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Cahier de recherche N°12 - ESC Pau

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L’impasse à laquelle la doctrine matérialiste mène est celle <strong>de</strong> toutes les philosophies politiques avantMarx. L’homme intervient dans le réseau <strong>de</strong>s déterminations qu’il contribue à créer. Cela implique qu’ilse pose d’emblée en tant qu’être <strong>de</strong> société où converge et se fixe l’ensemble <strong>de</strong>s conditionnementssocio-historiques. Autrement dit, parce que l’homme appartient au plan d’immanence <strong>de</strong> la société, lechangement qu’il imprime à son environnement, au tissu <strong>de</strong>s relations dans lequel il évolue, se réalise<strong>de</strong> manière interne à la société. Et la pratique <strong>de</strong> cette mutation se résume à une action qui synthétisele rapport entre déterminisme limité et hasard contrôlé. Le caractère indissociable du milieu et <strong>de</strong> l’activitéhumaine évacue toute extériorité : le changement est auto-changement.Néanmoins, la doctrine matérialiste n’explique pas comment certains hommes peuvent se dégager dureste <strong>de</strong> l’humanité déterminée en s’arrogeant le droit <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s éducateurs. Quel est l’instrument<strong>de</strong> leur libération ? Comment et d’où tirent-ils leur légitimité à dicter aux autres hommes ce qu’ils doiventfaire ?Le concept d’homme, tel que Marx le développe, inclut simultanément les dimensions <strong>de</strong> nature et culture,présent et histoire, objet et sujet, pensée et pratique, individu et société 18 . Dans ce <strong>de</strong>rnier cas, onpourrait d’ailleurs aller plus loin en soulignant l’équation entre subjectivité et socialité. Comme individu,l’homme marxien est une conséquence partiellement déterminée <strong>de</strong> son histoire et <strong>de</strong> ses rapportssociaux. Il subit un conditionnement probable qui n’élimine pas la sphère semi-aléatoire <strong>de</strong>s décisionsindividuelles. Pour comprendre l’homme, Marx part <strong>de</strong> la société et non l’inverse afin <strong>de</strong> porter à lalumière l’immédiateté <strong>de</strong> son immersion sociale.Aussi, Marx récuse la conception classique <strong>de</strong> la doctrine matérialiste et <strong>de</strong> sa conception <strong>de</strong> l’éducation: il lui préfère la conception <strong>de</strong> praxis révolutionnaire qu’il laisse ici inexpliquée 19 . Pour autant, l’unité<strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> la nature qui semble s’affirmer via la praxis n’a cependant rien à voir avec cellequi trouvait en 1844 son expression dans la subsumption <strong>de</strong> l’humanisme dans son Naturalisme dialectique,malgré ce que Marx pouvait en dire puisqu’il i<strong>de</strong>ntifiait les <strong>de</strong>ux. Ce n’est plus d’une unité, àvrai dire, qu’il s’agit ; mais la praxis en constituant l’être <strong>de</strong> ce qui se trouve représenté comme natureconstitue l’essence <strong>de</strong> cette apparence et son fond caché. La fausse i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong> laNature, la vraie <strong>de</strong>scendance <strong>de</strong> l’homme par la Nature, se traduit, en 1844, par une essence naturellecomprise comme objectivation. En 1845, il s’agit d’une i<strong>de</strong>ntité ontologique structurelle <strong>de</strong> la praxiset <strong>de</strong> la théorie. I<strong>de</strong>ntité qui rejette toute aliénation, notamment religieuse.2.2 La critique feuerbachienne <strong>de</strong> la religionDans la quatrième thèse sur Feuerbach, nous passons <strong>de</strong> la critique <strong>de</strong> la « doctrine matérialiste duchangement <strong>de</strong>s circonstances et <strong>de</strong> l’éducation » à la critique <strong>de</strong> la doctrine matérialiste <strong>de</strong> la religion.Marx abor<strong>de</strong>, ici, par <strong>de</strong>ux biais successifs le problème du dédoublement du mon<strong>de</strong>. D’abord il prendacte du renversement que Feuerbach impose à l’ordre <strong>de</strong>s préséances, ensuite il se penche sur lemoment producteur <strong>de</strong> l’aliénation.(18) G. Labica, Marx. Les TsF, P.U.F., Coll. « Philosophies », Paris, 1987, p.58.(19) Pour autant que la « praxis révolutionnaire » reste inexpliquée, nous ne souscrivons pas à la définition qu’en donne M. Henry lorsqu’il ditqu’elle est « pour l’essentiel, une activité théorique et la part d’activité réelle qu’elle implique n’est qu’une conséquence qui <strong>de</strong>meure le plus souventcirconscrite dans sa matérialité à <strong>de</strong>s actions limitées pour ne pas dire dérisoires (vente <strong>de</strong> journaux, distribution <strong>de</strong> tracts, assistance à <strong>de</strong>sréunions, etc.). » (M. Henry, Marx, tome I : Une philosophie <strong>de</strong> la réalité, Gallimard, Paris, 1976, réed. 1991, p.356). Les Thèses laissent <strong>de</strong>vinerbien plus qu’une simple activité théorique. En ce qui concerne le reste <strong>de</strong> l’œuvre marxienne postérieure aux Thèses, la praxis révolutionnaire disparaîtraau profit <strong>de</strong> concepts plus « pratiques », plus explicites. Cf. Infra.CAHIER<strong>de</strong>RECHERCHE N°1249

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