
Perrier-Jouët.<br />
Ci-contre, l'Écobox, le<br />
coffret responsable.<br />
<strong>CB</strong>N : Vous dites que la période que nous<br />
vivons est propice à la création, pourquoi ?<br />
Axelle de Buffévent : L’histoire nous aide à comprendre<br />
que les crises et les grandes secousses sociales<br />
ont toutes été exprimées par les artistes avant qu’elles<br />
ne surviennent. L’art nouveau par exemple est né sur<br />
le terreau de l’industrialisation et de la misère sociale<br />
qu’elle a installée. Il s’agissait de réinjecter du beau<br />
dans le travail de la main en décloisonnant les disciplines<br />
artistiques. C’est le premier mouvement artistique<br />
qui s’est mondialisé. La fin du e siècle est, par<br />
certains aspects, comparable à ce que nous vivons.<br />
L’intelligence artificielle crée autant d’angoisses que les<br />
débuts de l’industrialisation. C’est ce que nous voulions<br />
traduire avec le collectif autrichien mischer’traxler et<br />
leur œuvre connectée au vivant Curiosity Cloud. Une<br />
œuvre qui fait partie de notre fonds artistique qui s’exprime<br />
notamment à DesignMiami/ où nous sommes<br />
partenaires depuis huit ans et bien sûr à la Maison Belle<br />
Époque à Epernay. Enfin, les mouvements collectifs,<br />
notamment d’opposition et de solidarité, nés pendant<br />
les crises, sont très inspirants pour la création. Le luxe<br />
devrait s’en inspirer davantage à mon sens.<br />
<strong>CB</strong>N : Est-ce que vos sources<br />
d'inspiration ont changé depuis le<br />
printemps ?<br />
Axelle de Buffévent : Elles ont muté. Et<br />
l’isolement confirme mon besoin d’être<br />
entourée. Les expositions et le théâtre me<br />
manquent cruellement. La nature est redevenue,<br />
comme beaucoup, une source d’inspiration.<br />
Au niveau professionnel, pour un<br />
groupe comme le nôtre qui place la convivialité au<br />
centre, c’est évidemment difficile. ans notre nouveau<br />
siège nous avons placé un bar… À nous d’imaginer une<br />
nouvelle convivialité pour nous et nos clients. On y<br />
travaille.<br />
<strong>CB</strong>N : Vous avez suivi une formation artistique<br />
solide – École du Louvre, Esat, Atelier Met<br />
de Penninghen - en quoi vous aide-t-elle dans<br />
votre carrière ?<br />
Axelle de Buffévent : Elle m’aide parce que je n’ai pas<br />
de carrière Comme je parle le mme langage que les<br />
artistes, je fais le pont avec l’entreprise et les Maisons. Je<br />
ne suis pas contrainte dans ma fonction. Je ne peux travailler<br />
que comme cela.<br />
<strong>CB</strong>N : Ce numéro a mis un pluriel au mot<br />
luxe, qu'est que ce “ s ” vous inspire ?<br />
Axelle de Buffévent : Le luxe ne peut être univoque.<br />
Le « s » c’est la divergence. C’est salvateur ce pluriel.<br />
C’est aussi de la générosité. Ce serait d’un ennui si le<br />
luxe était pensé et traduit au singulier.<br />
Recueilli par<br />
AMELLE NEBIA<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 141 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
SPIRITUEUX,<br />
vue de l’esprit<br />
EN ALLIANT MYSTÈRE ET POÉSIE, CAMILLE HEDIN ET MARLÈNE STAIGER<br />
ONT CRÉÉ DES LIQUEURS COMME DES PARFUMS. BIENVENUE CHEZ<br />
H-THEORIA, AU BAR DES ANGES...<br />
À gauche, Camille<br />
Hedin et Marlène<br />
Staiger cofondatrices<br />
de H-Theoria. Sur la<br />
carte : Electric Velvet,<br />
Amour Matador, Cuir<br />
Lointain et Midi Fauve.<br />
L’odorat est le sens de l’imagination », philosophait<br />
Jean-Jacques Rousseau. Marlène Staiger et<br />
Camille Hedin ne se sont, elles, pas contentées de<br />
philosopher. Elles ont poussé à l’extrême la maxime du<br />
philosophe des Lumières puisqu’elles ont créé en <br />
– grâce à leur nez – H-Theoria, une marque de liqueurs<br />
d’un nouveau genre. Au départ, Ni Marlène ni Camille<br />
ne viennent de cet univers des spiritueux. Camille Hedin<br />
est une femme de commerce et elle s’est d’abord tournée<br />
vers la gastronomie en travaillant longtemps pour Lenôtre.<br />
Marlène, elle, est l’artiste du couple. Après un IUT<br />
de génie biologique en science et industrie alimentaire,<br />
un stage chez Gabriel Boudier. Marlène a intégré l’ISIPCA<br />
(Institut supérieur international du parfum, de la cosmétique<br />
et de l’aromatique alimentaire) où elle s’est spécialisée<br />
en aromatique alimentaire puis, pendant quatre<br />
ans, elle a géré le service R & D du FoodLab, où elle a travaillé<br />
avec Christophe Laudamiel, son mentor. Camille<br />
est donc la commerciale, tandis que Marlène est le nez,<br />
l’artiste de la marque. « Avec Christophe, on imaginait<br />
des expériences sensorielles qui mêlaient la science et<br />
les arts. Avec un parfum, on raconte une histoire : j’avais<br />
envie d’avoir la même approche dans les spiritueux, de<br />
reproduire le goût des émotions. Un soir, Camille m’a<br />
dit : « On va le faire ! ». Trois ans plus tard, nous avons<br />
lancé Perfidie, ystérie et Procrastination », se souvient<br />
Marlène Staiger. Elle ajoute : « Le principal point com-<br />
mun entre la parfumerie et les spiritueux, c’est que l’on<br />
part de matières premières pour créer des assemblages<br />
aromatiques. » Assemblages aromatiques et ambiances.<br />
H-Theoria adopte à la fois les codes de la parfumerie et<br />
aussi des grandes marques de spiritueux, avec un design<br />
audacieux et poétique signé Pixelis. D’ailleurs, alors que<br />
la marque existe depuis trois ans, en cette fin , elle<br />
accélère. Les trois liqueurs historiques changent de nom<br />
et de packaging : ystérie devient Electric elvet, Perfidie<br />
devient Amour Matador, et Procrastination devient<br />
Cuir Lointain. Une quatrième liqueur voit le jour : Midi<br />
Fauve. « Avec ces changements de noms et d’étiquettes,<br />
et ce lancement nous affirmons un peu plus la dimension<br />
artistique de H-Theoria », détaille encore Marlène Staiger.<br />
Et quid du nom : « H-Theoria » ? « C’est la théorie du<br />
H. Nous avions Camille et moi envie de créer un univers<br />
mystérieux et le H nous apparaît comme la lettre qui relie<br />
la matière à l’esprit », décrypte avec poésie la fondatrice.<br />
Pour l’heure, ces liqueurs trouvent un nouveau public : des<br />
femmes mais aussi des curieux qui cherchent de nouvelles<br />
expériences avec les alcools pour sortir du whisky et du<br />
rhum. -Theoria écoule bouteilles par an, est déjà<br />
présente en Angleterre, en Italie, en Suisse, en Norvège,<br />
à Hong-Kong, aux Pays-Bas et devrait être aux USA et en<br />
sie d’ici à deux ans. L’odeur apaisante et vivifiante de ces<br />
liqueurs va bientôt picoter les narines du monde entier.<br />
DAVID MEDIONI<br />
PHOTOS: © JF KERN RENT.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 142 . Spécial LUXE 2020
publi-info<br />
Des Stories aux Success Stories<br />
Le nouveau rapport au temps, véritable enjeu des marques de luxe.<br />
De plus en plus de marques, de plus en<br />
plus d’influenceurs, de plus en plus de<br />
plates-formes, de plus en plus d’usages,<br />
de plus en plus de formats, de plus en<br />
plus de points de contact. Il y a de plus<br />
en plus de tout.<br />
Dans cette inflation généralisée de ce<br />
qui fait la matière première de la communication,<br />
il y a un facteur qui ne<br />
bouge pas, qui reste indéboulonnable, il<br />
y a une donnée absolument inamovible :<br />
