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UNIVERZITA KOMENSKÉHO V BRATISLAVE ... - Diplomovka

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<strong>UNIVERZITA</strong> <strong>KOMENSKÉHO</strong> V <strong>BRATISLAVE</strong><br />

FILOZOFICKÁ FAKULTA<br />

Katedra romanistiky<br />

Sémantická interpretácia laudatív v<br />

starofrancúzskych hrdinských spevoch z<br />

12.storočia<br />

Diplomová práca<br />

L'Interprétation sémantique de quelques<br />

qualifications laudatives dans les chansons<br />

de geste du XIIième siècle<br />

Mémoire de maîtrise<br />

2005 Dorota VASILIŠINOVÁ


Č e s t n e v y hlasujem, že som diplomovú prácu vypracovala<br />

samostatne s použitím uvedenej literatúry.<br />

Dorota Vasilišinová


Na tomto mieste by som sa chcela poďakovať tým, ktorí mi<br />

pomohli pri vypracovaní mojej diplomovej práce. Moja veľká<br />

vďaka patrí v prvom rade môjmu diplomovému vedúcemu<br />

Marošovi Saganovi, PhD. za cenné rady. Ďalej by som sa chcela<br />

poďakovať Francúzskej vláde, ktorá mi poskytla štipendium na<br />

niekoľkomesačný pobyt vo Francúzsku, vďaka ktorému som sa<br />

mohla dostať k väčšiemu množstvu materiálu akým<br />

nedisponujú slovenské knižnice a bez ktorého by táto práca<br />

nemohla byť napísaná. Za morálnu podporu ďakujem aj svojim<br />

rodičom a priateľovi, ktorí ma podržali a stáli za mnou v tých<br />

najťažšich momentoch.


Table des matières<br />

1 INTRODUCTION................................................................................. 2<br />

2 LA CHANSON DE GESTE DU MOYEN AGE.........................................4<br />

2.1 La caractéristique de point de vue de son évolution historique et<br />

littéraire..............................................................................................4<br />

2.1.1Chevalerie et littérature chevaleresque.................................... 7<br />

2.2 Le Cycle de Guillaume d'Orange ............................................... 10<br />

2.2.1La hiérarchie des textes formant le cycle de Guillaume<br />

d'Orange........................................................................................11<br />

3 METHODOLOGIE............................................................................. 16<br />

3.1 Les différentes méthodes de l'étude lexico-sémantique dans le<br />

domaine de l'ancien français............................................................. 16<br />

3.2 La méthode utilisée dans cette étude..........................................19<br />

4 L'INTERPRETATION SEMANTIQUE DE QUELQUES QUALIFICATIONS<br />

LAUDATIVES......................................................................................22<br />

4.1 Cortois ..................................................................................... 22<br />

4.2 Franc......................................................................................... 32<br />

4.3 Gentil.........................................................................................43<br />

4.4 Prod/prodom............................................................................. 52<br />

5 CONCLUSION...................................................................................63<br />

6 BIBLIOGRAPHIE...............................................................................65<br />

6.1 Les œuvres littéraires................................................................ 65<br />

6.2 Les œuvres théoriques............................................................... 65<br />

6.3 Les dictionnaires et autres ........................................................ 66


1 INTRODUCTION<br />

Les études consacrées à l'interprétation sémantique de<br />

vocabulaire de l'ancien français sont peu nombreuses<br />

comparativement aux travaux portant sur le français moderne.<br />

Et pourtant, le vocabulaire de cette langue ancienne et morte<br />

aujourd'hui est, malgré sa simplicité et son caractère réduit,<br />

plus riche que nous le croyons. Les mots de vocabulaire ne<br />

sont peut-être pas aussi nombreux, mais leur significations<br />

sont d'autant plus larges et sont très étroitement liées à<br />

l'évolution de la société féodale.<br />

Pendant nos études universitaires nous avons entrepris un<br />

travail qui nous a mené vers celui que nous faisons<br />

aujourd'hui. Nous avons essayé de traduire (de l'ancien<br />

français en français moderne) une chanson de geste (Charroi de<br />

Nîmes) et c'est justement à ce moment-là que plusieurs<br />

problèmes de traduction sont survenus. Il est difficile de<br />

définir de manière exhaustive et la plus correcte possible la<br />

signification exacte des mots de l'ancien français et de les<br />

traduire en français moderne. Nous avons alors décidé, avant<br />

de traduire tout un texte, de faire d'abord une interprétation<br />

sémantique de quelques mots choisis, dans notre cas il s'agit<br />

de quelques qualifications laudatives, qui va nous aider dans la<br />

traduction (possible) des textes médiévaux. Notre travail<br />

commence par une étude de contexte social, intellectuel,<br />

moral et littéraire dans lequel ont été rédigés les textes<br />

littéraires médiévaux et dans lequel vivaient les auteurs de ces<br />

textes mais aussi le public auxquels ils étaient déstinées.<br />

L'étude de point de vue historique et littéraire de la chanson de<br />

geste, le genre médiéval par excellence, fait ainsi partie du<br />

2


premier chapitre de notre étude.<br />

La deuxième partie de notre travail est consacrée aux études<br />

linguistiques, de manière plus précise, aux différentes<br />

méthodes de l'étude lexico-sémantique dans le domaine de<br />

l'ancien français et à la méthode que nous allons utiliser pour<br />

l'interprétation sémantique des laudatives qui fait objet du<br />

chapitre dernier. Nous allons aussi chercher les équivalents<br />

sémantiques de ces laudatives en français moderne.<br />

3


2 LA CHANSON DE GESTE DU MOYEN AGE<br />

2.1 La caractéristique du point de vue de son<br />

évolution historique et littéraire<br />

On appele chanson de geste de longs poèmes épiques<br />

composés entre la fin du XIième et le début du XVième siècle<br />

qui célèbrent les exploits guerriers des héros, des chevaliers,<br />

qui sont devenus des personnages légendaires.<br />

Le mot geste, nom féminin (d'après le pluriel neutre latin gesta)<br />

a signifié d'abord «histoire, récit d'actions mémorables» (d'où<br />

l'expression chanson de geste, chanson qui célèbre des faits<br />

historique ou prétendus tels), et ensuite il a pris aussi le sens<br />

de «groupe de poèmes se rapportant à un même héros ou à un<br />

même lignage», «cycle épique», ainsi que celui de «race,<br />

famille». 1<br />

La chanson de geste «est appliqué au chant public par un<br />

jongleur», comme le dit Jean Rychner dans son Essai 2 . Le<br />

jongleur s'accompagnait de la vielle, chaque chanson avait sa<br />

mélodie propre, mais elles n'ont pas été conservées. 3<br />

La chanson est constituée de laisses, des strophes de longueur<br />

inégale, bâties sur une seule assonance (forme ancienne) ou<br />

une seule rime (forme tardive). Le vers le plus usuel est le<br />

décasyllabe épique présentant une coupe forte après la<br />

quatrième syllabe, on trouve moins fréquemment des<br />

octosyllabes et des dodécasyllabes.<br />

1 FRAPPIER, Jean: Les chansons de geste du cycle de Guillaume d'Orange. I. - La Chanson de<br />

Guillaume, Aliscans, La Chevalerie Vivien. Paris: SEDES, 1955. 310 p.<br />

2 RYCHNER, Jean: La chanson de geste. Essai sur l'art épique des jongleurs. Genève: Librairie<br />

E.Droz, 1955. p. 10.<br />

3 D'après François Suard jongleur est d'abord un exécutant aux talents variés, capable de<br />

chanter, de jouer de la vielle et de présenter divers tours. C'est, au début du moins, un<br />

