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MAGAZINE VOYAGEUR
Bonnes
bouteilles
&
Activités
insolites
L 13134 - 55 - F : 6,90 € - RD
ÉTÉ 2021
LES PLUS
BELLES ROUTES
DES VINS
BOURGOGNE • COGNAC • FRONTON
ALSACE • CHAMPAGNE • MOSELLE
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Michel Fonovich
mfonovich@ar-mag.fr
RÉDACTRICE EN CHEF
Sandrine Mercier
smercier@ar-mag.fr
DIRECTION ARTISTIQUE
Florine Synoradzki
& Julie Rousset
GRAND-REPORTER
Christophe Migeon
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Anne Nhung Paulhe
STAGIAIRE
Charlène Dosio
PARTENARIATS ET RÉSEAUX
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(Réservé aux professionnels)
Abomarque : 06 81 09 44 57
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Directrice générale :
Corinne Rougé (93 70)
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Imprimerie de Champagne
A/R MAGAZINE VOYAGEUR
Publication trimestrielle
c) Version Édité par ligne les éditions du Plâtre
SAS au capital de 10 000 €
1 rue du plâtre — 75004 Paris
Tél. : 06 87 83 22 56
R.C.S : 523 032 381
ISSN : 2108-3347
CPPAP : 1025 K 90544
Dépôt légal à parution
© A/R Magazine voyageur
La reproduction, même partielle,
des articles et illustrations publiés
dans ce magazine est interdite.
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a) Format portrait : b) Version ligne
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MERCI À TOUS
NOS CONTRIBUTEURS
Katia Astafieff, Didier Bizet, Julien
Blanc-Gras, Guillaume Cromer,
Laurent Delmas, Franck Ferville,
Antonio Fischetti, Emeric Fohlen,
Nicolas Leblanc, François Mauger,
Aurélie Rodrigo, Tristan Savin, Virginie
Suères, Jeremy Suyker, Albert Zadar.
3) Modèle WWW.AR-MAG.FR
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a) format portrait b) Version ligne
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disponible.
10
CAROLINE VIGNAL
14
BOURGOGNE
46
GRAND EST
58
COGNAC
70
FRONTON
90
CORÉE DU NORD
1969
Naissance le 16 décembre
1969.
1997
Diplômée de la FEMIS.
1998
Solène change de tête,
premier court métrage.
2000
Les Autres filles, premier
long métrage, présenté
à La Semaine de la
Critique au Festival
de Cannes.
2002
Premiers textes pour
le théâtre et France
Culture.
2012
Divorce et fiançailles,
premier scénario pour
la télévision.
2020
Antoinette dans les
Cévennes, nommé
aux César 2021 dans
les catégories Meilleur
scénario original
et Meilleur film. César
de la meilleure actrice
pour Laure Calamy,
son interprète principale.
Le DVD du film est édité
par Diaphana.
10 ENTRETIEN
CAROLINE VIGNAL
Avec Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal a obtenu
l’un des rares succès du cinéma français en temps de
pandémie. Laure Calamy, son interprète en duo comique
avec un âne, a même obtenu le César de la meilleure actrice.
Retour sur les voyages de la réalisatrice.
TEXTE LAURENT DELMAS
PHOTO FRANCK FERVILLE
Avez-vous fait le voyage de Stevenson dans les Cévennes avant
de le porter à l’écran via votre Antoinette ?
Oui, avec le père de ma fille. Durant douze jours, nous avons marché sur les
traces de l’écrivain, mais sans âne, car il nous semblait que le trajet était trop long
pour le faire avec. Nous avons tenté l’expérience seulement au cours de balades
plus courtes. La présence d’un âne rend les choses plus compliquées à vrai dire,
il ne faut vraiment pas être pressé et nous, nous aimons marcher d’un bon pas.
L’âne est un peu un boulet. Le film est né des souvenirs de plusieurs randonnées
cévenoles et le scénario en a été nourri. À l’origine, il y eut une petite randonnée
avec ma fille du côté de Vialas en Lozère. Plus le temps passe, plus j’apprécie
ces petites explorations très proches de nous qui recèlent de véritables trésors.