c’est le temps. Il n’y a que 24 heures dans<br />
une journée. C’est non négociable.<br />
Si on y pense, c’est beaucoup. Cela permet<br />
théoriquement à n’importe qui<br />
de regarder plus de 28000 vidéos par<br />
jour si, comme YouTube, on considère<br />
qu’une vidéo est vue quand elle a été<br />
visionnée trois secondes.<br />
24 heures c’est donc en réalité infime.<br />
Il y a tant de marques qui ont de belles<br />
histoires à raconter, tant de produits<br />
incroyables à présenter, tant de reasons<br />
to believe à expliquer, tant de traits de<br />
personnalité à exposer !<br />
Le plus grand défi des marques<br />
d’aujourd’hui est bien d’ordre temporel.<br />
La marque c’est le temps long, c’est<br />
la construction patiente d’affects,<br />
d’images, de représentations, d’associations.<br />
Comment peut-on construire une<br />
marque aujourd’hui dans un monde<br />
où tout est fragmenté, où le discours<br />
est miniaturisé, où le temps d’attention<br />
moyen sur Internet est évalué à huit<br />
secondes ? Commet marquer les esprits<br />
alors que les formats de communication<br />
émergents sont fondés sur l’éphémère ?<br />
Stories, Snap, lives, et maintenant Fleets :<br />
tous fondent leur succès sur la notion de<br />
disparition, sur la quasi impossibilité<br />
d’archivage. C’est le règne de la communication<br />
Mission Impossible dans lequel<br />
chaque message s’autodétruit dans les 5<br />
secondes.<br />
Cette question est encore plus cruciale<br />
pour les marques de luxe qui ne vendent<br />
pas seulement des produits à leurs<br />
clients, mais leur offrent surtout la puissance<br />
d’un imaginaire qui bien souvent<br />
justifie le prix. Cet imaginaire est massivement<br />
assis sur un savoir-faire, sur<br />
des archives, sur la vie même du fondateur,<br />
bref sur une ligne continue là où la<br />
modernité semble requérir le pointillé.<br />
On oppose habituellement la vision<br />
occidentale du temps qui serait une<br />
ligne droite à la vison orientale qui serait<br />
un cycle. Ce que la modernité nous<br />
apprend, c’est que le temps est désormais<br />
un nuage de points. C’est donc en<br />
changeant radicalement de paradigme<br />
que les marques de luxe peuvent continuer<br />
à communiquer efficacement, à<br />
faire rêver et à inspirer jusqu’à provoquer<br />
l’achat.<br />
Que doivent-elles faire concrètement ?<br />
Premièrement, elles doivent penser<br />
tous leurs contenus aussi nombreux<br />
soient-ils comme des univers en soi. La<br />
moindre petite capsule doit être porteuse<br />
de sens, doit délivrer l’ADN de la<br />
marque. Le consommateur ne va pas<br />
s’échiner à reconstituer toute l’histoire<br />
en assemblant des morceaux éparpillés.<br />
S’il ne doit voir ne serait-ce qu’une story<br />
d’influenceur, alors il doit avoir tout<br />
compris de la marque ou presque. Il n’y<br />
a pas de hiérarchie entre les contenus<br />
produits : tout doit refléter les valeurs<br />
que la marque entretient.<br />
ADRIEN SAMMUT - FONDATEUR DE L’AGENCE HANI<br />
Deuxièmement, elle doit faire plusieurs<br />
choses en même temps : elle doit<br />
concentrer le funnel en quelques secondes.<br />
Ainsi l’explosion du live shopping,<br />
qui domine en Chine et va déferler<br />
probablement sur le reste du monde, apparaît<br />
comme une formidable occasion<br />
de repenser la fin du parcours client : il<br />
donne l’opportunité de storyteller l’acte<br />
d’achat. C’est ce que Monnier Frères,<br />
que nous accompagnons, fait en mettant<br />
en place une expérience de live<br />
shopping durant le shoot de la nouvelle<br />
saison. Ou encore la Maison de joaillerie<br />
Djula avec qui nous imaginons ces<br />
nouveaux formats. Une manière de faire<br />
entrer les gens dans les coulisses d’une<br />
Maison, de les faire se sentir uniques, de<br />
partager les valeurs de marques et bien<br />
sûr de vendre. Tout ça dans le même<br />
mouvement.<br />
Pour les annonceurs comme pour la<br />
marque, l’agilité est la clé. Mais cette<br />
agilité n’est pas une fin. C’est un moyen<br />
pour gérer le nouveau facteur temps, et<br />
continuer à fabriquer ce qui est au fondement<br />
d’une vraie marque de luxe :<br />
l’intemporel.<br />
Adrien Sammut crée HANI après 10 années<br />
passées à travailler auprès de grandes Maisons<br />
de beauté, mode, parfum, joaillerie, d’horlogerie<br />
et d’hôtellerie au sein de CLM BBDO,<br />
MAZARINE et BETC ETOILE ROUGE.<br />
hani_agency / hani-paris.com
Focus<br />
JM WESTON,<br />
seconde main<br />
pour les pieds<br />
LE CHAUSSEUR DE LIMOGES A LANCÉ WESTON<br />
VINTAGE, UN SERVICE DE COLLECTE ET DE<br />
RÉNOVATION D’ANCIENNES PAIRES DE WESTON.<br />
UNE DÉMARCHE RESPONSABLE ET INTELLIGENTE.<br />
Rien ne se perd, tout se<br />
transforme, on recycle,<br />
on fait du neuf ancien<br />
avec du vieux...<br />
Nous avons plus de 300 personnes en liste<br />
d’attente », confie Thierry Oriez, le président<br />
de M eston. C’est dire si le lancement de<br />
eston intage, service de collecte et de rénovation<br />
d’anciennes paires de eston pour ensuite les vendre<br />
à moitié prix est un succès. Lancée il y a un an, l’initiative<br />
du chausseur de Limoges a clairement trouvé son<br />
public. « vec Olivier Saillard, le directeur artistique de<br />
M eston, nous avions envie depuis plusieurs années<br />
d’aller chercher ce marché de l’occasion qui existait en<br />
dehors de nous sur les chaussures eston », détaille<br />
Thierry Oriez. C’est ainsi qu’ils ont imaginé eston intage.<br />
Le principe est simple : M eston fait appel à ses<br />
clients pour qu’ils rapportent en boutique leurs paires<br />
les plus anciennes ou qu’ils ne mettent plus, et une<br />
expertise des chaussures a lieu. Si elle est concluante,<br />
le client repart avec un bon d’achat de minimum <br />
euros et la paire usagée est envoyée durant deux mois<br />
dans la manufacture de Limoges pour subir une rénovation<br />
complète, une remise sur forme, ressemelage,<br />
etc. u bout de deux mois, les paires sont de retour en<br />
boutique rue Saint-onoré et avenue des Champs-Elysées<br />
pour tre vendues à la moitié du prix du modèle<br />
neuf. insi, par exemple, le Mocassin vintage icne<br />
de la marque s’échange à euros au lieu de .<br />
« ous avons choisi de privilégier les modèles iconiques<br />
de la marque, car ce sont ceux que nous connaissons le<br />
mieux et qui sont le plus recherchés », détaille encore<br />
Thierry Oriez. Toutefois, il est aussi possible de trouver<br />
de belles éditions limitées dans les intage à disposition.<br />
« ous avons été agréablement surpris par l’ampleur de<br />
la demande, signe que cette économie de la fonctionnalité<br />
est dans l’air du temps », se réjouit le président de<br />
la marque. Et d’insister aussi sur l’autre avantage de ce<br />
nouveau service imaginé par la marque : « Chez eston<br />
nous avons toujours insisté sur la notion de transmission,<br />
notamment entre père et fils. vec la mise en place de<br />
intage nous sommes en plein dans notre histoire. Les<br />
uns « transmettent » des paires à d’autres ». Les uns vers<br />
les autres. Les clients « intage » ont une moyenne d’ge<br />
plus jeune. e quoi séduire ainsi une nouvelle clientèle<br />
et mettre aussi en valeur le savoir-faire de la marque<br />
dans son ensemble. Savoir-faire qui va de la tannerie<br />
jusqu’à la conception de toute la paire de chaussures.<br />