errant, qui se déplace en fonction du besoin qu'on a de ses services. Il peut, dans ce but,<br />

s'agréger à d'autres, ils forment ainsi des troupes. Il peut aussi être à demeure au service<br />

d'un seigneur. In: SUARD, François: La chanson de geste. Paris: PUF, 1993.<br />

4


Une des caractéristiques de la chanson de geste est ce qu'on<br />

appele le «style formulaire». Le récit épique se fonde en effet<br />

sur le retour, à l'intérieur de la chanson ou d'une chanson à<br />

l'autre, de motifs comme l'armement, le combat (général ou<br />

singulier), la poursuite, l'ambassade, la prière du plus grand<br />

péril, la déploration funèbre, etc. Le motif épique est lui-même<br />

constitué (développé à l'aide) de formules, c'est-à-dire de<br />

noyaux lexicaux et sémantiques dont les actualisations varient<br />

d'abord selon les nécessités du rythme et de l'assonance. 4 Les<br />

formules jouent le rôle d'unités rhétoriques susceptibles<br />

d'entrer, au gré des poètes, dans d'innombrables compositions.<br />

Au niveau de la construction de vers, une réserve de formules<br />

permet au jongleur de présenter ses personnages et le cadre de<br />

leur action. Il s'agit de formules invitant l'auditeur à se rendre<br />

présent au spectacle des affrontements ou à l'écoute du fracas<br />

des armes, on rencontre aussi des épithètes descriptives<br />

concernant des personnages, des chevaux, des gestes, des<br />

armes. Le choix et le répartition de ces formules, l'introduction<br />

dans un passage descriptif d'une dominante ou d'un détail<br />

particulier et rare suffisent pour distinguer un texte et<br />

caractériser un style. 5 Le style formulaire permettait sans<br />

doute au jongleur, comme le pense Jean Rychner, d'improviser<br />

en partie la chanson à partir d'un canevas donné et de le<br />

modifier en fonction des condition de la récitation. 6<br />

En ce qui concerne la relation de la chanson de geste et de<br />

l'histoire, la chanson de geste puise son origine dans un passé<br />

dont elle prétend détenir la verité. Elle fait l'écho d'événements<br />

historiques qu'elle mêle, transforme, mythifie, comme dit Jean<br />

Frappier, la poésie épique «hérite d'une tradition où subsistent<br />

4 COUTY, Daniel: Histoire de la littérature française. Paris: Bordas; 2002.<br />

5 SUARD, François: La chanson de geste. Paris: PUF, 1993.<br />

6 COUTY, Daniel: Histoire de la littérature française. Paris: Bordas, 2002.<br />

5


des parcelles d'une verité historique transfigurée en mythe».<br />

Les événements historiques auxquels renvoie la majorité des<br />

chansons de geste sont ceux de l'époque carolingienne<br />

(VIIIième-Xième siècle), de régne de Charlemagne et de ses<br />

prédécesseurs ou descendants immédiats. Les autres chansons<br />

ont pour le thème majeur les exploits de Guillaume, comte<br />

d'Aquitaine ou de Toulouse 7 (ces chansons font partie de cycle<br />

de Guillaume ou de Garin de Monglane) ou d'autres<br />

personnages historiques comme Girart, comte de Vienne (dans<br />

les chansons Girart de Roussillon et Girart de Vienne) ou<br />

chanoine de Reims, Flodoard, dans Raoul de Cambrai. A<br />

l'opposé de ses œuvres dont la fidélité historique est très<br />

variable, certains poèmes ne puisent pas leurs sujets dans<br />

l'histoire, ils ont un caractère «antihistorique» (François Suard<br />

appele ainsi des chansons comme Huon de Bordeaux, les<br />

Enfances du Chevalier au cygne et autres).<br />

Les poèmes qui nous restent jusqu'à nos jours relèvent<br />

l'existence de liens entre les différents chansons. On peut les<br />

classer d'après plusieurs principes. François Suard présente<br />

deux types de classement. Il parle de classement thématique<br />

établi à partir du contenu, de la tonalité et des rapports<br />

qu'entretiennent les chansons avec d'autres genres littéraires.<br />

Il répartit ces textes en trois groupes:<br />

•<br />

•<br />

les poèmes où domine l'idéal de la croisade<br />

(les chansons les<br />

plus anciennes, comme le Roland, Gormont et Isembart, la<br />

Chanson de Guillaume) avec, au premier plan, la lutte contre<br />

l'ennemi de la foi chrètienne, le Sarrasin.<br />

chansons de révolte et de lignage<br />

(ces poèmes s'organisent<br />

autour des conflits entre seigneur (notamment le roi) et<br />

7 Pour plus de détails voir la partie de ce chapitre concernant le cycle de Guillaume.<br />

6


•<br />

vassal, entre les devoirs vassaliques et ceux de la parenté,<br />

entre des lignages rivaux. On classe parmi ces œuvres Raoul<br />

de Cambrai, la Chevalerie Ogier et Renaut de Montauban et<br />

autres.<br />

chansons d'aventure<br />

où l'accent est mis sur les péripéties<br />

des personnages, ils sont influencés par le roman (Beuves de<br />

Hantonne, Huon de Bordeaux).<br />

Une autre sorte de classement est celui qui se propose par les<br />

textes épiques eux-mêmes, c'est une organisation cyclique<br />

associe famille de héros et événements fondateurs. Nous<br />

connaissons trois grands cycles: les épopées «des rois de<br />

France», celles de Doon de Mayence, celles de Garin de<br />

Monglane. Ce troisième cycle est présenté par plusieurs<br />

familles de manuscrits, se développe suivant un principe<br />

généalogique et Guillaume d'Orange en est la figure essentielle.<br />

Ces trois cycles sont les plus riches, mais il existe aussi<br />

d'autres ensembles cycliques plus modestes (La Geste des<br />

Lorrains, le cycle de Renaut de Montauban, la Geste de Nanteuil<br />

etc.)<br />

2.1.1 Chevalerie et littérature chevaleresque<br />

qui<br />

Les auteurs médiévaux furent écoutés, entendus, lus de<br />

leur vivant. Ils furent aussi, et longtemps, copiés et recopiés,<br />

traduits et imités. Certaines œuvres, comme le Lancelot, nous<br />

sont transmises par plus de cent manuscrits, malgré le labeur<br />

énorme que réprésentait l'écriture – et souvent l'enluminure –<br />

de ce roman de plus de 2500 pages. Le succès même de ces<br />

œuvres prouve qu'elles étaient en symbiose profonde et durable<br />

avec leur public. Ce public est avant tout chevaleresque. Les<br />

7


écrivains rédigent pour la classe dominante qui fait vivre les<br />

chevaliers mais aussi les jongleurs, mettent en scène des<br />

personnages qui tous, ou peu s'en faut, sont des chevaliers.<br />

Ecrivains, héros et public partagent les mêmes goûts des<br />

batailles et des tournois, des fastes et des fêtes aux châteaux,<br />

vibrent aux descriptions des beaux coups de lance ou d'épée,<br />

s'enflamment ou s'indignent ensemble des comportements des<br />

héros auxquels ils s'assimilent. Certains de ces écrivains sont<br />

d'ailleurs eux-mêmes des chevaliers. La plupart vivent dans<br />

des cours princières ou châtelaines et partagent la vie de cour.<br />