Sans les opposer forcément à des voyages au long cours vers des destinations
très éloignées, j’estime désormais que la découverte de ce qui est autour de nous,
à notre portée plus immédiate, est tout aussi précieuse, riche et bénéfique.
L’adulte que vous êtes se souvient-elle de son premier
voyage d’enfance ?
Mon père a été reçu au concours interne de l’ENA le jour même de ma naissance.
Comme il se doit, il a dû effectuer dans la foulée plusieurs stages à l’étranger dont
un dans l’Espagne franquiste. Alors, c’est certainement mon premier voyage
à l’étranger mais dont je ne garde évidemment aucun souvenir vu mon très jeune
âge. À vrai dire, c’est un peu particulier, parce que mon père étant devenu
diplomate, on ne voyageait pas du tout ! Nos voyages consistaient à revenir dans
le Midi où nous allions retrouver mon arrière-tante, mes grands-parents et mes
oncles. Toutes nos vacances se passaient là-bas : c’était notre lieu familial, notre
point de chute et c’est toujours le cas.
De quel Midi s’agit-il ?
Du côté de ma mère, c’est dans l’Hérault et plus exactement dans la vallée de
l’Orb, à Cessenon-sur-Orb où je continue d’aller. Du côté de mon père, c’est dans
le Gard, à Montpezat, près de Nîmes, où mes grands-parents faisaient du vin,
ENTRETIEN
11
— BOURGOGNE —
PETITE
VADROUILLE
DANS LES
GRANDS
CRUS
❦
16 BOURGOGNE
Château de La Rochepot.
TEXTE MICHEL FONOVICH
PHOTOS JEREMY SUYKER
Ce n’est pas la taille qui compte, et la Bourgogne
le prouve. Ses vins sont célébrés partout dans
le monde et les plaisirs qu’ils procurent sont
intenses alors que son vignoble est minuscule.
Alors, comment expliquer pareille performance ?
Certains évoquent les climats, d’autres invoquent
l’histoire… cela méritait d’aller creuser.
N’a-t-on jamais autant parlé du climat ? Il ne fait rien qu’à se
réchauffer, qu’à se dérégler, tant et si bien qu’il inquiète. Il
faudrait agir pour le remettre d’aplomb, mais de là à tomber
d’accord entre États. De sommets internationaux en lois « climat
», on n’avance pas. Le sujet est brûlant, pourtant on tourne
autour du pot. Pourquoi ne pas prendre exemple sur la
Bourgogne où l’on discute du climat de manière courante et
apaisée depuis fort longtemps. Sa première mention écrite
remonte à 1584, c’est dire. Certes, il y a climat et climat.
Bernard Pivot, grand amoureux des mots et du vin, en sait
quelque chose : « En Bourgogne quand on parle d’un climat, on ne
lève pas les yeux au ciel, on les baisse sur la terre. » Typiquement
la phrase qui ne rassure pas l’honnête amateur de jus de la
treille se baladant pour la première fois entre Côte de Beaune
et Côte de Nuits. Chercherait-on à l’embrouiller ? Cela mérite
un approfondissement. Officiellement, le climat désigne une
parcelle de vignes, progressivement et précisément délimitée
par l’homme, et qui est reconnue par son nom depuis des
siècles, souvent depuis le Moyen Âge. Chaque climat est unique
et son nom raconte l’histoire de sa parcelle, faisant référence à
son origine, à la nature du sol, au relief, à l’exposition, à l’hydrométrie…
Son nom qui devient celui du vin. Ainsi Montrachet,
le meilleur vin blanc du monde selon certains, évoque un mont
au sommet seulement pourvu d’une végétation rachitique, un
mont chauve semblable au crâne tonsuré d’un moine. Entre
ix e et xi e siècles, on en voyait beaucoup de ces crânes lisses au
milieu des vignes, car quand ils ne priaient pas, bénédictins et
cisterciens se faisaient vignerons. À force de travail et d’observation,
ils acquirent une connaissance quasiment millimétrique
du terrain qui leur permit d’identifier les parcelles. En édifiant
des clos, ils achevèrent de poser les bases de la viticulture bourguignonne.
