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Inventer l'accompagnement des adolescents en ... - APF Formation

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étu<strong>des</strong> recherches<br />

numéro<br />

octobre 200917 <strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation<br />

de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD


numéro<br />

octobre 2009<br />

étu<strong>des</strong> recherches<br />

17<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation<br />

de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

Recherche-action rédigée<br />

par Carine Maraquin, psychologue, SESSD Évry


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

2<br />

étu<strong>des</strong>&recherches étu<strong>des</strong>&recherches Groupe de travail<br />

• Animateur<br />

Paul Perez, psychologue, formateur consultant<br />

• Co-<strong>en</strong>cadrant<br />

Dominique Leviel, conseillère réseau <strong>en</strong>fance jeunesse<br />

• Participants<br />

Nathalie Adnot, ergothérapeute, SESSD La Rochelle<br />

Isabelle Bada, assistante sociale, SESSD Alès<br />

Hélène Chevalier, ergothérapeute, SESSD Alès<br />

Nicole Couriol, éducatrice, SESSD Gap<br />

Stéphanie Dubois, psychomotrici<strong>en</strong>ne, SESSD Thionville<br />

Catherine Gabet, éducatrice spécialisée, SESSD Épinal<br />

Mélanie Jacquot, psychologue, SESSD Thionville<br />

Marie-Noël Lacour, psychologue, SESSD Arpajon<br />

Delphine Lefevre, par<strong>en</strong>t, SESSD Plescop<br />

Carine Maraquin, psychologue, SESSD Évry<br />

G<strong>en</strong>eviève Masson, kinésithérapeute, SESSD Évry<br />

Guillaume Motard, éducateur spécialisé, SESSD Niort<br />

Dominique Nadaud, éducateur spécialisé, SESSD La Rochelle<br />

Paquita Pasquet, aide-médico-psychologique, SESSD Épinal<br />

Daniel Perrin, par<strong>en</strong>t, SESSD Niort<br />

Simon Pitaud, éducateur, SESSD Alès<br />

Annaïck Plouhinec, éducatrice spécialisée, SESSD Plescop<br />

Pascale Rousselon, éducatrice, SESSD Arpajon<br />

• Écriture du docum<strong>en</strong>t<br />

Carine Maraquin, psychologue, SESSD Évry<br />

Nous remercions Delphine et G<strong>en</strong>eviève pour leur relecture.<br />

SESSD : Service d'éducation et de soins spécialisés à domicile


1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

Sommaire<br />

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5<br />

Méthodologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7<br />

Objectifs ...................................................... 7<br />

Modalités ..................................................... 7<br />

Participants.................................................... 8<br />

La forme de cet écrit ............................................ 8<br />

L’adolesc<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> jeunes <strong>en</strong> situation de handicap <strong>en</strong> SESSD . . . . . . . .9<br />

1 – À quoi reconnaît-on les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> SESSD ? . . . . . . . . . . . . . . . . .9<br />

2 – Remettre <strong>en</strong> cause les adultes mais aussi s’appuyer sur eux . . . . . . .11<br />

3 – Trouver son groupe et créer du li<strong>en</strong> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13<br />

4 – La sexualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15<br />

5 – Pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce de ses limites mais aussi de son handicap . . . . .16<br />

6 – Exprimer de l’agressivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17<br />

7 – La question de l’autonomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19<br />

8 – La scolarité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21<br />

9 – L’adolesc<strong>en</strong>t et les soins (rééducation et éducation) . . . . . . . . . . . . .23<br />

10 – Faire avec sa famille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25<br />

Le vécu <strong>des</strong> familles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26<br />

1 – Une crise familiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26<br />

2 – La fratrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .28<br />

3 – Du li<strong>en</strong> social à travers le SESSD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29<br />

Les professionnels et l’institution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31<br />

1 – Les professionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31<br />

- Une confrontation fragilisante .................................. 31<br />

- Se choisir mutuellem<strong>en</strong>t ....................................... 33<br />

- La sexualité ? De qui ? ........................................ 33<br />

- Le domicile.................................................. 35<br />

- La scolarité.................................................. 36<br />

2 – L’institution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .38<br />

- Un groupe pour les professionnels .............................. 38<br />

- La question de l’arrêt du suivi à l’adolesc<strong>en</strong>ce ..................... 41<br />

Par<strong>en</strong>ts et professionnels, se r<strong>en</strong>contrer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43<br />

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .46<br />

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

3<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

4<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


Introduction<br />

es professionnels <strong>des</strong> Services<br />

d’éducation et de soins spécialisés<br />

à domicile (SESSD1 L<br />

) s’interrog<strong>en</strong>t<br />

depuis plusieurs années sur<br />

l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants dev<strong>en</strong>us<br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>. Car les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

confront<strong>en</strong>t les équipes à de nouvelles<br />

problématiques : modification <strong>des</strong><br />

modalités relationnelles, provocations,<br />

questionnem<strong>en</strong>ts concernant le handicap<br />

ou la capacité de plaire avec ce<br />

corps-là, refus de soins, t<strong>en</strong>sions familiales<br />

autour du projet…<br />

Quel accompagnem<strong>en</strong>t inv<strong>en</strong>ter pour<br />

s’adapter à ces nouveautés ?<br />

Il y a <strong>en</strong>core quelques années, l’abs<strong>en</strong>ce<br />

de structures de souti<strong>en</strong> dans les collèges<br />

faisait qu’un certain nombre d’<strong>en</strong>fants<br />

quittai<strong>en</strong>t les SESSD vers l’âge de 12 ans<br />

pour intégrer un établissem<strong>en</strong>t spécialisé.<br />

Aujourd’hui, avec la création <strong>des</strong> Unités<br />

pédagogiques d'intégration (UPI), les<br />

jeunes <strong>des</strong> SESSD peuv<strong>en</strong>t poursuivre<br />

leur scolarité au collège, puis au<br />

lycée, ou dans leur quartier. Les SESSD<br />

peuv<strong>en</strong>t poursuivre les accompagnem<strong>en</strong>ts,<br />

à la demande <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts, <strong>des</strong><br />

établissem<strong>en</strong>ts scolaires, ou par suite<br />

logique d’un souti<strong>en</strong> <strong>en</strong>tamé depuis<br />

longtemps.<br />

Quelques rares structures ont fait le<br />

choix de les laisser voler de leurs propres<br />

ailes, souv<strong>en</strong>t devant la pression d’une<br />

liste d’att<strong>en</strong>te remplie d’<strong>en</strong>fants plus<br />

jeunes pour lesquels la prév<strong>en</strong>tion leur<br />

1 - Nous parlerons ici de SESSD (Service<br />

d’éducation et de soins spécialisés à domicile),<br />

appellation spécifique choisie par l’<strong>APF</strong> pour<br />

désigner un SESSAD (Service d'éducation<br />

spéciale et de soins à domicile).<br />

paraît primordiale. Les autres les suiv<strong>en</strong>t<br />

mais <strong>en</strong> se questionnant fortem<strong>en</strong>t sur<br />

l’opportunité de leur suivi ou sur ses<br />

modalités.<br />

• Comm<strong>en</strong>t continuer les soins d’un<br />

corps dev<strong>en</strong>u mature sexuellem<strong>en</strong>t ?<br />

(Comm<strong>en</strong>t toucher, comm<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre<br />

<strong>en</strong> compte les changem<strong>en</strong>ts liés à la<br />

puberté ?)<br />

• Comm<strong>en</strong>t garder une " bonne distance "<br />

qui ne sera plus la même que dans l’<strong>en</strong>fance,<br />

trouver d’autres repères.<br />

• Comm<strong>en</strong>t faire face aux questionnem<strong>en</strong>ts<br />

que ces jeunes ne manqu<strong>en</strong>t<br />

pas d’adresser aux adultes sur leur dev<strong>en</strong>ir<br />

de femme ou d’homme, au-delà du<br />

handicap…<br />

Cette recherche-action ne remet pas<br />

<strong>en</strong> question la place <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

dans les SESSD. Elle repose au contraire<br />

sur l’idée que l’accompagnem<strong>en</strong>t d’un<br />

SESSD est utile aux <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> et vise<br />

à justem<strong>en</strong>t ne pas répondre au processus<br />

d’adolesc<strong>en</strong>ce par une rupture<br />

thérapeutique.<br />

Elle vi<strong>en</strong>t, à partir de ce principe, questionner<br />

nos pratiques.<br />

Comm<strong>en</strong>t accompagne-t-on aujourd’hui<br />

<strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> SESSD ?<br />

Comm<strong>en</strong>t les professionnels pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tils<br />

soin <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>, avec ce que<br />

ça leur fait de les accompagner ?<br />

Elle vise à développer de nouvelles<br />

compét<strong>en</strong>ces chez les professionnels<br />

<strong>des</strong> SESSD pour leur permettre d’ajuster<br />

leurs pratiques aux caractéristiques et<br />

aux besoins <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation<br />

de handicap moteur.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

5<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

6<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

Cet écrit est une trace d’échanges qui<br />

ont eu lieu <strong>en</strong>tre <strong>des</strong> professionnels de<br />

SESSD et <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts usagers de SESSD<br />

de la France <strong>en</strong>tière. En véritable petit<br />

laboratoire déterminé, nous avons partagé<br />

nos expéri<strong>en</strong>ces, nos difficultés,<br />

nos solutions trouvées ou imaginables,<br />

afin que d’autres puiss<strong>en</strong>t y trouver un<br />

souti<strong>en</strong> dans leurs démarches.<br />

Il est rédigé principalem<strong>en</strong>t à l’int<strong>en</strong>tion<br />

<strong>des</strong> professionnels mais intéressera aussi<br />

certainem<strong>en</strong>t les par<strong>en</strong>ts. Il constitue<br />

un outil pour transmettre à nos pairs<br />

ce que notre exercice professionnel ou<br />

notre expéri<strong>en</strong>ce de par<strong>en</strong>ts nous a<br />

<strong>en</strong>seigné.<br />

Le cont<strong>en</strong>u de nos échanges ne surpr<strong>en</strong>dra<br />

certainem<strong>en</strong>t pas les professionnels<br />

qui travaill<strong>en</strong>t déjà avec <strong>des</strong><br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> dans les services, ni les<br />

par<strong>en</strong>ts d’<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>. Le but n’est<br />

pas de surpr<strong>en</strong>dre, mais d’<strong>en</strong>courager<br />

à <strong>en</strong>trevoir autrem<strong>en</strong>t la place <strong>des</strong><br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> dans les services, ou de la<br />

découvrir pour ceux qui n’<strong>en</strong> suivrai<strong>en</strong>t<br />

pas <strong>en</strong>core…<br />

On se transforme grâce aux problèmes<br />

qui se pos<strong>en</strong>t à nous. L’adolesc<strong>en</strong>ce <strong>en</strong><br />

est un, car elle bouscule nos habitu<strong>des</strong><br />

prises avec les <strong>en</strong>fants. Elle nous offre<br />

ainsi une occasion de changer, de créer<br />

de nouvelles façons de faire. Nous avons<br />

échangé les " trucs " qui march<strong>en</strong>t dans<br />

les services dont nous v<strong>en</strong>ons.<br />

Des thématiques ess<strong>en</strong>tielles travers<strong>en</strong>t<br />

les différ<strong>en</strong>ts chapitres. L’autonomie<br />

est la toile de fond, la question ess<strong>en</strong>tielle.<br />

Comm<strong>en</strong>t devi<strong>en</strong>t-on un adulte,<br />

même avec un handicap, <strong>en</strong> passant<br />

par le processus de l’adolesc<strong>en</strong>ce ? Par<br />

quelles réalités s’exprim<strong>en</strong>t les nouveaux<br />

besoins que nous press<strong>en</strong>tons ? Quelles<br />

solutions inv<strong>en</strong>ter pour nous adapter ?<br />

Les cadres permett<strong>en</strong>t plus ou moins<br />

cette créativité nécessaire. C’est pourquoi<br />

une part sera consacrée à l’institution<br />

pour ce qu’elle peut permettre (ou au<br />

contraire empêcher si l’on n’y pr<strong>en</strong>d<br />

pas garde, si on ne s’occupe pas d’elle)<br />

comme dispositif facilitateur.<br />

Chaque participant a résumé <strong>en</strong> une<br />

phrase l’idée ess<strong>en</strong>tielle qu’il souhaitait<br />

transmettre au terme de cette<br />

recherche-action. Ces phrases ponctueront<br />

ce docum<strong>en</strong>t.<br />

Les bonnes idées à partager seront<br />

indiquées par ce logo :<br />

Le rôle d’un service de soins type SESSAD est d’accompagner<br />

les <strong>en</strong>fants à se débrouiller tout seuls, et c’est là toute la difficulté<br />

finalem<strong>en</strong>t de notre accompagnem<strong>en</strong>t. Comm<strong>en</strong>t faire <strong>en</strong> sorte<br />

qu’ils fass<strong>en</strong>t eux-mêmes, par rapport à leurs souhaits, leur capacité,<br />

sans qu’on ait à interv<strong>en</strong>ir, et pourtant qu’on soit là. Comm<strong>en</strong>t<br />

leur permettre de grandir seuls, <strong>en</strong> n’étant finalem<strong>en</strong>t qu’un filet,<br />

comme dans les cirques, pour que quand ils tomb<strong>en</strong>t, ils soi<strong>en</strong>t<br />

capables de se relever plus facilem<strong>en</strong>t.


Méthodologie<br />

Les premières réflexions sur ce sujet dat<strong>en</strong>t<br />

déjà de plusieurs années. À l’<strong>APF</strong>, les<br />

directeurs et directrices de SESSD échang<strong>en</strong>t<br />

autour <strong>des</strong> questions auxquelles ils<br />

sont confrontés dans les équipes. Doit-on<br />

garder les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> alors que <strong>des</strong> petits<br />

att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t ? Faudrait-il un service spécialisé<br />

pour accompagner les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> ?<br />

Comm<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre nos locaux accueillants<br />

pour <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> ? Comm<strong>en</strong>t aider<br />

les professionnels à gérer ces nouvelles<br />

problématiques relationnelles ?<br />

Un dispositif de recherche-action se met<br />

alors <strong>en</strong> œuvre pour approfondir cette<br />

réflexion qui paraît manquante.<br />

➧ Objectifs<br />

Ils se déclinai<strong>en</strong>t sur plusieurs plans :<br />

• analyser les problématiques spécifiques<br />

de l’adolesc<strong>en</strong>t <strong>en</strong> situation de handicap<br />

moteur ;<br />

• évaluer la manière dont l’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

impacte les modalités antérieures de<br />

suivi éducatif et rééducatif ;<br />

• inv<strong>en</strong>ter <strong>des</strong> modalités nouvelles<br />

d’accompagnem<strong>en</strong>t de ces <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

dans leur milieu de vie habituel ;<br />

• élaborer un guide de bonnes pratiques<br />

qui fera l’objet d’une diffusion comme<br />

support de réflexion et de formation<br />

pour les professionnels <strong>des</strong> SESSD, afin<br />

de développer leurs compét<strong>en</strong>ces dans<br />

l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong><br />

situation de handicap moteur.<br />

➧ Modalités<br />

1<br />

La recherche-action est organisée sous<br />

la forme d’un groupe de travail, composé<br />

de professionnels et de quelques<br />

par<strong>en</strong>ts. Ce groupe s'est réunit à six<br />

reprises de janvier à avril 2008. À chaque<br />

fois une journée <strong>en</strong>tière, ce qui facilite<br />

associations et réactions spontanées<br />

<strong>en</strong>tre participants. Les discussions sont<br />

libres, parfois ori<strong>en</strong>tées et stimulées par<br />

un support pédagogique (films <strong>en</strong> référ<strong>en</strong>ce<br />

à la fin de ce docum<strong>en</strong>t).<br />

Des situations critiques types r<strong>en</strong>contrées<br />

dans nos pratiques sont décortiquées afin<br />

d’<strong>en</strong> compr<strong>en</strong>dre les nœuds qui les ont<br />

r<strong>en</strong>dues difficiles et de dégager les leviers<br />

qui ont permis d’<strong>en</strong> sortir le plus favorablem<strong>en</strong>t<br />

possible, ou d’imaginer d’autres<br />

issues possibles qui n’ont pas pu être<br />

<strong>en</strong>visagées alors. Les cas, issus de notre<br />

quotidi<strong>en</strong> (de professionnel ou de par<strong>en</strong>t),<br />

et les films, serv<strong>en</strong>t d’illustrations pour<br />

conforter ou alim<strong>en</strong>ter nos réflexions.<br />

L’interv<strong>en</strong>tion " à domicile " est l’un <strong>des</strong><br />

repères communs qui lie fortem<strong>en</strong>t les<br />

participants, créant une sorte d’id<strong>en</strong>tité<br />

professionnelle particulière, et objet <strong>en</strong><br />

soi de cette démarche de recherche.<br />

Très peu de notes sont prises, le dispositif<br />

proposé l’<strong>en</strong>courage pour laisser<br />

à chacun le plus possible de disponibilité<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

7<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

8<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

dans son écoute, et de liberté dans son<br />

expression. Des confrontations naiss<strong>en</strong>t<br />

parfois <strong>des</strong> idées, voire <strong>des</strong> certitu<strong>des</strong>.<br />

Pour pallier ce choix de non prise de<br />

notes, l’animateur <strong>en</strong>registre nos discussions<br />

et les retranscrit. Ce sont ces<br />

données qui constitu<strong>en</strong>t la base d’élaboration<br />

et d’écriture de ce docum<strong>en</strong>t.<br />

L’animation choisie est peu directive, elle<br />

met chacun face à ces questions.<br />

• Comm<strong>en</strong>t faites-vous pour faire votre<br />

travail ?<br />

• Comm<strong>en</strong>t faites-vous avec ce que ça<br />

vous fait ?<br />

• Comm<strong>en</strong>t faites-vous pour supporter<br />

de travailler avec <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong><br />

difficulté ?<br />

• Comm<strong>en</strong>t transformez-vous ce que<br />

ça vous fait <strong>en</strong> gestes professionnels<br />

de soins ?<br />

➧ Participants<br />

Cette recherche-action est proposée à<br />

tous les professionnels <strong>des</strong> SESSD de<br />

l’<strong>APF</strong> par le biais de leur direction. Le<br />

choix a été fait <strong>en</strong> amont pour que particip<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> professionnels du quotidi<strong>en</strong><br />

(pas <strong>des</strong> directeurs), quelques par<strong>en</strong>ts,<br />

et de ne pas y associer de jeunes <strong>en</strong><br />

situation de handicap.<br />

Une participation assidue est exigée, et<br />

si possible <strong>en</strong> binôme, afin d’obt<strong>en</strong>ir<br />

<strong>des</strong> témoignages croisés, ce qui sera le<br />

cas. Les participants apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à dix<br />

équipes sur les cinquante que compte<br />

l’<strong>APF</strong>. Presque toutes les professions<br />

<strong>des</strong> SESSD sont égalem<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>tes.<br />

Ce groupe est donc représ<strong>en</strong>tatif de la<br />

réalité <strong>des</strong> SESSD de l’<strong>APF</strong>.<br />

Il est constitué de seize professionnels<br />

ayant une pratique auprès d’<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

<strong>en</strong> situation de handicap moteur, ainsi<br />

que de deux par<strong>en</strong>ts invités à participer à<br />

ce groupe dans sa totalité afin d’apporter<br />

leur point de vue ; trois hommes et treize<br />

femmes. Les participants sont volontaires,<br />

sout<strong>en</strong>us dans leur démarche par leur<br />

hiérarchie afin que les questions évoquées<br />

trouv<strong>en</strong>t un écho dans les équipes et y<br />

ramèn<strong>en</strong>t <strong>des</strong> applications possibles.<br />

Ce groupe est fait de dynamismes multiples…<br />

un <strong>des</strong>sinateur, une peintre, une<br />

étudiante <strong>en</strong> thèse, une future directrice,<br />

un constructeur de tipis, une littéraire…<br />

voilà quelques découvertes faites à l’occasion<br />

<strong>des</strong> pauses. Coïncid<strong>en</strong>ce ou simples<br />

acteurs comme il <strong>en</strong> existe partout ?<br />

Dans tous les cas, <strong>des</strong> créateurs, <strong>des</strong><br />

chercheurs, <strong>des</strong> hommes et <strong>des</strong> femmes<br />

<strong>en</strong> questionnem<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>us pour participer<br />

à construire <strong>des</strong> choses nouvelles ; <strong>des</strong><br />

insatisfaits prêts à donner de leurs idées<br />

pour améliorer <strong>des</strong> pratiques qu’ils<br />

trouv<strong>en</strong>t insuffisamm<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>sées. Des<br />

hommes et <strong>des</strong> femmes avant d’être de<br />

telle ou telle profession… preuve <strong>en</strong> est<br />

l’oubli de la fonction de par<strong>en</strong>t dans ce<br />

groupe… les échanges se font de personne<br />

à personne, un point c’est tout.<br />

➧ La forme de cet écrit<br />

Finalisée à partir d’<strong>en</strong>registrem<strong>en</strong>ts réalisés<br />

au cours <strong>des</strong> r<strong>en</strong>contres, la forme de l’écrit<br />

est à l’image du foisonnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> idées<br />

qui s’y sont échangées, de leurs associations<br />

très libres puisque très peu dirigées.<br />

Il regroupe <strong>des</strong> constats, <strong>des</strong> idées, <strong>des</strong><br />

exemples, <strong>des</strong> propositions. Les citations<br />

sont <strong>en</strong> italique et <strong>en</strong>tre guillemets.