Ecrivains, personnages et public sont ainsi plongés dans le<br />

même bain culturel et mental, celui de l'idéologie<br />

chevaleresque. La littérature médiévale offre donc une sorte<br />

d'autoportrait flatteur que la chevalerie, sans cesse, observe<br />

pour mieux lui ressembler. 8<br />

Les thèmes majeurs de la littérature chevaleresque sont la<br />

guerre sainte, croisade et plus tard aussi la place de la femme,<br />

rôle de l'amour, débat clerc-chevalier, etc.<br />

Au seuil de la littérature, en France comme ailleurs, se tient<br />

l'épopée. L'épopée propose à l'admiration des chevaliers des<br />

héros qui luttent contre les «infidèles». En mourant au combat<br />

contre les Sarrasins, les guerriers épiques, après confession<br />

de leurs péchés et pénitence sont assurés d'obtenir le paradis.<br />

Les chevaliers de l'épopée combattent pour culbuter les<br />

Sarrasins, les convertir par la force ou les exterminer, prouver<br />

par leur victoire dans les batailles que la religion chrétienne<br />

est la seule vraie. Les chevaliers ont aussi d'autres motivations<br />

dans leur combats: la défense du pays (le royaume de France),<br />

de la terre, le service du roi, du seigneur, le sens du devoir<br />

8 FLORI, Jean: Chevaliers et chevalerie au Moyen âge. Paris: Hachette, 1998. pp. 235-236.<br />

8


vassalique, le sens de l'honneur. 9<br />

En ce qui concerne l'éthique chevaleresque dans les chansons<br />

de geste, elle reste purement guerrière. Elle se confond pour<br />

l'essentiel, avec le devoir vassalique ou le service armé que le<br />

chevalier doit au seigneur qui l'emploie. On attend du chevalier<br />

qu'il combatte avec vaillance, remplissant ainsi sa fonction. Les<br />

adjectifs associés au mot chevalier, à eux seuls, en témoignent.<br />

Ils expriment pour la plupart valeur guerrière, force physique,<br />

vaillance, prouesse. Prouesse, ici, se confond avec valeur: le<br />

héros aspire à être reconnu comme le meilleur chevalier du<br />

monde, c'est-à-dire le plus valeureux. Tel est son idéal<br />

1 0<br />

premier.<br />

La loyauté, le courage et la haine du Sarrasin sont à la base de<br />

la personnalité morale du chevalier du XIIème siècle.<br />

Dès les plus anciens textes, la chanson de geste ne conçoit pas<br />

1 1<br />

de chevalier chrétien qui ne soit avant tout droit et loyal.<br />

Pour être à la fois efficace et digne des préceptes du code<br />

chevaleresque, le guerrier doit, en toute occasion, se montrer<br />

courageux, enthousiaste à l'idée de prouver sa force et sa<br />

détérmination. Ce sont des caractéristiques fondamentales de<br />

son état d'esprit. Les situations difficiles et péripéties<br />

délicates, loin d'abattre l'impétuosité d'un véritable preux,<br />

1 2<br />

exaltent son énergie et sa capacité à lutter.<br />

9 FLORI, Jean: Chevaliers et chevalerie au Moyen âge. Paris: Hachette, 1998. 303 p.<br />

10 FLORI, Jean: Chevaliers et chevalerie au Moyen âge. Paris: Hachette, 1998. 303 p.<br />

11 GUIDOT, Bernard: Recherches sur la chanson de geste au Moyen âge. Tome I. Université de<br />

Provence, 1986.<br />

12 GUIDOT, Bernard: Recherches sur la chanson de geste au Moyen âge. Tome I. Université de<br />

Provence, 1986. p. 252.<br />

9


2.2 Le Cycle de Guillaume d'Orange<br />

Dans l'épopée française du moyen âge, le cycle de<br />

Guillaume d'Orange ou de Garin de Monglane, riche de vingt-<br />

quatre poèmes, forme l'ensemble le plus étendu et le mieux<br />

organisé. Plus que tout autre groupe de chansons, il permet<br />

d'étudier ce qu'il convient d'entendre par un cycle ou une<br />

1 3 geste.<br />

Le personnage principal de ce cycle, Guillaume d'Orange est,<br />

après Charlemagne et Roland, le héros le plus célèbre de<br />

l'epopée médiévale. Ce titre, d'Orange, Guillaume ne le<br />

possédait pas de naissance, par privilège héréditaire. Il ne le<br />

devait qu'à lui-même et à sa prouesse. Il a conquis son nom<br />

sur les Sarrasins en même temps que la ville d'Orange et cet<br />

exploit lui avait valu aussi la conquête d'une épouse, la<br />

païenne Orable, laquelle convertie et baptisée s'était appelée<br />

désormais Guibourc. Son père est Aymeri de Narbonne et<br />

Guillaume a six frères. Dans les chansons de geste on l'appelle<br />

aussi Guillaume ou marquis „au corb nes“, au nez fortement<br />

busqué, ou, plus souvent, „au cort nes“, au nez raccourci,<br />

fâcheusement, à la suite d'une blessure héroïque. Il est aussi<br />

Guillaume Fierebrace, Guillaume „aux bras redoutables“,<br />

Guillaume dont le poing terrible est capable d'assomer un<br />

1 4<br />

homme.<br />

Il n'est pas très sûr que Guillaume ait eu comme Roland un<br />

ancêtre historique. Mais plus d'une raison invite cependant à<br />

croire qu'il est issu lui aussi d'une réalité carolingienne. Il<br />

existe plusieurs Guillaumes historiques qui ont été présentés<br />

13 FRAPPIER, Jean: Les chansons de geste du cycle de Guillaume d'Orange. I. - La Chanson de<br />

Guillaume, Aliscans, La Chevalerie Vivien. Paris: SEDES, 1955. 310 p.<br />

14 FRAPPIER, Jean: Les chansons de geste du cycle de Guillaume d'Orange. I. - La Chanson de<br />

Guillaume, Aliscans, La Chevalerie Vivien. Paris: SEDES, 1955. 310 p.<br />

10


comme modèles partiels du Guillaume composite de l'épopée. J.<br />

Bédier en présente seize 1 5 . Il cite à ce sujet Léon Gautier: «L'un<br />

des principes qui dominent ici toute la matière est le suivant:<br />

pour composer la légende de notre Guillaume, on a fondu entre<br />

elles les légéndes ou les histoires de plusieurs Guillaumes. A<br />

vrai dire, on les a amalgamées plutôt que fondues. A chacune<br />

d'elles on a emprunté un ou plusieurs traits que l'on a<br />

juxtaposés plus ou moins habilement, et on les a mis les uns et<br />

1 6<br />

les autres sur le compte d'un Guillaume central.»<br />

2.2.1 La hiérarchie des textes formant le cycle de<br />

Guillaume d'Orange<br />

La geste de Guillaume d'Orange et remarquablement<br />

fournie. Dans sa plus grande extension cyclique (on dit alors<br />

aussi la geste ou le cycle de Garin de Monglane, l'ancêtre du<br />

„fier lignage“ et l'arrière-grand-père de Guillaume), elle compte<br />

vingt-quatre chansons 1 7 , soit à peu près le quart de ce qui<br />

subsiste de l'épopée médiévale. En quantité elle dépasse<br />

1 8<br />

largement la geste de Charlemagne ou geste du Roi.<br />

Voici les vingt-quatre chansons, elles se succèdent à peu près<br />

selon un principe généalogique et selon un principe<br />

1 9<br />

biographique.<br />

15 BEDIER, Joseph: Les légendes épiques. Tome I, Le Cycle de Guillaume d'Orange. Paris:<br />

Champion, 1914. 464 p.<br />

16 GAUTIER, Léon: Les épopées française. T. IV, p. 92. In: BEDIER, Joseph: Les légendes<br />

épiques. Tome I, Le Cycle de Guillaume d'Orange. Paris: Champion, 1914. p. 196.<br />