Plus tard, les puissants ducs de Bourgogne s’avèrent
les meilleurs ambassadeurs du vignoble et veillent à sa qualité.
Philippe le Hardi en 1395 fait interdire le gamay au profit du
pinot noir moins productif, mais réputé supérieur. Au fil des
siècles, les climats se généralisent tandis que les vignobles
finissent de passer aux mains des négociants et des viticulteurs
avec le coup de pouce de la Révolution. Qui dit climat, dit
monocépage. Les Bourguignons n’ont en effet pas trouvé mieux
pour révéler la diversité des sols : le pinot noir cher à Philippe
le Hardi pour les vins rouges, le chardonnay pour les vins
blancs. En 1935, les AOC en officialisant les climats (plus de
1200) et les crus consacrent la réussite d’une viticulture bourguignonne
centrée sur le terroir et entérinent la mosaïque des
climats. Ne restait plus pour eux qu’à recevoir l’onction de
l’Unesco avec une inscription sur la liste du patrimoine mondial.
C’est fait depuis 2015.
La grande petite Bourgogne
Partout sur le globe, la Bourgogne est connue pour ses vins
alors qu’ils ne représentent que 3 % de la production nationale.
Parmi eux, les grands crus (Montrachet, Corton, Chambertin,
Échezaux, Romanée-Conti…, 33 en tout) comptent seulement
pour 1 % et les premiers crus pour 10 % ! On voit par là qu’il
n’y en a pas pour tout le monde et l’on se doute que pour avoir
le privilège de tremper ses lèvres dans l’un de ces nectars, il
BOURGOGNE
17
Château de Chasselas.
Climats de confiance
Avec les Monts du Mâconnais et la Côte châlonnaise, le Massif
central connaît ses derniers soubresauts calcaires et n’en finit
plus d’agoniser en douces ondulations piquetées de chicots
rocheux. Un paysage qui doit beaucoup à l’homme et plus
encore aux moines. Ici les vignes sont en grande partie l’héritage
des Bénédictins de l’abbaye de Cluny. Fidèles à leur principe
« ora et labora » (Prie et travaille), ils ont défriché les coteaux
et planté leurs ceps avec toute la ferveur de l’amour du Christ…
et de son sang. À raison de six ou sept offices par jour, le vin
de messe coulait à flots. Au fil des vendanges, les bons pères
apprirent à reconnaître les meilleurs terroirs et finirent par
morceler la campagne en une foultitude de lopins de terre
connus pour donner des vins de caractère différent en fonction
de la nature du sol et de la météorologie locale : les climats,
c’est ainsi qu’on les nomme, ont désormais l’insigne honneur
d’appartenir au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Cette
marqueterie alambiquée de parcelles issues d’un long et laborieux
apprentissage fait toute la spécificité – et toute la complexité
– du vignoble bourguignon. Pour débrouiller cet
écheveau, mieux vaut s’adresser à un professionnel. À Fuissé,
sur la place Saint Germain, un vieux panneau mural qui doit
être là depuis les années cinquante vante les mérites du vin
local, « Le Fuissé, le vin de la joie de vivre, le vin de vos vacances ».
Juste devant, la maison Auvigue a installé ses cuveries dans les
murs de l’église romane désacralisée en 1872. Sylvain Brenas,
le gérant, tente de nous initier au système pyramidal des appellations,
avec à la base l’appellation régionale Bourgogne répartie
en 6 AOC, suivie dans le Mâconnais de l’appellation sousrégionale
Mâcon, puis des appellations communales où le vin
se voit rattaché à son village d’origine (dans le genre Pouilly-
Fuissé ou Saint-Véran). Enfin, au sommet de l’échafaudage
trônent les premiers crus et les grands crus aux noms d’AOC
communale systématiquement suivis d’un nom de climat.
