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Vallée du Haut-Var 4 Au pays des trois Parques Le tissage métamorphose la laine du pays A elle seule, Odile réunit la gestuelle des trois Parques, et bien plus ! Bretonne d’origine, voilà quinze ans qu’Odile Charpentier vit au Villars-de-Péone, charmant hameau situé sous l’Estrop où demeurent une poignée d’habitants. Cette péonienne d’adoption fait son potager dès le printemps et réalise elle-même son pain. S’il lui arrive de descendre dans la vallée, elle enfourche sa petite voiture qui ne nécessite pas de permis. Il arrive que l’eau gèle en hiver, et il n’est pas rare que la neige recouvre le hameau l’hiver venu. Mais le plus clair de son temps, Odile le passe à filer et tisser. Elle a choisi cette vie presque monacale dont les heures s’écoulent au rythme du rouet, de l’embobineur et des navettes. Plus qu’un passetemps, le tissage est devenu une passion qu’elle souhaite transmettre. Rendez-vous à l’Atelier de Tante Odile Le Villars-de-Péone / 04 93 02 52 44 Tisser la laine du pays, un défi pour réinventer le passé « Tout autour du Villars, la montagne accueille des troupeaux. Je voulais montrer que l’on pouvait récupérer la laine et en faire quelque chose, comme avant ! En Bretagne, je me souviens que ma mère tissait avec la laine du pays. Ici, les « rouge de Péone » ont une laine rustique, je préfère travailler la « mérinos ». Lorsque j’ai commencé, j’ai voulu apprendre auprès des anciens, mais le tissage est une activité du passé pour les femmes qui l’ont, pour beaucoup, oubliée. Je me suis entêtée, et j’ai appris seule à filer, grâce à des ouvrages spécialisés. J’ai enfin retrouvé mes racines ». Petit à petit, Odile a créé son atelier avant de fonder une association pour transmettre le tissage.
(a) De la laine brute à la pièce tissée * PREMIèRE MéTAMORPhOSE (a) (b) Odile n’achète pas des pelotes bien calibrées ! Elle part de la laine brute, matière grasse et souvent sale qu’il faut laver longuement avant de la carder, c’est-à-dire de la purifier et d’en séparer les fibres trop resserrées. Fort heureusement, Odile dispose de cette petite machine à carder qui remplace les peignes à carder en métal qu’utilisaient les anciens. Un temps précieux de gagné car la transformation de la laine est loin de toucher à sa fin. * AU FIL… DU TEMPS (c) Après avoir démêlé les fibres, il faut ensuite « retordre » la laine, la faire rouler entre ses doigts jusqu’à ce que, lentement, le fil se forme. « Il faut sentir le sens de la laine », ajoute Odile tandis que ses doigts redoublent de dextérité, entrelaçant les fibres laineuses. La laine est une matière vivante, changeante selon la provenance, la température et l’humidité ambiantes. En une semaine, Odile file jusqu’à 200 gr de laine : le filage est une ode à la lenteur. Le fil de laine se laisse ensuite entraîner par le rouet à pédalier avant d’être assemblé en écheveaux. * L’ALChIMIE DES COULEURS (d) (e) (f) (g) « Je réalise des teintures naturelles à base de plantes sauvages ou de plantes que je cultive ». Carotte ou oignon de son potager, bogue de noix, lichen, genêt, jeune feuille de figuier, lierre sauvage, millepertuis ou cochenille figurent parmi les éléments des mystérieuses décoctions d’Odile. Les écheveaux de laine prendront des teintes jaune d’or, vert amande, grèges, rouilles ou brunes. La laine teinte avec les feuilles de figuier garde un parfum délicat dont on rêve de se vêtir. (d) (b) (e) (f) (c) * L’ENTRéE EN SCèNE DU MéTIER à TISSER L’atelier d’Odile comporte sept métiers à tisser dont certains sont adaptés pour les petites pièces, et a fortiori pour les enfants. Un métier à contre-marche permet de réaliser un grand nombre de motifs grâce à un système de lancenavette : point de toile, point de rose, chevrons… Prolongement de la main, la navette est cette pièce de bois qui fait voyager le fil d’un bout à l’autre du canevas. Fil à fil, l’étoffe de laine peu à peu se dessine. Combien de voyages fera la navette avant que le couvre-lit, que la nappe, que l’écharpe ne naissent ? Dans l’atelier d’Odile, le temps ne compte pas. « Ainsi je pars de la laine brute pour arriver à une pièce tissée ». Un cycle qui reflète les gestes de ce territoire, ceux qui parlent de la mémoire du pays. « Et la pièce tissée nous suit tout au long de notre vie », ajoute Odile. Les draps de laine faisaient autrefois partie du trousseau de jeune fille ! La dimension de ce travail donne une valeur inestimable à chaque pièce. Le souhait le plus cher d’Odile ? Transmettre ce savoir-faire symbole de l’économie traditionnelle à des enfants, des jeunes et des moins jeunes. Le plaisir de confectionner une pièce, de prendre le temps… Le tissage est une école de la patience et de la réalisation de soi. (g) Reportage au Villars : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte) 5
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