Ольга ШАХОВСКАЯ-РОХ - Association franco-russe Perspectives ...
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Perspective №10(73) décembre 2010<br />
NOUS AUTRES<br />
Olga CHAKHOVSKAYA-ROH :<br />
« Mon sens de la beauté, je le tiens de la famille »<br />
Olga Shakhovskaya-Roh est issue d’une famille noble <strong>russe</strong> ancrée dans ses traditions,<br />
fondatrice de la maison de prêt-à-porter européenne ROHMIR, dont on peut<br />
trouver les modèles dans les boutiques de Monaco, Monte-Carlo, Zurich et Londres.<br />
En octobre dernier, la collection ROHMIR a été présentée à Paris, lors de la<br />
Semaine de la haute couture, où a eu lieu notre rencontre. Olga Shakhovskaya-Roh<br />
est une personne de talent, ambitieuse, qui réussit à concilier avec succès carrière<br />
professionnelle et valeurs de la famille. Aujourd’hui, elle raconte à Perspective quel<br />
a été son parcours dans le monde de la haute couture, quels sont les secrets de son<br />
succès, et ce qu’elle pense de la Russie d’aujourd’hui.<br />
- Olga, vous portez un nom célèbre,<br />
connu de tous ceux qui ont au moins des<br />
notions de l’histoire de la Russie.<br />
- Je suis née à Moscou, dans une maison<br />
appartenant à la famille des Shakhovski de<br />
Iaroslavl. J’appartiens effectivement à des<br />
familles connues : la 8e génération des<br />
Chtcherbatov (dont est issu le général Ivan<br />
Koupréïanov, gouverneur d’Aliaska), des<br />
Nevelski ; je suis Shakhovskaya du côté de<br />
mon arrière-grand-mère. Ce sont plutôt des<br />
faits historiques que je n’aime pas mettre en<br />
avant.<br />
J’ai passé mon enfance dans une immense<br />
salle de danse où nous vivions. Il y<br />
avait des plafonds très élevés, à près de 6<br />
mètres de hauteur. Aux fenêtres, je me rappelle,<br />
il y avait de rideaux anciens dont je<br />
confectionnais plus tard des robes pour<br />
mes poupées. Je coupais des morceaux de<br />
tissu, ni vue ni connue, et je cousais de<br />
belles tenues.<br />
L'école secondaire terminée, je suis entrée<br />
à l’Institut des langues étrangères Maurice<br />
Thorez de Moscou. J’estime que j’ai eu<br />
de la chance puisque je suis, comme l’on<br />
disait avant, « des anciens ». Les langues<br />
me réussissaient bien, car dans ma famille<br />
l’admiration régnait pour les langues allemande<br />
et française, j’ai l’habitude de les<br />
parler depuis mon jeune âge. La meilleure<br />
amie de ma grand-mère, Charlotte, m’a non<br />
seulement apprise à parler allemand mais<br />
aussi à aimer cette langue.<br />
Comme tout le monde, j’avais beaucoup<br />
de projets dans ma jeunesse, mais tout n’est<br />
pas s’est passé comme c’était supposé.<br />
- Qu’est-ce qui vous a amenée donc dans<br />
le monde de la haute couture ?<br />
- Cela s’est passé par hasard. En 1989, via<br />
un programme d’échange, je me suis retrouvée,<br />
étudiante, en République démocratique<br />
allemande où j’ai travaillé comme<br />
interprète. Et malgré le mur de Berlin qui<br />
était encore en place, l’accès sur le territoire<br />
de la République fédérale d'Allemagne était<br />
déjà ouvert. Le responsable de notre<br />
groupe, qui était du KGB, nous prévenait de<br />
ne pas y aller pour éviter des ennuis. Cependant,<br />
presque tout le monde y accédait<br />
en cachette, et j’ai décidé d’essayer de le<br />
faire aussi. Tout m’a littéralement stupéfiée.<br />
Je me sentais comme Alice au pays des<br />
merveilles. Dans les rues propres, j’ai vu<br />
pour la première fois des vitrines brillantes<br />
exposant des fruits, des cosmétiques, des<br />
vêtements jamais vus en Union Soviétique.<br />
Nous ne voyions cela que dans des films ou<br />
des magazines étrangers qui se sont retrouvés<br />
par hasard de l’autre côté du rideau<br />
de fer. J’ai été surtout interloquée par les<br />
« pommes de terre velues », c’est comme<br />
ça que j’appelais les kiwis. Après mon retour<br />
du pays de rêves, j’ai fait part de mes<br />
impressions à mes copines. A Leipzig, le<br />
responsable des étudiants m’a convoquée<br />
et m’a annoncé que je serais exclue de l’Institut,<br />
et que ma carrière était foutue.<br />
PHOTO NATALIA MEDVEDEVA<br />
7<br />
Après cette conversation, j’avais très peur<br />
de rentrer à la maison et je me suis décidée<br />
à fuir. J’ai pris deux cartons de livres, me<br />
suis cachée dans le coffre de la voiture des<br />
Suisses, dont j’ai fait la connaissance à Berlin<br />
Ouest, et je me suis retrouvée à Berne.<br />
Ils m’ont accueillie comme quelqu’un de la<br />
famille. Les premiers six mois, j'ai vécu chez<br />
eux sans papiers. La connaissance des<br />
langues étrangères m’a dépannée de nou-<br />
PHOTO NATALIA MEDVEDEVA<br />
veau. Mes relations m’on aidée à avoir un<br />
poste de vendeuse dans un magasin de<br />
luxe où je vendais des chaussures et des<br />
vêtements. C’est là que j’ai appris à comprendre<br />
le style et la qualité. J’ai appris à<br />
connaître les vêtements, à sentir quels accessoires<br />
et quelles chaussures vont le<br />
mieux pour telle ou telle tenue.<br />
Mais cela ne pouvait pas continuer longtemps,<br />
et je suis allée voir le recteur de<br />
l’Université de Berne. Après la conversation<br />
de deux heures, il a écrit une lettre au ministère<br />
des affaires étrangères de Suisse.<br />
Bientôt, l’autorisation pour passer les examens<br />
d’entrée m’est parvenue. Mes parents,<br />
qui avaient tout compris et accepté,<br />
m’ont envoyé des manuels, et je travaillais<br />
jours et nuits. Ainsi, à 19 ans, je suis entrée<br />
à l’Université de Berne, à la faculté de pédagogie<br />
et de psychologie. J’ai pris également<br />
des cours supplémentaires, tels que<br />
les études germaniques, la critique littéraire,<br />
l’histoire et la culture de la mode.<br />
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