insi intage, c’est à la fois la mise en avant de la durée<br />
de vie des souliers eston, mais également une faon<br />
d’ancrer la marque dans une modernité. Entre tradition,<br />
fonctionnalité et économie circulaire. u luxe responsable,<br />
en somme.<br />
DAVID MEDIONI<br />
POTOS: © ESTO ITGER.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 144 . Spécial LUXE 2020
<strong>CB</strong> INSPIRATION<br />
UNE PUBLICATION<br />
Photographe : ©Yasmine Bennis<br />
HAPSATOU W. DORO EST<br />
LA FONDATRICE DE<br />
DIGITAL SOCIETY (DS),<br />
UNE AGENCE<br />
SPÉCIALISÉE DANS<br />
LE MARKETING DIGITAL POUR LES<br />
MARQUES ET LES HÔTELS EN FRANCE.<br />
ELLE RÉPOND AUX BESOINS<br />
STRATÉGIQUES DES ENTREPRISES<br />
ISSUES DE DIFFÉRENTS SECTEURS.<br />
EXPERTE EN COMMUNICATION<br />
D’INFLUENCE DIGITALE ET EN<br />
CRÉATION DE CONTENUS, DS PERMET<br />
À SES CLIENTS DE VALORISER ET DE<br />
COMMUNIQUER SUR LEURS<br />
ACTUALITÉS À TRAVERS UN BRAND<br />
PARTNERSHIP EFFICACE ET DES<br />
OPÉRATIONS DE COMMUNICATION<br />
PERSONNALISÉES ET NOVATRICES.<br />
Quels sont les clients qui font appel à<br />
votre expertise ?<br />
Nous avons des agences stratégiques<br />
réputées qui nous consultent pour des<br />
recommandations et des actions d’influence<br />
afin d’assurer des campagnes<br />
à 360° élaborées pour leur portefeuille<br />
clients.<br />
Nous travaillons également en direct<br />
avec des groupes français et étrangers et<br />
des grandes marques, qui évoluent dans<br />
différents secteurs (retail, cosmétique,<br />
grande distribution…) tels que TechStyle,<br />
Mauboussin Parfums, Philips, La Maison<br />
du Chocolat…<br />
Enfin, nous organisons des évènements<br />
et produisons des vidéos pour des hôtels<br />
de luxe.<br />
Comment l’agence s’est-elle adaptée à<br />
la crise sanitaire ?<br />
Avant cette pandémie, nous proposions<br />
principalement à nos clients une campagne<br />
de communication inédite scindée<br />
en deux parties. La première consistait à<br />
organiser un évènement brandé mémorable<br />
tandis que la deuxième reposait sur<br />
une campagne diffusée sur les réseaux<br />
sociaux. Elle permettait de promouvoir<br />
les actualités de nos clients à travers des<br />
personnalités digitales.<br />
Le contexte actuel ne nous permet plus<br />
de proposer ce package qui séduisait de<br />
nombreux clients. Désormais, nous nous<br />
focalisons sur la partie digitale : production<br />
de contenu et des techniques de publicités<br />
comme le placement de produit.<br />
De plus, nous créons ou renforçons les<br />
liens entre les influenceurs et nos clients,<br />
les marques et les consommateurs avec<br />
audace et créativité. L’objectif est de<br />
créer du traffic depuis les réseaux sociaux<br />
vers les boutiques en ligne et les points<br />
physiques des clients.<br />
Pour terminer, nous réalisons des vidéos<br />
inédites et exceptionnelles telle que la<br />
dernière que nous avons produite pour<br />
l’hôtel Plaza Athénée : une immersion<br />
dans les coulisses de l’un des établissements<br />
les plus prestigieux au monde.<br />
Ce récent reportage disponible sur notre<br />
chaine Youtube a été salué par plusieurs<br />
professionnels du secteur du luxe.<br />
Comment une marque de luxe peut-elle<br />
se différencier sur les réseaux sociaux à<br />
l’heure actuelle ?<br />
Aujourd’hui, les consommateurs sont davantage<br />
séduits par du contenu authentique,<br />
qui fait sens. Nous incitons nos<br />
clients à ne pas craindre la nouveauté. Le<br />
défi est de communiquer sur leur personnalité<br />
tout en faisant du e-business à travers<br />
un contenu qui va susciter de l’émotion.<br />
Pour cela, nous produisons des<br />
éléments qui ont pour but d’encenser les<br />
valeurs et la vision de la marque. De plus,<br />
nous les associons à des égéries virtuelles<br />
dans l’air du temps qui correspondent à<br />
l’image et à l’esprit de la marque, afin de<br />
proposer des collaborations cohérentes<br />
et sur la durée.<br />
Digital Society dispose d’un portefeuille<br />
de clients varié, ainsi certains d’entre eux<br />
n’appartiennent pas à l’univers du luxe.<br />
Cependant, nous appliquons cette stratégie<br />
réseaux sociaux et les codes du luxe<br />
dans toutes nos campagnes. Cela nous<br />
permet d’obtenir des résultats exceptionnels<br />
qui marquent toujours les esprits.<br />
Quelle est votre définition du luxe ?<br />
Le luxe se trouve dans les détails. Vous<br />
savez, ceux que l’on n’oublie jamais et qui<br />
font la différence. Ils permettent d’obtenir<br />
des produits d’exception et des services<br />
uniques. Le luxe, c’est une volonté<br />
d’exigence dans tout ce que l’on fait, ce<br />
que l’on offre et ce que l’on est.<br />
DIGITAL SOCIETY EST …<br />
une jeune agence audacieuse qui<br />
impulse un véritable changement<br />
au sein de l’évènementiel haut de<br />
gamme et dans la communication<br />
d’influence digitale.<br />
L’entreprise à taille humaine est<br />
connue pour ses campagnes<br />
originales.<br />
Le mot d’ordre ?<br />
Penser et agir grand !
Focus<br />
Le doigt<br />
SUR LA COUTURE<br />
BERNARD ZINS EST UNE MARQUE HISTORIQUE DU LUXE PANTALONNIER<br />
HEXAGONAL. ELLE A SU SE RÉINVENTER ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ.<br />
La marque Zins<br />
fournissait les grands<br />
couturiers jusque<br />
dans les années 80.<br />
Aujourd’hui elle se<br />
recentre tout en gardant<br />
son savoir-faire<br />
de tailleur. Culotté.<br />
Je suis le continuateur d’une œuvre entamée<br />
par mes parents en 1967 », confie<br />
chaleureusement avec sa voix grave<br />
Frank Zins, le président de la marque de pantalon<br />
Bernard Zins. Chez Zins, on n’est pas tailleurs, on<br />
n’est pas habilleurs, on est « ingénieur pantalonnier ».<br />
Cela signifie que dans la foulée de ce que faisait son<br />
père, Frank ins entend faire bénéficier le grand public<br />
de la qualité et du savoir-faire de la philosophie tailleur.<br />
Pari osé, mais pari réussi. S’il continue l’œuvre familiale,<br />
Frank Zins a toutefois conduit une transformation<br />
profonde de la marque. Du temps du paternel, la maison<br />
Zins fournit en marque blanche des pantalons pour<br />
tous les grands couturiers de l’époque (Lanvin, Yves<br />
Saint Laurent, Pierre Cardin, Chanel). Ce sont les quatre<br />
piliers du savoir-faire Zins innovation, choix des tissus,<br />
précision des coupes et qualité de fabrication, alliant à<br />
la perfection tradition et modernité qui en font l’une des<br />
marques les plus reconnues jusqu’au milieu des années<br />
80. L’entreprise compte alors 750 salariés et une grande<br />
usine dans le Nord de la France. La crise du textile et les<br />
délocalisations mettent l’entreprise en difficulté. Son<br />
modèle de fournisseur de savoir-faire pour les grandes<br />
enseignes tangue. Qu’à ce que ce que cela ne tienne,<br />
sous l’impulsion de Frank, Zins se recentre sur son développement<br />
en propre, restructure l’entreprise et ouvre<br />
deux boutiques l’une homme et l’une femme à Paris. Son<br />
crédo : faire vivre au client l’expérience d’un pantalon au<br />
prix d’un prêt à porter haut de gamme avec le savoir-faire<br />
d’un tailleur. Au menu : tissus recherchés, repassage à<br />
froid, suspension des formes et une palette de coloris<br />
