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Ce journal trimestriel est réalisé<br />

et édité par ISOPRESS<br />

St Sauveur, Estenc, 06470 Entraunes<br />

04 93 02 62 71<br />

www.<strong>isopress</strong>.fr<br />

Directeur de publication<br />

Jean-Charles VINAJ<br />

jcvinaj@<strong>isopress</strong>.fr<br />

06 23 48 58 05<br />

Rédactrices<br />

Caroline AUDIBERT<br />

Miriam BERGER<br />

Caroline MERGALET<br />

Photographe<br />

Jean-Charles VINAJ<br />

Graphiste<br />

Aurély ANTZEMBERGER<br />

a.aurely@<strong>isopress</strong>.fr<br />

06 29 90 40 01<br />

Numéro 4<br />

Impression<br />

IMPRIMIX<br />

113 av de Pessicart, 06100 Nice<br />

04 92 15 53 30<br />

LE VERDON<br />

Colmarsles-Alpes<br />

L’UBAYE<br />

Barcelonnette Faucon<br />

Allos<br />

Jausiers<br />

Entrevaux<br />

Franck Rougeaud,<br />

Serrurier d'art 38<br />

Stéphanie Jean,<br />

Faïence des Tourelles 32<br />

Le Lys dans<br />

nos Vallées 6<br />

Estenc<br />

Guillaumes<br />

Rongeur nocturne aux allures de bandit masqué, le lérot<br />

est sur la liste rouge des espèces menacées. De petite<br />

taille, il s’invite régulièrement dans nos chaumières,<br />

partout et invisible à la fois, au cœur de nos celliers,<br />

de nos combles ou de nos friandises laissées sans<br />

surveillance ou sans cadenas ! La rédaction<br />

l’a choisi comme mascotte baptisée<br />

«Zozo le lérot».<br />

Pierrette Lascombe,<br />

Céramiste d'Art 34<br />

Le Trésor<br />

d'Amen 11<br />

Itinéraire<br />

Rando<br />

Gorges<br />

de Daluis<br />

Le Pra<br />

Saint-Etienne<br />

de Tinée<br />

Odile Charpentier,<br />

Tisseuse de laine<br />

Péone<br />

36<br />

Valberg<br />

LE CIANS<br />

4<br />

LE VAR<br />

LA TIN<br />

Gorges<br />

du Cians<br />

Pierlas<br />

Monique Fougeron,<br />

Hélicicultrice 8


ÉE<br />

LA TINÉE<br />

Saint Dalmas<br />

de Valdeblore<br />

LE VAR<br />

LA VÉSUBIE<br />

Christophe Guibert,<br />

Gardien de Moutons 29<br />

Saint-Martin-Vésubie<br />

Cannes<br />

LA BÉVÉRA<br />

Emilie Oliver,<br />

La Fée Capeline 23<br />

Nice<br />

Monaco<br />

Fête des<br />

Muletiers<br />

La Brigue<br />

LA ROYA<br />

Menton<br />

Mer Méditerranée<br />

26<br />

Tende<br />

© Caroline AUDIBERT<br />

Vos « Chroniques des 7 Vallées »<br />

célèbrent (déjà) leur première année<br />

de parution ! Avec ténacité, parfois<br />

contre vents et marées provoqués par un<br />

contexte économique et donc publicitaire<br />

difficile, le trait d’union que j’ai voulu créer<br />

entre les habitants du haut pays mais aussi<br />

en direction du littoral a été maintenu. Ce<br />

premier anniversaire est somme toute<br />

déjà un premier succès et nous le devons<br />

en grande partie à l’intérêt manifesté par<br />

nos lecteurs.<br />

Nous n’avons peut-être pas encore<br />

franchi un cap, mais je pense que nous<br />

avons maintenu la direction éditoriale et<br />

photographique qui a fait depuis l’origine<br />

la particularité, pour ne pas dire la richesse,<br />

de notre magazine.<br />

Dans ce nouveau numéro, notre toute<br />

jeune rédaction vous offre même la<br />

gageure d’un voyage dans le temps<br />

hors-norme, de près de 280 millions<br />

d’année, afin de mieux comprendre<br />

les bouleversements géologiques des<br />

fameuses Gorges du Daluis. Mais les<br />

acteurs du quotidien de ces vallées<br />

restent très présents dans nos pages : des<br />

céramistes d’art en passant par les artisans<br />

de la faïence sans oublier la vocation d’un<br />

jeune berger, ils sont les visages et l’âme<br />

d’un terroir que l’on a de cesse de (re)<br />

découvrir... Tout simplement, pour ne pas<br />

l’oublier et même le promouvoir.<br />

Encore merci de votre confiance.<br />

Jean-Charles Vinaj<br />

Directeur de la Publication


Vallée du Haut-Var<br />

4<br />

Au pays des trois Parques<br />

Le tissage métamorphose la laine du pays<br />

A elle seule, Odile<br />

réunit la gestuelle<br />

des trois Parques, et<br />

bien plus ! Bretonne<br />

d’origine, voilà quinze<br />

ans qu’Odile Charpentier<br />

vit au Villars-de-Péone,<br />

charmant hameau<br />

situé sous l’Estrop où<br />

demeurent une poignée<br />

d’habitants.<br />

Cette péonienne d’adoption<br />

fait son potager dès le<br />

printemps et réalise elle-même<br />

son pain. S’il lui arrive de<br />

descendre dans la vallée, elle<br />

enfourche sa petite voiture qui<br />

ne nécessite pas de permis. Il<br />

arrive que l’eau gèle en hiver,<br />

et il n’est pas rare que la neige<br />

recouvre le hameau l’hiver<br />

venu. Mais le plus clair de son<br />

temps, Odile le passe à filer<br />

et tisser. Elle a choisi cette vie<br />

presque monacale dont les<br />

heures s’écoulent au rythme<br />

du rouet, de l’embobineur et<br />

des navettes. Plus qu’un passetemps,<br />

le tissage est devenu<br />

une passion qu’elle souhaite<br />

transmettre.<br />

Rendez-vous à l’Atelier de Tante Odile<br />

Le Villars-de-Péone / 04 93 02 52 44<br />

Tisser la laine du pays, un défi pour réinventer le passé<br />

« Tout autour du Villars, la montagne accueille des troupeaux. Je voulais montrer que l’on<br />

pouvait récupérer la laine et en faire quelque chose, comme avant ! En Bretagne, je me<br />

souviens que ma mère tissait avec la laine du pays. Ici, les « rouge de Péone » ont<br />

une laine rustique, je préfère travailler la « mérinos ». Lorsque j’ai commencé, j’ai voulu<br />

apprendre auprès des anciens, mais le tissage est une activité du passé pour les femmes<br />

qui l’ont, pour beaucoup, oubliée. Je me suis entêtée, et j’ai appris seule à filer, grâce à des<br />

ouvrages spécialisés. J’ai enfin retrouvé mes racines ». Petit à petit, Odile a créé son atelier<br />

avant de fonder une association pour transmettre le tissage.


(a)<br />

De la laine brute à la pièce tissée<br />

* PREMIèRE MéTAMORPhOSE (a) (b)<br />

Odile n’achète pas des pelotes bien calibrées ! Elle part de la laine brute,<br />

matière grasse et souvent sale qu’il faut laver longuement avant de la carder,<br />

c’est-à-dire de la purifier et d’en séparer les fibres trop resserrées. Fort<br />

heureusement, Odile dispose de cette petite machine à carder qui remplace<br />

les peignes à carder en métal qu’utilisaient les anciens. Un temps précieux<br />

de gagné car la transformation de la laine est loin de toucher à sa fin.<br />

* AU FIL… DU TEMPS (c)<br />

Après avoir démêlé les fibres, il<br />

faut ensuite « retordre » la laine,<br />

la faire rouler entre ses doigts<br />

jusqu’à ce que, lentement, le fil se<br />

forme. « Il faut sentir le sens de la<br />

laine », ajoute Odile tandis que ses<br />

doigts redoublent de dextérité,<br />

entrelaçant les fibres laineuses.<br />

La laine est une matière vivante,<br />

changeante selon la provenance,<br />

la température et l’humidité<br />

ambiantes. En une semaine, Odile<br />

file jusqu’à 200 gr de laine : le<br />

filage est une ode à la lenteur. Le fil<br />

de laine se laisse ensuite entraîner<br />

par le rouet à pédalier avant d’être<br />

assemblé en écheveaux.<br />

* L’ALChIMIE DES COULEURS (d) (e) (f) (g)<br />

« Je réalise des teintures naturelles à base de plantes sauvages ou de plantes que<br />

je cultive ». Carotte ou oignon de son potager, bogue de noix, lichen, genêt,<br />

jeune feuille de figuier, lierre sauvage, millepertuis ou cochenille figurent<br />

parmi les éléments des mystérieuses décoctions d’Odile. Les écheveaux<br />

de laine prendront des teintes jaune d’or, vert amande, grèges, rouilles<br />

ou brunes. La laine teinte avec les feuilles de figuier garde un parfum délicat<br />

dont on rêve de se vêtir.<br />

(d)<br />

(b)<br />

(e) (f)<br />

(c)<br />

* L’ENTRéE EN SCèNE DU MéTIER à TISSER<br />

L’atelier d’Odile comporte sept métiers<br />

à tisser dont certains sont adaptés<br />

pour les petites pièces, et a fortiori pour<br />

les enfants. Un métier à contre-marche<br />

permet de réaliser un grand nombre<br />

de motifs grâce à un système de lancenavette<br />

: point de toile, point de rose,<br />

chevrons… Prolongement de la main,<br />

la navette est cette pièce de bois qui fait voyager le fil d’un bout à l’autre<br />

du canevas. Fil à fil, l’étoffe de laine peu à peu se dessine. Combien de<br />

voyages fera la navette avant que le couvre-lit, que la nappe, que l’écharpe<br />

ne naissent ? Dans l’atelier d’Odile, le temps ne compte pas.<br />

« Ainsi je pars de la laine brute pour arriver à une pièce tissée ». Un<br />

cycle qui reflète les gestes de ce territoire, ceux qui parlent<br />

de la mémoire du pays. « Et la pièce tissée nous suit tout au<br />

long de notre vie », ajoute Odile. Les draps de laine faisaient<br />

autrefois partie du trousseau de jeune fille ! La dimension de<br />

ce travail donne une valeur inestimable à chaque pièce.<br />

Le souhait le plus cher d’Odile ? Transmettre ce savoir-faire<br />

symbole de l’économie traditionnelle à des enfants, des jeunes<br />

et des moins jeunes. Le plaisir de confectionner une pièce, de<br />

prendre le temps… Le tissage est une école de la patience et<br />

de la réalisation de soi.<br />

(g)<br />

Reportage au Villars : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte)<br />

5


Vallée du Haut-Var<br />

6<br />

Le lys dans nos vallées,<br />

c’est tout un symbole !<br />

Couleurs vives et senteurs<br />

parfumées, égayant rocailles,<br />

prairies et sous bois, le lys<br />

de montagne se dévoile tout<br />

au long de l’été aux regards<br />

des randonneurs au détour<br />

des sentiers. Cette fleur à<br />

six tépales (pièces florales<br />

s’apparentant aux pétales et<br />

sépales) éclot aux environs<br />

du mois de juin au bout de sa<br />

tige verticalement installée<br />

sur un bulbe. Dans le Parc du<br />

Mercantour, le lys se décline<br />

en quatre espèces, plus<br />

attachantes les unes<br />

que les autres.<br />

Lys, simplement blanc et nomade,<br />

orange et sauvage ou rose et alpin,<br />

allons à sa rencontre sur la pointe des<br />

pieds avec Lionel Carlès, botaniste et<br />

auteur. Mais d’entrée de jardin, notre<br />

guide nous prévient : « Elles ne sont<br />

pas forcément rares, puisque, à certains<br />

endroits, elles sont très présentes.<br />

Cependant ce sont des fleurs très<br />

esthétiques, et si on ne mettait aucune<br />

restriction, les randonneurs seraient<br />

tentés d’en ramasser en grande quantité<br />

et de mettre l’espèce en danger».<br />

Avertis et sages, nous les admirons<br />

donc, sans les bousculer.<br />

Lys orangé - Lilium bulbiferum,<br />

«C’est une espèce franchement montagnarde, qui pousse entre<br />

1000 et 1800 mètres d’altitude. Elle bénéficie d’une distribution<br />

assez large dans les Préalpes et la Basse Vésubie».<br />

Solaire, cette plante à la belle couleur orangée, aime la<br />

lumière. Sur des pelouses rocailleuses, les grandes fleurs de<br />

ce lys s’épanouissent vers le ciel, telles des tulipes venues<br />

du pays du prince d’Orange !<br />

Lys blanc<br />

Lilium candidium<br />

«Subspontanée, cette fleur<br />

s’est échappée des jardins<br />

depuis plus d’un siècle et s’est<br />

adaptée à la vie sauvage.<br />

Dans notre département,<br />

c’est une espèce naturalisée,<br />

mais non protégée». Sa robe<br />

blanche lui vaut le surnom<br />

de lys de la madone. Elle<br />

pousse aussi bien près du<br />

littoral à partir de 300<br />

mètres d’altitude que dans<br />

l’arrière-pays.<br />

Un peu fleur bleue, Zozo ?<br />

«Le lérot est loin d’être un blaireau question<br />

style. Alors pour moi la fleur de lys, c’est un<br />

accessoire indispensable dans la garde-robe<br />

d’une bête de mode. À côté de la tête de mort,<br />

l’épée et autres talismans, cet emblème royal<br />

se porte en pendentif, breloque ou bague,<br />

en argent de préférence. Surfant ainsi entre<br />

mysticisme et gothisme, la fleur<br />

de lys apporte décidemment<br />

une touche de romantisme<br />

à la mode<br />

actuelle».


