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Aspects culturels, spirituels et religieux de la douleur - APF Formation

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este finalement davantage liée à une représentation moyen-âgeuse du corps qu’à une représentation<br />

contemporaine <strong>de</strong> celui-ci.<br />

Le lieu où l’on voit le plus facilement s’exprimer c<strong>et</strong>te re<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> est celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong><br />

appliquée volontairement par le groupe à l’individu, c’est à dire en particulier tout au long <strong>de</strong> son<br />

enfance <strong>et</strong> jusqu’à son passage à l’âge adulte.<br />

Ca peut être, par exemple, <strong>la</strong> circoncision animiste ou is<strong>la</strong>miste. Je me rappelle que chez les Wolofs,<br />

lorsqu’un garçon se faisait circoncire, le groupe observait ce qui se passait sur le visage du garçon. Si<br />

au moment où le couteau coupait le prépuce l’individu marquait sa <strong>douleur</strong> par un rictus, toute sa vie<br />

durant il pourrait lui être dit qu’il n’avait pas été courageux ou convenable le jour <strong>de</strong> sa circoncision. La<br />

circoncision peut conduire à une stigmatisation importante <strong>de</strong> celui qui ne s’est pas comporté « comme<br />

un véritable homme », <strong>et</strong> marque donc une étape cruciale pour faire valoir sa qualité d’homme, asseoir<br />

son autorité. Un très beau film, intitulé « Les masques ne parlent plus », a été réalisé sur ce suj<strong>et</strong> par un<br />

psychiatre français. On voit dans ce film à quel point ce qui est le plus important pour l’homme qui se<br />

fait circoncire c’est <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion à <strong>la</strong> face, à ce qui se voit sur le visage.<br />

On peut prendre un autre exemple, celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> scarification qu’on trouve chez les Noubas du<br />

sud-Soudan. Il existe chez les femmes Noubas plusieurs pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> scarifications : à 12 ans, à 15 ans,<br />

à 17 ans, <strong>et</strong> aussi après <strong>la</strong> première ou <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième grossesse <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière ou gran<strong>de</strong> scarification.<br />

Lorsqu’une femme pratique c<strong>et</strong>te gran<strong>de</strong> scarification (car elles ne le font pas toutes), <strong>la</strong> cérémonie<br />

commence au lever du soleil <strong>et</strong> se termine à son coucher en ne réunissant que <strong>la</strong> femme concernée <strong>et</strong><br />

<strong>la</strong> scarificatrice. C<strong>et</strong>te femme perd jusqu’à trois litres <strong>de</strong> sang, <strong>et</strong> court donc un risque <strong>de</strong> mourir<br />

important : elle est alors scarifiée <strong>de</strong> <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s pieds jusqu’à <strong>la</strong> racine <strong>de</strong>s cheveux.<br />

Ces différentes scarifications successives, dont l’importance augmente progressivement, constituent<br />

<strong>de</strong>s marques du fait que ces femmes s’élèvent dans <strong>la</strong> hiérarchie du rapport à <strong>la</strong> <strong>douleur</strong>.<br />

Si on <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à ces femmes pourquoi elles pratiquent <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> scarification elles expliquent que c’est<br />

pour pouvoir passer dans l’au-<strong>de</strong>là le jour où elles mourront. Car dans leur tradition, qui je le rappelle<br />

n’est pas musulmane, les femmes sont sensées porter plus d’impur<strong>et</strong>és que les hommes <strong>et</strong> vont donc<br />

être <strong>la</strong>cérées par <strong>de</strong>s démons au moment <strong>de</strong> rentrer dans le paradis <strong>de</strong>s ancêtres. Ainsi, si elles ont<br />

pratiqué <strong>la</strong> scarification avant, en particulier <strong>la</strong> gran<strong>de</strong>, le passage par les démons leur sera <strong>la</strong>rgement<br />

simplifié. La scarification représente donc une préparation à <strong>la</strong> mort.<br />

A <strong>la</strong> différence <strong>de</strong> notre société, dans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> mort est repoussée au plus loin, on voit que dans c<strong>et</strong>te<br />

société traditionnelle <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> physique trouve sa p<strong>la</strong>ce <strong>et</strong> est acceptée comme préparatrice <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

mort.<br />

Douleur <strong>et</strong> souffrance dans les situations <strong>de</strong> handicap - De l’évaluation à l’accompagnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne… p.2<br />

Journées d’étu<strong>de</strong> <strong>APF</strong> <strong>Formation</strong> – Unesco -–21, 22 <strong>et</strong> 23 janvier 2004

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