profonds et originaux disponibles chez aucun autre habilleur.<br />
L’autre idée qui anime aujourd’hui la quinzaine<br />
de collaborateurs de la marque est de faire du pantalon<br />
l’une des pièces centrales de la tenue. « La nouvelle façon<br />
de s’habiller moins formelle sans pour autant être<br />
moins chic conduit de nombreux hommes mais aussi de<br />
plus en plus de femmes à ne plus imaginer leur tenue<br />
à partir d’une veste, mais plutôt du pantalon », détaille<br />
Frank Zins. Ainsi, « les différentes formes, la taille haute,<br />
le porté de nos pièces et notre palette de couleurs permet<br />
aux clients de personnaliser leur silhouette en fonction<br />
du but recherché ». La moyenne d’âge de la clientèle<br />
tourne autour de 50 ans et tend à se rajeunir, un peu.<br />
Notamment grâce à l’autre atout de la marque Zins : la<br />
montée en puissance du e-commerce mis en place pendant<br />
le premier confinement et le lancement d’un service<br />
de commande spéciale à la rentrée 2020 qui accentue un<br />
peu plus encore la dimension de philosophie tailleur de<br />
la marque. Une tradition qui vient du passé et tend vers<br />
l’avenir.<br />
DAVID MEDIONI<br />
PHOTOS: © ZINS-DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 146 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
LE JARDINAGE<br />
EN BAS DE SOIE<br />
QU’ILS SOIENT GENTLEMEN GARDINERS, BOURRUS (BOURGEOIS<br />
RURAUX) OU DIGITAL NOMADS, ILS RÉVOLUTIONNENT À PRIX D’OR<br />
LES CODES ET LA PRATIQUE DU JARDINAGE. BÊCHE, PIMBÊCHE !<br />
Paru en début d’été 2020, un sondage réalisé<br />
par Opinionway pour Stihl brossait un<br />
tableau champêtre de l’exode urbain. Un<br />
Français sur trois y avouait avoir l’intention<br />
de quitter la vie urbaine pour rejoindre la<br />
campagne. Le ratio approchait même les 40 % chez les<br />
- ans. Le jardin s’affichait dans l’esprit des sondés<br />
comme une « pièce à vivre<br />
supplémentaire » de la<br />
maison. De là à y cultiver<br />
l’art de vivre, il n’y a qu’une<br />
paire de bottes ou une veste<br />
en tweed à enfiler pour<br />
franchir la porte d’une jardinerie.<br />
Et y acquérir des<br />
outils, des objets statutaires<br />
et du mobilier design qui<br />
transformeront nos bons<br />
vieux gentlemen farmers<br />
en gentlemen gardiners.<br />
« Barbecues, braseros,<br />
salons de jardin, abris, portiques…,<br />
la nature doit être<br />
domestiquée. Le végétal est<br />
d’abord considéré comme<br />
du décor », souligne Marie-<br />
Pierre Ombrédanne qui<br />
travaillait déjà en 2019 sur<br />
le lancement du magazine<br />
« Ma Campagne » aux Éditions<br />
Larivière. Mais au<br />
terme de gentlemen gardiners,<br />
elle préfère utiliser celui de bourrus, inspiré du<br />
mot valise bourus, contraction de bourgeois et ruraux,<br />
imaginé par le magazine « Technikart » en octobre 2017.<br />
Avec une variété de thèmes très large (de la cueillette<br />
aux fourneaux, en passant par le choix d’un sécateur),<br />
Ma Campagne qui boucle son troisième numéro,<br />
affiche des sujets très pointus avec une approche<br />
généraliste. Un magazine fait à la campagne pour des<br />
gens qui l’aiment. Nourris par un terreau panthéiste<br />
(Spinoza), nous savons, depuis les Lumières, qu’il faut<br />
cultiver son jardin, (Voltaire).<br />
Sur le territoire de la gadoue, mon jardinier se<br />
chaussera de derby classique à grosses semelles de<br />
caoutchouc, nouant ses lacets en double-boucle façon<br />
indsor ou Berluti, plutt que d’enfiler une paire de<br />
sabots ou de bottillons. Madame, elle, lassée du vert ou<br />
du marron optera pour la jeune marque (30 ans) familiale<br />
Maine-et-Loire Blackfox avec ses féminines et très<br />
accessibles bottes Phoenix à effet denim.<br />
Pour un surcroît d’élégance et de confort, on pourra<br />
toujours s’offrir une ballade chez Berteil, sous l’inuence<br />
de son très prolifique compte Instagram. Le Made to<br />
Order (la personnalisation)<br />
s’impose et s’illustre<br />
jusque dans le choix des<br />
matières. L’iconique Timber,<br />
veste inspirée de celles<br />
des gardes-forestiers américains<br />
des années 50, se<br />
prêtera à toute occupation<br />
champêtre. Mais contrairement<br />
à l’univers de la<br />
marque Prince jardinier,<br />
créée voici 25 ans déjà par<br />
l’« entrepreneur militant<br />
écologiste » Louis Albert<br />
de Broglie, avec ses accessoires<br />
à prix délirants<br />
comme des arrosoirs en<br />
laiton à plus de 100 euros,<br />
on ne fait plus aujourd’hui<br />
dans le jardinage déco, on<br />
bêche vraiment.<br />
La vente des outils<br />
s’envole, les prix aussi,<br />
tous boostés comme en<br />
automobile par la fée électrique.<br />
Car le premier luxe à la campagne ne s’avère pas<br />
être l’espace mais le silence… Au prix déjà élevé de l’acquisition<br />
d’une tronçonneuse électrique, il faudra rajouter<br />
celui de deux batteries au lithium et d’un chargeur.<br />
Du luxe signé Husqvarna, Stihl ou Kubota (comptez 1<br />
euros). Quant aux soufeurs, la nouvelle star à batterie<br />
nous vient d’Iseki France, c’est le soufeur dorsal<br />
Ego Power à batterie arc lithium de 56 V. Comptez 500<br />
euros … Le ramassage des feuilles mortes au lithium,<br />
a en jette autant dans le statutaire qu’un beau acon de<br />
cognac haut-de-gamme, sur la table basse italienne de<br />
son salon de jardin design.<br />
ÉRIC VALZ<br />
PHOTOS: © JOHN ARMSTRONG. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 148 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
Une maison sans<br />
CONCESSION...<br />
LES CONCESSIONNAIRES AUTOMOBILES PEUVENT ÊTRE FRUSTANTS. DES MAISONS<br />
PROPOSENT DE S’ARRÊTER ET D’EN PARLER. POUR POUVOIR VIVRE SA PASSION.<br />
Rêve de vitesse ? De<br />
bolides ? Dorénavant,<br />
les passionnés peuvent<br />
prendre le luxe de<br />
s’attarder autour d’une<br />
Aston Martin, d’une<br />
Bugati, et même<br />
d’y passer la nuit...<br />
Comme si c’était son<br />
garage privé !<br />
Qu’est-ce que le luxe ? Si c’est une question de<br />
prix, une voiture, quelle qu’elle soit, c’est un<br />
luxe. » Celui qui prononce cette phrase, Édouard<br />
Schumacher, sait de quoi il parle. Parce que des voitures,<br />
dans la famille, on en vend depuis 1947, de père<br />
en fils. douard, c’est le fils. Il a pris les rnes du groupe<br />
fondé par André, son père, en 2007 à la mort de ce dernier.<br />
Depuis, l’entreprise est devenue LS Group après<br />
le rapprochement avec le groupe Lamirault, et a vendu<br />
autos en , dont neuves. Si l’histoire<br />
a commencé avec Renault, elle se poursuit aujourd’hui<br />
avec une vingtaine de marques, d’barth à olkswagen<br />
en passant par udi, Citron et Skoda. Mais le luxe<br />
dans tout cela « e parlerai plutt de grand sport », dit<br />
Edouard Schumacher. Et en effet, si toute auto est un<br />
luxe, il faut ajouter un autre adjectif pour Lamborghini,<br />
Bugatti ou McLaren auxquelles on peut ajouter lpine,<br />
dont les prix sont certes plus raisonnables mais la sportivité<br />
au moins aussi prononcée.<br />
Mais puisqu’il n’est pas seulement question d’argent,<br />
qu’est-ce qui différencie la vente de ces bolides de celles<br />
des berlines du commun des mortels « Le sens du client,<br />
son accueil, sa connaissance authentique », estime<br />
Édouard Schumacher. « Je ne veux pas qu’on se cache<br />