Une histoire bien fleurie<br />

La fleur de lys est à l’histoire de France, ce que le lotus est à<br />

l’Orient, et la fleur de papyrus à l’Égypte ancienne. Ainsi, aujourd’hui,<br />

elle se trouve sous sa forme stylisée sur de nombreux blasons de<br />

régions françaises, mais également sur celui du conseil général des<br />

Alpes-Maritimes. <strong>Voir</strong>e même sur le drapeau du Québec et sur<br />

celui de la ville de Saint-Louis dans l’État américain du Missouri,<br />

témoignage de l’héritage laissé par une présence française en ces<br />

lointains territoires... Symbole exclusif de la monarchie française?<br />

Tant s’en faut ! Dès le troisième millénaire avant notre ère des<br />

motifs de lys apparaissent en Assyrie.<br />

Dans la Bible, le psaume « le Cantique des cantiques », datant<br />

vraisemblablement d’avant l’Écriture sainte, évoque dans un verset<br />

cette flore mystique : « Je suis la fleur des champs et le lis des<br />

vallées » (Cant. 2, 1). Par la suite le Christ sera souvent représenté<br />

parmi des lys. Avec le développement du culte à la Sainte Vierge,<br />

le lys deviendra le symbole marial de pureté. C’est sous ce signe<br />

que finalement, dès le XIIe siècle, le lys doré sur fond azur apparaît<br />

en meuble héraldique sur les blasons des Capétiens (la maison<br />

de France) : le royaume de France se prévalant ainsi de sa qualité<br />

de fille aînée de l’Église. La Vierge, médiatrice entre Dieu et les<br />

hommes, devient également la protectrice des rois de France. La<br />

monnaie d’alors, l’écu, est frappée de trois lys, symbole de la Sainte<br />

Trinité et de la fertilité. Il n’en fallait pas plus pour la prospérité de<br />

la France pendant des siècles !<br />

Un ouvrage de référence :<br />

« Guide de la Flore des Alpes-Maritimes »<br />

Deux passionnés de botanique partent,<br />

il y a une dizaine d’années, d’un constat:<br />

il n’existe aucun ouvrage sur la flore<br />

des Alpes-Maritimes. «Pourtant le<br />

département rassemble à lui seul 60%<br />

des espèces végétales présentes en<br />

France. Il était d’autant plus important<br />

de mettre ce patrimoine en valeur»,<br />

souligne Lionel Carlès, créateur<br />

du musée d’Histoire naturelle et<br />

conservateur des musées du Château<br />

de Tourette-Levens. Avec son ami<br />

d’enfance, Ludovic Thébault, responsable de la salle multimédia en<br />

pays grassois, les deux diplômés en sciences naturelles consultent<br />

ouvrages généraux, publications scientifiques et données récoltées<br />

dans le Parc du Mercantour pour établir et mettre à jour un<br />

inventaire complet de la flore départementale. Faire connaître et<br />

partager, tel est le fil conducteur de cet ouvrage de 432 pages qui<br />

répertorient de façon colorée et vivante 2000 espèces de flores<br />

sauvages. En outre, un cd-rom vendu avec le livre permet une<br />

approche particulièrement ludique et interactive de 500 espèces<br />

supplémentaires.<br />

Guide de la Flore des Alpes-Maritimes<br />

Paru en mai 2010 - éditions Giletta - 25 €<br />

Reportage dans le Val d'Entraunes : Jean-Charles Vinaj (photos). Miriam Berger (texte)<br />

Lys turban - Lilium pomponium<br />

« Voilà une véritable espèce endémique régionale. Présente exclusivement<br />

dans les Alpes du Sud, particulièrement dans les Alpes-Maritimes et ses<br />

départements et provinces limitrophes, tels le Verdon et le Piémont ». Et<br />

pour cause ! C’est dans les versants rocheux, secs et bien ensoleillés de<br />

l’arrière-pays, entre 200 et 2000 mètres d’altitude, que le lys pomponne,<br />

de son deuxième nom, se sent le plus à son aise. On lui trouve d’ailleurs<br />

un air de famille avec le lys martagon : même tête penchée et mêmes<br />

pétales recourbées laissant apparaître des étamines. Il s’en distingue<br />

cependant pas sa couleur orangée.<br />

Le Lys martagon - Lilium martagon<br />

Avec sa tête penchée, le lys martagon ne demeure pas moins montagnard<br />

de cœur. Ses pétales de couleur rose mouchetées de pourpre se<br />

recourbent vers le haut à maturité pour ainsi laisser pendre de belles<br />

étamines orangées. « Cette espèce apprécie les zones boisées et fraîches,<br />

où on la trouve entre 300 à 2000 mètres d’altitude ». Rare et protégé, le<br />

lys martagon aime s’entourer de sa cousine la fleur de lys orangé.<br />

7


Vallée du Cians<br />

8<br />

Trempez-les dans l’eau, trempez-les dans l’huile,<br />

ça fera des escargots tout chauds !<br />

Un élevage pas comme<br />

les autres<br />

De l’héliciculture à Pierlas ? Incroyable<br />

mais vrai. Après avoir vécu 30 ans en ville,<br />

Monique Fougeron souhaitait revenir sur les<br />

terres familiales. Pour cela, ce petit brin de<br />

femme est sortie de sa coquille pour créer<br />

une activité où s’exprime son indépendance:<br />

un élevage d’escargots et un laboratoire de<br />

transformation.<br />

Après s’être formée en Savoie, Monique<br />

est devenue agricultrice en 2008 et élève<br />

aujourd’hui 50 000 escargots sur 300 m 2 de<br />

parcs aménagés. L'hélicicultrice a sélectionné<br />

deux variétés d’escargots susceptibles de se<br />

plaire à 1400 m d’altitude.<br />

Les filets protègent les escargots de leurs prédateurs :<br />

criquets, insectes, renards, sangliers, loirs, geais…


La recette de Monique<br />

Les brochettes<br />

d’escargots<br />

- Réalisez les brochettes en alternant<br />

un escargot, un fragment de cébette,<br />

une demi tomate cerise et un demi<br />

champignon de Paris frais.<br />

- Comptez quatre à cinq escargots<br />

par brochette.<br />

- Saupoudrez de thym du pays et de<br />

semoule de blé dur.<br />

- Faites dorer à la poêle sur un filet<br />

d’huile d’olive.<br />

- Servez avec<br />

du riz basmati.<br />

L’escargot du pays, le « Petit gris »<br />

est particulièrement adapté. Il pond une<br />

centaine d’œufs à la fin de l’été. Cet<br />

escargot est protégé et menacé, car trop<br />

ramassé ou mal-aimé des jardins.<br />

Monique souhaitait également des<br />

escargots plus charnu, c’est pourquoi<br />

elle s’est tournée vers les « Gros gris »,<br />

d’origine algérienne, qui grandissent très<br />

vite et pondent environ 200 œufs par<br />

saison. Dans le parc des reproducteurs<br />

de son élevage, Monique choisit les plus<br />

gros escargots afin d’obtenir de beaux<br />

bébés !<br />

Comment savoir s’il s’agit d’un mâle ou<br />

d’une femelle ? « Entre eux, ils s’arrangent !<br />

Ils ont la chance d’être hermaphrodites… ».<br />

Les reproducteurs n’auront pas la vie<br />

longue : ils ne pondront qu’une seule<br />

fois.<br />

Un escargot sauvage vit entre 5 et 6 ans.<br />

Comestible, il peut se révéler toxique<br />

s’il mange une herbe dangereuse pour<br />

l’homme.<br />

Reportage à Pierlas : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte)<br />

QUE MANGE UN ESCARGOT D’éLEVAGE ? Dans les parcs, Monique a planté betterave<br />

fourragère, colza, plantain, trèfle, radis et salades sauvages. Une farine étudiée pour les<br />

escargots complète les apports en calcium précieux pour la consolidation de la coquille.<br />

Un escargot d’élevage est prêt pour la consommation à huit mois, lorsque sa coquille est<br />

bien « bordée ». Il faut le ramasser lorsqu’il fait bon et sec.<br />

ET POUR LA TRANSFORMATION ? Il doit jeûner au minimum pendant cinq jours.<br />

« Contrairement à ce que faisaient les anciens, il ne faut pas le faire baver car l’escargot devient<br />

caoutchouteux et perd ses vertus ». A la fin de la saison d’été, après la ponte, la récolte bat son<br />

plein et Monique fait des merveilles dans son laboratoire de transformation.<br />

Les escargots jeûnent depuis quelques jours et sont en état de semi hibernation lorsqu’ils<br />

sont plongés dans une eau à 100°C pendant quelques minutes. « Je les décoquille et retire<br />

l’hépatopancréas, leur organe digestif ».<br />

Les escargots sont<br />

ensuite blanchis au<br />

sel et au vinaigre<br />

avant d’être plongés<br />

dans un courtbouillon<br />

aromatique.<br />

Monique calibre<br />

soigneusement<br />

les escargots<br />

pour la mise en<br />

bocaux, lesquels<br />

seront stérilisés à<br />

l’autoclave.<br />

Des produits de<br />

qualité, reflets<br />

d’un terroir.<br />

9


Vallée du Haut-Var<br />

11<br />

Tout a commencé<br />

il y a 280,000,000 d'années...<br />

Ce dossier « géologie » offre une rencontre privilégiée avec les roches du Daluis fendues de gorges<br />

profondes entre lesquelles le Var charrie ses eaux. Arrêtons-nous un peu sur la route qui mène à<br />

Guillaumes et découvrons le revers de ces paysages qui semblent venus d’ailleurs.<br />

Gilbert Mari, géologue et président de l’Association des Naturalistes de Nice et des Alpes-Maritimes,<br />

nous invite à marcher sur les traces des chercheurs de cuivre de Roua, dévoilant une histoire humaine<br />

étirée sur quelques millénaires. Percer le mystère du trésor d’Amen est un jeu auquel s’adonnent de rares<br />

passionnés. Laissons-nous guider !<br />

Géologue, Laurent Caméra nous donne à comprendre la couleur rouge de ces roches que l’on rencontre<br />

sur le Mercantour dans les gorges de Daluis, du Cians et de la Tinée. Leur formation raconte une histoire<br />

géologique à l’échelle de millions d’années. Ces paysages prennent soudain une épaisseur temporelle<br />

insoupçonnée.<br />

Connaissez-vous<br />

Gilbert Mari ?<br />

Diplomé de l'Université de Nice - Sopia Antipolis, il enseigne<br />

pendant quelques années les Sciences de la Terre et de la Vie<br />

avant d'intégrer la fonction publique hospitalière.<br />

Parallèlement à sa vie professionnelle, il déploie une grande<br />

activité dans la connaissance des mines et minéraux des massifs<br />

anciens provençaux (Maures, Estérel, Tanneron) et des Alpes-<br />

Maritimes pour lesquels il a réuni une abondante documentation<br />

et constitué une des meilleures collections de minéraux.<br />

Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux<br />

articles sur les mines et minéraux de Provence, il est à l'origine<br />

de la découverte de 8 nouvelles espèces minérales à l'échelon<br />

mondial dans les gorges de Daluis.<br />

Il est notamment président de l'Association des Naturalistes<br />

de Nice et des Alpes-Maritimes, directeur de la publication<br />

«Riviéra Scientifque» de cet organisme et conseiller scientifique<br />

de la revue «Le Règne Minéral».


