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portrait
A sept ans, Jacques Schwindenhammer
prend le volant
pour la première fois.
A huit, il invente la conduite
accompagnée. Pascal Herrscher
Proust avait sa madeleine. L’édifice du
souvenir de Jacques Schwindenhammer,
lui, repose sur le ronronnement
des belles cylindrées de son père et les
effluves d’essence.Héritier d’une longue
lignée d’industriels papetiers de
Turckheim, il a toujours vécu pied au
plancher !
Le quadricycle
de mon grand-père
« Le pionnier de la famille,ça a été mon
grand-père. Dès 1898, il a fait l’acquisition
d’un quadricycle Dion avec lequel
il a d’ailleurs précipité ma grand-mère
dans la Fecht. Tout aurait pu s’arrêter
là. Mais fort heureusement,alors qu’ils
n’étaient pas encore mariés, elle a accepté
de l’épouser quand même ! A sept
ans, mon père m’a donné ma première
leçon de conduite sur la côte du Brand.
L’année d’après,seul au volant,j’emmenais
mes parents aux Trois Epis. Un
astucieux système de cales me permettait
d’atteindre les pédales. En 1949,au
moment de passer mon permis de
conduire,j’avais plus de 20 000 kilomètres
au compteur. Mon père a toujours
voulu faire de moi un conducteur compétent
et responsable. Il a été un
formidable maître, d’une extrême
exigence,m’obligeant à bien placer mon
véhicule dans les virages, à effectuer
des trajectoires propres sans coup de
frein inutile. Sa seule crainte était que
je prenne trop goût à la vitesse.Il n’avait
pas tort ».
En 2 CV au Cap Nord
Permis de conduire en poche, Jacques
Schwindenhammer part au cercle
polaire en compagnie d’un copain à
bord d’une 5 CV Citroën. Le métier de
l’industrie papetière prépare fort
heureusement à affronter les pires
situations en terme d’incidents mécaniques.
Car rapidement, les deux compères
forgent un adage qui jusqu’au
retour s’avérera être juste. « Une panne
par jour, un jour de panne ».
L’expérience est concluante pourtant
et Jacques n’a qu’une seule envie :
repartir. L’occasion lui en sera rapidement
donnée. En cette année 1951,
Citroën lance sa fameuse 2 CV. « J’avais
envie de frapper un grand coup ». Objectif
: cap nord. Le voyage sera financé
par la présentation
du véhicule au réseau
d’agents de la
marque du nord de
l’Europe. « Sur les
milliers de kilomètres
de piste tôlée
la voiture se comporte
à merveille.
Partout où nous
passons,journaux,
magazines, nous
consacrent de pleines pages. Citroën
pouvait se frotter les mains, nous leur
faisions une pub formidable. Le succès
de notre raid a été tel qu’au retour il
restait un peu d’argent dans la cagnotte.
Suffisamment pour nous permettre de
prendre le bateau et de faire un petit
détour par l’Ecosse puis de finir le voyage
à Montmartre ! »
« Enfin, je pouvais prendre
les virages à gauche »
Depuis l’acquisition du premier quadricycle
par le grand-père de Jacques, la
famille Schwindenhammer avait pris
pour habitude d’essayer ses nouveaux
modèles dans la montée entre Turckheim
et les Trois-Epis.Une côte de 6 km,
« l’un des plus beaux profils de France».
Un jour après avoir évité de justesse
une calèche qui ramenait des curistes
des Trois Epis à Colmar,Jacques Schwindenhammer
s’en alla solliciter du
Préfet et de la gendarmerie la fermeture
temporaire de la route les dimanches
matins. Demande acceptée.
« C’était une autre époque ! »
“ En 10 ans de
compétition, je
n’ai plié qu’une
seule voiture.”
De ce rendez-vous amical de quelques
amateurs de vitesse naîtra deux années
plus tard, en 1956, l’une des plus belles
courses de côte de l’hexagone.Cette année
là,Jacques y participe avec deux véhicules,gagne
dans les deux catégories
et remporte le classement scratch. Suivront
dix années de compétition au plus
haut niveau, « sans la moindre égratignure,et
avec une seule voiture de pliée».
Une Jaguar, certes ! Impossible pour
Jacques de décrocher entièrement toutefois.
Il a la compétition chevillée au
corps.
La voile et la moto
viendront remplacer
les épreuves
chronométrées.
« A quoi reconnaître
qu’on est arrivé
si l’on ne s’arrête jamais
? » demande
la sage Edwige à
l’homme pressé,le
héros éponyme du
roman de Paul Morand. Peut être au
constat d’avoir été dépassé par sa propre
époque. Cruel paradoxe en effet
pour cet amoureux de la vitesse qui a
toujours distancé ceux qui l’accompagnaient,
que de constater que tout va
trop vite aujourd’hui. « C’est effrayant,
tous ces jeunes qui meurent sur la route.
Ils sont tellement inexpérimentés à
bord de leurs grosses cylindrées.Au lieu
de faire la chasse aux automobilistes,
on devrait davantage être à l’affût de
leurs connaissances ». Mais n’est-il pas
révolu aussi, le temps où l’on écoutait
les hommes à la longue chevelure
blanche ?
Rendez-vous
Les 2 et 3 septembre 2006,
la course de côte du 50 e anniversaire
à Turckheim
Pour tous renseignements
Association Sportive de l’Automobile
Club d’Alsace et du Rhin
Tél. 03 88 25 63 50
Site internet : www.asacar.org
Jacques Schwindenhammer dans sa propriété à Porto-Vecchio
Photo: Eric diMarcantonio
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