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AUTOMOBILE LA RÉVOLUTION TRANQUILLE - Total.com

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AvAnceR • coMpRendRe • pARtAgeR • AnAlyseR • découvRiR • cRéeR<br />

N°16<br />

Automobile<br />

lA révolutioN<br />

trANquille<br />

Marchés, réglementations, motorisations,<br />

mentalités : au-delà de la crise actuelle, l’accès<br />

à une mobilité durable passera par des<br />

transformations lentes et profondes. Regards<br />

croisés sur les voies qui se dessinent.


sommaire contributeurs<br />

Éditorial<br />

P• 4 à 7 instantanés<br />

<strong>Total</strong> en quelques faits<br />

Le monde en quelques chiffres<br />

P• 8 à 9 avancer<br />

La vie de recherche<br />

P• 10 à 33 <strong>com</strong>prendre<br />

la rÉvolution tranquille<br />

de l’automobile<br />

P• 12 à 16 Un marché chéri<br />

P• 17 à 18 Des constructeurs et des normes<br />

P• 19 à 23 Le bel avenir du moteur thermique<br />

P• 24 à 27 De l’hybride au tout électrique<br />

P• 28 à 29 La F1, moteur d’idées<br />

P• 30 à 33 Panne d’image ?<br />

P• 34 à 39 partager<br />

L’œil de <strong>Total</strong><br />

P• 40 à 43 analyser<br />

sanctions contre engagement : partir ou rester ?<br />

P• 44 à 49 découvrir<br />

il était une foi…<br />

P• 50 à 54 créer<br />

Au <strong>com</strong>mencement était l’énergie<br />

1 - michel bénézit, directeur général<br />

Raffinage & Marketing, <strong>Total</strong>. P. 03.<br />

2 - Yuan tao, directeur chez Chery<br />

Automobile. P. 12 à 15.<br />

3 - Jacques radé, associé du cabinet<br />

de consultants Roland Berger. P. 14.<br />

4 - dilip chenoy, directeur général<br />

de SIAM (Society of Indian Automobile<br />

Manufacturers). P. 16.<br />

5 - ivan Hodac, secrétaire général<br />

de l’ACEA (Association des constructeurs<br />

européens d’automobiles). P. 17 et 18.<br />

6 - alan reid, responsable Études<br />

Marchés au sein de la branche Raffinage<br />

& Marketing de <strong>Total</strong>. P. 18.<br />

7 - Peter langen, directeur du<br />

département Motorisations chez BMW.<br />

P. 19 à 23.<br />

8 - michel Forissier, directeur<br />

du Développement chez Valeo.<br />

P. 19 à 23 et P. 24 à 27.<br />

9 - Joseph beretta, en charge des<br />

relations institutionnelles du groupe PSA<br />

dans les domaines de l’énergie, des<br />

nouvelles technologies et des émissions.<br />

P. 19 à 23.<br />

10- robert Poncelet, responsable de la<br />

Business Unit Polypropylène Automobile<br />

chez <strong>Total</strong> Petrochemicals. P. 21.<br />

11 - Harald ahnert, responsable Grands<br />

<strong>com</strong>ptes et Équipementiers automobiles<br />

chez Atotech, une filiale de l’activité Chimie<br />

de <strong>Total</strong>. P. 21.<br />

12 - mark Hufziger, directeur de la<br />

division Transports de Bostik. P. 21.<br />

02<br />

13 - sébastien taillemite, responsable<br />

Marketing chez Cray Valley, une filiale<br />

de l’activité Chimie de <strong>Total</strong>. P. 21.<br />

14 - christian casse, directeur<br />

de la Recherche et du Développement<br />

d’Hutchinson, une filiale de l’activité Chimie<br />

de <strong>Total</strong>. P. 23.<br />

15 - thierry Koskas, directeur<br />

du Programme véhicule électrique<br />

chez Renault. P. 24 à 27.<br />

16 - daniel le breton, chef<br />

du département Transport & Énergie<br />

au sein de la branche Raffinage &<br />

Marketing de <strong>Total</strong>. P. 26 à 27.<br />

17 - rob White, directeur général adjoint<br />

(moteurs) d’ING Renault F1 Team.<br />

P. 28 à 29.<br />

18 - bob bell, directeur technique châssis<br />

d’ING Renault F1 Team. P. 28 à 29.<br />

19 - Philippe Girard, chef du Projet<br />

technique F1 pour <strong>Total</strong>. P. 28 à 29.<br />

20 - Glauco arbix Papagaio,<br />

professeur de sociologie à l’université<br />

de São Paulo. P. 30 à 33.<br />

21 - Pascale Hebel, directrice du<br />

département Consommation du Credoc.<br />

P. 30 à 33.<br />

22 - bruno marzloff, sociologue<br />

spécialiste des mobilités et fondateur<br />

du Groupe Chronos. P. 30 à 33.<br />

23 - morgan Faivre, ancien directeur<br />

du planning stratégique de CLM BBDO<br />

et fondateur de l’agence de publicité<br />

Les Gros Mots. P. 30 à 33.<br />

1<br />

2<br />

5<br />

8<br />

11<br />

14<br />

17<br />

20<br />

23<br />

3<br />

6<br />

9<br />

12 13<br />

15<br />

18<br />

21<br />

19<br />

N°16 Automne 2009<br />

Photo de couverture :<br />

Trafic à Bangkok.<br />

4<br />

7<br />

10<br />

16<br />

22<br />

© CRédiTs phoTo : 1 - VéRoNique pAuL. 2 - dR. 3 - Ro<strong>LA</strong>Nd BeRGeR sTRATeGY CoNsuLTANTs. 4-5 - dR. 6 - MARCo duFouR. 7-8 - dR. 9 - psA. 10 - dR. 11 - AToTeCh. 12 - dR. 13 - ReGis GAiGNAuLT/CRAY VALLeY. 14 - huTChiNsoN.<br />

15 - ReNAuLT. 16 - MARCo duFouR. 17-18 - ReNAuLT. 19-20-21-22-23 - dR.<br />

© FRANCK YANG<br />

EN CHINE, le partenariat entre<br />

Sinochem et <strong>Total</strong> vise<br />

le développement de 500 stationsservice<br />

dans les régions de Pékin<br />

– où la centième station, Li Yuan, a<br />

été inaugurée le 3 septembre 2009 –<br />

et Shanghai.<br />

Prise de conscience des enjeux liés au changement<br />

climatique, records de prix des carburants en 2008, impact de la crise économique,<br />

autant de facteurs qui modifient en profondeur l’utilisation de l’automobile. Aux États-<br />

Unis, pays de “l’automobile reine”, le taux de renouvellement du parc automobile et le<br />

nombre de kilomètres parcourus diminuent. Premier consommateur mondial d’essence,<br />

ce pays voit ses besoins décliner. En Europe, la consommation de carburants, très orientée<br />

vers le gazole du fait de la diésélisation fiscale du parc automobile, recule également. En<br />

amont, l’industrie européenne du raffinage doit s’adapter pour faire face à cette diminution<br />

de la demande et pour réduire la production d’essence au profit de celle de gazole.<br />

Nous prévoyons cependant que la demande mondiale en produits pétroliers, tirée par des<br />

pays à fort potentiel de développement <strong>com</strong>me la Chine ou l’Inde, va repartir à la hausse<br />

avec la fin de la crise. Nos enjeux majeurs seront de continuer à fournir à nos clients<br />

l’énergie dont ils ont besoin, de faire de notre mieux pour l’économiser et de limiter les<br />

émissions de gaz à effet de serre.<br />

Dans le secteur du transport, parallèlement au développement de la voiture électrique, les<br />

solutions de remplacement des carburants actuels sont à l’étude. Chez <strong>Total</strong>, plusieurs<br />

programmes de recherche sur la biomasse sont en cours. Des expérimentations sur<br />

l’hydrogène-carburant sont également menées en Allemagne et en Belgique, où plusieurs<br />

stations-service spécialisées sont déjà opérationnelles.<br />

Mais il faudra encore plusieurs années pour que ces solutions entrent dans la vie courante.<br />

En attendant, l’engagement de <strong>Total</strong> est de mettre en œuvre des solutions pour réduire les<br />

consommations d’énergie. Nous travaillons avec les motoristes pour mettre au point des<br />

carburants ou des lubrifiants plus efficaces. Quant à nos clients, nous les incitons à adopter<br />

des <strong>com</strong>portements plus économes sur la route, en leur montrant les bénéfices d’une<br />

conduite apaisée ou les dépenses inutiles engendrées par un véhicule mal entretenu. Ces<br />

“Nous prévoyons que la demande mondiale<br />

en produits pétroliers, tirée par des pays à fort<br />

potentiel de développement <strong>com</strong>me la Chine ou l’Inde,<br />

va repartir à la hausse avec la fin de la crise.”<br />

actions, qui ont un effet immédiat et peuvent faire économiser jusqu’à 10 % de carburant,<br />

font l’objet d’une opération baptisée Eco10 que nous déployons à l’échelle européenne.<br />

Comme nos partenaires constructeurs automobiles, nous sommes devant une mutation<br />

profonde de nos métiers et de nos offres. C’est un défi que nous continuerons à relever<br />

ensemble.<br />

Michel Bénézit<br />

directeur général Raffinage & Marketing, <strong>Total</strong><br />

N°16 03


© laUrent ZYlberMan/total<br />

total en quelques faits le monde en quelques chiffres<br />

instantanés<br />

tahiti,<br />

l’un des plus importants gisements<br />

du golfe du Mexique, est entré en production<br />

le 5 mai 2009. il est opéré par chevron.<br />

total y détient une participation de 17 %<br />

au côté de statoilhydro. Découvert<br />

en 2002, ses réserves prouvées et probables<br />

sont estimées à plus de 400 millions de barils<br />

équivalent pétrole. le golfe du Mexique<br />

présentant encore de nombreuses<br />

opportunités de découvertes, total a signé,<br />

début 2009, une série d’accords avec<br />

la société américaine cobalt, spécialiste<br />

de la zone, prévoyant l’exploration conjointe<br />

de 214 blocs appartenant aux deux groupes.<br />

GisEmEnt dE mattErhorn,<br />

opéré par <strong>Total</strong>, dans le golfe du Mexique.<br />

l’égypte n o v a t e k ,<br />

a attribué à total un permis d’exploration<br />

producteur russe de gaz naturel, et total ont signé, le 24 juin, un protocole<br />

en mer dans le bloc 4 (el burullus<br />

d’accord pour l’achat de 49 % de terneftegas, filiale de novatek, qui<br />

offshore est), situé dans<br />

conservera 51 % des parts. terneftegas détient une licence de<br />

le bassin du nil. total, opérateur, détient<br />

développement et de production sur le gisement à terre de termokarstovoye,<br />

90 % du permis et sera associé à enel<br />

situé dans la région des Yamalo-<br />

(10 %), après approbation des autorités<br />

nenets, dans l’arctique russe.<br />

<strong>com</strong>pétentes. D’une superficie<br />

ce gisement possède un potentiel<br />

de 2 516 kilomètres carrés, le bloc 4<br />

de plus de 47,3 milliards de<br />

se trouve dans une zone prolifique<br />

mètres cubes de gaz et près<br />

où de nombreuses découvertes de gaz<br />

de 10,3 millions de tonnes de<br />

ont déjà été réalisées. cette attribution<br />

condensats. l’objectif est<br />

marque le retour de total dans<br />

de lancer le projet dès 2011.<br />

Marie/total<br />

l’exploration et la production en Égypte,<br />

la transaction sera finalisée après<br />

où le groupe a déjà été présent entre<br />

son approbation par le service<br />

patricia<br />

1975 et 2001. ©<br />

fédéral antimonopole.<br />

Injection du CO2 Transport Captage du CO2 Production de gaz<br />

du CO2<br />

le pilote<br />

de lacq<br />

« dès fin 2009 et<br />

4<br />

pendant deux ans,<br />

3<br />

c’est une quantité<br />

équivalente à celle<br />

9 8<br />

7 6<br />

5<br />

2<br />

rejetée par les pots<br />

d’échappement<br />

de 40 000 voitures qui<br />

va être captée, puis<br />

injectée dans le soussol<br />

à 4 500 mètres de<br />

profondeur. Ce projet<br />

10<br />

de captage stockage<br />

totalement intégré<br />

1<br />

est unique au monde<br />

à bien des égards. »<br />

nicolas aimard, chef de projet, total.<br />

http://www.total.<strong>com</strong>/fr/responsabilite-societale-environnementale/dossiers/captage/<br />

04<br />

r&d<br />

Injection<br />

du CO2<br />

4 500 m<br />

Compression<br />

Réservoir<br />

de Rousse<br />

Transport<br />

du CO2<br />

Stockage<br />

du CO2<br />

Compression<br />

CO2<br />

Vapeur<br />

d’eau<br />

Purification /<br />

déshydratation<br />

du CO2<br />

Unité de<br />

production<br />

d’oxygène<br />

Gaz<br />

<strong>com</strong>mercial<br />

Gaz<br />

naturel<br />

Centrale utilité<br />

Chaudièreoxy<strong>com</strong>bustion<br />

Production du<br />

gaz de Lacq<br />

Usine<br />

de traitement<br />

du gaz de Lacq<br />

Arrivée du<br />

gaz naturel<br />

4 000 m<br />

Réservoir de<br />

Lacq profond<br />

© iDÉ<br />

Pages réalisées par Fouez Balit<br />

Taux d’incarcération par pays<br />

Nombre d’incarcérés<br />

sur 100 000 personnes<br />

> 700<br />

De 500 à 700<br />

De 300 à 500<br />

De 200 à 300<br />

De 150 à 200<br />

De 100 à 150<br />

De 50 à 100<br />

< 50<br />

Pas de données<br />

+ 194 %, telle est la hausse du nombre d’articles<br />

scientifiques publiés entre 2002 et 2008 dans les pays en développement dont<br />

le pib par habitant est <strong>com</strong>pris entre 1 250 et 3 500 dollars (bulgarie, congo, Vietnam,<br />

etc.), selon l’association research4life. l’augmentation est de 145 % dans les pays<br />

dont le pib par habitant est inférieur à 1 250 dollars (nigeria, tanzanie, Kenya, etc.),<br />

alors que la croissance avait été respectivement de 30 % et de 22 % entre 1996<br />

et 2002. À titre de <strong>com</strong>paraison, les pays développés ont connu une augmentation<br />

de 25 % entre 1996 et 2002, et de 67 % entre 2002 et 2008. cette hausse massive<br />

des publications scientifiques s’explique notamment par la mise en place de politiques<br />

scientifiques et par un meilleur financement public et privé de la recherche.<br />

World Conference of Science Journalists, 2009.<br />

59 médecins<br />

pour 10 000 habitants. il s’agit de la plus<br />

forte densité de médecins au monde,<br />

et elle se trouve à cuba. la moyenne<br />

mondiale est de 11 médecins pour<br />

10 000 habitants. l’important personnel de<br />

santé issu du système universitaire cubain<br />

permet à la havane d’envoyer ses médecins<br />

à l’étranger dans le cadre d’accords<br />

bilatéraux. au Venezuela, en 2007,<br />

12 272 médecins cubains soignaient<br />

les populations défavorisées des barrios.<br />

les professionnels de santé cubains<br />

interviennent également lors de désastres<br />

humanitaires ou d’opérations visant à<br />

éradiquer certaines maladies. les “brigades<br />

médicales internationales” cubaines<br />

ont récemment mis à la disposition d’haïti<br />

et de l’afrique du sud respectivement<br />

500 et 450 médecins.<br />

The World Health Report, WHO, 2006.<br />

UN Human Development Report 2007/2008.<br />

tokyo devient la ville la plus<br />

chère du monde pour les expatriés, devant<br />

Moscou, reléguée à la 3e place. avec osaka en 2e position,<br />

le Japon se distingue particulièrement. genève est 4e et<br />

hong Kong, 5e . en un an, le classement a été largement remanié<br />

du fait des fortes fluctuations monétaires et de l’appréciation<br />

du dollar. ainsi, londres (16e ) a perdu 13 places, tandis que<br />

new York, en 8e position, et pékin, désormais 9e , ont rejoint<br />

le top 10. asunción (paraguay) cède à Johannesburg le fauteuil<br />

de la ville la moins chère pour les expatriés.<br />

Enquête internationale sur le coût de la vie, Mercer, 2009.<br />

Part dans l’emploi, par classe de taille<br />

des entreprises, dans l’Europe des 27<br />

Économie marchande<br />

non financière<br />

Construction<br />

Hôtels et restaurants<br />

0 20 % 40 % 60 % 80 % 100 %<br />

Eurostat (données SSE de 2005 sur les classes de taille), 2008.<br />

N°16 N°16<br />

05<br />

Commerce<br />

Immobilier, location<br />

et services aux entreprises<br />

Industrie manufacturière<br />

Transports<br />

et <strong>com</strong>munications<br />

Production et distribution<br />

d’électricité, de gaz et d’eau<br />

Micro<br />

(1 à 9 pers.)<br />

Petites<br />

(10 à 49 pers.)<br />

Moyennes<br />

(50 à 249 pers.)<br />

© infographies : Michel berget/ total<br />

Grandes<br />

(250 pers. ou plus)


le monde en quelques chiffres<br />

Répartition des voyageurs par motif<br />

de déplacement dans le monde en 2007<br />

Affaires et motifs<br />

professionnels<br />

15 %<br />

Famille et amis,<br />

santé, religion, autres<br />

27 %<br />

Part des moins de 5 ans et des plus<br />

de 65 ans dans la population mondiale<br />

entre 1950 et 2050<br />

06<br />

20 %<br />

15 %<br />

10 %<br />

5 %<br />

0<br />

Non précisé<br />

7 %<br />

Faits saillants du tourisme, édition 2008,<br />

Organisation mondiale du tourisme (OMT).<br />

Les migrations<br />

Sud-Sud sont<br />

plus importantes<br />

que les migrations<br />

sud-nord<br />

dans trois régions<br />

University of Sussex<br />

and World Bank, 2005.<br />

Moins de 5 ans<br />

65 ans et plus<br />

United Nations Departement of Economic and Social Affairs, 2007.<br />

Loisirs, détente<br />

et vacances<br />

51 %<br />

100 %<br />

1 4 3<br />

23<br />

80 %<br />

30<br />

32<br />

60 %<br />

40 %<br />

20 %<br />

1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050<br />

0<br />

86<br />

13<br />

Amérique<br />

latine<br />

et Caraïbes<br />

2<br />

57<br />

18<br />

Moyen-Orient<br />

et Afrique<br />

du Nord<br />

1<br />

55<br />

14<br />

Asie de l’Est<br />

et région<br />

du Pacifique<br />

6 millions<br />

de Brésiliens<br />

sont sortis de la pauvreté au cours de la seule<br />

année 2006. De 41 % dans les années 1990,<br />

le taux de pauvreté est passé à 25,6 % en<br />

2006. ces progrès ont pu être réalisés grâce<br />

à la baisse de l’inflation, à une croissance<br />

économique soutenue et à la mise en œuvre<br />

de politiques de redistributions ciblées,<br />

dont le programme phare est Bolsa Familia.<br />

il vise à réduire les inégalités et à rompre<br />

le cycle de transmission intergénérationnelle<br />

de la pauvreté en fournissant des aides<br />

conditionnelles (scolarisation des enfants,<br />

couverture vaccinale, etc.) aux familles<br />

les plus fragiles. près de 34 millions<br />

de personnes bénéficiaient, en 2005,<br />

de ces transferts d’argents.<br />

2004-2007 Country Assistance Strategy Document,<br />

Banque Mondiale, 2008.<br />

64<br />

Europe<br />

et Asie<br />

centrale<br />

Parmi les<br />

5 premières<br />

<strong>com</strong>pagnies pétrolières et gazières<br />

mondiales, 4 sont des <strong>com</strong>pagnies<br />

nationales (noc), d’après energy intelligence,<br />

qui établit chaque année le classement<br />

des 100 premières en se basant<br />

sur 6 critères : les réserves et la production<br />

de pétrole et de gaz, les capacités<br />

de raffinage et la vente de produits.<br />

en tête figure la <strong>com</strong>pagnie nationale<br />

saoudienne, saudi aramco, suivie<br />

par son homologue iranienne, la nioc.<br />

Viennent ensuite la <strong>com</strong>pagnie<br />

internationale (ioc) américaine exxonMobil<br />

et les <strong>com</strong>pagnies nationales vénézuélienne<br />

(pDVsa) et chinoise (cnpc). en 2007,<br />

les 59 premières ioc de ce classement<br />

détenaient 9,4 % des réserves de pétrole,<br />

contre 77,6 % pour les 41 premières noc.<br />

The Energy Intelligence Top 100: Ranking The<br />

World’s Oil Companies, Energy Intelligence, 2009.<br />

N°16<br />

28<br />

69<br />

Afrique<br />

sub-saharienne<br />

28<br />

22<br />

12<br />

38<br />

Asie<br />

du Sud<br />

Pays non OCDE<br />

à hauts revenus<br />

Pays de l’OCDE<br />

à hauts revenus<br />

Autres régions<br />

en développement<br />

À l’intérieur<br />

de la région<br />

Nord<br />

Sud<br />

instantanés<br />

© infographies : Michel berget / total<br />

© Marco DUfoUr/total<br />

total en quelques faits<br />

Un fonds de solidarité<br />

pour améliorer l’emploi des jeunes et lutter contre l’exclusion sociale en france<br />

a été créé par total. initialement doté de 25 millions d’euros, il atteindra<br />

50 millions d’euros dans cinq ans. Dans ce cadre, total s’est associé au<br />

haut-<strong>com</strong>missariat à la Jeunesse pour participer à trois principaux programmes :<br />

la lutte contre l’échec scolaire, le financement de 10 000 permis de conduire<br />

et l’aide à la création d’entreprise. total consacrait jusqu’alors plus de 2 millions<br />

d’euros par an à la lutte contre l’exclusion sociale. ce fonds va permettre<br />

de développer ses actions dans le domaine de la solidarité.<br />

total entre au<br />

capital de Gevo,<br />

société innovante développant des<br />

biohydrocarbures. Établie à Denver,<br />

aux États-Unis, gevo a mis au point<br />

une nouvelle technologie permettant<br />

de convertir des sucres issus de la biomasse<br />

en alcools lourds et hydrocarbures.<br />

cet investissement est réalisé dans le cadre<br />

de l’activité de capital-Développement<br />

que total a récemment initiée. celle-ci est<br />

destinée à ac<strong>com</strong>pagner des sociétés<br />

développant des technologies ou<br />

des modèles d’affaires innovants dans<br />

les domaines qui contribuent à répondre<br />

aux défis de la transition énergétique.<br />

le Gnl : une filière d’avenir<br />

des projets majeurs de gaz naturel liquéfié (GnL)<br />

ont été inaugurés au cours des derniers mois :<br />

Qatargas 2, au Qatar, et le terminal de regazéification<br />

de south hook, au royaume-Uni, deux <strong>com</strong>posantes<br />

du premier projet intégré au monde dans ce secteur.<br />

très prochainement, le démarrage du projet<br />

de liquéfaction Yemen LnG sera à son tour célébré.<br />

Cette source d’énergie représente un enjeu<br />

de plus en plus important pour le Groupe, <strong>com</strong>me<br />

nous l’explique Jean-marc hosanski, directeur GnL<br />

de la branche Gaz & Énergies nouvelles.<br />

Pourquoi parier sur le GnL ?<br />

parce que c’est une énergie qui connaît un très fort taux de croissance<br />

– environ 7 % par an –, alors qu’elle ne représente encore que 8 % de la<br />

consommation mondiale de gaz. ses trois principaux marchés (l’asie,<br />

l’europe et l’amérique du nord) sont en effet sensibles aux avantages<br />

de ce produit qui allie les qualités d’efficacité énergétique et de propreté<br />

du gaz à la flexibilité des hydrocarbures liquides.<br />

Quels sont les atouts du Groupe dans ce domaine ?<br />

nous avons été l’un des pionniers du gnl, dans les années 1960, et avons<br />

pris une part active à son décollage. nous nous sommes ainsi forgé très tôt<br />

un savoir-faire dans ces projets, extrêmement <strong>com</strong>plexes et capitalistiques,<br />

et nous sommes aujourd’hui l’une des trois premières <strong>com</strong>pagnies<br />

internationales du secteur, avec shell et exxonMobil. notre présence intégrée<br />

© Marco DUfoUr/total<br />

© MarK richarDs/total<br />

le terminal de<br />

regazéification<br />

de south hook,<br />

le plus grand d’europe, a été inauguré le 12 mai 2009<br />

au pays de galles (royaume-Uni). il est détenu et<br />

opéré par south hook lng, joint-venture réunissant<br />

Qatar petroleum (67,5 %), exxonMobil (24,15 %)<br />

et total (8,35 %). Doté d’une capacité de 15,6 millions<br />

de tonnes par an, ce terminal de regazéification<br />

traitera le gaz naturel liquéfié provenant<br />

de Qatargas 2, premier projet gnl intégré dans<br />

le monde. « Il s’agit d’une étape importante<br />

dans le développement des activités GNL du Groupe<br />

et de son partenariat stratégique avec le Qatar »,<br />

a déclaré christophe de Margerie, Directeur général<br />

de total, lors de l’inauguration.<br />

sur l’ensemble de la chaîne gnl est l’une de nos grandes forces.<br />

pour développer de nouveaux projets de liquéfaction, il est en effet capital<br />

d’assurer nos débouchés : notre portefeuille de terminaux de regazéification<br />

et notre accès direct aux marchés sont donc essentiels.<br />

Quels sont vos objectifs de croissance ?<br />

l’objectif principal du groupe est d’augmenter sa production par<br />

de nouveaux projets de liquéfaction. De ce point de vue, 2009 est une année<br />

pivot : notre production actuelle de 9 millions de tonnes va croître de 50 %<br />

grâce au démarrage de Yemen lng et de Qatargas 2. À partir de 2010,<br />

le gnl représentera alors plus d’un sixième de la production d’hydrocarbures<br />

du groupe. notre deuxième objectif, en aval, est de continuer à développer<br />

notre activité de trading, en plein essor depuis 2001. nos volumes d’achat<br />

de gnl étaient de 2,5 millions en 2008, et nous visons les 10 millions<br />

de tonnes en 2010.<br />

La crise actuelle a-t-elle modifié la stratégie de total dans cette filière ?<br />

la crise a eu un effet sensible sur la demande de gaz, donc de gnl,<br />

alors même que de nombreux projets de liquéfaction arrivent sur le marché.<br />

nous connaissons donc pour un temps un excédent de l’offre. Mais cela<br />

ne durera pas : nous prévoyons que le marché devrait se tendre à nouveau<br />

à partir de 2012. le gnl sera de plus en plus attractif face aux enjeux<br />

environnementaux et aux préoccupations d’indépendance énergétique.<br />

cette énergie a un bel avenir devant elle !<br />

Propos recueillis par sabine schierano<br />

N°16 07


l’énergie d’avancer<br />

La vie de recherche<br />

Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008 pour son rôle clé<br />

dans la découverte du virus du sida en 1983, a été nommée à l’Académie des sciences<br />

en février dernier. Elle dirige l’unité “Régulation des infections rétrovirales”, à l’Institut<br />

Pasteur, dont la Fondation <strong>Total</strong> est partenaire depuis 2005. Les plus hautes distinctions<br />

couronnent enfin le parcours sans faute de cette chercheuse de l’ombre.<br />

Des dossiers du sol au plafond. Ce n’est pas une expression : soigneusement<br />

étiquetés, ils sont classés en ordre sur le parquet. Quelques cartes de félicitations,<br />

un grand colis bigarré venant d’Hô Chi Minh-Ville, un ordinateur<br />

dernier cri. C’est dans ce bureau à son image – rationnel, vivant et bien peu<br />

académique – que Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008<br />

pour son rôle majeur dans la découverte du virus VIH, nous reçoit.<br />

« J’ai été surprise, avoue la chercheuse. Le Nobel, tout le monde m’en parlait.<br />

Mon mari notamment. » Un instant, le silence s’installe : veuve depuis<br />

quelques mois, Françoise Barré-Sinoussi aurait dû fêter ses trente ans de<br />

mariage le lendemain de l’annonce. Elle reprend, énergique, iconoclaste :<br />

« Je pensais – j’étais à côté de la plaque une fois de plus – qu’il n’y aurait pas<br />

de Nobel tant qu’il n’y aurait pas de vaccin. » À côté des honneurs plutôt.<br />