Vallée du Haut-Var<br />

12<br />

MINES DE ROUA<br />

Le trésor d’Amen<br />

ou les chercheurs de cuivre du Daluis<br />

A travers les méandres des gorges de Daluis,<br />

l'équipe des Chroniques remonte le lit du Var<br />

en direction d’un site confidentiel où furent<br />

exploitées d’anciennes mines de cuivre. Sur les<br />

traces des premiers chercheurs de cuivre, nous<br />

entrons dans le terrain de jeu de Gilbert Mari,<br />

minéralogiste, président de l’Association des<br />

Naturalistes de Nice et des Alpes-Maritimes,<br />

accompagné de Laurent Lapeyre, ingénieur et<br />

passionné par les mines. Face à la route sinueuse<br />

qui longe les gorges rouges, un pan d’histoire<br />

apparaît. Notre journée prend très vite les allures<br />

d’une exploration.<br />

« Nous connaissions l’existence de ces mines d’après<br />

des archives datant du XVIIIe siècle. Puis, dans le<br />

but de trouver d’autres indices, il a fallu jouer au<br />

petit poucet comme avaient dû le faire avant nous<br />

les premiers chercheurs de cuivre : avec quelques<br />

passionnés, nous avons remonté le lit du Var et ses<br />

affluents de la rive gauche dans l’espoir de trouver des<br />

pépites de cuivre. Munis de batées, plusieurs années<br />

furent nécessaires pour mener à bien ces recherches<br />

visant à inspecter les pièges naturels que forment les<br />

« marmites de géants » fossiles ou actuelles sculptées<br />

par l’eau pendant des millénaires. De fil en aiguille,<br />

nous avons retrouvé l’emplacement d’autres petits<br />

filons minéralisés en cuivre. » raconte Gilbert Mari.<br />

Les mines du vertige<br />

A la recherche du cuivre dans l’univers rouge des<br />

roches du Permien supérieur formées il y a 280<br />

millions d’années, nous remontons le lit du Var sur<br />

quelques centaines de mètres avant d’arpenter la<br />

bordure occidentale du dôme de Barrot. La roche<br />

sédimentaire couleur lie-de-vin s’effrite, roulant en<br />

poussière dans les gorges profondes qui entaillent<br />

le massif. Il ne faut pas craindre de marcher plus de<br />

deux heures sur ce terrain friable pour atteindre,<br />

en se faufilant dans la végétation méditerranéenne<br />

arbustive, le haut de la falaise depuis laquelle on<br />

plonge sur les anciennes mines de Roua à l ‘aide<br />

d’une corde.<br />

A 250 mètres au-dessus du lit du Var sur le bord<br />

d’une falaise coupée au sabre, le trésor d’Amen<br />

est bien gardé. « Les anciens mineurs y accédaient<br />

grâce à un système de cordages » précise Gilbert<br />

dont le pas alerte nous a guidés jusqu’à ces mines<br />

du vertige.<br />

Deux groupes de galeries séparées par un éperon<br />

rocheux ont été recensés, formant un véritable<br />

labyrinthe dont Gilbert et Laurent détiennent le<br />

fil d’Ariane. Sur la partie nord que nous explorons,<br />

13 « attaques » - amorces de galeries ou galeries -<br />

s’enfoncent dans la roche sur une longueur totale<br />

de près de 150 mètres.


Voici une attaque courte qui ne s’enfonce que de quelques<br />

mètres, montrant que le filon s’arrête très vite. Plus loin, N.12<br />

et N.13, deux galeries jumelles défiant le vide suivent un mince<br />

filon de cuivre dans l’antre de la roche particulièrement dure à<br />

cet endroit. En guise de protection, l’entrée de l’une des galeries<br />

est parée d’une croix chrétienne gravée. Faux pas, éboulements,<br />

infiltrations, orages, les risques sont de taille pour les mineurs.<br />

A l’intérieur, les galeries, sur quelques mètres, présentent les<br />

caractéristiques d’un creusement au feu : en forme d’ogive<br />

(évasées au-dessus et resserrées en-dessous) leurs parois sont<br />

lisses. Pour preuve, elles comportent des traces de charbon de<br />

bois, signe que les premiers mineurs fragilisaient la roche au feu,<br />

avant de la travailler artisanalement.<br />

Les plus minéralisées ont été reprises et approfondies à l’aide<br />

d’explosifs entre le XVIIe et le XIXe siècle. En bas, le Var gronde<br />

tandis que nous nous faufilons sur la sente escarpée qui mène<br />

à N.4 la galerie la plus longue avec ses 40 mètres. Aujourd’hui,<br />

ces galeries abritent une faune singulière : hydromantes, criquets,<br />

araignées et petits oiseaux.<br />

Les couleurs de l’antre de la terre<br />

Le jeu en valait-il la chandelle ?<br />

Gilbert évalue à 15 tonnes l’extraction du cuivre métal depuis l’Age<br />

du Cuivre jusqu’à la dernière fouille en 1884, soit sur une période<br />

de 4500 ans. Cette modeste production s’explique par la taille des<br />

filons, l’escarpement et la difficulté d’extraction. Mais l’attrait pour le<br />

«cuivre vierge» ainsi que l’appelait les Anciens était plus fort car aucun<br />

traitement métallurgique n’était nécessaire pour son utilisation. Le<br />

traitement du minerai plus pauvre était parfois réalisé sur place. Gilbert<br />

et son équipe ont retrouvé devant l’une des galeries, des morceaux de<br />

charbon de bois ainsi que des fragments scorifiés très légers de couleur<br />

blanche résultat de la fusion d’un mélange d’argile et d’herbes utilisé<br />

pour tapisser l’intérieur de fours rudimentaires.<br />

Un trésor millénaire<br />

Au fond de la mine, Gilbert désigne<br />

la veine de cuivre exploitée dont les<br />

couleurs fascinantes mêlent le blanc<br />

de la calcite, le vert profond résultant<br />

de l’altération du cuivre et le rouge<br />

doré du cuivre natif. Ce cuivre, à l’état<br />

de métal, est généralement pris dans la<br />

partie centrale du filonnet. Initialement<br />

épais de 2 à 3 centimètres, on<br />

n’observe aujourd’hui que de minces<br />

filons inexploitables.<br />

A l’Age du cuivre (Chalcolithique), les hommes recherchaient le<br />

cuivre afin de confectionner des objets d’ornement, et parfois même<br />

des outils. Riche en arsenic, le cuivre de Roua possède une dureté (on<br />

parle de bronze à l’arsenic) qui le rend propre à leur fabrication par<br />

simple martelage à froid. Etrange coïncidence avec les poignards et les<br />

hallebardes que représentent les gravures rupestres de la vallée des<br />

Merveilles distantes d’une cinquantaine de kilomètres seulement à vol<br />

d’oiseau. Entre 2500 et 1700 ans avant J.- C., les premiers forgerons du<br />

dôme de Barrot auraient-ils eu des liens avec les pâtres de la région<br />

du mont Bégo ? Henry de Lumley émet l’hypothèse que les peuples<br />

du Chalcolithique et ceux de l’Age du Bronze ancien, auteurs de ces<br />

gravures, pourraient appartenir aux civilisations chalcolithiques pour<br />

lesquelles le cuivre a joué un rôle essentiel. Comment la présence de<br />

ces mines est-elle restée dans les mémoires ? Mystère. On ne retrouve<br />

trace de leur exploitation que beaucoup plus tard. .../...<br />

13


Vallée du Haut-Var<br />

14<br />

.../... Entre le XVIIe et le XIXe siècle, le cuivre natif et peut-être<br />

accessoirement l’argent natif sont extraits de ces filons. Quant à l’or<br />

- présent uniquement à l’état de traces infimes - il donnera naissance<br />

à la légende du « trésor d’Amen ». Les mineurs trouvaient refuge à la<br />

ferme de Roua située sur le seul plateau qui, miraculeusement, résiste<br />

à l’érosion. A toutes les époques les chercheurs de cuivre ont laissé<br />

leurs traces. Nos passionnés ont en effet découvert fortuitement<br />

quelques pièces de monnaie romaines, médiévales, napoléoniennes,<br />

sans oublier quelques francs et marks … attestant d’une fréquentation<br />

continue du site.<br />

Un trésor scientifique<br />

Dans le cadre d’une étroite collaboration entre l’Association des<br />

Naturalistes de Nice et des Alpes-Maritimes et le département de<br />

Minéralogie du Muséum d’Histoire Naturelle de Genève, des recherches<br />

ont mis en évidence à Roua huit espèces minérales nouvelles pour la<br />

Science venant s’ajouter à la liste des 5000 espèces répertoriées à<br />

ce jour dans le monde. Parmi elles, homologuées par l’Association<br />

Internationale de Minéralogie deux portent les noms de Gilbert et<br />

Laurent qui entrent ainsi dans l’histoire : Gilmarite (1999) et Lapeyreite<br />

(2010) ! Devenues « localité-type », les mines de Roua bénéficient<br />

aujourd’hui d’une renommée internationale sur le plan minéralogique.<br />

Le cuivre natif<br />

Un phénomène d’hydrothermalisme (circulation d’eaux chaudes<br />

minéralisées) lié à la formation des Alpes a remobilisé cuivre, arsenic,<br />

argent, mercure, etc … à partir des sédiments. Ces minéraux se sont<br />

par la suite déposés sous leur forme native, oxydée ou carbonatée<br />

dans des fractures. Spectaculaire par sa couleur et ses formes, le cuivre<br />

natif s’associe à une palette de minéraux.<br />

On parle de « cuivre natif » (« cuivre vierge » des Anciens) pour<br />

désigner le cuivre à l’état de métal directement utilisable.<br />

Mystérieux signes alphabétiques de cette gravure réalisée par<br />

piquetage sur les parements de la galerie N.13. Elle remonterait<br />

à la fin du XVIIe siècle, époque à laquelle Louis XIV accorde<br />

à Messire Villeneuve de Beauregard, seigneur de Daluis, une<br />

concession lui permettant d’exploiter les mines sur les terres<br />

de Saint-Léger, La Croix d’Auvare et Daluis.<br />

A lire<br />

«Les anciennes<br />

mines de cuivre du<br />

Dôme du Barrot»<br />

Alpes-Maritimes, Gilbert<br />

Mari, Serre Editeur, 1992.<br />

«Riviera scientifique»<br />

Année 2009, Association<br />

des Naturalistes de Nice<br />

et des Alpes-Maritimes.


Interview<br />

Laurent Camera, Géologue<br />

Laurent Caméra<br />

est géologue<br />

spécialiste de la<br />

Méditerranée et<br />

de son pourtour<br />

continental,<br />

notamment<br />

des Alpes du<br />

Sud, massif<br />

qu'il connaît<br />

particulièrement<br />

bien depuis plus<br />

de 10 ans.<br />

Il est membre<br />

de l'ANNAM<br />

depuis 1996.<br />

En arrivant dans les gorges de Daluis, on est tout d'abord surpris par la<br />

couleur rouge de ces roches. Quel nom leur donne-t-on ? Sait-on à quoi est<br />

due leur couleur ?<br />

Il est vrai que la couleur de cette roche est particulière et qu’elle tranche<br />

dans le paysage ! On appelle cette roche une pélite, il s’agit d’une roche<br />

sédimentaire à la granulométrie très fine. Cette roche s’est donc déposée et<br />

formée par sédimentation, c’est-à-dire par accumulation de fines particules<br />

minérales durant des millions d’années. La couleur rouge s’explique très<br />

simplement : ces fines particules contiennent du fer, au moment du dépôt<br />

celui-ci s’est oxydé, ce qui a donné cette belle couleur rouge lie-de-vin: c’est<br />

un peu le même processus qui conduit à la formation de la rouille sur du fer!<br />

