STATÍSTICAS NAS MÉRICAS - Biblioteca - IBGE

L’histoire de la statistique canadienne dans une
perspective internationale et panaméricaine
l’année 1920 27 . C’est aussi durant cette période que se tient le premier recensement
national vraiment « moderne », c’est-à-dire celui qui respecte les règles actuelles.
C’est bien sûr un truisme : les règles qui alors s’édifient, ou du moins forment alors
système, n’ont pu avoir de résonance qu’à l’époque ou après 28 . De fait, pour Otero,
le recensement argentin de 1869 est le premier authentiquement moderne, parce
qu’il est produit par un organisme spécifiquement chargé de l’exercice, parce que
des questions identiques sont posées à tous les habitants du pays (ce qui implique
et en même temps « certifie », « authentifie » l’unification du pays), et surtout
parce qu’il est exempt de considérations extra-statistiques (fiscales, militaires,
religieuses) 29 . Au Chili, on retiendra la date de 1865 et au Canada, celle de 1871 30 .
De la Peña, s’appuyant certes sur des critères plus larges et plus politiques, propose,
quant à lui, la date de 1877 pour le Mexique 31 . Mais le trait le plus remarquable du
régime, c’est la puissance, la constance de l’investissement dans la construction
du territoire national. Durant toute la période, et c’est évidemment surtout vrai
pour les pays neufs (quoique, d’une certaine façon, ce soit aussi le cas des vieux
pays), la statistique, qui prend alors les habits d’une véritable science de l’État,
va contribuer d’une part à faire exister le pays comme territoire complètement
(ou presque) cerné, cartographié, mesuré, d’autre part à imposer l’ensemble
national ou étatique comme base de comparaison, comme norme, comme pivot.
Les régions, les territoires locaux seront de plus en plus appréhendés comme des
sous-parties de l’ensemble national alors que dans le régime précédent c’était
plutôt l’inverse, le territoire national apparaissant comme la somme des territoires,
contrôlés ou non, connus ou non. Par exemple, en Argentine, la conquête du
territoire n’est complétée qu’en 1884, et au Mexique la carte de l’ensemble du
pays n’est réalisée qu’en 1851. On sait par ailleurs que beaucoup plus tôt, certes,
la statistique française des préfets avait échoué du fait, entre autres, des difficultés
d’arrimage entre les territoires locaux et le territoire national 32 .
En résumé, pour le Canada, ce régime peut être défini comme celui de
la nationalisation des statistiques. En 1918, avec l’établissement d’un bureau
statistique central, tout est en place pour donner la pleine mesure à un pays qui
en 1867 s’était défini sur une base fédérative (malgré le terme utilisé alors de
« confédération »). Robert Hamilton Coats, fondateur du Bureau fédéral de la
statistique dont il sera le premier statisticien en chef, résume avec force les traits
majeurs de ce régime. Dans un texte de 1916, il déclare : « Thus the final concept
27 INE, 1999, p. 20.
28 Même s’il est vrai, comme le font les Canadiens, que l’on peut trouver des recensements presque
modernes bien plus tôt. À ce sujet, le discours sur le recensement de la Nouvelle-France, réalisé en
1666-67 par l’Intendant Jean Talon, est particulièrement intéressant. Pour Robert Hamilton Coats, « It
is usual to start off the history of Canadian statistics with a bang. The honour of taking the first census
of modern times belongs to Canada! », Coats, 1946.
29 Otero, 2006, p. 186.
30 Voir à ce sujet Curtis, 2001, p. 304.
31 De la Peña, 1994, p. 88.
32 Bourguet, 1988.