Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
6 7
Quelle est la place de la céramique
dans ton travail ?
J’avais déjà réalisé un travail en
volume et en couleur, des cubes
en bois et en plâtre que j’installais
sur un mur ou sur un socle à l’horizontale,
toujours en référence au
paysage. Plus tard, j’ai découvert le
travail de Klara Kristalova qui m’a
renvoyé à une évidence : je ressentais
un lien fort entre ma peinture
et sa céramique qui, de par sa
texture et ses couleurs, m’ont fait
comprendre la pertinence de travailler
les deux mediums ensemble.
S’est donc imposée à moi la nécessité
de faire une résidence au
Centre Européen de la Céramique,
EKWC aux Pays-Bas, fin 2015.
Comment définis-tu ta peinture?
C’est toujours délicat de parler de
ce qui nous touche de très près,
c’est un langage intime qui vient
de ce que nous avons de plus profond
en nous. Je résumerais en un
seul mot : le PAYSAGE. Mon amour
de la peinture et, d’une façon plus
générale, ma fascination pour
l’image explique mon attirance
pour le cinéma, le théâtre et la
danse contemporaine. J’accorde
aussi de l’importance aux mots
que j’introduis dans mes dessins
et mes peintures. À cela s’ajoute
une quête insatiable qui me pousse
dans mes retranchements et me
met en perpétuel mouvement vers
de nouvelles aventures où je dois
sans cesse me renouveler. D’où mes
différentes résidences dans ces
lieux de passage comme Istanbul
et Tanger, mes seize mois à la Cité
Internationale des Arts à Paris et
ma résidence au Centre Européen
de la Céramique aux Pays-Bas.
D’où te viennent tes premières
émotions liées à ta peinture?
Dès ma petite enfance qui était
à Saint-Louis du Sénégal j’étais
fascinée par la nature et ses mouvements,
le rassemblement des
oiseaux à la tombée de la nuit, les
bruits du soir, la force de l’orage
suivi par la pluie et une odeur de
terre mouillée. J’observais pendant
des heures le caméléon dans mon
jardin où s’ajoutaient ces petits
oiseaux tout en couleur. Tout ceci
annonçait le PAYSAGE. Je remarquais
ces verts bien sombres des
arbres qui ne perdaient pas leurs
feuilles et ce bleu du ciel qui était
interminable avant la courte saison
des pluies où j’étais beaucoup plus
dans mon élément.
Et plus tard ?
Plus tard, après dix années de
pension à Rodez, un grand trou
noir… J’ai découvert Marguerite
Duras, son écriture et son cinéma,
la musique contemporaine qui,
paradoxalement, me rappelait les
bruits nocturnes de mon enfance.
L’année passée aux États-Unis me
conforta dans mon goût pour le
blues, le jazz et plus particulièrement
pour celui de John Coltrane.
À 22 ans, j’ai vécu 18 mois aux Pays-
Bas ; un moment qui a été fondateur
par ma découverte de l’abstraction
à travers l’œuvre de Piet Mondrian,
et mon intérêt pour l’architecture
du mouvement De Stijl.
Durant mes études aux Beaux-
Arts de Bordeaux j’ai fréquenté
assidûment le CAPC (Centre d’art
contemporain). J’aimais la nouvelle
figuration avec Jean-Charles Blais
et Robert Combas, l’art conceptuel
avec Sol Lewitt, l’art minimal avec
Dan Flaving et Donald Judd, l’Arte
Povera et plus particulièrement
Guiseppe Pénone, la peinture allemande
avec George Baselitz, la
trans-avant-garde italienne avec
Mimo Paladino. Par ailleurs j’ai
été très intéressée par l’expressionnisme
abstrait de Willem De
Kooning et de Jackson Pollock.
Au fil de l’évolution de mes parcours
j’ai pu découvrir Gerhard Richter,
Mona Hatoum, Katarina Gross,
George Shaw, Marlène Dumas,
Eberhard Havekost, Klara Kristalova,
Johan Creten, Sophie Calle,
Maurizo Cattelan, Fabrice Hybert,
Françoise Pétrovitch, Raymond
Depardon et tant d’autres… Mes
choix n’ont jamais été exhaustifs.
J’aime aussi le cinéma pour ses
images. Je suis sensible au cadrage,
au montage, à leurs couleurs, à ce
qu’elles racontent et comment elles
sont racontées, au choix des mots
dans les dialogues. La Nouvelle
Vague incarne bien cet intime que
je recherche car elle dévoile une
proximité de l’être, je pense aux
films de Jean-Luc Godard et d’Eric
Rohmer. Actuellement je retrouve
cette même atmosphère dans le
cinéma coréen chez Lee Chang-
Dong et Hong Sangsoo, mais aussi
chez les Japonais Noami Kawase et
Kore-Eda Hirokazu. Ces cinéastes
font écho à mes recherches. De
même Lars Von Trier m’interroge
par sa « folie » et son audace, et
son autre façon de voir le cinéma.
Pour parachever l’énumération de
ceux qui me nourrissent je me dois
de citer deux livres pour moi fondamentaux
:
L’empire des signes, de Roland Barthes,
et Limbes, de Jean-Bertrand
Pontalis.