17 Nous faisons ici distinction entre les chansons du cycle de Guillaume et les chansons ou<br />

récits du groupe de Guillaume d'Orange dont parle J. Bédier dans Les légendes épiques. Les<br />

chansons du groupe de Guillaume sont au nombre de treize. Il s'agît des chansons<br />

suivantes: Les Enfances Guillaume, Le Couronnement de Louis, Le Charroi de Nîmes, La Prise<br />

d'Orange, Les Enfances Vivien, La Chevalerie Vivien, Aliscans, La Chanson de Guillaume, La<br />

Bataille Loquifer, Le Moniage Rainoart, Renier, Le Moniage Guillaume, Foucon de Candie.<br />

18 FRAPPIER, Jean: Les chansons de geste du cycle de Guillaume d'Orange. I. - La Chanson de<br />

Guillaume, Aliscans, La Chevalerie Vivien. Paris: SEDES, 1955. 310 p.<br />

19 Nous avons repris ce dénombrement d'après celui de J. Frappier.<br />

11


1. Garin de Monglane. Composée au XIIIième siècle, longue de<br />

15000 décasyllabes.<br />

2. G i r a r d d e V i e n n e . P r e m i e r q u a r t d u X I I I i è m e s i è c l e ,<br />

6 9 3 4 v e r s .<br />

3. Aymeri de Narbonne. Premier quart du XIIIième siècle, 4708<br />

vers.<br />

4. Les Narbonnais. Début de XIIIième siècle, 8063 vers.<br />

5. Les Enfances Guillaume.<br />

6. Le Couronnement de Louis. Vers 1130, 2695 vers assonancés.<br />

7. Le Charroi de Nîmes. Vers le milieu du XIIième siècle, entre<br />

1135 ou 1140 au plus tôt et 1160 ou 1165 au plus tard 2 0 ,<br />

1486 vers assonancés.<br />

8. La Prise d'Orange. La fin du XIIième siècle, 1888 décasyllabes<br />

assonancés.<br />

9. Les Enfances Vivien. Début de XIIIième siècle, 5000<br />

décasyllabes assonancés.<br />

10.Chevalerie Vivien ou Covenant Vivien. La fin du XIIième<br />

siècle, près de 2000 vers assonancés.<br />

11.Aliscans. Probablement quatrième quart du XIIième siècle,<br />

8500 décasyllabes.<br />

12.Bataille Loquifer. Fin du XIIième siècle, 3890 vers.<br />

13.Moniage Rainouart. Fin du XIIième ou début du XIIIième<br />

siècle, environ 7600 vers.<br />

14.Moniage Guillaume. XIIième siècle, il en existe deux<br />

rédactions, une rédaction courte (environ 950 décasyllabes)<br />

dont la fin manque, et une rédaction longue (6629<br />

décasyllabes).<br />

15.Siège de Barbastre. Fin du XIIième ou début du XIIIième<br />

siècle, environ 7000 alexandrins assonancés.<br />

20 Selon les conclusions de Jean Frappier dans Les Chansons de geste du Cycle de Guillaume<br />

d'Orange,tome 2. Paris: SEDES, 1967, p. 186.<br />

12


16.Guibert d'Andrenas. Début du XIIIième siècle, environ 2400<br />

décasyllabes assonancés.<br />

17.La Mort Aymeri de Narbonne. Fin du XIIième siècle, 4176<br />

décasyllabes assonancés.<br />

2 1<br />

18.Foucon de Candie. XIIIième siècle, environ 15000 vers.<br />

19.Enfances Garin de Monglane. Fin du XIIIième ou début du<br />

XIVième siècle, 5000 alexandrins rimés.<br />

20.Prise de Cordres et de Sebille. XIIIième siècle, 2948<br />

décasyllabes assonancés.<br />

21.Chanson de Renier. Deuxième moitié du XIIIième siècle.<br />

22.Le poème de Galien le Restoré. Fin du XIIIième siècle ou<br />

première moitié de XIVième siècle, près de 6000 alexandrins<br />

rimés.<br />

23.Bueve ou Buevon de Commarchis. Entre 1260 et 1282, 3946<br />

alexandrins rimés.<br />

24.Chanson de Guillaume. Milieu du XIIième siècle, 3554<br />

décasyllabes assonancés. 2 2 2 3 ,<br />

Nous tenons à ajouter encore quelques mots concernant les<br />

modes de l'extension cyclique. La suite des chansons dans les<br />

manuscrits cycliques ne correspond pas à l'ordre réel de leur<br />

composition. L'extension cyclique, dans la biographie des<br />

héros, a procédé presque régulièrement au rebours de la<br />

21 Ces dix-huit chansons proviennent du manuscrit cyclique Royal 20. D. XI. du Musée<br />

Britannique (XIVième siècle).<br />

22 J. Frappier ajoute que ces vingt-quatre chansons ne suffisent pas à mesurer toute<br />

l'extension et toute le vogue du cycle de Guillaume d'Orange. D'une part, la comparaison des<br />

poèmes conservés mène quelquefois à la conclusion que des poèmes plus aciens ont<br />

disparu. D'autre part, la gloire du «fier lignage» a été rajeunie et prolongée jusq'à la fin du<br />

moyen âge grâce à une mise en prose où la plupart des chansons qui constituent l'histoire<br />

poétique de Guillaume ont été «translatée de vielle rime» et rassemblées pour former un<br />

roman unique. Ce Roman en prose de Guillaume d'Orange a été composé au XVième siècle;<br />

peut-être à l'intention de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours.<br />

23 Les dates des chansons et leur longuer ont été repris de différentes sources, la plus grande<br />

partie a été citée d'après J.Frappier, les autres sources étaient les différentes éditions et<br />

traductions des textes. Dans le cas des Enfances Guillaume nous n'avons pas trouvés les<br />

