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Cité internationale des arts de Montmartre, Paris,
2012-2013
Le pigeonnier, installation
22 23
Après une résidence de quinze
mois à la cité internationale
des arts, Jeanne Lacombe
nous convie à visiter son atelier
le week-end du 14 au 17
novembre afin d’apprécier ses
œuvres récentes qui approfondissent
et renouvellent son
travail antérieur. L’exposition
se compose d’une dizaine de
peintures et d’une quinzaine
d’oiseaux de céramique et de
plâtre de tailles diverses dont la
présence peut paraître énigmatique
au premier abord.
Et comment appréhender l’omniprésence
du vert lumineux
de ses paysages et ses horizons
immenses et indécis sur lesquels
se détache la silhouette
d’une caravane ou d’une maison
solitaire au pignon aveugle ?
Née au bord de la mer à Dakar,
la veine artistique de Jeanne
Lacombe s’est surtout révélée
dans l’univers du passage
maritime, des no-man’s land
frontaliers et l’univers des déplacements.
Son premier atelier
se situait quai des Chartrons le
long de la Gironde à Bordeaux
et elle reste attachée à celui
qu’elle eut à Tanger lors d’un
projet sur le détroit de Gibraltar
ainsi qu’un autre qu’elle
partagea en 2007 le long du
Bosphore avec l’artiste turque
Gül Ilgaz. Or la cité internationale
des arts de Montmartre
avec ses bâtiments posés en
pleine verdure — le vert de ses
tableaux — au milieu d’un parc
à demi abandonné est ce même
havre de paix qui au dessus des
bruits de la ville invite
à la contemplation.
Pour sa recherche sur le thème
du transitoire, de la trace et
de ce qui fait étape, Jeanne
Lacombe commence par des
esquisses. Sa série de portraits
de résidents un jour de
pique-nique collectif en est
l’illustration. Comme ceux des
pensionnaires de la villa Médicis
faits à la fin de leur séjour,
ce diptyque est à l’image de
la synergie de la cité lors de
son passage à Montmartre.
Et c’est tout naturellement
vers les pigeons que Jeanne
Lacombe a tourné son regard,
comme ceux qui picorent les
restes laissés par les passants
du jardin du Sacré Cœur. Ils
sont à l’image de la misère
parisienne de ceux qui, chassés
par le destin, dorment la nuit
devant les portes cochères.
Jeanne Lacombe observe leurs
mouvements et leurs rituels
de survie. Après avoir bâti un
pigeonnier en haut d’un échafaudage
léger et confectionné
un déversoir à graines, elle put
de sa fenêtre du premier étage
étudier le couple de pigeons
qui venait s’y nourrir à la même
heure, les prendre en photos et
les filmer comme en témoigne
la vidéo qu’elle présente.
Avec ses paysages lumineux et
son éloge des oiseaux, Jeanne
Lacombe nous enrichit de sa
réflexion pudique et lucide sur
un aspect parfois délibérément
ignoré de la vie urbaine. Elle
en montre la richesse discrète
avec un laissé faire proprement
artistique et souligne les codes
que ces déplacements impriment
à l’espace partagé avec
une empathie et un sens de la
proximité toujours renouvelés.
L’éloge
des oiseaux
Marie Cordié-Lévy
Historienne en histoire de l’art
Novembre 2013
OPEN STUDIO