D’ailleurs, si l’on est attentif on remarquera dans l’ensemble du paysage des<br />

pélites de couleur verte, ce vert est également dû à l’oxydation du fer, mais de<br />

manière moins forte.<br />

Les pélites permiennes des gorges de Daluis offrent des morphologies variées :<br />

parois très dures qui forment les gorges ou versants plus doux<br />

que l'on rencontre en se baladant dans le massif du Barrot.<br />

15


Vallée du Haut-Var<br />

16<br />

Comment peut-on expliquer le fait qu'elles semblent disposées de<br />

manière aléatoire avec des coupures si nettes entre elles et le reste<br />

du paysage ?<br />

En fait, la disposition n’est pas aléatoire, ces pélites se sont déposées<br />

sous forme de strates horizontales, puis recouvertes par d’autres<br />

sédiments plus classiques toujours en strates (des calcaires, des<br />

marnes, des grès) dont les couleurs se situent dans les blancs, bleu-gris,<br />

gris, beiges, bruns. Lors de la formation des alpes, tout cet ensemble<br />

s’est bombé, soulevé, un peu comme les plis d’une nappe que l’on<br />

pousse sur une table ; ainsi, les roches les plus jeunes (déposées après<br />

les pélites) comme les calcaires, les marnes, les grès, se sont érodées<br />

et leur érosion a permis de mettre à nu les pélites rouges qui étaient<br />

enfouies dessous. Si l’on observe le paysage, on remarquera la nette<br />

superposition d’une strate de roche blanche (appelée quartzite) en<br />

forme de corniche sur les strates des pélites rouges. Par contre en<br />

regardant la partie sommitale des gorges de Daluis (où il n’y a que<br />

des pélites) on imagine le travail de l’érosion (notamment du fleuve<br />

Var) pour décaper tout l’ensemble sédimentaire qui se superposait<br />

sur les pélites rouges, ces dernières forment donc le cœur du Dôme<br />

du Barrot.<br />

La corniche triasique correspond<br />

à l'arrivée de la mer, elle<br />

marque la fin de l'Ère Primaire,<br />

le début de l'Ère Secondaire.<br />

Ce changement d'Ère se<br />

traduit dans le paysage par<br />

un changement très net<br />

de la couleur de la roche !<br />

Cette corniche est constituée<br />

de galets de quartz roulés par<br />

l'arrivée de l'eau.<br />

Quel âge peuvent-elles bien avoir ?<br />

Ces roches figurent parmi les plus anciennes roches sédimentaires<br />

du département, soit 280 millions d’années. Elles appartiennent<br />

à une tranche d’âge nommée par les géologues « le Permien » et<br />

qui correspond à la fin de l’Ere Primaire. Il s’agit donc de pélites<br />

permiennes.<br />

Que nous dit leur histoire géologique ? Y trouve-t-on des fossiles ?<br />

Ces roches sont capitales dans l’histoire de notre région. Si on les<br />

observe de près, on remarquera des figures sédimentaires (des<br />

traces) très particulières. Les premières sont des « mud-cracks » c-a-d<br />

des figures de dessiccation, en d’autres termes, de la boue séchée et<br />

craquelée mais fossile (exactement comme la boue d’une flaque d’eau<br />

d’orage qui a séché au soleil ! et qui aurait 280 millions d’années). Ces<br />

traces, très nombreuses, nous indiquent quelque chose de très clair :<br />

ces pélites permiennes se sont déposées en milieu aérien, c-a-d sur un<br />

continent et non dans un océan ou une mer. Cependant, pour craquer<br />

de la boue, il fallait bien de temps en temps un peu d’eau !<br />

Les mud-cracks : de la boue desséchée<br />

vieille de 280 ma, ils témoignent du<br />

milieu continental.<br />

On sait que celle-ci arrivait de temps à autres sous forme d’inondation<br />

et remplissait la plaine d’une tranche d’eau, un petit peu à l’instar<br />

des inondations que l’on connait actuellement et qui font la une des<br />

journaux. Un autre témoignage de cette présence d’eau intermittente,<br />

est la présence de « ripple-marks », autre trace sédimentaire liée à<br />

la présence d’un petit courant d’eau et qui forme à la surface du<br />

sédiment des petites ondulations.<br />

Si l’on examine les autres roches qui se superposent aux pélites<br />

permiennes (et qui sont donc plus jeunes) on trouvera essentiellement<br />

des calcaires et des marnes, c-a-d des roches qui se sont déposées<br />

dans une mer ! La « coupure » nette de couleur entre cette roche<br />

rouge et les autres roches correspond donc à l’arrivée de la mer dans<br />

notre région : la plaine aérienne d’inondation où se sont déposées


ces fines particules rouges va être envahie par la mer, des sédiments marins<br />

vont s’y déposer pour former, plus tard (par la formation des Alpes), les<br />

paysages calcaires et marneux du département.<br />

Contrairement à des sédiments marins, les sédiments aériens, sont peu<br />

propices à la conservation de la faune et de la flore. Ainsi, inutile de<br />

chercher des fossiles dans les pélites, ils sont rarissimes ! Seules quelques<br />

rares empreintes ont été décrites. Il faut dire qu’en plus d’un milieu aérien<br />

soumis à des inondations, le climat était très oxydant (rappelez-vous, la<br />

couleur rouge de la roche due à l’oxydation du fer) donc peu propice à la<br />

conservation des fossiles.<br />

Les ripple-marks (fossiles et actuelles) sont le témoignage de la présence<br />

intermittente d'eau (sans doute une faible épaisseur d'eau lors d'inondations). La<br />

première photo illustre ces figures de courants à l'état fossilisé (il y a 280 million<br />

d'années), la seconde, des figures de courant actuelles après un orage dans les<br />

gorges de Daluis.<br />

Mais alors d’où viennent ces particules fines qui constituent ces pélites<br />

permiennes ?<br />

Elles proviennent de l’érosion de petits massifs très anciens environnants<br />

(une ancienne chaine de montagnes, aujourd’hui disparue), mais également<br />

de l’apport en fines particules provenant du massif volcanique de l’Esterel,<br />

situé plus au sud et qui est contemporain du dépôt des pélites (d’ailleurs le<br />

massif de l’Esterel est lui aussi de couleur rouge !). A Léouvé, on trouve dans<br />

les pélites des galets de roches volcaniques transportés depuis l’Esterel par<br />

des petits torrents qui coulaient à l’époque du sud vers le nord.<br />

Cette zone correspondait à ce que les géologues appellent un « rift », c-a-d<br />

une zone très basse et plate, soumise à de l’extension, c-a-d à des forces qui<br />

la tirent, la déchirent (comme si vous tiriez sur les deux cotés d’une nappe<br />

de table) : c’est, comme on l’a vu plus haut, les prémisses d’une ouverture<br />

océanique, comme les rifts Est-Africains actuels.<br />

Elles semblent se laisser modeler par le vent et les pluies. Sont-elles si<br />

«tendres» ?<br />

Oui et non ! En fait la roche est hétérogène et certaines parties du massif<br />

sont constituées de roche très résistante (comme les parois vertigineuses<br />

des gorges de Daluis), d’autres zones sont constituées de roches plus<br />

friables (Léouvé) ou plus fracturées (gorges du Cians),ce qui conduit à de<br />

fortes instabilités (la route des gorges du Cians est fréquemment fermée,<br />

suite à des éboulements, d’autant plus nombreux que la route se situe en<br />

bas des gorges !).<br />

En rencontre-t-on dans de nombreux endroits sur la planète ou s'agit-il<br />

d'une rareté ?<br />

Non, cette roche n’est pas rare, certes, elle est moins répandue qu’un calcaire<br />

ou qu’une marne, mais il s’agit d’une roche sédimentaire très classique, c’est<br />

surtout sa couleur qui attire l’attention du randonneur.<br />

Reportage dans le Daluis et les Mines de Roua : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte)<br />

Interview Laurent Camera : Caroline Mergalet<br />

17


Les Offices de Tourisme<br />

des Vallées...<br />

CIANS<br />

Beuil I Tél : 04 93 02 32 58 I www.beuil.com<br />

Valberg I Tél : 04 93 23 24 25 I www.valberg.com<br />

HAUT VAR<br />

Entraunes / Estenc I Tél : 04 93 05 51 26<br />

Guillaumes I Tél : 04 93 05 57 76 I www.pays-de-guillaumes.com<br />

Péone I Tél : 04 93 23 24 25<br />

HAUT VERDON<br />

Val d’Allos I Tél : 04 92 83 02 81 I www.valdallos.com<br />

Annot I Tél : 04 92 83 23 03 I www.annot.com<br />

Colmars I Tél : 04 92 83 41 92 I www.colmars-les-alpes.fr<br />

Entrevaux I Tél : 04 93 05 46 73 I www.entrevaux.info<br />

Puget Théniers I Tél : 04 93 05 05 05 I www.puget-theniers.fr<br />

ROYA<br />

Saint-Dalmas-de-Tende I Tél : 04 93 04 73 71<br />

Breil sur Roya I Tel : 04 93 04 99 76 I www.breil-sur-roya.fr<br />

Tende I Tél : 04 93 04 73 71 I www.tendemerveilles.com<br />

TINEE<br />

Auron I Tél : 04 93 23 02 66 I www.auron.com<br />

Isola 2000 I Tél : 04 93 23 15 15 I www.isola2000.com<br />

Roubion I Tél : 04 93 02 10 30 I www.roubion.com<br />

Saint-Dalmas-le-Selvage I Tél : 04 93 02 46 40 I www.saintdalmasleselvage.com<br />

Saint-Dalmas-de-Valdeblore/La Colmiane I Tél : 04 93 23 25 90 I<br />

www.colmiane.com<br />

Saint-Etienne-de-Tinée I Tél : 04 93 02 41 96 I www.saintetiennedetinee.com<br />

TINEE<br />

Auron I Tél : 04 93 23 02 66 I www.auron.com<br />

Isola 2000 I Tél : 04 93 23 15 15 I www.isola2000.com<br />

Roubion I Tél : 04 93 02 10 30 I www.roubion.com<br />

Saint-Dalmas-le-Selvage I Tél : 04 93 02 46 40 I www.saintdalmasleselvage.com<br />

Saint-Dalmas-de-Valdeblore/La Colmiane I Tél : 04 93 23 25 90 I www.colmiane.com<br />

Saint-Etienne-de-Tinée I Tél : 04 93 02 41 96 I www.saintetiennedetinee.com<br />

Saint-Sauveur-sur-Tinée I Tél : 04 93 05 47 58 I www.saintsauveursurtinee.fr<br />

UBAYE<br />

Barcelonnette I Tél : 04 92 81 04 71 I www.barcelonnette.com<br />

Jausiers I Tél : 04 92 81 21 45 I www.jausiers.com<br />

Larche I Tél : 04 92 84 33 58 I www.haute-ubaye.com<br />

Le Sauze Super Sauze I Tél : 04 92 81 05 61 I www.sauze.com<br />

Pra-Loup I Tél : 04 92 84 10 04 I www.praloup.com<br />

Saint-Paul-sur-Ubaye I Tél : 04 92 84 31 09 I www.haute-ubaye.com<br />

VÉSUBIE<br />

Lantosque I Tél : 04 93 03 00 02<br />

Roquebilière I Tél : 04 93 03 51 60 I www.vesubian.com<br />

Saint-Martin-Vésubie ; Tél : 04 93 03 21 28 I www.saintmartinvesubie.fr<br />

Venanson I Tél : 04 93 03 23 05 I www.venason.fr<br />

...et de la Côte d’Azur<br />

Antibes Juan-les-Pins I Tél : 04 97 23 11 11 I www.antibesjuanlespins.com<br />

Beaulieu I Tél : 04 93 01 02 21 I www.otbeaulieu.free.fr<br />

Beausoleil I Tél : 04 93 78 01 55 I www.beausoleil-tourisme.com<br />

Cagnes-sur-Mer I Tél : 04 93 20 61 64 I www.cagnes-tourisme.com<br />

Cannes I Tél : 04 92 99 84 22 I www.cannes.travel.com<br />

Cap-d’Ail I Tél : 04 93 78 02 33 I www.cap-dail.fr<br />

Eze I Tél : 04 93 41 26 00 I www.eze-riviera.com<br />

Grasse I Tél : 04 93 36 66 66 I www.grasse.fr<br />

La Turbie I Tél : 04 93 41 21 15 I www.ville-la-turbie.fr<br />

Mandelieu I Tél : 04 92 97 99 27 I www.ot-mandelieu.fr<br />

Menton I Tél : 04 92 41 76 76 I www.menton.fr<br />

Monaco I Tél : 00 377 92 16 60 16 I www.visitmonaco.com<br />

Nice I Tél : 08 92 70 74 07 I www.nicetourisme.com<br />

Roquebrune-Cap-Martin I Tél : 04 93 35 62 87 I<br />

www.roquebrune-cap-martin.com<br />

Saint-Jean-Cap-Ferrat I Tél : 04 93 76 08 90 I www.saintjeancapferrat.fr<br />

Saint-Laurent-du-Var I Tél : 04 93 31 31 21 I www.saintlaurentduvar.fr<br />

Villefranche-sur-Mer I Tél : 04 93 01 73 68 I www.villefranche-sur-mer.com<br />

Villeneuve-Loubet I Tél : 04 92 02 66 16 I www.ot.villeneuveloubet.org<br />

Gratuitement,<br />

dans les mairies<br />

et les offices de tourisme<br />

des sept vallées !<br />

Ainsi que dans les<br />

offices de tourisme<br />

du littoral.<br />

Le prochain<br />

numéro sortira en<br />

Décembre 2010.<br />

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(ISOPRESS)<br />

06 23 48 58 05<br />

jcvinaj@<strong>isopress</strong>.fr<br />

<strong>Voir</strong> P.2<br />

19


Voilà une poignée d'éternité, de jeunes<br />

roches sédimentaires s'érodèrent,<br />

laissant apparaître les pélites, coeur<br />

mis à nu de la haute vallée du Var. Peu<br />

à peu, une rivière a tracé son sillon,<br />

dessinant des gorges profondes.<br />

Le temps s'est étiré jusqu'à ce que<br />

l'homme esquisse un chemin sur<br />

les flancs rouges des roches, mince<br />

poème gravé sur le livre de la Terre.


