Canard%20PC%20Hardware%2013

DOSSIER
E3 & Computex 2012
Début juin se sont tenus deux des plus gros salons de l'industrie informatique
: l'E3 à Los Angeles, où les acteurs du jeu vidéo se rassemblent
�������������������������������������������������������������������������
���������������������������������������������������������������������������
les constructeurs de la planète. Bien entendu, nous y étions : voici donc un
�����������������������������������������������������������������
E3 2012 : Le casque de réalité virtuelle de John Carmack
Ça devait être un rendez-vous comme
les autres sur le stand de l'éditeur
Bethesda. On nous avait dit de
v enir pour taper la discut' avec John Carmack,
demi-dieu du graphisme 3D, père de
Wolfenstein, Doom et Quake, et accessoirement
millionnaire illuminé qui adore claquer
son pognon dans des projets hi-tech
– par exemple envoyer des fusées dans l'espace
avec sa société Armadillo Aerospace.
Le bonhomme est toujours aussi charmant
et juvénile : 1,70 m, un look de gentil blondinet
premier de la classe, un rire aigu mais
un charisme de latin-lover dès qu'il se met à
parler de sa nouvelle passion. Et sa nouvelle
passion, justement, c'est la réalité virtuelle.
Tout le monde se souvient de ces casques de
réalité virtuelle qu'on a vu arriver à la fin
des années 90. À l'époque, ça paraissait prometteur,
mais ça n'a jamais vraiment décollé.
"La technologie n'était pas mature, nous a
expliqué John Carmack, les écrans étaient de
mauvaise qualité, et surtout, chaque mouvement
de tête était suivi d'un énorme lag dans
l'affichage, de l'ordre de plusieurs dixièmes
de seconde, qui ruinait totalement l'immersion."
Il nous a ensuite montré le HMZ-T1,
06
E3 / COMPUTEX
�������������������������������
un casque assez récent
que Sony vend autour
des 800 dollars depuis
un an : "Sony a réussi
à faire un bon modèle,
mais le HMZ ne détecte
pas les mouvements de
tête, et vous n'avez pas
l'impression que l'écran
prend tout le champ de
vision." Alors Carmack
s'est lancé dans une
croisade personnelle :
fabriquer le casque de
réalité virtuelle dont
on rêvait dans les années
90. Il s'est monté
son petit atelier, il a
rencontré les fabricants
de moniteur LCD, des
concepteurs de lentilles ou de capteurs de
mouvement, et il a produit un premier prototype,
basé sur un casque mis au point par
un autre passionné rencontré sur Internet.
Allez, j'avoue : quand j'ai vu ce machin posé
sur le bureau devant moi, une sorte de boîtier
en plastoc avec du scotch autour et des
lentilles en cul de bouteille, j'ai doucement
rigolé. Mais quand Carmack me l'a délicatement
placé sur la tête, j'ai la mâchoire qui est
tombée au sol.
Première impression : malgré son look des
pays de l'Est, l'engin est ultra léger et très
confortable. Il ne pèse rien sur le nez, on
pourrait le porter des heures. Deuxième
point fort : l'écran offre un champ de vision
à 90°, ce qui est énorme par rapport aux
casques de la génération précédente. Il n'y a
pratiquement pas de "bandes noires" sur les
côtés, on a vraiment l'impression d'être dans
l'image. Autre point fort : la 3D est impeccable
et ne fatigue pas du tout les yeux.
Contrairement aux technologies comme le
3D Vision de Nvidia, l'affichage est ici "naturel"
puisqu'on a simplement un écran séparé
pour chaque œil. Et surtout, la détection des
mouvements de tête est juste parfaite. Pour
la démonstration, nous avons pu essayer une
version spéciale de Doom 3 dans laquelle on
oriente le perso en changeant physiquement
de position. Il n'y a aucun délai perceptible,
même lorsqu'on tourne brutalement la tête
à 180 degrés parce qu'un streum arrive dans
le dos. Carmack avoue qu'il reste en fait un
très léger lag d'affichage, autour de 8-9 millisecondes,
et qu'il veut encore le réduire.
Mais c'est déjà beaucoup plus réactif que le
TrackIR utilisé sur de nombreux simulateurs
de vol. Et les mouvements se font en
1:1 : bougez la tête de 72°, et le perso bougera
lui aussi la tête de 72° dans le jeu. Avec
un gamepad en main (le stick analogique
gauche servant à se déplacer), les contrôles
sont immédiatement intuitifs, et la sensation
d'immersion est absolument incroyable.
Le seul reproche qu'on puisse pour l'instant
faire à ce prototype, c'est une résolution
d'écran un peu faible (1280x800, soit un
écran de 640x800 pour chaque œil, couplé à
une lentille spéciale). Mais ça reste ébouriffant.
C'est probablement le périphérique PC
le plus innovant, le plus excitant qu'on ait
vu depuis une décennie. Alors on ne va pas
lâcher des phrases trop définitives du genre
"c'est l'avenir du jeu vidéo" ou "cela va ouvrir
une nouvelle ère" ; en général, ça porte malheur.
On va juste dire qu'on brûle des cierges
pour que nous puissions tous jouer sur des
casques de ce type d'ici à 2020, parce que
l'expérience est beaucoup plus immersive
qu'avec un écran, aussi grand soit-il. Pour
l'instant, John Carmack n'en est qu'à faire
sortir cette technologie de la préhistoire, à
débroussailler le terrain. On parle d'un premier
modèle livré en kit qui serait disponible
autour des 500 dollars et d'une version spéciale
de Doom 3 programmée par le Saint
Homme. Nul doute que plus les gens pourront
essayer cet engin (des gars d'AMD faisaient
d'ailleurs la queue derrière nous pour
le tester), plus l'enthousiasme autour des
casques de réalité virtuelle aura des chances
de grimper. Nous, en tout cas, nous sommes
déjà scotchés au plafond.