Loin des projecteurs, contrairement au professeur Luc Montagnier, colauréat<br />

du prix, qui, depuis les années 1980, personnifie pour le grand public<br />

la recherche contre le sida, la scientifique promène sa discrète ténacité à<br />

travers le monde entier. On connaissait à peine son nom ; à présent, on ne<br />

voit plus qu’elle. Depuis l’annonce de sa nomination en octobre dernier,<br />

Françoise Barré-Sinoussi est partout. À la une des journaux, au bas des<br />

pétitions, en ouverture des conférences… « C’est ingérable », sourit la scientifique<br />

de 62 ans, qui avoue pourtant refuser 98 % des sollicitations. Des<br />

plus grandes organisations internationales à l’American Club de Paris, tout<br />

le monde la réclame. « Ma sensibilité personnelle me conduit à accepter les<br />

invitations des pays à ressources limitées. Puisque je dois choisir, je préfère<br />

aller au Niger, d’où je reviens, plutôt qu’au Japon ou au Canada. » Lorsqu’elle<br />

n’est pas dans son bureau, où elle passe environ treize heures par jour, elle<br />

anime des conférences, forme de jeunes chercheurs dans les pays en développement,<br />

y installe des partenariats associant la <strong>com</strong>munauté scientifique<br />

et le milieu associatif afin de créer des transferts de connaissances, bref,<br />

poursuit inlassablement un but : le contrôle, partout dans le monde, de ce<br />

virus, de l’épidémie et de la maladie dont il est responsable. Scientifique et<br />

missionnaire : la chercheuse refuse qu’on la cantonne à l’un de ces statuts.<br />

Elle n’a qu’une passion depuis toujours : le vivant.<br />

La symphonie pasteurienne<br />

Jeune fille, elle se tourne vers des études scientifiques sans vraiment savoir<br />

à quoi elles correspondent. « J’avais deux options : médecine ou sciences.<br />

8<br />

Venant d’un milieu modeste, je pensais que les études de médecine seraient<br />

longues et coûteuses », se souvient, amusée, la titulaire d’un doctorat ès<br />

sciences. Longues, ses études l’ont été. « Au bout de quelques années, je ne<br />

voyais toujours pas vraiment ce qu’était la recherche avec les enseignements<br />

de l’université. Apprendre, apprendre sans savoir pourquoi ne me suffisait<br />

pas. » L’étudiante « peu brillante à l’époque », selon son propre aveu, fait<br />

alors une rencontre qui déterminera le reste de sa vie. Jean-Claude<br />

Chermann, directeur d’un laboratoire de recherche en rétrovirologie à<br />

l’Institut Pasteur, la prend dans son équipe pour un mi-temps au nom<br />

trompeur, en réalité un « temps plus que <strong>com</strong>plet ». « J’ai alors travaillé avec<br />

quelqu’un de passionné et d’enthousiaste », salue élégamment l’élève de<br />

celui qui est désormais considéré <strong>com</strong>me l’oublié du Nobel. C’est la grande<br />

époque de la recherche contre le cancer, et l’étudiante travaille sur des<br />

rétrovirus (des virus qui, pour se multiplier, transforment leur matériel<br />

génétique en ADN, grâce à une enzyme virale, la transcriptase inverse, et<br />

peuvent ainsi s’intégrer à notre patrimoine génétique) responsables de leucémie<br />

et de cancer chez la souris. Elle cesse d’aller à l’université, et « à ses<br />

moments perdus », lit les cours que lui passent ses camarades. Ils sont devenus<br />

simples et clairs. Avec la pratique, la théorie trouve une utilité immédiate<br />

et se place naturellement dans un savoir global.<br />

C’est durant cette période que la chercheuse découvre la vision pasteurienne<br />

de la science. Interaction entre recherche fondamentale et recherche<br />

appliquée, mais aussi entre les différentes disciplines scientifiques, enseignement,<br />

formation, dialogue entre cliniciens, scientifiques et patients,<br />

présence dans le monde entier… L’Institut Pasteur, centre de recherche<br />

biomédicale à but non lucratif, reconnu d’utilité publique, fonctionne<br />

selon une philosophie fondée sur la solidarité et le partage, aussi vivace<br />

qu’à sa création par le découvreur du vaccin contre la rage. La science<br />

pasteurienne est un tout, un cercle vertueux qui tend en premier lieu à<br />

l’amélioration de la condition humaine. « Les problèmes de santé publique<br />

alimentent la recherche dont sont issues les applications au bénéfice de la<br />

santé et les arguments pour convaincre les politiques d’agir. On m’avait enseigné<br />

cette approche, mais c’est avec l’apparition du sida que j’en ai mesuré les<br />

conséquences pratiques », s’anime Françoise Barré-Sinoussi.<br />

Rappel des événements. Nous sommes en 1983 et, depuis deux ans, est<br />

apparue aux États-Unis une maladie foudroyante, qui s’attaque aux<br />

N°16<br />

lymphocytes, principale <strong>com</strong>posante sanguine de<br />

notre défense immunitaire. En France, une cinquantaine<br />

de personnes sont touchées, et le praticien<br />

Willy Rozenbaum fait appel au laboratoire de<br />

rétrovirologie de l’Institut Pasteur pour tenter de<br />

savoir si le virus meurtrier est un rétrovirus. Quelques<br />

semaines plus tard, la jeune chercheuse de 36 ans parvient à<br />

détecter le VIH. C’est une découverte majeure. Désormais, des<br />

tests peuvent être mis en place à grande échelle. Ils permettent de prévenir<br />

la transmission du virus par le sang et ses dérivés, mais aussi de limiter<br />

la transmission sexuelle et celle de la mère à l’enfant, tant par<br />

l’information que par les conseils formulés aux personnes infectées. La<br />

recherche d’un traitement <strong>com</strong>mence. Dès lors, quelques malades du sida,<br />

ayant appris la découverte de l’agent responsable de leur maladie, se rendent<br />

à l’ Institut Pasteur. Pas en consultation, mais pour poser des questions<br />

sur le virus, l’évolution de leur infection et les traitements à espérer.<br />

« C’était très émouvant du point de vue humain, très éprouvant psychologiquement,<br />

mais aussi extrêmement enrichissant. Grâce à eux, j’ai modifié ma<br />

manière de travailler. Aujourd’hui encore, je me demande toujours si l’orientation<br />

que nous prenons dans nos recherches répond bien à l’attente des<br />

malades. »<br />

La moraliste<br />

Rien d’étonnant, alors, que la seconde réaction mentionnée par Françoise<br />

Barré-Sinoussi à l’annonce de son Nobel soit celle d’une « reconnaissance<br />

partagée ». « Ce Nobel appartient à tous ceux qui, depuis des décennies, se<br />

battent dans l’ombre : les associations, dont Aides ou le Sidaction,<br />

mais aussi ces patients qui n’ont malheureusement pas vu leurs<br />

efforts aboutir. » Et la scientifique d’ajouter, <strong>com</strong>me pour nuancer<br />

son réel enthousiasme : « Quelle lourde responsabilité d’être le<br />

porte-parole de cette <strong>com</strong>munauté ! »<br />

Voici bien le personnage : <strong>com</strong>plexe, <strong>com</strong>plet, à l’image de sa vision<br />

de la science, impressionniste et impressionnant. Animée d’une passion<br />

qui parfois lui pèse, Françoise Barré-Sinoussi s’ac<strong>com</strong>mode des<br />

contraintes et réconcilie les contraires avec la plus grande simplicité.<br />

Rouge à lèvres raffiné et coupe courte pratique. Discrétion inégalée,<br />

mais usage raisonné de sa célébrité nouvelle. Emportement volcanique<br />

lorsqu’elle <strong>com</strong>mente les déclarations du pape sur le préservatif et foi<br />

catholique inébranlable. « Ces propos sont totalement irresponsables, ce qui<br />

ne veut pas dire que je n’adhère pas au catholicisme, à ses valeurs morales. »<br />

Jusqu’à un certain point. La calme scientifique sait s’emporter à bon<br />

escient. La catholique fait abstraction des dogmes. « Est-ce que vous regardez<br />

du même œil les personnes qui ont une hépatite ? » demande-t-elle, rappelant<br />

que le drame du sida, outre l’absence de vaccin, est celui de la<br />

discrimination. « La stigmatisation des séropositifs est liée au fantasme que<br />

la maladie véhicule : débauche, drogue, prostitution, homosexualité. Combien<br />

de fois ai-je entendu un chauffeur de taxi me dire, après m’avoir demandé<br />

mon métier : “Vous n’avez rien d’autre à faire que de travailler à cette maladie<br />

des homosexuels ?” » Sérieux et humour. On réplique qu’il faut désormais<br />

prendre les transports en <strong>com</strong>mun et, enfin, elle éclate de rire. n<br />

N°16<br />

Laure Mentzel<br />

9<br />

© Frédéric Stucin/MYOP


l’énergie TiTre de <strong>com</strong>prendre<br />

rubrisue<br />

Marchés, réglementations, motorisations, mentalités :<br />

au-delà de la crise actuelle, l’accès à une mobilité durable<br />

passera par des transformations lentes et profondes.<br />

Regards croisés sur les voies qui se dessinent.<br />

AuTomobile<br />

lA réVoluTion TrAnQuille<br />

© Stephan ZaubitZer/picture tank<br />

© Vincent Leroux/picture tank


<strong>com</strong>prendre<br />

la révolUtion tranqUille de l’aUtomobile<br />

Un marché chéri<br />

En 2009, la Chine est devenue le premier marché automobile mondial. Grâce à<br />

d’importants appuis publics, l’industrie chinoise envisage d’être l’un des grands acteurs<br />

mondiaux de la voiture électrique. Yuan Tao, directeur chez Chery Automobile,<br />

le premier exportateur chinois, nous donne son point de vue sur la situation de l’industrie<br />

automobile et ses perspectives de développement.<br />

Comment la crise du secteur automobile vous affecte-t-elle ?<br />

Comment la voyez-vous évoluer au niveau mondial ?<br />

La crise du marché automobile mondial n’affecte pas les différentes<br />

régions de la même façon. Les États-Unis et l’Europe de l’Ouest sont en<br />

récession, nous le ressentons à travers nos fournisseurs et nous en subissons<br />

aussi le contrecoup. Cependant, nous tablons sur une reprise des<br />

ventes d’ici douze ou dix-huit mois.<br />

La demande dans les marchés émergents continue à croître en raison<br />

du dynamisme de ces économies et nous y lançons de nouveaux<br />

modèles. Nos ventes dans cette zone progressent rapidement grâce à<br />

l’introduction de nouveaux modèles et sites de production, notamment<br />

en Russie, au Moyen-Orient, en Amérique du Sud et en Asie du<br />

Sud-Est.<br />

En définitive, nous sommes optimistes. Nous pensons que cette crise est<br />

un phénomène temporaire et qu’il y a encore un gros potentiel de croissance<br />

au niveau mondial pour l’industrie automobile.<br />

Qu’en est-il du marché chinois ? Quelles sont vos prévisions ?<br />

La Chine est un cas à part. Le marché automobile chinois a subi un ralentissement<br />

pendant le deuxième semestre 2008, mais la reprise s’est concrétisée<br />

à partir de janvier 2009. Pendant le premier trimestre 2009, les ventes<br />

de voitures particulières ont progressé<br />

de 30 % par rapport à la même période<br />

de l’année précédente. En 2008, le marché<br />

a dépassé les neuf millions de véhicules.<br />

Nous prévoyons une croissance<br />

de 30 % sur l’ensemble de l’année 2009,<br />

de sorte que les ventes devraient être<br />

supérieures à onze millions d’unités.<br />

Cette croissance s’explique par la<br />

dynamique de l’économie chinoise, mais aussi par l’impact du plan de<br />

relance de l’économie mis en place par le gouvernement chinois. L’industrie<br />

automobile est considérée <strong>com</strong>me un secteur stratégique et<br />

concentre à elle seule 30 % de l’enveloppe officielle de soutien<br />

financier.<br />

Cette crise automobile est<br />

un phénomène temporaire ;<br />

il y a encore un gros<br />

potentiel de croissance<br />

au niveau mondial.<br />

La croissance du marché automobile chinois va se poursuivre à un<br />

rythme très rapide au cours des cinq prochaines années car son potentiel<br />

demeure immense. On <strong>com</strong>pte 100 voitures pour 1 000 habitants en<br />

Chine et ce ratio devrait rejoindre celui de l’Europe (500-600). D’ici à<br />

cinq ans, le marché devrait se stabiliser autour de 20 millions d’unités par<br />

an et nos ventes se situer aux alentours de deux millions de véhicules, soit<br />

10 % de parts de marché contre 6 % actuellement.<br />

Pouvez-vous nous présenter Chery ? Quelle est votre stratégie de<br />

développement ?<br />

Chery est une société relativement jeune, puisqu’elle a été créée en<br />

1997. La production a débuté en décembre 1999 et notre croissance a<br />

été très rapide. Chery est actuellement le numéro cinq de l’industrie<br />

automobile chinoise, tant en termes de production que de ventes, et le<br />

premier exportateur. En 2009, la production de l’entreprise devrait<br />

atteindre 500 000 unités, dont 120 000 destinées à l’exportation.<br />

Notre objectif est de figurer, à terme, parmi les dix principaux constructeurs<br />

mondiaux. La Chine et les marchés émergents sont nos deux cibles prioritaires<br />

pour le développement des ventes.<br />

Notre stratégie dans les marchés émergents consiste à offrir notre gamme<br />

<strong>com</strong>plète de véhicules, depuis la petite voiture jusqu’au SUV (Sport Utility<br />

Vehicle), et à y développer des filiales<br />

pas, pour l’instant, de projet d’investissement dans cette zone et nous<br />

préférons envisager des coopérations de nature <strong>com</strong>merciale ou technique<br />

(distribution, design, sécurité, équipements, etc.).<br />

Par ailleurs, nous avons signé un accord en Italie avec un partenaire<br />

local qui assemble et <strong>com</strong>mercialise quelques modèles tout-terrain de<br />

Chery sous son propre logo. En France, nous étudions les partenariats<br />

techniques possibles. Des projets sont en cours de négociation dans<br />

d’autres pays européens.<br />

Les marchés émergents ont un réel potentiel de croissance, mais<br />

ce sont parfois des marchés à risque, <strong>com</strong>me l’Iran par exemple.<br />

Cela vous inquiète-t-il ?<br />

L’Iran connaît une situation politique <strong>com</strong>pliquée. Mais nous y vendons<br />

peu de véhicules : 20 000 par an, soit 10 % de nos ventes mondiales. Dans<br />

les pays émergents, notre principal client est la Russie, où nous vendons<br />

entre 60 000 et 100 000 véhicules par an. Ce n’est pas un marché instable.<br />

Nous sommes présents dans d’autres régions, <strong>com</strong>me l’Égypte et<br />

l’Amérique du Sud, par exemple, qui ne suscitent pas d’inquiétude.<br />

Quelles sont les forces et les faiblesses de Chery ?<br />

En dix ans, nous avons bâti en partant de zéro un constructeur automobile<br />

<strong>com</strong>pétitif sur les marchés mondiaux. Notre force est d’avoir surgi<br />

sur un marché extrêmement concur-<br />

Les autorités chinoises<br />

appuient activement<br />

le développement<br />

de la voiture électrique.<br />

rentiel obligeant Chery, <strong>com</strong>me l’ensemble<br />

des constructeurs chinois, à<br />

développer un niveau de qualité identique<br />

à celui des marques étrangères qui<br />

produisent sur place. En ce qui<br />

concerne la sécurité, nous sommes<br />

aussi bien placés que nos concurrents.<br />

Nos principaux points faibles concernent la performance et la fiabilité<br />

des véhicules. Dans les classements internationaux de fiabilité des marques,<br />

il est clair que nous ne sommes pas parmi les meilleurs et que nous<br />

avons encore des efforts à faire. Nous travaillons intensément dans ce<br />

domaine pour être au même niveau que les grandes marques<br />

internationales.<br />

Comment voyez-vous le développement de la voiture électrique<br />

et des véhicules hybrides en Chine ?<br />

Les autorités chinoises ont engagé une stratégie volontariste en matière<br />

de lutte contre la pollution, d’économies d’énergie et de réduction des<br />

émissions de CO 2 . Les grandes villes souffrent d’une pollution excessive<br />

et la poursuite de la croissance oblige à mettre en place des mesures<br />

draconiennes. Au rythme actuel de croissance du marché, ce sont 12 millions<br />

de véhicules qui viennent s’ajouter chaque année au parc automobile<br />

chinois. Si l’on n’agit pas, le pays court inéluctablement à la<br />

catastrophe. Les autorités chinoises sont conscientes de la gravité de la<br />

situation et développent une stratégie très dynamique.<br />

La législation chinoise concernant la limitation des rejets polluants (oxydes<br />

d’azote, monoxyde de carbone, particules, etc.) des véhicules est de plus<br />

en plus restrictive. Le gouvernement a adopté les standards de la norme<br />

Euro 4, appliquée en Europe depuis 2005, mais il va implanter l’équivalent<br />

d’Euro 5, mis en œuvre en Europe en 2009, au cours des deux ou<br />

trois prochaines années. Concernant les émissions de CO 2 , l’objectif de<br />

la Chine est d’atteindre à cette même échéance 150-160 g/km pour les<br />

véhicules neufs, alors que l’Europe vise 130 g/km entre 2012 et 2015.<br />

Chery investit pour développer des véhicules adaptés à des normes plus<br />

restrictives que celles qui existent actuellement en Chine.<br />

Les autorités chinoises appuient activement le développement de la voiture<br />

électrique et des véhicules hybri-<br />

des. Un fonds de 10 milliards de yuans<br />

(1,1 milliard d’euros) a été mis en place<br />

afin d’aider au développement des technologies<br />

respectueuses de l’environnement<br />

et au soutien de la production de<br />

voitures électriques et de véhicules<br />

hybrides. La Chine a un gros atout supplémentaire<br />

: elle dispose de réserves abondantes de lithium, qui est utilisé<br />

pour fabriquer les batteries des voitures électriques.<br />

(18 actuellement). Nous avons créé plu-<br />

Quelle est votre stratégie sur ce créneau ?<br />

Nous travaillons sur ces deux concepts depuis huit ans, c’est-à-dire pratiquement<br />

depuis la naissance de l’entreprise. Nous disposons d’un<br />

centre technique, spécialisé uniquement dans les problèmes de tracsieurs<br />

implantations industrielles dans sept<br />

Chery est la marque automobile chinoise la plus connue dans le tion de la voiture électrique, qui emploie 220 personnes. Plus générale-<br />

pays (Russie, Iran, Argentine, Malaisie,<br />

monde. Quelle est votre stratégie en matière de marque ? ment, la voiture électrique et les véhicules hybrides sont l’un des axes<br />

etc.) et notre objectif est d’en détenir 15<br />

Nous accordons une importance particulière au concept de marque et prioritaires de notre politique en matière de recherche & développe-<br />

d’ici à la fin de l’année. Sur ces marchés<br />

nous disposons d’équipes dédiées à cette question. En 2009, nous avons ment (R&D). L’ensemble des dépenses de R&D représente un mon-<br />

nous sommes très <strong>com</strong>pétitifs en termes de<br />

introduit de nouvelles marques afin d’offrir une gamme de véhicules qui tant équivalant à 12 % du chiffre d’affaires et nous employons<br />

rapport prix/performance car nos pièces<br />

soit la plus <strong>com</strong>plète possible.<br />

6 000 ingénieurs dans cette activité.<br />

sont fabriquées en Chine. Nous allons<br />

Chery reste notre marque de base : elle a une connotation familiale, de En janvier 2009, Chery a <strong>com</strong>mercialisé son premier véhicule hybride,<br />

créer de nouvelles filiales et stabiliser leur nombre aux alentours de 30.<br />

voiture de bonne qualité à un prix <strong>com</strong>pétitif. Riich est notre marque le modèle A5 BSG, et en février, la première voiture entièrement élec-<br />

La progression sur les marchés d’Europe de l’Ouest et des États-Unis<br />

premium de véhicules de luxe. Rely correspond aux véhicules <strong>com</strong>mertrique (S18) est sortie de la ligne de production. Nous allons lancer<br />

sera plus modeste. D’abord, parce que nous ne pouvons pas être présents<br />

ciaux et aux camions et Karry, aux petits véhicules <strong>com</strong>merciaux desti- trois nouveaux modèles de voiture “tout” électrique et deux modèles<br />

partout. Ensuite, parce qu’il s’agit de marchés matures, plus exigeants sur<br />

nés principalement au monde rural. Chaque marque dispose de son hybrides (ISG) en 2010. Nous croyons fermement à l’avenir de ce type<br />

la qualité, où il est difficile de se développer rapidement. Nous n’avons organisation marketing et <strong>com</strong>merciale propre.<br />

de véhicule.<br />

q<br />

12 N°16 N°16<br />

13


<strong>com</strong>prendre<br />

la révolUtion<br />

tranqUille<br />

de l’aUtomobile<br />

les “big three” face à Une crise<br />

d’Une ampleUr inédite<br />

Jamais les “Big Three” n’ont aussi peu pesé sur<br />

leur marché, alors même que les ventes de voitures<br />

neuves aux États-Unis ont accusé un recul<br />

de 35 % au premier semestre 2009 par rapport<br />

à la même période en 2008. Ainsi, durant les six<br />

premiers mois de l’année, la part de marché<br />

totale des constructeurs américains a été de<br />

seulement 45,5 % : 19,8 % pour General Motors<br />

(GM), 15,9 % pour Ford et 9,8 % pour Chrysler.<br />

En 1998, ils représentaient encore 70 % des<br />

ventes de véhicules légers outre-Atlantique.<br />

En cause, des phénomènes conjoncturels : l’envolée<br />

des prix de l’essence en 2008, ainsi qu’une<br />

raréfaction du crédit liée à la crise financière et<br />

économique. Mais pour Jacques Radé, associé<br />

du cabinet de consultants Roland Berger en<br />

charge du secteur automobile en France, le mal<br />

est plus profond : « Les racines de cette crise ont<br />

l’âge de l’industrie automobile américaine. L’industrialisation<br />

des États-Unis s’est en effet<br />

structurée autour de ce secteur, qui a fait l’objet<br />

d’une très grande protection, notamment avec<br />

des accords salariaux et de couverture sociale<br />

négociés par l’UAW (United Auto Workers). Ainsi,<br />

quand les constructeurs japonais sont entrés sur<br />

le marché américain dans les années 1970, ils se<br />

14<br />

sont installés dans des endroits où les syndicats<br />

n’étaient pas présents. Conséquence : structurellement,<br />

leurs coûts salariaux ont été réduits de<br />

moitié. La crise actuelle est donc bien le résultat<br />

d’une évolution darwinienne. »<br />

Les “Big Three” ont également été accusés de<br />

n’avoir pas su prendre en <strong>com</strong>pte un changement<br />

majeur dans les <strong>com</strong>portements des<br />

consommateurs. Jusqu’à récemment, le marché<br />

était en effet majoritairement “trucks” (Sport<br />

Utility Vehicle-SUV, pick-ups), car les Américains<br />

n’étaient pas sensibles au prix du gallon.<br />

Une analyse à l’origine d’une grande erreur stratégique<br />

: « Les constructeurs américains ont<br />

abandonné aux Japonais – Toyota et Honda – le<br />

marché de la berline dès le milieu des années<br />

1990, indique Jacques Radé. Ils auraient dû réagir<br />

à ce moment-là. » Car aujourd’hui, selon les<br />

enquêtes de satisfaction JD Power, les voitures<br />

japonaises sont perçues par les consommateurs<br />

<strong>com</strong>me étant globalement de meilleure qualité<br />

– et notamment plus fiables – que les modèles<br />

américains. Or, avec l’envolée des prix de l’essence,<br />

les ventes de 4x4 et autres pick-up se<br />

sont effondrées au profit de celles de berlines<br />

et de <strong>com</strong>pacts.<br />

q<br />

Toutefois, l’avenir n’est peut-être pas aussi sombre<br />

qu’il y paraît. « GM a su se positionner sur<br />

deux marchés très porteurs – la Chine, et la<br />

Russie –, par le rachat de Daewoo et le changement<br />

du nom de la marque en Chevrolet. Il<br />

dispose par cette filiale et, indépendamment<br />

d’Opel, des technologies et savoir-faire “petites<br />

voitures”, avance Jacques Radé. Et les<br />

“Big Three” ont dans leurs cartons les technologies<br />

nécessaires pour rebondir. Pour preuve,<br />

GM a été très réactif dans le lancement – prévu<br />

pour 2010 – de la Chevy Volt, un modèle hybride.<br />

Ford possède, quant à lui, ces technologies en<br />

Europe. Et l’alliance avec Fiat va permettre à<br />

Chrysler de les obtenir à bon <strong>com</strong>pte. D’une<br />

manière générale, les Américains savent repartir<br />

très vite sur de nouveaux savoir-faire. S’ils ne<br />

les ont pas exploités jusqu’à présent, c’est parce<br />

qu’il n’y avait pas de demande. Or, en matière<br />

de voiture, les attentes des consommateurs<br />

américains tendent désormais à se rapprocher<br />

de celles des Européens. »<br />

Charles Delaere<br />

Les consommateurs chinois sont-ils prêts à franchir le pas ?<br />

Nous pensons qu’il y a une véritable niche de marché en Chine pour la<br />

voiture électrique. C’est un moyen de transport efficace sur les distances<br />

courtes, c’est-à-dire celles qui sont inférieures à 100 kilomètres. La voiture<br />

électrique est une solution idéale pour la deuxième voiture d’un<br />

ménage ou pour les jeunes.<br />

Certes, elle est plus chère (entre 10 et 15 000 euros), mais le gouvernement<br />

chinois a décidé d’octroyer une subvention équivalente à<br />

6 000 euros par véhicule afin de <strong>com</strong>penser le surcoût. Pour l’instant,<br />

cette subvention ne concerne que les achats du secteur public, mais la<br />

nouvelle politique du gouvernement chinois qui sera mise en place<br />

cette année vise à étendre cet appui au secteur privé dans 13 grandes<br />

villes du pays. La volonté des autorités est de sécuriser<br />

l’approvisionnement énergétique de la Chine en réduisant<br />

sa dépendance aux importations de pétrole. Dans le<br />

même temps, le problème des émissions de CO 2 n’est<br />

pas déplacé. En effet, la part de l’électricité produite à<br />

partir du charbon passera de 70 % actuellement à 50 ou<br />

60 % d’ici à cinq à dix ans et celle issue des énergies<br />

propres (hydraulique, nucléaire, solaire, etc.), de 30 %<br />

aujourd’hui à 50 ou 40 % à la même échéance.<br />

Les trois prochaines années vont être un test. Nous croyons que<br />

le marché progressera par étapes avec, d’abord, le développement<br />

des véhicules hybrides, puis de la voiture entièrement électrique.<br />

Cette période d’essai va nous permettre de travailler sur les améliorations<br />

nécessaires, notamment en matière de capacité des batteries et<br />

d’augmentation d’autonomie des véhicules. Après cette phase préliminaire,<br />

le marché de la voiture entièrement électrique devrait prendre<br />

son envol.<br />

Comment voyez-vous les perspectives dans les pays industrialisés ?<br />

Nous pensons que l’utilisation de la voiture électrique se développera<br />

davantage dans les pays industrialisés que dans les marchés émergents,<br />

en raison des exigences plus fortes en matière d’efficacité énergétique et<br />

de réduction des émissions de CO 2 . Nous envisageons d’exporter nos<br />

modèles de voitures électriques en Europe et aux États-Unis quand la<br />

demande sera significative.<br />

ma petite amérique.<br />

Patrick Messina réalise<br />

des maquettes qui donnent<br />

à voir un univers “déréalisé” :<br />

par des effets de profondeur<br />

de champ, il joue sur notre<br />

perception du paysage urbain.<br />

Il y a encore des lacunes au niveau technologique, mais elles seront<br />

réglées progressivement. La voiture électrique et les véhicules hybrides<br />

sont les meilleures réponses aux défis posés par la question énergétique,<br />

la pollution et les émissions de CO 2 . Nous estimons qu’en 2020 la voiture<br />

