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L’espace des mouvements sociaux - Lilian Mathieu

Le concept d’espace des mouvements sociaux désigne l’univers de pratique et de sens, relativement autonome à l’intérieur du monde social, au sein duquel les mobilisations protestataires sont unies par des relations d’interdépendance

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L’espace des mouvements sociaux

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/08/2022 sur www.cairn.info (IP: 189.141.243.99)

La multiplicité de conflits sociaux et de mobilisations visant à la défense de

causes spécifiques, tout comme la diversité des organisations qui les animent,

offrent aux sociologues et aux politistes l’occasion de réaliser de

nombreuses, et souvent riches, études de cas. Mais elles posent à l’analyse une

série de problèmes dès qu’il s’agit de saisir l’activité contestataire à la fois dans sa

globalité et dans sa spécificité en regard d’autres formes de participation. S’impose

notamment la nécessité de prendre en compte les relations d’interdépendance

qui tendent à unir les différentes mobilisations : un des traits les plus marquants

des mouvements sociaux contemporains est en effet d’être à la fois centrés sur des

enjeux spécialisés (immigration, environnement, condition des femmes, relations

Nord-Sud, santé…) et étroitement liés les uns aux autres par des rapports

allant de l’alliance à la concurrence exacerbée voire au conflit ouvert.

Le constat, aujourd’hui assez largement partagé au sein de la communauté

des analystes des mouvements sociaux, que cette interdépendance tend à faire

de l’action contestataire une sorte de « monde à part », a donné lieu à plusieurs

élaborations conceptuelles. Marco Giugni et Florence Passy ont, à partir d’une

étude des mouvements suisses, postulé la constitution d’une arène des mouvements

sociaux, parallèle à celles des partis politiques et des groupes d’intérêt, par

laquelle « les citoyen(ne)s peuvent adresser aux autorités politiques leurs revendications,

mais aussi informer la population sur certains enjeux » 1 . Christophe

Aguiton et Philippe Corcuff ont pointé une « déconnexion des sphères du

social et du politique », en portant notamment l’accent sur les différences de

temporalités (« le temps court de l’action revendicative, le temps moyen de la

compétition électorale et le temps long de la stabilisation des collectifs

syndicaux ») qui les distinguent 2 . S’inspirant quant à elle du concept de champ

politique radical élaboré par Philippe Gottraux 3 , Cécile Péchu a entrepris d’examiner

les carrières des militants de Droit au logement au sein de ce qu’elle

appelle le champ militant, distinct du champ partisan et structuré par quatre

pôles (organisationnel/spontanéiste, classiste/contre-culturel) 4 . Gérard Mauger

a proposé le concept de champ des mouvements sociaux, qu’il envisage comme

une composante du champ politique plus large, et au sein duquel pourraient

être distinguées quatre composantes (syndicale, associative, intellectuelle et

politique) 5 , tandis que Nick Crosley attire l’attention sur la spécificité du jeu

1. Giugni (M.), Passy (F.), Histoire des mobilisations politiques en Suisse, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 201.

2. Aguiton (C.), Corcuff (P.), « Mouvements sociaux et politique : entre anciens modèles et enjeux

nouveaux », Mouvements, 3, 1999, p. 9.

3. Gottraux (P.), « Socialisme ou barbarie ». Un engagement politique et intellectuel dans la France de l’aprèsguerre,

Lausanne, Payot, 1997.

4. Péchu (C.), Du Comité des mal logés à Droit au logement, sociologie d’une mobilisation, thèse de doctorat

en science politique, IEP de Paris, 2004.

5. Mauger (G.), « Pour une politique réflexive du mouvement social », in Cours-Salies (P.),

Vakaloulis (M.), dir., Les mobilisations collectives : une controverse sociologique, Paris, PUF, 2003.

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 14/08/2022 sur www.cairn.info (IP: 189.141.243.99)

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