informations nécessaires.<br />

13


chronologie. Les exploits de l'âge mûr ont devancé ceux de la<br />

jeunesse et les récits des «enfances», des prouesses précoces<br />

qui n'attendent pas le nombre des années (Enfances Guillaume,<br />

Enfances Vivien, Enfances Garin). Un ordre rétrospectif du<br />

même genre, en liaison avec le principe généalogique, s'est<br />

manifesté dans l'histoire du lignage. Les fils ont engendré les<br />

pères. Guillaume a été le premier héros. Son père Aymeri a été<br />

chanté après lui, et, degré en degré, trouvères et jongleurs ont<br />

remonté jusqu'à son arrière-grand-père Garin de Monglane et<br />

même jusqu'à Savary d'Aquitaine, père de cet arrière-grand-<br />

père. Cependant, l'épopée du héros central s'est prolongée<br />

aussi dans des suites latérales, chansons consacrées à ses<br />

frères, et, plus encore, dans des suites qui célébraient ses<br />

2 4<br />

neveux et les enfants de ses neveux.<br />

Les trois chansons les plus anciennes constituent le point de<br />

départ de ce cycle: le Courronement de Louis, le Charroi de<br />

Nîmes et la Prise d'Orange.<br />

Dans Le Couronnement de Louis, Guillaume, fidèle à son roi,<br />

combat pour lui contre les Sarrasins qu'il repousse, mais plus<br />

encore contre les grands féodaux félons qui veulent usurper le<br />

trône, aidés par nombreux abbés et évêques qu'il n'hésite pas à<br />

rudoyer. Dans Le Charroi de Nîmes, lorsque Guillaume, oublié<br />

par le roi dans sa distribution des fiefs, décide d'entraîner avec<br />

lui les «pauvres chevaliers» dans un combat contre les infidèles<br />

en Espagne. Mais son but premier, clairement affiché, consiste<br />

à conquérir des terres pour lui-même et pour ses chevaliers, en<br />

fiefs de la couronne de France. Et dans la Prise d'Orange c'est<br />

la conquête de la ville et d'Orable, la belle Sarrasinne, qui est<br />

24 FRAPPIER, Jean: Les chansons de geste du cycle de Guillaume d'Orange. I. - La Chanson de<br />

Guillaume, Aliscans, La Chevalerie Vivien. Paris: SEDES, 1955. 310 p.<br />

14


au centre de l'histoire.<br />

Le texte de la Chanson de Guillaume n'est pas intégrée au<br />

manuscrit du cycle, mais il partage avec les trois textes<br />

précédemment cités certains épisodes essentiels (comme la<br />

conquête d'Orange, la conversion de Guibourc et la lutte contre<br />

le Sarrasin Tiébaut). Il n'est donc pas à l'origine du cycle, mais<br />

parallèle à lui. Dans cette chanson Guillaume, comte de<br />

Barcelone, ne peut secourir à temps son neveu Vivien, engagé<br />

dans une lutte inégale contre les païens de Déramé. Après deux<br />

batailles sans succés il obtient l'aide de roi Louis. Grâce à son<br />

lignage, mais surtout au géant Renouart, frère de Guibourc, il<br />

réussit de combattre les ennemis. Ce récit a été repris deux<br />

fois dans les deux autres poèmes du cycle, Chevalerie Vivien et<br />

Aliscans.<br />

15


3 METHODOLOGIE<br />

3.1 Les différentes méthodes de l'étude lexico-<br />

sémantique dans le domaine de l'ancien français<br />

Il existe plusieurs méthodes d'études lexico-sémantiques<br />

dans le domaine de l'ancien français. Ces études sont<br />

consacrées à l'étude des réseaux sémantiques dans les oeuvres<br />

médiévaux. Notre petit rapport sur ces différentes approches<br />

ne vas pas être fait de manière exhaustive, nous nous<br />

attardons seulement sur quelques notions principales des ces<br />

méthodes.<br />

La première différence parmi ces méthodes est lié à la vision<br />

diachronique (J.-K.Hollyman 2 5 ou Ch.Brucker 2 6 ) ou<br />

synchronique (J.Picoche 2 7 ) selon laquelle les linguistes ont<br />

dirigé leurs études. Dans le cas de la vision diachronique<br />

l'étude peut porter sur le développement de vocabulaire<br />

pendant toute une période de moyen âge (Hollyman a étudié la<br />

période de haut moyen âge, mais il prend en considération<br />

aussi l'étymologie des mots et leur développement en langue<br />

latine, Brucker va dans son étude jusqu'au XIIIième siècle. Les<br />

deux études portent sur de nombreux textes médiévaux,<br />

Hollyman ne se limite pas aux textes littéraires, son étude est<br />

élaborée aussi à partir des textes religieux ou la<br />

correspondance, les diplômes royaux etc.). Dans le cas opposé,<br />

Picoche a orienté son étude à un seul oeuvre, celui des<br />

Chroniques de Froissart et reste ainsi dans le domaine de la<br />

25 HOLLYMAN, J.-K.: Le développement du vocabulaire féodal en France pendant le haut moyen<br />

âge. Genève: Librairie E. Droz, 1957. 202 p.<br />

26 BRUCKER, Charles: Sage et son réseau lexical en ancien français (des origines au XIIIème<br />

siècle). Tome I et II. Lille: Atelier reproduction des thèses. Université de Lille III, 1979. 1422<br />

p.<br />

27 PICOCHE, Jacqueline: Le vocabulaire psychologique dans les Chroniques de Froissart. Paris:<br />

Klincksieck, 1976. 238 p.<br />

16


synchronie, dans le développement de vocabulaire chez un seul<br />

écrivain pendant une période détérminé (la rédaction des<br />

Chroniques s'étale sur une vingtaine années).<br />

La deuxième différence concerne le choix de lexèmes étudiés.<br />

Hollyman porte son étude sur un grand ensemble des mots<br />

sémantiquement proches qu'il désigne comme «vocabulaire<br />

féodal». Il s'agit des «mots employés par l'homme médiéval en<br />

parlant des éléments essentiels qui forment l'ossature de la<br />

société féodale» 2 8 , c'est-à-dire des mots qui se rattachent à la<br />

structure sociale de l'époque féodale. Il a ainsi étudié les mots<br />

liés à la notion de la terre et la propriété (terre, honor, fief,<br />

tenir et ses dérivés, service), désignant les gens appartenant<br />

aux classes inférieurs et supérieurs (serf, vilain, sergent,<br />

bougeois; dominus, seigneur, grand, vassal, baron, chevalier)<br />

ou les mots désignant les vertus et les vices (franc, ber et<br />

vassal, felon, culvert et vilain).<br />

Le sujet de l'étude de Lavis 2 9 est presque aussi large. Il a<br />

consacré son étude à tout un système d'expression de<br />

l'affectivité, surtout à l'expression de la joie et de la souffrance<br />

dans l'oeuvre des trouvères et de troubadours du XIIième et du<br />

XIIIième siècle, c'est-à-dire aux deux champs sémantiques<br />

antithétiques.<br />

Au contraire Brucker a situé son étude dans un domaine moins<br />

large, dans le domaine de l'expression de la sagesse. Il étudie<br />

sage et son réseau lexical (une partie de son étude est<br />

consacrée aux «termes marginaux» comme preu/preudome/<br />

proece; cortois/cortoisie etc.).<br />

28 HOLLYMAN, J.-K.: Le développement du vocabulaire féodal en France pendant le haut moyen<br />

âge. Genève: Librairie E.Droz, 1957. p. 21.<br />

29 LAVIS, Georges: L'expression de l'affectivité dans la poésie lyrique française du Moyen-Âge<br />

(12°-13°siècle). Etude sémantique et stylistique du réseau lexical joie-dolor. Paris:<br />

Bibliothéque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège. Fascicule CC,<br />