Limpide non ? Et on s’étonne que les Américains ou les Chinois
soient perdus en dehors du chablis ou du chardonnay…
Problème pour le Mâconnais, jusqu’à l’été dernier, la région
ne pouvait se targuer d’aucun premier cru. Une bizarrerie issue
tout droit des vicissitudes de l’Histoire. « En juin 1940, la
Wehrmacht décide de réquisitionner tous les vins au nord de la ligne
de démarcation, sauf les premiers et grands crus, raconte Sylvain
Brenas. Tous les vignerons au nord de la ligne se sont empressés de
classer leurs meilleures parcelles en premiers crus tandis que le
Mâconnais, non concerné par les réquisitions de par sa situation
au sud de la ligne, est resté en climats. » Un manque de valorisation
qui explique en partie le défaut de notoriété des vins du
Mâconnais. « Le problème est en passe d’être résolu puisque l’an
dernier, 194 ha sur les 770 de la région ont été classés en 22 appellations
premiers crus ! »
30 SAÔNE-ET-LOIRE
L’art de la dégustation
Après avoir vaguement débrouillé les arcanes du vignoble
bourguignon, le néophyte peut enfin jouer les nomades
bachiques le long de la « Route 71 » , pour un road-trip œnologique
rendu possible grâce à l’application du même nom.
Il pourra selon ses envies sillonner les parcelles ivres de soleil,
déchiffrer le solfège éternel des travaux viticoles, s’attarder
dans la fraîcheur des caveaux, se repaître de patrimoine roman
dans des villages ramassés autour de leurs souvenirs et bien
sûr déguster les vins du pays. Ou tout au moins s’initier à la
dégustation. Car qui ne s’est jamais retrouvé au fin fond d’une
cave, occupé à se faire un vigoureux bain de bouche avec le
contenu de son verre tout en recherchant l’inspiration face au
vigneron qui l’observait du coin de l’œil ? Que dire en effet ?
Un « Humm, pas mauvais » peut laisser votre hôte légèrement
sur sa soif. Les plus audacieux pourront tenter un « Slurp, il a
de la cuisse » à moins de se lancer dans un très élaboré « Je trouve
qu’il a la bouche ample, légèrement beurrée, évoluant sur une finale
suave, longue et parfumée. » Plus classe mais pas facile à placer.
On peut aussi avancer la traditionnelle « note de groseille et de
fraise des bois », mais ça ne marche pas trop avec les blancs.
Bref, la dégustation peut vite devenir un calvaire. Sauf que le
long de cette Route 71, des vignerons ont mis au rencart la
dégustation guindée autour du tonneau pour faire découvrir
leur production autrement, sur un mode ludique et convivial.
Voici quelques pistes pour prendre un peu de bon temps en
compagnie de ces nouveaux ambassadeurs des vins. Précisons
que pour parvenir sans encombres au terme de ses vacances,
il est toujours recommandé de recracher.
« Le Fuissé,
le vin de la joie
de vivre,
le vin de vos
vacances. »
Maison Auvigue à Fuissé, dans l’église St Germain.
SAÔNE-ET-LOIRE
31
58
— LES CHARENTES —
IL ÉTAIT UNE FOIS
LE COGNAC
Descendant mollement des plateaux limousins jusqu’à l’océan,
la Charente donne son nom à deux départements, serpente entre
les vignobles, baigne les villes d’Angoulême, Jarnac, Cognac…
Bonne fée, elle a promis à Cognac, il y a quelques siècles déjà,
un destin exceptionnel, une renommée universelle par la grâce
d’une eau-de-vie qui serait baptisée Cognac, tout simplement.
Écoutons-la nous raconter cette légende de A jusqu’à Z.
TEXTE MICHEL FONOVICH
PHOTOS EMERIC FOHLEN
Château royal de Cognac.
Alambic
Attrape-vapeurs tout en courbes
et rondeurs. Adore se faire chauffer.
