23.06.2013 Views

N°32. Octobre 2005. - Centre Régional des Lettres de Basse ...

N°32. Octobre 2005. - Centre Régional des Lettres de Basse ...

N°32. Octobre 2005. - Centre Régional des Lettres de Basse ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Actualité littéraire<br />

Maurice, naguère paradis fallacieux qui faisait<br />

rêver les Indiens, <strong>de</strong>venu aujourd’hui paradis pour<br />

touristes et chaînes d’hôtel ou terre d’hier pour qui<br />

l’a quittée : ce sont ces trois regards que la romancière<br />

mauricienne Nathacha Appanah nous fait partager<br />

en trois romans, <strong>de</strong> son écriture flui<strong>de</strong>, sans<br />

hypocrisie.<br />

Nous sommes en 1892. Dans Les Rochers <strong>de</strong><br />

poudre d’or, Merich (Maurice) est ce paradis lointain,<br />

une chimère presque, qui fait rêver les jeunes<br />

Indiens prisonniers d’une société <strong>de</strong> castes.<br />

Des « maistrys », <strong><strong>de</strong>s</strong> recruteurs leur promettent<br />

argent et terres fertiles… Au prix d’une traversée<br />

furieusement pénible, parfois fatale, ils ne trouveront<br />

que servage et exploitation même si l’esclavage<br />

a été aboli… Fresque historique mais aussi<br />

roman d’aventures, le premier roman <strong>de</strong> Nathacha<br />

Appanah entremêle les <strong><strong>de</strong>s</strong>tins individuels et celui<br />

<strong>de</strong> l’île. Ni cette terre, ni ces vies n’en ressortiront<br />

in<strong>de</strong>mnes.<br />

Maurice c’est aussi cette île au visage <strong>de</strong> Janus,<br />

« entre la semaine <strong>de</strong> rêve à six mille euros […] et le<br />

kilo <strong>de</strong> lentilles noires à trois centimes d’euro qui<br />

doit tenir toute la semaine ». D’un côté, ces hôtels<br />

<strong>de</strong> luxe abritant <strong><strong>de</strong>s</strong> flots <strong>de</strong> touristes aveugles, <strong>de</strong><br />

l’autre les quartiers pauvres. Maya, la narratrice <strong>de</strong><br />

Blue Bay Palace vient <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ces quartiers et<br />

travaille dans l’un <strong>de</strong> ces hôtels, baptisé fort ironiquement<br />

Paradis. Et il est presque tentant <strong>de</strong> faire<br />

un parallèle entre l’idylle amoureuse qu’elle vit avec<br />

Dave le fils du gérant <strong>de</strong> l’hôtel et son pays. Ce qui<br />

pourrait être une histoire d’amour lisse et idéale<br />

<strong>de</strong>vient une douleur fiévreuse, tendue à l’extrême,<br />

/ Éditeur<br />

La Rebuveuse d’absinthe signe le<br />

premier pas, remarquable, <strong><strong>de</strong>s</strong> éditions BVR et<br />

donne la note pour les publications à venir : thèmes<br />

originaux, iconographie méconnue, prix non dissuasif<br />

et impression <strong>de</strong> qualité. Historien d’art, spé-<br />

Latitu<strong><strong>de</strong>s</strong> > Nathacha Appanah<br />

Trois romans, une île, une voix<br />

En trois livres, Nathacha Appanah nous fait découvrir Maurice, sa terre natale, Eldorado d’hier, paradis pour<br />

touristes aujourd’hui. Mais pas d’ethnocentrisme dans ces livres élégants, juste une écriture qui s’affirme et<br />

sur laquelle il faut désormais compter. Rencontre avec l’auteure le 28 septembre à Verson.<br />

au pire… Ainsi en est-il du pays, entre carte postale<br />

ensoleillée et quartiers <strong>de</strong> misère.<br />

Dernier roman : l’île Maurice s’éloigne mais <strong>de</strong>meure,<br />

fantôme intime parmi d’autres pour la narratrice<br />

Sonia. La Noce d’Anna est le roman du doute et <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