1972. 627 p.<br />

17


La troisième différence entre ces études est en rapport avec les<br />

approches linguistiques et extralinguistiques utilisées. Les<br />

linguistes prennent en considération non seulement la<br />

détérmination des unités lexicales étudiés par leur position et<br />

fonction dans le texte, c'est-à-dire les possibilités syntactico-<br />

sémantiques et les fonctions stylistiques des mots (comme c'est<br />

le cas pour l'étude de Lavis), mais aussi les aspects<br />

psychologiques et sociologiques étudiés surtout à partir de<br />

l'analyse contextuelle des mots (par exemple Brucker).<br />

Les études de T. Venckeleer, Rollant li proz, contribution à<br />

l'histoire de quelques qualifications laudatives en français du<br />

moyen âge. Paris, 1975 et de N. Andrieux-Reix, Le réseau<br />

lexical de la joie dans le cycle de Guillaume d'Orange. Lille,<br />

1988, sont aussi très riches et significatives mais nous n'avons<br />

pas eu, malheuresement, la possibilité de les étudier.<br />

Les études lexico-sémantiques de l'ancien français ne sont pas<br />

très nombreuses et elles s'inspirent des méthodes de la<br />

linguistiques modernes.<br />

18


3.2 La méthode utilisée dans cette étude<br />

Notre étude, l'interprétation sémantique des qualifications<br />

laudatives, peut être définie à l'aide de plusieurs points de vue.<br />

Le premier est celui de la synchronie. Nous nous sommes<br />

centrées sur trois chansons de geste provenantes du même<br />

cycle – Cycle de Guillaume. Il s'agit des chansons le<br />

Courronement de Louis, le Charroi de Nîmes et la Chanson de<br />

Guillaume. Ces trois textes forment (avec la Prise d'Orange),<br />

comme nous l'avons déjà indiqué dans le chapitre premier, le<br />

premier noyau cyclique du cycle et sont très étroitement liées<br />

entre elles non seulement thématiquement mais aussi<br />

chronologiquement (la date de leur composition est très<br />

proche) 3 0 . Nous nous sommes laissées guider ainsi par l'idéé<br />

de J. Picoche 3 1 qui dit que le corpus (les textes étudiés) doit<br />

«être aussi homogène que possible, pour éviter l'interférence de<br />

systèmes linguistiques différents. Or, de toute évidence, l'unité<br />

d'auteur et de genre littéraire assure cette homogénéité». Dans<br />

notre cas il s'agit en premier lieu de la question de l'unité de<br />

genre littéraire, ce qui nous paraît suffisant pour ce genre<br />

littéraire médiéval assez cohérent.<br />

Le deuxième point de vue caractérisant notre étude est celui de<br />

l'étude sémasiologique des léxèmes étudiés. Ce fait est<br />

partiellement définie par M. G. Gougenheim, lorsqu'il écrit, en<br />

30 La question de la datation des textes peut poser quelques problèmes, comme le dit Lavis:<br />

«En ce qui concerne la chronologie, malgré toutes les recherches des philologues et des<br />

historiens, on n'a pu parfois fixer la date des textes médiévaux que d'une manière assez<br />

approximative, sinon douteuse... Dans la plupart des cas, nous ignorons la date des textes,<br />

trop heureux si nous pouvons dater les manuscrits avec quelque certitude.» In: LAVIS,<br />

Georges: L'expression de l'affectivité dans la poésie lyrique française du Moyen-Âge (12°-<br />

13°siècle). Etude sémantique et stylistique du réseau lexical joie-dolor. Paris: Bibliothéque de<br />

la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège. Fascicule CC, 1972. p. 24.<br />