L’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

<strong>des</strong> jeunes<br />

<strong>en</strong> situation<br />

de handicap<br />

<strong>en</strong> SESSD<br />

L’adolesc<strong>en</strong>t vi<strong>en</strong>t vérifier s’il a une place dans sa famille<br />

mais aussi dans le monde qui l’<strong>en</strong>toure. Il faut t<strong>en</strong>ir bon,<br />

parce que derrière cela, c’est le li<strong>en</strong> qui est questionné,<br />

pas autre chose !<br />

On s’accorde tous sur le fait que l’âge<br />

de l’adolesc<strong>en</strong>ce n’est pas spécialem<strong>en</strong>t<br />

l’âge physique. L’adolesc<strong>en</strong>ce est un<br />

processus psychique de transformation<br />

qui sert de charnière <strong>en</strong>tre la vie de<br />

l’<strong>en</strong>fance et la vie adulte.<br />

Pour certains, ce processus arrivera avec<br />

la puberté. Chez d’autres, on observera<br />

<strong>des</strong> prémices lors de l’<strong>en</strong>trée au collège<br />

2<br />

À travers plusieurs problématiques c<strong>en</strong>trales, nous illustrons ce que nous avons perçu<br />

de ce bouleversem<strong>en</strong>t physique, psychologique et social qu’est l’adolesc<strong>en</strong>ce.<br />

1 ➧ À quoi reconnaît-on<br />

les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> SESSD ?<br />

et du passage dans ce nouveau groupe<br />

de grands, ou bi<strong>en</strong> <strong>en</strong>core avant cela<br />

par quelques signes comportem<strong>en</strong>taux<br />

qui nous alert<strong>en</strong>t.<br />

Ils chang<strong>en</strong>t. C’est une certitude, un<br />

point commun. Ils réagiss<strong>en</strong>t différemm<strong>en</strong>t<br />

aux paroles et aux actes<br />

<strong>des</strong> adultes. Ils remett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cause<br />

leurs décisions, s’<strong>en</strong> plaign<strong>en</strong>t mais pas<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

9<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

10<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

toujours ouvertem<strong>en</strong>t. Ils parl<strong>en</strong>t d’av<strong>en</strong>ir,<br />

ils sont amoureux et cela les transforme.<br />

Ils ont d’autres priorités <strong>en</strong> récréation<br />

que de faire de la rééducation, ils sont<br />

moins g<strong>en</strong>tils avec leurs par<strong>en</strong>ts et aussi<br />

avec les professionnels.<br />

« Parler <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>, c’est compliqué.<br />

»<br />

Les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>des</strong> SESSD sont d’abord<br />

<strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> comme tous les autres,<br />

et il se trouve qu’ils sont <strong>en</strong> situation de<br />

handicap moteur. Ils travers<strong>en</strong>t <strong>des</strong> étapes<br />

comme tous les jeunes de leur âge.<br />

Les <strong>en</strong>fants que nous connaissions<br />

devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>des</strong> grands puis <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

puis <strong>des</strong> jeunes adultes. De leur<br />

<strong>en</strong>fance va dép<strong>en</strong>dre la façon dont ils<br />

vont <strong>en</strong>trer dans cette nouvelle étape de<br />

leur vie. Et tous les signes, leur histoire,<br />

leurs <strong>en</strong>vies pour plus tard, sont utiles<br />

pour les compr<strong>en</strong>dre.<br />

« On ne peut pas dissocier la prise <strong>en</strong><br />

charge d’un adolesc<strong>en</strong>t de la prise <strong>en</strong><br />

charge d’avant ou de ce qu’il a été<br />

avant […]. Il est ce qu’il est aujourd’hui<br />

par rapport à ce qu’il a été avant et<br />

justem<strong>en</strong>t dans sa diversité, dans son<br />

parcours de vie. »<br />

Particulièrem<strong>en</strong>t, ce qui nous paraît<br />

important, c’est l’histoire relationnelle<br />

de l’<strong>en</strong>fant. Comm<strong>en</strong>t il a créé <strong>des</strong> li<strong>en</strong>s<br />

autour de lui, ou pas. L’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

ressemble bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t à une <strong>en</strong>fance<br />

revisitée avec un corps de presque adulte.<br />

Nous allons donc revivre avec eux <strong>des</strong><br />

choses que nous p<strong>en</strong>sions classées :<br />

effets de séparations, du toucher, de<br />

l’amour, de la mort…<br />

Certains ne paraiss<strong>en</strong>t pas matures<br />

pour leur âge et nous amèn<strong>en</strong>t à nous<br />

demander s’ils sont ou pas <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

même à un âge avancé. Mais nous<br />

nous demandons si l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t a<br />

permis qu’ils s’oppos<strong>en</strong>t, qu’ils s’exprim<strong>en</strong>t<br />

de leur propre voix. Nous p<strong>en</strong>sons<br />

qu’il est possible que les dispositifs de<br />

soins empêch<strong>en</strong>t l’adolesc<strong>en</strong>ce d’éclore,<br />

parce que ces <strong>en</strong>fants sont tellem<strong>en</strong>t<br />

habitués à ce qu’on fasse <strong>des</strong> choses<br />

pour eux, qu’on décide pour eux… qu’ils<br />

accept<strong>en</strong>t tout facilem<strong>en</strong>t. Et parfois on<br />

le regrette…<br />

« Cette môme qui a 18 ans, elle passe le<br />

bac cette année mais on a à faire à une<br />

gamine de 13 ans, dans la façon dont<br />

elle interprète et qu’on discute ; mais<br />

est-ce qu’il y a la possibilité de remettre<br />

<strong>en</strong> cause ? »<br />

Quand peuv<strong>en</strong>t-ils être seuls pour faire<br />

leurs propres expéri<strong>en</strong>ces ? Certains<br />

sont sous surveillance presque <strong>en</strong><br />

perman<strong>en</strong>ce. Difficile de dire non, de<br />

s’opposer, d’avoir de la liberté (quand<br />

on est toujours <strong>en</strong>cadré). Certains s’inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> histoires imaginaires. Est-ce<br />

leur façon de s’évader d’une réalité trop<br />

<strong>en</strong>fermante, aliénante, de dev<strong>en</strong>ir grand<br />

autrem<strong>en</strong>t ?<br />

Ils s’affirm<strong>en</strong>t comme ils peuv<strong>en</strong>t,<br />

parfois avec force. Et cela ne pr<strong>en</strong>d pas<br />

toujours une forme évid<strong>en</strong>te à repérer :<br />

le refus de quelque chose à travers les<br />

soins, le suivi éducatif, la régression<br />

jusqu’à l’incontin<strong>en</strong>ce. Lorsqu’il n’y a<br />

plus que cela comme moy<strong>en</strong> pour<br />

s’opposer, le clivage <strong>en</strong>tre le corps et<br />

Att<strong>en</strong>tion à ce que l'on peut demander à <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>, parce que<br />

parfois on les bouscule trop fort d’un coup, et ils se retrouv<strong>en</strong>t<br />

complètem<strong>en</strong>t démunis ou ils nous rejett<strong>en</strong>t parce que c’est trop dur.<br />

Il faudrait les guider plus jeunes pour que ça se fasse plus <strong>en</strong><br />

douceur.


la tête (s’évader psychiquem<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dant<br />

un soin). Et parfois même, quand<br />

la souffrance psychologique s’accumule,<br />

<strong>des</strong> risques de décomp<strong>en</strong>sation<br />

guett<strong>en</strong>t, <strong>des</strong> angoisses débordantes<br />

s’exprim<strong>en</strong>t. Cela peut être aussi <strong>des</strong><br />

mo<strong>des</strong> d’expression de ce déséquilibre<br />

relationnel.<br />

Le handicap moteur n’empêche<br />

pas de dev<strong>en</strong>ir adolesc<strong>en</strong>t et<br />

<strong>en</strong>suite adulte. C’est parce que<br />

l'on arrive à les projeter<br />

là-dedans que petits, on<br />

les aide déjà à s’y préparer.<br />

Croire qu’ils <strong>en</strong> sont capables les<br />

aide à dev<strong>en</strong>ir <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>.<br />

Créer <strong>des</strong> espaces où ils ne sont<br />

pas sous surveillance, où ils sont<br />

seuls.<br />

Par exemple <strong>en</strong> rééducation, une<br />

psychomotrici<strong>en</strong>ne laisse l’<strong>en</strong>fant<br />

seul p<strong>en</strong>dant cinq minutes car il est<br />

dét<strong>en</strong>du et peut avoir au sol accès<br />

à son corps d’une façon telle que<br />

la défici<strong>en</strong>ce lui interdit le reste du<br />

temps.<br />

2 ➧ Remettre <strong>en</strong> cause<br />

les adultes mais aussi<br />

s’appuyer sur eux<br />

C’est le principe même de cette étape<br />

de développem<strong>en</strong>t : se différ<strong>en</strong>cier <strong>des</strong><br />

adultes qui nous ont servi de repères,<br />

pour se construire une id<strong>en</strong>tité propre.<br />

En cela, ils ne diffèr<strong>en</strong>t pas <strong>des</strong> autres<br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>. Ils nous remett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cause,<br />

nous les adultes, justem<strong>en</strong>t parce que<br />

nous sommes <strong>des</strong> adultes (et peut-être<br />

pas parce que nous sommes <strong>des</strong> professionnels).<br />

Ils nous <strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t balader quand<br />

on représ<strong>en</strong>te l’<strong>en</strong>fance, quitte parfois à<br />

vouloir quitter le service dans son <strong>en</strong>tier.<br />

Nos habitu<strong>des</strong> sont bousculées.<br />

« J’ai l’impression qu’il faut que je réappr<strong>en</strong>ne<br />

à le connaître. »<br />

Ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de la liberté, <strong>des</strong> initiatives,<br />

qui nous désarçonn<strong>en</strong>t. C’est cela qui nous<br />

oblige à changer, à nous positionner et<br />

à leur parler autrem<strong>en</strong>t. Pourtant, ils ont<br />

besoin qu’on leur rappelle la loi à laquelle<br />

eux aussi sont soumis, comme nous le<br />

sommes. Nous devons leur signifier <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce<br />

qu’ils font partie de notre groupe<br />

social. Il leur arrive d’être clairem<strong>en</strong>t soulagés<br />

que la loi s’applique aussi à eux lorsque<br />

ce n’était pas le cas jusqu’à prés<strong>en</strong>t.<br />

« Des jeunes sont ravis un jour d’avoir<br />

la punition collective de la classe. Les<br />

jeunes handicapés, ils n’ont jamais ça,<br />

jusqu’au jour où <strong>en</strong>fin ils se pay<strong>en</strong>t une<br />

colle et ils sont cont<strong>en</strong>ts. Enfin la loi<br />

s’applique aussi à eux alors que jusqu’à<br />

prés<strong>en</strong>t, la loi ne les concernait pas. »<br />

L’adulte interprète toujours l’expression<br />

de l’<strong>en</strong>fant, c’est son rôle depuis que<br />

l’<strong>en</strong>fant est tout petit. Quand il est bébé,<br />

l’adulte ne s’<strong>en</strong> veut pas de le faire.<br />

C’est normal parce que le bébé ne peut<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

11<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

12<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

pas parler, c’est vital d’interpréter « tu as<br />

mal, tu as faim… ». Mais lorsque l’<strong>en</strong>fant<br />

grandit et peut dire son désaccord, alors<br />

l’adulte a peur de se tromper ; il a peur<br />

que l’<strong>en</strong>fant lui reproche plus tard une<br />

décision. Pourtant, tant que l’<strong>en</strong>fant<br />

n’est pas <strong>en</strong> mesure, psychiquem<strong>en</strong>t,<br />

d’assumer une décision, de la pr<strong>en</strong>dre<br />

(c’est-à-dire avant <strong>en</strong>viron 18 ans), de<br />

dire que c’est la si<strong>en</strong>ne, il a besoin que<br />

l’adulte décide à sa place, même si ce<br />

n’est pas la décision qu’a posteriori il dit<br />

qu’il aurait choisie.<br />

C’est le rôle socialisant de l’adulte, l’adolesc<strong>en</strong>t<br />

s’y appuie pour dev<strong>en</strong>ir un adulte :<br />

plus tard, je serai comme ça, je ne ferai<br />

pas comme ça…Il se différ<strong>en</strong>cie, donc il<br />

se construit. Un soignant dirait à un adolesc<strong>en</strong>t<br />

« c’est toi qui choisis de te faire<br />

opérer ou pas », démissionne de son rôle<br />

humanisant car un adolesc<strong>en</strong>t a besoin<br />

de se reposer sur <strong>des</strong> décisions d’adultes<br />

pour se s<strong>en</strong>tir cont<strong>en</strong>u, pour ne pas se<br />

s<strong>en</strong>tir abandonné. On risque aussi de le<br />

mettre dans une toute-puissance inquiétante<br />

pour lui <strong>en</strong> lui demandant cela.<br />

D’autre part, on devrait pouvoir s’autoriser<br />

à aller au bout d’une demande d’un jeune<br />

qui voudrait arrêter la kinésithérapie.<br />

« Je veux arrêter la kiné, ça fait 15 ans<br />

que j’<strong>en</strong> fais, je veux compr<strong>en</strong>dre à quoi<br />

ça sert. »<br />

Écouter apaise l’angoisse et ouvre la possibilité<br />

de trouver d’autres solutions. Il<br />

s’agit de recevoir les inquiétu<strong>des</strong>, pour<br />

les dépasser. Il est important que l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t<br />

n’accepte pas que le jeune<br />

soit réellem<strong>en</strong>t omnipot<strong>en</strong>t, mais qu’il<br />

l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>de. Il faut " t<strong>en</strong>ir le coup " face à ses<br />

attaques, sans se laisser détruire.<br />

Tous les jeunes ne viv<strong>en</strong>t pas ces étapes<br />

de la même façon, au même mom<strong>en</strong>t,<br />

au même âge, ne les exprim<strong>en</strong>t pas de<br />

la même manière. C’est un processus qui<br />

montre <strong>des</strong> signes qu’il faut appr<strong>en</strong>dre à<br />

repérer. C’est aussi cela qui nous déroute.<br />

Ils essai<strong>en</strong>t de compr<strong>en</strong>dre le pouvoir<br />

qu’ils ont sur les choses et les g<strong>en</strong>s. Ils<br />

rejou<strong>en</strong>t notamm<strong>en</strong>t la toute-puissance<br />

que les <strong>en</strong>fants mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong> scène. Suis-je<br />

capable de te détruire et de te recréer ?<br />

Leur pouvoir peut aussi pr<strong>en</strong>dre forme<br />

dans le corps (" faire une crise "). Les jeunes<br />

s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t quand on a peur. Parfois ils ne<br />

nous dis<strong>en</strong>t pas ce qu’ils p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t parce<br />

qu’ils sav<strong>en</strong>t que ça nous fait peur.<br />

Leur donner la parole, leur offrir<br />

<strong>des</strong> espaces où ils peuv<strong>en</strong>t donner<br />

leur avis. Mais att<strong>en</strong>tion, leur<br />

demander leur avis, n’est pas leur<br />

demander leur accord !<br />

T<strong>en</strong>ir nos responsabilités<br />

d’adultes : ne pas les laisser pr<strong>en</strong>dre<br />

<strong>des</strong> décisions qui sont de notre<br />

ressort. Et surtout ne pas se servir<br />

d’eux pour trancher quand nous<br />

sommes indécis.<br />

Par exemple, ne pas dire : « Est-ce<br />

que tu veux continuer la kiné ? » Il<br />

ne doit pas <strong>en</strong> décider, c’est de la<br />

responsabilité <strong>des</strong> adultes (par<strong>en</strong>ts et<br />

soignants), mais on peut lui demander<br />

ce qu’il <strong>en</strong> p<strong>en</strong>se, comm<strong>en</strong>t il<br />

souhaite poursuivre la kiné.<br />

Diversifier les relations <strong>des</strong><br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> avec plusieurs professionnels<br />

du SESSD, c’est leur offrir<br />

plus d’opportunités d’aborder ce<br />

qu’ils veul<strong>en</strong>t avec qui ils le s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t.<br />

Il faut faire confiance aux <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>. C’est eux qui sav<strong>en</strong>t de quoi ils ont<br />

besoin, si on peut les écouter, il y a déjà plein de choses qui sont résolues !


3 ➧ Trouver son groupe<br />

et créer du li<strong>en</strong><br />

Entre les vali<strong>des</strong> et les " handicapés ",<br />

ils se positionn<strong>en</strong>t là, pas tout à fait<br />

handicapés, pas complètem<strong>en</strong>t vali<strong>des</strong>.<br />

Les jeunes <strong>des</strong> SESSD, par leur vie la plus<br />

normale possible, côtoi<strong>en</strong>t au quotidi<strong>en</strong><br />

<strong>des</strong> jeunes de leur âge qui majoritairem<strong>en</strong>t<br />

ne sont pas <strong>en</strong> situation de handicap.<br />

Ils se projett<strong>en</strong>t avec évid<strong>en</strong>ce dans le<br />

milieu ordinaire puisqu’ils viv<strong>en</strong>t dans<br />

le milieu ordinaire.<br />

À la recherche d’une id<strong>en</strong>tité, cette situation<br />

n’est sans doute pas confortable<br />

pour eux, surtout pris dans les projections<br />

<strong>des</strong> adultes et <strong>des</strong> autres jeunes qui<br />

leur r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t tour à tour : tu es handicapé<br />

ou tu es comme tout le monde ?<br />

Certains s’<strong>en</strong>nui<strong>en</strong>t, se plaign<strong>en</strong>t, se<br />

s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>t isolés, même dans<br />

leur classe. Le regard <strong>des</strong> autres leur<br />

pèse.<br />

« Elles peuv<strong>en</strong>t rester seules devant<br />

et tout le monde s’est barré et elles<br />

sont devant le trottoir et elles peuv<strong>en</strong>t<br />

pas monter, elles peuv<strong>en</strong>t y rester une<br />

demi-heure avant que quelqu’un passe,<br />

l’une d’elles a fait une lettre <strong>en</strong> disant<br />

" je m’<strong>en</strong>nuie à mort ". »<br />

Ils sembl<strong>en</strong>t alors très seuls, très isolés<br />

par rapport aux vali<strong>des</strong>. À la rigueur ils<br />

réussiss<strong>en</strong>t à créer <strong>des</strong> li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre personnes<br />

handicapées mais pas avec <strong>des</strong><br />

vali<strong>des</strong>. Nous devons faire l’effort d’<strong>en</strong><br />

faire <strong>des</strong> citoy<strong>en</strong>s comme les autres, et<br />

ne pas ajouter à leur isolem<strong>en</strong>t.<br />

« L’adolesc<strong>en</strong>ce, c’est avoir <strong>des</strong> copains,<br />

être <strong>en</strong> groupe, s’id<strong>en</strong>tifier à une bande.<br />

Les <strong>en</strong>fants handicapés moteurs sont<br />

emm<strong>en</strong>és au lycée <strong>en</strong> taxi. Ils vont à<br />

l’infirmerie, on va les rechercher <strong>en</strong> taxi.<br />

Il n’y a pas possibilité de faire partie<br />

d’un groupe ; tout de suite ils ont déjà<br />

un statut à part. Et lorsqu’ils sont dans<br />

les familles, bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t ils sont isolés<br />

et ne sort<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong>tre copains. Les<br />

copains ne se déplac<strong>en</strong>t pas chez eux<br />

comme nous on le fait… »<br />

Peut-être est-ce lié à l’équilibre, intérieur,<br />

psychique, que chaque jeune trouve :<br />

l’incapacité à aller vers les autres dép<strong>en</strong>d<br />

notamm<strong>en</strong>t d’une t<strong>en</strong>dance dépressive.<br />

« Il y a <strong>des</strong> gamins qui ont <strong>des</strong> capacités<br />

à le faire, qu’est-ce que c’est que faire<br />

du li<strong>en</strong>, c’est se confronter aux autres,<br />

être d’accord, pas d’accord et c’est<br />

comme ça que tu as du monde autour.<br />

Pour celui qui est tout r<strong>en</strong>fermé sur lui,<br />

forcém<strong>en</strong>t c’est dur. »<br />

D’autres sont par contre très capables<br />

de créer <strong>des</strong> li<strong>en</strong>s autour d’eux et ont un<br />

réseau d’amis plus ét<strong>en</strong>du que leur frère<br />

valide au même âge… Ils se construis<strong>en</strong>t<br />

une bande, une tribu, un groupe d’appart<strong>en</strong>ance<br />

qui les souti<strong>en</strong>t dans leur<br />

id<strong>en</strong>tité, nous <strong>en</strong> connaissons <strong>des</strong> très<br />

actifs, m<strong>en</strong>eurs même.<br />

« Le nombre de potes qu’il avait,<br />

c’est hallucinant ! Il a eu plein d’amis.<br />

Maint<strong>en</strong>ant il est <strong>en</strong> hypokhâgne, ça l’a<br />

structuré. Mais à l’époque, la mère était<br />

paniquée car faut voir le jeune fumer<br />

<strong>des</strong> joints et se pr<strong>en</strong>dre <strong>des</strong> cuites à la<br />

vodka à l’internat. Au niveau du li<strong>en</strong><br />

social c’est un <strong>des</strong> jeunes du service, il<br />

avait ce que l’on appelle <strong>des</strong> amis, un<br />

réseau. »<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

13<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

14<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

On s’accorde à dire que leur socialisation<br />

ne s’évalue pas au nombre de sorties qu’ils<br />

font, mais bi<strong>en</strong> à leur capacité à créer <strong>des</strong><br />

li<strong>en</strong>s avec les personnes qu’ils crois<strong>en</strong>t.<br />

Les li<strong>en</strong>s créés p<strong>en</strong>dant l’<strong>en</strong>fance se<br />

rejou<strong>en</strong>t lors de l’adolesc<strong>en</strong>ce, c’est une<br />

chose ess<strong>en</strong>tielle. Donc notre travail<br />

comm<strong>en</strong>ce dès la petite <strong>en</strong>fance pour<br />

créer du li<strong>en</strong>. C’est ça de gagné pour<br />

quand ils seront grands. Ils auront appris<br />

qu’ils sont aimés par <strong>des</strong> g<strong>en</strong>s, qu’ils<br />

peuv<strong>en</strong>t compter sur eux. Les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

cherch<strong>en</strong>t <strong>des</strong> li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre avant et après,<br />

<strong>en</strong>tre l’<strong>en</strong>fance et l’état d’adulte.<br />

Proposer à <strong>des</strong> jeunes qui ne<br />

dép<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t pas du service, de participer<br />

à certaines de nos activités,<br />

pour favoriser les li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre jeunes.<br />

Par exemple : un groupe de préparation<br />

à l’av<strong>en</strong>ir se fait avec tous les<br />

jeunes d’une unité pédagogique<br />

d'intégration (UPI) dont un seulem<strong>en</strong>t<br />

est actuellem<strong>en</strong>t suivi par le SESSD.<br />

Par exemple : un groupe ado <strong>en</strong><br />

li<strong>en</strong> avec une maison de quartier.<br />

Le SESSD ne fait que les transports<br />

pour les jeunes du SESSD.<br />

Dans tous les cas, ils ont besoin d’avoir<br />

<strong>des</strong> modèles auxquels s’id<strong>en</strong>tifier, de<br />

connaître <strong>des</strong> plus grands pour se<br />

projeter dans l’av<strong>en</strong>ir, rêver.<br />

« Un couple d’adultes était v<strong>en</strong>u, <strong>des</strong><br />

jeunes suivis par le service et qui vivai<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>semble, ils étai<strong>en</strong>t tous les deux <strong>en</strong><br />

fauteuil. Ils avai<strong>en</strong>t quelqu’un qui v<strong>en</strong>ait<br />

le matin, le soir pour les aider dans les<br />

tâches de la vie quotidi<strong>en</strong>ne. Ils étai<strong>en</strong>t<br />

v<strong>en</strong>us leur parler de leur vie, de ce qu’ils<br />

faisai<strong>en</strong>t. Il y <strong>en</strong> a une qui devait travailler<br />

à la délégation. Les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>,<br />

cela les avait " vachem<strong>en</strong>t " marqués, ils<br />

<strong>en</strong> parlai<strong>en</strong>t assez souv<strong>en</strong>t. Alors qu’ils<br />

étai<strong>en</strong>t beaucoup plus handicapés<br />

qu’eux et bi<strong>en</strong> elle avait une vie de<br />

couple, elle vivait toute seule. »<br />

Créer <strong>des</strong> li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre les plus<br />

jeunes et les plus âgés.<br />

Organiser <strong>des</strong> r<strong>en</strong>contres avec<br />

<strong>des</strong> " anci<strong>en</strong>s " du service, c’est <strong>en</strong>core<br />

plus facile de s’id<strong>en</strong>tifier à <strong>des</strong><br />

jeunes adultes qui peuv<strong>en</strong>t servir de<br />

modèles.<br />

Par exemple : inviter les " anci<strong>en</strong>s " à<br />

témoigner lors d’un regroupem<strong>en</strong>t<br />

d’<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>.<br />

Garder <strong>des</strong> contacts avec les jeunes<br />

sortis du service et les <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir.<br />

