Patrick Baudry : L'enjeu social du mourir - MGEN
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l'accompagnement c’est la construction de la filiation, c’est-à-dire ce qui touche à la<br />
fondation même des sociétés.<br />
Quand on parle d'enjeu <strong>social</strong> <strong>du</strong> <strong>mourir</strong>, il ne s'agit donc pas de tra<strong>du</strong>ire l’affaire en disant<br />
qu’il faut faire acte de générosité, cela va au-delà : il s'agit de ce que nous avons à être pour<br />
les autres dans la médiation que nous aurons à vivre avec ceux qui ne sont plus là. Il ne<br />
s'agit donc pas d'une affaire de choix, mais de ce qui traverse le sujet humain et de ce qui<br />
peut l’arrimer à une histoire collective.<br />
La mort, c'est l’altérité et non pas la propriété. C'est l’invisible et non pas le prévisible, c'est<br />
l'inconnu et non pas l'anticipable.<br />
La mort n’est donc pas que la fin de vie. C'est ce que nous travaillons dans nos rapports<br />
sociaux au quotidien. Ici, puisqu’il s'agit d'E<strong>du</strong>cation nationale, j’aimerais dire que si<br />
l'enseignement n'est pas explicitement un enseignement sur la mort, c’est une parole autour<br />
de la mort qui s’y dit implicitement. L'enseignement, les connaissances, les savoirs, les<br />
fameuses formules mathématiques, oui, c'est l’inconnu, c'est ce qui m'affronte à l'inconnu,<br />
c’est l'invisible, l'altérité. La transmission des connaissances à l'école, au collège, au lycée, à<br />
l'université, c'est ce qui vient nous affronter toujours à ce qui ne vient pas de nous et ce qui<br />
nous engage dans une transmission.<br />
Je terminerai avec une citation d’Emmanuel Lévinas qui disait : “ La mort, source de tous les<br />
mythes… ”. (En effet, toute la mythologie vient de cette incroyable question à laquelle les<br />
cultures fournissent des réponses qui ne sont jamais suffisantes. C’est ce qui rend vivante<br />
notre vie). “ La mort source de tous les mythes n'est présente qu’en autrui et seulement en<br />
autrui elle me rappelle d’urgence à ma dernière essence, à ma responsabilité. ” 6<br />
Dans le cadre de ce colloque qui nous réunit autour des questions de la solidarité et de<br />
l’éthique, autour de cette affaire de la “ fin de vie ”, il convient de rajouter cette interrogation,<br />
ce n'est pas simplement un slogan, sur la responsabilité puisque l’enjeu de fond n’est pas la<br />
mort que l’on pourrait décider mais l’accompagnement où nous sommes toujours impliqués.<br />
6 Emmanuel Lévinas Totalité et infini, Paris, Le Livre de Poche, 1990, p. 195.<br />
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