31 PICOCHE, Jacqueline: Le vocabulaire psychologique dans les Chroniques de Froissart. Paris:<br />

Klincksieck, 1976. 238 p.<br />

19


tête de ses Notes sur le vocabulaire de Robert de Clari et de<br />

Villehardouin: «Un des moyens les plus efficaces dont nous<br />

disposons pour l'étude historique du vocabulaire est la<br />

détermination la plus exacte possible du sens d'un mot chez un<br />

écrivain ou dans un groupe restreint d'écrivains. Cette<br />

détermination peut se faire par l'examen exhaustif de tous les<br />

exemples et surtout par la confrontation de termes exprimant<br />

des concepts voisins» 3 2 .<br />

Notre recherche commence par un relevé des occurences des<br />

qualifications laudatives (cortois, franc, gentil et prod/prodom)<br />

dans les textes des chansons. Suit le repérage et le classement<br />

des significations qui sont attestées à ces mots. Notre but n'est<br />

pas de reconstruire une structure onomasiologique (champ<br />

sémantique d'un mot étudié avec tous les synonymes), l'étude<br />

s'arrête aux unités isolées définies à l'aide de différentes sémes<br />

construisant la signification des mots.<br />

Pour nous aider à trouver les différentes significations des<br />

lexèmes nous allons consulter aussi le dictionnaires de l'ancien<br />

français, qui fournit de plus vastes échantillons d'occurence<br />

(GREIMAS, Algirdas Julien: Dictionnaire de l'ancien français.<br />

Paris: Larousse, 2004) et pour la partie diachronique de l'étude<br />

(du latin à l'ancien français; de l'ancien français au français<br />

moderne), pour la recherche de l'étymon nous allons utiliser le<br />

dictionnaire étymologique (DAUZAT, A., DUBOIS, J.,<br />

MITTERAND, H.: Dictionnaire étymologique et historique du<br />

français. Paris: Larousse, 1995).<br />

Pour déterminer dans quelles situations apparaissaient les<br />

32 GOUGENHEIM, M. G.: Etudes de grammaire et de vocabulaire français, p. 311.<br />

20


mots envisagés et qu'elle était leur valeur exacte nous<br />

prennons en considération aussi l'analyse contextuelle qui peut<br />

souvent être très large. Ce qui ne nous semble pas exclure les<br />

notions de structure et de système (le point de vue<br />

morphologique et syntaxique).<br />

Notre étude a pour objectif de présenter de la manière la plus<br />

fidèle possible les différents sens des mots établis à partir de<br />

leur utilisation dans les textes. Ces sens constituent ainsi la<br />

signification du mot étudié.<br />

21


4 L'INTERPRETATION SEMANTIQUE DE QUELQUES<br />

QUALIFICATIONS LAUDATIVES<br />

3 3<br />

4.1 Cortois<br />

Cortois/corteis (courtois) avec les mots sage, pro et gentil<br />

font partie des mots-clés du vocabulaire social du moyen âge<br />

littéraire.<br />

Nous allons commencer par une étude étymologique de mot<br />

cortois, avec l'aide de dictionnaire étymologique et fiche<br />

sémantique d'Andrieux-Reix. L'adjectif courtois est un dérivé du<br />

substantif féminin cour(t) lui-même issu du latin médiéval<br />

curtem correspondant au latin classique cohortem. Dans le<br />

vocabulaire rural, ce dernier dénommait un enclos: cour, parc<br />

à bestiaux, basse-cour, puis un domaine rural. Dans le<br />

vocabulaire militaire, il dénommait une division du camp et les<br />

troupes comprises dans cette division, d'où son emploi pour<br />

une subdivision de la légion romaine, ainsi que pour le groupe<br />

de personnes assistant quelqu'un dans des fonctions d'autorité<br />

et de gestion. Les deux affectations très différentes ont abouti<br />

en français à une discrimination sémantique entre deux<br />

substantifs homonymes cour(t) «cour de ferme, domaine rural,<br />

espace entouré de murs» et cour(t) «entourage d'un grand,<br />

assemblée de vassaux». C'est du paradigme du deuxième que<br />

relève l'adjectif courtois.<br />

Celui-ci qualifie un comportement social de valeur. Courtois<br />

entre dans les expressions des valeurs militaires de prouesse<br />

33 Nous utilisons ici le mot cortois en ancien français même si on trouve dans les textes étudiés<br />

les deux autres formes, corteis et curteis.<br />

22


et de vaillance que dénomment aussi pro/preu auquel il est<br />

souvent associé ainsi que vassal.<br />

Le Dictionnaire de l'ancien français de Greimas nous donne les<br />

définitions suivantes du mot cortois/corteis:<br />

1. courtois, qui agit conformément à l'idéal de la vie noble<br />

(épithète souvent accouplée avec preus);<br />

2. courtois, de bon ton, de bonnes manières;<br />

3. opposé à vilain, au sens social;<br />

4. de bonne compagnie.<br />

Il s'agit alors d'un mot polysémique comme nous l'indique non<br />

seulement le dictionnaire mais aussi les différents sens du mot<br />

rétablis à partir des occurences dans les textes comme nous<br />

allons voir par la suite. Il s'agit pour nous de définir cet<br />

adjectif de manière plus détaillé en prenant en considération<br />

les différents sémes constituants le lexème.<br />

Notre interprétation sémantique des adjectifs qualificatifs est<br />

très étroitement lié à l'interprétation contextuelle car c'est<br />

justement le contexte dans lequel est situé le mot ou le lexème<br />

étudié qui est le porteur des informations supplémentaires<br />

pour une étude sémantique plus précise. C'est souvent grâce<br />

au contexte qu'il nous est possible de mieux distinguer les<br />

différents sémes du mot.<br />

Notre étude se poursuit par un relévé d'occurences de cortois<br />

dans les trois chansons de geste qui font l'objet de notre étude<br />

et par une interprétation sémantique de ces occurences et un<br />

classement de plusiers sens de mot polysémique qu'est cortois.<br />

23


Le Couronnement de Louis présente plusieurs exemples de<br />

courtois. Ils sont au nombre de 9:<br />

Plaist vos oir d'une estoire vaillant<br />

3 4<br />

vers 3: Bone chançon, corteise et avenant?<br />

Dans ce cas corteis fait partie d'un couple synonymique. C'est<br />

avenant (aimable, agréable) qui oriente ici corteise. Corteise<br />

caractérise un substantif inanimé, nous estimons qu'il a les<br />

valeurs «courtoises» de cortois, c'est-à-dire, «de valeur, bon».<br />

El mostier fu li cuens al fier visage;<br />

vers 379 Dist l'apostoiles, qui fu corteis et sage:<br />

«Gentilz om, sire, por Deu l'esperitable,<br />

Car nos secor contre la gent salvage.<br />

Dist l'uns a l'altre: «Vei la bel chevaliers<br />

vers 609 Et pro et sage, corteis et enseignié;<br />

S'eüst son per ou deüst bataillier,<br />

Fier fust ancui l'estors al comencier;<br />

Mais vers Corsolt n'a sa force mestier:<br />

De tels quatorze ne donreit un denier.<br />

Nous estimons, comme Brucker, que dans les deux occurences<br />

suivantes, vers 379 et 609, où cortois est en voisinage de sage<br />

il est affecté du sémème «clairvoyant» car il est influencé par le<br />

couple fortitudo-sapientia 3 5 et dans ce cas-là, cortois devient un<br />

substitut de sage dans le couple sage-proz. Il s'agit malgré cela<br />

que d'un substitut approximatif car il n'est pas possible<br />

d'accorder au cortois exactement la même valeur qu'à sage<br />

dans ce couple. Et dans le vers 609 il faudrait plutôt parler des<br />

synonymes parce que le couple pro et sage et ici suivi de couple<br />

34 D'après l'édition d'Ernest Langlois. Paris: Librairie Honoré Champion, 1968. p. 169.<br />

35 Brucker justifie ce fait par la fréquence élevée du couple proz-sage dans les textes des<br />

œuvres médievaux et il estime que le couple proz-cortois est une réplique de proz-sage et que<br />

le sage est affecté ici du sémème «intelligent». Il suppose que proz faisant très souvent partie<br />

du couple à valeur intellectuelle proz-sage attire dans le champ intellectuel cortois qui, alors,<br />

se substitue à sage. Il ajoute aussi que l'attraction de cortois dans le registre intellectuel a<br />

été facilité par l'origine militaire, féodale de cortois.<br />

24


corteis et enseignié.<br />

Et l'arcevesques, et l'enfes Manessiers,<br />

vers 567 Estols de Lengres, et li corteis Gualtiers,<br />

Et avuec els Gerins et Engeliers,...<br />

Et tuit vo frere, qui snt bon chevalier,<br />

vers 573 Ne l'osereient en bataille aprochier.<br />

Li apostoiles i est venuz premiers,<br />

Si le baisa quant l'elme ot deslacié.<br />

Tant ont ploré li cuens Bertrans, ses niés,<br />

vers 1155 Et Guielins et li corteis Gualtiers!<br />

Parrins li fu Guillelmes li guerriers,<br />

vers 1288 Et Guielins et li corteis Gualtiers,<br />

Et bien tel trente de vaillanz chevaliers<br />

N'i a celui ne seit frans om del chief;<br />

Dans les occurences dans les vers 573, 1155 et 1288, cortois<br />

qualifie un guerrier, Gualtier, et d'après ce contexte nous<br />

estimons qu'il est affecté de sémème «courageux, vaillant».<br />

«Ou sont alé li chevalier gentill<br />

Et li lignages al pro conte Aimeri?<br />

Icil soleient lor seignor maintenir.<br />

Par cele croiz ou li cors Deu fu mis,<br />

Se je fusse om qui aidier li poïst,<br />

Les traïtors eüsse si laidiz<br />

N'eüssent cure de lor seignor traïr.»<br />

Ot le Guillelmes, s'en a jeté un ris;<br />

Bertran apele, si l'a a raison mis:<br />

vers 1480 «Oïstes mais si corteis<br />

pelerin?<br />

Se il fust om qui aidier li poïst,<br />

Ja malvais plaiz ne fust par lui bastiz.»<br />

vers 1536 «Sainte Marie!» dist li corteis portiers,<br />

«Looïs, sire, com povre recovrier!<br />

Se cil n'en pense qui tot a a jugier,<br />

N'en puez partir senz les membres trenchier.<br />

Vers 1540 Hé! Deus, aïde!» fait li corteis portiers,...<br />

25


Ces trois dernières occurences de corteis dans le Couronnement<br />

de Louis concernent un pèlerin ou un concierge. Cet emploi est<br />

plus éloigné de la valeur féodale qui est affecté au cortois et qui<br />

fait partie des qualités caractéristiques du chevalier tel qu'il<br />

figure dans les premières chansons de geste. Dans ces trois cas<br />

il s'agit d'après nous du concept de la loyauté qui est le plus<br />

3 6<br />

fortement attaché à cortois.<br />

En ce qui concerne le Charroi de Nîmes, les occurences de<br />

corteis dans ce texte sont moins nombreuses, elles ne sont que<br />

trois.<br />

Li rois monta et il li tint l'estrier,<br />

Si s'en foui comme coart levrier.<br />

Einsi remest li marchis Berangier;<br />

La le veïsmes ocirre et detranchier,<br />

Ne li peüsmes secorre ne aidier.<br />

vers 365 Remés en est un cortois heritier:<br />

3 7<br />

Icil a nom le petit Berangier.<br />

Ce fu au tens a feste saint Michiel:<br />

Fui a Saint Gile, reving par Monpellier;<br />

vers 550 Heberja moi un cortois chevalier,<br />

Molt me dona a boivre et a mengier,<br />

Fain et avaine a l'auferrant corsier.<br />

Par la fenestre me fist metre mon chief;<br />

Toute la terre vi plaine d'aversiers,<br />

Viles ardoir et violer moustiers,<br />

Chapeles fondre et trebuchier clochiers,<br />

vers 573 Mameles tortre a cortoises<br />

moilliers,<br />

Que en mon cuer m'en prist si grant pitié<br />

Molt tendrement plorai des eulz del chief.<br />

Ces trois exemples ont à notre avis la valeur de «noble» et de<br />

«bon», c'est-à-dire ces adjectifs qualificatifs dénomment<br />

36 D'après le texte, Guillaume éprouve une grande joie quand il entend le pèlerin proclamer,<br />

implicitement, sa loyauté à l'égard de Louis (passage où se trouve le vers 1480 que nous<br />