Nous sommes plusieurs à constater qu’ils<br />

ont besoin de nous. Si nous disparaissons,<br />

les li<strong>en</strong>s s’effrit<strong>en</strong>t comme si nous étions<br />

le vecteur qui permet leur socialisation.<br />

Nous mettons <strong>en</strong> cause l’aspect individuel<br />

de nos interv<strong>en</strong>tions et p<strong>en</strong>sons<br />

qu’il faut aller vers plus d’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

collectif, pour qu’ils viv<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> choses <strong>en</strong> commun (si on n’a ri<strong>en</strong><br />

vécu <strong>en</strong> commun, on n’a pas de raison<br />

de se retrouver !). Et il faut peut-être<br />

travailler <strong>en</strong> amont, sur le plan individuel,<br />

à ce qui permet à quelqu’un de<br />

créer et d’<strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ir lui-même les relations.<br />

Même si le projet collectif échoue,<br />

comme certaines de nos expéri<strong>en</strong>ces<br />

l’illustr<strong>en</strong>t, il faut essayer. Si le dispositif<br />

ayant l’objectif de socialiser le jeune ne<br />

ti<strong>en</strong>t pas, il ne faut pas abandonner le<br />

projet de le socialiser. Mais peut-être<br />

revoir les modalités du dispositif, revoir<br />

le comm<strong>en</strong>t on fait, et non remettre tout<br />

<strong>en</strong> cause.<br />

« C’est comme <strong>des</strong> outils qu’il pr<strong>en</strong>d<br />

ou qu’il ne pr<strong>en</strong>d pas, qu’il utilisera ou<br />

qu’il n’utilisera pas. Tout est bon à la<br />

limite. Qu’ils <strong>en</strong> fass<strong>en</strong>t quelque chose<br />

ou pas, je crois que d’être dans cette<br />

expéri<strong>en</strong>ce, c’est quelque chose qu’ils<br />

mettront dans leur petite mallette. »


Faire du collectif et moins d’individuel,<br />

pour qu’ils viv<strong>en</strong>t <strong>des</strong> choses<br />

<strong>en</strong>semble !<br />

Il ne faut pas oublier que l’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

est aussi un mom<strong>en</strong>t riche où le changem<strong>en</strong>t<br />

peut être fort positif.<br />

« Il y a un jeune du service qui est r<strong>en</strong>du<br />

au Canada, là tout seul, du coup pas de<br />

4 ➧ La sexualité<br />

On associe souv<strong>en</strong>t adolesc<strong>en</strong>ce et<br />

sexualité, du fait de la puberté, du fait<br />

que le corps acquiert à l’adolesc<strong>en</strong>ce la<br />

capacité de procréer. Nous avons très<br />

peu parlé de sexualité au s<strong>en</strong>s physique.<br />

Mais ce qui nous a préoccupés, ce sont<br />

les li<strong>en</strong>s amoureux, parmi les autres<br />

li<strong>en</strong>s, la vie affective au s<strong>en</strong>s large. Les<br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap<br />

sont amoureux et préoccupés de plaire,<br />

comme tous les jeunes de leur âge !<br />

Il faut qu’ils puiss<strong>en</strong>t rêver, se projeter et<br />

nous devons, nous les adultes, les y aider.<br />

Ils ont besoin de r<strong>en</strong>contrer <strong>des</strong> personnes<br />

qui leur serv<strong>en</strong>t de supports d’id<strong>en</strong>tification<br />

pour leur confirmer que c’est possible et<br />

qu’ils peuv<strong>en</strong>t s’autoriser à rêver, notamm<strong>en</strong>t<br />

d’être par<strong>en</strong>ts un jour.<br />

« Ce serait tellem<strong>en</strong>t dommage de se<br />

retrouver seul dans la vie, parce qu’on<br />

ne s’est pas autorisé à p<strong>en</strong>ser qu’on<br />

pouvait ne pas l’être. »<br />

La sexualité met les professionnels mal<br />

à l’aise, et c’est ce que nous détaillerons<br />

dans la partie qui les concerne. Car les<br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> nous provoqu<strong>en</strong>t aussi sur<br />

ce terrain-là.<br />

service. Il est parti <strong>en</strong> séjour classique,<br />

même pas <strong>en</strong> intégration, et c’est un<br />

truc qui arrive alors que c’est un gamin<br />

super protégé. Sauf qu’à l’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

le gamin il a dit " je vais essayer, je pars ".<br />

Là il se passe quelque chose, il a 17 ans,<br />

il se passe quelque chose, c’est l’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

qui a fait ça, à un mom<strong>en</strong>t où il<br />

aurait pu basculer dans un autre truc,<br />

la vie cool, facile. »<br />

« La jeune adolesc<strong>en</strong>te, à chaque fois<br />

que son kiné v<strong>en</strong>ait, était <strong>en</strong> string et<br />

bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t sans souti<strong>en</strong>-gorge, <strong>en</strong><br />

consultation aussi d’ailleurs… il était mal<br />

à l’aise… mais c’était de la provocation<br />

et je p<strong>en</strong>se qu’elle cherchait un peu<br />

l’effet qu’elle pouvait faire dans l’œil<br />

du médecin et du kiné. »<br />

À cette période, leur corps embarrasse<br />

souv<strong>en</strong>t les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>, ils n’aim<strong>en</strong>t<br />

pas que les attelles se voi<strong>en</strong>t, les filles se<br />

plaign<strong>en</strong>t de ne pas pouvoir porter ce<br />

qu’elles veul<strong>en</strong>t… une quête esthétique<br />

apparaît.<br />

Nous avons surtout évoqué le poids <strong>des</strong><br />

représ<strong>en</strong>tations sociales qui empêch<strong>en</strong>t<br />

(et nous aussi parfois !) de les considérer<br />

pleinem<strong>en</strong>t comme <strong>des</strong> personnes<br />

sexuées, <strong>des</strong> hommes et <strong>des</strong> femmes,<br />

aimants, aimables, et capables d’être<br />

par<strong>en</strong>ts plus tard.<br />

Dans cette quête relationnelle autour<br />

de l’amour, il nous semble particulièrem<strong>en</strong>t<br />

important de les aider à<br />

investir leur corps de façon positive.<br />

Malheureusem<strong>en</strong>t, ils sont nombreux<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

15<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

16<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

à connaître <strong>des</strong> séquelles esthétiques<br />

de la chirurgie. La chirurgie réparatrice<br />

sur un plan esthétique ne leur est que<br />

rarem<strong>en</strong>t proposée. Comme si on considérait<br />

déjà leurs corps d’<strong>en</strong>fants comme<br />

de futurs corps d’adultes non désirants<br />

et non désirés ? Comme si on les empêchait<br />

déjà d’adv<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> tant que sujets<br />

d’amour (et donc sexués) ? On vi<strong>en</strong>drait<br />

confirmer là <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations sociales<br />

inconsci<strong>en</strong>tes très répandues…<br />

Leur corps leur apparti<strong>en</strong>t, malgré tous<br />

les soins dont il a souv<strong>en</strong>t été l’objet<br />

depuis la naissance, et l’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

est un mom<strong>en</strong>t capital où les jeunes se<br />

l’appropri<strong>en</strong>t, où ils le transform<strong>en</strong>t, à<br />

leur manière.<br />

Nous les accompagnons par rapport à la<br />

prise de consci<strong>en</strong>ce de leurs difficultés,<br />

l’acceptation de leurs limites. C’est un<br />

peu comme tous les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>, mais<br />

coloré d’une façon particulière à cause<br />

du handicap.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de l’adolesc<strong>en</strong>ce, le handicap<br />

est l’objet d’une nouvelle prise de<br />

consci<strong>en</strong>ce qui fait suite à une première<br />

phase aiguë vers 6-7 ans. Cette fois, le<br />

jeune cherche à compr<strong>en</strong>dre par et pour<br />

lui-même ce qui le gêne, il pose <strong>des</strong> questions<br />

diagnostiques et pronostiques.<br />

On ne doit pas les obliger à <strong>en</strong> parler,<br />

car on risque de faire du psychologisme<br />

Avec les filles, <strong>des</strong> activités se<br />

font autour du maquillage.<br />

Avec <strong>des</strong> garçons et une fille,<br />

une kiné fait sa séance dans une<br />

salle de musculation.<br />

Travailler d’une manière ou<br />

d’une autre sur nos représ<strong>en</strong>tations<br />

pour nous autoriser à les<br />

percevoir tels qu’ils sont, désirés<br />

et désirables.<br />

Valoriser tout ce qui marque<br />

leur originalité (ce qui fait qu’il/elle<br />

est beau/belle, désirable) : une<br />

coiffure, <strong>des</strong> sandales, un bijou…<br />

5 ➧ Pr<strong>en</strong>dre consci<strong>en</strong>ce<br />

de ses limites mais aussi de<br />

son handicap<br />

(parce qu’on a <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du que ça fait du<br />

bi<strong>en</strong> de parler) ou d’exprimer là une<br />

forme de toute-puissance. Digérer <strong>des</strong><br />

événem<strong>en</strong>ts ne passe pas forcém<strong>en</strong>t, et<br />

tout de suite, par la parole.<br />

Il faut aussi que dans cet <strong>en</strong>jeu, nous ne<br />

soyons pas toujours à formuler les choses<br />

de façon négative et manquante. Ils<br />

ont <strong>des</strong> compét<strong>en</strong>ces. C’est aussi pour<br />

eux le mom<strong>en</strong>t de les montrer ! Parfois,<br />

il semble qu’ils ai<strong>en</strong>t une lucidité qui<br />

devance la nôtre : deux ans avant de<br />

mourir, un jeune refuse de poursuivre sa<br />

scolarité au collège, il demande à rester<br />

chez lui. Sur le coup, les professionnels<br />

lutt<strong>en</strong>t pour qu’il reste inscrit dans <strong>des</strong>


projets, mais le si<strong>en</strong> aura raison de tous<br />

les autres.<br />

S<strong>en</strong>tir les limites peut aussi se manifester<br />

par <strong>des</strong> prises de risque, <strong>des</strong> mises <strong>en</strong><br />

danger.<br />

« Avec les fauteuils, j’hallucine, ils me<br />

font peur, les fauteuils électriques c’est<br />

de la folie, il y a <strong>des</strong> jeunes avec <strong>des</strong><br />

p<strong>en</strong>tes comme ça, ils tomb<strong>en</strong>t avec <strong>des</strong><br />

fauteuils électriques. »<br />

Proposer <strong>des</strong> temps de consultation<br />

seul à partir d’un certain âge.<br />

C’est une façon personnalisée de<br />

permettre à l’adolesc<strong>en</strong>t de s’approprier<br />

son histoire médicale.<br />

Par exemple : à partir de 13 ans,<br />

on propose systématiquem<strong>en</strong>t à la<br />

famille (jeune + par<strong>en</strong>ts) un temps<br />

où le jeune est seul avec le médecin<br />

pour qu’il puisse poser ses questions<br />

à sa manière et <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre ce<br />

qu’il souhaite savoir.<br />

Les laisser libres de nous parler<br />

du handicap, ou pas !<br />

6 ➧ Exprimer de l’agressivité<br />

Comme les autres, ils expérim<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> relations où on se dispute, où on<br />

se confronte même physiquem<strong>en</strong>t. On<br />

n’est pas d’accord et on se le dit.<br />

« Un jeune de 14 ans cette année, <strong>en</strong><br />

UPI, a pris un coup-de-poing à l’école. Il<br />

s’est battu, il est <strong>en</strong> fauteuil roulant, <strong>en</strong><br />

déambulateur. Il avait cette idée un peu<br />

chevaleresque de déf<strong>en</strong>dre les filles. Il y<br />

a un couple qui se chamaillait ; c’était<br />

pour rigoler, la fille le savait, elle l’avait<br />

compris, lui l’avait pas compris. Il a pris<br />

la déf<strong>en</strong>se de la fille, et le gars ça l’a<br />

un peu énervé parce qu’il l’a insulté.<br />

Donc il lui a mis une mornifle. Mais<br />

c’est super éducatif ça parce qu’il a dit<br />

" b<strong>en</strong> ça m’a fait du bi<strong>en</strong> parce que j’ai<br />

compris que ce qu’il faisait n’était pas<br />

forcém<strong>en</strong>t agressif. "<br />

« Ma fille est égalem<strong>en</strong>t dans ce schéma.<br />

C’est-à-dire que dans sa classe, elle a à<br />

la fois <strong>des</strong> bons amis et puis il y a un<br />

garçon avec qui elle est <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong> conflit. Donc elle m’<strong>en</strong> parle régulièrem<strong>en</strong>t,<br />

il est super agressif, il se fout<br />

d’elle. Et je lui dis " écoute tu es tout à<br />

fait capable de répondre à ce gaminlà<br />

" donc moi je la laisse gérer. Elle lui a<br />

collé une beigne parce qu’elle <strong>en</strong> avait<br />

ras-le-bol. »<br />

Vis-à-vis <strong>des</strong> adultes, c’est une autre<br />

histoire. Une hypothèse nous amène<br />

à p<strong>en</strong>ser qu’ils s’autoriserai<strong>en</strong>t à exprimer<br />

leur agressivité vis-à-vis d’adultes<br />

à qui ils font vraim<strong>en</strong>t confiance. Que<br />

se passerait-il alors s’ils sont rejetés à ce<br />

mom<strong>en</strong>t-là ? Ils ont peut-être besoin que<br />

les professionnels support<strong>en</strong>t, comme<br />

<strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts, d’être agressés, et de ne<br />

pas pour autant rompre les li<strong>en</strong>s.<br />

« En synthèse, parce qu’on lui demande<br />

son avis, elle s’écroule <strong>en</strong> pleurant […]<br />

elle finit par dire " bon, la kiné, je ne<br />

peux pas l’arrêter, j’<strong>en</strong> ai besoin. " Elle le<br />

dit elle-même alors que depuis <strong>des</strong> mois<br />

elle disait " j’<strong>en</strong> ai marre de la kiné, je n’<strong>en</strong><br />

veux plus du service " et bi<strong>en</strong> non. Juste le<br />

seul truc qu’elle a <strong>en</strong>levé c’est le souti<strong>en</strong><br />

scolaire. Tout le reste elle l’a gardé, elle<br />

a gardé l’ergo, la kiné et l’éduc… alors<br />

qu’on a failli arriver à une rupture. »<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

17<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

18<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

Quand ils nous dis<strong>en</strong>t « je ne veux<br />

plus te voir », il nous arrive de pr<strong>en</strong>dre<br />

cela au pied de la lettre, d’y croire<br />

radicalem<strong>en</strong>t. Alors que c’est souv<strong>en</strong>t<br />

juste une manière de dire l’agacem<strong>en</strong>t,<br />

l’étouffem<strong>en</strong>t, le ras-le-bol de quelque<br />

chose, mais pas forcém<strong>en</strong>t un vrai désir<br />

de ne plus être <strong>en</strong> li<strong>en</strong> avec nous. Entre<br />

personnes attachées l’une à l’autre, « je<br />

ne veux plus te voir » ne signifie pas<br />

qu’on va se séparer à jamais.<br />

« Un jeune me dit " j’aimerais réduire<br />

les prises <strong>en</strong> charge ". Alors il les pr<strong>en</strong>d<br />

une par une et puis il dit " b<strong>en</strong> là le kiné<br />

je suis obligé bon d’accord je garde le<br />

kiné ". Et après il dit " l’ergo, là non, ça<br />

je peux pas <strong>en</strong>lever " et puis il arrive<br />

avec l’éduc et il dit c’est trop " chiant "<br />

c’est là où je peux vraim<strong>en</strong>t dire que<br />

c’est sympa, " je le garde ", et puis après<br />

il me dit " mais comm<strong>en</strong>t je vais faire,<br />

parce que je peux <strong>en</strong>fin dire que je veux<br />

réduire et "… il n’y arrivait pas. Ce qu’il<br />

a <strong>en</strong>vie de dire c’est " je veux vivre autre<br />

chose ". »<br />

L’agressivité peut aussi se manifester<br />

par de l’agir, du corporel (la maladie,<br />

faire une crise…). Leur corps peut être<br />

vécu comme une prison et dans ce cas<br />

être attaqué. « Je ne suis pas toujours<br />

capable d’être g<strong>en</strong>tille », dit une jeune<br />

fille qui ne nous regarde pas dans les<br />

yeux… Ces <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> sont souv<strong>en</strong>t<br />

très g<strong>en</strong>tils, trop ? Il nous arrive de<br />

souhaiter qu’ils nous bouscul<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core<br />

plus car nous savons que pour eux ce<br />

serait bon signe, le signe qu’ils os<strong>en</strong>t<br />

pr<strong>en</strong>dre leur <strong>en</strong>vol.<br />

Ils peuv<strong>en</strong>t être passifs vis-à-vis du<br />

nombre de séances mais très rev<strong>en</strong>dicatifs<br />

sur <strong>des</strong> horaires, <strong>des</strong> modalités<br />

(à l’école et pas ailleurs…). Le corps,<br />

quand il est abîmé par les soins, peut<br />

être objet de t<strong>en</strong>tatives d’automutilation<br />

comme l’expression d’une forme<br />

d’agressivité, mais tournée contre soi,<br />

ou contre ce qui fait souffrir, le stigmate<br />

du handicap (par exemple une jeune<br />

fille qui attaque ses cicatrices).<br />

Ils ont besoin de partager <strong>en</strong>tre eux <strong>des</strong><br />

choses négatives, notamm<strong>en</strong>t sur nous.<br />

C’est <strong>en</strong> partageant le négatif qu’on le<br />

transforme : « Fabriquer du méchant<br />

puis le réparer », dit Paul Perez.<br />

Autoriser, voire permettre <strong>des</strong><br />

mom<strong>en</strong>ts où ils peuv<strong>en</strong>t se dire <strong>des</strong><br />

choses négatives à propos <strong>des</strong> personnes<br />

qui les <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t. Ne pas<br />

systématiquem<strong>en</strong>t chercher à policer<br />

ces échanges.<br />

Leur permettre de dire ce qu’ils<br />

p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t, même si ce ne sont pas<br />

que <strong>des</strong> choses agréables à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre.


7 ➧ La question<br />

de l’autonomie<br />

C’est une problématique c<strong>en</strong>trale. Il nous<br />

faut distinguer au préalable deux termes<br />

souv<strong>en</strong>t confondus. L’indép<strong>en</strong>dance<br />

serait la capacité à faire quelque chose<br />

seul. L’autonomie correspond à la capacité<br />

de se gouverner seul mais elle peut<br />

se décliner à travers l’aide <strong>des</strong> autres.<br />

Nous sommes unanimes sur le fait qu’il<br />

faut s’occuper de l’autonomie bi<strong>en</strong><br />

avant la majorité, avant l’âge adulte,<br />

quand l’<strong>en</strong>fant est <strong>en</strong>core petit. Nous<br />

avons t<strong>en</strong>dance à choisir à leur place et<br />

à leur demander d’un seul coup d’être<br />

<strong>des</strong> grands. Nous devons appr<strong>en</strong>dre à<br />

leur demander de plus <strong>en</strong> plus leur avis,<br />

et petit à petit, ils os<strong>en</strong>t le donner. C’est<br />

peut-être d’ailleurs parce qu’on le leur<br />

demande !<br />

« On décide pour eux quand ils sont<br />

petits. Donc, à partir de quel mom<strong>en</strong>t<br />

est-ce qu’on ne décide plus ? Est-ce qu’on<br />

leur demande ce qu’ils veul<strong>en</strong>t ? »<br />

Il faut les considérer comme acteurs dès<br />

le début, les faire choisir, il n’y a pas de<br />

" petit " choix.<br />

Leur proposer de choisir, dès<br />

tout petit, par de multiples supports<br />

(notamm<strong>en</strong>t <strong>des</strong> groupes, ou<br />

quelque chose à l’intérieur d’une<br />

séance).<br />

L’indép<strong>en</strong>dance, c’est facile<br />

à travailler concrètem<strong>en</strong>t pour<br />

un professionnel. Autant l’autonomie<br />

(se fixer ses propres<br />

règles) c’est l’affaire de<br />

tous.<br />

On ne peut pas isoler l’<strong>en</strong>fant de son<br />

<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t. L’autonomie d’un sujet<br />

n’a aucun s<strong>en</strong>s sans parler d’une<br />

autonomie dans la relation. Il faut du<br />

li<strong>en</strong>, de la " communauté humaine "<br />

pour dev<strong>en</strong>ir autonome. C’est donc sur<br />

<strong>des</strong> li<strong>en</strong>s forts que les <strong>en</strong>fants s’appui<strong>en</strong>t<br />

pour dev<strong>en</strong>ir petit à petit capables<br />

d’intégrer <strong>des</strong> règles, <strong>des</strong> s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts.<br />

« On est sur le versant social ; où l’on<br />

construit dans le temps sur de la prév<strong>en</strong>tion<br />

à 10, 15, 20 ans. Lorsque l’on<br />

passe <strong>des</strong> séances dans une classe avec<br />

<strong>des</strong> <strong>en</strong>fants d’une classe qui ne sont<br />

pas handicapés mais qui sont avec un<br />

autre <strong>en</strong>fant handicapé, on travaille<br />

sur 10 ans parce que ce sont de futurs<br />

citoy<strong>en</strong>s. »<br />

Petit à petit, l’<strong>en</strong>fant de la famille<br />

devi<strong>en</strong>t pour nous un interlocuteur aussi<br />

actif que les par<strong>en</strong>ts dans les prises de<br />

décisions.<br />

« Les familles s’adress<strong>en</strong>t aux services<br />

et demand<strong>en</strong>t une certaine aide. À un<br />

mom<strong>en</strong>t, c’est le jeune qui répond sur<br />

l’aide qui lui est apportée ; cela le déséquilibre<br />

un petit peu. Il comm<strong>en</strong>ce à dire<br />

ce qu’il <strong>en</strong> p<strong>en</strong>se. Ils ont cette capacité<br />

à se rebeller. »<br />

Ce cap est complexe à gérer, car chaque<br />

interlocuteur est <strong>en</strong> train de changer de<br />

posture.<br />

« C’est difficile de se décaler du besoin<br />

physique et du coup de la place du pouvoir<br />

psychologique que cela nous donne.<br />

Je trouve que l’on a du mal quand on<br />

est éducateur et qu’on est relié p<strong>en</strong>dant<br />

<strong>des</strong> années à un <strong>en</strong>fant. On est à la fois<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

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étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

20<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

dans cette aide physique, matérielle,<br />

de permettre que les choses se fass<strong>en</strong>t,<br />

mais aussi on sert d’intermédiaire avec<br />

les par<strong>en</strong>ts. Et puis à un mom<strong>en</strong>t, c’est<br />

le jeune tout seul qu’il faut considérer.<br />

Mais on a <strong>en</strong>core besoin d’être là pour<br />

qu’il puisse faire <strong>des</strong> choses matériellem<strong>en</strong>t,<br />

concrètem<strong>en</strong>t. »<br />

Il faut réinv<strong>en</strong>ter <strong>des</strong> rituels, pour alim<strong>en</strong>ter<br />

cette inscription dans la culture,<br />

dans le social, marquer le temps qui<br />

passe.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> <strong>des</strong> rituels de passage.<br />

Par exemple : créer <strong>des</strong> barrières<br />

d’âge pour accéder à certaines<br />

activités, pour leur donner <strong>en</strong>vie<br />

d’être grands.<br />

Un autre aspect c<strong>en</strong>tral dans ce débat<br />

concerne la capacité <strong>des</strong> jeunes à<br />

généraliser ce qu’ils appr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

séance. Nous constatons que <strong>des</strong> jeunes<br />

peuv<strong>en</strong>t très bi<strong>en</strong> acquérir <strong>des</strong> capacités<br />

<strong>en</strong> séances avec <strong>des</strong> professionnels,<br />

mais ne pas les réutiliser dans leur vie<br />

de tous les jours.<br />

Faire <strong>des</strong> séances <strong>en</strong> situation<br />

de vie réelle.<br />

Par exemple : une ergothérapeute<br />

qui habituellem<strong>en</strong>t construit ses<br />

séances <strong>en</strong> fonction <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>tissages<br />

scolaires du mom<strong>en</strong>t, fait<br />

<strong>des</strong> pauses de deux mois avec <strong>des</strong><br />

jeunes qui ne généralis<strong>en</strong>t pas, pour<br />

réutiliser les mêmes compét<strong>en</strong>ces<br />

mais avec d’autres supports que<br />

celui de l’école.<br />

Travailler avec et dans la famille,<br />

plutôt qu’<strong>en</strong> parallèle car <strong>des</strong> jeunes<br />

peuv<strong>en</strong>t montrer une autonomie<br />

<strong>en</strong> dehors de leur famille mais pas<br />

dedans.<br />

Après 18 ans, leurs désirs d’autonomie<br />

s’affirm<strong>en</strong>t de plus <strong>en</strong> plus. Ils veul<strong>en</strong>t<br />

savoir comm<strong>en</strong>t on fait les courses <strong>en</strong><br />

fauteuil roulant, comm<strong>en</strong>t chercher un<br />

appartem<strong>en</strong>t s’ils doiv<strong>en</strong>t quitter leur<br />

famille…<br />

Ce n’est pas seulem<strong>en</strong>t à l’adolesc<strong>en</strong>ce qu’il faut se poser<br />

la question de l’autonomie, c’est déjà bi<strong>en</strong> avant. À chaque niveau,<br />

il y a <strong>des</strong> étapes d’autonomie. On est là pour les faire grandir, professionnels<br />

et famille ; il faut s’<strong>en</strong> inquiéter avant que l’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

n'arrive. Leur laisser un espace où ils puiss<strong>en</strong>t s’exprimer, tout<br />

simplem<strong>en</strong>t, recueillir <strong>en</strong>fin leurs paroles.