électrique devrait représenter en Chine, <strong>com</strong>me au niveau mondial,<br />

entre 10 et 20 % du marché automobile.<br />

L’industrie automobile chinoise se caractérise par son atomisation.<br />

Pensez-vous que nous allons assister à un phénomène de<br />

concentration ?<br />

Il existe actuellement plus d’une dizaine de sociétés chinoises et pratiquement<br />

tous les grands constructeurs internationaux sont présents. Le<br />

marché domestique est très important et la dynamique de croissance va<br />

se maintenir. Les entreprises existantes vont continuer à se développer et<br />

le processus de concentration ne se justifie pas.<br />

Cependant, lorsque le marché se sera stabilisé aux alentours de 20 millions<br />

de véhicules par an, il y aura des évolutions car la <strong>com</strong>pétition sera<br />

telle que les activités de certains constructeurs ne seront plus rentables.<br />

Il est possible que d’ici à dix ans, la moitié des fabricants étrangers et des<br />

locaux soient contraints de quitter le marché chinois. n<br />

N°16<br />

© PhOTOS DE PATRiCk MESSinA<br />

Propos recueillis par Daniel Solano<br />

15


16<br />

« L’Inde sera L’un des prIncIpaux fournIsseurs<br />

mondIaux de petItes voItures. »<br />

Dilip Chenoy, directeur général de SIAM (Society of Indian<br />

Automobile Manufacturers) nous présente le marché automobile<br />

indien et ses perspectives d’avenir.<br />

Quels sont à votre avis, les points <strong>com</strong>muns et les différences<br />

entre les industries automobiles indiennes et chinoises ?<br />

Dans les deux pays, l’industrie automobile connaît une croissance<br />

rapide, mais celle-ci est bien supérieure en Chine. La progression du<br />

PIB par habitant et des infrastructures de transport y est également<br />

plus soutenue. L’Inde a une dizaine d’années de retard sur la Chine,<br />

cependant son marché devrait, à terme, l’égaler. La principale différence<br />

réside dans la taille des véhicules. L’Inde sera fondamentalement un<br />

marché de voitures petites et moyennes, alors que celui de la Chine<br />

couvre toute la gamme.<br />

Les relations entre les deux industries se développent. Il y a des échanges<br />

mutuels de <strong>com</strong>posants. Certains équipementiers indiens ont<br />

investi en Chine et nous savons que des fabricants chinois souhaitent<br />

faire de même dans notre pays. Pour l’instant, nous <strong>com</strong>ptons seulement<br />

deux joint-ventures sur le segment des deux roues. Nous estimons<br />

que cette coopération entre nos deux pays peut être davantage<br />

approfondie.<br />

Comment voyez-vous les perspectives de croissance de la<br />

demande de production et des ventes d’automobiles en Inde au<br />

cours des prochaines années ?<br />

En 2006, un document produit conjointement par le gouvernement<br />

indien et l’industrie de l’automobile prévoyait une croissance moyenne<br />

annuelle de la production <strong>com</strong>prise entre 12 et 14 % d’ici à 2016. En<br />

dépit du ralentissement de l’économie en 2008-2009 et d’une moindre<br />

croissance de la production automobile cette année, l’évolution du secteur<br />

est en ligne avec cette prévision.<br />

Nous pensons que l’objectif fixé d’une production de 4 millions de voitures<br />

particulières en 2016 contre 1,72 million en 2008 sera atteint. À<br />

cette date, le chiffre d’affaires de l’industrie automobile atteindra au<br />

moins 145 milliards de dollars. La demande intérieure est le moteur<br />

quasi exclusif de croissance de la production. Les exportations représentent<br />

entre 13 et 17 % de la production et concernent essentiellement<br />

des petites voitures.<br />

L’Inde a tendance à se spécialiser dans les petites voitures.<br />

Pourquoi ?<br />

En Inde, il existe une volonté de se spécialiser dans les véhicules de<br />

petite taille, qui sont à la fois peu onéreux, de bonne qualité et économes<br />

en carburant. C’est ce que le marché demande. Ici, 75 % des<br />

véhicules produits ont une longueur inférieure à quatre mètres. Les<br />

fabricants développent des productions à grande échelle qui leur permettent<br />

de devenir <strong>com</strong>pétitifs au niveau mondial.<br />

L’Inde est bien placée pour devenir une plate-forme d’exportation de<br />

petites voitures, principalement vers l’Asie du Sud, le Moyen-Orient et<br />

l’Afrique, mais aussi l’Europe et d’autres pays industrialisés. Plusieurs<br />

constructeurs internationaux ont choisi cette option. C’est le cas, par<br />

exemple, de Hyundai, qui exporte environ un quart de la production de<br />

petites voitures depuis notre pays.<br />

Comment expliquez-vous la forte croissance de la demande<br />

intérieure ?<br />

Le dynamisme de la demande intérieure résulte d’une <strong>com</strong>binaison de<br />

plusieurs facteurs. L’Inde se caractérise, d’une part, par une très faible<br />

motorisation : on ne <strong>com</strong>pte que huit véhicules pour 1 000 habitants<br />

contre 500-600 en Europe. D’autre part, le niveau de vie progresse<br />

rapidement : le PIB par habitant attendra bientôt les 1 000 dollars, ce<br />

qui est considéré <strong>com</strong>me le seuil de “décollage” du marché automobile<br />

dans un pays en développement. Un important programme de déploiement<br />

des infrastructures routières est en cours afin de permettre la<br />

connexion de nouvelles régions du pays et de satisfaire un besoin de<br />

mobilité actuellement latent.<br />

La crise financière a bloqué le crédit à la consommation. Mais une fois<br />

celle-ci crise terminée, la reprise des financements devrait stimuler la<br />

croissance de la demande. Enfin, les constructeurs offrent de nouveaux<br />

modèles et des solutions innovantes en termes, notamment, de<br />

consommation de carburant. Ils ouvrent de nouvelles niches de marché<br />

et contribuent ainsi à la croissance du secteur.<br />

Selon vous, quelles sont les perspectives de développement de<br />

la voiture électrique ?<br />

L’Inde est pionnière dans le domaine de la voiture électrique. La<br />

société Reva a mis sur le marché la première voiture électrique<br />

indienne, la G-Wiz, en 2001, et Tata a présenté son propre modèle en<br />

septembre 2009. En ce qui concerne les véhicules hybrides, plusieurs<br />

prototypes ont été élaborés et un modèle a été lancé.<br />

La protection de l’environnement est une préoccupation majeure en<br />

Inde, qui accueillera en novembre 2009 la World Environnement Friendly<br />

Vehicle Conference. La voiture électrique est l’une des solutions<br />

possibles. Cependant, son développement est confronté à un défi,<br />

celui de la disponibilité suffisante d’électricité pour recharger les batteries.<br />

Le partenariat avec l’État est indispensable pour développer la<br />

voiture électrique et les véhicules hybrides.<br />

Quelle est la nature des relations entre la profession et l’État ?<br />

Il existe une coopération très étroite entre l’industrie automobile et<br />

l’administration. Celle-ci s’est concrétisée par le India’s Automotive<br />

Mission Plan (IAMP), qui a été conçu et appliqué conjointement. Ce<br />

plan couvre l’ensemble des thématiques intéressant la profession :<br />

recherche et développement, promotion de la production manufacturière<br />

en Inde, harmonisation des standards, formation, émissions,<br />

etc. Il a été lancé en 2006 et la version finale a été présentée en<br />

janvier 2009.<br />

Les investissements prévus dans le cadre de l’IAMP s’élèvent à 40 milliards<br />

de dollars. L’industrie automobile s’est déjà engagée à investir<br />

20 milliards de dollars. L’IAMP est un succès et nous cherchons à<br />

élargir cette coopération à de nouveaux sujets, par exemple la fixation<br />

d’objectifs en matière de consommation de carburant.<br />

N°16<br />

Propos recueillis par Daniel Solano<br />

<strong>com</strong>prendre<br />

La révoLutIon tranquILLe de L’automobILe<br />

des constructeurs<br />

et des normes<br />

L’UE a récemment adopté la législation la plus sévère au monde concernant la réduction<br />

des émissions de CO 2 produites par les véhicules. Dans un contexte de crise, où la<br />

politique européenne reste essentiellement concentrée sur les progrès technologiques,<br />

<strong>com</strong>ment les constructeurs automobiles européens <strong>com</strong>posent-ils avec ces<br />

réglementations strictes ?<br />

e<br />

n Europe, les voitures particulières contribuent à hauteur de 12 %<br />

aux émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ) d’origine anthro pique.<br />

Le transport dans sa globalité (y <strong>com</strong>pris l’aérien et le maritime) s’élève à<br />

22,8 %, la part des centrales d’énergie électrique est de 37 %, celle des<br />

ménages de 11 % et celle de l’industrie de 22,2 %, selon des chiffres de la<br />

Commission européenne pour les 27 États membres de l’Union européenne.<br />

La réduction des émissions de CO 2 est depuis longtemps un élément<br />

clé de la stratégie des constructeurs automobiles européens.<br />

Entre 1995 et 2008, elles ont baissé en moyenne de presque 20 % sur les<br />

nouveaux modèles. C’est plus que ce qu’aucune autre industrie n’a réussi à<br />

réaliser jusqu’à présent. Et c’est mieux que l’objectif fixé par l’Europe à<br />

l’horizon 2020 de diminuer les gaz à effet de serre de 20 % par rapport au<br />

niveau de 1990. Ainsi, les constructeurs automobiles européens ont-ils déjà<br />

relevé ce défi. Sur la dernière décennie, les membres de l’ACEA (Association<br />

des constructeurs européens d’automobiles) ont introduit dans leurs<br />

véhicules plus d’une cinquantaine de nouvelles technologies permettant<br />

de réduire les émissions de CO 2 . Beaucoup d’autres suivront.<br />

L’Union européenne a récemment adopté une nouvelle législation qui établit<br />

des objectifs contraignants pour les rejets de CO 2 à l’échappement des<br />

voitures. Cette législation constitue l’un des volets de l’ambitieux “paquet<br />

climat-énergie” de l’UE destiné à remplir les objectifs fixés par les accords de<br />

Kyoto et post-Kyoto. Selon elle, les voitures mises en circulation entre 2012<br />

et 2015 devront émettre au plus une moyenne de 130 grammes de CO 2 par<br />

kilomètre, dont dix grammes correspondent à des mesures <strong>com</strong>plé mentaires,<br />

notamment un usage accru des biocarburants. Un calendrier spécifique a<br />

été établi par l’UE : 65 % des nouvelles voitures devront respecter ces normes<br />

dès 2012, 75 % en 2013, 80 % en 2014 et 100 % en 2015. Un premier bilan<br />

sera dressé en 2014, avec une révision possible des objectifs pour 2016.<br />

Ensuite, des évaluations auront lieu tous les trois ans. À plus long terme, d’ici<br />

à 2020, l’Union européenne devrait établir une limite moyenne de 95 grammes<br />

de CO 2 émis par kilomètre – un objectif qui sera conditionné par une<br />

étude d’impact. Les constructeurs qui n’arriveraient pas à respecter cette<br />

législation seront astreints à des pénalités appliquées selon une “échelle<br />

glissante”. Ainsi, ceux qui dépasseraient l’ objectif de plus de 3 grammes de<br />

CO2 par kilomètre devront payer une amende de 95 euros par gramme excédentaire.<br />

Une telle amende est, incidemment, extrêmement élevée par rapport<br />

au coût du CO2 dans d’autres secteurs. Cela revient à fixer le prix de la<br />

tonne à 475 euros, soit beaucoup plus que dans n’importe quelle autre activité.<br />

À titre de <strong>com</strong>paraison, dans l’EU-ETS (European Union Emission Trading<br />

Scheme, système européen d’échange de quotas d’émissions), le coût<br />

moyen de la tonne de CO2 oscille autour de 15 euros et devrait atteindre,<br />

selon la Commission européenne, environ 33 euros la tonne.<br />

Il va sans dire que l’industrie automobile fera tout ce qui est en son pouvoir<br />

pour atteindre les objectifs fixés par la législation et pour poursuivre sur la<br />

voie du progrès. Mais il est certain qu’il sera difficile de concilier la rigidité<br />

du calendrier réglementaire avec les fluctuations de la demande et des variations<br />

économiques.<br />

La longueur des cycles de production, inhérente à la sophistication du produit,<br />

ajoute encore à la difficulté. L’innovation technologique nécessite un<br />

délai de mise en œuvre conséquent. Ainsi faut-il jusqu’à cinq ans pour développer<br />

une nouvelle voiture (du design à la production) : l’adaptation des<br />

véhicules et, en particulier, des moteurs est extrêmement <strong>com</strong>plexe et coûteuse.<br />

En matière de réduction des émissions de CO2 , il n’existe pas de<br />

recette miracle : elle ne peut être obtenue au moyen de simples filtres ou<br />

d’autres formes de traitement post<strong>com</strong>bustion. Les évolutions porteront sur<br />

la transmission ainsi que sur les matériaux ou la forme de la carrosserie.<br />

Par ailleurs, le contexte dans lequel opère l’industrie est <strong>com</strong>plexe et souvent<br />

imprévisible. Les améliorations de la technologie automobile sont souvent<br />

annihilées par des réglementations européennes contradictoires sur la sécurité<br />

et la qualité de l’air ou par des tendances de marché consistant pour les<br />

consommateurs à privilégier certains critères <strong>com</strong>me la sécurité et le confort.<br />

Jusqu’à très récemment, la demande pour des technologies économes en<br />

énergie était des plus faibles.<br />

En dépit d’une situation économique qui limite sévèrement ses ressources,<br />

l’industrie automobile européenne est prête à relever les formidables défis qui<br />

se présentent à elle. Sa stratégie à long terme <strong>com</strong>me l’imminence<br />

N°16<br />

q<br />

17


<strong>com</strong>prendre<br />

la révolution tranquille de l’automobile<br />

q<br />

des échéances réglementaires lui imposent de continuer à investir<br />

massivement dans la recherche et développement (R&D). Comme ils l’ont<br />

fait au cours de la dernière décennie, les constructeurs vont continuer à<br />

investir des milliards d’euros dans les années à venir. Ainsi, l’industrie automobile<br />

injecte-t-elle chaque année quelque 20 milliards d’euros dans la<br />

R&D (soit 4 % de son chiffre d’affaires), dont une large part concerne à la<br />

fois l’amélioration de l’efficacité du carburant et des technologies qui<br />

accroissent la performance environnementale des véhicules. Compte tenu<br />

des circonstances économiques actuelles, il est essentiel que les constructeurs<br />

automobiles aient le soutien des gouvernements – accès à des financements,<br />

d’une part, et politiques de soutien du marché, d’autre part. En temps<br />

de crise, de telles mesures seraient favorables à l’industrie et à l’emploi et<br />

contribueraient à financer les investissements colossaux indispensables pour<br />

abaisser encore les émissions de CO2 . Enfin, et surtout, il est grand temps<br />

que les décideurs élargissent leur approche en matière de réduction des<br />

émissions de CO2 . Les constructeurs automobiles s’inquiètent que les politiques<br />

européennes se concentrent aussi lourdement sur les nouvelles<br />

New deal aux étatS-uniS<br />

la fin programmée des importations américaines d’essence<br />

va impacter les raffineries en europe.<br />

La “Politique nationale d’efficacité sur<br />

les carburants *”, présentée par le président<br />

Obama au mois de mai 2009<br />

affiche des objectifs ambitieux de<br />

réduction de la consommation d’essence<br />

aux États-Unis. À l’horizon 2016,<br />

les automobiles devront parcourir en<br />

moyenne 35,5 miles avec un gallon<br />

d’essence, soit consommer 6,63 litres<br />

aux 100 kilomètres. Par conséquent la<br />

tendance récente à la baisse des<br />

besoins en essence devrait se confirmer<br />

sur le long terme.<br />

Aux États-Unis <strong>com</strong>me sur tous les<br />

grands marchés automobiles, le paramètre<br />

le plus important et le plus<br />

immédiat concernant la consommation<br />

d’essence est le nombre de<br />

kilomètres effectués. En 2008,<br />

3 000 milliards de miles ont été ainsi<br />

parcourus. La conjugaison de la crise<br />

économique et d’un prix élevé de l’essence<br />

a entraîné une légère baisse de<br />

cette distance par rapport aux années<br />

précédentes. La taille du parc automobile<br />

a également connu un phénomène<br />

“d’attrition” : le taux de renouvellement,<br />

qui est de l’ordre de 7 % par an,<br />

a connu une violente contraction en<br />

2008. D’un indice 100 en 1995, il est<br />

passé à 92 en 2007 et à 55 en 2008.<br />

Ne plus acheter de voitures neuves<br />

contribue, de facto, à une réduction du<br />

parc automobile du fait de l’obsolescence<br />

des véhicules qui partent à la<br />

casse sans être remplacés. La<br />

consommation d’essence s’en trouve<br />

donc elle aussi immédiatement et<br />

directement affectée. Toutefois, cette<br />

tendance pourrait être reconsidérée si<br />

les États-Unis proposaient soit une<br />

prime à la casse, soit un système de<br />

bonus/malus pour des petites voitures<br />

peu polluantes. Dans ce cas, autour<br />

de 2010-2011, un nouveau gonflement<br />

du parc et une reprise modérée du<br />

nombre de kilomètres parcourus pourraient<br />

survenir.<br />

Malgré cette dernière hypothèse, le<br />

marché de l’essence aux États-Unis et<br />

l’outil de raffinage en Europe vont subir<br />

une mutation sans précédent. Avec<br />

technologies en négligeant d’autres mesures souvent plus rapides et moins<br />

onéreuses, ainsi que la possibilité de <strong>com</strong>biner les différentes options disponibles<br />

dans une approche globale et intégrée.<br />

Dans le cas du transport, les efforts de réduction des émissions de CO 2<br />

doivent porter sur la flotte de véhicules circulant sur les routes <strong>com</strong>me sur<br />

les innovations technologiques automobiles. Des gains supplémentaires<br />

peuvent être obtenus grâce à une infrastructure intelligente (gestion optimisée<br />

de la circulation), à l’“éco-conduite” (changement dans notre<br />

manière de conduire) et aux carburants de substitution (en particulier les<br />

biocarburants). Un tel effort concerté et transversal contribuerait à réduire<br />

les émissions de CO 2 dans un temps plus bref. La route vers une “mobilité<br />

durable” exige un partenariat entre l’industrie pétrolière et énergétique, les<br />

décideurs politiques, les opérateurs d’infrastructures et les conducteurs<br />

ainsi que, bien sûr, les constructeurs automobiles. n<br />

451 millions de tonnes par an, l’Amérique<br />

du Nord (y <strong>com</strong>pris Canada et<br />

Mexique) est le premier consommateur<br />

d’essence au monde. Jusqu’à présent,<br />

cette zone a toujours été déficitaire.<br />

D’où des importations de 43 millions de<br />

tonnes d’essence en 2008, dont 31 millions<br />

en provenance d’Europe, qui<br />

affiche un copieux excédent de 42 millions<br />

de tonnes. Pourtant, alors que les<br />

importations d’essence nord-américaines<br />

n’avaient cessé de croître depuis<br />

la fin des années 1990, cette situation<br />

est en train de basculer.<br />

Selon nos modèles d’analyse, l’évolution<br />

de l’outil de raffinage américain,<br />

les investissements consentis et une<br />

diminution de la consommation vont<br />

permettre aux États-Unis de cesser<br />

d’importer de l’essence d’ici 2015 ou<br />

2016 ! Cette révolution va évidemment<br />

frapper de plein fouet les raffineries en<br />

Europe, et notamment celles de <strong>Total</strong>,<br />

qui ne pourront plus placer leurs excédents<br />

d’essence sur ce marché. Les<br />

capacités de production européenne<br />

Ivan Hodac,<br />

secrétaire général de l’ACEA<br />

en essence devront ainsi être diminuées<br />

de 900 000 barils jour d’ici 2020,<br />

tandis que celles en gazole devront<br />

augmenter pour répondre à la croissance<br />

de la demande. Les raffineries<br />

européennes ont été construites puis<br />

développées lorsque le marché était<br />

dominé par l’essence. Dans les années<br />

1980, des incitations fiscales, suivies<br />

d’un effort sur l’offre réalisé par les<br />

constructeurs automobiles, ont favorisé<br />

le gazole, et l’Europe en est<br />

aujourd’hui déficitaire. En 2008, elle a<br />

importé 35 millions de tonnes, de<br />

gazole et fioul domestique, notamment<br />

en provenance de Russie. Pour<br />

rééquilibrer la production, des adaptations<br />

dans les raffineries existantes<br />

seront nécessaires, notamment en<br />

augmentant la capacité de traitement<br />

des hydrocraqueurs qui produisent du<br />

gazole et du jet fuel.<br />

* National Fuel Efficiency Policy.<br />

Alan Reid,<br />

responsable Études Marchés, branche<br />

Raffinage & Marketing de <strong>Total</strong><br />

Le moteur thermique équipera encore la grande majorité des voitures neuves<br />

vendues en 2020. À cette échéance, la <strong>com</strong>mission européenne a pour objectif<br />

de fixer à 95 g/km la moyenne des émissions de CO2 du secteur automobile.<br />

Les constructeurs n’ont plus le choix, il leur faut mettre en œuvre les technologies<br />

qui permettent d’améliorer le rendement, et donc d’abaisser la consommation.<br />

le bel avenir du moteur<br />

thermique<br />

ertes, l’automobile est en train de changer et la voiture<br />

électrique occupe plus souvent qu’à son tour le devant de la<br />

scène média tique. Il n’empêche que tous les experts s’accordent pour<br />

affirmer que le moteur thermique conservera un rôle essentiel. Directeur<br />

du département Motorisations chez BMW, Peter Langen n’a pas<br />

de doute là- dessus : « Au cours des vingt prochaines années, le moteur<br />

à <strong>com</strong>bustion interne continuera à être majoritaire dans les voitures<br />

particulières. » L’avenir à plus long terme est en revanche difficile à<br />

prédire, « car les développements futurs dépendront des lois fiscales et<br />

de la disponibilité des énergies alternatives ».<br />

En effet, même après le pétrole, le moteur à <strong>com</strong>bustion interne<br />

pourrait continuer à tourner grâce aux carburants liquides ou gazeux<br />

obtenus à partir d’autres sources d’énergie fossile (charbon, gaz naturel)<br />

ou de biomasse. Joseph Beretta, notamment en charge des relations<br />

institutionnelles du groupe PSA dans les domaines de l’énergie,<br />

des nouvelles technologies et des émissions, souligne à ce propos que<br />

« la gamme PSA <strong>com</strong>pte déjà plusieurs modèles pouvant fonctionner au<br />

gaz naturel pour véhicules (GNV). Le gain en émissions de CO 2 atteint<br />

d’ores et déjà 25 à 30 %. Mais surtout, les mêmes voitures peuvent être<br />

alimentées avec du biogaz obtenu à partir des déchets organiques ou<br />

agricoles. Et là, il y a un quadruple bénéfice pour la planète, car le<br />

pouvoir de réchauffement du méthane est 23 fois supérieur à celui<br />

du CO 2 ».<br />

Dans l’optique d’une utilisation plus large et variée des carburants<br />

alternatifs, les recherches menées actuellement sur le moteur à taux<br />

de <strong>com</strong>pression variable porteront sans doute à l’avenir leurs fruits.<br />

Dans ce domaine, la société française MCE-5 a démontré l’intérêt du<br />

principe : logé sous le capot d’une Peugeot 407, son moteur est un<br />

4 cylindres de 1,5 litre à double suralimentation étagée, capable de<br />

développer une puissance de 217 ch et un couple de 420 Nm tout en<br />

consommant seulement 6,7 l/100 km d’essence (158 g/km de CO 2 ).<br />

L’année prochaine, le passage à l’injection directe permettra encore<br />

d’améliorer le rendement (270 ch, 460 Nm, 6 l/100 km et 140 g/km).<br />

Les progrès du moteur à essence<br />

Plus près de nous, la tendance déjà amorcée de réduction de la taille des<br />

moteurs va aller en s’accentuant. Elle sera ac<strong>com</strong>pagnée, sur le moteur à<br />

essence, de la mise en application de technologies – jusqu’ici jugées trop<br />

coûteuses – qui apporteront de spectaculaires gains en rendement.<br />

Michel Forissier, directeur du Développement chez Valeo, précise que<br />

pour réduire la moyenne des émissions de CO2 du secteur automobile,<br />

« une augmentation de la diésélisation du parc pourrait être la première<br />

solution. Mais elle se heurte au prix du moteur Diesel. Déjà plus cher que<br />

le moteur à essence, son prix augmentera encore avec l’application de la<br />

norme Euro 6 en 2014. Par ailleurs, la disponibilité du gazole aura tendance<br />

à se raréfier, notamment sous l’effet de l’augmentation du parc des<br />

véhicules utilitaires en Chine ». L’amélioration du rendement du moteur<br />

à essence passera d’abord par la généralisation de l’injection directe qui,<br />

pour un même niveau de puissance et en profitant des premières conséquences<br />

du downsizing, permettra de réduire la consommation de 15 %.<br />

L’effet de masse de cette évolution devrait être sensible car, selon l’équipementier<br />

Bosch, plus de 60 % des voitures vendues dans le monde sont<br />

encore équipées de moteurs à injection indirecte d’essence.<br />

Techniquement, la pulvérisation du carburant directement dans la<br />

chambre de <strong>com</strong>bustion constitue le premier maillon d’une chaîne vertueuse<br />

: d’une part, en contribuant à abaisser la température régnant<br />

dans la chambre de <strong>com</strong>bustion, l’injection directe donne l’opportunité<br />

d’augmenter le taux de <strong>com</strong>pression (principal facteur de rendement) et,<br />

ou, la pression de suralimentation du turbo <strong>com</strong>presseur. D’autre part,<br />

elle permet de gérer séparément l’admission d’air en se débarrassant partiellement<br />

ou totalement du traditionnel volet d’air. La gestion du volume<br />

d’air admis peut alors être confiée directement aux soupapes en faisant<br />

varier leur levée et leur durée d’ouverture. Le système se nomme Valvetronic<br />

chez BMW, Multiair chez Fiat, ou encore Camless chez Valeo. La<br />

création de turbulences favorables à la qualité de la <strong>com</strong>bustion et l’élimination<br />

des pertes par pompage liées à la suppression du papillon sont<br />

autant d’éléments permettant d’accroître le rendement du moteur<br />

18 N°16 N°16<br />

19<br />

c<br />

q


<strong>com</strong>prendre<br />

la révolution tranquille<br />

de l’automobile<br />

q<br />

à essence. Ainsi, par rapport à un moteur atmosphé rique de<br />

conception conventionnelle (2 litres atmosphériques développant 100 kW),<br />

les motoristes allemands de Bosch assurent avoir obtenu, pour une puissance<br />

identique, une réduction de la consommation de 29 % en concevant<br />

un 4 cylindres suralimenté de 1 100 cm3 à injection directe faisant<br />

appel à la distribution variable. Dès 2015, des moteurs de ce type équiperont<br />

vraisemblablement des berlines de la taille d’une Volkswagen Passat,<br />

dont la consommation tournera autour de 5,5 l/100 km (130 g/km). En<br />

conservant la cylindrée de 2 litres du moteur de la Renault Laguna,<br />

Valeo a pour sa part obtenu une puissance de 200 ch assortie d’émissions<br />

limitées à 120 g/km de CO2 (5 l/100 km).<br />

Une réduction d’un tiers des émissions de CO2 en passant d’une génération<br />

à l’autre, c’est aussi l’objectif atteint par BMW avec le dernier 6 cylindres<br />

en ligne de la Gran Turismo 535i, qui associe la suralimentation (un<br />

seul turbo à double entrée de type twinscroll), l’injection directe et la<br />

distribution variable Valvetronic. Et <strong>com</strong>me il n’y a pas de petits profits<br />

dans le domaine de la réduction de la consommation, il y ajoute une<br />

pompe à eau électrique et une pompe à huile à cylindrée variable pilotée<br />

en temps réel grâce à un capteur de pression (logé dans le carter), toutes<br />

deux moins gourmandes en énergie. L’alternateur et le <strong>com</strong>presseur de<br />

climatisation ne fonctionnent quant à eux que lorsque c’est nécessaire.<br />

Ce nouveau 6 cylindres de 3 litres développe 306 ch, la puissance d’un<br />

V8 de 4 litres de la génération précédente.<br />

L’évolution vers des moteurs plus petits et des puissances spécifiques plus<br />