En cuivre forcément. Les eaux-de-vie
qu’il enfante dans ses entrailles
deviendront cognacs.
Barrique
Entre ses douelles en bois de chêne,
la barrique berce pendant des années
les eaux-de-vie, les pare d’une couleur
plus ou moins ambrée, leur prodigue
tanins et arômes. Le cognac lui voue
une reconnaissance éternelle.
Charentaise
Terre bénie entre toutes, la Charente
ne se contente pas d’avoir donné
naissance au cognac. On lui doit aussi
la charentaise, cette confortable
pantoufle de feutre aux motifs
traditionnellement écossais. Fainéant
notoire, casanier jusqu’au bout des
ongles, le célèbre Robert Bidochon ne
s’en sépare jamais, non plus que de son
béret. Ah ! siroter un bon cognac dans
un verre ballon, le cul calé dans un
fauteuil club et les pieds au chaud dans
une paire de charentaises. Sans doute
M. Bidochon en rêve-t-il et il n’est pas
le seul, du moins en France mais
certainement pas aux États-Unis
ou en Chine. Là-bas, le cognac, loin
d’être une boisson pour fin de repas
languissante, fouette les sens,
dynamite les fêtes, enjolive les repas.
Dégustation
Comme il y a des ambassadeurs
du Guatemala, de l’Unesco ou
du foie gras, il y a des ambassadeurs
LES CHARENTES
59
DE GAUCHE À DROITE
• Phare de la Coubre (La Tremblade).
• Talmont-sur-Gironde en surplomb
de l’estuaire.
66 LES CHARENTES
elles, comptent avec délectation
leurs exportations vers l’Amérique
où la communauté afro-américaine
est une clientèle fidèle.
Sidecar
Au numéro 1 de la place François 1 er
à Cognac, si vous poussez la porte
du bar Louise, vous trouverez derrière
le comptoir, Germain Canto, maître
ès cocktail et cognac. Évidemment,
le patron connaît ses classiques et le
sidecar en particulier : 5/10 e de cognac,
3/10 e de Cointreau, 2/10 e de jus
de citron. Comptez sur lui pour vous
rappeler que le cognac n’est pas
ce solitaire indécrottable refusant
en toutes circonstances de partager
son verre. Tout le contraire vu qu’il
était traditionnellement bu en long
drink. Dans la pénombre bleutée
de son antre, Germain cajole près
de 300 bouteilles de cognac. « Derrière
chacune il y a des hommes, explique-t’il.
Mon plaisir est de transmettre leur histoire
et leur savoir-faire. » Servir un morignac
– un mojito où le cognac supplante
le rhum – quoi de plus simple pour lui,
mais en matière de mixologie, il préfère
ouvrir des voies, goûter au vertige des
cimes. On l’a ainsi vu infuser du
popcorn beurré dans un VSOP pour
élaborer la base d’un nouveau cocktail.
Étonnant, non ?
Talmont-sur-Gironde
Niché au sommet d’un promontoire,
le tout petit village toise le vaste
estuaire. Dans son église romane,
Sainte-Radegonde prie pour que
son église du xii e siècle bâtie au bord
du précipice ne soit pas emportée
un jour par les flots, ces rongeurs
insatiables. De l’autre côté de la baie,
le hameau du Caillaud vit lui aussi
perché sur des falaises tombant à pic
dans les eaux turbides de la Gironde.
C’est ici que Lionel Gardrat a planté
du colombard. Un choix original
dans un vignoble voué à l’ugni blanc.
Originale aussi la décision de cultiver
en biodynamie dans la région. Quitte
à ne rien faire comme les autres et bien
conscient de ne pas posséder l’art
de l’assemblage des grandes maisons,
il fabrique son Cognac de l’Estuaire
à partir de parcelles clairement
identifiées.
Ugni blanc
Ne dites pas de ce cépage d’origine
italienne qu’il prend toute la place.
Magnanime, il a laissé 2 % du vignoble
à ses petits copains : colombard et folle
blanche.