8 ➧ La scolarité<br />

Le collège est un cap particulièrem<strong>en</strong>t<br />

difficile et douloureux, pour tous :<br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>, par<strong>en</strong>ts, professionnels.<br />

Nous sommes marqués par <strong>des</strong> situations<br />

d’échec scolaire (nous évoquerons<br />

plus loin ce qu’il <strong>en</strong> est du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t<br />

d’impuissance du côté <strong>des</strong> professionnels).<br />

Les jeunes qui ne r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t pas<br />

de difficultés d’appr<strong>en</strong>tissage sont très<br />

peu évoqués lors de nos échanges. Ce<br />

qui nous préoccupe, ce sont les jeunes<br />

qui ont <strong>des</strong> difficultés d’appr<strong>en</strong>tissage<br />

importantes.<br />

« Je n’<strong>en</strong> peux plus de ne pas pouvoir<br />

suivre ». Heureusem<strong>en</strong>t qu’il a pu le<br />

dire, mais il y <strong>en</strong> a UN sur combi<strong>en</strong> qui<br />

arrive à le dire ?<br />

Nous craignons que <strong>des</strong> jeunes mett<strong>en</strong>t<br />

toute leur énergie à faire semblant<br />

de suivre le rythme imposé par leur<br />

classe d’âge. Ces situations conduis<strong>en</strong>t<br />

à <strong>des</strong> malhonnêtetés <strong>en</strong>tre les adultes<br />

et les jeunes. Parfois les professeurs<br />

les surnot<strong>en</strong>t parce qu’ils n’os<strong>en</strong>t pas<br />

leur attribuer <strong>des</strong> notes très basses.<br />

L’adolesc<strong>en</strong>t est pris <strong>en</strong>tre <strong>des</strong> pressions<br />

paradoxales : faire plaisir à ses par<strong>en</strong>ts,<br />

être honnête avec soi-même, garder une<br />

bonne image de soi, être honnête visà-vis<br />

du professeur mais ne pas gâcher<br />

son attachem<strong>en</strong>t, être honnête vis-à-vis<br />

du professionnel…<br />

« Pour lui, cela dev<strong>en</strong>ait insupportable.<br />

Il a dû quitter le collège et aller dans<br />

un autre collège, parce qu’il avait plus<br />

de copains. Imaginez, vous avez 6 de<br />

moy<strong>en</strong>ne <strong>en</strong> maths et une fois que vous<br />

avez la moy<strong>en</strong>ne le prof vous offre un<br />

bouquin. […] Il dit " bon, c’est vrai que<br />

je préférerais avoir un peu plus que ce<br />

que j’ai vraim<strong>en</strong>t, mais pas un 15, c’est<br />

vrai, t’as raison, mais oh un petit 8 ça<br />

aurait été bi<strong>en</strong>, tu ne p<strong>en</strong>ses pas ? ". Il<br />

aimerait bi<strong>en</strong> ne pas avoir un 0, mais un<br />

15 il dit que pour la famille c’est bi<strong>en</strong>.<br />

Là le 15 pour papa c’est parfait. " Pour<br />

papa c’est parfait. Bon écoute 8 cela<br />

aurait été pas mal, mais 15 c’est mieux<br />

qu’un zéro et vis-à-vis <strong>des</strong> copains, j’<strong>en</strong><br />

ai marre ! ". »<br />

Ainsi l’intégration scolaire ratée serait<br />

un vecteur d’isolem<strong>en</strong>t social, surtout<br />

au collège. Nous faisons <strong>des</strong> constats<br />

d’échec.<br />

« Je p<strong>en</strong>se à un jeune <strong>en</strong> CAP. Il voulait<br />

absolum<strong>en</strong>t travailler <strong>en</strong> mécanique<br />

auto. Cela s’est un peu mal passé <strong>en</strong><br />

stage. Au niveau comportem<strong>en</strong>t, c’était<br />

nickel ; il était poli, arrivait à l’heure.<br />

Mais <strong>en</strong> termes de tâche de travail, ce<br />

n’était pas facile. Et lui a mal vécu cette<br />

situation. »<br />

Mais pour les jeunes, la scolarité c’est leur<br />

vie sociale, l’acquisition <strong>des</strong> connaissances.<br />

Nous p<strong>en</strong>sons qu’il faudrait préparer les<br />

jeunes au collège. Et lorsque leurs capacités<br />

nécessit<strong>en</strong>t un parcours différ<strong>en</strong>t,<br />

leur trouver une formation qualifiante est<br />

un casse-tête. Ce sont les éducateurs et<br />

les assistantes sociales qui s’<strong>en</strong> occup<strong>en</strong>t<br />

principalem<strong>en</strong>t. Globalem<strong>en</strong>t, nous nous<br />

s<strong>en</strong>tons <strong>en</strong>core assez incompét<strong>en</strong>ts dans<br />

le domaine, il faut reconnaître que ce sont<br />

<strong>des</strong> problématiques nouvelles.<br />

Les parcours <strong>des</strong> quelques jeunes plus<br />

âgés (18 ans et plus) que nous connaissons<br />

ont t<strong>en</strong>dance à nous rassurer et<br />

nous <strong>en</strong>courag<strong>en</strong>t à croire que nos<br />

inquiétu<strong>des</strong> sont très liées au processus<br />

d’adolesc<strong>en</strong>ce : mutations, incertitu<strong>des</strong>,<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

21<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

22<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

On n’a pas à faire de projets à leur place, mais les aider<br />

à <strong>en</strong> avoir.<br />

peur de l’abandon, recherche de repères.<br />

Et aussi à croire que ce n’est qu’un<br />

passage. Car après le collège, une nouvelle<br />

période scolaire s’ouvre, faite de<br />

moins d’intolérance <strong>en</strong>tre les jeunes<br />

(mûris par leur âge), de plus d’ouverture<br />

à l’originalité <strong>des</strong> parcours. Et parfois les<br />

jeunes pour lesquels nous nous sommes<br />

inquiétés (et qui étai<strong>en</strong>t eux aussi<br />

<strong>en</strong> souffrance) démontr<strong>en</strong>t de vraies<br />

capacités d’adaptation, autant intellectuelles<br />

que sociales. Les conflits avec<br />

les adultes pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t un autre aspect, ce<br />

qui apaise peut-être les t<strong>en</strong>sions. Pour<br />

toutes ces raisons, l’étape du collège<br />

semble la plus représ<strong>en</strong>tative de la crise<br />

de l’adolesc<strong>en</strong>ce.<br />

Cep<strong>en</strong>dant, cette t<strong>en</strong>sion participe<br />

certainem<strong>en</strong>t à la réussite scolaire (à<br />

long terme) du jeune. On sait qu’un<br />

<strong>en</strong>fant dont la scolarité est investie par<br />

les par<strong>en</strong>ts a plus de chance de réussir.<br />

Cette t<strong>en</strong>sion n’est donc pas à bannir<br />

mais à supporter. Et d’autre part, le doute<br />

sur la capacité d’un collégi<strong>en</strong> à t<strong>en</strong>ir<br />

le rythme scolaire a certainem<strong>en</strong>t aussi<br />

un rôle constructif dans son parcours. Le<br />

doute amène une quête d’autre chose,<br />

nous visitons d’autres structures. La<br />

scolarité ordinaire reste le choix le plus<br />

courant et nous pouvons avoir l’impression<br />

qu’elle est laborieuse. Mais elle sera<br />

alors le fruit d’une décision (ou du moins<br />

une prise de position) familiale dans<br />

laquelle le jeune est inscrit et porté. Et<br />

c’est peut-être là la meilleure motivation<br />

pour un jeune à réussir, malgré tous les<br />

sacrifices qu’il aura à affronter.<br />

Des ergothérapeutes travaill<strong>en</strong>t<br />

avec <strong>des</strong> objectifs construits à partir<br />

<strong>des</strong> difficultés constatées, et non<br />

par rapport à un programme scolaire,<br />

c’est plus concret, plus utile à<br />

l’<strong>en</strong>fant, plus réjouissant pour lui, il<br />

découvre ses capacités.<br />

Des éducateurs et <strong>des</strong> psychologues<br />

r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>en</strong>seignants<br />

pour les am<strong>en</strong>er à modifier leurs<br />

représ<strong>en</strong>tations <strong>des</strong> élèves. C’est<br />

plus efficace dans les temps informels<br />

que dans les réunions comme<br />

les ESS.<br />

Une psychomotrici<strong>en</strong>ne va<br />

bi<strong>en</strong>tôt proposer un " module " de<br />

préparation à l’<strong>en</strong>trée au collège à<br />

tous les élèves de CM2, pour anticiper<br />

la r<strong>en</strong>trée.<br />

Un groupe " av<strong>en</strong>ir " a été créé<br />

<strong>en</strong> collaboration avec une UPI<br />

pour préparer les jeunes à <strong>des</strong> questions<br />

pratiques à l’intérieur de leur<br />

scolarité.<br />

Dans certains SESSD, on dit aux<br />

<strong>en</strong>fants dyspraxiques que le CP et le<br />

CE1 sont <strong>des</strong> classes difficiles pour<br />

leur scolarité à cause de leurs troubles,<br />

et que ça va passer, qu’après ce<br />

sera plus facile. Sur ce modèle, on<br />

pourrait dire aux collégi<strong>en</strong>s que les<br />

classes du collège sont dures mais<br />

qu’après ce sera plus facile.<br />

Aider les par<strong>en</strong>ts et le jeune à<br />

réellem<strong>en</strong>t choisir sa scolarité : UPI<br />

ou pas… car une famille qui fait<br />

<strong>des</strong> choix va souv<strong>en</strong>t mieux qu’une<br />

famille qui se croit contrainte devant<br />

un échec et sans solution alternative<br />

(comme tout individu).


9 ➧ L’adolesc<strong>en</strong>t et les soins<br />

(rééducation et éducation)<br />

Le " soin " est à compr<strong>en</strong>dre ici comme<br />

" pr<strong>en</strong>dre soin de ".<br />

Contrairem<strong>en</strong>t à ce qu’on pourrait croire,<br />

les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> sont capables de reconnaître<br />

leurs besoins. Si on leur pose la<br />

question, ils ne choisiss<strong>en</strong>t pas forcém<strong>en</strong>t<br />

l’arrêt. Ils peuv<strong>en</strong>t même percevoir<br />

et exprimer eux-mêmes <strong>des</strong> priorités !<br />

Il y a quelques années, une étude<br />

a été réalisée dans un SESSD auprès<br />

<strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> pour mieux cerner<br />

leurs deman<strong>des</strong>. Et ils demand<strong>en</strong>t<br />

que <strong>des</strong> professionnels continu<strong>en</strong>t<br />

à pr<strong>en</strong>dre soin d’eux.<br />

La non systématisation du suivi éducatif<br />

a généré <strong>des</strong> tiraillem<strong>en</strong>ts, <strong>des</strong> conflits<br />

dans de nombreuses équipes. Mais elle<br />

apparaît plus adaptée aux deman<strong>des</strong><br />

<strong>des</strong> jeunes et de leurs par<strong>en</strong>ts. Certaines<br />

disciplines cristallis<strong>en</strong>t leur rébellion,<br />

particulièrem<strong>en</strong>t le suivi éducatif, le suivi<br />

psychologique ou les soins au corps.<br />

Les professionnels souhait<strong>en</strong>t que peu à<br />

peu, ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t soin d’eux-mêmes, par<br />

eux-mêmes et qu’ils ne dép<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t plus<br />

toujours d’un adulte. L’<strong>en</strong>jeu consiste à<br />

passer de l’<strong>en</strong>fance où les professionnels<br />

et les par<strong>en</strong>ts pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t soin de l’<strong>en</strong>fant,<br />

parfois sans son accord véritable, à<br />

l’adolesc<strong>en</strong>ce où le jeune doit peu à<br />

peu s’approprier son corps (comme tout<br />

d’ailleurs).<br />

Certains soins corporels monopolis<strong>en</strong>t<br />

un temps notre att<strong>en</strong>tion puisque <strong>des</strong><br />

jeunes s’y oppos<strong>en</strong>t particulièrem<strong>en</strong>t<br />

(étirem<strong>en</strong>ts, attelles, opérations). Ceux<br />

qui ont vécu plusieurs interv<strong>en</strong>tions<br />

chirurgicales les refus<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t à<br />

l’adolesc<strong>en</strong>ce. La chirurgie laisse <strong>des</strong><br />

marques sur le corps, qui génèr<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t<br />

gêne et/ou honte.<br />

Quand l’<strong>en</strong>fant est petit, ce sont ses<br />

par<strong>en</strong>ts, aidés par les professionnels<br />

qui port<strong>en</strong>t les décisions chirurgicales.<br />

La négociation avec les grands est très<br />

compliquée et nécessaire. On sait qu’une<br />

interv<strong>en</strong>tion chirurgicale imposée a<br />

toutes les chances de ne pas porter tous<br />

ses fruits. Il faut que l’adolesc<strong>en</strong>t soit<br />

d’accord pour fournir <strong>des</strong> efforts <strong>en</strong><br />

soins postopératoires. Les décisions<br />

sont toujours très difficiles à pr<strong>en</strong>dre<br />

car nous savons tous que ce sera long et<br />

douloureux. Quel coût psychique pour<br />

ces interv<strong>en</strong>tions sur le corps ?<br />

Alors les soignants port<strong>en</strong>t eux aussi la<br />

responsabilité de croire pour l’adolesc<strong>en</strong>t<br />

que tous ces efforts <strong>en</strong> val<strong>en</strong>t la peine. Ils<br />

le projett<strong>en</strong>t dans un av<strong>en</strong>ir d’adulte et<br />

c’est ce qui leur permet de l’<strong>en</strong>courager.<br />

Pour sa future autonomie fonctionnelle,<br />

pour éviter <strong>des</strong> douleurs plus tard, <strong>des</strong><br />

déformations invalidantes ou douloureuses,<br />

pour augm<strong>en</strong>ter son espérance de<br />

vie, ils souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ces soins.<br />

Les jeunes sont forcém<strong>en</strong>t ambival<strong>en</strong>ts :<br />

ils ont <strong>en</strong>vie et ils ont peur. Ils ont besoin<br />

que les adultes s’impliqu<strong>en</strong>t, pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> risques, assum<strong>en</strong>t. Alors, c’est aux<br />

adultes de décider. Ils ne doiv<strong>en</strong>t pas<br />

leur faire porter la décision, mais décider<br />

après les avoir consultés, et cela quitte à<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

23<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

24<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

dev<strong>en</strong>ir un objet mauvais, voire un objet<br />

de haine. Cela fait partie de notre rôle<br />

d’adulte et cela leur sert à supporter le<br />

versant négatif de ce qu’ils viv<strong>en</strong>t.<br />

Une mère témoigne parmi nous qu’elle<br />

a arrêté les soins de sa fille p<strong>en</strong>dant un<br />

an avec grande culpabilité, mais que<br />

plusieurs années après, elle et son mari<br />

ne regrett<strong>en</strong>t ri<strong>en</strong>.<br />

L’un de nous pose l’hypothèse qu’il peut<br />

arriver de répondre à leurs attaques,<br />

leur agressivité (normale d’<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>)<br />

par <strong>des</strong> attaques déguisées <strong>en</strong> soins,<br />

notamm<strong>en</strong>t médicaux. Au lieu de supporter<br />

la douleur imm<strong>en</strong>se à côtoyer <strong>des</strong><br />

corps déformés, on les agresse peutêtre<br />

<strong>en</strong> leur imposant de rectifier ces<br />

déformations ? Les <strong>en</strong>voyer consulter<br />

un chirurgi<strong>en</strong> serait parfois une façon<br />

de ne pas nous confronter à leur refus<br />

<strong>des</strong> soins : au moins quelque chose<br />

serait fait ?<br />

Des par<strong>en</strong>ts rappell<strong>en</strong>t qu’à vouloir bi<strong>en</strong><br />

faire, les professionnels ne dis<strong>en</strong>t pas<br />

toujours tout. Il faut <strong>en</strong>core et toujours<br />

ouvrir le dialogue, ne pas croire qu’on<br />

protège les g<strong>en</strong>s <strong>en</strong> sélectionnant ce<br />

qu’on leur dit. Les décisions devrai<strong>en</strong>t<br />

être le résultat d’une discussion où<br />

chaque parole a pu émerger.<br />

Il faut savoir <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> et leurs par<strong>en</strong>ts,<br />

compr<strong>en</strong>dre leurs raisons de<br />

fonctionner comme ils fonctionn<strong>en</strong>t,<br />

d’être comme ils sont. Compr<strong>en</strong>dre<br />

permet au moins de ne pas aller<br />

contre, de pouvoir aller<br />

avec, c’est déjà pas mal !<br />

Ne jamais aller à contrecourant<br />

!<br />

« Il n’y a même pas eu un espace pour<br />

qu’il dise " moi, je ne suis pas d’accord ".<br />

Il a fallu qu’il se retrouve dans mon<br />

espace à moi pour qu’il dise <strong>en</strong> pleurant<br />

" eh moi j’aurais vachem<strong>en</strong>t voulu dire<br />

à ce chirurgi<strong>en</strong>, ce " con " (il le traite de<br />

tous les noms d’oiseaux) et je voudrais<br />

tellem<strong>en</strong>t lui dire que je ne veux pas, et<br />

je ne peux pas le dire à mes par<strong>en</strong>ts, je<br />

ne peux pas le dire au médecin, à qui je<br />

peux le dire ? " Et je crois que c’est aussi<br />

viol<strong>en</strong>t que de dire à l’adolesc<strong>en</strong>t " c’est<br />

toi qui déci<strong>des</strong> " autant que ne pas lui<br />

donner du tout la parole et que de parler<br />

sur lui avec les par<strong>en</strong>ts, c’est horrible. »<br />

Demander l’avis aux jeunes sur<br />

le travail qu’ils font avec nous.<br />

Ne plus systématiser le suivi<br />

éducatif pour les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>.<br />

Encore une fois t<strong>en</strong>ir nos responsabilités<br />

d’adultes : ne pas les laisser<br />

pr<strong>en</strong>dre <strong>des</strong> décisions qui sont de<br />

notre ressort. Et surtout ne pas se<br />

servir d’eux pour trancher quand<br />

nous sommes indécis.<br />

Par exemple : à propos d’une décision<br />

d’interv<strong>en</strong>tion chirurgicale, on<br />

peut lui dire : « On va se réunir, on se<br />

met autour d’une table, à plusieurs<br />

autour de toi avec les g<strong>en</strong>s qui te<br />

connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong>, qui ont établi <strong>des</strong><br />

li<strong>en</strong>s avec toi, et on va parler <strong>en</strong>semble,<br />

où on <strong>en</strong> est, qu’est-ce qu’on<br />

peut faire, qu’est-ce qu’on p<strong>en</strong>se<br />

les uns les autres de ce qui serait le<br />

mieux pour toi, quelles impressions<br />

on a par rapport à ça. » La parole lui<br />

est donnée aussi : « Tu peux donner<br />

ton avis, mais aussi tu peux te reposer<br />

sur la décision <strong>des</strong> adultes. »<br />

Il pourra év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t nous <strong>en</strong><br />

vouloir… év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t. Parfois<br />

exprimer son refus, son désaccord,<br />

c’est ce qui lui permettra de supporter<br />

le soin.