derrière le CRM », ajoute-t-il, privilégiant la connaissance<br />
des desiderata du client à la data. Certes, il est<br />
beaucoup plus facile de connatre les désirs et les besoins<br />
des quelques centaines d’acheteurs de ses modèles<br />
d’exception, que ceux des consommateurs de Renault ou<br />
de Seat. Mais encore faut-il les comprendre. C’est pourquoi<br />
l’atelier est toujours mis en avant dans les espaces<br />
d’accueil, « car nos clients connaissent mieux les techniciens<br />
que les commerciaux. » Non parce que ces voitures<br />
seraient plus problématiques que les autres, mais parce<br />
que la passion de la mécanique se partage mieux avec<br />
les spécialistes.<br />
Pour ces voitures de rve, il faut aussi un écrin à la hauteur<br />
de leurs folles caractéristiques. Ce sont les Maisons.<br />
C’est ainsi que la « Maison McLaren Paris » a ouvert ses<br />
portes en septembre à Saint-Cloud, dans les auts-de-<br />
Seine. La différence entre une maison et une concession<br />
? « C’est un lieu de vie, il y a un appartement à<br />
l’étage, c’est un endroit où l’on peut vivre sa passion, voir<br />
les voitures. On peut y goter la gastronomie, on pourra<br />
mme y dormir », s’enthousiasme Edouard Schumacher.<br />
C’est aussi un endroit ouvert aux rves des enfants, loin<br />
des showrooms glacés devant lesquels le simple fait de<br />
s’arrter est intimidant. « C’est extrmement important<br />
que les jeunes, garons et filles, insiste-t-il, rvent devant<br />
ces voitures, c’est l’avenir de l’automobile. Et apparemment<br />
à voir les yeux émerveillés de toutes les générations<br />
devant les lignes de ces autos, la passion n’est pas<br />
près de s’éteindre.<br />
FRÉDÉRIC ROY<br />
POTOS: ICET LRE.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 150 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
BONS BAISERS<br />
de Madame Jacques<br />
LA QUINTESSENCE DU LUXE DANS LE CHAMPAGNE C’EST UN VIEUX<br />
MILLÉSIME, JEUNE DÉGORGÉ ET DOSÉ COMME UN EXTRA BRUT. SOIT LA<br />
GRANDE VISION DE MME BOLLINGER QUI PROVOQUERA DÈS 1967 UNE<br />
GRANDE ÉVASION GUSTATIVE. À VOS PALAIS.<br />
Elisabeth, Lily,<br />
Bollinger parcourait<br />
son vignoble à vélo.<br />
Elle créa notamment la<br />
cuvée Bollinger R.D.<br />
Depuis leur création en 1967, les<br />
Bollinger R.. pour Récemment<br />
Dégorgé – nous révèlent<br />
une incroyable profondeur de champ.<br />
Fruits d’une idée géniale d’Elisabeth Bollinger,<br />
veuve de Jacques et stratège du<br />
goût, face à la concurrence des cuvées<br />
de prestiges des autres maisons champe-<br />
noises. Le Bollinger R.D. est donc un champagne<br />
extra brut (3g) millésimé, vieilli sur lies durant un temps<br />
beaucoup plus long et offert à la dégustation juste après<br />
son dégorgement. Pour exemple, les derniers Bollinger<br />
R.D. à avoir été mis sur le marché sont les R.D. 2002 en<br />
2014 et 2004 en 2018, soit respectivement trois et quatre<br />
ans après leur sortie en Grande Année. Autant d’années<br />
supplémentaires en vieillissement sur lies propices à plus<br />
de complexité et d’évolution aromatique.<br />
Libérez les arômes tertiaires<br />
Soit un vieillissement où l’autolyse des levures – leur<br />
mort progressive libère des molécules qui vont interagir<br />
avec celles du vin – et l’oxydation lente – provenant,<br />
elle, du bouchage – vont libérer des arômes tertiaires,<br />
notent les professionnels. Ces vins sont très faiblement<br />
dosés en liqueurs d’expédition (extra brut) car c’est le<br />
vieillissement (plus de quatre fois supérieur aux<br />
règles de l’appellation) qui leur apportera profondeur<br />
et arrondi au palais, sans trop altérer leur<br />
acidité naturelle. La fraîcheur du champagne se<br />
joue d’abord sur le niveau d’acidité du raisin, assuré<br />
ici par les pinots noirs (66 %) et chardonnay<br />
(34 %) grand cru et premier cru, au pressurage<br />
qui privilégiera la cuvée premier jus plus riche<br />
en acidité. Suite au vieillissement, l’extra brut<br />
reprendra un extraordinaire coup de frais au<br />
dégorgement à la volée (à la main).<br />
N’attendez aucun fondu ; le champagne est plus<br />
vif et rock’n’roll et pourra ainsi vieillir indéfiniment<br />
si vous décidez de ne pas le consommer rapi-<br />
dement après son dégorgement et sa mise sur le marché.<br />
Ce qui est rare est cher<br />
Le Bollinger R.D. représente 1 % de la production annuelle.Les<br />
grands crus et premiers crus vinifiés sousbois,<br />
cités plus haut, de la Montagne de Reims (en partie,<br />
Côte des Noirs) et de la Côte des Blancs, sous l’œil<br />
et le palais du bien nommé chef de cave Gilles Descôtes,<br />
augmenteront naturellement son prix, ainsi que les<br />
magnums de réserve, bouchés au liège, nécessaire à ses<br />
3 g., idem pour le vieillissement prolongé, le remuage<br />
et le dégorgement à la main.<br />
Des investissements hyper coûteux qui donnent une<br />
idée de la puissance financière de Bollinger avec des<br />
coûts très importants d’immobilisation et de stockage<br />
(immobilier).<br />
ÉRIC VALZ<br />
PHOTOS: © OLIVIER MESNAGE. BOLLINGER-DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 152 . Spécial LUXE 2020
Focus<br />
Des montres à<br />
REMONTER LE TEMPS<br />
LA HAUTE HORLOGERIE ALLEMANDE RETROUVE SES MARQUES ET SES<br />
MODÈLES D’AVANT LE MUR. UNE INSPIRATION QUI DONNE NAISSANCE À<br />
DES MODÈLES QUI POURRAIENT DEVENIR CULTE. ABRÉGÉ D’HISTOIRE.<br />
L’Odysseus acier de<br />
Lange & Söhne et à<br />
droite deux modèles<br />
de SQ de Glasshütte<br />
Original.<br />
Le 18 septembre, la prestigieuse maison horlogère<br />
A. Lange & Söhne, propriété du groupe<br />
Richemont depuis 2000, célébrait les 175 d’histoire<br />
horlogère de Glashütte, bourgade de l’ex-RDA aux<br />
portes de Dresde. C’est à cette date, en 1845, que Ferdinand<br />
Adolphe Lange y ouvrait son premier atelier, à<br />
l’origine d’une épopée industrielle qui transformera une<br />
pauvre cité minière en berceau de la haute horlogerie<br />
allemande. Le village survivra à la dévastation d’une Allemagne<br />
deux fois vaincue, aux bombardements de ses<br />
usines, à la spoliation et au démantèlement de son outil<br />
de production en 1945 par les Russes. Puis, en 1948, à la<br />
nationalisation de ses manufactures qui seront regroupées<br />
quatre ans plus tard dans la VEB Glashütter Uhrenbetrieb<br />
(GUB). C’est de ce conglomérat, privatisé après<br />
la disparition de la RDA, qu’est issue la marque Glashütte<br />
Original en 1994, rachetée par le Swatch Group au tournant<br />
du millénaire.<br />
Mais une fois encore, ici, c’est un Lange qui initiera le<br />
mouvement, dès 1990, sur les ruines du Mur. 42 ans<br />
après l’expropriation de sa famille, Walter Lange, l’arrière-petit-fils<br />
de Ferdinand dolph, relance l’entreprise<br />
familiale à Glashütte et fonde A. Lange & Söhne. Une<br />
odyssée, célébrée fin avec le lancement de l’Odysseus,<br />
premier modèle en acier à être produit en série.<br />
L’inoxydable marque allemande s’attaque ainsi à Poséidon,<br />
Charybde et Scylla, soit les mythiques modèles<br />
d’Audemars Piguet – la Royal Oak –, de Patek Philippe – la<br />
Nautilus, voire de Vacheron Constantin – l’Overseas. Pour<br />
l’heure, avec une petite production de 6 000 montres par<br />
an, A. Lange & Söhne réserve ses nouveautés en priorité<br />
à sa clientèle. C’est ainsi qu’à la boutique parisienne de la<br />
