l'hebdomadaire communiste des pyrénées-orientales * pour des ...
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N°3320 - Semaine du 12 au 18 juin 2009<br />
Dimanche matin 10 heures. La ville se<br />
réveille doucement au milieu <strong>des</strong> reliefs de<br />
la fête de l’USAP. Conversations à sens<br />
unique, commentaires rugbystiques avisés<br />
et dithyrambiques. C’est pareil tous les 54<br />
ans. Philippe Galano arrive souriant et élégant<br />
comme à son habitude. Il a les yeux<br />
malicieux de celui qui en a vu de toutes les<br />
couleurs mais qui ne s’en laisse pas compter.<br />
Élu <strong>communiste</strong>, responsable politique,<br />
syndicaliste, les occasions d’en prendre<br />
plein la gueule n’ont pas manqué, mais le<br />
cuir de ce militant hors pair s’est tanné au<br />
fil <strong>des</strong> ans. Quand même, les dernières<br />
attaques redoublent de violence et c’est<br />
<strong>pour</strong> nous en parler que le TC l’a invité à<br />
cette terrasse de café en ce dimanche<br />
d’élections. Un café peut-être ? Non, il<br />
m’accompagne d’une mousse bien fraîche.<br />
On boit à la vie, à la victoire, celle de la<br />
pelouse (mince ! Il est treiziste) et celle <strong>des</strong><br />
urnes, voilà, c’est fait, l’entretien peut commencer.<br />
Le Travailleur Catalan : Mardi dernier (2<br />
juin) tu étais à Montpellier <strong>pour</strong> le<br />
nième épisode juridique de la chasse au<br />
syndicaliste qu’ASF (Autoroutes du Sud<br />
de la France) a entamé voici déjà 6 ans.<br />
Comment cette histoire a-t-elle<br />
commencé ?<br />
Philippe Galano : C’est le 22 mai 2OO3<br />
que « l’affaire » commence, mais il faut<br />
la replacer dans le contexte du combat<br />
quotidien mené bien avant cette date<br />
contre la privatisation de l’entreprise<br />
ASF et <strong>des</strong> relations extrêmement<br />
conflictuelles entre les salariés et leur<br />
direction. Le 22 mai, c’est la date d’une<br />
manifestation interprofessionnelle,<br />
contre la décentralisation et le projet de<br />
réforme <strong>des</strong> retraites, avec en particulier<br />
une action sur l’autoroute à laquelle participaient<br />
4 salariés <strong>des</strong> ASF, Etienne<br />
Martinville secrétaire du CHSCT, Gérard<br />
Gauby élu délégué du personnel, Jean-<br />
Claude Guy syndicaliste CGT et moimême<br />
membre de la direction fédérale<br />
de la CGT Transports et délégué syndical<br />
central. La direction <strong>des</strong> ASF a profité de<br />
cette action <strong>pour</strong> entamer une procédure<br />
de licenciement à notre encontre. Cette<br />
procédure, dans le contexte <strong>des</strong> luttes<br />
sociales entamées mi-avril, a provoqué<br />
un mouvement de protestation d’ampleur<br />
<strong>pour</strong> aboutir le 3 juin à l’envahissement<br />
de l’entreprise. La direction avec<br />
l’appui de l’Etat a profité de cette action<br />
<strong>pour</strong> éliminer la CGT de l’entreprise en<br />
criminalisant son action.<br />
ASF<br />
La chasse au syndicaliste<br />
est ouverte<br />
Après 6 ans de procédure, la traque judiciaire <strong>des</strong> 4 <strong>des</strong> ASF continue. Pour<br />
faire le point sur ce sinistre feuilleton, nous avons rencontré Philippe Galano<br />
l’un <strong>des</strong> syndicalistes <strong>pour</strong>suivis. Interview.<br />
TC : Quels sont les chefs d’accusation ?<br />
PG : Enlèvement, recel de documents volés<br />
et menaces de violences.<br />
TC : C’est lourd. Quelles sont les peines<br />
requises ?<br />
PG : On est parti de 1 mois de prison avec<br />
sursis et un euro symbolique de dommages<br />
et intérêts et après appel du parquet<br />
on en est à 9 mois de prison avec sursis, 5<br />
ans de mise à l’épreuve et 25000 à 30000<br />
euros d’amende !<br />
« L’avocat <strong>des</strong> ASF a<br />
déclaré, sans soulever la<br />
moindre objection de la<br />
part du juge, que nous<br />
étions un groupuscule<br />
dans l’antichambre du<br />
terrorisme ! »<br />
TC : 6 ans plus tard, après un premier<br />
jugement à Narbonne l’affaire revient<br />
en appel. Quel est ton état d’esprit,<br />
comment as-tu traversé ces 6 ans ?<br />
PG : On ne s’attendait pas du tout à ce que<br />
l’on peut voir aujourd’hui de la multiplication<br />
de ce genre de <strong>pour</strong>suites. On a vécu<br />
un enfer. Pas moins d’une trentaine de<br />
visites d’huissier à la maison, convocations<br />
multiples à la gendarmerie <strong>pour</strong> interrogatoire<br />
de 3 ou 4 heures chacun, trois juges<br />
d’instruction différents… C’est choquant<br />
<strong>pour</strong> un syndicaliste qui pensait qu’il y<br />