Pouvoir dire ce qu’on ress<strong>en</strong>t c’est être<br />

reconnu par les autres. Quand on est<br />

reconnu, on n’a moins besoin de se battre<br />

contre ce qui est décidé pour nous par les<br />

adultes. Ainsi on voit que <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

qui ont dit ouvertem<strong>en</strong>t qu’ils n’étai<strong>en</strong>t<br />

pas d’accord pour se faire opérer réussiss<strong>en</strong>t<br />

à supporter les soins et même à<br />

s’approprier <strong>en</strong>suite leurs rééducations.<br />

10 ➧ Faire avec sa famille<br />

Certains <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> r<strong>en</strong>onc<strong>en</strong>t à leur<br />

rêve pour préserver leur famille. Cela ne<br />

se fait pas forcém<strong>en</strong>t dans le conflit, mais<br />

aussi dans l’amour. Il y aurait <strong>des</strong> positions<br />

inconsci<strong>en</strong>tes qui amènerai<strong>en</strong>t <strong>des</strong><br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> à sout<strong>en</strong>ir un par<strong>en</strong>t blessé<br />

plutôt que de pr<strong>en</strong>dre leur autonomie.<br />

Ça se dénoue, ça se déplie au fur et à<br />

mesure de la vie. Ils ne sav<strong>en</strong>t pas forcém<strong>en</strong>t<br />

dire à 15 ans ce qui est important<br />

pour eux, à quoi ti<strong>en</strong>t leur équilibre, et<br />

notamm<strong>en</strong>t dans leur famille.<br />

Il nous semble clair que <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants se<br />

sacrifi<strong>en</strong>t dans leurs possibilités pour<br />

éviter à la famille une séparation ou un<br />

déménagem<strong>en</strong>t. En effet, <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts<br />

<strong>en</strong>visag<strong>en</strong>t parfois de changer de vie,<br />

de tous déménager, pour se rapprocher<br />

d’un établissem<strong>en</strong>t.<br />

« Parfois, je p<strong>en</strong>se – c’est une hypothèse<br />

de ma part – que <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants vont rester<br />

<strong>en</strong> deçà de leurs possibilités, pour ne<br />

pas demander à leurs par<strong>en</strong>ts de faire<br />

ce choix-là. Je p<strong>en</strong>se à un jeune qui s’est<br />

retrouvé dans un foyer occupationnel<br />

Le corps sil<strong>en</strong>cieux ne nous gêne pas.<br />

C’est le corps bruyant qui dérange les<br />

professionnels. Pourtant est-ce finalem<strong>en</strong>t<br />

plus grave qu’un <strong>en</strong>fant qui ne<br />

se plaint de ri<strong>en</strong> ? Il est possible qu’ils<br />

nous protèg<strong>en</strong>t un peu de leur agressivité,<br />

notamm<strong>en</strong>t par leur sil<strong>en</strong>ce, leur<br />

tolérance.<br />

alors qu’il a de bonnes capacités intellectuelles.<br />

»<br />

« C’était trop tôt pour elle de dire non à<br />

sa famille, elle a préféré rester avec eux<br />

et ne pas faire cette formation. »<br />

Ils rêv<strong>en</strong>t parfois de choses que leur<br />

famille ne peut pas admettre : partir,<br />

habiter seul ou avec un petit copain…<br />

Cela peut arriver notamm<strong>en</strong>t quand le<br />

projet du jeune n’a pas été travaillé <strong>en</strong><br />

parallèle avec les par<strong>en</strong>ts.<br />

Si on n’avance pas <strong>en</strong>semble avec les par<strong>en</strong>ts, les projets<br />

<strong>des</strong> jeunes sembl<strong>en</strong>t difficiles à faire aboutir.<br />

Quand un jeune pr<strong>en</strong>d de<br />

l’autonomie d’un seul coup, il nous<br />

faut travailler absolum<strong>en</strong>t avec les<br />

par<strong>en</strong>ts ! Sinon on les met dans une<br />

situation difficile où ils doiv<strong>en</strong>t choisir<br />

<strong>en</strong>tre le projet qu’ils ont construit<br />

avec nous et le projet qu’ils partag<strong>en</strong>t<br />

avec leurs par<strong>en</strong>ts. Et cela mène<br />

le projet à l’échec.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

25<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

26<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

3<br />

Le bouleversem<strong>en</strong>t de l’adolesc<strong>en</strong>ce<br />

touche la famille dans son <strong>en</strong>tier et<br />

vi<strong>en</strong>t bouleverser un équilibre. C’est une<br />

période de crise familiale.<br />

« L’adolesc<strong>en</strong>ce c’est immanquable, c’est<br />

18 ans […] la grande différ<strong>en</strong>ce elle est<br />

là. Pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t, on peut se barrer et<br />

dans la tête <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts, c’est plus du<br />

fantasme, c’est du réel. »<br />

Et il nous apparaît certain que c’est toute<br />

l’<strong>en</strong>tité familiale qui a <strong>en</strong>core besoin de<br />

l’aide de professionnels, de personnes<br />

extérieures à cette cellule pour servir<br />

de tiers et apporter un souffle. Visà-vis<br />

du handicap, ri<strong>en</strong> de nouveau :<br />

<strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts lutt<strong>en</strong>t " contre ", d’autres<br />

" avec ", d’autres " pour ". D’autres <strong>en</strong>core<br />

continu<strong>en</strong>t leur route comme s’il<br />

n’existait pas. Des par<strong>en</strong>ts voi<strong>en</strong>t <strong>des</strong><br />

difficultés là où leur <strong>en</strong>fant n’<strong>en</strong> voit<br />

pas parce qu’il est comme cela depuis<br />

toujours. Les par<strong>en</strong>ts le compar<strong>en</strong>t à un<br />

<strong>en</strong>fant fantasmatique qui ne serait pas<br />

Le vécu<br />

<strong>des</strong> familles<br />

Nous avons beaucoup parlé <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts et les par<strong>en</strong>ts prés<strong>en</strong>ts ont exprimé toute<br />

la complexité de leur place : vouloir le mieux pour son <strong>en</strong>fant ne se décline pas<br />

facilem<strong>en</strong>t dans le concret, autour <strong>des</strong> soins, de la scolarité, de la vie affective.<br />

1 ➧ Une crise familiale<br />

handicapé. Le jeune se projette dans le<br />

milieu ordinaire, les par<strong>en</strong>ts ont peur.<br />

« Elle s’ouvre <strong>des</strong> portes que nous, on<br />

a presque déjà fermées. Je trouve ça<br />

génial ! »<br />

Ou au contraire l’<strong>en</strong>fant voit trop ses<br />

incapacités et c’est le par<strong>en</strong>t qui croit<br />

aveuglém<strong>en</strong>t à ses pot<strong>en</strong>tialités.<br />

Des par<strong>en</strong>ts ont peur que l’<strong>en</strong>fant<br />

se pr<strong>en</strong>ne un mur un jour, qu’il soit<br />

confronté à un échec important, alors<br />

ces par<strong>en</strong>ts-là aid<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>digu<strong>en</strong>t.<br />

« Papa veut, papa fait ses devoirs, il se<br />

couche à minuit c’est quelque chose de<br />

particulier… »<br />

Des par<strong>en</strong>ts ne peuv<strong>en</strong>t pas admettre<br />

que leur jeune parte, qu’il soit capable<br />

de m<strong>en</strong>er seul sa vie, alors qu’il s’<strong>en</strong><br />

montre capable aux yeux <strong>des</strong> professionnels.<br />

Parfois c’est lié à la sexualité<br />

(comme dans l’exemple qui suit), parfois<br />

pas.


« C’est comme si son père lui avait dit :<br />

" Toi t’es handicapée, si tu veux habiter<br />

toute seule, t’es bonne sœur, et puis<br />

c’est réglé ". Non je caricature à peine :<br />

" Tu n’auras pas de sexualité, tu n’auras<br />

pas de vie, ta vie elle est tracée " et puis<br />

je crois que ça t<strong>en</strong>ait comme ça […] Elle<br />

a eu un petit copain à 18 ans et il y a<br />

eu une réaction très viol<strong>en</strong>te du côté<br />

du père, presque physiquem<strong>en</strong>t, mais<br />

<strong>en</strong> tout cas verbalem<strong>en</strong>t. Il a cassé le<br />

portable, il a foutu le copain dehors,<br />

il l’a jeté, donc elle, elle est super mal<br />

[…] les par<strong>en</strong>ts ils sont complètem<strong>en</strong>t<br />

perdus parce que du coup bouleversés<br />

dans leurs repères. »<br />

Les équilibres familiaux ont beaucoup<br />

d’incid<strong>en</strong>ce sur la portée de nos interv<strong>en</strong>tions.<br />

Les par<strong>en</strong>ts peuv<strong>en</strong>t être dans<br />

l’hyper protection, garder l’<strong>en</strong>fant pour<br />

eux, pour t<strong>en</strong>ir, pour colmater d’autres<br />

blessures (séparation du couple, deuil,<br />

dép<strong>en</strong>dance…). Il y a <strong>des</strong> deuils à faire.<br />

C’est peut-être plus facile à verbaliser<br />

p<strong>en</strong>dant l’<strong>en</strong>fance car les événem<strong>en</strong>ts<br />

traumatisants sont plus réc<strong>en</strong>ts. Les<br />

par<strong>en</strong>ts sont de plus <strong>en</strong> plus " autorisés "<br />

à dire qu’ils ont du mal à se séparer de<br />

leur <strong>en</strong>fant, qu’ils sont traumatisés par la<br />

naissance… Mais quand l’<strong>en</strong>fant devi<strong>en</strong>t<br />

un adolesc<strong>en</strong>t, que quinze années sont<br />

passées, c’est comme si toutes ces blessures<br />

devai<strong>en</strong>t être réglées. Elles ne le<br />

sont pas ! Elles sont même au contraire<br />

réactivées par cette nouvelle étape de<br />

développem<strong>en</strong>t qui annonce <strong>des</strong> possibles<br />

et <strong>des</strong> impossibles.<br />

Pour plusieurs situations, nous nous<br />

sommes demandés : où est le père ?<br />

C’est la situation familiale préalablem<strong>en</strong>t<br />

installée qui est déterminante.<br />

Un adolesc<strong>en</strong>t se structure comme tel<br />

lorsqu’il peut s’appuyer sur <strong>des</strong> adultes<br />

soli<strong>des</strong>, à la fois aimants et structurants.<br />

Les facteurs de risques de souffrance<br />

sont les mêmes que dans les autres<br />

familles : traumatismes, séparations,<br />

viol<strong>en</strong>ce, exil…<br />

Certains <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> ont un rapport<br />

particulier à la souffrance maternelle.<br />

Comme une sorte de fidélité à la mère,<br />

ou un devoir de soin de la mère, qui<br />

compliqu<strong>en</strong>t les projets d’autonomie<br />

du jeune. Comm<strong>en</strong>t se défaire de ces<br />

alliances ? Est-ce souhaitable ? De<br />

quel droit nous vi<strong>en</strong>drions détruire<br />

cet équilibre qui bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t n’est là<br />

que pour colmater quelque chose de<br />

plus douloureux <strong>en</strong>core ?<br />

Mettre le père dans le circuit,<br />

une famille ti<strong>en</strong>t toujours sur deux<br />

par<strong>en</strong>ts, même quand l’un <strong>des</strong> deux<br />

a l’air abs<strong>en</strong>t.<br />

Continuer à travailler avec la<br />

famille ! Absolum<strong>en</strong>t ! Mais pas<br />

forcém<strong>en</strong>t de la même manière.<br />

Par exemple : un éducateur travaille<br />

avec la jeune fille p<strong>en</strong>dant qu’un<br />

professionnel du SAVS1 travaille<br />

avec la mère.<br />

Les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> sont <strong>en</strong> général particulièrem<strong>en</strong>t<br />

désagréables avec leurs<br />

par<strong>en</strong>ts, plus qu’avec les autres adultes.<br />

C’est aussi l’effet du processus de<br />

l’adolesc<strong>en</strong>ce. Par contre, ils peuv<strong>en</strong>t<br />

se montrer différ<strong>en</strong>ts avec les professionnels.<br />

Et il est alors utile que les<br />

par<strong>en</strong>ts le sach<strong>en</strong>t, cela les rassure.<br />

« Il ne se montre pas du tout mature<br />

auprès de ses par<strong>en</strong>ts, mais avec<br />

les autres et avec nous il est poli.<br />

La dernière fois que je suis allé chez<br />

lui, il m’a proposé à boire. Son père ne<br />

le voit jamais comme cela. Et puis on<br />

discute facilem<strong>en</strong>t. Alors qu’<strong>en</strong>tre eux,<br />

1 - SAVS : Service d'accompagnem<strong>en</strong>t à la vie<br />

sociale pour les adultes.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

27<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

28<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

ils n’arriv<strong>en</strong>t pas à se parler. Cela passe<br />

par les gestes, ils s’ador<strong>en</strong>t, ils se détest<strong>en</strong>t,<br />

ils rigol<strong>en</strong>t, ça part dans tous les<br />

s<strong>en</strong>s. »<br />

Dire <strong>des</strong> choses positives sur les<br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> à leurs par<strong>en</strong>ts.<br />

Certaines décisions, notamm<strong>en</strong>t médicales,<br />

sont lour<strong>des</strong> à porter. Les par<strong>en</strong>ts<br />

qui ne suiv<strong>en</strong>t pas les conseils <strong>des</strong><br />

professionnels se s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t culpabilisés.<br />

Ils ont déjà peur de ne pas pr<strong>en</strong>dre la<br />

bonne décision, ils ont besoin qu’on<br />

les conforte dans leurs intuitions de<br />

2 ➧ La fratrie<br />

La fratrie aussi vit cette crise. Nous<br />

savons maint<strong>en</strong>ant qu’elle est forcém<strong>en</strong>t<br />

touchée avec la surv<strong>en</strong>ue du handicap.<br />

Nous sommes de plus <strong>en</strong> plus vigilants<br />

aux autres <strong>en</strong>fants de la famille lorsque<br />

nous nous déplaçons à domicile.<br />

Au mom<strong>en</strong>t de l’adolesc<strong>en</strong>ce, ils ne sont<br />

pas plus ou moins prés<strong>en</strong>ts. La fratrie<br />

se construit avec cette personne <strong>en</strong><br />

situation de handicap, cela fait partie<br />

d’eux, de leur id<strong>en</strong>tité familiale. Les<br />

relations d’attachem<strong>en</strong>t se poursuiv<strong>en</strong>t<br />

et se transform<strong>en</strong>t selon l’âge. Nous<br />

remarquons que le conflit est possible<br />

<strong>en</strong>tre frères et sœurs, peut-être que le<br />

handicap moteur complique moins les<br />

relations que la défici<strong>en</strong>ce intellectuelle ?<br />

Peut-être que ce sont les effets de nos<br />

actions de prév<strong>en</strong>tions qui ont cours<br />

depuis plusieurs années maint<strong>en</strong>ant ?<br />

Faire <strong>des</strong> choses <strong>en</strong>semble, c’est une joie<br />

pour chacun. La fratrie se s<strong>en</strong>t responsable<br />

(je m’intéresse à toi). La personne<br />

<strong>en</strong> situation de handicap est recon-<br />

par<strong>en</strong>ts. Cela donne une légitimité à<br />

leurs décisions. Ils ne peuv<strong>en</strong>t plus<br />

décider seuls simplem<strong>en</strong>t, ils sont<br />

obligés de négocier, de discuter.<br />

« L’adolesc<strong>en</strong>t dit non tout de suite.<br />

Alors que nous savions pertinemm<strong>en</strong>t<br />

que cela devrait être oui. Moi, <strong>en</strong> tant<br />

que par<strong>en</strong>t, je me suis s<strong>en</strong>ti un petit<br />

peu impuissant devant cette décision<br />

à pr<strong>en</strong>dre. »<br />

Appr<strong>en</strong>dre à respecter le choix<br />

final <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts, avec ou malgré les<br />

bons conseils <strong>des</strong> professionnels !<br />

nue (je suis intéressante à ses yeux).<br />

Et le par<strong>en</strong>t est comblé (ils s’aim<strong>en</strong>t).<br />

Les par<strong>en</strong>ts nous dis<strong>en</strong>t la difficulté de<br />

doser <strong>en</strong>tre responsabiliser la fratrie,<br />

mais seulem<strong>en</strong>t à la hauteur de ce qu’ils<br />

souhait<strong>en</strong>t porter, leur faire confiance<br />

pour les laisser faire <strong>des</strong> choses <strong>en</strong>semble<br />

sans par<strong>en</strong>ts, et ne pas se décharger<br />

sur eux.<br />

« Je me souvi<strong>en</strong>s de la première fois ou<br />

j’ai laissé ma fille monter sur le scooter<br />

de son frère. Je n’étais pas fière du tout<br />

parce que je me disais qu’elle a <strong>des</strong><br />

problèmes d’équilibre… Mais <strong>en</strong> même<br />

temps, c’était important pour lui que je<br />

lui accorde cette confiance. Quand c’est<br />

possible, je crois que c’est très important<br />

de laisser cette place-là, le tout est<br />

de trouver l’équilibre ; et cela est très<br />

difficile. Pour lui ça dép<strong>en</strong>d aussi de la<br />

place qu’il veut pr<strong>en</strong>dre au sein de la<br />

famille, les responsabilités qu’il est prêt<br />

à assumer ou pas. Je crois qu’il faut être<br />

vigilant, <strong>en</strong> tant que par<strong>en</strong>t, pour savoir<br />

ce que l’on peut effectivem<strong>en</strong>t déléguer<br />

et ce que l’on n’a pas à déléguer… »


Parfois les frères et sœurs <strong>en</strong> ont assez<br />

parce que le handicap accapare <strong>en</strong>core<br />

les par<strong>en</strong>ts.<br />

« Une petite fille a dit un jour à son<br />

papa à propos de sa sœur handicapée.<br />

" On pourrait mettre un moteur sur son<br />

déambulateur pour qu’il lui permette<br />

de courir " et comme ça elle ne serait pas<br />

portée par son père. »<br />

Parfois, ils influ<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t énormém<strong>en</strong>t le parcours<br />

de l’<strong>en</strong>fant <strong>en</strong> situation de handicap.<br />

Là <strong>en</strong>core, cela répond à <strong>des</strong> alliances souv<strong>en</strong>t<br />

inconsci<strong>en</strong>tes, <strong>des</strong> pactes de solidarité<br />

vitaux, qui ne sont donc pas forcém<strong>en</strong>t<br />

verbalisés aux professionnels.<br />

3 ➧ Du li<strong>en</strong> social<br />

à travers le SESSD<br />

Les par<strong>en</strong>ts ont besoin <strong>des</strong> professionnels<br />

pour sout<strong>en</strong>ir un li<strong>en</strong> social. Les<br />

SESSD les aid<strong>en</strong>t à rester inscrits dans<br />

<strong>des</strong> li<strong>en</strong>s, parfois ils aid<strong>en</strong>t à les créer.<br />

Sans le SESSD les par<strong>en</strong>ts ne se r<strong>en</strong>contrerai<strong>en</strong>t<br />

pas.<br />

Ils sav<strong>en</strong>t parfois se sout<strong>en</strong>ir les uns les<br />

autres. C’est <strong>en</strong> partageant, eux aussi<br />

autour de leur vécu, qu’ils réussiss<strong>en</strong>t à<br />

se réparer les uns les autres.<br />

« À tout mom<strong>en</strong>t, on peut récupérer<br />

quelque chose. En tout cas, ça a été<br />

le cas pour nous. C’est important de<br />

pouvoir l’imaginer et de pouvoir le<br />

dire et les professionnels de pouvoir<br />

l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre. De dire que ce n’est pas<br />

parce que ça a été difficile et qu’on<br />

s’est s<strong>en</strong>ti seuls, etc. qu’on doit l’être<br />

tout le reste de notre vie. Je p<strong>en</strong>se qu’à<br />

La transmission du vécu est<br />

ess<strong>en</strong>tielle, c’est moins lourd<br />

quand on partage.<br />

« À 16 ans, il est incapable d’accepter<br />

une solution avec laquelle son grand<br />

frère ou sa grande sœur ne serai<strong>en</strong>t<br />

pas d’accord, ce n’est pas possible.<br />

C’est eux les grands donc il leur doit<br />

le respect… En fait, le grand frère et<br />

la grande sœur pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t les décisions<br />

sans <strong>en</strong> avoir l’air sur l’ori<strong>en</strong>tation de<br />

leur frère. »<br />

Et quand ils sont <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> eux aussi,<br />

nous avons l’impression qu’ils sont<br />

préoccupés par les mêmes bouleversem<strong>en</strong>ts<br />

relationnels, avant de l’être par<br />

le handicap.<br />

n’importe quel mom<strong>en</strong>t, on peut r<strong>en</strong>trer<br />

dans le relationnel. Même si on a vécu<br />

<strong>des</strong> choses difficiles, ce n’est pas pour<br />

autant qu’on ne vivra plus jamais ou<br />

qu’on ne vivra plus que cela. »<br />

Oui on peut transformer, faire du bon à<br />

partir de mauvais, guérir <strong>des</strong> blessures<br />

psychiques, construire ou reconstruire<br />

du li<strong>en</strong>.<br />

Plusieurs équipes ont (ou vont)<br />

créer un li<strong>en</strong> de communication,<br />

un écrit, un petit journal ou un site<br />

Internet qui alim<strong>en</strong>te ce besoin de<br />

li<strong>en</strong> social.<br />

Le CVS2 d’un SESSD a organisé<br />

un apéritif autour de la r<strong>en</strong>trée scolaire.<br />

Les par<strong>en</strong>ts prés<strong>en</strong>ts étai<strong>en</strong>t<br />

ravis, ils se connaiss<strong>en</strong>t de mieux<br />

<strong>en</strong> mieux et sont cont<strong>en</strong>ts de se<br />

retrouver.<br />

2 - CVS : Conseil de la vie sociale.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

29<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


30<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

Les li<strong>en</strong>s, c’est aussi ceux que l’on<br />

construit <strong>en</strong>semble dans notre r<strong>en</strong>contre.<br />

Ils sont importants pour nous,<br />

et c’est sout<strong>en</strong>ant pour eux de savoir<br />

qu’on les investit.<br />

« C’est ess<strong>en</strong>tiel et gai de pouvoir se<br />

dire qu’avec tous les professionnels<br />

qui nous <strong>en</strong>tour<strong>en</strong>t on peut vivre <strong>des</strong><br />

choses chouettes. […] Et que malgré<br />

tous les parcours qu’on peut avoir ce<br />

n’est jamais trop tard, il n’est jamais<br />

trop tard. »<br />

Ils ont besoin de s’appuyer sur les professionnels.<br />

Les par<strong>en</strong>ts ne peuv<strong>en</strong>t pas<br />

dire ce qu’il faut faire avec eux et comm<strong>en</strong>t<br />

il faut le faire, ils ont besoin que<br />

nous les écoutions et les compr<strong>en</strong>ions.<br />

Par<strong>en</strong>ts, soyez fiers<br />

et ayez du bonheur,<br />

quoi qu’il <strong>en</strong> soit.


