DH/Les Sports+ - ExtraSpoort - Ed. 12 août 2023
Numéro spécial Premier League 2023-24
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La Premier League c’est une<br />
EXCLUSIVITÉ<br />
brentford - tottenham<br />
Dimanche 13/08 à 15:00<br />
8Par Laurent Denuit7<br />
Un Ange pour faire fuir les démons du passé ?<br />
Depuis le limogeage de Mauricio Pochettino en<br />
novembre 2019, Tottenham s’est souvent planté<br />
dans le casting de ses nouveaux coachs, erreurs qui<br />
ont lourdement pesé (et pèsent toujours) sur le<br />
budget du club londonien. Ces trois dernières<br />
saisons, José Mourinho, Nuno Espírito Santo ou<br />
Antonio Conte n’ont pas permis aux Spurs de tutoyer<br />
les sommets, comme lors du règne du manager<br />
argentin (une finale de Ligue des champions en<br />
2019 et trois podiums en Premier League dont un<br />
titre de vice-champion en 2017).<br />
Si l’armoire à trophées de Tottenham Hotspur est<br />
garnie de deux championnats, huit Coupes d’Angleterre,<br />
quatre Coupes de la Ligue, sept Community<br />
Shield, deux Coupes de l’UEFA et une Coupe des<br />
Coupes, depuis 2008, ses portes ne s’ouvrent que<br />
pour dépoussiérer ces souvenirs d’un passé glorieux.<br />
Quinze ans. Depuis ce succès 2-1 contre<br />
Chelsea (buts de Berbatov et Woodgate) en…<br />
Carling Cup, sous le règne d’Harry Redknapp.<br />
Le dernier des deux sacres d’Angleterre remonte,<br />
lui, à une époque où les Rolling Stones n’existaient<br />
pas encore : 1961. I can’t get no satisfaction…<br />
Ange who ?<br />
Cette fois, fini les noms ronflants (et les grosses<br />
indemnités lors des ruptures de contrat ?) : Tottenham<br />
a surpris en misant sur un quasi-inconnu.<br />
Ange who ? Ange Postecoglou.<br />
Un Australien de 57 ans, né à Athènes. Qui a gagné<br />
des titres, et a fait ses armes d’entraîneur chez les<br />
jeunes à la fédération australienne. Quatre A-League<br />
avec South Melbourne (1998, 1999) et Brisbane<br />
Roar (2011, 20<strong>12</strong>), la Coupe d’Asie 2015 avec<br />
l’Australie, le championnat japonais 2019 avec les<br />
Yokohama F. Marinos et cinq trophées (sur six) en<br />
deux saisons au Celtic Glasgow qu’il a quitté sur un<br />
triplé en juin !<br />
“Ange comprend parfaitement le football, de haut en<br />
bas, a rassuré James Johnson, le président de la<br />
fédération australienne, dans une interview à beIN<br />
SPORTS. Il a travaillé à tous les niveaux, notamment<br />
dans la formation des jeunes ; il va, donc, j’en suis<br />
certain, permettre à des talents de l’académie des<br />
Spurs d’éclore. Il a remporté des titres nationaux, a<br />
participé à des compétitions européennes, il saura<br />
jongler avec les différents objectifs du club londonien.<br />
C’est un entraîneur complet. Tottenham a fait<br />
le bon choix !”<br />
Ange Postecoglou va devenir ce dimanche contre<br />
Brendfort le premier Australien à entraîner en<br />
Premier League. ”C’est pourquoi, j’ai l’obligation de<br />
réussir, ici, à Tottenham, a-t-il confié à la télévision<br />
de son pays. En tant qu’Australien, j’ai une grande<br />
responsabilité car je représente beaucoup de gens<br />
qui aiment le foot dans mon pays. Et qui doivent<br />
pouvoir se dire qu’ils peuvent réussir. Je vis un rêve,<br />
c’est vrai. Car rien ne prédestinait l’enfant que<br />
j’étais, qui a grandi en Australie, à être ici,<br />
aujourd’hui. Mais je suis exactement là où je voulais<br />
être. Parce que j’ai aimé chaque minute de mon<br />
travail, celui qui m’a mené jusqu’à Tottenham.”<br />