avait la direction d’un côté, les syndicalistes<br />
de l’autre et la négociation au milieu.<br />
J’ai traversé cette épreuve grâce au soutien<br />
<strong>des</strong> camara<strong>des</strong> de la CGT et du PCF, et<br />
cela, je tiens à le dire. Tout ça dure depuis<br />
6 ans et coûte beaucoup d’argent, plus de<br />
80 000 euros de frais de procédure ! Et<br />
puis la gravité <strong>des</strong> accusations, tu la prends<br />
en pleine face, ce n’est pas rien.<br />
TC : C’est un acharnement ?<br />
PG : C’est une stratégie en tout cas. Une<br />
volonté de mettre à genoux financièrement<br />
et mentalement les militants syndicaux<br />
de la part de ces gran<strong>des</strong> entreprises<br />
qui sont en connexion directe,<br />
notamment <strong>pour</strong> les ASF, avec le MEDEF<br />
et le gouvernement, et plus précisément<br />
le ministre <strong>des</strong> Affaires sociales de l’épo-<br />
que, un certain François Fillon.<br />
TC : Comment s’est passé cet appel à<br />
Montpellier ?<br />
PG : Très difficile. On entend <strong>des</strong> choses<br />
très dures. On nous a traité de voyous.<br />
L’avocat <strong>des</strong> ASF a déclaré, sans soulever la<br />
moindre objection de la part du juge, que<br />
nous étions un groupuscule dans l’antichambre<br />
du terrorisme ! On ne peut que<br />
s’inquiéter de la montée de la criminalisation<br />
de l’action syndicale et qui vise à la<br />
transformer en action terroriste. C’est très<br />
grave.<br />
TC : Le jugement est mis en délibéré, on<br />
a une idée de la date du jugement ?<br />
PG : Le 9 septembre.<br />
TC : Cette histoire, qu’a-t-elle changé<br />
dans ta vie ?<br />
PG : Les grands équilibres sont bouleversés.<br />
On arrive dans une impasse avec un<br />
pouvoir féodal dans l’entreprise… J’ai pu<br />
gérer ce conflit avec calme et dans une<br />
perspective réaliste parce que je savais que<br />
cela durerait. Je savais que ma « carrière »<br />
dans les ASF était terminée. La mobilisation<br />
autour de moi m’a changé. Elle a permis<br />
qu’on sorte le meilleur de cette histoire<br />
en termes d’expérience sur l’organisation<br />
syndicale <strong>des</strong> luttes.<br />
TC : Bon, ça, c’est une réponse syndicale<br />
et politique, mais l’homme, lui, qu’est ce<br />
qu’il en pense ?<br />
PG : Il a eu <strong>des</strong> moments difficiles, notamment<br />
de division syndicale. Mais ça m’a<br />
appris qu’il faut aller plus loin dans les luttes,<br />
dépasser le cadre. Cette expérience<br />
m’a permis de passer au-delà de l’épreuve,<br />
de me décentrer. Et ils ne m’ont pas<br />
atteint. Ça s’est positif <strong>pour</strong> moi.<br />
social<br />
TC : Criminalisation <strong>des</strong> luttes,<br />
<strong>pour</strong>suites systématiques <strong>des</strong><br />
particuliers qui relayent <strong>des</strong> slogans<br />
subversifs, accusations de terrorisme : tu<br />
penses qu’on peut faire du syndicalisme<br />
ou même militer politiquement de la<br />
même manière qu’autrefois ?<br />
PG : Je pense qu’il ne faut pas tomber dans<br />
le piège qui nous est tendu. Il faut éviter à<br />
tout prix la radicalisation. Le syndicalisme<br />
doit évoluer, mais le seul moyen de lutte<br />
c’est la grève et la contestation sociale.<br />
L’union démontrée lors <strong>des</strong> dernières journées<br />
d’action doit être le socle <strong>des</strong> luttes.<br />
TC : Pour autant, et même avec cette<br />
union, cette mobilisation ne se traduit<br />
pas nécessairement par un<br />
renversement politique et notamment<br />
électoral de l’opinion. Comment<br />
l’expliques-tu ?<br />
PG : Si l’unité syndicale se fait sur les manifestations,<br />
il n’en est pas de même sur les<br />
perspectives. Certains pensent revendications<br />
conjoncturelles d’autres voient plus<br />
loin et en termes de perspectives. Il y a<br />
également un décalage entre la politique<br />
et les mouvements revendicatifs et la gauche<br />
a du mal à traduire ce mécontentement<br />
en propositions politiques claires. On<br />
le voit sur les européennes où tout le<br />
monde est d’accord à gauche sur la nécessité<br />
de remettre en cause le libéralisme<br />
mais partent quand même en ordre dispersé<br />
aux élections. Les salariés ne voient<br />
pas l’union à gauche face au MEDEF et à<br />
la droite. Il n’y a pas adhésion.<br />
TC : Merci Philippe et rendez-vous en<br />
septembre <strong>pour</strong> la décision du tribunal.<br />
Propos recueillis par Robert Barrero<br />
Mardi 2 juin, un important cortège se rendait au tribunal de Montpellier en soutien aux syndicalistes<br />
criminalisés.<br />
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