23.06.2013 Views

Courrier numéro 2 - Avivo Vaud

Courrier numéro 2 - Avivo Vaud

Courrier numéro 2 - Avivo Vaud

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

où l’alcool et la drogue font des ravages. Même constat chez<br />

le Norvégien Gunnar Staalesen qui met en scène, dans sa ville<br />

de Bergen, son détective privé Varg Veum, volontiers porté sur<br />

la bouteille. C’est là une autre caractéristique du roman policier<br />

contemporain: les flics n’y sont plus des surhommes, mais<br />

des êtres humains, avec leur complexité, leurs problèmes de<br />

surpoids, leurs difficultés conjugales, leur fatigue, leurs doutes<br />

et leur découragement, leur sensibilité aussi, poétique ou musicale...<br />

C’est en Suède que la production de romans policiers est<br />

la plus riche et la plus diversifiée: on peut à juste titre parler<br />

d’une «école suédoise». Un couple fut à l’origine de cet essor.<br />

Dans les années 1960 déjà, Maj Sjöwall et Per Wahlöö ont mis en<br />

scène leur inspecteur Martin Beck, qui d’une certaine manière<br />

fuit dans ses enquêtes son mariage raté. Celles-ci fleurent bon<br />

un passé pourtant proche: une époque qui ne connaissait encore<br />

ni l’ordinateur, ni le portable, ni les recherches ADN, et où<br />

les policiers travaillaient dans les nuages de fumée de leurs cigarettes!<br />

Dans l’émouvant Chant pour Jenny, Staffan Westerlund<br />

introduit à la fois, par le biais du meurtre d’une enfant, l’écologie<br />

et l’action criminelle de grandes entreprises chimiques ou<br />

médicales vendant des produits toxiques dans le Tiers-Monde.<br />

Åke Edwardson fait reposer ses romans essentiellement sur le<br />

dialogue, notamment les transcriptions des interrogatoires de<br />

police. Quant au regretté Stieg Larsson, il n’a pas bénéficié de<br />

la gloire mondiale que lui ont assurée sa série Millenium et les<br />

adaptations cinématographiques de celle-ci.<br />

Le maître du genre, Henning Mankell<br />

Mais le chef de file de l’«école suédoise» est incontestablement<br />

Henning Mankell. A quoi tient son talent? Dans les «Prologues»<br />

de ses romans, il fournit des clefs du récit et nous laisse même<br />

deviner l’identité ou les motivations de l’assassin, homme ou<br />

femme, si bien que l’intérêt est moins dans le suspense (qui<br />

est le coupable?) que dans la manière de découvrir la vérité, au<br />

terme d’une enquête policière rigoureuse mettant en œuvre<br />

tous les moyens scientifiques modernes de la recherche. On<br />

est loin du seul «flair» du commissaire Maigret. L’univers de ses<br />

livres est dur, parfois à la limite du supportable: dans Les morts<br />

de la Saint-Jean, la découverte des corps en putréfaction des<br />

trois jeunes victimes fait frémir. Âmes sensibles s’abstenir! Cette<br />

violence n’est cependant ni voyeuriste ni gratuite. Elle n’est<br />

que la traduction littéraire d’une violence et d’une dangerosité<br />

croissantes de la société suédoise. Est remise en cause l’image<br />

idyllique du «modèle suédois» social-démocrate des années<br />

1960, une société fondée sur un large consensus social et une<br />

certaine solidarité. A cet égard, les assassinats d’Olof Palme en<br />

32<br />

1986, puis de la lumineuse<br />

ministre Anna Lindh en 2003<br />

ont agi comme des électrochocs.<br />

«La Suède est devenue<br />

un pays dur. Dur et brutal»,<br />

affirme le commissaire Wallander<br />

d’Ystad, petite ville de<br />

la province sud, la Scanie, où<br />

l’auteur situe la plupart de<br />

ses livres. Avec la récession<br />

économique, la Scandinavie<br />

connaît une montée de la<br />

violence, de l’intolérance et<br />

du racisme néo-nazi, comme<br />

l’a montré le monstrueux<br />

assassinat de masse commis<br />

en 2011 sur une île norvégienne.<br />

L’intérêt des romans<br />

de Mankell, même s’ils sont<br />

palpitants, est donc moins<br />

dans le suspense que dans la<br />

fresque sociale qu’ils constituent.<br />

Grand connaisseur de<br />

l’Afrique – il vit une partie de<br />

l’année au Mozambique – il<br />

l’a introduite dans son œuvre<br />

romanesque, notamment<br />

dans La lionne blanche, qui<br />

évoque avec un réel souci<br />

de vérité historique, mais

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!