rue de la Paix, vous ne pourrez acquérir l’Odysseus acier<br />
que si vous êtes déjà client.<br />
Destinée sur le papier à devenir une icône, la SQ de<br />
Glashütte Original s’inspire en trois versions d’un modèle<br />
mythique de son héritage historique qui assume la RDA.<br />
Soit un modèle de 1969 spécialement développé pour<br />
la plongée sportive, la Spezimatic Type RP TS 200. En<br />
jouant sur cette résurrection qui conjugue naturellement<br />
l’histoire et la modernité, la Manufacture de Glashüte<br />
Original laisse entendre, sans la jouer, l’introduction du<br />
magnifique hymne national de la défunte R. « uferstanden<br />
aus Ruinen und der Zukunft zugewandt… »,<br />
« Ressuscitée des ruines et tournée vers l’avenir », un<br />
chant de résilience qu’on entendra beaucoup dans les<br />
compétitions sportives des années 70 et 80. L’État communiste<br />
s’était alors littéralement adonné, comme les<br />
groupes horlogers d’aujourd’hui, au culte de la performance.<br />
Son icône, Kornelia Ender aura à jamais 16 ans.<br />
Aux JO de Montréal en 1976, sans que ses cheveux blonds<br />
aient eu le temps de sécher entre les deux épreuves, elle<br />
vient de s’emparer de l’or des 100 m papillon et 200 m<br />
nage libre, la plus courte et ravageuse odyssée de l’histoire<br />
de la natation.<br />
La lecture du temps est aussi celle d’un état du cœur.<br />
Kornelia Ender qui a symbolisé à outrance le culte de la<br />
performance, est devenue le punctum waterproof, écrirait<br />
Roland Barthes, de la haute horlogerie dans l’ancien<br />
royaume de Saxe.<br />
ÉRIC VALZ<br />
PHOTOS: © ERIK SCHIMSCHAR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 154 . Spécial LUXE 2020
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Rencontre<br />
CHRONO<br />
The Sky<br />
EN ACCESS<br />
FLY-BACK SUR FRÉDÉRIQUE CONSTANT AVEC<br />
SON DG FRANCE, YOHAN BIZY, MANAGER<br />
D’UNE ENSEIGNE SUISSE, JADIS CRÉÉE PAR DES<br />
NÉERLANDAIS, ET DONT LE GROUPE EST COTÉ<br />
À TOKYO. INDEX.<br />
Le choix de créer une marque suisse fut lié à<br />
l’engouement pour l’horlogerie suisse, initié<br />
par Swatch créateur du swiss made avec<br />
mouvements quartz dans les années . letta Bax<br />
et Peter Stas ont surfé dès sur cette vague de<br />
la passion horlogère avec le luxe accessible comme<br />
stratégie de marque.<br />
Échappement<br />
« Nous sommes une marque d’innovation. Le<br />
lancement en 2008 de la Frédérique Constant<br />
Tourbillon Manufacture avec un échappement<br />
en silicium, nous aura introduits à 20 ans dans<br />
la cour des grands. Seule Patek Philippe, à<br />
l’époque, pouvait rivaliser. »<br />
TOURBILLONS<br />
« La stratégie de développement de Frédérique<br />
Constant est liée à quatre critères : la qualité<br />
des produits, l’exclusivité nos tourbillons sont<br />
produits en séries limitées de à pièces , le<br />
savoir-faire et la passion. des mouvements<br />
manufacture sont conçus, produits et assemblés<br />
en interne. »<br />
YOHAN BIZY<br />
est DG France de<br />
la manufacture<br />
horlogère suisse<br />
Frédérique Constant.<br />
Citizen... can<br />
«Sans perspective de transmission familiale,<br />
les fondateurs vendent Frédérique Constant au<br />
groupe international Citizen. marque aussi<br />
le début du travail sur la seconde génération<br />
de la collection sportive chic Highlife. Citizen<br />
est un actionnaire silencieux qui laisse libre<br />
cours à notre imagination et à nos stratégies<br />
d’expansion. Sky is the limit Par ricochet, nous<br />
sommes cotés à la Bourse de Tokyo, ce qui nous<br />
a apporté des apports financiers colossaux.<br />
Depuis le rachat, nous avons doublé la taille de la<br />
manufacture Frédérique Constant à Genève ainsi<br />
que sa capacité de production. »<br />
Bissextiles<br />
« Nous ne sommes pas les moins chers mais les<br />
plus accessibles. Nous ne jouons pas sur notre<br />
image pour fixer les prix. ous proposons aux<br />
clients français la bonne montre avec la meilleure<br />
complication possible et le meilleur prix. Soit<br />
le meilleur rapport qualité versus le prix que le<br />
client peut mettre. Comme la Highlife Calendrier<br />
perpétuel Manufacture avec sa complication de<br />
haute horlogerie (qui tient compte des années<br />
bissextiles), accessible à .»<br />
ICÔNE<br />
«Une icône horlogère est une montre qui ne subit<br />
pas les effets du temps. La première génération<br />
de la collection Highlife n’en était pas une. Mais<br />
la nouvelle le deviendra. Comme le modèle<br />
ighlife automatique certifié COSC, trois<br />
aiguilles date ( ). Une collection dans l’air<br />
du temps avec son bracelet acier intégré ( <br />
des montres exportées de Suisse en ont un), ici<br />
interchangeable en secondes. »<br />
Recueilli par ÉRIC VALZ<br />
PHOTOS : © MONA BOITIÈRE. © ERIC ROSSIER.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 156 . Spécial LUXE 2020
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Focus<br />
Harley, un silence<br />
ASSOURDISSANT...<br />
ÇA DEVAIT ARRIVER, HARLEY FILE À L’ÉLECTRIQUE !, ENFIN LE NOUVEAU MODÈLE , LA<br />
LIVEWIRE, VÉRITABLE OXYMORE DE LA MARQUE US. ENTRE PLAISIR ET FRUSTRATION.<br />
La LiveWire de<br />
Harley-Davidson,<br />
moto entièrement<br />
électrique, de 105 ch.<br />
Un engin plaisant, aux<br />
accélérations aussi<br />
franches que linéaires,<br />
disposant d’une<br />
tenue de route et d’un<br />
freinage performant.<br />
D’Harley, elle hérite<br />
des lignes puissantes<br />
et son prix...<br />
Tous les marketeurs du monde vous le diront : une<br />
marque trouve sa légitimité dans son histoire,<br />
dans ses racines. Dans son ADN. C’est encore<br />
plus vrai dans un univers de passion comme celui de<br />
la moto avec ses tribus de passionnés. En ce domaine,<br />
Harley-Davidson est sans aucun doute une référence.<br />
Marque plus que centenaire, produisant des engins emblématiques<br />
tant par leurs formes que par leur son, Harley<br />
a développé et entretenu un culte, notamment à travers<br />
le HOG, Harley Owners Group, qui rassemblent plus<br />
d’un million de propriétaires dans le monde. Des adeptes<br />
d’une religion basée sur les chromes et le « pot, pot, pot »,<br />
le bruit de l’énorme et vibrant moteur bicylindre.<br />
Aussi, quand ladite marque a présenté son modèle entièrement<br />
électrique LiveWire en 2019, il y a eu comme<br />
un blanc. Car la nouveauté est radicale. Elle est même<br />
l’absolu opposé de tout cet ADN de Harley. Pas de bruit,<br />
sinon des sifements et des frottements, pas de chrome<br />
pour enluminer les lignes tendues et modernes… Une<br />
moto européenne en somme portant le logo de la plus<br />
emblématique des marques américaines. Seul le poids<br />
de kg, et une vibration artificielle ressentie au démarrage<br />
peuvent raccrocher la LiveWire à ces sœurs à<br />
moteur thermique. Pourtant, l’engin s’avère des plus<br />
plaisant, procurant des accélérations aussi franches que<br />
linéaires, disposant d’une tenue de route tout à fait performante,<br />
d’un freinage d’autant plus efficace que le moteur<br />
s’en charge avec puissance et délicatesse à l’arrière.<br />
Bref, une moto efficace, amusante en ville où se faufiler<br />
est un jeu d’enfant (dangereux). Sur route l’absence de<br />
bruit, de boîte de vitesses et par conséquent de rétrogradage<br />