Vallée de la Roya<br />

23<br />

La baguette magique de la fée capeline<br />

Des chapeaux 100 % écolo<br />

D’agricultrice au métier de feutrière et de modiste, il n’y a eu qu’un pas pour Emilie<br />

Oliver. Il lui a suffit d’un brin d’imagination… et d’une baguette magique capable de<br />

métamorphoser la laine en chapeau ! « Il y a quelques années, une amie m’a fait découvrir<br />

le feutrage et la confection de chapeau ». Un loisir créatif qui prend bientôt les allures<br />

d’un apprentissage autodidacte jusqu’à devenir son activité professionnelle. Depuis août<br />

2009, l’atelier de la Fée capeline s’est installé à La Brigue. « Dans mon atelier, j’ai mis toute<br />

ma liberté et ma créativité », confie Emilie. Mais même pour une fée, faire des chapeaux<br />

n’est pas si facile...<br />

Premier rempart : trouver de la laine du pays<br />

Devant le monopole de Nouvelle-Zélande et d’Australie, on<br />

ne compte que très peu de filatures françaises aujourd’hui.<br />

« Je n’arrive pas encore à travailler avec la laine provençale à<br />

100% : même si je vais voir les éleveurs pour acheter leur laine,<br />

encore faut-il pouvoir la transformer ! Mais ce projet de revaloriser<br />

la laine française, travailler avec une matière noble et des gens<br />

proches de la terre me passionne ».<br />

En attendant, Emilie travaille avec des éleveurs du 06 et<br />

du 04, du Sud de l’Italie et du Tyrol. Pour ses créations, la<br />

modiste recherche la laine, mais aussi l’alpaga (04), la mohair<br />

(Castagniers), la laine d’agneau et l’angora de lapin. Les teintures<br />

végétales effectuées par des teintureries spécialisées (Italie et<br />

Allemagne) sont certifiées Bioland.<br />

A partir d’un fin échantillon de laine,<br />

la feutrière inspecte la qualité et la<br />

longueur des fibres : la mérinos frise<br />

beaucoup tandis que la brigasque très<br />

peu. Lors de la création d’un modèle,<br />

la fée capeline choisit des couches de<br />

laine douce aux poils courts (comme<br />

la mérinos) pour l’intérieur du chapeau,<br />

et préférera une laine aux poils longs<br />

(comme la brigasque) sur l’extérieur afin<br />

de lui donner du corps.<br />

Lutin transformé en<br />

feutre par la fée !


Vallée de la Roya<br />

24<br />

Le travail de la feutrière :<br />

transformer la laine brute en feutre<br />

Un chapeau réclame environ 150 gr de laine.<br />

La préparation au feutrage : « Je superpose les fines couches<br />

de laine cardée autour de mon gabarit. Avec de l’eau chaude et<br />

du savon, j’humidifie ma laine afin de la préparer au feutrage ».<br />

Vu au microscope, le poil de laine possède des écailles qui<br />

se dilatent sous l’action de la chaleur et du savon. La friction<br />

avec le « rouleau » cranté permet d’entrecroiser les fibres<br />

laineuses.<br />

Le foulage : Avant qu’elle ne prenne les allures du feutre, il<br />

faut d’abord rouler, plier et malmener la couche de laine sur un<br />

rythme soutenu afin de resserrer durablement les fibres. « Plus<br />

je le foule, plus le tissu sera résistant ». Les chapeaux de berger<br />

demandent un long foulage avant de se montrer résistants au<br />

soleil et aux intempéries.<br />

Emilie achève le feutrage en réchauffant la matière avec un fer<br />

à vapeur afin de mettre en forme le futur chapeau. Lorsqu’il<br />

a pris la consistance et la taille voulues, elle le laisse sécher<br />

pendant 24 heures après l’avoir soigneusement rincé.<br />

Feutrer signifie donc imbriquer les fibres de la laine de<br />

manière à obtenir une matière unifiée et résistante. Energie et<br />

dynamisme sont requis !<br />

Ne pas confondre feutrine et feutre !<br />

Tissu d’imitation moderne, la feutrine est composée de<br />

fibres synthétiques alors que le feutre est une matière<br />

issue de la transformation de la laine. Utilisé par les peuples<br />

de bergers, le feutre existe depuis des millénaires.<br />

Le travail de la modiste : mettre en forme<br />

le chapeau à la vapeur et le décorer<br />

Emilie peut donner libre cours à son imagination qui se moule<br />

sur toute une palette de formes à chapeaux en bois. Très<br />

recherchées, ces objets qui rappellent un temps où l’on sortait<br />

« couvert » sont introuvables : il y a bien sûr le Borsalino, la<br />

forme classique, mais aussi le béret, la toque, le bibi, le haut<br />

de forme, les chapeaux de campagne, les cloches. Chapeaux<br />

de femmes, d’hommes, ornements de tête, chapeaux de lutins,<br />

mais aussi chaussons, gilets, boucles d’oreilles… sont autant de<br />

réalisations de l’atelier. Et pour l’été, voici des étoles de soie<br />

travaillée avec la laine.<br />

Etapes du modelage d’un chapeau :<br />

• La fleur est venue au hasard de la confection d’un chapeau.<br />

Réalisée lors du feutrage, elle fait corps avec le chapeau.<br />

• Lorsque le chapeau a son modelé définitif, Emilie l’apprête<br />

au pinceau. A base de résine, l'apprêt le protège du soleil<br />

comme de la pluie.<br />

• La modiste effectue la couture du ruban en coton qui donne<br />

du confort sur le tour de tête.<br />

La Fée Capeline - Emilie Oliver, modiste I 7 rue de la République, 06430 La Brigue I Tél : 04.93.54.90.57 / 06.89.25.64.87 I www.feecapeline.com


Pour sa collection médiévale,<br />

Emilie a reproduit les<br />

chapeaux de musiciens et<br />

d’archers que portent les<br />

personnages des fresques de<br />

Notre-Dame-des-Fontaines<br />

(La Brigue), lesquelles datent<br />

du XVe siècle.<br />

Petits chaussons<br />

Chapeau Borsalino<br />

pour homme<br />

confectionné à partir<br />

des laines mérinos et<br />

brigasque.<br />

Le Bibi Abroisie<br />

Capeline fleurie<br />

Reportage à la Brigue : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte)<br />

25


Vallée de la Roya<br />

26<br />

Paré de pompons, de<br />

clochettes et d’un chapeau.<br />

Symbole ou coquetterie ?<br />

Muletier à Tende :<br />

un métier qui ne manquait pas de sel !<br />

Le cortège<br />

défile deux fois<br />

de suite à travers les<br />

ruelles escarpées de Tende:<br />

un bonheur pour les yeux,<br />

un exploit pour les mulets<br />

et les chevaux glissant sur<br />

les pavés et les plaques<br />

d’égouts.<br />

S’il est un pays, où le mulet est roi,<br />

Tende et sa fête de la Sainte Éloi<br />

donnent alors certainement un<br />

aperçu de la place de choix réservé<br />

à cet animal hybride (engendré<br />

par un âne et une jument) en ces<br />

contrées montagneuses. Riche de<br />

son patrimoine et de ses traditions,<br />

la Confrérie de la Saint Éloi tient<br />

à perpétrer l’hommage rendu au<br />

mulet. L’allié incontournable de<br />

l’homme pendant des siècles.<br />

Parés telles des montures de valeureux chevaliers,<br />

les mulets de Tende continuent inlassablement, et<br />

sans lasser, à défiler dans les ruelles de cette cité<br />

médiévale de la vallée de la Roya à l’occasion de<br />

la Saint éloi, patron et protecteur des muletiers<br />

et des charretiers.<br />

Non pas le 1er décembre, comme le préconise le<br />

calendrier des saints, mais le deuxième dimanche<br />

de juillet. Robes de grande valeur cousues mains et<br />

caparaçonnées, encolures décorées de pompons<br />

et de clochettes craignent salissures et humidité.<br />

« Tôt ce matin, les familles, aidées par les voisins,<br />

ont commencé par nettoyer les mulets. Puis l’animal<br />

recouvert d’un drap, pour protéger le caparaçon, à<br />

été décoré avec soins », explique François Galvagno,<br />

vice-président de la Confrérie de la Saint Éloi, au<br />

public venu nombreux admirer les montures sur<br />

la place de la mairie. Les festivités lancées, le<br />

cortège d’une trentaine de mulets, guidés par<br />

leur propriétaire en costume traditionnel et<br />

montés par la plus jeune génération, s’engouffre<br />

dans les ruelles étroites.<br />

L’étendard de la<br />

Confrérie de la<br />

Saint Éloi porté<br />

depuis dix ans<br />

par Serge Ros<br />

« jusqu’à la retraite ».