élevées est naturellement transposable à la voiture de Monsieur Tout-lemonde.<br />

Michel Forissier n’en doute pas, en soulignant toutefois qu’il « faudra<br />

veiller à développer des solutions financièrement accessibles pour un client<br />

qui n’est pas décidé à dépenser plus ». Ainsi, si techniquement rien ne s’oppose<br />

au fait d’implanter un 3 cylindres turbo de 1 000 cm3 sous le capot<br />

d’une berline familiale, il faudra toutefois prévoir une “aide au décollage”<br />

afin de ne pas risquer de caler au démarrage et fournir un couple supplémentaire<br />

qui restitue la disponibilité à bas régime à laquelle le client est<br />

désormais très habitué depuis qu’il conduit des voitures diesel. Pour cela, la<br />

baisse de la cylindrée sera utilement associée à une hybridation légère.<br />

L’électrification grandissante des périphériques (assistance de direction,<br />

système Stop & Start, pompe à eau, climatiseur…) justifie désormais pleinement<br />

les recherches qui visent à récupérer l’énergie perdue à l’échappement<br />

pour la transformer en électricité. Dans ce domaine, Peter Langen<br />

souligne au préalable que « la meilleure façon de récupérer de l’énergie à<br />

l’échappement, c’est d’abord le turbo. Néanmoins, la prochaine étape consiste<br />

à produire de l’électricité avec un générateur thermoélectrique (utilisant des<br />

semi-conducteurs transformant directement la chaleur en électricité). Une<br />

amélioration de son efficacité est attendue d’ici à cinq ans, ce qui nous aidera<br />

alors à couvrir l’augmentation des besoins en électricité de nos modèles ».<br />

Les progrès du moteur Diesel<br />

La tendance à la réduction de la cylindrée touche également le moteur<br />

Diesel. Joseph Beretta, rappelle ainsi que « le 1.6 HDI fournit aujourd’hui<br />

les mêmes prestations que le précédent 2 litres. Le downsizing a ceci<br />

q © JULIE GUICHES/PICTURE TANk<br />

BogotÁ (Colombie), 2005.<br />

l’automobile<br />

Se met<br />

au réGime<br />

depuis leurs premières<br />

utilisations il y a cinquante ans,<br />

les plastiques ont peu à peu<br />

remplacé les métaux. ils constituent<br />

aujourd’hui la carrosserie<br />

et l’habitacle de nos voitures. tour<br />

d’horizon des matériaux issus de la<br />

branche chimie du groupe total qui<br />

rendent les automobiles plus légères,<br />

plus performantes et moins polluantes.<br />

Lorsque les constructeurs automobiles ont opté pour les plastiques dans<br />

les années 1960, c’était pour ne plus jamais s’en défaire. La Renault 4 et la<br />

2CV de Citroën, voitures emblématiques de l’époque, figurent parmi les<br />

premières au monde à être équipées de pièces en plastique. Ce matériau<br />

offre des avantages que le secteur recherchait déjà : légèreté, réduction des<br />

coûts, performance, sécurité, adaptabilité… Sans nul doute, le plastique a<br />

contribué à rendre possible la production en masse d’automobiles.<br />

Aujourd’hui, les constructeurs produisent des véhicules plus efficaces du point<br />

de vue énergétique. La tendance est à l’allégement et le métal cède peu à peu<br />

sa place au polypropylène, le matériau de synthèse le plus utilisé dans l’automobile<br />

« Grâce à leur faible densité, les plastiques permettent d’alléger la<br />

voiture de 200 à 400 kilogrammes, ce qui représente une économie de 0,3 à<br />

0,5 litre pour 100 kilomètres », explique Robert Poncelet, responsable de la<br />

Business Unit Polypropylène Automobile chez <strong>Total</strong> Petrochemicals. Même son<br />

de cloche chez Cray Valley, fabriquant de résines thermodurcissables de spécialité,<br />

dont les produits suscitent l’intérêt du secteur. « Le SMC (Sheet Molding<br />

Compound) – <strong>com</strong>posite à base de résines polyester – permet un allégement<br />

de l’ordre de 30 % par rapport à l’acier. La carrosserie des poids lourds est<br />

entièrement conçue en SMC et les applications de ce <strong>com</strong>posite sur l’automobile<br />

sont de plus en plus nombreuses », indique Sébastien Taillemite,<br />

responsable Marketing de Cray Valley. Dans la mesure où il réduit considérablement<br />

le coût d’outillage, les constructeurs plébiscitent également le SMC<br />

pour la production de leurs petites séries. Il en est ainsi de la Renault Vel Satis,<br />

de la Mégane cabriolet ou encore de certains coupés BMW et Mercedes. Dans<br />

la course à l’allégement, Bostik, le spécialiste des adhésifs, ne manque pas<br />

à l’appel. « Ils contribuent à optimiser le coût d’utilisation des véhicules et<br />

ouvrent désormais la voie à l’application de matériaux plus élaborés tels que<br />

les <strong>com</strong>posites à fibres légères », précise Mark Hufziger, directeur de la division<br />

Transports, basé aux États-Unis. En sus, ils permettent d’allonger la<br />

durée de vie des pièces en les protégeant de la corrosion, tout <strong>com</strong>me les<br />

finitions qu’apporte Atotech à un grand nombre de pièces automobiles,<br />

depuis les éléments de fixations jusqu’aux calandres. Leader de la métallisation,<br />

Atotech a mis au point des solutions innovantes pour protéger<br />

et faire briller les pièces métalliques et plastiques tout en limitant l’impact<br />

sur l’environnement : « Nous avons développé des techniques alternatives<br />

de chromage qui ne présentent aucune substance toxique. Cette<br />

technologie baptisée “TriChrome” est actuellement introduite dans<br />

l’industrie automobile et représente un pas important vers une production<br />

plus verte », ajoute Harald Ahnert, responsable Grands<br />

<strong>com</strong>ptes et Équipementiers automobiles chez Atotech, à<br />

B e r l i n .<br />

Décidément, les plastiques savent faire preuve de souplesse :<br />

ils épousent autant les courbes des véhicules qu’ils<br />

répondent aux exigences écologiques !<br />

Fouez Balit<br />

20 21


<strong>com</strong>prendre<br />

la révolution tranquille<br />

de l’automobile<br />

q<br />

de vertueux qu’il participe à la réduction de la masse du véhicule ».<br />

Or, moins de masse mécanique implique un dimensionnement inférieur<br />

de l’ensemble des trains roulants (freins, suspensions, roues), ce qui contribue<br />

à l’allégement. Joseph Beretta rappelle ainsi que « 100 kilogrammes<br />

gagnés sur la masse du véhicule représentent un gain moyen de 4 g/km lors<br />

du cycle d’homologation. De la même façon, une réduction de 10 % de la<br />

résistance à l’avancement due aux frottements aboutit à un gain de 2 g/km,<br />

tandis que dans le domaine de l’aérodynamique, 0,5 m2 de moins sur la<br />

surface frontale vaut un gain de 2,5 g/km ».<br />

Cependant, les motoristes n’ont évidemment pas dit leur dernier mot, car<br />

10 % de rendement supplémentaire se traduisent par une économie de<br />

15 g/km. Mais, en partant du moteur Diesel actuel, qui dispose déjà de la<br />

suralimentation et de l’injection directe, l’évolution sera moins spectaculaire<br />

que celle du moteur à essence. Toutefois, les gisements de progrès<br />

existent. Joseph Beretta souligne même que « contrairement aux idées<br />

reçues, le durcissement des normes de dépollution va contribuer à l’amélioration<br />

du rendement du moteur Diesel. Car l’efficacité supérieure des systèmes<br />

de post-traitement va nous permettre de considérer la <strong>com</strong>bustion de façon<br />

moins contraignante ». Ce sera le cas avec la généralisation du filtre à particules<br />

et du catalyseur DeNOx. Le premier traitera des particules plus<br />

grosses nées d’une <strong>com</strong>bustion plus riche, tandis que le second permettra<br />

de revenir à des températures de fonctionnement plus élevées, facteur<br />

important de rendement pour un moteur Diesel. De la sorte, chez Bosch on<br />

considère que l’utilisation du dispositif Denoxtronic aboutit à une baisse de<br />

la consommation de 5 à 7 %. Selon l’équipementier allemand, un 4 cylindres<br />

Diesel de 1,2 litre et 100 kW pourrait remplacer dès 2015 le 1,6 litre qui<br />

loge aujourd’hui sous le capot d’une berline pesant 1,4 tonne, et ramener<br />

par conséquent ses émissions de CO2 à 97 g/km (3,6 l/100 km).<br />

Là encore, BMW démontre à sa façon les bienfaits de la réduction de la<br />

cylindrée. Parallèlement à la présentation du nouveau 3 litres à essence, la<br />

marque bavaroise lance une évolution du 6 cylindres Diesel de 3 litres<br />

pour remplacer le V8 de 4 litres. Par rapport à ce dernier, le nouveau venu<br />

affiche une baisse de la consommation de 23 % assortie de performances<br />

en progrès. En particulier grâce à quelques innovations encore rares sur les<br />

moteurs Diesel : au concept de la suralimentation étagée appliquée chez<br />

BMW depuis 2004 s’ajoute la géométrie variable à <strong>com</strong>mande électrique<br />

du plus petit des deux turbos, le collecteur d’admission variable, la <strong>com</strong>mande<br />

électrique de vanne EGR et le refroidissement de la boucle EGR.<br />

Sur la nouvelle série 7, cela se traduit par une consommation de 6,9 l/100 km<br />

et une accélération de 0 à 100 km/h en 6,4 secondes. Un nouvel exemple<br />

de la stratégie EfficientDynamics de BMW.<br />

Peter Langen ajoute que « la réduction de la consommation n’est pas uniquement<br />

liée à l’amélioration du rendement. Le meilleur amortissement des vibrations,<br />

le couple plus important et disponible plus tôt permettent d’utiliser le<br />

moteur à des régimes de rotation moins élevés, ce qui profite à la consommation.<br />

Par ailleurs, si le moteur a moins besoin d’être refroidi, cela signifie que la<br />

surface du radiateur peut être moins importante, ce qui est positif du point de<br />

vue aérodynamique. Au total, l’ensemble de ces mesures entraînera à l’avenir<br />

une réduction supplémentaire de la consommation ». Après avoir rappelé que<br />

©MEyER/TENDANCE FLOUE<br />

touJourS<br />

une innovation<br />

d’avance<br />

YAounDÉ,<br />

quartier d’Essos (Cameroun), 2004.<br />

Fournisseur des plus grands<br />

constructeurs, hutchinson, une filiale<br />

de total, mise sur une recherche<br />

ambitieuse pour proposer des produits<br />

à la pointe de la technologie.<br />

L’histoire d’Hutchinson est étroitement liée à celle de l’automobile. Et<br />

c’est sous le signe de l’expertise technique et de l’innovation que ces<br />

relations fêteront bientôt leur centenaire. Si l’équipementier a toujours<br />

bénéficié d’un statut de partenaire incontournable auprès des<br />

constructeurs automobiles, c’est à son offre de produits high-tech<br />

qu’il le doit. Celle-ci couvre de nombreux domaines : isolation<br />

ces recettes sont applicables aux moteurs de cylindrées inférieures, Peter<br />

Langen précise cependant que « BMW continuera à satisfaire les désirs exclusifs<br />

d’une part, même petite, de sa clientèle en continuant à développer des<br />

12 cylindres qui bénéficieront eux aussi du meilleur de la technologie ».<br />

une nouvelle façon de voir l’automobile<br />

Mais ce seront naturellement les voitures petites et moyennes qui pèseront le<br />

plus dans la réduction de la moyenne des émissions du secteur automobile.<br />

Or, cela nécessitera probablement une évolution des mentalités. Car, <strong>com</strong>me<br />

le souligne Michel Forissier, « jusqu’ici habitué à rêver d’un V6, l’automobiliste<br />

devra se faire à l’idée d’avoir un 3 cylindres sous son capot ». Dans ce<br />

domaine, l’émergence de la voiture électrique pourrait bien faciliter l’entrée<br />

dans les mœurs du petit moteur thermique. En effet, face à une voiture électrique<br />

aux performances modestes (110 km/h) et à l’autonomie limitée<br />

(160 km), la petite citadine à moteur essence ou Diesel ne sera plus tenue<br />

d’afficher une vitesse de pointe d’au moins 150 km/h, qui semblait jusqu’à<br />

aujourd’hui être le minimum vital de l’automobile. Admise par une clientèle<br />

contrainte par des limitations de vitesse et réconciliée avec les transports en<br />

<strong>com</strong>mun, la baisse des performances de l’automobile de demain apparaît<br />

désormais envisageable. En tenant <strong>com</strong>pte des progrès apportés par l’hybridation<br />

légère, la réduction du poids et l’amélioration de l’aérodynamique, la<br />

voiture de taille moyenne telle que nous la connaissons aujourd’hui (2 litres,<br />

100 kW, 1,4 tonne) verra ainsi sa consommation divisée par deux d’ici à 2020.<br />

Soit une moyenne de 3,8 l/100 km d’essence ou 2,6 l/100 km de gazole. n<br />

Jean-Jacques cornaert<br />

vibratoire, transfert de fluides, transmission, étanchéité de carrosserie<br />

et de précision, mastics et adhésifs. Il s’agit de pièces d’interface à<br />

haute valeur technologique visant à rendre nos véhicules toujours<br />

plus intelligents et moins polluants.<br />

La recherche scientifique et ses applications industrielles sont donc<br />

au cœur de la stratégie d’Hutchinson. Elles lui permettent<br />

d’ac<strong>com</strong>pagner toutes les évolutions que connaît l’automobile « depuis<br />

la Logan, la voiture low cost de Renault, jusqu’au véhicule hybride, en<br />

passant par la Smart, qui symbolise l’attrait récent pour les petites<br />

citadines », précise Christian Casse, directeur de la Recherche et du<br />

Développement chez Hutchinson. L’évolution des motorisations a<br />

également représenté un véritable défi, que l’équipementier a su<br />

relever grâce à des solutions innovantes <strong>com</strong>me le codage magnétique,<br />

fruit de la révolution mécatronique. Cette discipline d’avenir, dans<br />

laquelle Hutchinson investit, se situe au carrefour de l’électronique et<br />

de la mécanique. À titre d’exemple, la réduction des cylindrées, à des<br />

fins d’économie de carburant, « a rendu les moteurs actuels plus<br />

<strong>com</strong>plexes car l’adjonction de turbos, pour maintenir la puissance, et<br />

l’utilisation de gaz <strong>com</strong>primés à haute température pouvant s’élever à<br />

250 °C ont nécessité des <strong>com</strong>posants plus pointus à tous les niveaux.<br />

Nous avons développé de nombreux produits adaptés à ces<br />

environnements difficiles, qui aident à réduire les émissions (polluants,<br />

CO 2 ) ou à optimiser la circulation des fluides, l’entraînement des<br />

accessoires ou le fonctionnement des boîtes de vitesse », poursuit<br />

Christian Casse. Dans le domaine de l’acoustique des moteurs,<br />

d’importantes innovations ont aussi été enregistrées : « À l’origine, les<br />

moteurs dépollués vibraient énormément. Ils sont aujourd’hui équipés<br />

d’isolateurs à contrôle actif : les nouveaux injecteurs piézoélectriques<br />

sont par exemple isolés par nos produits. » La prochaine étape est le<br />

moteur à <strong>com</strong>pression variable qui permettra à des moteurs à essence<br />

de rejoindre le niveau de consommation des moteurs Diesel.<br />

Face à un secteur en pleine mutation et soumis à une forte pression<br />

sur les coûts, l’équipementier mise sur l’innovation pour préparer<br />

l’avenir. Hutchinson se projette déjà dans l’après-crise en nouant, en<br />

amont, des contacts plus étroits avec ses clients afin d’anticiper leurs<br />

demandes. Jacques Maigné, le nouveau président d’Hutchinson,<br />

souligne l’importance de la mise en place de synergies entre les<br />

différentes activités dans le domaine de la R&D. La créativité est le<br />

moteur de l’excellence.<br />

22 N°16 N°16<br />

23<br />

© OLIVIER CULMANN /<br />

TENDANCE FLOUE<br />

© MICHAEL MC<strong>LA</strong>UGHIN/GALLERy STOCk<br />

BAngkok<br />

(Thaïlande).<br />

Fouez Balit<br />

PoncA,<br />

Oklahoma<br />

(États-Unis),<br />

2008.<br />

ERnAku<strong>LA</strong>m,<br />

Kerala (Inde), 2006.<br />

© SERGE ATTAL/GLOPPIx


<strong>com</strong>prenDre<br />

la révolution tranquille De l’automobile<br />

De l’hybriDe<br />

au tout électrique<br />

La voiture électrique a largement plus de 150 ans. Va-t-on enfin la voir rouler<br />

dans nos rues ? C’est probable. Mais bien malin celui qui pourrait prédire<br />

le jour où elle prendra le dessus sur la voiture à moteur thermique. Sur ce sujet,<br />

les avis divergent fortement. Tout le monde est à peu près d’accord pour<br />

considérer qu’entre le thermique et l’électrique, l’hybride jouera un rôle essentiel.<br />

J usqu’au siècle dernier, la consommation des voitures intéressait peu<br />

le législateur. C’était plutôt une affaire à régler entre le vendeur et<br />

l’acheteur. Ce dernier y prêtait plus ou moins attention en fonction du prix<br />

affiché à la pompe. Ce qui explique en partie que l’on ne conduise pas les<br />

mêmes voitures en Europe, où le carburant est fortement taxé, et aux États-<br />

Unis, où il l’est peu. Mais l’engagement des pays développés, pris dans le<br />

cadre du protocole de Kyoto, de réduire leurs émissions de CO2 a changé<br />

la donne. La consommation des voitures est soumise à des limitations<br />

sévères qui obligent les constructeurs à faire les choix techniques appropriés.<br />

En Europe, un règlement impose de ramener les émissions moyennes<br />

de CO2 provenant des véhicules neufs à 130 g/km (soit 5,3 l/100 km en<br />

essence, réalisation échelonnée entre 2012 et 2015). L’objectif visé pour<br />

2020 est de 95 g/km (4 l/100 km), alors que la moyenne tourne aujourd’hui<br />

autour de 160 g/km (6,5 l/100 km). Aux États-Unis, le président Obama a<br />

placé la barre à 35,5 miles par galon (mpg), soit 6,5 l/100 km, dès 2016, à<br />

<strong>com</strong>parer aux 25,5 mpg (9 l/100 km) de la moyenne actuelle.<br />

Réduire les émissions moyennes ne signifie pas forcément qu’une partie de<br />

l’offre des constructeurs est vouée à la disparition. Sauf accident, Porsche<br />

devrait encore être en activité en 2020, et sauf revirement spectaculaire<br />

de la clientèle, il est probable que les 4x4 n’auront pas encore disparu.<br />

Tous feront des efforts, y <strong>com</strong>pris Ferrari, qui s’est engagé à réduire ses<br />

émissions de 40 % dans les dix ans à venir.<br />

Mais pour réduire la moyenne des émissions, il faut surtout agir sur le<br />

gros du parc, les berlines petites et moyennes, et miser sur l’électrification<br />

des véhicules. En tenant <strong>com</strong>pte toutefois d’un paramètre essentiel : « Les<br />

acheteurs ne sont pas décidés à dépenser plus, affirme Michel Forissier,<br />

directeur du Développement chez Valeo, les dépenses des ménages pour<br />

l’automobile ont aujourd’hui atteint un sommet, elles vont maintenant<br />

baisser ». L’équipementier s’attache donc à développer des solutions peu<br />

coûteuses, facilement applicables à l’ensemble du parc. Déjà très répandu,<br />

le dispositif électrique Stop & Start, qui gère l’arrêt et le démarrage du<br />

moteur dans le trafic, est ainsi en passe de se généraliser. Chez Valeo, on<br />

souligne « qu’il permet d’abaisser la consommation de carburant fossile<br />

d’environ 6 % pour un coût de production de seulement 200 euros ». Chaque<br />

pour-cent gagné revient donc à environ 30 euros, ce qui constitue,<br />

selon Michel Forissier, le meilleur rapport coût/performance. Alors qu’à<br />

l’extrême inverse, « le véhicule full hybrid présente le rapport le moins<br />

favorable, 200 euros le pour-cent gagné, l’investissement s’élevant à<br />

5 000 euros pour une réduction de consommation de 25 %. Vue sous cet<br />

angle, la voiture électrique se révèle ainsi plus avantageuse que l’hybride,<br />

100 euros le pour-cent : 100 % de consommation en moins pour un surcoût<br />

de l’ordre de 10 000 euros ».<br />

L’électrique moins cher que le thermique ?<br />

Renault et Nissan, qui sont aujourd’hui les seuls constructeurs mondiaux<br />

conduisant une stratégie résolument tournée vers le véhicule tout électrique,<br />

souhaitent faire la preuve que ce type de motorisation peut se<br />

révéler, à l’usage, plus économique que le moteur thermique. Thierry<br />

Koskas, directeur du Programme véhicule électrique, affirme que<br />

Renault a la volonté « de faire du véhicule électrique en masse », c’est-àdire<br />

d’en produire plusieurs centaines de milliers dès l’horizon 2015. À<br />

cette date, quatre nouveaux modèles auront été <strong>com</strong>mercialisés : la version<br />

électrique de la remplaçante de l’actuelle Mégane 3 volumes sera<br />

lancée début 2011, en <strong>com</strong>pagnie de l’utilitaire Kangoo électrique. Suivront<br />

en 2012 une citadine du format de la Clio et la concrétisation d’un<br />

nouveau concept présenté cet automne au salon de Francfort.<br />

L’objectif de Renault paraît formidablement ambitieux face aux<br />

10 000 Berlingo et Partner électriques produits par PSA Peugeot Citroën<br />

dans les années 1990. Mais ces chiffres sont tout simplement in<strong>com</strong>parables<br />

car, en quinze ans, tout a changé. Pour Thierry Koskas, l’avenir de<br />

la voiture électrique est assuré pour au moins quatre raisons : « Il y a,<br />

premièrement, le bilan CO 2 qui, même s’il varie d’un pays à l’autre, est<br />

globalement très favorable au véhicule électrique. Deuxièmement, la technologie<br />

Lithium-ion constitue une rupture technologique : il n’y a plus d’effet<br />

mémoire, on peut recharger à tout moment, et on peut tabler sur une<br />

autonomie stable de 150 km. Troisième point, les usages que l’on fait de<br />

l’automobile ont évolué. Les enquêtes clients indiquent que 50 % des berlines<br />

<strong>com</strong>pactes de type Clio ne sont jamais utilisées sur longs trajets. Pourtant,<br />

la moitié d’entre elles parcourent plus de 12 000 km par an, ce qui, au<br />

moins pour l’un de nos modèles, constitue le seuil de rentabilité d’un véhicule<br />

électrique. Enfin, il y a un intérêt économique. À partir de 12 000 km<br />

par an, soit 50 km par jour pendant 240 jours, à dix centimes le kilomètre<br />

essence contre deux centimes le kilomètre électrique, la voiture électrique<br />

devient plus intéressante que l’automobile à moteur thermique. En intégrant,<br />

bien sûr, dans le calcul l’incitation à l’achat qui existe déjà en<br />

France (5 000 euros) et se développe dans d’autres pays. »<br />

Il faut ajouter que si le véhicule électrique est, sur certains aspects, potentiellement<br />

moins cher à produire que la voiture thermique (pas de boîte<br />

de vitesse, moteur simple et peu en<strong>com</strong>brant), les volumes limités au<br />

départ ainsi que certains <strong>com</strong>posants spécifiques induisent un surcoût<br />

pour encore quelques années. De même, le prix de la batterie lithiumion<br />

n’est pas encore optimisé et pourrait, à terme, être quasiment divisé<br />

par deux. Sur ce point, Thierry Koskas se montre particulièrement<br />

confiant : « Si l’on se projette dans dix ans, les effets volume vont jouer. » Et<br />

surtout, il précise que « dans la majorité des cas, Renault souhaite que le<br />

client ne soit pas propriétaire de la batterie ». Un pack de 24 kWh pourrait<br />

ainsi être loué moins de 100 euros par mois, « la batterie étant encore<br />

opérationnelle au bout de dix ans ». La location permet, d’une part, au<br />

client de profiter des évolutions technologiques, celles-ci devant logiquement<br />

se succéder sur un rythme rapide au vu du nombre de chercheurs<br />

qui travaillent sur le sujet. D’autre part, elle constitue le seul dispositif<br />

<strong>com</strong>mercial <strong>com</strong>patible avec le système d’échange rapide mis au point<br />

en collaboration avec la société américaine Better Place. Le principe est<br />

simple : sous un portique qui ressemble à un guichet de péage autoroutier,<br />

un robot se charge, en moins de trois minutes, de déposer la batterie<br />

déchargée et de la remplacer par une unité pleine. Avec une vingtaine de<br />

batteries d’avance et grâce à la recharge rapide (trente minutes), chaque<br />

portique pourrait traiter 20 voitures à l’heure. Pour Shai Agassi, le président<br />

et fondateur de Better Place, 1 000 stations seraient suffisantes en<br />

France. Les implanter coûterait 350 millions d’euros, l’équivalent, selon<br />

lui, de la facture pétrolière consommée sur les routes françaises en trois<br />

jours. Mais, pour l’heure, la station quick drop n’est envisagée que <strong>com</strong>me<br />

une solution <strong>com</strong>plémentaire, un peu exceptionnelle, pour le jour où<br />

l’usager décide de prendre la route, de préférence sur un axe fréquenté.<br />

En usage quotidien, on imagine que celui qui fait l’aller-retour domiciletravail<br />

n’aura que rarement besoin de se brancher ailleurs que dans le<br />

parking de son entreprise, dans le garage de son pavillon, voire au bas de<br />

son immeuble, pour peu que les municipalités jouent le jeu.<br />

L’hybride : un pont vers l’électrique<br />

La petite voiture urbaine peut très rapidement se convertir à l’électricité.<br />

Il suffit que l’infrastructure se mette en place pour que le conducteur<br />

soit sûr de trouver une borne de recharge à proximité de l’endroit où il se<br />

rend. Certaines réussites récentes <strong>com</strong>me la location de vélos en libreservice<br />

donnent à penser que les choses peuvent aller vite.<br />

six niveaux<br />

D’électrification<br />

1. Stop & Start : le dispositif le moins cher et déjà le plus répandu.<br />

Il permet d’interrompre le fonctionnement du moteur thermique lors<br />

de l’arrêt de la voiture au feu rouge ou dans le trafic.<br />

2. Stop & Start avec récupération d’énergie au freinage : capable,<br />

pour des voitures petites et moyennes, de récupérer une partie de<br />

l’énergie cinétique et de la restituer à l’accélération grâce, par exemple,<br />

à un alterno-démarreur relié au moteur thermique par une courroie<br />

(projet Valeo).<br />

3. Mild hybrid : solution élaborée, à moindre coût, pour réduire<br />

la consommation de 15 % à 20 %. Un moteur-générateur assiste<br />

le moteur thermique, mais ne permet pas de traction électrique<br />

pure. La fonction Stop & Start fait également partie du dispositif.<br />

4. Full hybrid : solution plus coûteuse et plus performante que<br />

le mild hybrid, permettant également d’effectuer quelques kilomètres<br />

en mode électrique pur. L’aide au moteur thermique et le Stop & Start<br />

sont également assurés.<br />

5. Véhicule hybride rechargeable : véhicule fonctionnant<br />

à l’électricité pour les usages à courte distance et relayé de façon<br />

directe (génération d’électricité, ce sont les range extender)<br />

ou indirecte (chaîne de traction thermique) par un moteur thermique<br />

pour le fonctionnement sur route.<br />

6. Véhicule tout électrique : la motorisation électrique offre<br />

une autonomie de l’ordre de 150 km. Il faut notamment repenser<br />

le fonctionnement des systèmes auxiliaires (éclairage, ventilation,<br />

sonorisation…) afin de limiter leur consommation d’électricité et<br />

inventer de nouveaux dispositifs dans le domaine de la climatisation<br />

(réfrigération et chauffage). Par - 20 °C, l’utilisation du chauffage fait<br />

chuter l’autonomie de 60 %.<br />

En revanche, pour la voiture moyenne, celle qui est utilisée même<br />

très occasionnellement pour aller un peu plus loin en dehors des villes,<br />

cela risque d’être plus difficile. Car, élevé au diesel, l’automobiliste a<br />

pris l’habitude de faire le plein tous les 600 ou 800 km. Et 150 km, ce<br />

n’est guère plus que l’autonomie dont il dispose lorsque son voyant de<br />

réserve s’allume. La voiture électrique avec range extender pourrait<br />

donc avoir ses chances, puisqu’elle emmène un petit moteur ther mique<br />

chargé de faire tourner un générateur dès qu’il n’y a plus assez de courant<br />

disponible dans la batterie. Connue en Europe sous le nom d’Opel<br />

Ampera, la Chevrolet Volt devrait être en 2012 la première proposition<br />

<strong>com</strong>merciale de ce genre. Une autre solution est d’utiliser le moteur<br />

thermique pour propulser la voiture en usage non-urbain. Des prototypes<br />

sont d’ailleurs en développement chez PSA Peugeot Citroën et<br />

Volkswagen.<br />

D’ici là, la Toyota Prius de troisième génération aura sans doute été<br />

vendue à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Cette coûteuse<br />

voiture à moteur thermique bénéficie d’une ingénieuse et <strong>com</strong>plexe<br />

assistance électrique, qui lui permet en particulier d’afficher des valeurs<br />

de consommation significativement basses. Elle aura aussi permis à<br />

Toyota de se construire une notoriété enviable sur le thème de la voiture<br />

propre, et d’acquérir un savoir-faire utile sur les spécificités de la motorisation<br />

électrique. C’est ce qui vaut au constructeur japonais d’être au centre<br />

d’une expérience subventionnée par le gouvernement français : une<br />

vingtaine de prototypes de Prius rechargeables vont circuler à Strasbourg<br />

pour mettre à l’épreuve la voiture hybride de deuxième génération, celle<br />

qui peut aussi se brancher sur le secteur. q<br />

24 N°16 N°16<br />

25<br />

© renaULt<br />

kangoo Be Bop électrique.