VO
Do you speak english ? Au xviii e siècle,
les Britanniques ne disaient pas
souvent non à un verre de cognac.
Certains firent le voyage jusqu’en
Charente afin de s’initier aux subtilités
de la double chauffe et y créèrent leurs
propres maisons de négoce. Jean
Martell, James Delamain et Thomas
Hine arrivèrent d’Angleterre, Richard
Hennessy d’Irlande.
LES CHARENTES
67
« ON VOULAIT VOIR GRAND »
Pierre Cabon fait partie des victimes du Bataclan. Depuis ce drame, il est
paraplégique, mais pas question de rester chez lui pour autant. Avec sa femme,
Myriam, ils ont créé l’association Wheeled World pour démontrer qu’il est possible
de voyager en fauteuil jusqu’au bout du monde.
Photo : © Wheeled World
Le monde du handicap,
ça fait peur ?
Pierre : Le monde du handicap était une
vraie nouveauté pour nous, on n’y avait
jamais été confrontés avant, eh oui, on
ressent de la peur. Heureusement, on
l’apprivoise au fil des rencontres, des
expériences et dans notre cas, en voyageant
tout simplement.
Pourquoi avoir choisi le voyage ?
Myriam : Nous nous sommes mariés
après le Bataclan et on a eu le déclic pendant
notre voyage de noces aux États-
Unis. Un survol en hélicoptère du Grand
Canyon nous a procuré une telle émotion
que l’on s’est dit qu’on ne pouvait pas
s’arrêter là. D’autant plus, qu’après le
choc du Bataclan et la paralysie subite de
Pierre, on ne pensait plus pouvoir revivre
des expériences comme celles-là.
Présentez-nous Wheeled World.
Myriam : C’est une association qui a pour
objectif de donner envie de voyager à
tous, que l’on soit valide ou en situation
de handicap et surtout de permettre à
chacun de le faire sereinement. Notre
premier projet avec Wheeled World était
de se lancer dans un tour du monde, on
voulait voir grand, se prouver qu’on pouvait
faire plein de choses. Au fond, la
seule limite est celle que l’on se fixe. On
s’est envolé en 2019 puis le Covid a tout
interrompu. Cette pause forcée nous a
réorientés vers le local. Il y a tant de
choses à faire en France.
Ça ressemble à quoi le voyage
pour un couple handi-valide ?
Myriam : C’est de l’organisation et de la
coordination. Par exemple, pour la
Nouvelle-Zélande on a utilisé un tandem
électrique adapté. Assis devant, Pierre
« maindalait » pendant que moi derrière,
je pédalais. Pour des terrains difficiles
avec du sable ou des cailloux, on s’est
inspiré des pulkas tirées par des explorateurs
polaires comme Matthieu Tordeur
ou Mike Horn. Je marchais devant avec
un harnais relié au fauteuil par des cordes
et Pierre poussait sur les roues.
Quel est votre souvenir
le plus fou ?
Myriam : Difficile de choisir. On a fait
du kayak au pied d’un glacier en
Argentine, on s’est hissé jusqu’au Machu
Picchu au Pérou, et la traversée la
Nouvelle-Zélande en tandem reste une
grande aventure.
Comment faites-vous
la promotion du voyage
pour tous ?
Pierre : En juillet, on a lancé Les
Éclaireurs, notre chaîne YouTube avec
laquelle on va à la rencontre des acteurs
du tourisme français qui rendent l’outdoor
accessible à tous. Tout n’est pas encore
parfait, mais, c’est encourageant, les gens
que l’on croise ont la volonté de
s’améliorer.
Entretien réalisé par Aurélie Rodrigo
www.wheeledworld.org
HEUREUX QUI COMME…
85
UN
SURF CAMP
À LA MODE
BRETONNE
Il y a treize ans, Karine et Franck ont tout quitté pour s’installer à Plogoff
dans le Finistère. Là-bas, ils ont construit un camp écoresponsable :
Embruns d’Herbe. Leur projet ? Imaginer le monde de demain, avec le surf
comme levier de réflexion.