En tête, la calèche transportant la prieure de<br />

cette année, ainsi que celle de l’année précédente.<br />

Souriantes et saluant la foule malgré les secousses<br />

et les soubresauts, Marylène Dalmasso et Christine<br />

Tambini : « La désignation des deux prieurs, une<br />

femme et un homme d’une même famille, de la<br />

Confrérie de la Saint Éloi pour l’année prochaine se<br />

déroulera aujourd’hui à la fin du repas. Il leur sera<br />

remis l’étendard traditionnel. Puis les nouveaux prieurs<br />

offriront le verre de l’amitié. Suivra une année laborieuse<br />

de préparatifs, où ils devront représenter la Confrérie<br />

lors d’événements gais, mais également tristes, tels<br />

les enterrements ». Arrivés sur le parvis de l’église<br />

Notre Dame de l’Assomption, fanfares et convives<br />

font le silence afin de recevoir la bénédiction avant<br />

la célébration de la messe. Loin du folklore « attrape<br />

touristes », la Confrérie maintient une atmosphère<br />

d’authenticité imprégnée de joie, mais également<br />

de recueillement.<br />

Née sous le signe de la solidarité<br />

à l’époque de la route du sel, pratiquement<br />

chaque famille tendasque possédait un ou<br />

plusieurs mulets, garantissant ainsi des revenus<br />

importants et réguliers pour l’économie locale.<br />

« Les premières traces de la présence de l’activité<br />

prospère de muletier se trouvent dans un compterendu<br />

du Conseil Municipal datant de 1491. En outre,<br />

entre 1777 et 1779, il a été recensé à Tende, une<br />

moyenne de passage de 30.000 mulets chargés de<br />

sel et reliant Cuneo ou Turin. Ajoutés aux 16.000<br />

autres bêtes transportant bois, laitage, huile et<br />

divers autres produits ». Si le métier de muletier<br />

apportait prospérité à ceux qui l’exerçaient, rien<br />

ne protégeait ces robustes travailleurs des aléas<br />

du métier : maladies, chutes mortelles, et autres<br />

accidents causés par des avalanches en hiver et des<br />

éboulements le reste de l’année. Jetant ainsi des<br />

familles entières dans la détresse et la pauvreté.<br />

« Regroupés en une confrérie sous le saint patronage<br />

de Saint Éloi, les muletiers s’organisaient dès lors dans<br />

une entraide semblable au système mutualiste ou<br />

syndical », continue François Galvagno.<br />

Si aujourd’hui le mulet se fait de plus en plus rare<br />

à Tende, la tradition de la fête de la Saint Éloi a<br />

retrouvé un deuxième souffle après la Seconde<br />

Guerre Mondiale. En 1947, le propriétaire de<br />

l’auberge « Le Cheval Blanc », François Ribéri,<br />

renoue alors avec la tradition. Actuellement, seule<br />

une famille tendasque possède encore un mulet<br />

pour le portage personnel.<br />

Reportage à Tende : Jean-Charles Vinaj (photos). Miriam Berger (texte)<br />

Sur la route de la prospérité<br />

élément indispensable pour la conservation des<br />

aliments, pendant des siècles, le sel a fait l’objet<br />

d’un commerce important. Inaugurant ainsi de<br />

grandes voies de communications et d’échanges,<br />

appelées «routes du sel». Celle du Col de Tende<br />

permettait alors d’acheminer le sel en provenance<br />

des salins de Camargue et d’Hyères jusqu’à la<br />

plaine du Pô. Débarqués des navires aux ports de<br />

Nice et de Villefranche, les sacs étaient transportés<br />

à dos de mulets. Après une longue montée de<br />

vingt heures, parsemée de douanes, les colonnes<br />

de mulets parvenaient à Tende, étape importante<br />

avant l’ascension du Col de Tende.<br />

Pas peu fiers de la force et de la robustesse de<br />

leurs mulets, les Tendasques prenaient alors le relais<br />

avec leur monture pour franchir les 1871 mètres<br />

d’altitude de leur col. Été comme hiver, souligne<br />

Louis Franco : « Sous le fer, les mulets étaient chaussés<br />

de crampons pour affronter la neige et la glace ! »<br />

Au retour, les mulets revenaient chargés de produits<br />

provenant des riches régions de Lombardie et du<br />

Piémont : blé, seigle, chanvre, vin…<br />

À l’origine de ce commerce florissant, le mulet<br />

s’attelait également à d’autres tâches quotidiennes. «<br />

Il était fort utile pour le travail des champs. Les bergers,<br />

quant à eux, en avaient besoin pour transporter le lait<br />

et le fromage », précise Stéphane Pelissero, jeune<br />

éleveur d’ovins à Tende.<br />

Des moments privilégiés pour<br />

Stéphane, Elodie, 9 ans, et Rémi, 6 ans.<br />

Bénédiction du défilé sur le parvis de l’église.<br />

Henri Bues<br />

La calèche fait partie du défilé depuis<br />

les années soixante-dix. Chaque<br />

année, henri Bues la décore aux<br />

couleurs de Tende : « Rouge et jaune.<br />

Les armoiries de Tende sont celle de<br />

la famille Lascaris, qui y possédait<br />

un château, dont une tour subsiste,<br />

aujourd’hui encore, sur les hauteurs de<br />

la vieille ville. Riches et puissants, les<br />

Lascaris s’étaient alors emparés des<br />

retombées engendrées par la route du<br />

sel, en prélevant une dîme de passage<br />

pour le transport de la précieuse<br />

marchandise ».<br />

Luca<br />

Lantéri,<br />

14 ans,<br />

porte haut la<br />

tradition en<br />

choisissant le<br />

métier de<br />

maréchalferrant.<br />

Tonnerre, un poney, qui fait le bonheur de<br />

Pauline, 2 ans, et Manon, 6 ans, entourées de<br />

leurs parents, Isabelle et Marc Palma.<br />

27


Vallée de la Vésubie<br />

29<br />

Apparaissant tel un mirage de la forêt<br />

enchantée : le troupeau de Christophe.<br />

Christophe Guibert<br />

à l’école de la vie de berger<br />

L’image bucolique de l’activité<br />

pastorale séduit toujours autant et<br />

invite au dépaysement. Le temps<br />

d’ «une montagne», un jeune<br />

berger, Christophe Guibert, a pris<br />

ses quartiers à l’ombre du Caïre<br />

Gros en Moyenne-Tinée. Ultime<br />

étape avant l'estive du Mont<br />

Archas en Vésubie. Portrait.<br />

Gardien du troupeau bien évidemment, mais également vétérinaire, maître<br />

de chiens de conduite et de protection, gestionnaire des alpages, secouriste,<br />

bûcheron et tondeur, Christophe exerce une activité technique au savoirfaire<br />

durement acquis. « Je ne me considère pas comme un berger. C’est<br />

comme quand quelqu’un s’autoproclame peintre ou sculpteur Ce terme est trop<br />

noble et seuls quelques très bons professionnels le méritent. Moi, je suis gardien<br />

de troupeau ». L’humilité de Christophe n’a d’égal que ses responsabilités<br />

face au troupeau de 1300 moutons de la race mérinos que lui ont confiés le<br />

temps d’une estive, Alain et Robert Roux. Son quartier général jusqu’à la fin<br />

juillet est la vacherie communale de Marie, située tout en longueur à 1600<br />

mètres d’altitude. Une transhumance avec son troupeau le mènera ensuite<br />

à la cabane de la Frema adossée au Mont Archas, au-dessus de Saint Dalmas<br />

dans la vallée de la Vésubie : « Nous changeons d’estive pour garder de l’herbe<br />

autour de la vacherie de Marie. Car de septembre à novembre, le troupeau<br />

revient ici ». Nomade de surcroît !<br />

Les brebis<br />

se régalent<br />

de gros sel,<br />

indispensable<br />

à leur équilibre<br />

alimentaire.


Vallée de la Vésubie<br />

30<br />

Pérégrinations pastorales : la vie quotidienne d’un berger<br />

« Garder un troupeau, c’est une multitude de petits détails, qui<br />

deviennent des habitudes que les personnes venant de l’extérieur<br />

ne perçoivent pas » : horaires fixes et itinéraires définis, le<br />

matin à six heures, homme, chiens et troupeau quittent<br />

l’enclos pour s’élever vers la zone de pâturage de leur<br />

«premier repas».<br />

« En début de saison, nous emmenons les brebis vers les prairies<br />

situées plus bas, afin qu’en altitude l’herbe pousse encore un peu.<br />

Au printemps, il faut freiner le troupeau qui préfère lui aller brouter<br />

plus haut ». Les moutons se dirigent d’un pas assuré vers le<br />

Pra Rousse se faufilant entre rocailles et herbes hautes le<br />

long de pentes abruptes pour rejoindre des prés débordants<br />

de gourmandises : graminées, genêts et autres fleurs de<br />

montagne. « Je m’adapte au troupeau. Les brebis connaissent les<br />

lieux et prennent le chemin habituel pour trouver leur nourriture.<br />

Je les suis et les surveille. Quand un groupe s’est détaché pour<br />

aller brouter de l’autre côté de la crête, je le ramène ».<br />

En cette matinée, tout le monde suit bien, et même les brebis<br />

les plus nonchalantes demeurent à l’intérieur du troupeau :<br />

«Il y a une noire et une avec une sonnaille, qui se situent toujours<br />

en queue de peloton. Alors quand je ne les aperçois plus, je sais<br />

que le troupeau n’est pas au complet». Pendant ce temps, Laica,<br />

la border collie de Christophe, fait du zèle, s’élançant vers les<br />

brebis, qui osent le moindre écart. Son maître n’a de cesse<br />

de la gronder et de la calmer : « Elle est tellement heureuse de<br />

faire une montagne, qu’elle ne peut s’empêcher de conduire le<br />

troupeau. C’est en elle ! ».<br />

Rien, cependant, ne peut les sortir de leur torpeur matinale:<br />

Filou et ses trois autres compagnons patous, eux, suivent<br />

tranquillement le flux. Traversant prairies et forêts de pins,<br />

le troupeau se dirige maintenant en direction des cimes et<br />

du col de la Madeleine (1800 mètres) avant de reprendre le<br />

chemin du retour vers leur parc.<br />

Un des quatre patous pour protéger le<br />

troupeau d’éventuels prédateurs. Également<br />

appelé le montagne des Pyrénées, il en<br />

impose par sa taille, près de deux mètres du<br />

museau à la queue. Son poids : environ 70 kg !<br />

À l’abri du soleil de midi, les brebis commencent leur chôme.<br />

Christophe prodigue encore quelques soins vétérinaires et<br />

accomplit également des travaux d’entretien tout autour de<br />

la bergerie. à seize heures, les brebis ont droit à leur petite<br />

cure de sel quotidienne. Des tas de sel sont disposés par<br />

Christophe sur de grosses pierres à la sortie de l’enclos.<br />

«L’herbe apportant peu de sel à l’organisme, il faut compléter la<br />

nourriture d’un ovin par un apport de sel d’environ trois grammes<br />

par jour». Les brebis en sont friandes et se précipitent vers<br />

les tas, avant d’aller se désaltérer à l’abreuvoir.<br />

Maintenant le troupeau est prêt à s’élancer vers les cimes<br />

du Caïre Gros à 2098 mètres d’altitude pour brouter son<br />

« second repas ». Paissant tout en avançant paisiblement,<br />

les brebis font l’ascension sans difficulté. Christophe guette<br />

l’orage de fin d’après-midi, qui les épargnera cette fois-ci.<br />

Les aléas du climat de montagne, imprévisible et violent, font<br />

partie du quotidien du berger, ainsi que le confort spartiate<br />

des cabanes sans eau courante et souvent, sans électricité.<br />

à neuf heures du soir, les brebis rejoignent leur parc : «Je<br />

pourrais les faire descendre plus tôt, mais je préfère qu’elles<br />

rentrent bien repues pour leur bien-être !».<br />

Consciencieux jusqu’au bout de<br />

la journée, Christophe laisse, la<br />

nuit venue, la place aux quatre<br />

patous afin qu’ils protégent<br />

le troupeau des éventuels<br />

attaques de prédateurs, tel le<br />

loup. Les sons des bêlements<br />

et des sonnailles s’estompent<br />

pour laisser place aux rares<br />

aboiements des patous<br />

attentifs au moindre bruit.


Arnold et Laica :<br />

des fidèles compagnons, qui comptent<br />

Christophe avance derrière le troupeau. L’entourant joyeusement, Arnold, cinq<br />

ans, et Laica, deux ans, ses deux border collies, le suivent pas à pas toujours à<br />

l’affût de la moindre consigne venant de leur maître pour conduire les brebis.<br />

« Si cette année, je garde à nouveau un troupeau, c’est surtout pour mes deux<br />

chiens. Ils attendaient ça depuis si longtemps. Disons que cette estive, c’est 70%<br />

pour eux et 30% pour moi. Ça me fait plaisir de les voir travailler.<br />

En plus pour Laica, c’est la première fois. Elle est efficace et très douce quand elle<br />

contourne et rabat le troupeau. La première estive avec Arnold a été très dure pour<br />

nous deux : nous gardions 3000 brebis et la météo était terrible, orages violents,<br />

tempêtes de neige, pluies diluviennes. Mes pieds et les pattes d’Arnold étaient<br />

en sang ». Travaillant patte dans la main, maître et chiens forme une équipe<br />

solidaire et compétente.<br />

Aux petits soins de ces dames<br />

« Je préfère les soigner au jour le jour, plutôt qu’à la petite semaine ». Attentif,<br />

Christophe repère aisément les brebis blessées ou malades. « Celles qui boitent<br />

ont souvent une épine de pin dans l’onglon. Il faut l’extraire et désinfecter ». D’autres<br />

se font des écorchures, qui s’infectent dangereusement en altitude à cause de<br />

mouches spécifiques qui y pondent leurs larves. « Les animaux souffrant de<br />

maladies infectieuses ont les oreilles qui pendent et sont à la traîne derrière les<br />

autres. Les agneaux sont fragiles aux coups de froid et aux infections dont souffrent<br />

leurs mères. Alors je leur administre à l’aide d’une seringue des antibiotiques ».<br />

Après avoir reconnue l’animal malade, Christophe le saisit avec sa houlette<br />

par la patte arrière. Une fois la brebis immobilisée, il lui prodigue les soins.<br />