<strong>com</strong>prenDre<br />

la révolution tranquille De l’automobile<br />

q<br />

Aux avantages habituels de l’hybride (récupération de l’énergie<br />

cinétique, aide au moteur thermique en accélération, fonction Stop &<br />

Start) elle apporte en plus un fonctionnement zéro émission. Chère,<br />

mais beaucoup plus polyvalente qu’une voiture électrique, cette hybride<br />

rechargeable de deuxième génération <strong>com</strong>pte d’autres partisans.<br />

Peugeot lancera aussi en 2011 la version électrifiée de son Crossover 3008,<br />

qui deviendra au passage un 4x4, car le moteur électrique animera les<br />

roues arrière, en supplément du moteur thermique, qui continuera à<br />

entraîner les roues avant afin d’augmenter le niveau de performances et<br />

la motricité. Le moteur électrique pourra également fonctionner seul<br />

afin d’assurer au 3008 un déplacement zéro émission. Ce sera en quelque<br />

sorte l’alter ego diesel de la Prius. En 2013, PSA Peugeot Citroën sortira<br />

un premier hybride rechargeable pourvu d’une traction électrique et d’une<br />

traction sur base de moteur à essence ; c’est tout du moins ce qu’il y a de<br />

plus probable, pour des raisons de prix.<br />

Quelle voiture en 2020 ?<br />

La voiture électrique va provoquer un bouleversement qui va sans doute<br />

bien au-delà de la mutation technique. Les méthodes de <strong>com</strong>mercialisation<br />

et de consommation vont, elles aussi, changer. Pour Thierry Koskas, le<br />

métier de vendeur de voitures va évoluer « avec l’apparition de ce que l’on<br />

appelle des opérateurs de mobilité. On peut très bien imaginer que le client<br />

n’achète plus une voiture, mais signe un contrat de fourniture de mobilité <strong>com</strong>prenant<br />

la location de la voiture, de la batterie et la fourniture de l’énergie.<br />

Pour arriver à des forfaits du genre 300 euros par mois, 1 000 km inclus ».<br />

Mais la voiture thermique, et en particulier l’hybride, a encore de beaux<br />

jours devant elle. Michel Forissier souligne que cette technologie reste bien<br />

adaptée aux véhicules lourds, les voitures haut de gamme ou les 4x4. « Le<br />

mild hybrid est une solution qui <strong>com</strong>bine un moteur générateur, apte à améliorer<br />

les consommations en urbain et périurbain, à un moteur ther mique<br />

conventionnel, qui permet de parcourir des longues distances sur route. L’autonomie<br />

n’étant pas sacrifiable pour les automobilistes américains notamment,<br />

le mild hybrid, alliant les avantages du thermique et de l’hybride à coût<br />

limité, peut particulièrement répondre aux exigences du marché américain.<br />

Mais, à plus long terme, cela va sans doute changer. On a vu récemment les<br />

Américains s’intéresser au train à grande vitesse, ce qui est un signe. »<br />

où va-t-on<br />

faire son plein<br />

D’énergie ?<br />

L’émergence d’un parc important de véhicules électriques devra<br />

être ac<strong>com</strong>pagnée d’une évolution des réseaux de distribution<br />

et de l’infrastructure électrique. Habitué à faire son plein d’essence<br />

ou de gazole en quelques minutes, l’automobiliste sera amené,<br />

quant à lui, à modifier profondément ses habitudes. afin de fixer<br />

les idées, il faut retenir qu’une recharge lente s’effectue<br />

en six à huit heures sur une prise de 3 kW, <strong>com</strong>me celle d’un four<br />

électrique. Pour une recharge rapide en trente ou quarante<br />

minutes, il faut prévoir une puissance de 42 kW. Des chiffres<br />

à <strong>com</strong>parer aux 20 mégawatts d’un pistolet de pompe à essence !<br />

Pour Daniel Le Breton, chef du département transport & Énergie<br />

au sein de la branche raffinage & Marketing de total, le problème<br />

posé par la recharge des batteries sera plus ou moins difficile à<br />

traiter selon l’usage que l’on fera du véhicule électrique. « Il y a,<br />

d’un côté, ce que j’appelle le clan des classiques, ceux qui<br />

imaginent une voiture électrique uniquement urbaine, que l’on<br />

recharge la nuit chez soi et éventuellement le jour au bureau ou<br />

dans un parking de supermarché. Ça, c’est la<br />

façon de faire la plus simple. De l’autre côté, il y a<br />

le clan des modernes, ceux qui, <strong>com</strong>me Renault,<br />

envisagent une voiture électrique capable d’aller<br />

plus loin, de faire des trajets périurbains. Dans ce<br />

cas, il faut prévoir une infrastructure spécifique,<br />

des bornes de recharge rapides, voire des stations<br />

d’échanges de batteries où l’utilisateur pourra se<br />

ravitailler en cours de route. Or, ces dispositifs<br />

sont présentés <strong>com</strong>me des solutions de secours,<br />

l’utilisateur effectuant l’essentiel de ses recharges<br />

chez lui ou au bureau. Se pose alors le problème<br />

© PHotoS De SteeVe IUnCker/agenCe VU<br />

77 e SaLon<br />

internationaL<br />

de L’automobiLe,<br />

Genève (Suisse).<br />

Cela dit, en 2020, le parc automobile ne devrait pas être fondamentalement<br />

différent de celui que l’on connaît aujourd’hui. Pour le directeur<br />

du Développement de Valeo, la voiture électrique pourrait à cette<br />

échéance représenter environ 5 % des ventes de voitures neuves dans le<br />

monde (2,5 à 3 millions d’unités). « Un tiers des voitures continuera à<br />

fonctionner au thermique pur car l’électrification ne présente pas d’intérêt<br />

sur le pick-up du paysan de l’Arkansas, et elle est proportionnellement<br />

trop chère pour le client d’une Dacia Logan ou pour l’Indien qui achète<br />

une Tata Nano. » Le reste se répartira à parts égales entre les voitures<br />

dotées du système Stop & Start et les hybrides. Comme le souligne<br />

Thierry Koskas, « on ne peut pas croire que ça va démarrer partout à la<br />

même vitesse ». n<br />

Jean-Jacques Cornaert<br />

de l’amortissement d’installations chères, qui risquent de voir<br />

peu de clients, tout du moins à court terme. »<br />

« Par ailleurs, hormis les pays disposant d’énergie électrique<br />

renouvelable ou nucléaire en quantité significative,<br />

les avantages en matière de gaz à effet de serre sont modestes,<br />

quand ils ne sont pas nuls ou négatifs. Donc le développement<br />

de ce type de véhicule relèvera aussi d’une volonté politique<br />

d’indépendance énergétique des États, alors prioritaire<br />

sur celle de l’environnement », précise Daniel Le Breton.<br />

Dans ces conditions, quels peuvent être les investisseurs ?<br />

au Danemark et en Irlande, ce sont l’État et les sociétés de<br />

distribution d’électricité qui s’impliqueraient dans la construction<br />

d’un réseau d’échange rapide de batteries mis au point par<br />

l’entreprise Better Place, et la mise en place de bornes de recharges<br />

rapides. Parce que, dans les deux cas, il y a une volonté politique<br />

de favoriser le véhicule électrique. Selon Daniel Le Breton : « La<br />

donnée fondamentale est que le véhicule rechargeable reste cher,<br />

qu’il se passera du temps avant que les coûteux supports fiscaux<br />

nécessaires à son développement et à celui des infrastructures<br />

électriques disparaissent, et qu’il faudra bien que quelqu’un<br />

les paye. La réaction de la clientèle est une grande inconnue :<br />

elle semble peu tentée de prendre des risques en achetant une<br />

nouvelle technologie, pourtant perçue <strong>com</strong>me attractive et ayant<br />

de l’avenir. L’électrification de la voiture est en marche, mais est-ce<br />

l’heure du tout électrique ? La question reste ouverte. »<br />

Jean-Jacques Cornaert<br />

N°16<br />

q<br />

27


<strong>com</strong>prendre<br />

la révolution tranquille<br />

de l’automobile<br />

la F1<br />

moteur d’idées<br />

En 1969, Elf remportait avec Matra son premier titre de champion du monde de Formule 1.<br />

En janvier 2009, <strong>Total</strong> et Renault, partenaires historiques depuis quarante ans au travers<br />

de la marque Elf, ont prolongé leurs accords de coopération. Hier <strong>com</strong>me aujourd’hui,<br />

rien ne remplace la F1 lorsqu’il s’agit d’innovations, de développements technologiques<br />

et de challenges humains.<br />

c<br />

hâssis en carbone, 605 kg à vide, moteur V8 de 750 chevaux à<br />

18 000 tours minute, freins en carbone, performances décoiffantes<br />

(de 0 à 100 km/h en environ deux secondes), développements aérodynamiques<br />

aux coûts exorbitants : difficile de trouver plus éloignée de la voiture de<br />

Monsieur Tout-le-monde qu’une F1 moderne. Pourtant, la discipline attire<br />

tous les plus grands constructeurs automobiles et les plus puissants pétroliers.<br />

Pourquoi ? Tout d’abord, la F1 est un sport très médiatisé (600 millions<br />

de téléspectateurs par an) offrant à ses acteurs un moyen de<br />

<strong>com</strong>munication hors norme. Les constructeurs peuvent ainsi pénétrer de<br />

nouveaux marchés (Grands Prix en Chine, au Brésil, en Turquie, au<br />

Moyen-Orient avec Bahreïn et Abu Dhabi), et les pétroliers gagner en notoriété<br />

sur leur image made in F1. Mais celle-ci n’est pas qu’une campagne<br />

publicitaire mondiale, c’est surtout une <strong>com</strong>pétition technologique sans<br />

pareille. « Sa grande spécificité est de pousser la technique au maximum dans<br />

les domaines les plus cruciaux de l’automobile : la performance et la fiabilité »,<br />

explique Philippe Girard, chef du Projet technique F1 pour <strong>Total</strong>. Bob Bell,<br />

directeur technique châssis d’ING Renault F1 Team, confirme : « La vitesse<br />

et la puissance de développement en F1 n’ont pas d’égal. »<br />

Des écuries très convoitées<br />

Voilà pourquoi l’incroyable évolution technique de la F1 a tant apporté à<br />

l’industrie et pas seulement automobile. Il y a eu notamment l’arrivée puis<br />

l’utilisation généralisée de la matière carbone dans le châssis. Imaginez<br />

qu’au Canada en 2007, Robert Kubica, pilote automobile polonais, est sorti<br />

d’un accident à 275 km/h (décélération de 75 G) avec seulement une<br />

petite entorse. Une victoire des <strong>com</strong>posites en fibre de carbone, à la fois<br />

robustes et légers. ING Renault F1 Team a d’ailleurs un partenariat technique<br />

dans l’aéronautique avec Boeing, qui inclut des études sur les matériaux.<br />

Une passionnante exposition se tiendra jusqu’au printemps 2010 au<br />

musée des Sciences de Londres. Son nom : “20 ways F1 is changing our<br />

world” (1) . Elle rend public toute une série de retombées au niveau de la vie<br />

quotidienne. Cela va de l’utilisation de matériaux d’échappements pour<br />

des satellites ou engins spatiaux, de l’adaptation des télémétries au suivi<br />

© ÉRIC VARGIOLU/DPPI<br />

médical des malades, du système de ravitaillement pour les chars militaires<br />

à l’invention de la première chaise roulante “monocoque”… Dans<br />

l’automobile, est cité le transfert sur les voitures de route de capteurs de<br />

crevaison. Les écuries F1 sont sans cesse approchées par des sociétés de<br />

tous les horizons pour l’achat de brevets et des techniques afin de les adapter<br />

à divers domaines. « La F1 et ses ingénieurs n’imaginent pas forcément<br />

toutes les retombées pour le grand public », sourit Philippe Girard.<br />

La conquête du numérique<br />

Mais en grande majorité, les retombées sont surtout indirectes. « Pour des<br />

raisons évidentes de coûts et d’exigences différentes, adapter une pièce de F1 à<br />

une voiture de série est impossible », reconnaît Bob Bell. Heureusement, le<br />

travail de développement sur des puissants logiciels aérodynamiques sera<br />

adapté demain à de gros calculateurs que la série n’a pas. ING Renault F1<br />

Team a inauguré, il y a peu, son centre CFD (Computational Fluid Dynamic).<br />

Cela désigne la mécanique des fluides numériques et permet, via un<br />

ordinateur très puissant, de modéliser l’interaction entre une monoplace et<br />

l’air, tous en mouvement. « Cette révolution devient pour nous une méthode<br />

systématique de développement, et notre savoir-faire en CFD est très convoité.<br />

Il bénéficiera d’abord à l’Alliance Renault/Nissan puis à tous », ajoute Bob<br />

Bell. La CFD est en passe de rendre obsolètes les très coûteuses souffleries<br />

à échelle 1, et cela peut s’envisager également pour la série.<br />

De la matière grise pour la série<br />

Dans le domaine moteur, même constat. « Nous avons des échanges fréquents<br />

avec nos collègues de la série, notamment sur les méthodes de calcul,<br />

les analyses de panne et les délais de mise sur le marché, précise pour sa part<br />

Rob White, directeur général adjoint (moteurs) d’ING Renault F1 Team.<br />

Les échanges temporaires ou permanents de personnel entre l’usine ING<br />

Renault F1 Team de Viry-Châtillon et la série sont nombreux. » On imagine<br />

le gain pour un constructeur <strong>com</strong>me Renault qui a vu Jean-Philippe Mercier,<br />

l’un des anciens patrons du développement Moteur en F1, devenir<br />

responsable des évolutions des futurs moteurs bicylindres ou tricylindres<br />

© GILLES LEVENT/DPPI<br />

disponibles à partir de 2011. Pour Philippe Girard, l’humain est au centre<br />

de la F1. « J’ai souhaité dans le projet <strong>Total</strong> que ce soit les mêmes équipes qui<br />

conçoivent les produits de gamme et de la <strong>com</strong>pétition. Ils testent les logiciels<br />

et mettent au point les méthodes d’évaluation pour les deux. » Souvent, il<br />

arrive aussi que des solutions techniques passent de la série à la F1, puis<br />

retournent à la série. Ce fut le cas des DLC (Diamond Like Carbon), des<br />

revêtements très durs de surface sur des pièces métalliques et nés de la<br />

fabrication d’un <strong>com</strong>posé carboné ressemblant au diamant. Le tout durcit<br />

les pièces et évite leur usure. « Ces techniques viennent des poids lourds mais<br />

ont été généralisées en F1 sur des petites pièces. Dans quelques années, on<br />

trouvera du DLC sur des arbres de distributions des véhicules de série avec des<br />

fiabilités extraordinaires. Renault maîtrise ses technologies-là. »<br />

En avance sur son temps<br />

Pour un pétrolier, la F1 est le sport mécanique où les retombées sont les<br />

plus riches. Leurs produits y sont très nombreux : lubrifiants classiques<br />

(moteur, boîtes de vitesse), liquide de refroidissement et autres additifs dans<br />

les circuits de refroidissement pour éviter la corrosion, graisses pour transmission,<br />

roulements ou suspensions, fluides hydrauliques. Soit hors carburant,<br />

entre 9 et 10 kilogrammes de produits pétroliers. « Dans un roulement,<br />

on est passé en dix ans de 18 grammes à moins de 2 grammes de graisse pour<br />

la même fonction et avec une protection meilleure», se félicite Philippe<br />

Girard. « On travaille aussi sur des nano-particules aux propriétés lubrifiantes<br />

très particulières qui baissent la friction, l’usure et la température. On ne les<br />

maîtrisait pas, il y a quatre ans. On verra dans un an des retombées pour le<br />

grand public et des implications industrielles. » La F1 sait aussi dire non,<br />

même à des idées pourtant politiquement correctes par ailleurs. C’est le cas<br />

pour les biocarburants : la F1 a refusé l’option des carburants bioéthanol de<br />

GraND prix d’Australie, Melbourne, mars 2009 (page précédente<br />

et ci-dessus, au centre). Grand Prix de Bahreïn, Sakhir, avril 2009<br />

(ci-dessus, à gauche). Vue extérieure du Centre de recherche<br />

de Solaize (CReS) de <strong>Total</strong>, dédié notamment à la formulation<br />

des produits pétroliers utilisés en F1 (ci-dessus, à droite).<br />

Grand Prix de Malaisie, Sepang, avril 2009 (ci-contre). Grand Prix<br />

de Chine, Shanghai, avril 2009 (ci-dessous).<br />

type E85, carburant qualifié d’écologique qui, sous sa forme actuelle, provient<br />

de ressources concurrentes de celles utilisées dans l’agroalimentaire,<br />

ce qui peut avoir des conséquences néfastes <strong>com</strong>me l’augmentation du prix<br />

du blé et du maïs. Le groupement des pétroliers de la F1, la Fofap (Formula<br />

One Fuels Advisory Panel) a rendu un avis défavorable à la Fédération internationale<br />

de l’automobile. Notons tout de même que le carburant F1 possède<br />

5,75 % de masse de produits dits “bio”. D’autre part, devançant la<br />

législation européenne, la FI a souvent pris en <strong>com</strong>pte la <strong>com</strong>posante écologique.<br />

Elle avait anticipé il y a déjà plusieurs années la réduction de teneur<br />

en soufre à 10 ppm (en 2009 pour la série) – l’oxyde de soufre étant à la base<br />

des pluies acides. La F1 avait alors dix ans d’avance.<br />

La F1 et l’avenir de l’automobile<br />

Les instances fédérales ont déjà lancé quelques pistes techniques. D’abord,<br />

celle en vigueur en 2009 – sans doute sans lendemain car trop onéreuse<br />

– de la récupération de l’énergie du freinage (dit SREC, Système de récupération<br />

d’énergie cinétique, KERS en anglais) stockée dans des batteries<br />

puis transformée en puissance moteur supplémentaire. Ensuite, la volonté<br />

de réduire la cylindrée des moteurs et d’aller vers un petit moteur turbo.<br />

« Les prochaines règles de la F1 devraient encourager une meilleure efficacité<br />

énergétique et une économie de carburant lors de la production des véhicules »,<br />

préconise Rob White. Le passage à l’injection directe est une éventualité.<br />

« Ce type d’injection est très répandu dans l’industrie automobile, remarque<br />

Philippe Girard. Il y a beaucoup à faire sur les pressions d’injection et la<br />

qualité de la <strong>com</strong>bustion. » Enfin, pour 2010, la F1 a supprimé les arrêts<br />

ravitaillement en essence. <strong>Total</strong> travaille déjà sur ce beau défi. « On aura le<br />

choix entre un carburant très léger mais moins énergétique pour rendre la<br />

voiture plus légère, ou un carburant plus énergétique mais plus lourd. En<br />

termes de produits, cela aura peu de retombées mais en sortira une très intéressante<br />

étude sur les équilibres entre performance et <strong>com</strong>position. » En F1,<br />

les idées ne manquent pas. n<br />

1- www.sciencemuseum.org.uk/visitmuseum/galleries/fast_forward.aspx.<br />

28 N°16 N°16<br />

29<br />

© GILLES LEVENT/DPPI<br />

© ÉRIC VARGIOLU/DPPI<br />

© FRANÇOIS F<strong>LA</strong>MAND/DPPI<br />

Nicolas Gehin<br />

© MARCO DUFOUR


<strong>com</strong>prendre<br />

la révolution tranquille de l’automobile<br />

panne d’image ?<br />

Égérie de la société de consommation ou créature diabolisée par<br />

un monde en quête d’air pur, l’automobile, figure structurante<br />

des paysages urbains, est un symbole des sociétés qu’elle parcourt.<br />

Le point sur des valeurs en mouvement.<br />

l’<br />

automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes<br />

cathédrales gothiques. » Quand en 1957 Roland Barthes publie ses<br />

Mythologies, introduction à la France des débuts de la société de consommation,<br />

il la place parmi les grands symboles de son temps – entre<br />

bifteck-frites et matchs de catch. « Une grande création d’époque », « un<br />

objet parfaitement magique » : la voiture d’après-guerre est vecteur de<br />

représentations si fortes qu’elle s’imprime dans l’imaginaire collectif<br />

<strong>com</strong>me un tout sacré et désirable, indispensable prolongement du corps<br />

lui-même. En cinquante ans, que s’est-il passé ? De sa généralisation à sa<br />

surconsommation, des “trente glorieuses” à la crise mondiale<br />

d’aujourd’hui, la sociologie de la voiture, son image, son usage se sont<br />

profondément modifiés.<br />

Une brève histoire de la voiture<br />

Contempler la divine “DS” des Mythologies, mais aussi admirer ses lignes<br />

rutilantes, “tâter” ses larges vitres et leurs joints souples, “peloter” ses coussins,<br />

respirer son odeur : la voiture d’alors est un objet charnel, quasi érotique.<br />

Dans la plupart des pays d’Europe et aux États-Unis, elle pénètre avec<br />

éclat dans la culture de masse. Entrée dans l’univers des possibles, parce<br />

que relativement bon marché, l’“auto” appartient symboliquement au plus<br />

grand nombre. Avec l’âge d’or de l’industrie automobile, la perception de<br />

la voiture se modifie. « La vitesse s’exprime ici dans des signes moins agressifs,<br />

moins sportifs, <strong>com</strong>me si elle passait d’une forme héroïque à une forme<br />

classique. » Finie la fureur de conduire façon bolide de cinéma. La virilité<br />

demeure, domestiquée. La voiture appartient à son conducteur ; elle est<br />

son conducteur. De là l’attention portée à son apparence, part essentielle<br />

du plaisir de conduire. Symbole de réussite sociale, la voiture définit son<br />

propriétaire. Design et couleur <strong>com</strong>ptent dans l’acte d’achat au même titre<br />

que puissance du moteur et nombre de chevaux.<br />

Statutaire, ostentatoire, la voiture des années 1950 est surtout l’outil de liberté<br />

par excellence. Elle le restera au fil de ses évolutions : après une période<br />

d’hyperconsommation dans les années 1960 et 1970 – les cimetières de<br />

voitures américains, tout le long de la mythique Route 66, en sont l’image la<br />

plus célèbre –, puis de multiplication effrénée des modèles dans les années<br />

1980, elle entame un processus de désincarnation dans les années 1990.<br />

« Et si le vrai luxe était l’Espace ? » s’interrogent d’immenses panneaux<br />

placés sur la route, où, au beau milieu d’un paysage marin, de gigantesques<br />

bibliothèques ont remplacé les falaises. « À vous d’inventer la vie qui va<br />

avec », clame son pendant, la publicité pour la petite citadine Twingo. Les<br />

deux slogans de Renault, mais également les voitures conçues par la marque,<br />

témoignent d’une vraie évolution de la perception de la voiture. « Renault<br />

est arrivé avec deux formats opposés, mais très proches dans leur conception,<br />

analyse Morgan Faivre, ancien directeur du planning stratégique de CLM<br />

BBDO et fondateur de l’agence de publicité Les Gros Mots. Auparavant,<br />

la voiture n’était qu’un outil de déplacement linéaire. Elle devient un lieu de<br />

vie. L’espace vendu se déplace. Il n’est plus seulement autour de la voiture,<br />

avec les trois points cardinaux valables jusqu’alors : le design, l’enveloppe du<br />

véhicule ; le danger autour de la voiture, la sécurité ; le chemin à parcourir, la<br />

fiabilité. » Le rêve de liberté associé à la voiture reste prégnant, mais la<br />

relation à l’objet s’est modifiée.<br />

Dans le même temps, le nombre de véhicules vendus dans les pays développés<br />

continue de croître, avec un record de plus d’une voiture par habitant<br />

atteint dans les années 2000.<br />

Les parkings de constructeurs pleins de voitures neuves qui ne trouvent<br />

pas preneurs ont remplacé les cimetières de carcasses abandonnées d’hier,<br />

note l’essayiste Pascal Bruckner. L’industrie automobile traverse une crise<br />

sans précédent. En France ou en Allemagne, cette chute est « masquée par<br />

des subterfuges, <strong>com</strong>me la prime à la casse qui, prenant prétexte d’une incitation<br />

à acheter des voitures propres, est en réalité un soutien masqué à<br />

l’ industrie automobile », selon Bruno Marzloff, sociologue spécialiste des<br />

mobilités et fondateur du Groupe Chronos. Mais en Espagne, aux États-<br />

Unis, au Japon, les chiffres sont « assourdissants ». Les raisons de ce coup<br />

d’arrêt ? À la flambée des cours du pétrole ont succédé ralentissement économique,<br />

crise financière et baisse du pouvoir d’achat. Les automobilistes<br />

se sont habitués à ne plus autant se servir de leur véhicule. Selon l’Observatoire<br />

de l’automobile Cetelem 2009, 65 % des Français et 58 % des Espagnols<br />

utiliseraient moins leur voiture qu’avant. Aux États-Unis, la Federal<br />

Highway Administration a calculé une diminution de 49 milliards de kilomètres<br />

effectués par les automobilistes sur les cinq premiers mois de l’année<br />

2008 par rapport à l’année précédente.<br />

physiologie de la nouvelle voiture<br />

Changement d’usage ou révolution automobile, crise<br />

conjoncturelle ou structurelle ? Pour Pascale Hebel, directrice<br />

du département Consommation du Credoc (Centre de recherche<br />

pour l’étude et l’observation des conditions de vie), le modèle automobile<br />

est fondamentalement remis en cause. L’automobile est le secteur le<br />

plus touché par la crise économique actuelle. « Le consommateur n’est plus<br />

attaché à l’objet. La crise ne fait qu’accentuer cette réalité : ce qui <strong>com</strong>pte<br />

aujourd’hui n’est pas de posséder une voiture, mais de pouvoir se déplacer. »<br />

