STATÍSTICAS NAS MÉRICAS - Biblioteca - IBGE

L’histoire de la statistique canadienne dans une
perspective internationale et panaméricaine
et non politiques, du moins non partisans. C’est parce que la centralisation permet
la concentration de l’expertise dans un contexte où elle rare, qu’elle conduit à la
mise sur pied d’un langage commun à tous les producteurs de données statistiques,
qu’elle autorise un regard synthétique sur le monde et donc qu’elle permet de
prendre plus aisément des décisions, qu’elle est préférable à la décentralisation,
synonyme d’anarchie statistique 3 . Mais il n’est pas difficile de déceler derrière ces
arguments, d’autant plus convaincants qu’ils circulent alors abondamment en
Occident, des référents politiques, voire partisans. Au Canada, les statisticiens ont
particulièrement soigné cette relative euphémisation du politique, non pas pour
cacher des raisons ultimes qui seraient inavouables, mais parce que la statistique
officielle est toujours, comme le dieu Janus, une créature biface : liée à la science
comme au gouvernement des hommes. Pour des fonctionnaires détenteurs d’un
savoir à teneur scientifique, présenter les choses sous un angle plus technique
que politique est, en quelque sorte, un réflexe naturel, une sorte d’habitus.
Au Canada, le recours à la thématique de la technicité, de la scientificité, de la
rationalité, du bon sens administratif (selon les époques) a été fonctionnel du fait
des fortes tendances centrifuges qui caractérisent le pays. Il a été le gage d’un
certain apolitisme du bureau et de ses hommes. Il a mis le bureau à l’abri de
controverses trop nombreuses 4 . Mais il a permis aussi que s’exporte l’expérience
canadienne puisqu’elle était, en quelque sorte, libre d’a priori politiques. On en
trouvera de nombreux exemples tout au long de l’histoire du BFS et de Statistique
Canada. Déjà, dans les années 1930, un statisticien canadien important, Sedley
A. Cudmore, faisait un long séjour en Palestine afin d’y mettre sur pied le bureau
statistique 5 . Mais c’est surtout à l’époque actuelle, caractérisée par un mouvement
d’internationalisation, que les commis-voyageurs canadiens de la statistique
seront particulièrement actifs. Mentionnons seulement, à ce stade, la mission de
consultation dirigée par Jacob Ryten au Brésil à l’invitation du président de l’Instituto
Brasileiro de Geografia e Estatística (IBGE) d’alors, Simon Schwartzman 6 .
Il est donc nécessaire, c’est la deuxième thèse que nous formulons, de
replacer toute production statistique dans le cadre de ce que nous appelons un
régime statistique, c’est-à-dire le complexe formé, à une époque donnée, par les
structures, les normes et les pratiques statistiques. Chaque régime se caractérise
par un paradigme, c’est-à-dire une façon (statistique) de poser des questions au
monde. Par exemple, le régime statistique actuel, qui, en gros, s’impose à compter
des années 1980, est caractérisé, entre autres, par l’importance de l’impératif
3 Voir à ce sujet Beaud et Prévost, 1993.
4 Bien sûr, on pourrait aussi écrire une histoire tout axée sur les ratés de la communication statistique
canadienne. Mais une comparaison internationale montrerait sans doute que, toutes proportions gardées,
Statistique Canada et le BFS ont été moins que d’autres bureaux nationaux l’objet de critiques
répétées.
5 Voir à ce sujet Worton, 1998, p. 174-6.
6 Senra, 2009, p. 444-449. Cette mission fut, selon Senra, une réussite totale. La demande de coopération
interinstitutionnelle avait été reçue avec enthousiasme par Ivan Fellegi, à l’époque déjà une
référence internationale, selon les mots de Senra. Après son départ de Statistique Canada, Ryten fit
diverses consultations pour l’IBGE.