à l’approche des virages rend la conduite plus<br />
ennuyeuse. L’autonomie, de l’ordre de 250 kilomètres,<br />
est suffisante pour un usage urbain quotidien. utant<br />
dire que les qualités de cette moto correspondent globalement<br />
aux défauts qui sont généralement attribués aux<br />
Harley traditionnelles. Mais à l’inverse de ces dernières,<br />
la moto électrique ne procure aucune émotion. Or on<br />
chevauche une Harley autant pour ce qu’elle montre que<br />
pour ce qu’elle fait ressentir.<br />
Pionnière d’une gamme qui va s’enrichir d’autres propositions<br />
électriques, la LiveWire a pour mission de<br />
conquérir de nouvelles populations de motards, plus<br />
urbains, plus jeunes pour compenser l’inexorable vieillissement<br />
de la base de fan dont la barbe blanchit au vent.<br />
Pour l’heure, le pari ne semble pas gagné et nombre de<br />
clients de la LiveWire sont des propriétaires d’un twin<br />
qui veulent pouvoir rouler en Harley même les jours<br />
de restrictions de circulation pour cause de pollution.<br />
Reste que nouveau ou ancien client, il faut une forme de<br />
conviction pour investir dans ce véhicule atypique.<br />
Un prix de base avant personnalisation, toujours<br />
possible dans cette maison où il est de bon ton d’avoir un<br />
véhicule qui ne ressemble à nul autre. Et dans ce registre,<br />
la Liveire est une vraie arley.<br />
FRÉDÉRIC ROY<br />
PHOTOS: © ALESSIO BARBANTI.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 158 . Spécial LUXE 2020
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Culture<br />
PRINT<br />
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2009/USA. Annonceur<br />
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Fresh Intensity , « The<br />
scent of real clean ».<br />
Agence : DDB West SF.<br />
États-Unis<br />
2008/France. Annonceur<br />
: Nescafé Spécial<br />
Filtre, « Encore plus riche<br />
en arôme ». Agence :<br />
Publicis Conseil Paris.<br />
2020/Hongrie.<br />
Annonceur : Campagne<br />
de Prévention contre<br />
la Covid-19, « It lasts for<br />
days » (The virus can survive<br />
on the skin for days).<br />
Agence : Greenroom<br />
Budapest.<br />
2002/France. Annonceur<br />
: EDF, « Donner au<br />
monde l’énergie d’être<br />
meilleur ». Agence :<br />
CLM/BBDO.<br />
2012/Espagne.<br />
Annonceur : Ford<br />
(voitures d’occasion).<br />
Annonceur : « Smells like<br />
new ». Agence : Bassat<br />
Ogilvy Madrid.<br />
2003/Chine. Annonceur<br />
: Nike Women,<br />
« Your sweat is the best<br />
fragrance », (distribution<br />
de testeurs de parfums<br />
dans les magasins de<br />
beauté). Agence : JWT,<br />
Hong Kong.<br />
<br />
<br />
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<strong>CB</strong> NEWS . 160 . Spécial LUXE 2020
Culture Print<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
1990/États-Unis.<br />
Annonceur : Minnesota<br />
Department of Health,<br />
« If You Smoke, Your<br />
Expensive Perfume<br />
Won’t Smell So Expensive<br />
». Agence : Martin<br />
Williams, Minneapolis.<br />
2016/Royaume-Uni.<br />
Annonceur : Paramount<br />
Pictures, « Zoolander<br />
N°2. Coming soon ».<br />
2015/ Japon.<br />
Annonceur : Burger<br />
King, No Whopper, No<br />
Life, « Flame-grilled<br />
fragrance », (Un parfum<br />
édition limitée disponible<br />
uniquement le 1er avril).<br />
2020/Royaume-Uni.<br />
Annonceur : Nestlé<br />
Céréales, « Eau de Lion ».<br />
Agence : Mother,<br />
London.<br />
2016/Uruguay.<br />
Annonceur : Agence Mc<br />
Cann (auto promo), « I<br />
Cann. Eau de créativité »<br />
Agence : Mc Cann<br />
Montevideo.<br />
2016/Argentine.<br />
Annonceur : General<br />
Electrics, (hotte aspirante),<br />
« Don’t let your<br />
flavour become your<br />
fragrance ». Agence :<br />
Wunderman, Buenos<br />
Aires.<br />
2006/ Nouvelle-<br />
Zélande. Annonceur :<br />
NOKIA, « So many<br />
features, you’ll think<br />
it does everything ».<br />
Agence : Young &<br />
Rubicam Auckland.<br />
2008/Espagne.<br />
Annonceur : Cocaïne,<br />
pour homme (campagne<br />
de prévention Anti-<br />
Drogue), « The biggest<br />
danger is forgetting what<br />
they really are ». Agence :<br />
Sra. Rushmore, Madrid.<br />
2012/Canada – Australie.<br />
Annonceur : Pizza<br />
Hut , « Yeah. We bottled<br />
it. » ; Agence : Grip<br />
Limited Canada / M&C<br />
Saatchi Australie.<br />
2009/ Australie.<br />
Annonceur : Ambi-Pur,<br />
Burst of Lemon, « Parfum<br />
de toilet. Now that’s an<br />
eau de toilette ». Agence :<br />
Jay Grey Sydney.<br />
2001/France. Annonceur<br />
: Heineken. Agence :<br />
Publicis Conseil Paris.<br />
2010/Royaume-Uni.<br />
Annonceur : Marmite<br />
Cereal Bar, « That may be<br />
too far, but what about<br />
this ? ». Agence : DDB<br />
London.<br />
<br />
<br />
<br />
<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 161 . Spécial LUXE 2020
Inspiration<br />
EN MARGE<br />
La sélection de<br />
OLIVIER ROLLER<br />
TOUS LES MOIS, NOUS DEMANDONS À DES ARTISTES, DA, DC ET<br />
AUTRES CRÉAS DE NOUS DÉVOILER LEURS SOURCES D’INSPIRATION,<br />
LEURS DÉCOUVERTES, LEURS INFLUENCES, LEUR JARDIN SECRET.<br />
FLIPPÉ<br />
Masques<br />
ASPIRATEUR<br />
Casa Susanna<br />
J’ai quelques masques africains<br />
dans mon studio. Pour l’anecdote,<br />
Fred et Farid étaient venus pour une<br />
séance photo pour « <strong>CB</strong> ews » ,<br />
et l’un des deux a tellemement<br />
ippé en les voyant qu’il n’a pas pu<br />
passer la porte, et ils sont repartis !<br />
Ces photos ont été découvertes par deux collectionneurs<br />
dans un marché aux puces à New York.<br />
Ils les ont éditées dans un livre, « Casa Susanna »,<br />
nom de la maison où se réunissaient le week-end<br />
dans les années 60 des hommes qui s’habillaient<br />
en femmes. Le temps d’un week-end, ils se photographiaient,<br />
déjeunaient ensemble, passaient<br />
l’aspirateur...<br />
En Marge essaie de trouver la part d’ombre<br />
des artistes interviewés. Si la tâche n’est<br />
pas toujours évidente avec certains créas,<br />
c’est du gâteau avec Olivier Roller tant<br />
son travail de photographe explore la face<br />
cachée. La preuve, il photographie en ce moment des<br />
corps de personnes dans le coma, atteintes du Covid :<br />
« On donne des chiffres sur l’épidémie, moi je suis témoin<br />
avec mes photos. Aucun journal ne pourra publier<br />
ça, j’en ferai une expo ». Portraitiste recherché,<br />
il travaille avec « <strong>CB</strong> <strong>News</strong> » depuis déjà 10 ans. Des<br />
portraits sans concessions des puissants, dans le cadre<br />
de sa série sur les Figures du pouvoir. Le contraire des<br />
clichés corporate et lisses. « Moi je mets mon grain de<br />
sable, je vais chercher chez ces gens comment le pouvoir<br />
les marque ». La recherche de la figure de l’autorité<br />
? « Possible, je n’ai pas connu mon père, et ma mère<br />
a jeté toutes ces photos ». Une mère qu’il photographie<br />
depuis 20 ans dans une série baptisée « La Muette ».<br />
Blanc « À ces dirigeants, je leur dis : je vais vous<br />
faire rééchir, je ne viens pas vous atter. La photographie<br />
est remplie de gens qui veulent faire bien.<br />
Mais il est où le cœur qui bat ? Moi mon job, c’est de<br />
faire des images pas d’avoir des copains. » La vanité,<br />
c’est ce qui intéresse Olivier Roller, la part d’animalité<br />
que l’on cache, ce que nous avons de singulier. Il relit<br />