Cette réalité est universelle. Autant les marchés se portent bien dans les<br />

pays émergents, <strong>com</strong>me la Chine, l’Inde ou le Brésil, autant l’achat effectué<br />

y est pragmatique. « Pour le consommateur chinois, la voiture est un<br />

pur moyen de transport. Il recherche avant tout un véhicule à bas prix qui<br />

consomme peu », affirme Yuan Tao, directeur chez Chery Auto. Au Brésil,<br />

la “voiture populaire “, née avec la fin de l’hyperinflation, destinée au<br />

plus grand nombre et consacrée par les nombreuses aides de l’État, « revêt<br />

un caractère utilitaire depuis qu’elle s’est démocratisée », confirme Glauco<br />

Arbix, professeur de sociologie à l’université de São Paulo.<br />

« Il y a une rupture dans l’image de la voiture : sa dimension statutaire<br />

s’effiloche au profit d’une dimension utilitaire », résume Bruno Marzloff,<br />

qui voit dans son downsizing la preuve d’une profonde mutation. Selon<br />

l’argus de l’automobile, en un an, la voiture moyenne en France a perdu<br />

2 centimètres, 40 kilogrammes, 5 chevaux et 58 centimètres cubes. Ses<br />

émissions de CO2 ont diminué de 10 grammes par kilomètre et son prix<br />

de 1 056 euros. Les pays industrialisés délaissent 4x4 et grosses berlines<br />

au profit des petites citadines pratiques, économiques et écologiques. En<br />

témoigne la faillite en juin dernier de General Motors, leader mondial<br />

de l’automobile de 1931 à 2007 aujourd’hui en restructuration, connu<br />

pour son produit phare, le mythique Hummer. « Un bunker sur roues »,<br />

<strong>com</strong>mente Morgan Faivre, décryptant l’une de ses publicités. Celle-ci<br />

montre un Hummer en gros plan, monstre terrible sur un paysage<br />

lunaire. « L’écriture de la surpuissance. Cette photo est une tentative d’intimidation<br />

: elle explicite le pourquoi du 4x4 en ville, fruit du désir de dominer<br />

le monde, et annonce sa fin : monstre d’égoïsme guerrier, ce type de<br />

véhicules n’a plus sa place dans notre société. »<br />

q<br />

30 N°16 N°16<br />

31<br />

© ROMAIN OSI/PICTURE TANk<br />

paris, 2002.<br />

NEw york, 2008.<br />

Tokyo, Shinjuku, 2008.<br />

© JEAN-LUC BERTINI/PICTURE TANk<br />

© <strong>LA</strong>URENT VILLERET/PICTURE TANk


© MYR MURATET/PICTURE TANk<br />

titre<br />

rubrisue<br />

Tokyo, centre-ville, 2007. HoNG koNG, carrefour de Tsim Sha Tsui, Kowloon, 2005.<br />

NEw york, 2008. © JEAN-LUC BERTINI/PICTURE TANk<br />

q Effet de la crise, mais aussi d’une nouvelle philo-<br />

modes d’utilisation apparaissent : le système d’autopartage, prévu à<br />

sophie du transport ? C’est ce qui semblerait se dégager<br />

Paris et en place à Lyon, fonctionne déjà aux États-Unis, où Zipcar<br />

d’une étude réalisée par BVA pour Fiat en France en<br />

<strong>com</strong>pte plus de 300 000 abonnés. Autres pistes : la “multimodalité” du<br />

juillet 2008, définissant un « Néo Conducteur ». Éco-cons-<br />

transport – choisi en fonction du trajet à parcourir – et son “intermodacient,<br />

il envisagerait avant tout l’achat automobile <strong>com</strong>me un<br />

lité” – panachage quotidien de transports (voiture jusqu’à la gare, puis<br />

acte citoyen. Premier critère de choix lors de l’achat d’un véhicule :<br />

métro, vélo, etc.). « Plus on est mobile, moins on se sert de sa voiture. Il<br />

sa consommation (47 % des sondés), immédiatement suivie par la sécurité<br />

ne s’agit pas de l’abandonner, mais de l’utiliser intelligemment. Pour<br />

(24 %) et les émissions de CO2 (15 %), quand le design atteint 7 % et la<br />

l’instant, on ne s’en sert que 5 % du temps… tous en même temps »,<br />

puissance à peine 3 %. Sécurité, environnement, les préoccupations des<br />

reprend Bruno Marzloff. Villes à péages, généralisation du stationne-<br />

conducteurs ont changé. « Jusqu’à présent, on n’a jamais montré qu’un<br />

ment résidentiel, couloirs de bus : l’Europe et les États-Unis préparent<br />

consommateur était prêt à payer plus pour le développement durable »,<br />

la nouvelle mobilité. Au Japon, avec la densité des conformations<br />

tempère Pascale Hebel. Si ce volet intéresse les pouvoirs publics, il n’est<br />

urbaines, le tournant a déjà été pris, et on soumet désormais dans les<br />

pas encore intégré par l’acheteur. Mais les subventions liées à l’achat d’un<br />

grandes villes l’achat d’une voiture à la possession d’un parking. À New<br />

véhicule écologique et les sanctions aux pollueurs <strong>com</strong>mencent à faire<br />

York, sur Broadway, quatre blocks ont été réaménagés et rendus à des<br />

leurs preuves : « L’écotaxe est une méthode efficace pour modifier les men-<br />

modes de transports dits “doux” : marche, vélo, etc. La valeur agressive<br />

talités. Elle culpabilise ceux qui doivent la payer. La pression sociale s’ad-<br />

de la voiture, mentionnée par Barthes, réapparaît. Non en tant qu’arjoint<br />

à l’action publique. »<br />

deur virile, sportive, érotique, mais <strong>com</strong>me une violence subie par tous.<br />

L’automobile véhicule des valeurs plus négatives qu’auparavant. Certaines<br />

publicités les tournent en dérision, <strong>com</strong>me celle de Volkswagen pour la<br />

Touareg, montrant un 4x4 citadin, maculé de chics monogrammes sur<br />

les ailes, le garde-boue et les roues. « L’image rit de la mauvaise conscience<br />

liée à la voiture. Parodie de traces de boue, clin d’œil au grand bagagiste<br />

mondial : on assume son égoïsme en le parant des vertus du luxe, du<br />

raffinement », déchiffre Morgan Faivre.<br />

De la passion amoureuse à la paisible vie familiale, puis au désamour, la<br />

relation de l’homme à la voiture s’est modifiée, influencée par les crises<br />

pétrolières, financières, climatiques et territoriales. Il n’est plus de bon<br />

ton d’aduler son véhicule, d’être séduit par lui. Et pourtant… Malgré<br />

l’injonction du durable, les entraves à la liberté, le dégoût provoqué par<br />

les embouteillages et la pollution, l’érotisme demeure dans un coin de<br />

l’inconscient. Ainsi, une étude menée par Hiscox, une <strong>com</strong>pagnie d’assurance<br />

anglaise, démontre, analyse du taux de testostérone à l’appui,<br />

que les rugissements des voitures de sport émoustillent toujours tous<br />

ceux qui les entendent. n<br />

Liberté, mobilité, globalité<br />

La véritable mutation est intrinsèque à la voiture : en se multipliant, elle<br />

s’est autodétruite… « La liberté formidable s’avère contre-productive. La<br />

massification de l’automobile crée un engorgement terrible, une congestion<br />

qui a transformé l’automobile en “auto-immobile” », note Bruno Marzloff.<br />

« Avant d’être celle de la voiture, la crise est celle des mobilités, des modes de<br />

vie et des territoires », tranche le sociologue. Ce n’est pas d’une “désaffection”<br />

que souffre la voiture. Elle a façonné un territoire, une accessibilité<br />

aux ressources humaines, un nouvel urbanisme. Elle reste nécessaire. La<br />

« dépendance automobile » est un phénomène réel, qui touche la majeure<br />

partie des populations du monde entier. Sans voiture, difficile de trouver<br />

un emploi, de s’insérer dans le tissu social. En France, deux trajets sur trois<br />

et 4 kilomètres sur 5 s’effectuent toujours en voiture.<br />

Mais la voiture devient servicielle. Espace public et privé se confondent.<br />

Le covoiturage, inimaginable encore à l’époque où la voiture<br />

était considérée <strong>com</strong>me une pièce de la maison, et dans laquelle on<br />

refusait d’inviter les inconnus, entre dans les mœurs. De nouveaux<br />

Laure Mentzel<br />

32 N°16 N°16<br />

© CYRUS CORNUT/PICTURE TANk<br />

approFondir<br />

q lire<br />

Powertrain 2020, China’s ambition to<br />

be<strong>com</strong>e market leader in E-vehicles,<br />

Roland Berger Strategy Consultants,<br />

April 2009.<br />

Véhicules propres et économes,<br />

Brochure Les solutions IFP,<br />

Institut français du pétrole.<br />

Le véhicule “grand public” d’ici 2030,<br />

Rapport de J. Syrota,<br />

Centre d’analyse stratégique, 2008.<br />

Pour une mobilité libre et durable,<br />

Bruno Marzloff et Daniel kaplan,<br />

Les Éditions FYP, 2009.<br />

Mobilités, trajectoires fluides,<br />

Bruno Marzloff, L’Aube, 2005.<br />

q consulter<br />

Constructeurs automobiles<br />

et équipementiers<br />

www.cheryinternational.<strong>com</strong><br />

www.siamindia.<strong>com</strong><br />

www.bmw.<strong>com</strong><br />

www.psa-peugeot-citroen.<strong>com</strong><br />

www.renault.<strong>com</strong><br />

www.valeo.<strong>com</strong><br />

Évolution des moteurs<br />

www.acea.be<br />

http://ec.europa.eu/environment/air/<br />

transport/co2/co2_home.htm<br />

www.greencarcongress.<strong>com</strong><br />

www.auto-innovations.<strong>com</strong><br />

www.moteurnature.<strong>com</strong><br />

www.gerpisa.univ-evry.fr<br />

Chimie de spécialités<br />

www.hutchinsonworldwide.<strong>com</strong><br />

www.crayvalley.<strong>com</strong><br />

www.bostik.<strong>com</strong><br />

www.atotech.<strong>com</strong><br />

Formule 1<br />

www.total-formule1.<strong>com</strong><br />

www.ing-renaultf1.<strong>com</strong><br />

www.f1technical.net<br />

Cabinets de consultants<br />

www.rolandberger.<strong>com</strong><br />

www.groupechronos.org<br />

33


l’énergie de partager<br />

Malgré sa haute silhouette reconnaissable à sa crinière blanche,<br />

Marco Dufour a le don de se fondre dans l’ombre pour œuvrer<br />

dans la lumière. Pourtant, mieux que tout autre, il connaît<br />

les facettes du Groupe : il y exerce depuis près de trente ans<br />

le métier de photographe d’entreprise.<br />

l’œil de total<br />

r ecruté en 1980, Marco<br />

Dufour exerce en réalité<br />

son métier depuis sa naissance, ou<br />

presque. Son père, le célèbre affichiste<br />

Dufour, l’a initié au dessin,<br />

ainsi qu’à la photo « avant même<br />

que je sache lire ! » Puis Marco a<br />

suivi la voie royale : il est entré dans<br />

la fameuse école CE3P dédiée aux<br />

métiers de la photo et de l’audiovisuel,<br />

avant de travailler sur le terrain.<br />

Chez <strong>Total</strong>, il a <strong>com</strong>mencé<br />

par photographier des “carottes”<br />

pour les géologues de Pau, puis<br />

des packagings pour la Chimie.<br />

Aujourd’hui, ses terres de prédilection<br />

sont l’Europe et l’Afrique, et il<br />

déclare son champ d’intervention<br />

« sans limite » : activités et sites<br />

industriels, centres de recherche,<br />

actions de mécénat et de développement<br />

durable, événements marquants,<br />

hommes du Groupe, populations<br />

locales…<br />

À la différence des photographes de<br />

presse ou indépendants qui sont spécialisés,<br />

le photographe d’entreprise<br />

est un généraliste. « Il doit savoir<br />

tout faire, donc maîtriser l’ensemble<br />

des techniques photogra phiques »,<br />

explique Marco. Car il lui est<br />

demandé de produire des photos<br />

de haute qualité, même lorsqu’elles<br />

sont prises dans des contextes<br />

difficiles. Ainsi, en mer du Nord,<br />

il lui est arrivé de photographier<br />

des plates­formes qui se jouaient<br />

du temps. « Une vraie chance, même<br />

si j’ai le mal de mer dès que je détache<br />

mon œil de l’objectif ! » préciset­il.<br />

Mais photographier les barges<br />

flottantes de production de pétrole<br />

(FPSO) dans le golfe de Guinée,<br />

au large de l’Angola et du Nigeria,<br />

reste à ses yeux une gageure très impressionnante.<br />

« Ces villes flottantes<br />

de 300 mètres de long (près de trois<br />

fois la longueur d’un terrain de foot)<br />

sont peu habitées et pourtant, il faut<br />

rendre perceptibles l’immensité de<br />

la structure, la haute technicité des<br />

opérations de production pétrolière<br />

par 2 000 mètres de fond et l’activité<br />

des hommes qui travaillent en trois-<br />

huit, vingt-quatre heures sur vingtquatre,<br />

sept jours sur sept. » Un clic<br />

ne saurait suffire, pas plus que des<br />

prises de vue en rafales ou le grand<br />

angle qui va incurver les lignes<br />

droites. Mettre la technique au<br />

service de la créativité est devenu<br />

le credo de Marco. Plus encore :<br />

un héritage, qui se transmet de<br />

génération en génération. Que<br />

voulez­vous, c’est dans les gènes :<br />

l’une des filles de Marco ne suitelle<br />

pas les traces de son père ?<br />

S’il est prêt à toutes les prouesses<br />

techniques pour servir le Groupe,<br />

à tous les courages pour faire de<br />

son métier un art, Marco Dufour<br />

sait s’imposer des limites : il a carrément<br />

refusé de plonger avec des<br />

bouteilles… Il a une excuse : il ne<br />

sait pas nager.<br />

Léa Malebranche<br />

marco dufour<br />

“Il faut maîtriser<br />

l’ensemble des techniques<br />

photographiques.”<br />

effet MIroIr<br />

Des panneaux solaires, étincelant reflet d’un monde en devenir.<br />

2008/France, Toulouse/Tenesol (filiale à 50 % de <strong>Total</strong><br />

et 50 % d’EDF)/Gaz & Énergies Nouvelles.<br />

CrystaL PaLaCe<br />

Lignes acérées, verre et acier : la tour<br />

Coupole culmine à 187 mètres.<br />

2003/France, La Défense /siège social.<br />

34 N°16 N°16<br />

35


aMarrages ChaMarrés. La souple rigidité d’une structure articulée quadrille l’océan.<br />

2007/Cameroun/Exploration & Production.<br />

À éCheLLe huMaIne. La silhouette casquée rend <strong>com</strong>pte du gigantisme des installations industrielles qu’elle parcourt.<br />

2008/Mozambique, Maputo/Raffinage & Marketing.<br />

Les quarantIèMes rougIssants. Chargé de 145 000 mètres cubes de gaz naturel liquéfié, le titanesque méthanier<br />

empourpre les latitudes espagnoles.<br />

2006/Espagne, port de Bilbao/Gaz & Énergies Nouvelles.<br />

36 N°16<br />

oMbre et LuMIère. L’association<br />

angolaise Mulemba, soutenue par <strong>Total</strong>,<br />

éclaire, en les scolarisant, l’avenir des<br />

enfants des rues.<br />

2007/Angola/Exploration & Production.


PoInts en susPensIon. Du haut de la majestueuse façade accidentée de la forteresse de Rabat,<br />

neuf siècles d’histoire vous contemplent… 2005/Maroc.<br />

38 N°16<br />

LIens durabLes. Des moules à joints<br />

<strong>com</strong>me des alliances : Hutchinson et ses filiales<br />

réalisent ensemble un travail d’orfèvre.<br />

2005/France, Château-Gontier, usine Le Joint<br />

Français/Chimie.


l’énergie d’analyser<br />

sanctions contre<br />

engagement :<br />

partir ou rester ?<br />

À l’heure où les États-Unis revoient certains principes qui guidaient, depuis des décennies,<br />

leur politique étrangère, le débat est relancé sur l’efficacité des politiques de sanctions<br />

ou d’engagement vis-à-vis des États vilipendés par une partie de la <strong>com</strong>munauté<br />

internationale. Un débat dans lequel l’entreprise a son mot à dire et son rôle à jouer<br />

dès lors qu’il s’agit de décider de partir ou de rester.<br />

n<br />

argis, mai 2008 : les ravages du cyclone et la grave crise humanitaire<br />

qui s’en est suivie ont rappelé au monde l’oubli dans lequel était tombé<br />

le Myanmar. En cause : un isolement dû principalement à la méfiance du<br />

régime, mais aussi à quinze années de sanctions politiques et économiques<br />

qui ont accru la pauvreté de la population. La politique internationale de<br />

sanctions, qui visait à faire pression sur la junte birmane et à préparer l’avènement<br />

de réformes politiques dans le pays, aurait-elle échoué ?<br />

Elle semble du moins sérieusement dans l’impasse. Nombreux sont les<br />

observateurs à pointer du doigt le manque de consensus international.<br />

De fait, le bilan effectué sur un siècle d’Histoire démontre (1) que les<br />

politiques internationales de sanctions ont bien souvent échoué, parce<br />

que des pays tiers permettaient au régime incriminé de les contourner<br />

en offrant des marchés, des partenaires <strong>com</strong>merciaux et des investisseurs<br />

alternatifs, voire un soutien politique. Une tendance qui s’est accrue au<br />

sortir de la guerre froide, avec l’émergence de nouvelles puissances économiques<br />

et la modification des rapports des forces en présence. Les âpres<br />

négociations pour tenter d’adopter une position <strong>com</strong>mune européenne<br />

en témoignent : le consensus peine à se trouver lorsqu’il s’agit d’imposer<br />

des sanctions multilatérales.<br />

En fait, pour être « efficace, explique François Géré, président de l’Institut<br />

français d’analyse stratégique (Ifas), une politique de sanctions doit être incontestablement<br />

légitime (le droit), coercitive de manière appropriée (la volonté)<br />

et durer suffisamment longtemps (le temps) (2) ». Dans le cas de l’Afrique du<br />

Sud, souvent cité en exemple d’une stratégie coercitive réussie, si les sanctions<br />

onusiennes contre l’apartheid « ont conduit à créer une situation favorable à<br />

un “changement de régime” pacifique en 1993, […] il ne faut pas oublier que<br />

la première résolution de l’ONU avait été adoptée en 1963 ». Mais en réalité, la<br />

vraie question est double : « Étant donné la spécificité du conflit et la nature du<br />

pays visé, les sanctions sont-elles l’outil adapté ? Si c’est le cas, lesquelles mettre<br />

40 N°16<br />

On touche là du doigt un aspect essentiel, qui pourrait expliquer la faillite<br />

de l’approche adoptée ces dernières décennies vis-à-vis du Myanmar. Ce<br />

qui a pu avoir quelque effet dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, alors<br />

intégrée à l’économie mondiale, n’a pas valeur de recette. Relatives au<br />

temps de l’Histoire et à l’espace des territoires, les politiques de sanctions<br />

appellent un examen au cas par cas, qui, pour le Myanmar, suscite un certain<br />

nombre de réserves. « La Birmanie est une économie du tiers-monde ;<br />

elle est donc immunisée contre le genre de pressions auxquelles l’Afrique<br />

du Sud était vulnérable (4) », analyse Derek Tonkin, ancien ambassadeur<br />

britannique en Thaïlande, au Vietnam et ancien diplomate en Afrique<br />

du Sud. Dans les pays où l’économie et l’information sont contrôlées<br />

par l’État, les régimes ne sont pas forcément impactés par les sanctions<br />

économiques ; ils en tirent au contraire des profits indirects, les sanctions<br />

rents, nés des distorsions et des opportunités d’arbitrage entre les prix du<br />

marché intérieur et ceux du marché mondial. Une pratique courante, par<br />

exemple, en ex-Yougoslavie durant la crise du Kosovo. Seules victimes<br />

de ces contournements : les populations, déjà lourdement pénalisées par<br />

un isolement qui les prive d’emplois. « La population finit souvent dans<br />

une plus grande dépendance alimentaire vis-à-vis du gouvernement, le<br />

système de rationnement se transformant alors en instrument de contrôle<br />

d’une redoutable efficacité », observe Tim Niblock, directeur de l’Institut<br />

d’ études arabes et islamiques à l’université d’Exeter. Or, dans le même<br />

temps, les sanctions fournissent à ces gouvernements « un alibi pour se<br />

disculper de leur mauvaise gestion de l’économie en rejetant le blâme sur<br />

les politiques vindicatives des puissances occidentales » (5) .<br />

Bien souvent, en effet, les sanctions renforcent également la mentalité d’assiégé<br />

des régimes visés et, avec elle, l’unité nationale autour de ceux-ci. Généralement<br />

imposées par les pays occidentaux, les sanctions sont présentées<br />

paradoxalement aux populations, à grand renfort de propagande, <strong>com</strong>me une<br />

idéologique du régime visé. « Le défiant régime de Castro est un témoignage<br />

vivant de la faillite des politiques américaine et, jusqu’à récemment, européenne<br />

de sanctions, constate le Dr Maung Zarni, professeur à l’université d’Oxford.<br />

Il n’est pas évident que les Cubains aient ainsi été aidés politiquement ou économiquement.<br />

» (6) Même constat pour l’Iran. « L’histoire de l’Iran démontre que<br />

tous les mouvements internes qui ont été soutenus par l’étranger ont perdu leur<br />

légitimité auprès de la population », rappelle Thierry Coville, chercheur associé<br />

à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’Iran<br />

contemporain. Or, la politique occidentale adoptée jusqu’à présent face au dossier<br />

du nucléaire iranien « est aussi ressentie par la population iranienne <strong>com</strong>me<br />

une attaque directe. C’est se tromper <strong>com</strong>plètement d’analyse que de croire qu’il<br />

est facile de séparer en Iran un “méchant” régime d’une “gentille” société ».<br />

Contre-productives, les sanctions ? Sans aucun doute au regard de la<br />

déstabilisation souhaitée des régimes et, surtout, du bien-être des populations.<br />

De fait, les pays visés souffrent souvent de problèmes endémiques (conflits,<br />

pauvreté, faibles niveaux de santé et d’éducation, absence de gouvernance<br />

et d’expertise sociopolitique) qui hypothèquent à court terme la perspective<br />

d’une après-dictature pacifique. Au Myanmar, à Cuba ou au Soudan, « un<br />

passage brutal à la démocratie qui ne réglerait pas ces conflits risquerait d’accentuer<br />

la fragmentation et de faire émerger une nouvelle génération de conflits,<br />

plus extrêmes encore », estime l’International Crisis Groupe (ICG) (7) . Ce fut<br />

précisément le cas en Irak ou en ex-Yougoslavie.<br />

Et c’est ce qu’aujourd’hui, un nombre croissant de Birmans déplorent. Parmi<br />

les anciens partisans des politiques de sanctions, ceux-là mêmes qui ont<br />

contribué au retrait d’investisseurs étrangers (ainsi le Dr Maung Zarni,<br />

ancien porte-drapeau de la Free Burma Coalition), des voix se font de plus<br />

en plus entendre pour dénoncer une politique rendue inefficace par l’absence<br />

de consensus international. Hillary Clinton déclarait récemment, en<br />

sa qualité de nouveau secrétaire d’État américain, que « clairement, la voie<br />

sur la junte birmane » (8) . Et Barack Obama vient de tendre la main à l’Iran<br />

ainsi qu’à Cuba… Quelque chose serait-il donc en train de changer ?<br />

L’épisode tragique de Nargis, en tout cas, a relancé le débat sur l’isolement<br />

du Myanmar. Après le passage du cyclone, alors que les frontières birmanes<br />

étaient fermées à l’aide internationale, les réponses de première urgence ont<br />

été en grande partie apportées par ceux qui étaient déjà là. Parmi eux – majoritairement<br />

des ONG –, une multinationale étrangère : <strong>Total</strong>. « À lui seul, le<br />

Groupe a débloqué 2,2 millions de dollars, précise Jean-François Lassalle,<br />

directeur des Relations extérieures pour l’Exploration & Production. Ce n’est<br />

pas rien, <strong>com</strong>paré aux sommes allouées par de nombreux États. En outre, <strong>Total</strong>,<br />

du fait de sa présence dans le pays, a également pu apporter sur le terrain une<br />

assistance logistique et matérielle très efficace… »<br />

“Être là” sur le territoire birman n’est pourtant pas anodin pour un acteur<br />

étranger. Pas anodin, en effet, d’investir dans un pays soumis à de très fortes<br />

tensions internes, où la situation des droits de l’homme est régulièrement<br />

dénoncée. Est-ce une raison pour céder à la pression de l’opinion publique et<br />

partir ? Oui, diront ceux, tels Burma Campaign ou Earthrights International,<br />

qui voient dans la présence au Myanmar de <strong>com</strong>pagnies étrangères et d’ONG<br />

humanitaires une collaboration indirecte qui conforte, financièrement et<br />

moralement, un régime « condamnable » (9) . Qui voient dans l’« engagement<br />

constructif » une « <strong>com</strong>plicité objective » des violations des droits de l’homme<br />

régulièrement dénoncées dans le pays.<br />

Entreprises, ONG, gouvernements, touristes mêmes : chaque acteur doit<br />

prendre ses responsabilités devant les enjeux et les implications d’une présence<br />

dans ce type de pays. Responsabilité morale, responsabilité<br />

en place pour parvenir à quelles fins (3) ? » agression impérialiste, voire néocolonialiste… confortant ainsi la légitimité<br />

des sanctions dans laquelle nous nous sommes engagés n’a pas eu d’influence<br />

q<br />

© Melissa Goldstein. CopyriGht : Veilhan/adaGp, paris, 2009<br />

N°16<br />

Le Grand MobiLe, 2004<br />

Xavier Veilhan.<br />

41


© tous droits réserVés Christie’s. CopyriGht : Veilhan/adaGp, paris, 2009.<br />

q<br />

géopolitique. Responsabilité socio-économique aussi. Car ceux qui ont<br />

choisi de partir ont souvent laissé derrière eux des milliers d’hommes et de<br />

femmes sans emploi, sans solution autre, dans bien des cas, que la lutte pour la<br />

survie, la prostitution, le trafic de drogue ou l’engagement dans l’armée (seule<br />

voie d’ascension sociale aujourd’hui pour les Birmans). Était-ce la solution ?<br />

Et lorsqu’un groupe britannique se retire en 2008 du Zimbabwe, supprimant<br />

4 000 emplois dans une économie déjà exsangue, est-ce la solution ?<br />

Si le dilemme est réel, certains constats amènent à réfléchir. L’aide dispensée<br />

par <strong>Total</strong> après le passage de Nargis, aussi relative soit-elle, montre <strong>com</strong>bien<br />

une présence internationale dans un pays <strong>com</strong>me le Myanmar peut<br />

contribuer de manière positive à l’amélioration du sort des populations. En<br />

témoignent également les résultats du programme socio-économique d’ac<strong>com</strong>pagnement<br />

mis en place par le Groupe et ses partenaires dans la région<br />

du gazoduc de Yadana. Après quinze ans d’existence, son efficacité est largement<br />

reconnue. Les militants d’Actions Birmanie ne voient peut-être là qu’un<br />

« pâle pansement » (10) destiné à <strong>com</strong>penser une collaboration condamnable<br />

avec le régime. Mais en jugeant de telles actions insuffisantes, ils reconnaissent<br />

implicitement la réalité de ses retombées : division par trois à vingt de la<br />

mortalité associée aux principales pathologies locales, doublement des effectifs<br />

scolaires, création d’infrastructures et mise en place de systèmes visant<br />

à éradiquer le travail forcé dans la région (11) … « <strong>Total</strong> fournit un soutien très<br />

substantiel aux <strong>com</strong>munautés voisines du gazoduc, probablement supérieur à<br />

ce que les Nations unies font elles-mêmes dans le reste du pays », note Charles<br />