interrogations. Celles d’une mère, d’une femme :<br />

qu’a-t-elle légué, appris à sa fille ? A-t-elle été assez<br />

aimante, attentive, présente ? Anna se marie et<br />

Sonia s’interroge. Elle se retourne sur son passé,<br />

son pays, Maurice, qu’elle a quitté il y a longtemps,<br />

sa rencontre avec le père d’Anna qu’elle n’a jamais<br />

revu. Anna si différente : très organisée, ne laissant<br />

rien au hasard… Sonia, elle, se laisse happer par la<br />

vie, les émotions avec un bien vouloir touchant. En<br />

cette journée si particulière, il semble que tout se<br />

joue, se rejoue dans la vie <strong>de</strong> Sonia. Mais peut-être<br />

après tout n’est-ce que le temps qui fait son œuvre ?<br />

La Noce d’Anna est le portrait d’une femme vulnérable<br />

parce qu’elle laisse affleurer toutes les émotions,<br />

sans honte et sans retenue. À l’image <strong>de</strong><br />

l’écriture <strong>de</strong> Nathacha Appanah, entièrement perméable<br />

au libre cours <strong><strong>de</strong>s</strong> pensées <strong>de</strong> la narratrice...<br />

<br />

Nathalie Colleville<br />

Chez Gallimard, coll. « Continents noirs » :<br />

Les Rochers <strong>de</strong> poudre d’or (2003)<br />

Blue Bay Palace (2004)<br />

La Noce d’Anna (2005)<br />

Débat proposé et animé par Abdourahman Waberi<br />

et Bernard Magnier.<br />

Création > Éditions BVR<br />

Éditeurs et passeurs d’art<br />

cialisé dans les dix-neuvième et vingtième siècles,<br />

Benoît Noël et sa compagne Véronique Herbaut,<br />

scénariste, misent sur <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages pointus aux<br />

ouvertures multiples. « À travers l’analyse<br />

d’œuvres d’art, le but est <strong>de</strong> montrer une tranche<br />

<strong>de</strong> société », explique Véronique Herbaut. Ainsi en<br />

est-il pour la collection « Arrêt sur image » qu’inaugure<br />

La Rebuveuse d’absinthe. Le titre est emprunté<br />

à Félicien Rops, peintre belge et auteur <strong>de</strong> « La<br />

Buveuse d’Absinthe ». Le tableau permet ici d’explorer<br />

l’univers et l’œuvre <strong>de</strong> Rops mais aussi la<br />

place <strong>de</strong> l’absinthe, thème cher à Benoît Noël par<br />

ailleurs, dans un siècle traversé par Mirbeau,<br />

Bau<strong>de</strong>laire…<br />

Véronique Herbaut et Benoît Noël ont d’autres projets<br />

dont une anthologie A comme absinthe, Z<br />

comme Zola, dont la parution est prévue au printemps<br />

2006. Deux autres titres, toujours consacrés à<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> portraits <strong>de</strong> femmes, <strong>de</strong>vraient également<br />

rejoindre la collection « Arrêt sur image » : Madame X<br />

<strong>de</strong> John Singer Sargent, peintre reconnu aux États-<br />

Unis et méconnu en France et Madame R… J…<br />

d’Albert Besnard. « Cela ne m’intéresse pas <strong>de</strong> faire<br />

le cinq centième ouvrage sur Renoir ! Ce qui m’intéresse<br />

c’est <strong>de</strong> défricher, <strong>de</strong> faire connaître <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

peintres méconnus en France », commente Benoît<br />

octobre 2005 - livre / échange 10<br />

C. Hélie/Gallimard<br />

Le 28 septembre, à 20h30 à l’Espace Senghor à Verson.<br />

Entrée libre. Renseignements au 02 31 26 24 84.<br />

Née en 1973 à Mahébourg, Nathacha Appanah est également<br />

journaliste.<br />

Benoît Noël et Véronique Herbaut viennent <strong>de</strong> créer leur propre maison d’édition tournée vers l’art, dans le Pays<br />

d’Auge. Leurs atouts : <strong><strong>de</strong>s</strong> ouvrages pérennes aux illustrations rares, une distribution ciblée et un prix abordable.<br />

