Ольга ШАХОВСКАЯ-РОХ - Association franco-russe Perspectives ...
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Perspective №10(73) décembre 2010<br />
р. 7<br />
Ainsi 5 ans se sont écoulés. Pendant tout<br />
ce temps je me sentais exclue, puisque je<br />
n’avais pas de passeport. Je suis même<br />
allée une fois à l’ambassade de l’URSS,<br />
pour rétablir les papiers, mais on m’a droguée<br />
avec des somnifères dans le thé en<br />
voulant me rapatrier. Heureusement je<br />
n’étais pas seule mais accompagnée par les<br />
gens qui m’ont accueillie. Ils ont dit que je<br />
me sentais mal et ils m’ont raccompagnée<br />
dehors, pour « prendre l’air ». Personne n’a<br />
objecté et je me suis retrouvée libre.<br />
Plus tard, j’ai quitté le magasin, et pour<br />
gagner ma vie j'ai travaillé comme mannequin,<br />
tourné dans des spots publicitaires.<br />
Tout cela m’aidait à financer mes études.<br />
Après l’université, j’ai soutenu ma thèse de<br />
doctorat de la critique littéraire, sur le thème :<br />
« L’Histoire de la dissidence ». J’étais déjà<br />
mariée à cette époque. J’ai un fils et deux<br />
filles, mon mari est un homme d’affaires. Il<br />
travaille beaucoup avec les Russes.<br />
J’ai créé ma première collection au<br />
début des années 90, dans un magasin<br />
suisse Peter Hahn. Les modèles étaient<br />
exclusifs, avec des éléments en tricot. A<br />
noter que cette année, Chanel a présenté<br />
en France, à Saint-Tropez, une collection<br />
qui lui ressemblait.<br />
J’ai toujours été bosseuse et je m’applique<br />
à tout mener jusqu’au bout. C’est ainsi que<br />
je suis entrée dans le monde de la mode.<br />
- Comment vous êtes-vous retrouvée à<br />
Monaco ?<br />
- Après mon mariage, j’ai vécu un certain<br />
temps en Israël. Mais la situation y était très<br />
instable. Aussi, avons-nous décidé avec<br />
mon mari, pour des raisons de sécurité, de<br />
déménager dans un pays avec un bon climat<br />
et d'élever les enfants à côté de la mer.<br />
A 30 ans, j’étais quelqu’un de très heureux,<br />
qui s’est octroyé une pause. Je pouvais vaquer<br />
à mes occupations, m’occuper de ma<br />
famille mais… un an plus tard j’ai commencé<br />
à m’étouffer d’ennui. C’est alors que<br />
m'est venue la question : que vais-je faire<br />
dans le futur.<br />
Mes amies venaient souvent me voir à<br />
Monaco, je les accompagnais dans les boutiques,<br />
leur suggérais ce qui pourrait leur<br />
convenir, les aidais à trouver leur style. Mon<br />
mari a dit que c’était ma vocation et que je<br />
devais travailler dans cette direction.<br />
- Olga, vos origines, ont-elles une influence<br />
sur vos créations et sur votre vie<br />
en général ?<br />
- Certainement. A priori, je me sens <strong>russe</strong>.<br />
Mes normes et mes points de vue, ainsi que<br />
ma créativité viennent de mon enfance. Le<br />
<strong>russe</strong> est la langue essentielle de mes enfants.<br />
Les souvenirs concernant ma grandmère<br />
m’aident beaucoup dans la création<br />
de mes collections. Elle ne perdait pas son<br />
côté féminin, même dans les années les<br />
plus dures. Elle était toujours vêtue modestement,<br />
mais avec élégance. Sous ses<br />
vêtements noirs, elle portait un corset qui<br />
rendait sa ligne belle et raffinée. Dans notre<br />
famille, le sens de l’esthétisme et de l’harmonie<br />
se transmet de génération en génération.<br />
Je tâche de transférer ces qualités<br />
dans mes modèles.<br />
- Allez-vous souvent en visite dans votre<br />
NOUS AUTRES<br />
Olga CHAKHOVSKAYA-ROH :<br />
« Mon sens de la beauté, je le tiens de la famille »<br />
PHOTO NATALIA MEDVEDEVA<br />
PHOTO DR<br />
11<br />
pays d’origine et que pensez-vous de la<br />
Russie d’aujourd’hui ?<br />
- Je vais à Moscou au moins une fois par<br />
an. Je me rends obligatoirement au cimetière<br />
où repose mon père. Chaque fois, je lui<br />
dis merci et j’essaie de faire en sorte que<br />
mes enfants en gardent une mémoire vivante.<br />
Je vis souvent dans la petite ville de<br />
Malakhovka, mais pas à Moscou. Il y a un<br />
théâtre d’été où il s’est produit. C’est à cet<br />
endroit que je me sens proche de ma terre<br />
natale. Des champs, un bois de conifère, le<br />
silence… On entend le passage d’un train<br />
électrique au loin. Ce n’est pas de la nostalgie,<br />
c’est la mémoire de mon enfance. Ma<br />
vie a pris une telle tournure que je me suis<br />
retrouvée loin de ma patrie, mais le lien avec<br />
celle-ci s'est conservé et j’espère qu’il ne se<br />
rompra jamais. Ce sentiment d’implication<br />
avec la Russie s'est également transféré à<br />
mes enfants. Il ne faut pas être à l'intérieur<br />
du pays pour savoir que l'on est <strong>russe</strong>. Je<br />
voudrais que l’on m’enterre à côté de mon<br />
père que j’aimais beaucoup, à côté de mes<br />
aïeuls qui ont fait tant pour la prospérité de<br />
la Russie. Je crois en mon pays et je peux<br />
m'y identifier, car mes racines sont là-bas.<br />
En ce moment, j’ai un projet important de<br />
soutien des établissements d’enfants en<br />
Russie. Je recherche des gens intéressés.<br />
Je voudrais participer à d’autres projets. J’ai<br />
la possibilité de payer mes dettes à mon<br />
pays, pour tout ce qu’il a fait pour moi. Toutefois,<br />
dans la Russie d’aujourd’hui il existe<br />
des phénomènes que je n’accepte pas : la<br />
corruption, des lois qui ne fonctionnent pas.<br />
р. 12<br />
PHOTO DR