sans cesse Antigone. Et fréquente Thanatos régulièrement<br />
dans ses images. « Fixons l’image qui pourrait<br />
être la dernière. » Eros en photo, il n’a pas<br />
encore trouvé sa grammaire, mais il me<br />
dévoile dans son smartphone des essais,<br />
des images blanches laiteuses et veinées,<br />
marmoréennes. Superbe. Prolixe, agité,<br />
cordial, il quitte son studio, ses masques<br />
africains et un immense portrait de<br />
Jeanne Moreau, enfourche son vélo et<br />
part photographier des morts du Covid<br />
dans les hôpitaux. Vanité.<br />
Pages réalisées par<br />
BERTRAND GAUTHEY<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 162 .<br />
Spécial LUXE 2020
En marge : Olivier Roller<br />
VISAGES<br />
Helmar Lerski<br />
Ce photographe et cinéaste suisse il a participé<br />
au « Metropolis » de Fritz Lang part en Palestine,<br />
où il réalise une série de 239 photos, d’un<br />
même homme, prises sur le toit d’une maison à<br />
Tel-Aviv. En pleine chaleur, avec des miroirs...<br />
ans un seul visage, il y a tous les visages.<br />
TÉMOIGNAGE<br />
Kasimir Zgorecki<br />
Photographe d’origine polonaise, il a immortalisé<br />
la vie des émigrés polonais dans les mines du Pasde-Calais.<br />
À l’époque, la photographie a valeur de<br />
témoignage. À la demande des parents ou de la<br />
famille, il photographiait aussi leurs enfants morts...<br />
LAIDEUR<br />
Histoire de la Laideur<br />
Deux livres, dans un coffret, un sur<br />
l’« istoire de la beauté », l’autre sur<br />
l’« istoire de la laideur », sous la direction<br />
de Umberto Ecco. La laideur est tellement<br />
plus intéressante, la beauté tellement lisse...<br />
PHOTOS : DR. © OLIVIER ROLLER.<br />
PASSION<br />
Bernard Hinault<br />
J’adore le vélo, je roule tout le<br />
temps, c’est une vraie passion.<br />
OLIVIER ROLLER<br />
est photographe.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 163 . Spécial LUXE 2020
Beaux<br />
LIVRES<br />
MÉLANCOLIE<br />
DES PALAIS DÉSAFFECTÉS AUX PIÈCES D'APPARAT VIDES, BAIGNÉES<br />
D'UNE LUMIÈRE MYSTÉRIEUSE... UNE VACUITÉ TROUBLANTE, DE LA<br />
NOSTALGIE. UN LIVRE QUI INVITE À LA RÊVERIE ET AU TEMPS QUI PASSE.<br />
EN PARTENARIAT AVEC<br />
Artazart libraire-galeriste<br />
83, quai de Valmy, 75010<br />
Paris. www.artazart.com<br />
Abandonnées<br />
VEDUTA<br />
« Les idées que les ruines réveillent en moi sont<br />
grandes. Tout s’anéantit, tout périt, tout passe. Il n’y<br />
a que le monde qui reste. Il n’y a que le temps qui<br />
dure. » Diderot.<br />
Parce que même le luxe s’enfuit aussi sur les<br />
ailes du temps, voici un plongeon dans le passé<br />
d’une Italie luxueuse en compagnie du photographe<br />
Thomas Jorion, spécialiste des paysages<br />
déshumanisées.<br />
Une série prise en Italie de 2009 à 2020, à la découverte<br />
des riches demeures abandonnées des 18 e<br />
et 19 e siècles, écrins silencieux d’un luxe évaporé.<br />
CARL HUGUENIN<br />
est cofondateur de<br />
la librairie-galerie Artazart<br />
“ Veduta ”, de Thomas<br />
Jorion. (Introduction<br />
de Giovanni Fanelli.<br />
Éditions La Martinière.<br />
(octobre 2020).<br />
32 x 25,6 cm. 228<br />
pages. 49 €.<br />
Fugata,<br />
Ligurie, 2018<br />
Imbarco,<br />
Piémont, 2019<br />
PHOTOS : © THOMAS JORION.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 164 . Spécial LUXE 2020
Beaux livres<br />
Duello,<br />
Lombardie, 2017<br />
SOGNARE,<br />
TESSIN, 2016<br />
« Un palais à Sognare<br />
dans lequel je suis<br />
rentré à l’arrache. Je<br />
n’ai pas pu accéder à<br />
l’intérieur par contre, et<br />
suis resté sur la terrasse,<br />
les yeux tournés vers le<br />
lac Majeur. C’était une<br />
fin de journée d’hiver et<br />
la neige est tombée. J’ai<br />
fait une pose longue de<br />
8 minutes, pas certain<br />
que ça donne quelque<br />
chose… »<br />
PORPORA,<br />
PIÉMONT, 2010<br />
« C'était le mois de<br />
mai en Italie, une<br />
explosion de couleurs,<br />
de chaleurs et d'odeurs.<br />
Cette villa découverte<br />
en raison de sa position<br />
géographique malheureuse<br />
s’avéra fermée<br />
au premier regard.<br />
Quelle déception, tant<br />
de route pour rester<br />
sur le seuil... Le front<br />
collé à la porte à scruter<br />
cette maudite chaîne.<br />
Surprise ! Un maillon<br />
est coupé, il ne reste<br />
qu'à la retirer pour<br />
entrer et saisir cette<br />
beauté endormie. »<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 165 . Spécial LUXE 2020
Profil<br />
MOBILE<br />
Les apps de<br />
Thomas<br />
Heisser<br />
DIS-MOI QUELLES SONT<br />
LES APPLIS DE TON<br />
SMARTPHONE, JE TE<br />
DIRAI QUI TU ES. PAR LE<br />
RESPONSABLE DE LA<br />
COMMUNICATION<br />
KEN GROUP.<br />
Spotify<br />
« Mes artistes feel good du<br />
moment : Miriam Makeba, Flo<br />
The Kid et Lizzo. En boucle, la<br />
réédition de l’album “ Planet<br />
Gold ” du pianiste Sofiane<br />
Pamart (mention spéciale pour<br />
“ Medellin ”). »<br />
Radio France<br />
« Mon app. couteau suisse :<br />
France Culture pour “ Les<br />
Enjeux internationaux ”, France<br />
Info pour le café du matin et<br />
France Inter pour l’humour<br />
inégalé de Guillaume Meurice. »<br />
Instagram<br />
« Pour l’évasion, je scrolle les<br />
comptes de @lejenke pour ses<br />
créations inspirantes, @julieb<br />
pour ses talks engagés et @<br />
lewandz pour son regard coloré<br />
de la société. »<br />
“ EN MODE<br />
SILENCIEUX ”<br />
Ecosia<br />
« L’alternative idéale à<br />
Google : un moteur de<br />
recherche qui promet<br />
d’inverser les effets du<br />
changement climatique.<br />
Ecosia plante des millions<br />
d’arbres, chaque mois, dans<br />
les zones les plus menacées<br />
du monde. »<br />
GQ<br />
« Ma dose quotidienne de<br />
style. Toujours un coup<br />
d’avance, surtout avec les<br />
adresses confidentielles de<br />
la rédaction. À retrouver<br />
en exclusivité sur l’app : les<br />
masterclass sport GQ avec les<br />
coachs du Ken Club, du Klay<br />
et de Blanche. »<br />
Philharmonie Live<br />
« Une large sélection de<br />
concerts classique et jazz,<br />
parfaits après une journée<br />
de travail, en cuisine avec<br />
un verre de vin rouge. Le<br />
concert d’Oumou Sangaré<br />
et la performance “ Ravel<br />
et Moussorgski ” de Khatia<br />
Buniatishvili. »<br />
Accor All<br />
« Là où tous mes projets de<br />
voyages se concrétisent.<br />
Prochaine destination<br />
post-Covid : Salar de Uyuni,<br />
en Bolivie. Sans oublier un<br />
programme d’expériences<br />
exclusives, comme l’accès<br />
aux matchs du PSG au Parc<br />
des Princes. »<br />
Jamais sans mon téléphone, mais toujours sur mode<br />
silencieux ”, c’est ainsi que Thomas Heisser, le responsable<br />
de la communication de Ken Group (Ken Club, Klay et<br />
Blanche), envisage sa vie mobile. “ C’est à mon sens le<br />
meilleur moyen de s’engager à 100 % dans ses projets, sans<br />
distraction. Prendre le temps d’apprécier l’instant présent.<br />
Savoir se rendre disponible, mais l’inverse est tout aussi<br />
important : le parfait équilibre entre passion professionnelle<br />
et vie familiale. Le téléphone reste mon meilleur outil pour<br />
créer et collecter des souvenirs. ” Soit 23 394 photos et vidéos<br />
sauvegardées le jour de cette interview.<br />
PHOTOS : © ©MANNYSEGUIN. DR.<br />
<strong>CB</strong> NEWS . 166 . Spécial LUXE 2020
L’ART DE RÉVÉLER LA NATURE*