Les professionnels<br />

et l’institution<br />

1 ➧ Les professionnels<br />

L’adolesc<strong>en</strong>ce fait résonance <strong>en</strong> nous<br />

très fortem<strong>en</strong>t. Elle nous expose <strong>en</strong> tant<br />

que personnes, car nous sommes seuls,<br />

représ<strong>en</strong>tant l’institution quand nous<br />

interv<strong>en</strong>ons dans le cadre d’un SESSD.<br />

➧ Une confrontation fragilisante<br />

Les professionnels sont mis face à leur<br />

impuissance, directem<strong>en</strong>t.<br />

« On ne peut plus continuer dans la<br />

même posture. »<br />

Ils essai<strong>en</strong>t de se protéger, d’abord individuellem<strong>en</strong>t,<br />

par une kyrielle de moy<strong>en</strong>s<br />

de déf<strong>en</strong>se : travestissem<strong>en</strong>t de la réalité<br />

(un devoir de maths qui mérite un 6<br />

obti<strong>en</strong>t 15), infantilisation (on l’inscrit à<br />

un groupe, on décide de poursuivre le<br />

suivi éducatif, sans lui demander ce qu’il<br />

4<br />

Le processus d’adolesc<strong>en</strong>ce fragilise les professionnels, dans leur rôle d’adultes, et<br />

dans leur fonction de soin. Ils nous délog<strong>en</strong>t de la place dans laquelle on s’était mis<br />

face à eux <strong>en</strong>fants, ils nous font perdre la certitude de nos compét<strong>en</strong>ces à répondre<br />

à leurs questions. Ils exig<strong>en</strong>t que nous nous adaptions à eux.<br />

« En tant que professionnels, quand un <strong>en</strong>fant nous pose une question, on se<br />

s<strong>en</strong>t dans la posture d’avoir la réponse, je p<strong>en</strong>se qu’un ado perturbe ça… C’est<br />

imprévisible ! »<br />

<strong>en</strong> p<strong>en</strong>se…), manque de coordination,<br />

erreurs de jugem<strong>en</strong>t, on manque d’honnêteté<br />

(à vouloir bi<strong>en</strong> sûr les protéger),<br />

refus d’être le mauvais objet, on se tait<br />

alors qu’on devrait dire… accusation<br />

d’autres responsables (l’Éducation nationale<br />

<strong>en</strong> priorité, les par<strong>en</strong>ts aussi) que de<br />

résistances… à ce qui constitue pourtant<br />

notre travail de tous les jours… !<br />

« Parce que c’est moi qui vais dire que<br />

l’<strong>en</strong>fant n’y arriverait pas ! »<br />

Nous, les adultes, sommes confrontés à ce<br />

que les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> nous font vivre ! Nous<br />

avons peur, peur qu’ils sach<strong>en</strong>t trop bi<strong>en</strong><br />

ce qu’ils veul<strong>en</strong>t ou ne veul<strong>en</strong>t pas. Peur<br />

de s’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre dire non, peur de ne ri<strong>en</strong> y<br />

pouvoir, peur d’être " à la carte "… Nous<br />

parlons de nos choix, de nos priorités,<br />

mais écoutons-nous vraim<strong>en</strong>t les leurs ?<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

31<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

32<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

« Il ne faut pas oublier que l’<strong>en</strong>fant<br />

raisonne aussi. Donc si la famille n’a pas<br />

fait forcém<strong>en</strong>t son cheminem<strong>en</strong>t, peut<br />

être que l’<strong>en</strong>fant, lui, l’a déjà fait, sans<br />

forcém<strong>en</strong>t l’exprimer. Mais peut-être<br />

qu’il est plus avancé dans son raisonnem<strong>en</strong>t<br />

et qu’il est peut-être bi<strong>en</strong> plus<br />

réaliste que l’on peut imaginer. »<br />

Ces métiers nous donn<strong>en</strong>t l’occasion de<br />

travailler sur nos représ<strong>en</strong>tations, donc<br />

d’évoluer personnellem<strong>en</strong>t. C’est <strong>en</strong><br />

partageant, nous aussi autour de notre<br />

vécu, que nous réussissons à nous aider<br />

les uns les autres.<br />

Créer du conflit au s<strong>en</strong>s de<br />

discussion, il <strong>en</strong> sortira toujours<br />

quelque chose. Oser se mettre autour<br />

d’une table avec les par<strong>en</strong>ts et le jeune.<br />

Ils doiv<strong>en</strong>t avoir la parole, on doit<br />

la leur donner ! Demander l’avis <strong>des</strong><br />

g<strong>en</strong>s, ne pas l’oublier, ne pas les traiter<br />

comme <strong>des</strong> choses ! On ne peut pas<br />

se mettre à leur place ! Donc il faut<br />

leur demander ce qu’ils p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t !<br />

Croire que c’est possible, sans<br />

pour autant <strong>en</strong>fermer l’<strong>en</strong>fant<br />

dans un rêve que nous avons pour<br />

lui, mais surtout ne pas lui fermer<br />

de porte a priori parce que nous<br />

serions <strong>en</strong>fermés nous-mêmes dans<br />

nos représ<strong>en</strong>tations de ce qui lui est<br />

accessible. Les projeter dans l’av<strong>en</strong>ir<br />

pour leur concevoir, imaginer <strong>des</strong><br />

possibles.<br />

Visiter, r<strong>en</strong>contrer d’autres institutions,<br />

créer <strong>des</strong> part<strong>en</strong>ariats avec<br />

<strong>des</strong> structures pour adultes.<br />

Les professionnels travaill<strong>en</strong>t avec leur<br />

s<strong>en</strong>sibilité, pas seulem<strong>en</strong>t avec leur<br />

technicité. Puisqu’ils peuv<strong>en</strong>t faire du<br />

bi<strong>en</strong>, ils peuv<strong>en</strong>t aussi… faire du mal.<br />

Il nous est plus facile de croire que<br />

c’est de la faute <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts, voire de<br />

l’<strong>en</strong>fant, s’il n’est pas bi<strong>en</strong> soigné,<br />

rééduqué. Mais nous devons porter la<br />

responsabilité <strong>des</strong> soins, l’adolesc<strong>en</strong>t a<br />

besoin de cela, c’est notre travail.<br />

Nous risquons de culpabiliser les par<strong>en</strong>ts.<br />

On le sait, le risque est de déplacer cette<br />

responsabilité sur l’<strong>en</strong>fant " quand on<br />

veut on peut ", " quand même ce n’est<br />

pas pour moi, c’est pour toi, c’est ton<br />

av<strong>en</strong>ir ". Non ! Ce sont nous les adultes !<br />

Ils ont légitimem<strong>en</strong>t le droit de nous <strong>en</strong><br />

vouloir. Nous avons peur de cela alors<br />

que c’est notre rôle d’adultes face à <strong>des</strong><br />

<strong>en</strong>fants ou <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>. Cela va à<br />

l’<strong>en</strong>contre de ce qu’on est v<strong>en</strong>u faire :<br />

être aidants, sauveurs, réparateurs. Ils<br />

ont besoin de professionnels capables<br />

d’<strong>en</strong>caisser <strong>des</strong> désaccords, de l’agressivité.<br />

C’est là l’ess<strong>en</strong>tiel.<br />

Cela suppose de s<strong>en</strong>tir l’agressivité d’un<br />

pati<strong>en</strong>t, la reconnaître comme de l’agressivité,<br />

pouvoir <strong>en</strong> parler, <strong>en</strong> témoigner et<br />

<strong>en</strong> faire un outil clinique (par exemple<br />

dans une équipe l’un jouera le mauvais<br />

objet, l’autre le bon). Cela suppose que<br />

le professionnel lâche sa possible toutepuissance.<br />

C’est un réel travail qui ne<br />

peut qu’être personnel.<br />

Souv<strong>en</strong>t, quand on croit que l’on n’a<br />

pas le choix, on ne parle pas <strong>des</strong> choses.<br />

On les fait parce qu’on p<strong>en</strong>se qu’on ne<br />

peut pas faire autrem<strong>en</strong>t. Est-ce le cas<br />

<strong>des</strong> chirurgi<strong>en</strong>s qui ne propos<strong>en</strong>t pas de<br />

chirurgie esthétique ? Il est possible que<br />

nous soyons <strong>en</strong> difficulté pour reconnaître<br />

l’agressivité avec laquelle sont<br />

aux prises ces <strong>en</strong>fants-là et le risque de<br />

répondre nous-mêmes par <strong>des</strong> attaques<br />

nous guette <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce.<br />

Reconnaître que l’on a <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations<br />

et les exprimer, les partager.<br />

Reconnaître qu’on a du même, se<br />

reconnaître comme semblables.


Utiliser les outils que nous avons<br />

à notre disposition : la supervision,<br />

l’échange <strong>en</strong>tre collègues, avec le<br />

psychologue…<br />

Ouvrir le débat : c’est la concertation<br />

qui est décisionnaire. Le fait<br />

qu’on échange <strong>en</strong>tre nous fait autorisation<br />

pour les par<strong>en</strong>ts à exprimer<br />

leur avis.<br />

Nous sommes déstabilisés dans les<br />

alliances thérapeutiques que nous avions<br />

aménagées jusqu’ici. À l’adolesc<strong>en</strong>ce,<br />

il faut créer une alliance thérapeutique<br />

avec qui ? le jeune ou ses par<strong>en</strong>ts, ou les<br />

deux ? Des stratégies sont à p<strong>en</strong>ser : avec<br />

telle famille, je vais travailler comme ça<br />

parce que… Parfois on n’arrive pas à les<br />

p<strong>en</strong>ser sur le coup, on <strong>en</strong> a seulem<strong>en</strong>t<br />

l’intuition, mais il est utile de se regarder<br />

faire p<strong>en</strong>dant un mom<strong>en</strong>t pour constater<br />

ce que nous avons fait et compr<strong>en</strong>dre<br />

pourquoi nous avons fait de telle ou telle<br />

manière. On n’aboutit pas aux mêmes<br />

objectifs <strong>en</strong> voyant la mère et la fille<br />

<strong>en</strong>semble à domicile, ou la fille seule au<br />

lycée, ou la fille seule à la piscine, ou la<br />

famille <strong>en</strong>tière à la piscine…<br />

Essayer… et réessayer autrem<strong>en</strong>t<br />

si ça ne marche pas.<br />

Enfin, il nous apparaît du devoir <strong>des</strong><br />

professionnels d’appr<strong>en</strong>dre à reconnaître<br />

leurs doutes, pour <strong>en</strong> faire un outil.<br />

Se s<strong>en</strong>tir incompét<strong>en</strong>t devrait m<strong>en</strong>er à<br />

une démarche de questionnem<strong>en</strong>t puis<br />

d’amélioration. C’est grâce au doute<br />

que l’on essaie autre chose. Nous devons<br />

admettre que nous ne sommes pas <strong>des</strong><br />

machines bi<strong>en</strong> ou mal programmées,<br />

mais <strong>des</strong> êtres s<strong>en</strong>sibles, influ<strong>en</strong>cés par<br />

notre histoire et nos émotions, incomplets<br />

et perfectibles ; et ce pour pouvoir reconnaître<br />

auprès d’une famille ou d’un jeune<br />

qu’on peut se tromper nous aussi.<br />

Plusieurs professionnels témoign<strong>en</strong>t<br />

que pouvoir dire qu’on doute<br />

(à <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts ou un adolesc<strong>en</strong>t)<br />

donne une occasion riche d’échanges<br />

nouveaux.<br />

➧ Se choisir mutuellem<strong>en</strong>t<br />

Peut-on imaginer de se choisir mutuellem<strong>en</strong>t<br />

dans une relation de soin comme<br />

dans toute relation ?<br />

« On devrait forcém<strong>en</strong>t se poser la<br />

question du choix réciproque dans la<br />

mesure <strong>des</strong> possibilités. »<br />

Quand un professionnel ne réussit pas<br />

à atteindre les objectifs du projet avec<br />

un <strong>en</strong>fant, ce n’est pas l’incompét<strong>en</strong>ce<br />

du professionnel, ni son non-respect par<br />

l’<strong>en</strong>fant, c’est simplem<strong>en</strong>t parfois que le<br />

contact ne passe pas.<br />

On choisit pour l’<strong>en</strong>fant le professionnel<br />

qui convi<strong>en</strong>dra, sur <strong>des</strong> critères<br />

souv<strong>en</strong>t techniques (untel connaît bi<strong>en</strong><br />

telle pathologie). Mais on sait que ce<br />

ne sont pas ces aspects-là qui font une<br />

r<strong>en</strong>contre <strong>en</strong>tre deux êtres humains. Et<br />

surtout ce choix n’est pas réciproque,<br />

donc pas égalitaire. Dans une relation<br />

d’attachem<strong>en</strong>t, le choix est mutuel. En<br />

faisant cela, c’est comme si on déniait<br />

qu’on s’attache aux <strong>en</strong>fants. Nous<br />

redoutons la proximité, nous cherchons<br />

une " juste distance " qui m<strong>en</strong>ace de<br />

dev<strong>en</strong>ir anti-thérapeutique.<br />

➧ La sexualité ? De qui ?<br />

Leur sexualité, on <strong>en</strong> parle, on <strong>en</strong> voit<br />

les signes. Dans la plupart <strong>des</strong> services,<br />

on a du mal à la voir et à <strong>en</strong> parler<br />

ouvertem<strong>en</strong>t.<br />

« Honnêtem<strong>en</strong>t, sauf quand il y a quelqu’un<br />

de l’extérieur qui pose la question,<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

33<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

34<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

mais nous, <strong>en</strong>tre nous, ce n’est pas<br />

abordé, ce n’est pas parlé. On ne peut<br />

pas <strong>en</strong> parler, on a fait une croix <strong>des</strong>sus,<br />

personnes handicapées, pas de sexe,<br />

pourquoi on <strong>en</strong> est arrivé là ? »<br />

Elle peut pourtant servir nos indications.<br />

L’une de nous rapporte cet exemple où<br />

un jeune a réacquis <strong>des</strong> capacités<br />

motrices grâce à l’interrogation de<br />

professionnels sur ses capacités à se<br />

masturber. La vie intime sexuelle de ce<br />

jeune homme a servi d’indication à de<br />

la kinésithérapie.<br />

« Avec nos collègues, on se posait la<br />

question… J’avais l’impression qu’il<br />

se masturbait <strong>en</strong> parlant et puis il <strong>en</strong><br />

parlait aussi beaucoup avec la kiné. Il<br />

est très handicapé, les bras contre son<br />

corps. Avec ma collègue kiné, nous nous<br />

sommes posé la question : est-ce qu’il a<br />

les possibilités motrices pour se frotter<br />

un peu ? Du coup, la kiné a retravaillé<br />

avec lui les retournem<strong>en</strong>ts alors qu’il<br />

ne les faisait plus. Il était sur le tapis,<br />

elle sortait de la salle, elle lui disait<br />

" voila, je revi<strong>en</strong>s dans cinq minutes et<br />

dans cinq minutes, il faut que tu te sois<br />

retourné ". Et comme ça, il a récupéré le<br />

retournem<strong>en</strong>t alors quand elle est v<strong>en</strong>ue<br />

me le dire, on était très cont<strong>en</strong>tes de<br />

savoir qu’il pouvait avoir les possibilités<br />

motrices de se masturber. »<br />

La sexualité nous met mal à l’aise.<br />

Bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t, parce que l’on a peur de<br />

s’attacher aux <strong>en</strong>fants et de le reconnaître.<br />

Le domicile génère <strong>en</strong>core plus<br />

d’investissem<strong>en</strong>t affectif, nous expose<br />

<strong>en</strong>core plus. Entre un homme et une<br />

femme, <strong>en</strong>tre deux êtres sexués, il y a<br />

du désir, vivant. Être professionnels ne<br />

nous <strong>en</strong>lève pas notre sexe, le fait que<br />

nous soyons d’abord <strong>des</strong> hommes et<br />

<strong>des</strong> femmes. Fantasmer, imaginer, fait<br />

le désir. L’agir est un problème, pas le<br />

fantasme. Tout cont<strong>en</strong>ir, cadrer, voiler,<br />

pour chercher à éviter le fantasme et<br />

le désir, c’est le risque de signifier à<br />

ces <strong>en</strong>fants qu’ils ne sont pas désirables.<br />

C’est aussi les annuler <strong>en</strong> tant que sujets<br />

désirants. Et ça voudrait dire que de<br />

leur part aussi ce serait déplacé de<br />

fantasmer sur leur soignant ? Pourquoi<br />

leur interdire cela ?<br />

Cette crainte nous empêche de ress<strong>en</strong>tir.<br />

Pourtant notre ress<strong>en</strong>ti, notre humanisme,<br />

c’est notre moteur, notre motivation<br />

principale à faire ces métiers d’aide !<br />

À trop vouloir s’<strong>en</strong> protéger, on risque<br />

d’anéantir toute forme d’attachem<strong>en</strong>t,<br />

de dévitaliser la relation. Bi<strong>en</strong> sûr ce<br />

sont <strong>des</strong> mains de kiné qu’un kiné pose<br />

sur un corps, il n’a pas besoin de dire<br />

qu’il n’abusera pas de sa pati<strong>en</strong>te. Le<br />

dire peut dénaturer leur relation. Le<br />

dire peut aussi a contrario rassurer la<br />

famille.<br />

« Il n’y a pas à bombarder les g<strong>en</strong>s avec<br />

un cadre qui n’est pas nécessaire parce<br />

que là ça fait viol<strong>en</strong>ce. C’est viol<strong>en</strong>t<br />

parce que ça fait peur là où il n’y avait<br />

pas d’angoisse, comme si d’emblée<br />

cette relation pouvait être sexualisée,<br />

dangereuse. »<br />

À chacun de nous d’adapter ce qu’on<br />

dit aux besoins qu’on press<strong>en</strong>t, ne pas<br />

laisser nos relations être contaminées,<br />

<strong>en</strong>vahies par <strong>des</strong> soucis juridiques.<br />

Nous avons intériorisé <strong>des</strong><br />

interdits, ils n’ont pas forcém<strong>en</strong>t<br />

besoin d’être verbalisés.<br />

On peut demander à un jeune<br />

d’avoir une t<strong>en</strong>ue qui protège son<br />

intimité corporelle p<strong>en</strong>dant <strong>des</strong><br />

séances où on travaille avec son<br />

corps, mais sans pour autant se<br />

s<strong>en</strong>tir obligé de parler de risque<br />

sexuel.


Les cadres sont faits pour protéger<br />

l’<strong>en</strong>fant mais aussi le professionnel.<br />

Car l’accès à l’intimité expose les deux<br />

parties de la relation de soins. Les kinés<br />

sont particulièrem<strong>en</strong>t exposés à cela du<br />

fait de leur relation au corps.<br />

Ne pas pouvoir p<strong>en</strong>ser la sexualité <strong>des</strong><br />

jeunes, ne serait-ce pas ne pas pouvoir<br />

se p<strong>en</strong>ser amoureux, désirant vis-à-vis<br />

d’eux ? Cette hypothèse est soumise<br />

au débat.<br />

Croire qu’ils sont autant<br />

concernés que les autres, c’est le<br />

leur autoriser, ouvrir <strong>des</strong> possibles.<br />

Ne pas y croire, c’est leur fermer<br />

<strong>des</strong> possibles.<br />

Nous aussi, nous avons besoin de se rassurer,<br />

de savoir que c’est possible pour<br />

les convaincre eux, de s’appuyer sur <strong>des</strong><br />

histoires vraies, que nous connaissons.<br />

« Une jeune qui est partie sur Gr<strong>en</strong>oble,<br />

qui est très handicapée, nous a <strong>en</strong>voyé<br />

les photos de son mariage et de son<br />

bébé. Là c’était génial ! »<br />

Garder contact avec les plus<br />

âgés pour qu’ils serv<strong>en</strong>t de repères<br />

aux plus jeunes, permettre <strong>des</strong><br />

échanges ou au moins que nous<br />

sachions ce qu’ils ont su créer.<br />

➧ Le domicile<br />

À domicile, on se s<strong>en</strong>t plus responsable<br />

qu’ailleurs si l’<strong>en</strong>fant part, quitte la<br />

séance, sort de la pièce, <strong>en</strong>tre dans une<br />

autre. On est plus à l’aise dans un lieu<br />

" public " que dans ce lieu privé qui est<br />

la scène de la vie familiale, de la vie de<br />

couple. Nous savons tous que <strong>des</strong> lieux<br />

nous sont interdits dans un domicile,<br />

nous avons peur d’y être invités par<br />

l’<strong>en</strong>fant. Nous sommes toujours dans<br />

cette att<strong>en</strong>tion à ne pas transgresser à<br />

domicile. C’est pour nous un territoire<br />

de l’imprévisible puisque ce n’est pas<br />

le nôtre.<br />

La prés<strong>en</strong>ce ou l’abs<strong>en</strong>ce du par<strong>en</strong>t doit<br />

être p<strong>en</strong>sée :<br />

• <strong>en</strong> fonction du règlem<strong>en</strong>t : qu’autorise<br />

ou interdit le règlem<strong>en</strong>t de fonctionnem<strong>en</strong>t<br />

d’un service ? On compr<strong>en</strong>dra<br />

alors les deman<strong>des</strong> ou les actes<br />

<strong>en</strong> fonction de cette règle à partir du<br />

mom<strong>en</strong>t où elle sera posée.<br />

• <strong>en</strong> fonction de ce que souhait<strong>en</strong>t<br />

l’<strong>en</strong>fant et les par<strong>en</strong>ts.<br />

Dans certains services, la prés<strong>en</strong>ce<br />

obligatoire <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts p<strong>en</strong>dant<br />

l’interv<strong>en</strong>tion <strong>des</strong> professionnels<br />

à domicile est stipulée dans le<br />

règlem<strong>en</strong>t de fonctionnem<strong>en</strong>t.<br />

La fonction éducative est particulièrem<strong>en</strong>t<br />

exposée quand il s’agit d’interv<strong>en</strong>ir<br />

à domicile. En quels termes<br />

décrire une " interv<strong>en</strong>tion " éducative ?<br />

Qu’est-ce qu’" interv<strong>en</strong>ir " quand on<br />

est éducateur ? Les <strong>en</strong>fants pos<strong>en</strong>t <strong>des</strong><br />

questions aux éducateurs, même avec<br />

leur corps, par exemple <strong>en</strong> allant jouer<br />

à cache-cache avec son éducateur et<br />

<strong>en</strong> se cachant dans la chambre de ses<br />

par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> leur abs<strong>en</strong>ce. Ils questionn<strong>en</strong>t<br />

la sexualité, la loi : ce qu’on a le<br />

droit de faire, les lieux qu’on préfère…<br />

comm<strong>en</strong>t on investit psychiquem<strong>en</strong>t<br />

son corps… Dans <strong>des</strong> situations extrêmes,<br />

le suivi éducatif reste le seul li<strong>en</strong> à<br />

la vie sociale.<br />

« On a eu une situation un peu particulière<br />

d’un jeune homme avec une maladie<br />

évolutive qui, après sa scolarité au collège,<br />

a voulu arrêter. Il a dit " je r<strong>en</strong>tre chez<br />

moi. De toute façon je vais mourir, donc je<br />

r<strong>en</strong>tre chez moi ". Et c’est vrai que c’était<br />

difficile, sa problématique était difficile.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

35<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

36<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

Il est décédé deux ans plus tard, mais<br />

ces deux ans-là, pourquoi ? Il aurait pu<br />

<strong>en</strong>visager autre chose que d’être que<br />

chez lui, etc. donc la prise <strong>en</strong> charge<br />

a continué, bi<strong>en</strong> sûr, je suis interv<strong>en</strong>ue,<br />

j’ai essayé par tous les bouts de le<br />

mobiliser, etc. j’ai accepté de ne pas y<br />

être arrivée… »<br />

C’est une posture particulièrem<strong>en</strong>t<br />

difficile.<br />

C’est l’appui sur l’équipe qui a<br />

permis à cette éducatrice de " t<strong>en</strong>ir<br />

bon ".<br />

Un éducateur travaille <strong>en</strong> collaboration<br />

avec un SAVS ; lui auprès<br />

de l’adolesc<strong>en</strong>te et le SAVS auprès<br />

de sa mère. Il faut utiliser <strong>des</strong> tiers<br />

dans nos suivis, mettre <strong>des</strong> écarts<br />

<strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>ts espaces de parole.<br />

Le temps est nécessaire pour construire<br />

une relation. Serait-il plus long <strong>en</strong><br />

SESSD ? Certains parl<strong>en</strong>t d’<strong>en</strong>viron six<br />

mois à un an pour construire une relation<br />

où on sera dans le partage d’une<br />

histoire commune. Les SESSD prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

visiblem<strong>en</strong>t une temporalité spécifique.<br />

Il faut faire du cond<strong>en</strong>sé parce qu’on ne<br />

voit pas les g<strong>en</strong>s souv<strong>en</strong>t, on ne peut<br />

pas se permettre de ne ri<strong>en</strong> faire (ri<strong>en</strong><br />

de spécial, juste être là comme dans une<br />

institution). Quand on va voir les g<strong>en</strong>s,<br />

chez eux de surcroît, c’est forcém<strong>en</strong>t pour<br />

faire quelque chose. C’est important de<br />

vivre <strong>des</strong> choses <strong>en</strong>semble, notamm<strong>en</strong>t<br />