Benoît Noël et Véronique Herbaut. Les initiales <strong>de</strong> leurs prénoms<br />

et celle <strong>de</strong> Rémi leur fils donnent un sigle à la structure.<br />

CRL<br />

Noël. Autre terrain à explorer pour les éditions BVR,<br />

la région bas-norman<strong>de</strong>, grâce à <strong>de</strong>ux autres projets<br />

: l’un consacré aux peintres <strong>de</strong> Villerville,<br />

l’autre aux noces en Normandie.<br />

Créer leur propre structure permet à Benoît Noël et<br />

Véronique Herbaut <strong>de</strong> « maîtriser un projet <strong>de</strong> A à Z ».<br />

Ainsi peuvent-ils cibler eux-mêmes leurs points <strong>de</strong><br />

vente (La Maison <strong>de</strong> Franche-Comté et le musée<br />

Rops à Namur par exemple pour La Rebuveuse<br />

d’absinthe). « On a beaucoup réfléchi à notre distribution<br />

et notre présence. Notamment sur le net.<br />

On est référencé sur une quinzaine <strong>de</strong> sites. » Autre<br />

priorité pour BVR : maintenir un prix abordable<br />

pour l’acheteur, soit pas plus <strong>de</strong> 20€. Une gageure<br />

lorsque l’on sait que ce type d’ouvrage nécessite<br />

une iconographie très riche. « Nous travaillons<br />

beaucoup avec <strong><strong>de</strong>s</strong> collectionneurs privés afin d’exploiter<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> illustrations méconnues, <strong><strong>de</strong>s</strong> documents<br />

rares. » Qualité, maîtrise et intérêt <strong>de</strong> sujets inédits<br />

font <strong>de</strong> BVR un éditeur à suivre. Ren<strong>de</strong>z-vous en<br />

2006 pour le prochain ouvrage.<br />

<br />

Nathalie Colleville<br />

Éditions BVR, Lieu doré 14140 Sainte-Marguerite-<strong><strong>de</strong>s</strong>-Loges.<br />

02 31 31 15 78<br />

editionsbvr@club-internet.fr<br />

Octave Mirbeau > Écrivain et polémiste<br />

Mirbeau, l’exalté oublié<br />

Gérard Poulouin codirige le colloque Mirbeau proposé à Cerisy-la-Salle,<br />

cette année. Un temps qui témoigne du regain d’intérêt pour cet auteur<br />

bas-normand qu’universitaires et éditeurs se réapproprient.<br />

Misanthrope mais doué en amitié, anarchiste convaincu, pourfen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong><br />

toutes les injustices, écrivain prolixe et botaniste passionné, amateur<br />

d’art à l’œil sûr, Mirbeau est réellement fascinant.<br />

Livre/Échange : Depuis quelques années, on redécouvre<br />

Mirbeau. Ce colloque en atteste. Comment<br />

expliquer ce regain d’intérêt ?<br />

Gérard Poulouin : Un colloque Mirbeau apparaissait<br />

d’autant plus légitime qu’il y a un renouveau <strong>de</strong><br />

la curiosité à son égard. Des ouvrages sont aujourd’hui<br />

disponibles grâce au travail phénoménal <strong>de</strong><br />

Pierre Michel (prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Société Octave<br />