Petrie, représentant des Nations unies au Myanmar (12) . Que pourrait, dès<br />

lors, devenir le pays avec l’arrivée d’autres opérateurs économiques responsables,<br />

dont les interventions pourraient démultiplier les résultats obtenus par<br />

<strong>Total</strong> dans sa zone ? Et si la probabilité que la Birmanie redevienne un jour<br />

démocratique était plus forte avec l’arrivée de trente <strong>Total</strong> qu’après le départ<br />

de cette <strong>com</strong>pagnie du pays ? Encore faut-il, répondent certains représentants<br />

de la société civile, que se mette en place un contrôle satisfaisant des revenus<br />

pétroliers générés par le projet gazier.<br />

En attendant, de nombreux rapports (13) voient dans le développement économique<br />

un préalable essentiel à l’établissement d’une meilleure gouvernance<br />

dans les pays à régime autoritaire. Et incitent à réfléchir. « Il n’existe<br />

aucun exemple au monde de transition aboutie vers la démocratie qui ne soit<br />

42 N°16<br />

Le MobiLe, 2005<br />

Xavier Veilhan.<br />

allée de pair avec l’émergence d’une classe capitaliste, avec des investissements<br />

et la création d’emplois », estime ainsi Ian Holliday, doyen de la faculté des<br />

sciences sociales à l’université de Hong-Kong (14) . De fait, la coopération<br />

économique finit souvent par promouvoir des groupes sociaux dotés d’une<br />

puissance économique indépendante qui peuvent agir <strong>com</strong>me contrepoids à<br />

l’État et favoriser l’expansion des libertés civiles et politiques. En la matière,<br />

l’Histoire recèle bien des exemples : Chili, Taïwan, Corée du Sud, Albanie,<br />

autant de pays où les réformes économiques ont finalement débouché sur<br />

des réformes politiques.<br />

Les politiques d’“engagement constructif” se fondent sur ces observations.<br />

L’ambition des tenants de cette stratégie alternative aux politiques de sanctions<br />

? Rehausser le niveau de vie général de la population des pays en crise<br />

pour lui permettre de prendre en main son destin – car ce n’est pas contraint<br />

à la lutte quotidienne pour sa survie qu’un peuple peut être acteur du changement.<br />

Pour y parvenir, les partisans de l’engagement misent sur la création<br />

d’un espace de « dialogue critique » avec les régimes. Des aides conditionnelles<br />

sont proposées (aides économiques et assistance au développement,<br />

accords <strong>com</strong>merciaux et investissements, diplomatie active, coopération<br />

militaire, etc.) en échange de réformes ou d’avancées politiques en faveur<br />

des populations : libération de prisonniers politiques, engagement à réaliser<br />

une réforme constitutionnelle, formation au respect des droits de l’homme,<br />

etc. Une telle stratégie ne fonctionne que si les engagements réciproques sont<br />

suivis de part et d’autre dans le temps. Dans ce cas, l’engagement constructif<br />

peut avoir nombre d’effets indirects positifs sur la situation du pays concerné :<br />

réduction du sentiment de menace extérieure et ouverture à la <strong>com</strong>munauté<br />

internationale ; création de contre-pouvoirs économiques et, par extension,<br />

politiques au sein de la société civile ; introduction dans le pays de standards<br />

internationaux (droits de l’homme, protection sociale, niveau de salaire, sécurité,<br />

hygiène, environnement), qui peuvent avoir un effet d’entraînement sur<br />

la législation locale, etc.<br />

Dans ces retombées indirectes, les entreprises étrangères ont évidemment leur<br />

rôle à jouer. Non seulement en matière de développement économique, mais<br />

également en matières éthique et “sociopolitique”. Durant l’apartheid, les<br />

investisseurs européens présents en Afrique du Sud ont, par exemple, adhéré à<br />

un code de conduite qui refusait l’application de la ségrégation raciale. « C’est<br />

analyser<br />

sanctions contre engagement : partir ou rester ?<br />

ce qui a conduit plus tard Nelson Mandela (15) à remercier l’Anglo-Dutch Shell<br />

et British Petroleum pour être restés dans le pays et avoir encouragé la création<br />

de syndicats et la formation de Sud-Africains, toutes couleurs de peau confondues<br />

», rappellent les journalistes Matthew Swibel et Soyoung Ho (16) . Ainsi,<br />

dans le cas du Myanmar, <strong>Total</strong> constitue-t-il un témoin occidental sur place<br />

avec ses normes, son code de conduite et, surtout, les projecteurs de l’opinion<br />

publique braqués sur lui. « Si <strong>Total</strong> se retirait du pays, non seulement les revenus<br />

de la junte ne seraient pas affectés, car celui-ci serait immédiatement remplacé<br />

par un autre investisseur dans le consortium, mais les populations perdraient<br />

les bénéfices des normes éthiques et sociales que le Groupe s’emploie à respecter<br />

», soutient Jean-François Lassalle. Un argument qui ne fait, selon Frédéric<br />

Debomy, président de l’association Info Birmanie, que « justifier un manque<br />

d’éthique au prétexte qu’il existe des concurrents peut-être moins scrupuleux<br />

encore (17) ». Il n’en reste pas moins, rétorque Derek Tonkin, que sans le groupe<br />

français, le gouvernement birman pourrait s’enrichir davantage encore « en<br />

taillant franchement dans les programmes humanitaires et sociaux introduits<br />

par <strong>Total</strong> (18) » et en récupérant la part du budget correspondante.<br />

Si le rôle de l’entreprise est avant tout de réaliser des projets économiques<br />

rentables, sans ingérence dans les affaires politiques des États, son souci con<strong>com</strong>itant<br />

du développement socio-économique et du bien-être des populations<br />

ne lui donne-t-il pas une responsabilité “politique” implicite ? Il n’est pas anodin,<br />

en tout cas, que <strong>Total</strong> ait pris l’initiative d’un soutien financier à l’Unitar<br />

(United Nation Institute for Training Research) pour former les fonctionnaires<br />

birmans à la bonne gouvernance et aux règles onusiennes. Il n’est pas anodin<br />

non plus que son directeur général, Christophe de Margerie, ait rencontré à<br />

deux reprises la représentante de l’opposition birmane, Aung San Suu Kyi.<br />

« S’il s’est toujours tenu, conformément à ses principes, dans une attitude de<br />

stricte neutralité vis-à-vis du pouvoir, le Groupe mène toutefois un dialogue<br />

critique avec les autorités sur le travail forcé et la situation politique », souligne<br />

Jean-François Lassalle. <strong>Total</strong> : un médiateur provisoire en attendant que des<br />

interlocuteurs plus légitimes reprennent la main à la faveur de relations “normalisées”<br />

entre la <strong>com</strong>munauté internationale et le Myanmar ?<br />

Évidemment, à court terme, les politiques d’engagement ont un coût : enrichissement<br />

du régime, critiques de l’opinion publique, menace électorale…<br />

Mais elles méritent d’être mises en œuvre, car elles semblent pouvoir créer,<br />

mieux que les politiques de sanctions, les conditions du changement attendu<br />

dans les pays visés. C’est, en tout cas, dans cette voie qu’un nombre croissant<br />

de gouvernements semblent vouloir aujourd’hui s’engager. « Cette politique<br />

de dialogue trouve un écho favorable auprès de nombreux gouvernements européens<br />

ainsi que d’un nombre croissant de hautes personnalités d’Asie du Sud-Est,<br />

d’Europe et au niveau international », rappelle Jean-François Lassalle.<br />

Toute stratégie coercitive n’est pas pour autant à proscrire. Le tout est de choisir<br />

les sanctions adaptées : pressions diplomatiques, smart sanctions (sanctions<br />

intelligentes) ciblées sur les dirigeants des pays incriminés (gel des <strong>com</strong>ptes<br />

bancaires, interdictions de visa et de séjour, etc.), aides conditionnelles, etc.<br />

Cette “double stratégie” associant sanctions et engagement est celle préconisée<br />

par de nombreux experts sur le dossier soudanais. « Seules de fortes<br />

pressions amèneront le gouvernement soudanais à accepter la force de maintien<br />

de la paix des Nations unies et de l’Union africaine, à négocier avec l’Occident,<br />

à démanteler la milice Janjawid, à permettre aux réfugiés de la guerre civile de<br />

retourner dans leurs villages et à faire la paix avec les rebelles du Sud, estime<br />

Stephen Eric Bronner, professeur de sciences politiques à l’université Rutgers<br />

du New Jersey. Mais pour atteindre ces objectifs, il faut coopérer avec le gouvernement<br />

de Khartoum (19) . »<br />

Tout repose au fond sur l’inscription de telles actions dans le temps. Car, pardelà<br />

l’enjeu de court terme que représentent les rapports de force internationaux,<br />

on ne saurait oublier de préparer le temps des générations futures. C’est<br />

un enjeu d’autant plus important pour une industrie de long terme <strong>com</strong>me<br />

l’industrie extractive, qui ne peut « retirer ses investissements aussi vite que les<br />

gouvernements changent leurs politiques » (20) , rappelle Derek Tonkin, mais<br />

doit asseoir son “acceptabilité” dans des pays où elle est souvent présente plus<br />

de quarante ans. « Aujourd’hui, l’installation dans un pays en crise nécessite<br />

une étude sociopolitique beaucoup plus fine que ce qu’un investisseur pouvait<br />

réaliser il y a vingt ans, analyse Jean-François Lassalle. La stratégie d’acceptabilité<br />

des entreprises a changé et, avec elle, la nécessité d’être exemplaire dans des<br />

pays où l’entreprise n’a plus le droit à l’erreur. » Ainsi, au Myanmar, c’est avant<br />

tout « sur le terrain, confronté aux réalités quotidiennes », que le Groupe s’est<br />

construit « un modèle de gestion en situation difficile ». Un modèle que <strong>Total</strong><br />

entend appliquer dans toutes ses opérations futures en contexte similaire. « Les<br />

leçons à tirer du cas birman sont aussi multiples que précieuses pour envisager,<br />

par exemple, une présence future au Soudan, le jour où les conditions seront<br />

réunies pour y reprendre nos opérations. Plus que jamais, il importera d’exercer<br />

une vigilance permanente, en nous appuyant notamment sur des partenaires<br />

externes et en pratiquant des évaluations régulières, indépendantes et documentées.<br />

» Les solutions miracles n’existent pas : face à des situations aussi<br />

<strong>com</strong>plexes, seule la voie du dialogue constructif peut permettre de définir,<br />

collectivement, les approches les plus adaptées. n<br />

N°16<br />

Laure Becdelièvre<br />

1- Cf. G. Hufbauer, J. Schott, K. Elliott and B. Oegg, Economic Sanctions Reconsidered<br />

3 rd Edition, juillet 2005 (Washington, DC – Institute for International Economics).<br />

2- Iran et Corée du Nord : pour ou contre une politique de sanctions ? (Ifas, 2006).<br />

3- Ibidem.<br />

4- Lettre de juin 2005.<br />

5- “Irak, Libye, Soudan : efficacité des sanctions ?”, in Politique étrangère 1, 2000<br />

(traduit par Loulouwa T. Al Rachid).<br />

6- “Zar Ni : Western pressure on Burma isn’t working”, in The Independent,<br />

4 janvier 2006.<br />

7- “Myanmar : sanctions, engagement or another way forward?”, ICG Asia Report n° 78,<br />

Yangon/Brussels, 26 avril 2004.<br />

8- Déclaration du 17 février 2009 à Jakarta.<br />

9- Voir, par exemple, le site www.info-birmanie.org<br />

10- “Carte blanche” dans Le Soir, 23 mai 2008.<br />

11- Voir le site birmanie.total.<strong>com</strong><br />

12- Déclaration du 29 novembre 2007.<br />

13- Cf. les rapports Huntington (1991), Prezworski et Limongi (1997), Diamong (1999).<br />

14- Reuters, 5 octobre 2007.<br />

15- Qui a contribué au numéro 31 (printemps 1997) d’Énergies, magazine externe<br />

de <strong>Total</strong>.<br />

16- “The Sanctions Myth”, in Forbes, 24 octobre 2007.<br />

17- Rue89, tribune du 2 octobre 2008.<br />

18- “Un départ de <strong>Total</strong> de Birmanie n’aurait guère d’effet sur la junte”,<br />

AFP, 2 octobre 2007.<br />

19- Une nouvelle chance pour le Darfour, Project Syndicate, 2008<br />

(traduit de l’anglais par Magali Adams).<br />

20- Lettre au Burma Digest, 25 janvier 2006.<br />

43


L’Énergie de dÉcouvrir<br />

iL ÉtAit une foi…<br />

Il y a déjà trente-cinq ans, <strong>Total</strong> initiait au Nigeria un système de gérance<br />

des stations-service fondé sur la promotion interne et la responsabilisation de tous<br />

les employés. Il a ensuite été étendu à une vingtaine de filiales africaines.<br />

Le Groupe détient aujourd’hui le premier réseau du pays et, avec 3 700 stations,<br />

le premier d’Afrique.<br />

A<br />

vec au moins cent quarante millions<br />

d’habitants, le Nigeria est le pays le plus<br />

peuplé d’Afrique. Cette fédération de trente-six<br />

États est aussi la deuxième puissance économique<br />

du continent, derrière l’Afrique du Sud.<br />

En 2008, sa croissance économique approchait<br />

les 7 %. Les hydrocarbures concentrent 90 %<br />

des investissements directs étrangers et représentent<br />

39 % de son produit intérieur brut. Le<br />

pays est le cinquième exportateur mondial de<br />

pétrole et se situe déjà à la onzième position des<br />

pays exportateurs de gaz naturel. Et l’exploration<br />

en offshore profond a, pour sa part, encore<br />

de belles découvertes à réaliser.<br />

Le Nigeria est un grand pays, potentiellement<br />

riche, anglophone et peuplé de femmes et<br />

d’hommes ambitieux et qualifiés.<br />

Et pourtant, le Nigeria est, parmi les plus importants<br />

producteurs mondiaux d’hydrocarbures, le<br />

seul à présenter un déficit budgétaire récurrent ;<br />

71 % de la population vivent avec moins de 1 dollar<br />

par jour et l’espérance de vie est de 46 ans. La<br />

demande potentielle en électricité peut osciller<br />

entre 10 et 15 000 MW, tandis que le pays en<br />

produit au mieux 3 000. Les deux tiers de la<br />

population sont ainsi dépendants du bois pour<br />

leurs ressources énergétiques.<br />

Bien qu’ayant la capacité théorique de produire<br />

3 millions de barils par jour, le Nigeria importe<br />

l’essentiel de ses produits raffinés. Les quatre raffineries<br />

locales peinent à fournir 10 % de l’essence<br />

qui est consommée chaque jour, <strong>com</strong>me ici dans<br />

les gigantesques embouteillages de Lagos.<br />

Il est difficile de travailler au Nigeria. Difficile<br />

pour les étrangers, soumis à des contraintes de<br />

sécurité permanentes, difficile aussi pour les<br />

Nigérians, dont près de la moitié s’agglomère<br />

dans les villes où circuler est très vite devenu un<br />

cauchemar. Comme dans toutes les zones<br />

urbaines à fort développement, le grand écart<br />

social se creuse, l’anarchie règne et la loi du<br />

plus fort s’impose. La corruption et le banditisme,<br />

souvent liés, sont les deux fléaux de la<br />

nation avec lesquels chacun doit <strong>com</strong>poser. Les<br />

pipelines de gaz et d’huile sont régulièrement<br />

attaqués. Du fait de leur éloignement des côtes,<br />

les activités d’exploration et de production de<br />

<strong>Total</strong> en offshore profond sont moins exposées<br />

au piratage que celles d’autres <strong>com</strong>pagnies présentes<br />

dans le delta du Niger. Dans la distribution<br />

des carburants, cela a pu se traduire par<br />

« des difficultés à contrôler les réseaux de stations<br />

et à éviter la multiplication des fraudes », explique<br />

Dominique Thiolon, le directeur général<br />

de <strong>Total</strong> Nigeria PLC de la branche Raffinage<br />

& Marketing du Groupe.<br />

De l’espoir à la fidélité<br />

<strong>Total</strong> est présent depuis 1956 sur le marché<br />

nigérian, jusqu’alors dominé par des <strong>com</strong>pagnies<br />

anglo-saxonnes. « À partir de 1974, raconte<br />

l’ingénieur Kanu Ukonne, ancien directeur au<br />

sein de la filiale et aujourd’hui administrateur,<br />

Jean Le Page, qui était alors directeur général, a<br />

imaginé un modèle de distribution, baptisé Jeunes<br />

Gérants, permettant à <strong>Total</strong> de se distinguer<br />

des autres <strong>com</strong>pagnies. Fort de son expérience et<br />

de ses observations dans l’est du pays, où il avait<br />

démarré sa carrière nigériane, il a voulu développer<br />

un réseau basé sur le service et la fidélisation<br />

44 N°16<br />

de collaborateurs sérieux, honnêtes et susceptibles,<br />

malgré leur très modeste niveau d’études,<br />

de prendre des responsabilités dans les stationsservice.<br />

»<br />

Le système des Jeunes Gérants repose de fait<br />

sur la promotion. Plutôt que de confier des<br />

stations-service à des gérants financiers propriétaires<br />

du fonds de roulement, l’idée est d’identifier<br />

des collaborateurs dont le potentiel leur<br />

permettra de prendre en charge la gestion d’une<br />

station avec l’appui financier de <strong>Total</strong> pour<br />

qu’ils puissent, à terme, constituer leur propre<br />

fonds de roulement. On <strong>com</strong>mence ainsi pompiste,<br />

puis assistant chef de piste, chef de piste,<br />

gérant intérimaire et enfin gérant à part entière.<br />

Le principe peut paraître simple et pas franchement<br />

révolutionnaire, mais c’est ignorer les obstacles<br />

qu’il a fallu surmonter. Le premier est<br />

naturellement d’ordre financier, puisque, par<br />

définition, les Jeunes Gérants n’apportent pas<br />

de fonds. C’est donc la <strong>com</strong>pagnie qui doit faire<br />

l’avance des stocks, du moins au début. « Le<br />

fonds de roulement est apporté par <strong>Total</strong>, mais<br />

ensuite le Jeune Gérant doit constituer un fonds<br />

de sûreté financé dans le temps sur ses propres<br />

revenus », précise Kanu Ukonne. Chaque station<br />

étant la propriété de <strong>Total</strong> (c’est le modèle<br />

CODO : Company Owned, Dealer Operated),<br />

la gestion est beaucoup plus lourde et le développement,<br />

plus lent. Une forme d’investissement<br />

et de pari sur l’avenir qui a porté ses fruits,<br />

puisque depuis 1986, <strong>Total</strong> figure en tête du<br />

réseau nigérian. « Nous avons 550 stations-<br />

service, dont environ deux tiers sont issues du<br />

modèle Jeunes Gérants, explique encore q<br />

Station aSokoro,<br />

Abuja.<br />

reportage : © Marc roussel/total


Sur la route De l’aéroport, quartier<br />

de Makoko, Lagos (en haut). Ms L. O. Amaechi,<br />

gérante chez <strong>Total</strong> depuis 1964 (ci-dessus, à gauche).<br />

Chief Christopher Osaigbovo, gérant de la Festac<br />

3 rd Gate Station, Lagos (ci-dessus, à droite).<br />

dÉcouvrir<br />

iL ÉtAit une foi…<br />

Dominique Thiolon. C’est le plus grand<br />

réseau d’Afrique de l’Ouest détenu par une <strong>com</strong>pagnie<br />

étrangère et nous avons réussi, grâce à ce<br />

système, à fidéliser les gérants et à promouvoir de<br />

la meilleure façon possible notre marque. »<br />

Dieu, Drogba… et total<br />

Morceaux choisis. Une rapide tournée de quelques<br />

stations-service soigneusement sélectionnées<br />

par Nelson Ihetu, responsable des relations<br />

avec les investisseurs, donne immédiatement la<br />

nature du lien qui unit les employés à leur<br />

gérant et ces mêmes Jeunes Gérants à <strong>Total</strong>.<br />

À Lagos, station Herbert-Macoulay, plus connue<br />

sous le doux acronyme de HM272. C’est la plus<br />

vieille station <strong>Total</strong> au Nigeria. Ouverte en<br />

1956, elle est dirigée par Louisa Onyeoherebara<br />

Amaechi, travaillant pour <strong>Total</strong> depuis 1964 et<br />

devenue “Jeune Gérante” en 1989. D’elle, Mac-<br />

Harry Sobifa, 29 ans et numéro deux de la station,<br />

dit : « Elle est ma mère idéologique. »<br />

Abuja, la nouvelle capitale au centre du pays.<br />

Station Asokoro, la plus grosse station-service<br />

de la ville. Douze pompes, 2,5 millions de litres<br />

de carburant vendus chaque mois, ouverte<br />

24 heures sur 24. Kabiru Rilwan Ahmed est le<br />

chef de piste, en attente de l’ultime promotion.<br />

Son père était déjà gérant, il a vingt-quatre<br />

frères et sœurs et travaille à 300 kilomètres de<br />

sa famille, qu’il voit une fois par mois.<br />

– Qu’est-ce que vous aimez dans votre travail ?<br />

– <strong>Total</strong> a une politique de qualité, de service et<br />

de sécurité que j’aime.<br />

– Qu’est-ce que vous n’aimez pas ?<br />

– Quand il y a des ruptures de stock.<br />

Lagos encore. Festac 3 rd Gate. Cette fois-ci nous<br />

sommes à la plus grosse station de la plus grosse<br />

ville nigériane, qui est aussi l’une des plus grosses<br />

villes du monde. Chief Christopher Osaigbovo (il<br />

porte ce titre honorifique en reconnaissance de<br />

ses états de service auprès de sa tribu), 53 ans, a<br />

<strong>com</strong>mencé <strong>com</strong>me pompiste en 1975 et dirige<br />