Avant de la relâcher, il la marque d’une croix rouge pour la reconnaître et suivre<br />

sa rémission. Les pertes se situent autour de 3% à 6% dans un troupeau.<br />

Myiases : une blessure colonisée par des<br />

larves de mouches. S’ils ne sont pas retirés,<br />

les asticots creusent et se nourrissent de<br />

la chaire. Affaiblie, la brebis peut en mourir.<br />

Pour extraire l’épine de pin,<br />

qui s’est enfoncée dans l’onglon,<br />

il faut tailler à l’aide d’un couteau.<br />

Après avoir saisit la<br />

pâte arrière de la brebis,<br />

Christophe l’immobilise<br />

Un agneau reçoit une piqûre de pénicilline<br />

pour soigner une infection pulmonaire.<br />

Puis l’onglon est aspergé<br />

d’un produit désinfectant et cicatrisant.<br />

L’homme<br />

seul face à<br />

la nature, un<br />

défi, ponctué<br />

de grands<br />

moments de<br />

plénitude.<br />

Une vie hors des chemins battus<br />

Contraste saisissant que celui, entre ces jeunes citadins<br />

aux préoccupations parfois superficielles, mais souvent<br />

artificielles, et Christophe, 24 ans, faisant face aux aléas<br />

de la vie pastorale.<br />

Jovial, accueillant, rien ne prédestinait ce grand jeune<br />

homme dynamique originaire du Puy-de-Dôme à<br />

la solitude de longues estives. « La montagne m’a<br />

toujours attirée, surtout les reliefs escarpés du Mercantour,<br />

couverts d’une flore variée et abondante poussant dans un<br />

environnement sec et rocailleux ».<br />

Sa première « montagne » (ndlr : estive), il la découvre<br />

à 19 ans après un baccalauréat sciences et technologies<br />

de l’agronomie et du vivant. « Ça a été très difficile de faire<br />

face à tant de responsabilités et à une vie aussi austère sans<br />

y être préparé », avoue Christophe sans faux-semblants.<br />

Apprenant à ne compter que sur lui-même et à la force<br />

de sa volonté, il s’initie aux secrets du métier.<br />

« Aujourd’hui c’est ma quatrième saison de berger. Je me<br />

sens plus à mon aise car je suis entouré de bons chiens sur<br />

qui je peux vraiment compter ». Entre temps, il a passé<br />

un BTS en production animale en haute-Loire pour se<br />

spécialiser dans la tonde. « Je me considère plutôt comme<br />

tondeur. J’aime cette activité noble et très enrichissante.<br />

Chaque saison est une expérience inoubliable ».<br />

De nature à ne jamais se reposer sur ses lauriers,<br />

Christophe va suivre une formation de bûcheron et<br />

continuer à tracer son chemin : « Nous avons tous des<br />

sentiments et des penchants, dont nous ne pouvons pas<br />

déterminer les origines. Certainement ont-ils leur signification<br />

et leur sens. Alors loin du tourbillon quotidien de la vie, je<br />

réfléchis et je cherche à me découvrir ». Belle leçon de vie,<br />

que nous livre décidément ce jeune homme.<br />

Reportage aux Vacheries de Marie : Jean-Charles Vinaj (photos). Miriam Berger (texte)<br />

31


Vallée de l’Ubaye<br />

32<br />

L’art de la délicatesse<br />

Au détour d’une belle ferme traditionnelle du<br />

village de Faucon de Barcelonnette, l’atelierboutique<br />

« Faïence des Tourelles » ouvre ses<br />

portes sur l’univers délicat de la porcelaine.<br />

Dans l’aile droite de la ferme, le vaste atelier<br />

de Stéphanie est décoré avec goût, déployant<br />

des pièces aux motifs finement ourlés : services<br />

de table, assiettes décoratives, coupes ajourées,<br />

pieds de lampes, assortiments de salle de bain,<br />

cadeaux de faire-part, reproductions de pièces<br />

anciennes… Du bleu lavande au bleu cobalt, les<br />

camaïeux de bleus règnent. « C’est une couleur<br />

que j’adore travailler et que je maîtrise, une couleur<br />

graphique que j’associe volontiers à des polychromes<br />

composés d’ocre et de vert, chers à l’école de<br />

Moustier », explique Stéphanie absorbée dans un<br />

décor lavande. On ne peut qu’admirer l’équilibre<br />

et la symétrie qui structurent ses compositions.<br />

« Quand je suis devant ma pièce blanche, je peux avoir un moment<br />

de doute. Je laisse alors mon pinceau me guider ». La faïence fait<br />

partie de la vie de Stéphanie depuis longtemps, puisqu’étudiante,<br />

elle a fait ses armes à Antibes et Vallauris avant de se lancer. En<br />

ouvrant son atelier-boutique, la céramiste a choisi d’exercer<br />

son métier comme elle l’entend. Stéphanie excelle dans les<br />

décors Moustier dont les arabesques rivalisent de finesse. Ces<br />

plus grandes pièces nécessitent jusqu’à 20 heures de travail !<br />

Aujourd’hui, son style s’achemine vers des lignes plus épurées.<br />

L’artiste nous ouvre les coulisses de son atelier.<br />

Assiettes<br />

ajourées à<br />

l’honneur des<br />

gentiane, lis<br />

martagon,<br />

ou reine des<br />

prés, et plat<br />

rectangulaire<br />

représentant<br />

un superbe<br />

sabot de<br />

Vénus.<br />

« Faïence des tourelles »<br />

Du biscuit à la pièce décorée<br />

Avant tout, je choisis la forme de mes biscuits et<br />

inspecte chaque pièce avant de la travailler suivant<br />

différentes étapes :<br />

* A l’aide du papier de verre, le ponçage gomme les<br />

imperfections du « biscuit ». Pour un beau résultat, il<br />

faut effectuer ce travail avec minutie en amont.<br />

* Avec un compresseur, je dépoussière<br />

soigneusement la pièce.<br />

* Vient ensuite la phase d’émaillage : « je prépare<br />

d’abord un bain d’émail parfaitement homogène, de<br />

couleur blanche, miel, transparente ou jaune. Tenu par<br />

une pince, le biscuit est trempé dans ce bain. Mon<br />

geste doit être rapide afin d’obtenir une parfaite densité<br />

d’émail. La terre étant poreuse, elle absorbe l’humidité,<br />

si bien que l’émail reste en surface ».


Mesurer son geste<br />

« La décoration est le<br />

cœur de mon travail ».<br />

* 10 heures de cuisson, et autant pour le refroidissement<br />

sont nécessaires pour obtenir une pièce finie.<br />

L’émail posé, le moment est venu de décorer la pièce. Des gestes tout en<br />

mesure s’aventurent sur les formes parfaitement émaillées. Disposées dans<br />

la palette, les couleurs créées à partir des émaux doivent être homogènes.<br />

Véritable tour de main permettant d’éviter toute bavure, doser l’eau du<br />

mélange s’apprend au fil des œuvres.<br />

« Appuyée sur une règle en bois, ma main se stabilise afin d’être précise dans le<br />

cerné. De plus, l’émail réparti en couche très fine sur la pièce pourrait s’écailler<br />

au moindre contact. Je commence toujours par le contour du motif avant de<br />

procéder au remplissage par un dégradé. Je travaille sur une tournette pour mettre<br />

à hauteur chaque pièce,<br />

mais aussi pour centrer<br />

la pièce afin d’effectuer<br />

un filet précis. Le moindre<br />

faux mouvement est<br />

irrattrapable : il y a des<br />

pièces que je ne peux pas<br />

sauver. Et rien que sur une<br />

assiette, il y a six heures<br />

de travail ! »<br />

Chaque pinceau joue un rôle précis. « J’utilise ce pinceau en poil de<br />

martre pour le remplissage ». Délicat, le cerné nécessite un pinceau qui<br />

redouble de finesse. « Pour réaliser un filet, je choisis un pinceau plus<br />

épais et effectue deux passages successifs à contre-sens».<br />

Le geste<br />

sûr, léger et<br />

précis appose<br />

la signature<br />

au dos de la<br />

pièce.<br />

Un style, des thématiques<br />

Stéphanie affectionne les grotesques de Moustier et leurs personnages<br />

espiègles, mais aussi les thématiques florales autour des fleurs de<br />

montagnes ou des fleurs des champs.<br />

Motifs aux coquelicots<br />

Faïence des Tourelles<br />

Stéphanie Jean<br />

04400 Faucon de Barcelonnette<br />

Tél. : 04 92 81 33 64 / Stephaniejean04@orange.fr<br />

Reportage à Faucon : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte)<br />

33


Vallée de l’Ubaye<br />

34<br />

La céramique au service de Dame Nature<br />

Création de fleurs éternelles<br />

Joubarbe des toits,<br />

ancolie des Alpes,<br />

pensées sauvages,<br />

lis, reine des Alpes…<br />

Amoureuse de l’Alpe,<br />

Pierrette-Jeanne<br />

Lascombe façonne des<br />

fleurs céramiques que<br />

le mimétisme des formes<br />

et des couleurs rend plus<br />

vraies que nature.<br />

Ne présentant pas<br />

de difficulté particulière,<br />

la joubarbe des toits<br />

est réalisée en une semaine.<br />

La subtilité des détails en ferait presque naître l’évanescent parfum qui envoûte<br />

nos sens. Le froissement d’une feuille, l’inclinaison d’un pétale, ou la danse<br />

d’une tige exprime la fragilité des fleurs de l’Alpe. Une ode à la biodiversité<br />

qui, par-delà les saisons éphémères, loin des crêtes où elle ne s’épanouit<br />

qu’un court instant, fait entrer la flore alpine dans un règne plus éternel, celui<br />

de l’art. Un art qui participe à la protection des espèces menacées.<br />

« La frise aux orchidées » du<br />

Conservatoire national Botanique (2001)<br />

met en scène le sabot de Vénus, l’orchis<br />

pyramidal, la limodore à feuilles avortées,<br />

l’orchis singe, l’orchis hirsute et la<br />

nigritelle vanillée. Cette frise remarquable<br />

représente 18 mois de travail.


La fleur coup de cœur de l’artiste<br />

Le bleuet centauré est une fleur d’une rare finesse, dentelée, d’une couleur<br />

bleu azur qui vire au blanc une fois pollinisée. Comme si elle avait perdu sa<br />

virginité, elle semble alors revêtir la robe de ses noces. Un bleuet comporte<br />

85 pétales, véritable défi pour l’artiste.<br />

Itinéraire de Pierrette<br />

« Originaire de Kabylie, je suis arrivée à Nice à l’âge de 6 ans. Je me suis formée<br />

au Domaine de l’Etoile, Association des artistes céramistes de Nice. Il y a une<br />

vingtaine d’années que je me suis installée en Ubaye. J’ai tout de suite été<br />

charmée par ce festival de fleurs qui embellit nos montagnes le printemps venu.<br />

J’ai appris à les connaître et j’ai eu envie de réaliser des fleurs en céramique.<br />

Je me suis d’abord concentrée sur les fleurs menacées. C’était à l’époque de la<br />

création du Parc du Mercantour. Les fleurs étaient encore très méconnues ».<br />

Des créations minutieuses et ludiques<br />

La céramiste d’art a gardé une âme d’enfant. Patiemment, elle recrée, feuille<br />

à feuille, pétale après pétale, les formes et les couleurs singulières des fleurs<br />

alpines longuement observées. Pierrette réalise des tableaux de fleurs<br />

en relief ou compose des fleurs en trois dimensions grandeur nature.<br />

Comme sorties de terre, ces fleurs sur pied relèvent de véritables prouesses<br />

techniques. « Ce qui me plaît, c’est le spectaculaire dans les fleurs. Les légendes<br />

qui y sont attachées nourrissent mon inspiration ».<br />

Explorant la troisième dimension,<br />

les mains de Pierrette élaborent<br />

l’architecture fleurie de la joubarbe<br />

des toits. Résultat du « dégourdi »<br />

(terme désignant la première cuisson),<br />

le biscuit sort du four. Contrairement<br />

aux méthodes habituelles, notre<br />

céramiste pose la couleur « à crue ».<br />

Le réalisme des teintes vient de<br />

ce qu’elle utilise des sels minéraux<br />

appelés « oxydes » directement sur<br />

le biscuit, sans émaillage préalable.<br />

Les feuilles de la joubarbe résultent<br />

d’un mélange de vert émeraude et<br />

vert herbe, tandis que le rouge des<br />

pétales est obtenu à partir d’un corail<br />

et d’un carmin. Une fois la couleur<br />

posée, Pierrette trempe les pièces dans une « glaçure », émail qui devient<br />

translucide comme du verre. Il s’agit de la technique des « émaux sous<br />

couverte ». « A la première cuisson, j’obtiens une pièce que je peux faire cuire<br />

jusqu’à quinze fois, entre 980 et 1000°C, afin d’exprimer les nuances de la<br />

couleur ». Or chaque cuisson est un choc thermique. Aussi, présente-t-elle<br />

des risques de casse. « La terre possède une duplicité : quand on croit que la<br />

pièce touche à sa fin, tout peut être à refaire. Ma grande reine des Alpes a fondu<br />

deux fois ! ». Mais ce risque fait partie du processus de création et ne freine<br />

nullement Pierrette qui a réalisé 290 fleurs.<br />

Pierrette Lascombe I Rue Principale - 04850 Jausiers<br />

Tél. : 04 92 84 34 49 I www.drouot-cotation.org I www.direct-art.com<br />

Reportage à Villars-de-la-Condamine : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte)<br />