Mirbeau, ndlr). Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> Mirbeau, il y a un regain<br />

d’intérêt pour la pério<strong>de</strong> dite « fin <strong>de</strong> siècle », la fin<br />

du XIX ème et le début du XX ème . Cet intérêt s’explique<br />

par les rééditions mais aussi par les travaux <strong>de</strong><br />

recherche <strong>de</strong> jeunes doctorants. Globalement, il y<br />

avait donc cette désaffection pour ladite pério<strong>de</strong><br />

longtemps occultée dans les manuels scolaires.<br />

Mirbeau, en particulier, a sans doute souffert d’être<br />

perçu comme un écrivain mineur.<br />

L/É : Comment Mirbeau débute-t-il sa carrière <strong>de</strong><br />

journaliste ?<br />

G.P. : ll commence par travailler pour un bonapartiste,<br />

Henri <strong>de</strong> la Fauconnerie, antibourgeois et<br />

antisémite. Durant ces années <strong>de</strong> formation, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

choses se profilent déjà. Il appartenait à une certaine<br />

droite populiste. Mirbeau a participé à une<br />

revue antisémite horrible Les Grimaces. Mirbeau<br />

est proche du mon<strong>de</strong> politique. Il <strong>de</strong>vient journaliste<br />

dans la presse populaire et fait preuve très vite<br />

<strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> hargne. C’est un tempérament,<br />

une personne <strong>de</strong> la ferveur ! Il y a dans ces premiers<br />

romans, très autobiographiques, une certaine tonicité.<br />

Il abor<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sujets qui sont durs, manifeste<br />

plein <strong>de</strong> fougue. Très vite, il vole <strong>de</strong> ses propres<br />

ailes, gagne bien sa vie. C’est un individu foncièrement<br />

antibourgeois mais il a l’allure d’un dandy,<br />

porte <strong><strong>de</strong>s</strong> vestes <strong>de</strong> tweed, a un tailleur à Paris, il<br />

assiste aux courses <strong>de</strong> côte…<br />

L/É : Royaliste, antisémite dans sa première<br />

pério<strong>de</strong>, Mirbeau <strong>de</strong>vient anarchiste, prend la<br />

défense <strong>de</strong> Dreyfus et Zola. Comment explique-ton<br />

ce revirement ?<br />

G.P. : C’est un anarchiste même quand il ne le sait<br />

pas ! Il est insolent. Il va utiliser sa plume pour<br />

dénoncer les excès <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> bourgeoisie qu’il<br />

dénonce déjà à partir du bonapartisme. Il va changer<br />

en 1880 (après une déception amoureuse,<br />

Mirbeau se retire quelques mois en Bretagne, ndlr).<br />

Mais il dénonçait déjà l’armée. Mirbeau dénonce le<br />

capitalisme, le colonialisme. Il est du côté <strong><strong>de</strong>s</strong> gens<br />

<strong>de</strong> peu, <strong><strong>de</strong>s</strong> humbles, <strong>de</strong> la justice et <strong>de</strong> la liberté<br />

<strong>de</strong> penser. Il s’est intéressé au sort <strong><strong>de</strong>s</strong> prostituées,<br />

s’est préoccupé <strong><strong>de</strong>s</strong> enfants sans doute à cause <strong>de</strong><br />

son histoire personnelle. Durant l’affaire Zola et<br />

Dreyfus, il vit une véritable conversion. Il a même<br />

été attaqué par ses amis qui ne le reconnaissaient<br />

pas dans ses positions. Il s’en est expliqué disant<br />

qu’il continuait son combat pour la vérité. Il est<br />

proche <strong><strong>de</strong>s</strong> écrivains dreyfusards, <strong><strong>de</strong>s</strong> membres <strong>de</strong><br />

la Ligue <strong><strong>de</strong>s</strong> droits <strong>de</strong> l’homme, fondée à l’époque.<br />

Il a payé les charges du procès <strong>de</strong> Zola. Malgré son<br />

revirement, il reste farouche ! De populiste, il<br />

<strong>de</strong>vient anarchiste et reste hostile aux autorités<br />

politiques, militaires, religieuses. Pour lui la démocratie<br />

est perverse.<br />

L/É : Mirbeau cultive avec une gran<strong>de</strong> passion <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

fleurs rares. Critique d’art, il s’est beaucoup intéressé<br />

à la peinture. Il a loué Rodin, Monet, acheté<br />

« Les iris » <strong>de</strong> Van Gogh. Que sait-on <strong>de</strong> cet aspect<br />