Le foot comme ascenseur social<br />
Être l’entraîneur “porte-drapeau” du “Down Under”<br />
au pays de Sa Majesté Charles III, une légitime<br />
fierté pour ce citoyen du Commonwealth aux racines<br />
helléniques. Car son intégration en Australie,<br />
après que ses parents ont fui la Grèce et la dictature<br />
des colonels en 1970, ne fut pas simple.<br />
”Mes parents n’avaient ni famille, ni argent et ne<br />
parlaient pas la langue, a confié Ange Postecoglou<br />
à L’Équipe. Ils travaillaient jour et nuit pour que ma<br />
sœur et moi ne manquions de rien…” Son papa<br />
Dimitris lui a transmis le virus du “soccer” même<br />
s’il a aussi tâté du spectaculaire football australien.<br />
Le ballon rond joue un rôle d’ascenseur social pour<br />
de nombreux immigrés en Australie. Ange s’affilie<br />
logiquement au South Melbourne Hellas, club de la<br />
colonie grecque de la ville. Il y devient professionnel,<br />
y effectuera toute sa carrière de joueur et en<br />
sera le fier capitaine. Solide défenseur, quatre fois<br />
international, il remporte avec le club deux titres<br />
de champion d’Australie, en 1984 et en 1991.<br />
C’est logiquement avec South Melbourne qu’il<br />
embrasse la carrière d’entraîneur et connaît très<br />
vite le succès : deux titres, en 1998 et 1999, et<br />
même le Ligue des champions d’Océanie 1999 qui<br />
lui ouvre les portes du Mondial des clubs 2000.<br />
À la surprise générale, Ange Postecoglou décide<br />
alors de s’engager avec la fédération australienne,<br />
au service des jeunes, en charge des U17 et des<br />
U20, avec qui il collectionne les titres de champion<br />
d’Océanie et participe aux Coupes du monde de ces<br />
catégories.<br />
Empereur du Japon<br />
Après un court séjour peu glorieux<br />
sur les terres de ses parents<br />
(il reste quelques mois, en<br />
2008, au Panachaïkí, à Patras),<br />
il revient en A-League, à Brisbane<br />
Roar (deux titres) puis à<br />
Melbourne Victory qu’il quitte pour devenir sélectionneur<br />
national en 2013. Après un Mondial 2014<br />
mitigé (trois défaites au 1 er tour contre le Chili, les<br />
Pays-Bas et l’Espagne), il permet aux Soccerros de<br />
triompher lors de la Coupe d’Asie 2015 organisée en<br />
Australie. L’histoire d’amour se finit pourtant mal,<br />
en 2017, malgré une qualification pour la Coupe du<br />
monde 2018 après un succès face au Honduras lors<br />
du barrage intercontinental. “J’avais un problème<br />
avec le fait que le reste du pays n’était pas autant<br />
passionné que moi par le football”, commenta Ange<br />
Postecoglou, qui choisit l’exil. Et traverse l’océan<br />
Pacifique.<br />
Le Yokohama F. Marinos n’a plus été l’empereur du<br />
Japon depuis quinze ans. Le coach australien prend<br />
ses marques lors de la première saison, avec une<br />
modeste douzième place mais une finale prometteuse<br />
en Coupe de la Ligue. La conquête de la J1<br />
League est actée en 2019.<br />
Pas le premier choix du Celtic<br />
mais cinq trophées sur six<br />
Quand le Celtic contacte Ange Postecoglou, au<br />
printemps 2021, Yokohama F. Marinos, vice-champion<br />
2020, est à la poursuite du leader Kawasaki<br />
Frontale, à mi-championnat. L’Australien n’est pas<br />
le premier choix du club de Glasgow. Xabi Alonso<br />
(alors coach de l’équipe B de la Real Sociedad),<br />
Julian Nagelsmann (qui allait quitter le RB Leipzig)<br />
et Arne Slot (libre après son limogeage de l’AZ)<br />
avaient été sondés. Mais c’est finalement Postecoglou<br />
