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Le fleuve de l'eter..

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privilégiée <strong>de</strong> l’époque victorienne. Son professeur <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssin<br />

s’appelait John Ruskin. Elle réussissait souvent à surprendre les<br />

propos <strong>de</strong>s hôtes que son père recevait à sa table, au nombre<br />

<strong>de</strong>squels figuraient le prince <strong>de</strong> Galles, Gladstone, Matthew<br />

Arnold, et maints autres grands noms <strong>de</strong> ce siècle.<br />

C’était alors une jolie fillette brune, aux cheveux plats coiffés<br />

à la chien, dont le visage reflétait le calme d’une âme rêveuse<br />

lorsqu’elle était d’humeur pensive, mais s’illuminait pour trahir<br />

une gran<strong>de</strong> vivacité quand elle s’animait, en particulier à<br />

l’audition <strong>de</strong>s histoires délirantes qu’inventait Dodgson. Elle<br />

lisait beaucoup, et ne <strong>de</strong>vait qu’à elle-même une gran<strong>de</strong> partie<br />

<strong>de</strong> sa culture.<br />

Elle aimait à jouer avec Dinah, sa chatte noire, et lui raconter<br />

<strong>de</strong>s histoires qui ne valaient jamais celles du révérend. Sa<br />

chanson favorite était « Etoile du soir », que Dodgson <strong>de</strong>vait<br />

pasticher, dans Alice, pour en faire la chanson « La soupe à la<br />

tortue », interprétée par la Tortue-à-tête-<strong>de</strong>-Veau.<br />

Soupe du soir, belle soupe !<br />

Soupe du soir, belle soupe !<br />

Mais son épiso<strong>de</strong> préféré restait celui où apparaissait le Chat<br />

du Chester. Elle adorait les chats, et même <strong>de</strong>venue adulte, il lui<br />

arrivait <strong>de</strong> bavar<strong>de</strong>r avec le sien comme s’il se fût agi d’un<br />

humain, quand elle se trouvait seule en sa compagnie.<br />

Elle s’était transformée en une très belle jeune femme dotée<br />

d’un charme particulier : cette indéfinissable apparence éthérée<br />

qui, lorsqu’elle était enfant, avait séduit Dodgson, Ruskin et les<br />

autres. Ils voyaient en elle « l’enfant au front pur, aux yeux <strong>de</strong><br />

rêve émerveillés ».<br />

En dépit <strong>de</strong> sa beauté, elle ne s’était mariée qu’à vingt-huit<br />

ans, âge où l’on passait pour une vieille fille en l’an 1880 <strong>de</strong> l’ère<br />

victorienne. Son époux, Reginald Gervis Hargreaves, du<br />

domaine <strong>de</strong> Cuffnells, près <strong>de</strong> Lyndhurst (Hampshire), avait fait<br />

ses étu<strong>de</strong>s à Eton et Christ Church ; <strong>de</strong>venu juge <strong>de</strong> paix, il avait<br />

mené une existence très tranquille en compagnie d’Alice et <strong>de</strong><br />

ses trois fils. Féru <strong>de</strong> lecture, et surtout <strong>de</strong> littérature française,<br />

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