35


Vallée de la Tinée<br />

36<br />

Le Salso Moreno et ses lacs Morgon<br />

Une rando placée<br />

Étrange, surprenant, mais décidément dépaysant<br />

ce vallon du Salso Moreno en Haute-Tinée. Son<br />

nom, tout d’abord, exotique, ni français, ni italien,<br />

définitivement énigmatique, sied bien à ce lieu<br />

mystérieux. Le site, enfin : toundra mongolienne,<br />

pour certains, paysage sculpté par de lointains<br />

volcans, pour les autres.<br />

« Ce qui fait le charme du Salso Moreno, c’est sa géologie très<br />

particulière », c’est ainsi qu’Antony Turpaud, garde moniteur du<br />

secteur Haute-Tinée, lève un coin du voile. Juste suffisant pour<br />

éveiller la curiosité et inciter à sa découverte. Au départ du col des<br />

Fourches à 2261 mètres d’altitude, des panneaux d’interprétation<br />

placés là par le Parc du Mercantour décrivent les formations<br />

géologiques des lieux. « De cet endroit, on aperçoit comme des trous<br />

d’obus, qui pourraient faire penser à des traces laissées par l’histoire<br />

mouvementée de cette zone frontalière. En réalité, c’est un phénomène<br />

naturel qui est dû à la dissolution du gypse. On appelle ces formations<br />

des dolines », continue Antony Turpaud.<br />

De nombreuses randonnées passent par ce vallon, mais aujourd’hui<br />

c’est vers les lacs Morgon que nous mènerons nos pas. Suivons<br />

un petit temps le GR 5 par lequel nous descendons dans ce<br />

large vallon isolé, désertique, si différent des autres vallées du<br />

Mercantour, rocailleuses, étroites et peuplées d’arbres.<br />

Le lac supérieur a pour cadre un panorama<br />

impressionnant sur de nombreuses cimes,<br />

notamment celle du Bonnet Carré.<br />

sous le signe de l’évasion<br />

Un troupeau de mouflons, ancêtres du mouton<br />

domestique. Originaire de Corse, le mouflon a été introduit<br />

dans le Mercantour dans les années soixante. La puissance de<br />

son corps trapu ne lui ôte en rien de son allure élégante. Les<br />

cornes du mâle, triangulaires à la base, s’enroulent avec l’âge et<br />

peuvent atteindre des longueurs allant d’un à deux mètres.<br />

Sur les barres rocheuses qui séparent le vallon du Lauzanier de<br />

celui du Salso Moreno, il n’est pas rare d’observer des chamois,<br />

des bouquetins et une fois l’automne venu, des mouflons. À<br />

la balise 37, nous quittons le GR 5 pour nous engager sur un<br />

itinéraire non balisé pour aller vers l’Est. Tout en gardant toujours<br />

le cap, nous traversons le torrent de Salse Morène pour rejoindre<br />

les prairies du vallon de la Cabane.<br />

« Le vallon est également un secteur avec une activité pastorale. De<br />

mi-juin à mi-octobre, un berger garde un troupeau d’environ 3500<br />

moutons. Respectons donc, la tranquillité des ovins », indique Antony<br />

Turpaud. Une petite corniche nous mène au vallon de Gorgeon<br />

Long. Tout au long du chemin des sifflements retentissent,<br />

nous rappelant ainsi que nous marchons sur le territoire le<br />

plus peuplé en marmottes dans le Mercantour. Courses folles,<br />

joyeuses cabrioles sur les pelouses rocailleuses des alpages, ces<br />

petits rongeurs débonnaires et espiègles n’en finissent pas de<br />

nous duper. Après être remontés le vallon pour rejoindre le lac<br />

supérieur, nous suivons le cours du torrent qui mène au plateau<br />

du Morgon. « Ces lacs sont d’origine glaciaire et peu profonds. Il y a<br />

six lacs principaux et une dizaine de plus petits ressemblant à des<br />

mares ». C’est alors un chapelet de lacs situés à 2460 mètres<br />

d’altitude que nous découvrons et parcourons tout à notre aise.<br />

Impression d’immensité, le secret du Salso Moreno, c’est son<br />

souffle de liberté.<br />

Rien ne semble pouvoir déranger ses deux marmottes,<br />

pourtant d’ordinaire tellement curieuses et à l’affût du<br />

moindre intrus venu déranger leurs habitudes !


Vue imprenable sur le vallon de Salso Moreno ainsi que sur (de droite à gauche)<br />

le Castel de la Tour (2778 m), le Bonnet Carré (2770 m). Se détachant de<br />

l’azur, les pentes abruptes du col de la Bonnette, passage mythique, traversé par la<br />

route la plus haute d’Europe (2715 m), encore enneigé en cette fin de mois de juin.<br />

La tête de l’Enchastraye, culminant à 2954 mètres, reconnaissable par ces strates juxtaposées,<br />

signifie en provençal « enchastre », enclos des hauts pâturages dans lequel sont gardées les brebis.<br />

Aujourd’hui encore dans les vallons alentours, dans celui du Salso Moreno, du Lauzanier et, du côté<br />

italien, celui de Pouriac, paissent en période de transhumance de nombreux troupeaux d’ovins. Le<br />

sommet est accessible par le vallon du Salso Moreno.<br />

INFOS<br />

PRATIqUES<br />

Le chapelet de lacs Morgon effleurés par des névés.<br />

Rando, un peu, beaucoup,<br />

passionnément…<br />

Le Salso Moreno c’est un lieu de passage pour<br />

de nombreuses randonnées entre la France et<br />

l’Italie. Le GR 5, bien sûr. Mais également la Via<br />

Alpina, qui vient du col de Larche en passant<br />

par le pas de la Cavale et le col des Fourches<br />

pour rejoindre Bousiéyas.<br />

AUtRe idée RAndO :<br />

A partir du col des Fourches rejoindre le col<br />

de Pouriac, qui permet de rejoindre l’Italie,<br />

puis de remonter vers les lacs de Vens. En<br />

outre, en partant du col des Fourches, la Tête<br />

de l’Enchastraye est accessible par le col de<br />

Pouriac. Ce sommet significatif du Parc du<br />

Mercantour culmine à la limite des vallées<br />

de l’Ubaye, de celle, italienne, de la Stura<br />

et de la Haute Tinée. La cime, accessible à<br />

l’ascension, offre un panorama, l’un des plus<br />

impressionnant du massif du Mercantour, sur<br />

les massifs de l’Oisans, du Chambeyron et de<br />

l’Argentera.<br />

Un nom ouvert à<br />

l’interprétation<br />

Certains disent que Salso Moreno désignerait<br />

des moraines sales. D’autres affirment que ce<br />

seraient des troupes espagnoles ayant franchi<br />

le col de la Bonnette pour rejoindre la guerre<br />

de succession d’Autriche (1740 à 1747), qui<br />

auraient baptisé le vallon ainsi. Les dolines de<br />

marne noire se transformant en torrent de<br />

boues noires par temps d’orage leur auraient<br />

alors inspiré ce nom de sauce brune.<br />

* L’accès routier se fait par la route du col de la Bonnette avant de bifurquer au niveau du Pont haut<br />

à droite (RD.64) pour gagner Bousiéyas puis l’ancien camp militaire des Fourches.<br />

* Départ : camp des Fourches 2261m<br />

* Dénivelée : 550m<br />

* Durée AR : 5h<br />

* Carte : IGN TOP 25 3639 OT, haute-Tinée 1<br />

* Hébergement sur place : Gîte d'étape de Bousiéyas<br />

* Période conseillée : juin à octobre<br />

* Office du tourisme de Saint-Etienne-de-Tinée : 04 93 02 41 96<br />

Reportage au Salso Moreno : Jean-Charles Vinaj (photos). Miriam Berger (texte)<br />

37


Vallée du Haut-Verdon<br />

38<br />

Franck Rougeaud<br />

Dompteur de fer<br />

Parce qu’il maîtrise le feu et travaille le métal, le forgeron semble appartenir à un monde<br />

à part. On l’imagine rougir des lopins de métal, et leur inculquer de nouvelles formes en<br />

les tordant ou les frappant de lourds marteaux.<br />

Ce pouvoir sur la matière a longtemps inspiré crainte et admiration, d’autant que tous<br />

les corps de métiers dépendaient de son travail. Les mythes grecs ont mis en scène ce<br />

dompteur de métal dans l’antre de la terre, éloigné de la vue des simples mortels.<br />

Cette figure mythique plane toujours un peu autour de l’atelier du forgeron des temps<br />

modernes où enclume, forge et marteaux côtoient bien d’autres machines. Franck<br />

Rougeaud s’est installé à Puget-Théniers en 1994 comme « forgeron sculpteur ». Il crée<br />

des pièces uniques, qu’elles soient « utilitaire contemplatif » ou sculpture.<br />

Deux barres estampées<br />

reposent dans la forge<br />

qui maintient une<br />

température ambiante<br />

variant entre 1000 et<br />

1300°C. Ce petit bain<br />

de chaleur les rendra à<br />

nouveau malléables.<br />

« L’estampage déforme<br />

souvent les barres.<br />

J’utilise alors la presse<br />

à balancier pour les<br />

redresser à chaud ».<br />

Sous cette superbe<br />

machine en forme<br />

de fer à cheval,<br />

la barre de fer<br />

retrouve sa ligne.<br />

Il y a dans le<br />

forgeage un<br />

temps limité<br />

pour agir : en<br />

effet, le métal<br />

refroidit vite.<br />

D’où cette<br />

tension<br />

traverse le<br />

regard de<br />

Franck : il<br />

faut battre<br />

le fer tant<br />

qu’il est<br />

chaud !


Plusieurs cordes à son arc<br />

« Mon père était ébéniste et m’a transmis l’art de travailler le bois. Très jeune,<br />

j’aimais aussi travailler la pierre ». Après une tentative aux Beaux-Arts à<br />

Marseille, très vite, Franck souhaite rentrer dans la matière et explorer les<br />

possibilités techniques qui permettent de la modeler. Il se tourne vers<br />

la coutellerie avant de s’improviser souffleur de verre pour quelques<br />

années. Mais la fascination pour le métal ne le quitte pas : Franck continue<br />

à faire des couteaux. Or de bonnes lames sont des lames forgées, et non<br />

façonnées à la meule. Cet aventurier de la matière décide de passer son<br />

CAP de métallier en candidat libre. « Une fois mon CAP en poche, je suis<br />

parti travailler dans une ferronnerie (La Trinité), une des rares à détenir le<br />

label « Monument Historique ». Nous utilisions des techniques anciennes<br />

afin de restaurer des pièces d’époque, comme la tour de l’Horloge dans le<br />

Vieux-Nice ». Quatre ans plus tard, Franck ouvrait son propre atelier dans<br />

la vallée du Var.<br />

Sculpteur avant tout<br />

« Les trois matières qui comptent pour moi sont la pierre, le bois et le métal.<br />

Je les conjugue indéfiniment dans mes sculptures. J’aime mettre en avant<br />

la matière telle qu’elle a été façonnée naturellement », confie le sculpteur.<br />

Ainsi la technique s’efface pour mettre en valeur la vie de la matière. Pour<br />

Franck, le forgeage trouve sa finalité dans la sculpture.<br />

Pour forger escaliers, portails ou objets de décoration (utilitaire<br />

contemplatif), Franck dessine les pièces avant de les réaliser. Le forgeron<br />

chauffe la lame jusqu’à ce qu’elle prenne une couleur rouge orangé, signe<br />

qu’elle atteint un autre état et quitte sa froide rigidité. La barre métallique<br />

formatée s’apprête à se distinguer et à jouir de ce que l’on peut appeler<br />

une allure.<br />

« Avec un burin, je<br />

grave les nervures<br />

d’une feuille ». Une<br />

pièce toute en<br />

finesse qui requiert<br />

technique et<br />

précision.<br />

Main de fer ou de<br />

velours ? Sur un tas<br />

de dressage, une barre<br />

texturée que Franck<br />

redresse à l’aide d’un<br />

maillet en bois pour ne<br />

pas écraser le motif.<br />

« En poste assis,<br />

je travaille sur le<br />

pilon et réalise<br />

l’estampage qui<br />

donnera une<br />

texture au<br />

métal ».<br />

Reportage à Entrevaux : Jean-Charles Vinaj (photos). Caroline Audibert (texte)<br />

39

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