cette station depuis 2001. Quarante-trois<br />

employés qui, <strong>com</strong>me un seul homme, nous<br />

accueillent bras levés et toutes voix dehors :<br />

« <strong>Total</strong> ! You know where to turn ! », que l’on traduira<br />

aisément par le non moins retentissant :<br />

« <strong>Total</strong>, vous ne viendrez plus chez nous par<br />

hasard ! ».<br />

Benin City, enfin. À la lisière du delta du Niger.<br />

La station Lagos Road est dirigée par Lawrence<br />

Ebo-Ozele. C’est un dignitaire local de l’église<br />

pentecôtiste qui, <strong>com</strong>me tous, a <strong>com</strong>mencé<br />

pompiste. Il a sept enfants qui ont pu faire des<br />

FeStac 3 rD Gate Station, Lagos ; Otti Funmi,<br />

pompiste (ci-dessous, à gauche). Station Asokoro, Abuja ;<br />

Kabiru Rilwan Ahmed, chef de piste (ci-dessous).<br />

études à l’université grâce à la réussite de leur<br />

père. Comme d’autres, croisés à Benin, à Abuja<br />

ou à Lagos, il déclare sans emphase ni la moindre<br />

obséquiosité : « Dans ma vie, il y a Dieu… et<br />

ensuite il y a <strong>Total</strong>. »<br />

Et sans être inconvenant, on pourrait parfaitement<br />

ajouter Drogba, Ronaldo et leurs amis du<br />

ballon rond tant les maillots de Chelsea, Manchester<br />

ou Liverpool fleurissent dans les rues et<br />

sur les épaules des Nigérians. C’est dire où ces<br />

chefs d’entreprise placent la <strong>com</strong>pagnie qui<br />

leur a donné la chance de devenir des hommes<br />

respectés et prospères. On <strong>com</strong>prend très bien à<br />

leur contact et au regard des conditions de vie<br />

de l’immense majorité de la population qu’il<br />

n’y a aucune flagornerie dans leurs propos. Audelà<br />

même des objectifs initiaux, le modèle<br />

Jeunes Gérants a engendré une relation d’ordre<br />

affectif et rempli une fonction sociale. La plupart<br />

d’entre eux sont des fils de paysans, ont eu<br />

l’opportunité de suivre les formations dispensées<br />

par <strong>Total</strong> et d’accéder, après quelques<br />

années de bons et loyaux services, au Graal de<br />

la distribution. Histoire drôlement gaie de l’ascenseur<br />

social dont émergent généralement les<br />

réussites les plus spec ta culaires.<br />

« L’une des caractéristiques du modèle<br />

46 N°16 N°16<br />

47<br />

q<br />

q


dÉcouvrir<br />

iL ÉtAit une foi…<br />

q<br />

Jeunes Gérants, confirme Dominique<br />

Thiolon, c’est de maintenir une relation quasi<br />

paternaliste avec l’entreprise. Nous jouons aussi<br />

un rôle socio-économique en contrôlant les prix à<br />

la pompe. En cas de pénuries, fréquentes au<br />

Nigeria, les prix s’envolent chez nos<br />

concurrents. »<br />

Le contrôle exercé par <strong>Total</strong> sur son réseau<br />

CODO a, par ailleurs, permis de mener des<br />

campagnes de prévention contre le paludisme<br />

ou le sida. Affichettes, flyers, distribution de<br />

préservatifs et tests VIH au sein même des<br />

stations-service. « Notre projet “Drive On” s’est<br />

appuyé sur le réseau <strong>Total</strong>, explique Olusina<br />

Falana, le secrétaire général de Nibucaa, une<br />

ONG nigériane engagée dans la lutte contre<br />

le sida. Nous avons <strong>com</strong>mencé par une phase<br />

pilote en 2006 à Lagos et nous entrons<br />

aujourd’hui dans la troisième phase, qui<br />

consiste à généraliser la démarche de prévention<br />

et d’information. » Six mille personnes<br />

ont déjà bénéficié de tests VIH et l’objectif est<br />

désormais de systématiser la procédure de<br />

suivi qui permettra de connaître ceux qui,<br />

parmi les séropositifs, vont effectivement suivre<br />

des traitements. « Le taux de prévalence au<br />

Nigeria est relativement faible mais en aug-<br />

mentation, poursuit Olusina Falana. Il existe<br />

encore des États, <strong>com</strong>me celui de Benue, où la<br />

tradition d’accueil veut que le chef de famille<br />

propose sa femme à l’invité. »<br />

un modèle pour l’avenir<br />

Si tous les Jeunes Gérants rencontrés ont laissé<br />

une impression unanime de dévotion bien<br />

<strong>com</strong>prise, le système n’échappe ni aux revers<br />

ni aux prolongements heureux que suscite<br />

toute initiative originale. Certains y ont donc<br />

trouvé des failles, d’autres de bonnes raisons<br />

d’aller plus loin. « On a connu des gérants qui<br />

avaient tellement bien assimilé le modèle qu’ils<br />

avaient fini par considérer que la fonction<br />

devait se transmettre de père en fils, ajoute dans<br />

un large sourire Kanu Ukonne. Ce sont<br />

d’ailleurs les mêmes qui, parce qu’ils connaissent<br />

parfaitement le métier, ont imaginé toutes<br />

les astuces pour tricher sur les stocks ou les<br />

livres de <strong>com</strong>ptes. » Ce qu’il convient toutefois<br />

de modérer, puisque, aujourd’hui, la remontée<br />

des recettes est assurée de façon quotidienne<br />

et que des responsables des ventes<br />

(Retail Sales Executive) ayant autorité sur une<br />

quinzaine de stations contrôlent les Jeunes<br />

Gérants. Même s’il ne tarit pas d’éloges sur le<br />

48 N°16<br />

poMpiSteS, Benin Centre Station, Benin City<br />

(ci-dessous). Sur la route de l’aéroport,<br />

quartier de Makoko, Lagos (page suivante).<br />

succès d’une opération dont il est un peu le<br />

représentant spirituel, Kanu Ukonne regrette<br />

encore que les Jeunes Gérants manquent<br />

parfois d’initiative et de créativité. « Une partie<br />

d’entre eux a malgré tout acquis le sens des<br />

affaires, conclut-il. Ils ont appris à se recycler<br />

ou parfois même à développer des entreprises<br />

parallèles, dans le transport ou le service par<br />

exemple, en profitant de l’expérience accumulée<br />

avec <strong>Total</strong>. » Ce que Dominique Thiolon<br />

appelle de manière synthétique, et non dénuée<br />

d’intérêt professionnel, “le rôle social” de l’entreprise.<br />

<strong>Total</strong>, dans son activité de distribution,<br />

est en effet perçu au Nigeria <strong>com</strong>me une<br />

<strong>com</strong>pagnie qui donne leur chance à des jeunes<br />

issus de milieux défavorisés, avec des revenus<br />

qui peuvent atteindre pour un bon gérant<br />

300 000 nairas (1 500 euros), soit, selon le secteur<br />

d’activité considéré, entre cinq et dix fois<br />

le salaire moyen officiel.<br />

Le Nigeria est un grand pays ; autant dire que<br />

les candidats sont nombreux. n<br />

Marc roussel


© ColleCtion Dagli orti/Musée Du louvre, Paris/gianni Dagli orti<br />

L’énergie<br />

de créer<br />

ÉGYPTE. RÊ, le dieu Soleil, figuRé<br />

pAR un fAucon, musée du Louvre, Paris.<br />

Dieu du disque solaire et créateur de l’univers,<br />

Rê (ou Râ) est souvent représenté avec une<br />

tête de faucon, symbole des divinités célestes<br />

pour les anciens Égyptiens. Avec la plume de<br />

Maât, attribut de la déesse de la Justice, il est<br />

garant de l’ordre juste du monde.<br />

Au<br />

<strong>com</strong>mencement<br />

étAit L’énergie<br />

Expression de la quête humaine d’ordre et de sens,<br />

les mythes sont présents dans toutes les sociétés,<br />

y <strong>com</strong>pris les plus “avancées” au plan technologique.<br />

Dans cette mythologie qui traverse les âges,<br />

l’énergie sous toutes ses formes, omniprésente<br />

dans l’Univers qu’elle anime, a toujours eu<br />

une place prépondérante. Plongée dans<br />

les arcanes de l’imaginaire énergétique humain.<br />

L<br />

e mythe, vieillerie fantaisiste et<br />

superstitieuse qu’on ne saurait<br />

prendre au sérieux ? Ce serait ignorer<br />

sa fonction structurante pour la pensée<br />

humaine. Ce serait oublier que la<br />

mythologie exprime la quête humaine<br />

de sens, d’équilibre, d’harmonie. Loin<br />

d’être l’objet des manifestations inexpliquées<br />

d’un Univers illisible, l’homme, en le<br />

racontant, se l’approprie pour mieux le <strong>com</strong>prendre.<br />

Parmi ces mythes qui disent, sous une<br />

forme imagée, la part de réalité qui se dérobe<br />

toujours à l’intelligence humaine, ceux mettant<br />

en scène l’énergie jouent un rôle essentiel.<br />

L’énergie n’est-elle pas, en effet, omniprésente<br />

dans l’Univers, où rien ne se crée, rien ne se<br />

perd, mais tout se transforme ? Mouvement,<br />

lumière, chaleur : autant de formes d’énergie<br />

qui donnent vie au monde, animent la<br />

matière et les corps, mettent en<br />

branle les êtres et les choses.<br />

Du rien au tout :<br />

l’énergie créatrice<br />

Comment l’Univers est-il né ? Comment cette<br />

énergie a-t-elle surgi ? Pourquoi y a-t-il quelque<br />

chose plutôt que rien ? C’est dans les récits de la<br />

création, présents dans la mythologie <strong>com</strong>me<br />

dans les religions, que la question de l’origine<br />

du monde trouve une réponse première. En<br />

effet, dans tous les mythes cosmogoniques et<br />

anthropogoniques, qui nous offrent une vision<br />

intuitive et symbolique de nos origines et nous<br />

permettent de nous approprie r le mystère de la<br />

Création, passage du rien au tout, les dieux<br />

apportent au chaos originel l’harmonie (l’ordre<br />

cosmique). La légende d’Hermès, selon<br />

laquelle le messager des dieux, en voulant séparer<br />

deux serpents en train de se battre, les vit<br />

s’enrouler autour de son bâton en sens inverse,<br />

figure ainsi le <strong>com</strong>bat pour l’équilibre qui, en<br />

permanence, se joue entre les forces constitutives<br />

de l’Univers. L’essence même de l’énergie y<br />

est personnifiée par une bipolarité féconde,<br />

faite d’un mouvement perpétuel d’attraction et<br />

de répulsion, de diversification et de réunion,<br />

de gain et de perte. Tel est le sens de ces couples<br />

d’opposés qui habitent les mythologies du<br />

monde entier : la Glace et le Feu, le Yin et le<br />

Yang, les prin cipes féminin et masculin, le Jour<br />

et la Nuit, la Matière et l’Esprit ordonnent, par<br />

leur interaction perpétuelle, un monde primordial.<br />

La saga culte des Star Wars (George<br />

Lucas), qui répartit ses héros entre le côté<br />

lumineux et le côté obscur de “la Force”,<br />

témoigne de la fécondité de ce thème de l’antagonisme<br />

cosmique, renvoyant de façon ultime<br />

à la lutte entre le Bien et le Mal. C’est que les<br />

mythes d’hier et d’aujourd’hui partagent les<br />

mêmes codes : la science-fiction n’est-elle pas,<br />

<strong>com</strong>me l’écrit Boris Vian, « la résurrection de la<br />

poésie épique : l’homme et son dépassement par<br />

lui-même, le héros et ses exploits, la lutte avec<br />

l’inconnu » ?<br />

Si l’énergie antagoniste met un terme au chaos<br />

primordial en l’ordonnant, elle donne aussi<br />

naissance à un monde structuré. Exemple avec<br />

la cosmogonie égyptienne d’Héliopolis (vers<br />

2400 av. J.-C.) : au <strong>com</strong>mencement du monde<br />

était le chaos constitué par les eaux primordiales,<br />

le Noun. Depuis ce néant, le dieu solaire<br />

Atoum-Rê se donna lui-même naissance, créant<br />

la lumière ; ainsi prit fin le chaos, et l’Univers<br />

fut alors doté d’équilibre et de vie… À l’instar<br />

de ce mythe exhumé des pyramides, le thème<br />

de l’énergie originelle fécondant la matière est<br />

omniprésent dans les récits de la création. Le<br />

Soleil, « foyer de tendresse et de vie » qui « Verse<br />

l’amour brûlant à la terre ravie » <strong>com</strong>me<br />

le scande Rimbaud,<br />

source même de l’énergie<br />

terrestre, bénéficie à<br />

ce titre d’une place<br />

essentielle dans l’imagerie<br />

mythologique.<br />

Sève première, source<br />

de lumière et de chaleur,<br />

de puissance et de<br />

vie, il est aussi ce qui rend visible, intelligible, le<br />

monde sensible. C’est ainsi qu’Hélios, dieu<br />

solaire grec, est le témoin parfait des dieux et<br />

des hommes, avertissant Héphaïstos, dieu du<br />

feu souterrain créateur de formes, des infidélités<br />

de sa femme ou Déméter, déesse de l’agriculture,<br />

de l’enlèvement de sa fille. Dans la<br />

mythologie assyro-babylonienne, Shamash, le<br />

dieu Soleil, a un regard omniscient sur le<br />

monde, d’où son association aux questions de<br />

justice et de divination. Allégorie de la connaissance,<br />

l’énergie solaire est aussi cette lumière<br />

sans laquelle l’homme, plongé dans les ténèbres,<br />

ne peut quitter sa condition précaire.<br />

Le thème de<br />

l’énergie originelle<br />

fécondant la matière<br />

est omniprésent<br />

dans les récits de<br />

la création.<br />

images offertes par la nature aux hommes,<br />

l’énergie vitale n’y est pas l’apanage d’un astre<br />

extérieur tout-puissant. Comme l’indique son<br />

étymologie (car, dans le monde des mythes,<br />

l’étymologie <strong>com</strong>pte), l’en-ergie est la force qui<br />

naît dans, qui agit dans un corps, un cœur, un<br />

centre intime et originel. Aussi, que ce soit sous<br />

les atours de Gaïa, de Cybèle ou de la Déesse-<br />

Mère mésopotamienne, la Terra Genetrix ou<br />

Tellus Mater (Terre-Mère) est-elle, dans maints<br />

récits mythiques, ce qui renferme l’énergie<br />

matérielle, le feu, en son sein fécond. À l’image<br />

du volcan qui abrite, dans la mythologie<br />

grecque, les forges d’Héphaïstos, le centre originel<br />

est bouillonnant et la création est échauffement.<br />

« Toute vie implique une <strong>com</strong>bustion »,<br />

rappelait Balzac, et ce n’est pas un hasard si la<br />

théorie du Big Bang fait elle-même état d’une<br />

densité et d’une chaleur particulièrement fortes<br />

dans l’Univers d’il y a plus de treize milliards<br />

d’années… Avec le voyage dans l’infiniment<br />

petit permis par l’essor des nanotechnologies,<br />

cette imagerie mythique du feu intérieur est<br />

même réactivée : « Dans la perspective où le<br />

corps humain est le microcosme du macrocosme,<br />

l’énergie contenue dans<br />

l’antre de la terre possède<br />

son doublon dans<br />

le corps humain »,<br />

analyse Stéphanie<br />

Chifflet (1) . Sang, organes,<br />

chaleur intérieure :<br />

chez Greg Bear (Oblique,<br />

1999) <strong>com</strong>me chez<br />

Isaac Asimov (Le Voyage fantas tique, 1966), c’est<br />

dans un « décor rougeoyant » que l’homme vit l’intimité<br />

des choses et du monde.<br />

De Prométhée à Frankenstein :<br />

l’énergie apprivoisée<br />

Cette conquête de l’infiniment petit par les<br />

nouvelles technologies illustre une autre facette<br />

de l’énergie : créatrice, elle est également civilisatrice.<br />

Aussi, tout au long de son histoire,<br />

l’homme s’est-il ingénié à la maîtriser pour<br />

achever de conquérir la nature. Symbole de<br />

cette volonté de puissance qui se manifeste à<br />

travers la maîtrise des ressources naturelles et le<br />

Toutefois, la mythologie se fondant sur les développement des techniques, le vol q<br />

50 N°16 N°16<br />

Ron HowaRD,<br />

Apollo 13 (1995).<br />

Si la conquête spatiale a<br />

parfois ses ratés – ce dont fit<br />

les frais, en avril 1970, la<br />

mission lunaire habitée du<br />

programme Apollo –, c’est<br />

elle qui permit à l’homme de<br />

mesurer toute la valeur de<br />

son éden terrestre.<br />

© ColleCtion ChristoPhe l


créer<br />

Au <strong>com</strong>mencement<br />

étAit L’énergie<br />

q<br />

du feu a la part belle dans les mythes. Si<br />

nombre de récits folkloriques relatent le vol originel<br />

du feu céleste par le roitelet, petit oiseau<br />

druidique doté d’une science divine, c’est la<br />

figure mythique de Prométhée qui s’est imposée<br />

dans notre imaginaire collectif <strong>com</strong>me le responsable<br />

du devenir humain. En dérobant le<br />

feu aux dieux, « Prométhée, modèle d’ingéniosité<br />

et héros culturel, donne […] à l’homme la possibilité<br />

d’intervenir sur la Nature (Mère Nature), de<br />

la copier, voire de la défier (2) ». Derrière le<br />

pRométhée, STaTuE En aRGiLE<br />

DE GuSTavE MoREau, musée<br />

Gustave Moreau, Paris. Enchaîné<br />

à un pic rocheux où il est voué<br />

à un supplice éternel, Prométhée<br />

tourne pourtant son regard<br />

vers l’horizon, attendant<br />

l’avènement d’un jour<br />

nouveau. Quand le mythe<br />

grec est revu et corrigé<br />

par le christianisme…<br />

52<br />

© rMn/FranK raux<br />

EDuaRDo Kac, gfp Bunny (2000).<br />

De Frankenstein à Alba,<br />

le lapin fluorescent (“une œuvre<br />

d’art transgénique”), l’homme<br />

prométhéen n’a eu de cesse de<br />

manipuler l’énergie vitale.<br />

développement industriel et technologique des<br />

ressources énergétiques, dont le “feu” a en<br />

quelque sorte été dérobé pour être transformé<br />

en autant de feux artificiels, c’est donc l’homme<br />

prométhéen qu’il faut entrevoir. L’homme<br />

alchimiste aussi : celui qui manipule l’énergie<br />

contenue dans la matière pour créer des<br />

êtres vivants. Le roman de Mary Shelley,<br />

Frankenstein ou le Prométhée moderne<br />

(1818), en se faisant le chantre d’une<br />

nouvelle énergie en plein essor, l’électricité,<br />

réactualise ainsi l’imaginaire du feu<br />

<strong>com</strong>me principe de vie. Or, avec<br />

« Frankenstein, le forgeron et l’ alchimiste<br />

convoquent la même image d’une énergie secrète<br />

(“étincelante”) animant la matière, donnant vie<br />

à un corps fabriqué “artificiellement” (3) ».<br />

La figure de Frankenstein est symbo lique à plus<br />

d’un titre : dès lors qu’il s’exhausse et quitte sa<br />

place naturelle, l’homme prométhéen, bien<br />

qu’exempt de mauvaises intentions – c’est en<br />

cherchant à donner la vie, à se substituer à<br />

Dieu, que le savant Victor Frankenstein a<br />

donné naissance à un monstre – est exposé par<br />

son hybris à la vengeance de Némésis. À l’instar<br />

du mythe biblique d’Adam et Ève, chassés<br />

du Paradis pour avoir goûté le fruit défendu de<br />

l’arbre de la connaissance du Bien et du Mal, le<br />

mythe de Prométhée est aussi, en effet, l’histoire<br />

d’une transgression coupable de l’“ordre<br />

naturel”, punie par Zeus<br />

avec l’enchaînement du<br />

héros sur le mont Caucase<br />

pour y avoir chaque jour le<br />

foie dévoré par un aigle.<br />

C’est toute l’interprétation<br />

du philosophe Hans Jonas<br />

dans Le Principe responsabilité<br />

(1979), qui voit dans<br />

le “Prométhée définitivement<br />

déchaîné” l’incarnation des<br />

risques inconsidérés pris par<br />

l’homme dans son rêve de<br />

domestiquer la nature sans<br />

se préoccuper des conséquences<br />

de ses actes.<br />

Ainsi, dès les récits<br />

anciens, le mythe du<br />

progrès est assombri par<br />

l’évocation des menaces<br />

qui, fatalement,<br />

pèsent sur l’utilisation des<br />

sciences et techniques par la<br />

main humaine. Les chantres de<br />

l’énergie atomique l’ont <strong>com</strong>pris à la fin de la<br />

Seconde Guerre mondiale : l’énergie peut toujours<br />

se retourner contre l’homme ; créatrice,<br />

civili satrice, elle est en même temps destructrice,<br />

et l’équilibre conquis sur le chaos originel<br />

ne reste jamais qu’un équilibre fragile. C’est ce<br />

que ne cessent de nous dire, au fond, les mythes<br />

de la fin du monde : l’humanité s’y voit cycliquement<br />

envoyer des fléaux qui l’anéantissent.<br />

La question du réchauffement climatique<br />

donne une actualité quelque peu grinçante à<br />

ce mythe ancestral… Mais c’est ce qui fonde le<br />

genre même de la science-fiction : cette forme<br />

moderne de mythologie «naît moins de l’enthousiasme<br />

des lumières que du désenchantement<br />

vis-à-vis de la science, laissant augurer,<br />

pour les siècles à venir, des conséquences de la<br />

mise en œuvre de projets scientistes dans l’ordre<br />

du politique (4) », analyse Marika Moisseeff. L’art<br />

contemporain lui aussi questionne en ce sens<br />

l’idéologie moderne : c’est pour rappeler à<br />

l’homme prométhéen son impuissance face à<br />

l’implacabilité des forces naturelles que l’artiste<br />

Gianni Motti, par exemple, a placé au-dessus<br />

de la porte d’entrée du Palais de Tokyo, à Paris,<br />

un écran <strong>com</strong>ptant à rebours le temps séparant<br />

le soleil de son explosion inexorable – cinq milliards<br />

d’années environ (Big Crunch Clock,<br />

1999-2005).<br />

q<br />

© eDuarDo KaC, gFP Bunny, 2000, transgeniC artworK.<br />

alBa, the FluoresCent raBBit.<br />

© JérÔMe Chatin/exPansion-rea<br />

entretien<br />

Avec étienne KLein<br />

Par-delà<br />

les « sortilèges du langage » *<br />

Quel regard porte le physicien et le philosophe des sciences<br />

sur les mythes contemporains qui entourent l’énergie ? réponse<br />

avec étienne Klein, directeur du Laboratoire de recherche sur<br />

les sciences de la matière au <strong>com</strong>missariat à l’énergie atomique<br />

(Saclay, France) et professeur à l’école centrale de Paris.<br />

Propos recueillis par laure Becdelièvre<br />

Quel est le lien entre physique<br />

et mythologie ?<br />

la physique procède du logos davantage<br />

que du muthos, c’est-à-dire du discours<br />

rationnel plutôt que de la pensée mythique.<br />

Mais la coupure n’est pas totale. la physique<br />

peut être conçue <strong>com</strong>me un système où se<br />

donnent mutuellement sens des notions telles<br />

que le vide, l’espace, le temps, la matière,<br />

toutes choses dont on trouve déjà trace dans<br />

les mythes. Cette lointaine origine fait que<br />

les mots qu’on utilise en physique continuent<br />

de charrier avec eux tout un halo symbolique ;<br />

ils demeurent enrobés d’une périphérie<br />

mythologique qui peut créer des a priori<br />

empêchant de bien penser les concepts qu’ils<br />

nomment. Prenez l’exemple de l’énergie :<br />

elle est toujours associée au mouvement,<br />

à la chaleur, à une dynamique, jamais pensée<br />

<strong>com</strong>me inerte ou immobile. Pourtant, la<br />

découverte d’einstein, résumée par la formule<br />

e = mc², implique que tout morceau de matière<br />

a une énergie qui lui vient de sa seule masse,<br />

de sa masse inerte. Presque à rebours<br />

du sens des mots, l’énergie peut ne pas être<br />

dynamique.<br />

c’est la raison pour laquelle l’énergie<br />

fait l’objet d’autant de mythes ?<br />

oui. l’énergie est en physique un concept fort<br />

abstrait, si abstrait que nous éprouvons<br />

le besoin de la “donner à voir”, de l’incarner<br />

de façon concrète. C’est ainsi que nous<br />

l’associons confusément à la force ou à la<br />

puissance. nous l’imaginons en outre inépuisable<br />

car notre façon de parler d’elle oublie qu’elle<br />

est une quantité qui se conserve. Qu’est ce que<br />

cela signifie ? D’abord qu’on ne “produit”<br />

pas d’énergie (on n’en consomme pas non plus),<br />

la seule chose que nous puissions faire étant<br />

de changer sa forme ou de la transférer d’un<br />

système à un autre. ensuite, qu’il n’existe pas<br />

à proprement parler d’énergie “renouvelable” :<br />

ce qui peut se renouveler, ce n’est pas l’énergie<br />

elle-même, mais le phénomène physique<br />

dont on l’extrait. en ce sens, c’est le vent qui<br />

est renouvelable, non l’énergie éolienne…<br />

<strong>com</strong>ment l’homme peut-il penser sa<br />

condition, dès lors qu’il prend conscience<br />

de la finitude des ressources énergétiques ?<br />

nous prenons en effet conscience que nous<br />

vivons dans un monde fini, de sorte que le mode<br />

de développement scientifique, technique<br />

et économique du monde moderne apparaît<br />

<strong>com</strong>me la victime d’une contradiction<br />

douloureuse : il se pense <strong>com</strong>me universel,<br />

et pourtant il sait désormais que son extension<br />

à l’ensemble de l’humanité, tant dans l’espace<br />

que dans le temps, se heurte à des obstacles<br />

impitoyables, ne serait-ce que parce que<br />

l’atmosphère de notre globe ne supporterait<br />

ni sa généralisation ni son maintien. il y a donc<br />

une contradiction entre notre exigence éthique<br />

d’égalité et notre mode de développement.<br />

D’où le dilemme : ou bien, nous, les riches,<br />

N°16<br />

nous nous couperons du reste du monde<br />

au moyen de boucliers divers, ou bien nous<br />

inventerons un autre mode de développement<br />

qui aura la propriété de pouvoir être<br />

universalisé à l’échelle de l’humanité tout entière.<br />

À quoi peut servir dans cette réflexion<br />

la science-fiction ?<br />

il y a deux sortes de sciences-fictions :<br />

celle qui s’appuie sur les lois de la physique<br />

et met en scène des situations que nous<br />

ne savons pas encore réaliser, et celle qui,<br />

au contraire, s’amuse avec des univers<br />

où les lois physiques ne sont pas celles<br />

que nous connaissons. Dans les deux cas,<br />

la science-fiction a la vertu d’alimenter<br />

et de féconder notre imaginaire, mais je ne crois<br />

pas qu’elle trace pour autant la feuille de route<br />

de la science. Prenez par exemple la lune, dont<br />

on vient de fêter les quarante ans de la conquête<br />

par l’homme : nous avions été préparés<br />

intellectuellement à ce voyage extraordinaire<br />

par la science-fiction (Cyrano de Bergerac,<br />

Kepler, tintin…), mais paradoxalement, c’est<br />

en voyant la terre depuis la lune que nous avons<br />

réalisé que nous étions des êtres profondément<br />

géocentrés, et que nous ne quitterions jamais<br />

notre planète, en tout cas pas tous ensemble.<br />

en somme, la conquête de la lune nous a<br />

remis les pieds sur terre : notre île a beau être<br />

(sans doute) astrophysiquement banale, elle<br />

est la seule planète qui soit là où nous sommes.<br />

la terre est donc notre terre, notre “archifoyer”,<br />

notre seul sol possible. C’est de ce constat<br />

qu’a sans doute émergé la conscience<br />

environnementale dans les années 1970 : plutôt<br />

que d’imaginer nous sauver de la terre si<br />

la situation y devenait intolérable, il est apparu<br />

qu’il fallait essayer d’y sauver la possibilité<br />

de notre présence à long terme. n<br />

* Formule de Wittgenstein.<br />

GEoRGES MÉLièS,<br />

le VoyAge dAnS<br />

lA lune (1902).<br />

Le premier film de<br />

science-fiction.<br />

© ColleCtion ChristoPhe l


créer<br />

Au <strong>com</strong>mencement<br />

étAit L’énergie<br />

q Entre terre et ciel :<br />

le fantasme de l’énergie infinie<br />

Et pourtant. L’homme, à mi-chemin entre la<br />

terre et le ciel, entre la bête et les dieux, ne sait<br />

pas s’en tenir à sa dérisoire mesure : son désir<br />

insatiable de puissance le pousse toujours à<br />

conquérir de nouveaux horizons, par-delà les<br />

limites de la terre et de l’espace-temps. Le rêve<br />

de découvrir une source d’énergie inépuisable,<br />

face à la finitude des ressources fossiles, ne participe-t-il<br />

pas de ce fantasme prométhéen de<br />

s’ élever au-dessus de sa condition de mortel ?<br />

Dans The Songs of Distant Earth (1986) et<br />

3001 : the Final Odyssey (1997), le romancier<br />

Arthur C. Clarke extrapole, à partir des dernières<br />

recherches sur l’énergie du vide (l’« énergie<br />

libre »), totalement renouvelable et non polluante,<br />

des applications fantastiques qui permettraient<br />

de résoudre tous les problèmes<br />

écologiques et économiques de la planète. Isaac<br />

Asimov, dans son roman Les dieux eux-mêmes<br />

(2002), imagine lui aussi un principe (la<br />

« pompe à électrons ») permettant de fournir en<br />

abondance la planète en énergie ; mais c’est<br />

pour mieux en décrire les dangers car ce principe,<br />

dont la source serait un univers parallèle,<br />

aurait à long terme des effets catastrophiques<br />

sur le cosmos…<br />

L’exploration de l’espace et du temps, à la faveur<br />

de voyages interplanétaires et interdimensionnels,<br />

fait également l’objet d’une mythologie<br />

qui invente de nouveaux moyens de maîtriser<br />

l’énergie. Propulsion<br />

ionique et téléportation,<br />

popularisées dans<br />

le film Star Trek, font<br />

ainsi le bonheur des<br />

vaisseaux spatiaux qui<br />

permettent à l’homme,<br />

<strong>com</strong>me au temps de la<br />

Conquête de l’Ouest,<br />

de coloniser de nouvelles planètes et d’agrandir<br />

son royaume anthropocentré. Des expéditions<br />

d’autant plus attrayantes que ces planètes sont<br />

réputées recéler des ressources minières (c’est<br />

le secret espoir des savants de Fritz Lang qui,<br />

dans La Femme dans la Lune (1928), partent à<br />

la conquête du mystérieux satellite)… Mais<br />

dans cette “extra-territorialisation” fantasmée<br />

Le rêve de découvrir<br />

une source d’énergie<br />

inépuisable participe<br />

du fantasme<br />

prométhéen.<br />

hors les limites terrestres, l’humanité ne rêvet-elle<br />

pas au fond d’immortalité ?<br />

C’est, en tout cas, la perspective ultime qu’ouvrent<br />

les technologies virtuelles revisitées par la sciencefiction.<br />

Dans La Cité des Permutants (1994), Greg<br />

Egan imagine ainsi, avec son « cosmoplexe », la<br />

possibilité pour des milliardaires de télécharger<br />

leur âme – principe d’“animation” et quintessence<br />

de l’énergie vitale – à<br />

l’intérieur d’un ordinateur<br />

par un procédé<br />

de numérisation, leur<br />

offrant ainsi « l’immortalité<br />

au cœur d’une éternité<br />

privative » (5) . Mais<br />

tout n’est pas si simple :<br />

rares sont les individus<br />

qui préfèrent la numérisation à la vie physique et<br />

seules les personnes en fin de vie choisissent cette<br />

voie de salut – car ces environnements aseptisés<br />

de la virtualité se révèlent difficilement vivables<br />

pour des esprits habitués aux petites imperfections<br />

de la vie.<br />

Au fond, dans ces infinies variations mythologiques<br />

autour de l’énergie, l’homme ne fait<br />

54 N°16<br />

JuDiT REiGL, ilS ont Soif<br />

inSAtiABle de l’infini (1950),<br />

Musée national d’art moderne,<br />

Centre Pompidou, Paris. Cette huile sur<br />

toile, intitulée d’après Lautréamont<br />

(Les Chants de Maldoror), est l’un des<br />

premiers tableaux surréalistes.<br />

jamais qu’éprouver son humanité et en redéfinir<br />

les limites : une humanité proche de l’animalité<br />

mais qui toujours s’en distingue, à<br />

travers notamment sa maîtrise des énergies ;<br />

une humanité qui tend vers la divinité mais<br />

jamais ne l’atteint, sous peine de faillir à sa<br />

condition et de perdre, en fin de <strong>com</strong>pte, tout<br />

le sens de la vie. n<br />

Laure Becdelièvre<br />

1- « L’Imaginaire mythique de l’Énergie dans<br />

les représentations du Nanomonde », in revue<br />

Alliage n° 62 (avril 2008).<br />

2- Ibidem.<br />

3- Ibidem.<br />

4- « La procréation dans les mythes contemporains :<br />

une histoire de science-fiction », in Anthropologie<br />

et sociétés : le mythe aujourd’hui, 2005, vol. 29, n° 2.<br />

5- Thomas Michaud, « L’ambivalence des<br />

représentations du virtuel dans la science-fiction ».<br />

Article inédit faisant suite à une <strong>com</strong>munication<br />

au colloque Meotic, à l’Institut de la Communication<br />

et des Médias (Université Stendhal), les 7 et 8 mars 2007.<br />

Mis en ligne le 15 novembre 2007.<br />

© ColleCtion Centre PoMPiDou, Dist rMn/PhiliPPe Migeat/aDagP, Paris 2009


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édité par <strong>Total</strong>, Direction de la Communication.<br />

Directeur de la publication : Yves-Marie Dalibard<br />

Responsable de l’édition : Pierre-Gautier Caloni<br />

Rédactrice en chef : Marie Le Breton<br />

Rédacteur : Fouez Balit<br />

Réalisation :<br />

Ont collaboré à ce numéro : Laure Mentzel et Gabriel Joseph-Dezaize.<br />

Impression : Deckers. Dépôt légal : 3 e trimestre 2009.<br />

Diffusion : 80 000 ex. N° ISSN : 0990-6150.<br />

Les textes et documents publiés dans ce numéro ne peuvent être reproduits<br />

sans l’accord de la rédaction.<br />

TOTaL S.a. – Société anonyme au capital de 5 867 520 185 euros.<br />

Siège social : 2, place Jean Millier – 92078 Paris La Défense.<br />

542 051 180 RCS Nanterre (France).<br />

N°16<br />

collection Énergies<br />

disponible également en anglais, en espagnol<br />

et certains numéros en chinois<br />

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