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couches se superposent et se révèlent doucement au
regard. Ses couleurs irradient avec intensité et font de
ses pièces cuites, à l’instar de ses images peintes, des
objets hybrides, qui créent un pont entre les médiums.
Le talent de Jeanne Lacombe est d’abolir les frontières
entre peinture et photographie, volume et peinture.
Dans son travail, rien n’est complètement à sa place,
chaque élément glisse doucement vers de nouveaux
territoires.
Jeanne Lacombe crée du lien, elle jette des ponts
au-dessus des détroits, elle relie les mondes, les
genres et les styles, elle est libre. Ses photographies
peintes jouent sur le doute. Le réalisme de l’image
photographique est sublimé par la touche enlevée de la
peinture. Celle-ci n’est plus prisonnière de son auritarisme
vain et la photographie se déleste de son horizon
frustré. Les deux s’enlacent dans une danse ensoleillée.
Si l’artiste parvient avec autant de fluidité à lier ce qui
semble opposé, c’est qu’elle a effectué plusieurs résidences
de travail dans deux villes du bassin méditerranéen
qui depuis l’autre rive sont à portée du regard de
notre continent vieillissant. D’Istanbul à Tanger, Jeanne
Lacombe s’est immergée dans ces cultures voisines
et a observé avec recul, notre Europe isolationniste,
civilisation occidentale qui aujourd’hui refuse le brassage
et la diversité, prenant ainsi le risque d’accélérer
son déclin symbolique. L’artiste a compris que la distance
et le voyage permettaient de rencontrer l’autre
et par l’altérité, de nourrir une œuvre en permanente
évolution. Entendons-nous bien, Jeanne Lacombe
ne produit pas explicitement ce que nous pourrions
qualifier d’art politique, dans le sens militant, voire
revendicatif. Non, son art est subtilement irrigué par
sa conscience politique, elle n’impose pas une lecture
du monde, elle le lit à l’aune de son regard et le partage
avec nous. D’où cette liberté entre les médiums, qui
finalement bouscule les codes d’un art trop souvent
conformiste. Si Édouard Glissant a théorisé la créolisation
du monde en revendiquant la poésie comme acte
politique, Jeanne affirme la diversité de ses sources et
la multiplicité des gestes qui nourrissent sa pratique.
L’acte photographique, la fabrication des couleurs, le
toucher de la peinture, l’alchimie de la céramique, tout
est outil à faire œuvre et toute œuvre est le fruit d’une
rencontre.
Jeanne Lacombe apprend du monde, les territoires
qu’elle traverse sont l’occasion de multiples découvertes.
Les espaces sont hétérogènes, les dimensions
locales s’additionnent et se multiplient à l’inverse de
l’unicité de la globalisation qui, principalement régie
par son principe de domination, annule toute diversité.
L’artiste l’a bien ressenti et son regard sur ces natures
multiples témoigne de son attention à la différence. La
nature, le ciel, l’eau, la terre, les végétaux méditerranéens,
les fleurs, les roses, ne sont pas que prétexte
aux formes et aux couleurs. Le regardeur les éprouve,
ressent leur présence, et les peintures de Jeanne nous
rappellent toutes, un instant personnel, une route, une
visite à la famille, un temps suspendu, un concentré
de souvenirs, des images, des odeurs, des sensations.
Jeanne Lacombe attise notre mémoire sans pour autant
convoquer la nostalgie. C’est le naturel et la simplicité
de ses peintures parfois ponctuées de touches
proches de l’abstrait qui relient son sujet à notre part
d’intime. Son travail est universel, parenthèse en suspens,
le temps évoqué n’a pas disparu. Ce temps que
nous tendons tous à vouloir garder éternel.