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ANIME MANGA LIVRES
> Caroline Dayer
DOCTORANTE À L’UNIVERSITÉ DE GENÈVE, CAROLINE DAYER A EU UN
PARCOURS PARTICULIER. VENANT D’UNE RÉGION PLUTÔT CONSERVATRICE,
ELLE A CHOISI DE S’EXILER AU BOUT DU LAC POUR MIEUX SE RENDRE
UTILE À CEUX QUI, COMME ELLE, ONT PARFOIS DU MAL À FAIRE FACE AUX
INJURES. ELLE A CHOISI DE PARLER D’HOMOSEXUALITÉ À TRAVERS SON
MÉMOIRE, ‘DE L’INJURE À LA GAY PRIDE’, PUBLIÉ EN SEPTEMBRE PAR LA
FACULTÉ. RENCONTRE.
Dans les grandes lignes, de quoi parle ton mémoire ?
> Mon mémoire porte sur la construction identitaire. Spécifi quement, par
rapport au parcours de personnes homosexuelles. Je me suis posé plusieurs
questions à partir du fait que le 10 mars 2001, j’ouvre un journal valaisan (Le
Nouvelliste) et je tombe sur une page que je qualifi erais d’homophobe où
fi guraient tous les stéréotypes qu’on pouvait rassembler sur l’homosexualité.
Cet article s’insérait dans la polémique de la Gay Pride organisée à Sion cette
année-là. Mon mémoire se sépare donc en deux parties : les stéréotypes et
comment réagissent les homo à ces stéréotypes. Et étant donné que cette
pétition voulait interdire la Gay Pride de Sion, je voulais savoir qu’est-ce qui
pousse les homo à descendre dans la rue une fois par année.
Avais-tu un but caché en l’écrivant ou voulais-tu juste avoir une
réflexion là-dessus ?
> Je n’avais pas de but caché, au contraire. J’ai essayé de me mettre dans une
position naïve et d’ignorance. C’est pour ça que je n’ai pas fait un questionnaire
fermé où les gens devraient cocher des choses avec ma représentation des
choses. J’y suis allée en posant des questions très ouvertes. En résumé, je ne
voulais pas défi nir un objet, mais le faire parler.
Que représente pour toi le fait que l’université veuille publier ce
travail ?
> Pour moi, c’est important que cette thématique soit traitée au sein de
l’Université comme ailleurs. Je me dis que plus on visibilisera ce sujet,
plus les choses iront mieux, car ce qui m’intéresse, c’est qu’il y ait moins
de souffrance dans l’homosexualité. Ce qui ressortait d’ailleurs dans les
discours, c’est qu’il n’y avait aucun support d’identifi cation, aucun moyen de
se représenter les choses, pas de livre, pas de chanson, ce qui est en train de
changer maintenant.
Et que t’inspire le fait que beaucoup d’étudiants aient choisi ton
mémoire comme thème pour leur examen alors qu’ils n’étaient pas
forcément concernés directement ?
> Cela m’inspire que les gens sont bien plus ouverts que ce qu’on peut penser.
Rien que le fait qu’un étudiant, homo ou non, choisisse un article comme ça,
veut dire qu’il y a un intérêt. Je pensais que les gens auraient peur de choisir
cet article par peur qu’on pense qu’ils le sont. Cet effet n’a pas du tout eu
lieu.
Penses-tu que cette ‘lutte’ pour cette minorité-là dépasse largement
la communauté homo et s’adresse en fait à toutes les minorités ?
> La lutte, car on peut l’appeler comme ça dès le moment où on est discriminé.
Je vois donc les choses en terme de lutte. Lorsque je réfl échis à la thématique
homosexuelle, jamais je m’éloigne d’une plus grande thématique qui est :
Comment on gère la différence ? Le combat est le même pour tout le monde
et le but est de lutter contre la discrimination. Ce qu’il y a de spécifi que par
rapport à l’homosexualité, c’est qu’elle ne se voit pas.
Le PACS a été approuvé à une large majorité en juin, que cela
t’inspire-t-il ?
> Je suis heureuse en fait parce que je ne savais pas vraiment ce que ça allait
donner. Ce que j’en retiens c’est que même si ça n’avait pas passé, ce qui
comptait c’est tout le travail fait avant.
Ne trouves-tu pas étrange que des gens non concernés votent pour
les autres ?
> Dans un premier temps, j’étais révoltée. Pourquoi telle personne va décider
de ce que je vais faire dans ma vie affective ? On m’a jamais demandé de voter
pour savoir si j’étais d’accord qu’un homme ou une femme se marie. Certains
hétéro se sont rendu compte que la société était faite pour eux. Les homo
doivent se poser des questions que les autres ne se posent pas.
Est-ce que le PACS, tel qu’il a été proposé, est vraiment favorable
aux homo ?
> Je dirais que ce partenariat est homophobe puisqu’il interdit l’insémination,
l’adoption, mais il est nécessaire. Il y a trop de cas concrets qui ont besoin de
quelque chose maintenant.
On a parlé avant des stéréotypes sur les homo. Lequel te paraît être
le plus insupportable et au sujet duquel tu voudrais rétablir la vérité
maintenant que tu as la parole ?
> Cela tombe très bien car c’est une question que j’ai posée aux interviewés et
ce qui ressort vraiment, c’est le fait que ce soit toujours ramené à la sexualité.
C’est ce qui fait souffrir le plus les gens. Lorsqu’un homo veut parler de sa vie,
de son bonheur, il doit parler de sexe automatiquement. Il ne faudrait plus
employer le mot ‘homosexualité’ puisqu’il réduit la personne à ce qu’elle fait
dans son lit.
Pour finir, tu vas devoir achever ces phrases :
Un mémoire sur l’homosexualité publié à l’Université c’est…
> c’était le moment…
Etre homo et être une femme, c’est…
>…être doublement discriminé.
Etre homo en Suisse, c’est…
> (après une longue hésitation) …c’est comme partout, essayer d’être soi.
Etre dans le placard, c’est…
> …étouffant…
Etre sorti du placard, c’est…
> …le début de la vie.
[Anna K.]