à travers les " transferts ".<br />

➧ La scolarité<br />

Nous <strong>en</strong> parlons beaucoup, mais d’abord<br />

pour relater et partager <strong>des</strong> constats<br />

d’échecs qui ont fortem<strong>en</strong>t marqué les<br />

professionnels, blessés et parfois découragés.<br />

Leur s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’impuissance<br />

se réveille à l’occasion de situations de<br />

souffrance scolaire, majoritairem<strong>en</strong>t (et<br />

presque exclusivem<strong>en</strong>t d’ailleurs) au<br />

collège.<br />

Pourtant, notre mission n’est pas<br />

d’intégrer à tout prix <strong>en</strong> milieu scolaire<br />

ordinaire, mais d’accompagner le jeune<br />

là où il est scolarisé. La scolarisation<br />

ne doit pas dev<strong>en</strong>ir une finalité <strong>en</strong> soi.<br />

On doit se c<strong>en</strong>trer sur l’adaptation à la<br />

réalité, la socialisation, le quotidi<strong>en</strong>, la<br />

réalité, pour permettre à long terme une<br />

vie de citoy<strong>en</strong>. La scolarité <strong>en</strong> elle-même<br />

n’est pas de notre ressort. Nous sommes<br />

<strong>des</strong> accompagnateurs et <strong>des</strong> part<strong>en</strong>aires<br />

et avons t<strong>en</strong>dance à l’oublier. Nous<br />

estimons être trop c<strong>en</strong>trés sur le scolaire,<br />

trop dans l’aide, et pas assez dans<br />

l’accompagnem<strong>en</strong>t. Nous devons aider<br />

les <strong>en</strong>seignants à habiter pleinem<strong>en</strong>t<br />

leur rôle d’" intégration " <strong>des</strong> élèves <strong>en</strong><br />

situation de handicap moteur, car celleci<br />

repose sur eux.<br />

Les SESSD particip<strong>en</strong>t-ils aux " m<strong>en</strong>songes<br />

" dont ils se plaign<strong>en</strong>t (comme la<br />

sur notation) ? Puisqu’ils sont part<strong>en</strong>aires<br />

<strong>des</strong> décisions scolaires, ne devrai<strong>en</strong>t-ils<br />

pas plutôt se rec<strong>en</strong>trer sur l’accompagnem<strong>en</strong>t<br />

social, plutôt que de se mêler<br />

du scolaire ?<br />

Nous proposons l’hypothèse qu’un<br />

désaccord avec l’Éducation nationale<br />

peut signifier l’abs<strong>en</strong>ce ou l’échec<br />

d’un certain travail avec la famille <strong>en</strong><br />

amont.<br />

« Si l’on n’a pas travaillé avec la famille<br />

sur les objectifs, sur ce que l’on peut<br />

att<strong>en</strong>dre d’une scolarisation pour<br />

l’<strong>en</strong>fant, ce qu’il est capable de faire,<br />

ce que l’on peut <strong>en</strong>visager pour lui<br />

dans sa scolarité… Si à l’origine on n’a<br />

pas fait ce travail-là, on ne peut pas<br />

travailler avec les part<strong>en</strong>aires, ce n’est<br />

pas possible. Il n’y a pas de cohésion,


pas de cohér<strong>en</strong>ce. Donc si déjà le travail<br />

n’est pas fait à la base, ce n’est pas<br />

possible. »<br />

Déterminer <strong>des</strong> objectifs de rééducation<br />

<strong>en</strong> fonction d’aptitu<strong>des</strong><br />

dans la vie courante et pas seulem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> fonction <strong>des</strong> appr<strong>en</strong>tissages<br />

scolaires.<br />

Par exemple, un éducateur fait un<br />

travail avec une psychologue et un<br />

petit groupe d’<strong>en</strong>fants pour « défocaliser<br />

», contourner les choses<br />

qui mett<strong>en</strong>t le plus de pression sur<br />

les appr<strong>en</strong>tissages : le handicap, la<br />

réussite scolaire.<br />

Il y a effectivem<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> choses qui nous<br />

échapp<strong>en</strong>t.<br />

Parler de nos ress<strong>en</strong>tis, avec nos part<strong>en</strong>aires,<br />

dans <strong>des</strong> temps de r<strong>en</strong>contres<br />

informelles, qui ont l’air moins institués,<br />

incite les g<strong>en</strong>s à parler eux aussi.<br />

« Une institutrice est v<strong>en</strong>ue un jour<br />

dans la cour à côté de moi ; elle m’a<br />

pris la main. Je me suis demandé ce<br />

qui m’arrivait (rires). Elle m’a dit qu’<strong>en</strong><br />

fait, quand elle était petite, il y avait<br />

une de ses camara<strong>des</strong> de classe qui<br />

était morte parce qu’elle était tombée<br />

dans la cour. Et la petite fille avait une<br />

balle et le risque était qu’elle tombe<br />

sur sa balle… Ensuite, elle m’a lâché la<br />

main, elle est partie faire autre chose,<br />

et bon… Je n’<strong>en</strong> ai pas fait plus mais<br />

je p<strong>en</strong>se qu’elle devait avoir cela qui<br />

lui pesait. »<br />

En ouvrant la discussion, nous ouvrons<br />

<strong>des</strong> possibles, nous créons <strong>des</strong> changem<strong>en</strong>ts<br />

<strong>en</strong> face de nous. Nous permettons<br />

de transformer <strong>des</strong> représ<strong>en</strong>tations.<br />

Plusieurs équipes prévoi<strong>en</strong>t<br />

<strong>des</strong> temps informels lors de leurs<br />

déplacem<strong>en</strong>ts pour parler avec leurs<br />

interlocuteurs, s’intéresser à eux.<br />

On ne peut pas donner<br />

réponse à tout, à<br />

chacun de trouver ses<br />

réponses.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

37<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

38<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

2 ➧ L'institution<br />

Le service, <strong>en</strong> tant qu’institution, a été au cœur de nos débats et de nos réflexions.<br />

Nous avons questionné son originalité, son utilité, ses travers…<br />

➧ Un groupe pour<br />

les professionnels<br />

Le fonctionnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> SESSD risque<br />

de créer de l’assistance, puisqu’on se<br />

déplace quand l’<strong>en</strong>fant ne peut pas<br />

se déplacer, on met du soin là où <strong>des</strong><br />

familles ne le font pas… Certains professionnels<br />

craign<strong>en</strong>t que leur action ne<br />

fasse que cacher provisoirem<strong>en</strong>t les difficultés<br />

<strong>des</strong> familles. Ils craign<strong>en</strong>t aussi<br />

de générer de la passivité.<br />

« Depuis tout petit, <strong>en</strong> fait, ils ne peuv<strong>en</strong>t<br />

pas pr<strong>en</strong>dre la voiture, ils vont faire<br />

l’activité quand on leur dit, ils font la<br />

kiné, ils p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t que tout est réglé. »<br />

Nous regrettons d'être trop souv<strong>en</strong>t<br />

dans l’aide, pas assez dans l’accompagnem<strong>en</strong>t.<br />

« Un éducateur vi<strong>en</strong>t accompagner un<br />

<strong>en</strong>fant dans son intégration auprès <strong>des</strong><br />

autres alors qu’un gamin ordinaire peut<br />

être <strong>en</strong> difficulté d’intégration avec les<br />

autres et il va falloir qu’il se démerde.<br />

C’est aussi comme cela qu’on grandit,<br />

par la possibilité de faire l’expéri<strong>en</strong>ce<br />

par soi-même, échouer dans son expéri<strong>en</strong>ce<br />

et même de transgresser parfois<br />

la règle parce que comme ils sont<br />

toujours avec un adulte, sous le regard<br />

d’un adulte… »<br />

Nous parlons de changer la façon de faire<br />

les synthèses pour éviter ces risques.<br />

Inviter les par<strong>en</strong>ts et le jeune d’emblée<br />

à participer aux échanges qui les concern<strong>en</strong>t<br />

les r<strong>en</strong>d bi<strong>en</strong> plus acteurs.<br />

Une équipe a instauré un dispositif<br />

original pour construire le projet<br />

individualisé : avant la réunion<br />

où le projet va s’élaborer, chaque<br />

adulte qui côtoie le jeune rédige ses<br />

observations et ses objectifs : professionnels<br />

et par<strong>en</strong>ts. Chaque participant<br />

à la synthèse a les écrits <strong>des</strong><br />

autres avant la réunion ce qui permet<br />

d’ouvrir largem<strong>en</strong>t le débat.<br />

Quid de l’ado ? À certains <strong>en</strong>droits,<br />

la synthèse est préparée avec lui :<br />

que souhaites-tu dire ? On imagine<br />

même qu’il pourrait préparer un<br />

écrit qui lui serait propre.<br />

Nous constatons que les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

n’ont plus autant de séances de rééducation<br />

ou de suivi éducatif. Un <strong>en</strong>fant qui<br />

voyait quatre ou cinq professionnels par<br />

semaine, n’<strong>en</strong> voit plus qu’un ou deux,<br />

voire aucun régulièrem<strong>en</strong>t. C’est tout à<br />

fait spécifique à l’adolesc<strong>en</strong>ce et nous<br />

t<strong>en</strong>ons à garder cette souplesse permise<br />

par le dispositif du SESSD. Nous imaginons<br />

même une " prise <strong>en</strong> charge symbolique<br />

". C’est-à-dire <strong>en</strong>visagée <strong>en</strong> termes<br />

d’appart<strong>en</strong>ance à un groupe (faire partie<br />

du SESSD) et non pas <strong>en</strong> termes concrets<br />

de nombre de séances par semaine. L’idée<br />

serait de permettre à <strong>des</strong> familles de faire<br />

partie du SESSD, même si l’adolesc<strong>en</strong>t<br />

n’a pas de séance hebdomadaire fixe<br />

avec un professionnel. Nous p<strong>en</strong>sons que<br />

cela peut sout<strong>en</strong>ir une famille dans son<br />

id<strong>en</strong>tité, dans sa fonction (psychologique<br />

et sociale) de groupe <strong>en</strong>cadrant pour<br />

l’adolesc<strong>en</strong>t. Le but ultime est d’éviter<br />

l’abandon <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> par les adultes<br />

au mom<strong>en</strong>t de l’adolesc<strong>en</strong>ce.


Créer un " suivi symbolique " ?<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> de nouvelles modalités<br />

de suivi (et non plus un nombre<br />

de séances de telle profession par<br />

semaine).<br />

Par exemple : inscription dans un<br />

groupe, participation même virtuelle.<br />

L’adolesc<strong>en</strong>t ferait partie du groupe<br />

<strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> qui organis<strong>en</strong>t une<br />

sortie dans l’année. Ce serait le seul<br />

support concret proposé pour travailler…<br />

l’autonomie dans les transports,<br />

le détachem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts,<br />

l’expression verbale…<br />

Un SESSD estime que pour être<br />

suivi, il faut au moins deux types<br />

de " prise <strong>en</strong> charge ", dont le suivi<br />

éducatif ne fait pas obligatoirem<strong>en</strong>t<br />

partie. Par exemple : suivi psychologique<br />

et ergothérapie.<br />

Un autre SESSD n’impose aucun<br />

suivi minimum. Par exemple :<br />

l’objectif global est l’autonomie<br />

sociale, il se travaille ponctuellem<strong>en</strong>t<br />

par différ<strong>en</strong>ts supports (sortie <strong>en</strong><br />

ville, itinéraire <strong>en</strong> vélo, utilisation<br />

du bus…).<br />

Un autre <strong>en</strong>core a créé un système<br />

de " demi-place " pour les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>,<br />

ainsi il suit deux <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong><br />

avec moins de séances au lieu d’un<br />

seul.<br />

Les <strong>en</strong>fants <strong>en</strong> situation de handicap<br />

connaiss<strong>en</strong>t énormém<strong>en</strong>t de situations<br />

duelles. Nous <strong>en</strong> voyons <strong>des</strong> effets négatifs,<br />

nous évoquons la toute-puissance de<br />

l’adolesc<strong>en</strong>t, mais nous questionnons aussi<br />

celle, possible, de l’accompagnateur.<br />

« Des fois il respire à partir du mom<strong>en</strong>t<br />

où les choses peuv<strong>en</strong>t se passer <strong>en</strong><br />

groupe. »<br />

Souv<strong>en</strong>t les professionnels n’<strong>en</strong> peuv<strong>en</strong>t<br />

plus de ces séances individuelles et n’<strong>en</strong><br />

veul<strong>en</strong>t plus avec les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>.<br />

« Moi les séances classiques, je ne peux<br />

plus. Il faut que l’on fasse autre chose. »<br />

On parle de " prise <strong>en</strong> charge individualisée<br />

". Nous redoutons qu’elles devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />

individuelles et isolantes. À vouloir<br />

justifier un taux d’<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t suffisant,<br />

nous risquons d’être un sur <strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t.<br />

Ont-ils besoin de tout notre<br />

dispositif ? N’aurai<strong>en</strong>t-ils pas besoin au<br />

contraire qu’on les lâche un peu plus ?<br />

Qu’on les laisse seuls ?<br />

Plusieurs SESSD cess<strong>en</strong>t de<br />

systématiser le suivi éducatif pour<br />

permettre à quelque chose de nouveau<br />

d’adv<strong>en</strong>ir : une demande, un<br />

manque, une solitude, une capacité<br />

à faire seul, une expéri<strong>en</strong>ce de faire<br />

seul… Ils arrêt<strong>en</strong>t de lier l’id<strong>en</strong>tité<br />

de cet <strong>en</strong>fant au besoin éducatif ; ils<br />

cess<strong>en</strong>t de lui dire qu’il <strong>en</strong> a besoin<br />

(comme ils l’ont fait depuis l’<strong>en</strong>fance).<br />

Plusieurs d’<strong>en</strong>tre nous travaill<strong>en</strong>t<br />

à deux professionnels (psychomotrici<strong>en</strong>ne-psychologue,éducateur-psychologue…),<br />

cré<strong>en</strong>t de nouveaux<br />

groupes supports avec un collègue<br />

qui n’a pas forcém<strong>en</strong>t la même<br />

profession.<br />

Une autre idée partagée concerne<br />

l’utilité <strong>des</strong> psychologues pour les<br />

équipes. Des SESSD dispos<strong>en</strong>t d’un<br />

psychologue disponible pour l’équipe,<br />

et cela paraît fort souhaitable. Les professionnels<br />

dépos<strong>en</strong>t auprès de lui leurs<br />

préoccupations les plus diverses, et<br />

s’<strong>en</strong> s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t soulagés. Psychologuepoubelle<br />

ou psychologue-dépanneur, il<br />

<strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t leur fonction soignante aux<br />

professionnels qui dout<strong>en</strong>t.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

39<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

40<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

L’institution existe-t-elle si elle n’est pas<br />

soignante ? Si elle ne sert pas à r<strong>en</strong>dre<br />

les professionnels soignants ? On n’est<br />

pas soignant tout seul, on l’est parce<br />

qu’on travaille dans une institution.<br />

La cont<strong>en</strong>ance de l’institution est à favoriser<br />

par tous les moy<strong>en</strong>s. Un autre support<br />

qui a fait les preuves de son utilité : la<br />

création d’espaces de parole, la supervision<br />

ou l’analyse <strong>des</strong> pratiques offre un lieu<br />

pour pr<strong>en</strong>dre du recul, de la distance,<br />

réaliser qu’on est pris par nos représ<strong>en</strong>tations,<br />

qui nous sont propres. Le transfert,<br />

ça se joue déjà <strong>en</strong>tre collègues, nous<br />

devons appr<strong>en</strong>dre à nous parler.<br />

Utiliser les lieux qui exist<strong>en</strong>t pour<br />

exprimer ce qu’on vit (<strong>en</strong>tre collègues,<br />

avec le psychologue, <strong>en</strong> analyse <strong>des</strong><br />

pratiques…) et s<strong>en</strong>tir qu’on apparti<strong>en</strong>t<br />

à un groupe soignant.<br />

Les créer s’ils n’exist<strong>en</strong>t pas.<br />

Aux par<strong>en</strong>ts, je dirais, soyez fiers,<br />

comme tout par<strong>en</strong>t serait fier<br />

de son <strong>en</strong>fant. Et à mes collègues,<br />

je dirais, allons-y !<br />

Il y a ce nous, parce que moi<br />

seule, je ne pourrais pas !<br />

On sait depuis longtemps que parler<br />

<strong>en</strong>semble <strong>des</strong> situations que l’on vit est<br />

utile aux personnes dont on s’occupe (cf.<br />

thérapie institutionnelle <strong>en</strong> psychiatrie),<br />

mais il ne s’agit pas d’<strong>en</strong> parler n’importe<br />

comm<strong>en</strong>t. Il ne s’agit pas seulem<strong>en</strong>t<br />

d’échanger <strong>des</strong> informations, mais<br />

d’essayer de rêver et à plusieurs. Nous<br />

sommes touchés par les situations dans<br />

ce que nous avons <strong>en</strong> commun avec ces<br />

<strong>en</strong>fants blessés. Il ne s’agit pas de dire<br />

forcém<strong>en</strong>t ce qu’on ress<strong>en</strong>t, d’étaler nos<br />

s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts… mais de partager les p<strong>en</strong>sées<br />

qui sont associées à ces ress<strong>en</strong>tis.<br />

Se permettre pour un mom<strong>en</strong>t de parler<br />

d’une manière non rationnelle, laisser<br />

<strong>des</strong> choses nous échapper. Ces petits<br />

élém<strong>en</strong>ts qui nous échapp<strong>en</strong>t touch<strong>en</strong>t<br />

les autres dans leur s<strong>en</strong>sibilité et les amèn<strong>en</strong>t<br />

eux aussi à rêver. De ce canevas de<br />

p<strong>en</strong>sées, a priori désorganisé, peuv<strong>en</strong>t<br />

naître de la créativité et du s<strong>en</strong>s nouveau<br />

dans nos suivis. Nous évitons ainsi de<br />

réduire les <strong>en</strong>fants à leurs besoins, nous<br />

les inscrivons dans quelque chose de<br />

vivant, de dynamique, de mouvant.<br />

« On a pu tricoter tout ça et pour se<br />

donner toute cette maille de s<strong>en</strong>s, il faut<br />

pr<strong>en</strong>dre du temps et de la tranquillité dans<br />

les échanges, la confiance mutuelle. »<br />

Communiquer, favoriser la rêverie<br />

<strong>en</strong>tre nous pour que naisse du s<strong>en</strong>s ;<br />

s’autoriser à livrer <strong>des</strong> p<strong>en</strong>sées qui<br />

sort<strong>en</strong>t du technique. Passer par <strong>des</strong><br />

mom<strong>en</strong>ts de trouble, de rêverie, de<br />

non maîtrise.<br />

Tous les espaces de régulation d’équipe<br />

serv<strong>en</strong>t aussi à id<strong>en</strong>tifier les " vrais problèmes<br />

". Quand un problème ne se pose<br />

qu’à une personne, c’est que peut-être il<br />

n’y a pas de problème. Du moins, il y a<br />

certes un problème pour ce professionnel-là<br />

qui est <strong>en</strong> conflit intérieur, mais il<br />

n’y a pas de problématique clinique, pas<br />

de problème pour la famille. Il faut toujours<br />

se décaler face à l’<strong>en</strong>vahissem<strong>en</strong>t<br />

d’une situation. Nous devons toujours<br />

faire la part <strong>en</strong>tre la problématique d’un<br />

jeune ou d’une famille et nos projections.<br />

L’équipe sert aussi à cela.<br />

Si les autres, autour nous, r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t<br />

qu’il n’y a que nous à voir un problème<br />

dans une famille, c’est peut-être qu’il<br />

nous faut douter de nos certitu<strong>des</strong>…<br />

Peut-être que cette famille ne vit pas le<br />

problème que nous percevons et que<br />

c’est nous seuls qui le voyons…


S’ouvrir à <strong>des</strong> collaborateurs,<br />

<strong>des</strong> part<strong>en</strong>aires, c’est instaurer <strong>des</strong><br />

tiers pour avoir une vision plus globale<br />

de la situation et donc moins<br />

soumise aux aléas de nos projections.<br />

Les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> nous expos<strong>en</strong>t particulièrem<strong>en</strong>t<br />

aux questions id<strong>en</strong>titaires.<br />

Qui es-tu, toi ? Comm<strong>en</strong>t as-tu fait pour<br />

être adulte comme tu es ? Est-ce que je<br />

peux compter sur toi, te faire confiance,<br />

donne-moi <strong>des</strong> preuves, à quel groupe<br />

apparti<strong>en</strong>s-tu ?<br />

Nous posons l’hypothèse qu’ils expos<strong>en</strong>t<br />

les professionnels à plus de questions<br />

id<strong>en</strong>titaires. C’est ainsi que nous t<strong>en</strong>tons<br />

de compr<strong>en</strong>dre les questions qui nous<br />

habit<strong>en</strong>t sur l’utilité de nos places, de<br />

nos fonctions. Alors le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’appart<strong>en</strong>ance<br />

à un collectif, à une équipe,<br />

serait d’autant plus nécessaire.<br />

Pr<strong>en</strong>ons <strong>en</strong> compte ce qu’ils nous<br />

font, prêtons-leur du s<strong>en</strong>s,<br />

<strong>des</strong> désirs, <strong>des</strong> qualités.<br />

➧ La question de l’arrêt du suivi<br />

à l’adolesc<strong>en</strong>ce ?<br />

L’arrêt de l’accompagnem<strong>en</strong>t par un<br />

SESSD à l’âge de l’adolesc<strong>en</strong>ce pose<br />

question aux professionnels qui n’<strong>en</strong><br />

sont pas satisfaits, et les par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> sont<br />

choqués. À cet âge où justem<strong>en</strong>t <strong>des</strong><br />

besoins nouveaux se font s<strong>en</strong>tir – <strong>en</strong>trer<br />

dans un nouveau système scolaire (le<br />

collège) – les par<strong>en</strong>ts se retrouv<strong>en</strong>t seuls<br />

(peur d’être abandonnés, pas appuyés<br />

dans leurs démarches).<br />

« C’est là où il (l’adolesc<strong>en</strong>t) <strong>en</strong> a le plus<br />

besoin, parce qu'il arrive dans la période<br />

de l’adolesc<strong>en</strong>ce et qu’il doit aborder<br />

plus particulièrem<strong>en</strong>t le collège. Il y a<br />

une véritable rupture par rapport à ce<br />

qu’il a connu précédemm<strong>en</strong>t et donc<br />

il se retrouve tout seul. Les par<strong>en</strong>ts se<br />

retrouv<strong>en</strong>t aussi très seuls. L’équipe<br />

<strong>en</strong>seignante qu’on a <strong>en</strong> face ne connaît<br />

pas du tout la problématique. Si le service<br />

de soins qui a suivi l’<strong>en</strong>fant depuis un<br />

certain temps largue les amarres <strong>en</strong><br />

disant " maint<strong>en</strong>ant démerdez-vous ",<br />

alors pour moi c’est le néant total. Si le<br />

service de soins n’est pas là pour aider<br />

l’<strong>en</strong>fant à passer ce cap très difficile…<br />

c’est déjà un cap qui est difficile pour<br />

un <strong>en</strong>fant valide, à plus forte raison<br />

pour un <strong>en</strong>fant qui ne l’est pas, qui<br />

est différ<strong>en</strong>t et qui doit s’intégrer tous<br />

les jours, et faire face tous les jours à<br />

la problématique du mainti<strong>en</strong> dans un<br />

milieu ordinaire alors que lui est différ<strong>en</strong>t.<br />

Je ne vois pas comm<strong>en</strong>t on ne peut<br />

pas accompagner cet <strong>en</strong>fant-là, dans<br />

toutes ces difficultés qui ne font que<br />

comm<strong>en</strong>cer. »<br />

Des <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> sembl<strong>en</strong>t nous<br />