Comment cette aventure
est-elle née ?
Passionnés d’activités de plein air et architectes
de formation, nous voulions nous
installer en Bretagne près de la mer pour
y construire un habitat en matériaux
écologiques. La première maison a
d’abord été pour les copains, puis on en
a fait une autre pour nous. On commençait
à recevoir pas mal de demandes, donc
l’idée de louer ce type d’hébergement a
finalement fait sens. On a continué à
développer ce projet d’écolieu et Embruns
d’Herbe a vu le jour, il y a trois ans.
Quel type de séjour
proposez-vous ?
On veut permettre à tous les passionnés
de nature et de sports de glisse de vivre
une expérience authentique en s’essayant
en parallèle à l’écoconstruction ou la
permaculture. Notre camp propose des
hébergements touristiques et des formules
à thèmes, avec la possibilité de
faire du surf, mais aussi du yoga, des
massages ou des balades en vélo.
De quelle façon contribuez-vous
au tourisme durable ?
L’écotourisme est notre première mission.
Nous essayons de développer une
démarche qui tend vers le zéro déchet,
mais aussi de faire des efforts sur la gestion
de l’eau. L’office de tourisme de
Bretagne nous a identifiés comme un
laboratoire vivant du tourisme de
demain. Ici, notre but est de développer
un écolieu transformable. Si demain il
n’y a plus de tourisme, des familles pourront
venir et profiter d’un système autosuffisant
en fruits et légumes.
Quel est le lien entre surf et tourisme
écoresponsable ?
On est de plus en plus nombreux à pratiquer
ce sport, donc c’est notre responsabilité
de protéger le littoral et de faire
passer le message à la jeune génération.
Le surf n’est pas juste une performance
sportive ou technique. C’est un équilibre
entre l’homme et la nature. Ici, on sensibilise
le surfeur sur sa façon de consommer.
On lui montre qu’il n’est pas
nécessaire de faire une heure de route en
voiture pour aller surfer et qu’il peut
utiliser son vélo.
De futurs projets ?
Déjà, nous souhaitons développer notre
production locale, afin d’offrir une restauration
allant du jardin à l’assiette. On
souhaite aussi mettre en place des formations
pour accompagner les professionnels
qui souhaitent se lancer dans
l’écotourisme. Cet été, on a pour projet
d’organiser un stage avec des shapers
locaux, où les gens vont pouvoir venir
réfléchir et discuter autour de la durabilité
des planches. Embruns d’Herbe est
un lieu en perpétuelle évolution.
Entretien réalisé par Charlène Dosio
www.embrunsdherbe.com
Photo : © Embruns d’Herbe
86 INITIATIVE
90
La Corée du Nord, le pays le plus énigmatique
de la planète. Y aller, c’est franchir les limites
de l’absurde. Depuis 1948, la dynastie des Kim
(Kim Il-sung, Kim Jong-il, et le petit dernier,
Kim Jong-un) lutte fermement contre l’impérialisme,
défend des idées révolutionnaires et opprime son
peuple au nom d’une société communiste utopique.
Les Coréens du Nord sont les enfants des Kim.
Vous naissez Kim, vous travaillez Kim, vous
mangez Kim, vous vous mariez Kim, vous mourez
Kim. Que reste-t-il d’un séjour dans cette dictature
aussi féroce que paranoïaque ? Un grand malaise
et beaucoup d’interrogations. Didier Bizet n’y coupe
pas. Que peuvent dire des photos rapportées
d’un pays où tout est mensonge, où tout participe
à la propagande d’État ? Que peuvent-elles faire
sinon mentir elles aussi ? Afin de contourner
cet écueil, Didier a décidé de retoucher ses photos
en insérant dans chacune un élément quelquefois
à peine perceptible mais toujours impertinent qui
révèle la vérité derrière la mise en scène ou le décor.
Albert Zadar
Didier Bizet
Corée du Nord,
le grand mensonge ?
www.didierbizet.com
91PORTFOLIO 55