<strong>de</strong> sa vie ?<br />

G.P. : Mirbeau est un misanthrope. Il porte un<br />

regard acerbe sur le mon<strong>de</strong>. Il trouvera une fenêtre<br />

libératoire dans l’art. ll avait une collection fabuleuse<br />

: <strong><strong>de</strong>s</strong> Pissaro, Utrillo, Rafaëli, plusieurs<br />

Monet. Ce que je préfère véritablement dans ses<br />

écrits, ce sont ses notes sur l’art. Il est capable <strong>de</strong><br />

faire un parallèle entre un Chardin et un Monet,<br />

d’écrire sur le travail <strong>de</strong> la couleur. Ses catégories<br />

d’analyse me semblent efficientes.<br />

Mais c’est toujours une rencontre avec l’art vivant !<br />

Les artistes dont Mirbeau parle, il les fréquente.<br />

Une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> ses amis sont <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes.<br />

Mirbeau est l’un <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers à découvrir Monet, il<br />

<strong>de</strong>vient un familier <strong>de</strong> Giverny. Monet et lui partagent<br />

la passion <strong><strong>de</strong>s</strong> fleurs. Il a une façon d’appréhen<strong>de</strong>r<br />

la réalité, très sensuelle, très gustative, un<br />

côté panthéiste.<br />

L/É : Qu’était Mirbeau avant tout ? Polémiste<br />

engagé ou écrivain ?<br />

G.P. : Les opinions politiques sont premières.<br />

L’écriture est un mo<strong>de</strong> d’expression. On a pu penser<br />

que Mirbeau était difficile à sauver en raison <strong>de</strong><br />

ses écrits. Ses personnages n’ont pas <strong>de</strong> psychologie,<br />

pas <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur. Ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> porte-parole.<br />

Ce qu’il a <strong>de</strong> sympathique, c’est qu’il va se révéler<br />

très attentif aux jeunes talents. C’est un trait <strong>de</strong> sa<br />

personnalité qui ne s’est pas démenti. Là où Zola<br />

est très sévère sur les nouveaux venus en littérature,<br />

Mirbeau soutient Gourmont, Régnier, les symbolistes.<br />

Il introduit le Belge Maeterlinck, préface<br />

Hamsun, lit Ibsen. Mirbeau lui est du côté <strong>de</strong> l’expressionisme.<br />

Il a une écriture hâchée, un peu syncopée<br />

parce que issue <strong><strong>de</strong>s</strong> feuilletons. Pour certains,<br />

ses romans sont un peu le déversoir <strong>de</strong> ce qui<br />

a été d’abord publié dans <strong><strong>de</strong>s</strong> journaux. D’où un<br />