<strong>en</strong>courager à les lâcher <strong>en</strong> refusant le<br />

suivi éducatif ou le suivi psychologique.<br />

Les séances de rééducation, prescrites<br />

par le médecin, sont souv<strong>en</strong>t considérées<br />

comme obligatoires autant par<br />

les jeunes que par les professionnels.<br />

Des <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> refus<strong>en</strong>t tout. Faut-il<br />

continuer à les solliciter ? D’autres reconnaiss<strong>en</strong>t<br />

leur besoin de soins, très tôt<br />

ou <strong>en</strong>core ont une demande tellem<strong>en</strong>t<br />

forte qu’on s’occupe d’eux que cela<br />

nous effraie et nous donnerait presque<br />

<strong>en</strong>vie de les fuir. Nous devons nous<br />

autoriser (nous et la famille) à poser la<br />

question de l’arrêt, mais pas forcém<strong>en</strong>t<br />

pour y aboutir. C’est l’occasion de dire<br />

tout le négatif qu’impose ce suivi, et de<br />

reconstruire du li<strong>en</strong>, un autre li<strong>en</strong>, avec<br />

d’autres objectifs.<br />

Les refus, les rev<strong>en</strong>dications <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>,<br />

leurs provocations, ne doiv<strong>en</strong>t<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

41<br />

étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

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étu<strong>des</strong>& recherches<br />

pas générer du rejet de notre part.<br />

L’adolesc<strong>en</strong>ce attaque les li<strong>en</strong>s <strong>en</strong> ayant<br />

besoin qu’ils ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t, pas pour s’<strong>en</strong><br />

défaire. Mais ces signaux nous incit<strong>en</strong>t<br />

à lâcher de l’espace, à assouplir nos<br />

exig<strong>en</strong>ces. Nous devons petit à petit<br />

composer avec eux, et non pour eux<br />

puisque ce ne sont plus <strong>des</strong> <strong>en</strong>fants.<br />

Nous devons nous préparer à l’idée de<br />

les lâcher. Si nous réussissons à <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre<br />

leurs refus sans nous s<strong>en</strong>tir agressés ou<br />

inutiles, nous aurons moins peur de leur<br />

poser la question de ce qu’ils souhait<strong>en</strong>t,<br />

et nous les aiderons à s’exprimer.<br />

Un SESSD organise un séjour<br />

avec les <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>. Ensemble, ils<br />

font les recherches : où aller, comm<strong>en</strong>t<br />

y aller (pr<strong>en</strong>dre le train, comm<strong>en</strong>t<br />

ça se passe <strong>en</strong> fauteuil ?), où<br />

dormir ?<br />

Un SESSD différ<strong>en</strong>cie " activités<br />

" et " dispositif ". Une activité<br />

est proposée aux <strong>en</strong>fants dont le<br />

projet correspond aux objectifs de<br />

ce groupe, le service fait <strong>en</strong> sorte<br />

que le jeune y participe (organisation,<br />

transport). Un dispositif est<br />

ouvert aux jeunes qui le veul<strong>en</strong>t,<br />

c’est une sorte de perman<strong>en</strong>ce de<br />

professionnels (<strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce dans<br />

une médiathèque) où chaque jeune<br />

est libre de les rejoindre, sur sa<br />

propre initiative et par ses propres<br />

moy<strong>en</strong>s.<br />

Si certains <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> sembl<strong>en</strong>t plus<br />

épanouis <strong>en</strong> établissem<strong>en</strong>t spécialisé,<br />

nous connaissons aussi <strong>des</strong> situations<br />

qui nous prouv<strong>en</strong>t que <strong>des</strong> familles<br />

ont de bonnes raisons de t<strong>en</strong>ir à une<br />

vie ordinaire. Nous devons bi<strong>en</strong> sûr<br />

permettre d’éviter toute souffrance,<br />

mais d’abord respecter les choix de vie<br />

que font les familles que nous accompagnons.<br />

On voudrait dire aux<br />

par<strong>en</strong>ts, aidez-nous à<br />

ne pas faire notre propre<br />

projet de vie pour votre <strong>en</strong>fant,<br />

donc aidez-nous à être plus<br />

mo<strong>des</strong>tes, voila !<br />

Et faudrait-il <strong>des</strong> lieux spécifiques pour<br />

eux (question que <strong>des</strong> directeurs se<br />

posai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> amont de cette rechercheaction)<br />

? Pour nous, la question n’est<br />

pas là. Ce qu’il leur faut, c’est un groupe<br />

d’appart<strong>en</strong>ance (ou plusieurs) pour se<br />

construire, extérieur à la famille. Là où<br />

c’est possible, il n’y a pas besoin d’une<br />

structure particulière. Là où ce n’est<br />

pas possible, il faut inv<strong>en</strong>ter <strong>des</strong> rituels<br />

de passage, <strong>des</strong> passerelles, <strong>des</strong> ponts<br />

<strong>en</strong>tre l’<strong>en</strong>fance et l’adolesc<strong>en</strong>ce. Ce peut<br />

être dans la même structure, à condition<br />

qu’elle permette <strong>des</strong> rassemblem<strong>en</strong>ts,<br />

qu’elle assouplisse ses li<strong>en</strong>s, c’est-àdire<br />

qu’elle s’adapte aux besoins <strong>des</strong><br />

<strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong>.


Par<strong>en</strong>ts et<br />

professionnels,<br />

se r<strong>en</strong>contrer<br />

Au carrefour <strong>des</strong> familles et <strong>des</strong> institutions,<br />

se situe le part<strong>en</strong>ariat, nécessaire<br />

à nos relations mais ô combi<strong>en</strong> difficile<br />

à construire.<br />

« Il n’y a pas de mauvais <strong>en</strong>fants ou<br />

de mauvaises familles, il n’y a que <strong>des</strong><br />

<strong>en</strong>fants et <strong>des</strong> familles qu’on ne compr<strong>en</strong>d<br />

pas. Donc si on ne les compr<strong>en</strong>d pas,<br />

il faut trouver quelqu’un d’autre pour<br />

nous aider à les compr<strong>en</strong>dre. »<br />

Les professionnels ont donc une grande<br />

responsabilité pour que ces relations se<br />

pass<strong>en</strong>t dans le respect puis le partage,<br />

chacun à sa place, pour continuer à<br />

faire tiers. Si on porte la même autorité<br />

par exemple, comm<strong>en</strong>t le jeune peut se<br />

servir de nous pour expérim<strong>en</strong>ter autre<br />

chose ?<br />

Souv<strong>en</strong>t les familles att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t énormém<strong>en</strong>t<br />

de nous, et nous <strong>en</strong> restons<br />

étonnés. Il leur arrive (peut-être inconsciemm<strong>en</strong>t)<br />

de nous prêter un pouvoir<br />

miraculeux, donc trop de pouvoir. Nous<br />

projetant tout-puissants elles peuv<strong>en</strong>t<br />

nous <strong>en</strong> vouloir de ne pas réparer leur<br />

<strong>en</strong>fant. Serait-ce une forme d’agressivité<br />

déguisée ?<br />

5<br />

Pour pallier nos peurs d’être incompét<strong>en</strong>ts,<br />

nous avons t<strong>en</strong>dance à <strong>en</strong> faire trop.<br />

Quand notre id<strong>en</strong>tité professionnelle<br />

s’affirme plus tranquillem<strong>en</strong>t, nous<br />

n’avons plus ce besoin.<br />

Pour nous soulager de nos responsabilités,<br />

nous pouvons aussi être t<strong>en</strong>tés de<br />

nous reposer sur la responsabilité <strong>des</strong><br />

autres, mais ce n’est pas aux par<strong>en</strong>ts<br />

de porter l’ambival<strong>en</strong>ce <strong>des</strong> soins : être<br />

bon, mauvais parce qu’on fait ci ou ça<br />

à l’<strong>en</strong>fant :<br />

« Nous, on écoute les chirurgi<strong>en</strong>s, on<br />

écoute les pratici<strong>en</strong>s quels qu’ils soi<strong>en</strong>t,<br />

les professionnels, mais comm<strong>en</strong>t dire,<br />

on peut se dire parfois que, si on ne<br />

pr<strong>en</strong>d pas telle décision, si on ne répond<br />

pas de telle et telle façon, on ne fera<br />

pas bi<strong>en</strong>, donc c’est un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t de<br />

culpabilisation à ce mom<strong>en</strong>t-là. »<br />

Laisser les par<strong>en</strong>ts décider, ce n’est pas<br />

forcém<strong>en</strong>t pr<strong>en</strong>dre soin d’eux. Et pourtant,<br />

certains par<strong>en</strong>ts déf<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t fermem<strong>en</strong>t leur<br />

pouvoir de décision, comme si toute<br />

leur par<strong>en</strong>talité <strong>en</strong> dép<strong>en</strong>dait.<br />

Il n’y a pas de mode<br />

d’emploi <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

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étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

44<br />

étu<strong>des</strong>& recherches<br />

Avec certaines familles on est protecteur…<br />

Est-ce que ça veut dire qu’avec d’autres<br />

on peut être le contraire ? C’est évidemm<strong>en</strong>t<br />

difficile à admettre mais<br />

est-ce une preuve qu’à certaines on fait<br />

subir d’év<strong>en</strong>tuels mauvais traitem<strong>en</strong>ts ?<br />

À quoi cela ti<strong>en</strong>t-il ? Parfois on est<br />

maladroit, on ne sait pas comm<strong>en</strong>t s’y<br />

pr<strong>en</strong>dre avec une famille…<br />

Par<strong>en</strong>ts et professionnels, nous avons<br />

<strong>en</strong> commun beaucoup de choses. Et<br />

nous pouvons nous sout<strong>en</strong>ir mutuellem<strong>en</strong>t.<br />

Nous pouvons travailler <strong>en</strong>semble<br />

à affronter la réalité.<br />

Des professionnels ont fait<br />

une démarche de demande de<br />

diagnostic psychiatrique à l’extérieur<br />

du SESSD, dans une démarche<br />

commune de recherche de s<strong>en</strong>s de<br />

symptômes intrigants.<br />

Chaque demande<br />

est unique et il faut<br />

s’adapter.<br />

S’adapter n’est pas facile. Cela suppose<br />

le doute et l’incertitude, l’impossibilité<br />

de s’<strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir à un modèle d’interaction,<br />

de construction de projet, la surprise,<br />

la non-maîtrise.<br />

On sait <strong>des</strong> choses, chacun (compét<strong>en</strong>ces,<br />

savoirs), mais il faut aussi<br />

échanger nos impressions. Alors il n’y<br />

a pas de rapport de pouvoir, chacun ses<br />

compét<strong>en</strong>ces dans la discussion, chacun<br />

ses argum<strong>en</strong>ts. Échanger, partager,<br />

participe au processus thérapeutique.<br />

Nous ne sommes pas pareils, mais <strong>des</strong><br />

part<strong>en</strong>aires différ<strong>en</strong>ts. La relation est,<br />

sur certains plans, dissymétrique mais<br />

on peut se reconnaître mutuellem<strong>en</strong>t.<br />

Aux JNP3 , un atelier a été réalisé<br />

avec <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts et <strong>des</strong> professionnels.<br />

Chacun devait nommer ses<br />

att<strong>en</strong>tes et ses craintes vis-à-vis de<br />

l’autre, et ce qu’on imaginait que<br />

l’autre p<strong>en</strong>sait vis-à-vis de nous.<br />

Le résultat montre que nous avons<br />

<strong>des</strong> choses <strong>en</strong> commun : la peur<br />

d’être jugés de façon négative,<br />

l’espoir que nous serons reconnus<br />

pour ce que nous sommes.<br />

Faire cette expéri<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>semble<br />

avec les par<strong>en</strong>ts d’un SESSD, c’est se<br />

construire <strong>des</strong> relations basées sur<br />

la reconnaissance mutuelle !<br />

Partager <strong>des</strong> choses <strong>en</strong>semble dynamise<br />

nos échanges, nous permet de mieux<br />

nous connaître, de " défocaliser " du<br />

handicap, de dédramatiser la relation<br />

aidant-aidé.<br />

À l’initiative d’un CVS, <strong>des</strong><br />

professionnels et <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts ont<br />

partagé un apéro de r<strong>en</strong>trée, puis<br />

un pique-nique estival dans un joli<br />

parc, autour de vélos et de joëlettes.<br />

Les professionnels doiv<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant<br />

faire att<strong>en</strong>tion à ne pas se mêler de<br />

ce qui ne les regarde pas ! Att<strong>en</strong>tion<br />

aussi à ne pas aider le jeune à avancer<br />

dans son autonomie tout <strong>en</strong> laissant<br />

les par<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> rade et de mettre les<br />

jeunes <strong>en</strong> situation de devoir choisir<br />

<strong>en</strong>tre notre projet et celui de ses<br />

par<strong>en</strong>ts !<br />

« On se plante parce qu’on croit <strong>des</strong><br />

choses qui serai<strong>en</strong>t bonnes pour eux.<br />

On n’a pas mesuré ou perçu les <strong>en</strong>jeux<br />

intrafamiliaux. »<br />

C’est la famille dans son <strong>en</strong>semble qui<br />

doit trouver un équilibre, à nous de l’y<br />

aider, et non de créer <strong>des</strong> déséquilibres<br />

3 - JNP : Journées nationales <strong>des</strong> par<strong>en</strong>ts de l'<strong>APF</strong>.


nouveaux <strong>en</strong> voulant r<strong>en</strong>dre l’un de ses<br />

membres indép<strong>en</strong>dant d’elle.<br />

Cheminer avec l’équilibre<br />

familial de toute la famille.<br />

Des professionnels p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t fréquemm<strong>en</strong>t<br />

que les par<strong>en</strong>ts ne font pas ce<br />

qu’il faudrait faire, à voir <strong>des</strong> problèmes<br />

là où il n’y <strong>en</strong> a pas. Nous devons certes<br />

être att<strong>en</strong>tifs aux signes de souffrance<br />

de l’un <strong>des</strong> membres d’une famille, mais<br />

nous devons aussi laisser la famille faire<br />

ses choix, et ne pas s’immiscer dans<br />

cette responsabilité qui est la si<strong>en</strong>ne et<br />

pas la nôtre. Qu’est-ce qui nous permet<br />

de p<strong>en</strong>ser que de faire telle formation<br />

(qui suppose qu’il quitte sa famille)<br />

serait mieux pour le jeune que de rester<br />

près <strong>des</strong> si<strong>en</strong>s ? Que sait-on de l’équilibre<br />

trouvé par ce sujet ?<br />

Il y a aussi <strong>des</strong> choses que nous souhaiterions<br />

voir simplifier <strong>en</strong>tre nous dans le<br />

partage d’informations.<br />

Nous avons besoin de connaître un peu<br />

l’histoire de l’<strong>en</strong>fant. Mais, lorsque nous<br />

r<strong>en</strong>controns de nouvelles familles au<br />

mom<strong>en</strong>t de l’adolesc<strong>en</strong>ce, nous voyons<br />

bi<strong>en</strong> que certaines sont épuisées de<br />

raconter leur histoire. Là se pose la<br />

pertin<strong>en</strong>ce de nos deman<strong>des</strong>.<br />

« Qu’est-ce qu’on a toujours besoin<br />

d’aller chercher ? De faire parler systématiquem<strong>en</strong>t<br />

les par<strong>en</strong>ts ? À un<br />

mom<strong>en</strong>t donné, ça <strong>en</strong> devi<strong>en</strong>t presque<br />

indéc<strong>en</strong>t. Moi je sais que généralem<strong>en</strong>t<br />

je ne le fais pas, si à un mom<strong>en</strong>t ça se<br />

prés<strong>en</strong>te on <strong>en</strong> parle. »<br />

L’échange peut se faire à différ<strong>en</strong>tes<br />

occasions. Le systématiser n’est pas une<br />

obligation. Il est facilité quand on a<br />

déjà établi une relation. Les familles ont<br />

besoin de savoir que les professionnels<br />

connaiss<strong>en</strong>t leur parcours. Mais les professionnels<br />

doiv<strong>en</strong>t respecter le temps et<br />

la forme que cela peut pr<strong>en</strong>dre. Certaines<br />

familles n’abord<strong>en</strong>t pas le sujet d’ellesmêmes,<br />

pas facilem<strong>en</strong>t. Il faut alors ne<br />

demander que ce qui est nécessaire pour<br />

mettre <strong>en</strong> œuvre le projet. Et peut-être<br />

un jour l’échange vi<strong>en</strong>dra.<br />

Laisser de la liberté aux familles,<br />

ne pas systématiser le récit de leur<br />

histoire.<br />

Les par<strong>en</strong>ts croul<strong>en</strong>t sous les informations<br />

et les papiers liés au handicap.<br />

Dans un service, on les trie pour<br />

eux. On a créé et mis <strong>des</strong> logos<br />

spécifiques sur les courriers, un logo<br />

par activité ou type d’activité.<br />

Dans un autre service, on a créé<br />

une page d’informations résumées,<br />

concises, faciles à compr<strong>en</strong>dre.<br />

Dans un autre <strong>en</strong>core, un site<br />

Internet a été créé (voir la référ<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong> bibliographie).<br />

À l’image de notre groupe de recherche<br />

et d’action, nous souhaiterions que<br />

nos relations soi<strong>en</strong>t simplifiées le plus<br />

possible, à être, humainem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong>semble.<br />

Il semble que l’un <strong>des</strong> <strong>en</strong>jeux de<br />

notre travail se situe là, et que ce soit<br />

<strong>en</strong>core plus crucial au mom<strong>en</strong>t de<br />

l’adolesc<strong>en</strong>ce, période où les li<strong>en</strong>s sont<br />

exposés aux turbul<strong>en</strong>ces. Les par<strong>en</strong>ts<br />

dis<strong>en</strong>t clairem<strong>en</strong>t qu’ils ont besoin <strong>des</strong><br />

professionnels pour les accompagner<br />

dans cette période particulière de la vie<br />

de leur <strong>en</strong>fant.<br />

<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

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étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

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étu<strong>des</strong>& recherches<br />

6 Conclusion<br />

L’adolesc<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>ce à nous dire que<br />

bi<strong>en</strong>tôt il exigera une place <strong>en</strong>tière, de<br />

personne à personne, où sa parole aura<br />

autant de pouvoir de décision que celle<br />

<strong>des</strong> adultes.<br />

« Ils sont sujets et ils le sont depuis le<br />

début, mais là, ils le rev<strong>en</strong>diqu<strong>en</strong>t… »<br />

Soyons prêts à échanger avec eux et<br />

avec leurs par<strong>en</strong>ts. Les professionnels<br />

ont le devoir de susciter l’échange pour<br />

permettre que chacun s’exprime. Soyons<br />

convaincus qu’il n’est jamais trop tard,<br />

pour se mettre autour d’une table.<br />

« Même si l’on p<strong>en</strong>se qu’il est trop tard,<br />

quel dommage, il aurait fallu le faire<br />

avant… il est <strong>en</strong>core temps de le faire.<br />

Si cela n’a pas été fait, c’est qu’il faut<br />

peut-être le faire maint<strong>en</strong>ant. »<br />

L’autonomie se construit sur <strong>des</strong> li<strong>en</strong>s,<br />

c’est ce qui nous fait t<strong>en</strong>ir <strong>en</strong>semble.<br />

Nous l’avons vécu à l’intérieur même<br />

de ce groupe car nous nous sommes<br />

exposés à parler de nous, remplis de<br />

nos différ<strong>en</strong>ces. Ainsi la réflexion puis<br />

l’action ne se délègu<strong>en</strong>t pas, et les<br />

lecteurs de cet écrit n’<strong>en</strong> feront pas<br />

l’économie pour eux-mêmes. Nous<br />

avons décrypté les réponses que nos<br />

pratiques et nos personnalités nous<br />

autoris<strong>en</strong>t à percevoir, à chacun maint<strong>en</strong>ant<br />

de s’<strong>en</strong> inspirer pour inv<strong>en</strong>ter<br />

les si<strong>en</strong>nes.<br />

L’adolesc<strong>en</strong>t, avec toutes ses angoisses,<br />

remettrait donc <strong>en</strong> scène les questions<br />

c<strong>en</strong>trales de son id<strong>en</strong>tité : son id<strong>en</strong>tité<br />

sexuée (futur homme ou future femme),<br />

son autonomie vis-à-vis <strong>des</strong> autres, la<br />

nécessité <strong>des</strong> soins (la dép<strong>en</strong>dance,<br />

l’incomplétude, la frustration…). Il les<br />

mettrait <strong>en</strong> scène à travers notre institution<br />

qui est une représ<strong>en</strong>tante de<br />

l’ordre, de la par<strong>en</strong>talité (à travers le fait<br />

de pr<strong>en</strong>dre soin d’eux, de les éduquer,<br />

de les <strong>en</strong>cadrer). Il jouerait alors un<br />

" rôle de détraqueur <strong>des</strong> équipes ".<br />

Toutes ces difficultés auxquelles il nous<br />

expose nous amènerai<strong>en</strong>t spontaném<strong>en</strong>t<br />

à le rejeter, par fuite de ces angoisses<br />

<strong>en</strong>vahissantes, <strong>des</strong>tructurantes. Y répondre<br />

<strong>en</strong> l’excluant de notre groupe serait<br />

peut-être un risque de le désocialiser,<br />

de l’empêcher de vivre avec nous son<br />

processus d’adolesc<strong>en</strong>ce, donc de le<br />

fragiliser. Il nous faut appr<strong>en</strong>dre à nous<br />

laisser traverser par tous ces mouvem<strong>en</strong>ts<br />

complexes pour aider l’adolesc<strong>en</strong>t à<br />

dev<strong>en</strong>ir un adulte.<br />

Un papa participant au groupe a conclu<br />

par cette phrase qu’il souhaite transmettre<br />

:<br />

Par<strong>en</strong>ts, vous n’êtes pas seuls.<br />

Professionnels : att<strong>en</strong>dez-vous<br />

au pire, t<strong>en</strong>ez ferme, t<strong>en</strong>ez bon !


Bibliographie<br />

Supports de la recherche-action<br />

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Film de 38 minutes, CNP, <strong>APF</strong>.<br />

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Film, Quark Production, France 5.<br />

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étu<strong>des</strong>& recherches


<strong>Inv<strong>en</strong>ter</strong> l’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> <strong>adolesc<strong>en</strong>ts</strong> <strong>en</strong> situation de handicap moteur <strong>en</strong> SESSD<br />

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http://pagesperso-orange.fr/apfthionville/adminis/pres<strong>en</strong>tssess.html


étu<strong>des</strong> recherches<br />

12 e<br />

www.chromatiques.fr

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