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Louis Jouvet ou l’amour du théâtre sur le théâtre (cf. Ressources documentaires). On ne pourra que conseiller également la lecture d’Ondine de Jean Giraudoux, pièce considérée comme l’une des œuvres supérieures du poète par le philosophe Gabriel Marcel ainsi que l’excellente notice sur le texte et sa création par Jouvet, établie par Colette Weill avec la collaboration de Marthe Herlin-Besson : Théâtre complet de Jean Giraudoux, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade ». Le métier de comédien et de directeur d’acteur On s’appuiera sur les citations de Louis Jouvet et les témoignages des comédiens présents dans l’émission et on incitera, en prolongement, à lire les écrits de Jouvet, notamment le recueil Le Comédien désincarné mais aussi Molière et la comédie classique ainsi que Le Paradoxe sur le comédien de Denis Diderot. « En sympathisant avec ce personnage qui est devant lui dont il éprouve à l’unisson les sentiments et les sensations, il se dépossède lentement de lui-même. Ainsi, c’est en perdant conscience et la maîtrise de lui-même qu’il a le sentiment d’exister. » « Est-ce que je n’existe que lorsque je suis cet autre qui n’est pas moi et 16 de combien d’heure par jour est faite ce sommeil ou cette absence. Quelle est la part de ma vie qui est vraie et réelle et la part où je rêve. Le théâtre serait-il comme le rêve ou comme l’espérance, le sommeil de ceux qui sont éveillés. » Louis Jouvet a toujours eu le sentiment que le métier de comédien était réfractaire à l’analyse ; néanmoins il passera toute sa vie à poursuivre une quête acharnée sur ce métier très étonnant. Possession-dépossession de soi, dédoublement-disponiblité Diderot avait déjà pointé l’inévitable et paradoxal dédoublement propre au métier du comédien : « S’il est lui quand il joue, comment cessera-t-il d’être lui ? S’il veut cesser d’être lui, comment saisira-t-il le point juste qu’il faut qu’il se place et s’arrête ? » Mais Jouvet se méfie de toute systématisation, à la notion de dédoublement il préfère celle de disponibilité du comédien, de la personnalité du comédien à l’intérieur du jeu, dans l’exécution d’un rôle. Il faut évidemment avoir un goût pour la métamorphose, ne plus avoir une vie mais des vies multiples, se composer chaque jour une individualité nouvelle, satisfaire un besoin permanent d’évasion et d’incarnation. De ce point de vue Jouvet avait établi une distinction profession
nelle entre acteur et comédien : « L’acteur ne peut jouer que certains rôles ; il déforme les autres selon sa personnalité. Le comédien lui, peut jouer tous les rôles. L’acteur habite un personnage, le comédien est habité par lui. » Réflexions du comédien, 1938. Il s’agit donc pour le comédien de se désincarner de soimême pour approcher par travail et discipline, imagination vive et sensibilité, une présentation du personnage et témoigner pour lui auprès du public. Dans son Propos sur le comédien, Témoignages sur le théâtre,Jouvet avait pointé trois phases par lesquelles passe le comédien : – La phase de la vocation, de la sincérité ;l’illusion d’être autre qui trouble sa personnalité et son existence. – La phase du désillusionnement : lorsque le comédien commence à se rendre compte que la possession du personnage est illusoire, il découvre alors la simulation, la convention théâtrale et les contraintes, ce que Diderot reconnaissait déjà : les personnages sont « des fantômes imaginaires de la poésie : ce sont des spectres de la façon particulière de tel ou tel poète… ils y sont de convention ». La vérité du théâtre n’est pas une vérité réelle, le spectateur et l’acteur le savent tous les deux. Louis Jouvet ou l’amour du théâtre – La phase intuitive rarement atteinte, celle où la sensibilité du comédien s’égale au sentiment : « Blotti, logé dans l’œuvre, l’acteur vit au sein de cette œuvre une histoire qui s’accomplit avec lui. Il comprend que la création du poète dramatique est un état intérieur, une sympathie révélatrice… ceci ne peut s’accomplir par la pensée, mais seulement par un état sensible, une pratique secrète du texte par quoi le personnage est délivré… Jusqu’ici l’acteur avait voulu jouer pour être autre ou plus que lui-même. Il joue maintenant pour être mieux. » Propos sur le comédien. Ces considérations sont à l’œuvre dans les cours que Jouvet a donnés au Conservatoire national d’art dramatique de novembre 1939 à décembre 1940, et consignés notamment dans les deux ouvrages cités ci-dessus. On invitera les élèves à poursuivre la thématique du personnage et à l’aborder à partir des conseils et indications que Louis Jouvet proposait dans ses cours. Le personnage de théâtre « On ne sera jamais Alceste – Alceste est un personnage qui existe avant nous, et qui existera après nous. » « Le personnage classique est quelqu’un qui existe beaucoup plus que nous. » 17
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