certain désintérêt. Aujourd’hui, certains y voient<br />

une écriture résolument mo<strong>de</strong>rne.<br />

Propos recueillis par Nathalie Colleville<br />

octobre 2005 - livre / échange 11<br />

DR.<br />

Quelques dates<br />

/ Patrimoine<br />

1848 Naissance à Trévières dans le Calvados.<br />

Enfance à Rémalard dans l’Orne.<br />

1872 Secrétaire du député bonapartiste <strong>de</strong> La<br />

Fauconnerie.<br />

1879 Premières collaborations journalistiques.<br />

1887 Mariage avec Alice Regnault, ancienne actrice.<br />

1886 Le Calvaire, premier roman d’un cycle autobiographique,<br />

suivi <strong>de</strong> L’Abbé Jules (1888) et Sébastien<br />

Roch (1890).<br />

1890 Première version du Journal d’une femme <strong>de</strong><br />

chambre en feuilleton. Le roman sera publié en 1890.<br />

1897 Il rejoint le camp <strong><strong>de</strong>s</strong> dreyfusards.<br />

1899 Le Jardin <strong><strong>de</strong>s</strong> supplices.<br />

1907 La 628-E8, récit <strong>de</strong> son voyage en automobile.<br />

1917 Il meurt à Paris.<br />

Sur les pas<br />

d’Octave Mirbeau<br />

Dominique Bussillet vit à Trévières,<br />

la ville natale <strong>de</strong> Mirbeau. C’est là<br />

aussi qu’elle prépare un ouvrage<br />

consacré à cet écrivain, l’un <strong>de</strong> ses<br />

auteurs fétiches.<br />

Livre/Échange : Sur quels aspects <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong><br />

Mirbeau travaillez-vous ?<br />

Dominique Bussillet : Ma première idée était <strong>de</strong><br />

montrer Mirbeau dans son ancrage, ses lieux privilégiés.<br />

Mais c’est très difficile, car il a souvent<br />

déménagé ! Mais l’œuvre donne à voir ses lieux <strong>de</strong><br />

prédilection, son itinéraire. Pour anecdote, quand<br />

Mirbeau a commencé Le Journal d’une femme <strong>de</strong><br />

chambre, il a décidé <strong>de</strong> déménager, persuadé que<br />

c’est à cause <strong>de</strong> l’endroit où il se trouve qu’il n’arrive<br />

pas à travailler !<br />

L/É : Quels étaient les rapports d’Octave Mirbeau<br />

avec sa région natale ?<br />

D.B. : Comme Gourmont, Flaubert ou Maupassant,<br />

Mirbeau est à la fois normand et parisien. Mirbeau<br />

est né à Trévières mais il a seize mois lorsque sa<br />

famille déménage à Rémalard dans l’Orne. Nous ne<br />

savons pas grand-chose sur les relations <strong>de</strong><br />

Mirbeau avec sa famille. Très tôt, il est éloigné <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

siens car il part à l’internat. « J’ai été cet enfant rare<br />

et maudit, un enfant qui s’ennuie », dit l’un <strong>de</strong> ses<br />

narrateurs. La Normandie n’est jamais loin dans son<br />

œuvre. Mais c’est très ambigu. Il a une gran<strong>de</strong><br />

affection pour la région mais Mirbeau est aussi un<br />

idéaliste. Lorsqu’il revient travailler quelques temps<br />

à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Rémalard, il s’aperçoit que les gens<br />

qu’il croisait durant son enfance, sont <strong><strong>de</strong>s</strong> paysans<br />

très chicaniers. Il voit leurs supercheries, leur rouerie.<br />

Avec le temps, il réalisera que c’est partout<br />

ainsi. Les Normands ont longtemps cru que Mirbeau<br />

les fustigeait ! Je crois qu’il avait une certaine tendresse<br />

pour leurs chicaneries, c’était une façon <strong>de</strong><br />

résister. Finalement, il ne s’est jamais éloigné <strong>de</strong> la<br />

Normandie.<br />

L/É : Où Mirbeau a-t-il été le plus heureux ?<br />

D.B. : Dans sa voiture ! La vie <strong>de</strong> Mirbeau ressemble<br />

un peu à une fuite puisqu’il ne s’aime pas, qu’il est<br />

triste. Il ne trouve pas d’endroit qui le stabilise et<br />

pense que c’est toujours mieux ailleurs. Au volant<br />

<strong>de</strong> sa voiture, il va avoir l’impression d’être enfin<br />

libre. Dans La 628-E8, le récit <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses longs<br />

périples en automobile, il évoque « cette sensation<br />

en un jour d’avoir vécu <strong><strong>de</strong>s</strong> mois et <strong><strong>de</strong>s</strong> mois, cette<br />

sensation que seule l’automobile peut donner ».<br />

Propos recueillis par N. C.<br />

Documents amablement prêtés par Gérard Poulain, membre <strong>de</strong> la<br />

société <strong><strong>de</strong>s</strong> Amis <strong>de</strong> la bibliothèque <strong>de</strong> Caen

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!