qui signe. “J’étais peut-être le cinquième choix<br />
mais ce qui est important, c’est que j’aie eu cette<br />
opportunité”, confie-t-il en toute humilité.<br />
Le Celtic vient de terminer à vingt points des<br />
Rangers, qui ont mis fin à neuf titres d’affilée de<br />
leur rival, et Neil Lennon a pris la porte (John<br />
Kennedy avait terminé la saison). La fin d’un cycle.<br />
Le premier été d’Ange en Écosse est compliqué :<br />
élimination en qualifications de la Ligue des champions<br />
(contre le FC Midtjylland), défaite en ouverture<br />
de la Scottish Premiership (1-0 à Heart of<br />
Midlothian), revers lors du Old Firm face aux Rangers<br />
(1-0)! Mais le mercato bouclé permet au<br />
tacticien australien de mettre ses pions en place,<br />
pour ensuite tenir tous ses rivaux en échec. Un<br />
doublé championnat – Coupe de la Ligue en 2022,<br />
et un triplé avec la Coupe d’Écosse en plus la saison<br />
passée en guise d’adieu : Ange Postecoglou a quitté<br />
le Celtic en héros. Pour réaliser son rêve : entraîner<br />
en Premier League.<br />
”Ange apporte une mentalité positive, un style de<br />
jeu rapide et offensif. Et il comprend l’importance du<br />
lien avec notre académie…” se réjouit Daniel Levy,<br />
le président de Tottenham, certain d’avoir fait le<br />
bon choix puisqu’il n’a pas hésité à lui proposer un<br />
contrat de quatre ans.<br />
<strong>Les</strong> Spurs restent sur une décevante huitième place<br />
en Premier League qui les prive de Coupe d’Europe<br />
cette saison. Postecoglou connaît l’ampleur de la<br />
tâche et sait qu’il devra convaincre les sceptiques<br />
qui doutent de sa capacité à<br />
“Rien ne prédestinait<br />
l’enfant que j’étais,<br />
qui a grandi en Australie,<br />
à être ici, aujourd’hui.”<br />
redresser ce monument en<br />
péril…<br />
”<strong>Les</strong> gens m’ont sous-estimé<br />
durant toute ma carrière et je<br />
ne veux pas changer cela, c’est<br />
bien pour moi. Cela me motive”,<br />
a-t-il confié au Evening Standard.<br />
Philosophie de jeu et de travail<br />
Comme lors de son arrivée au Celtic, Ange veut<br />
faire taire les incrédules, et, surtout, montrer un<br />
nouveau chemin de jeu, pour imprimer son empreinte<br />
sur Tottenham, étape tant attendue dans sa<br />
carrière.<br />
”Je vis mon rêve mais suis exactement là où je<br />
voulais être aujourd’hui, répète le coach australien.<br />
J’entraîne des footballeurs fantastiques mais je vais<br />
sans doute leur demander de faire des choses qu’ils<br />
n’ont jamais faites auparavant. Il faudra donc<br />
accepter qu’ils commettent des erreurs. J’en assumerai<br />
la responsabilité. Je veux dominer l’adversaire,<br />
jouer dans sa partie de terrain, créer des occasions,<br />
emballer les matchs… Il y aura inévitablement des<br />
obstacles sur notre route et notre philosophie de jeu<br />
sera mise à l’épreuve. Mais j’aime aussi ces moments<br />
de doutes…”<br />
Car comme son célèbre ancêtre Socrate, le Gréco-<br />
Australien “sait qu’il ne sait rien”. Et se remet donc<br />
perpétuellement en question.<br />
”Ange est obsédé par le jeu. C’est sa vie, conclut<br />
l’ancien attaquant du FC Liégeois et de Charleroi,<br />
Graham Arnold, sélectionneur des Socceroos. J’ai<br />
toujours su qu’il avait la mentalité pour aller où il<br />
voulait, c’est-à-dire : tout en haut.”<br />
Comme un Ange, envoyé pour sauver les Spurs, et<br />
les guider…;<br />
Août <strong>2023</strong> La Dernière Heure-<strong>Les</strong> Sports ; 13