venons de citer).<br />

37 D'après l'édition de Claude Lachet. Paris: Gallimard, 1999. p. 243.<br />

26


l'appartenance de ces gens à un certain niveau social et leur<br />

comportement envers leur entourage (héritier de Berangier qui<br />

est noble par sa naissance, le chevalier noble qui hébergea<br />

Guillaume et les femmes de noble naissance de pays ravagé).<br />

Nous pouvons trouver dans le Charroi de Nîmes aussi l'adverbe<br />

de manière en forme de cortoisement, qui appartient au<br />

paradigme morphologique de cortois, en nombre de deux<br />

occurences.<br />

Quant il le vit, a poi n'est forsené;<br />

Trestos li sans del cors li est müez,<br />

Li cuers li faut, a pou qu'il n'est pasmez.<br />

vers 1215 Cortoisement l'en a aresonné,<br />

Si l'en apele, com ja oïr porrez:...<br />

Vint a Harpin, si li a tot conté,<br />

Qui sire estoit de la bone cité,<br />

Il et son frere Otran le desfaé;<br />

vers 1259 Cortoisement l'en a aresonné:...<br />

La valeur significative de cet adverbe n'est pas très claire, car<br />

il se rapporte à la manière dont parle les païens, les infidèles,<br />

le roi Otran et le sénéchal du roi, les ennemis contre lesquels<br />

Guillaume se bat. Ils ne peuvent alors avoir ni des bonnes<br />

intentions ni des bonnes valeurs morales malgré leur<br />

appartenance à la cour royale. Leur façon de parler est alors à<br />

la fois «bonne, noble» mais en même temps le jongleur a utilisé<br />

cet adverbe avec ironie qui exprime ainsi l'attitude de païen qui<br />

ne croit pas au Guillaume se présentant comme un marchand.<br />

Dans l'exemple du vers 1259 c'est sénéchal qui s'adresse à<br />

Harpin, le frère du roi Sarrasin, est l'adverbe est affecté plutôt<br />

de sémème de «politesse, respect envers son seigneur».<br />

Suit la Chanson de Guillaume avec une seule occurences de<br />

l'adjectif cortois et une de l'adverbe curteisement.<br />

27


Le cheval broche, vassalment le requist;<br />

L'escu li fruisse e le halberc li rumpi,<br />

E treis des costes en sun cors li malmist;<br />

Pleine sa hanstre del cheval l'abati;<br />

vers 422 Quant l'out a terre, un curteis mot li ad dit:<br />

3 8<br />

«Ultre, lechere, pris as mortel hunte;...<br />

Foer e aveine li donat a manger,<br />

Puis l'ad covert d'un bon paille pleié,<br />

Puis vait le cunte acoler e baiser,<br />

vers 2336 Si l'en apele curteisement<br />

e ben:<br />

«Sire, dist ele,...»<br />

Les deux exemples portent sur la manière dont parle le<br />

locuteur, d'abord Girard, le chevalier (vers 422) et puis<br />

Guiburc, la femme de Guillaume (vers 2336). Dans le premier<br />

cas curteis se rapporte au comportement valeureux de Girard<br />

qui parle ainsi à Esturmi qui prend la fuite du champ de<br />

bataille, ce qui n'est pas digne d'un bon chevalier. Cela met en<br />

colère Girard qui réagit «comme on doit le faire» si nous nous<br />

rapportons à la traduction de François Suard, c'est-à-dire<br />

comme un chevalier vaillant.<br />

Dans le cas de Guiburc, celle-ci parle à son mari de façon juste<br />

(l'adverbe ben qui est en voisinage de curteisement nous aide à<br />

préciser son sens), bonne.<br />

En conclusion sur l'adjectif qualificatif cortois nous<br />

pouvons dire que les occurences dans les textes des anciennes<br />

chansons de geste ne sont pas très nombreuses, nous en<br />

trouvons que treize, le nombre le plus élevé est celui dans le<br />

Couronnement de Louis. Il prend le plus souvent la forme du<br />

masculin, la forme au féminin n'apparaît que deux fois, la<br />

première quand on parle de la chanson elle-même au début du<br />

récit sur le couronnement de Louis, et la deuxième fois quand<br />

38 D'après l'édition de François Suard. Paris: Classique Garnier, 1999. p. 307.<br />

28


il s'agit des femmes des nobles. Il est toujours en position<br />

antéposé au substantif qu'il qualifie.<br />

Pendant la lecture nous avons relevé aussi la présence de<br />

plusiers adverbes en forme de cortoisement/curteisement qui<br />

appartiennent au même paradigme morphologique que cortois<br />

car l'adverbe s'est formé par conversion de l'adjectif qualificatif<br />

en ajoutant à la forme du féminin de celui-ci le suffixe -ment.<br />

En ce qui concerne les personnage littéraires auxquelles ces<br />

mots (adjectifs et adverbes) se rapportent, il s'agit le plus<br />

souvent des personnes nobles, appartenantes au haut rang de<br />

la société féodale (les guerriers, chevaliers ou leur héritiers ou<br />

encore les femmes des nobles). Mais on y trouve aussi courtois<br />

lié aux personnes pas nobles, les vilains (pélérin, portier) qui<br />

se comportent de façon loyale et vaillante. Dans un seul cas le<br />

cortois se rapporte à une chose inanimé, la chanson elle-même.<br />

Dans les chansons de geste que nous venons d'examiner<br />

cortois est fortement attaché soit aux notions de «vaillance» et<br />

de «loyauté», qui sont des valeurs militaires, soit il dénomme<br />

«une valeur sociale et morale («de valeur, bon»), la générosité<br />

chevaleresque, la politesse, le respect («de bonnes manières»),<br />

l'appartenance à un milieu social plus élevé («noble») ou encore<br />

la sagesse («clairvoyant»).<br />

Bien sûr, la signification de ce mot a continué à évoluer. Déjà à<br />

partir du milieu du XIIième siècle, ce qui correspond au début<br />

de «deuxième âge féodal» 3 9 , le développement de la vie<br />

mondaine dans les cours seigneuriales, associé à un renouveau<br />

économique et culturel, a engendré, dans le cadre restreint de<br />

ces cours, une mentalité très différente de celle de l'époque<br />

précédente. 4 0 Par la suite cortois dénomme «fin'amor», «amour<br />

39 Andrieux-Reix précise qu'il s'agit de l'expression de M. Bloch dans La société féodale, 1968.<br />

40 Andrieux-Reix, Nelly: Ancien français. Fiches de vocabulaire. Études littéraires. Paris: PUF,<br />

29


courtois», une forme de politesse raffinéé.<br />

En conclusion sur le mot cortois nous faisons ici un petit<br />

resumé des occurences de cortois dans les textes étudiés avec<br />

leur valeur significative, les différentes sémes. Il est préférable<br />

alors de traduire cortois de l'ancien français en français<br />

moderne en utilisant les lexèmes suivants.<br />

1987.<br />

30


CORTOIS<br />

• au comportement valeureux, loyal<br />

Couronnement de Louis: vers 1480, 1536, 1540<br />

vers 573, 1155, 1288<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurences<br />

Chanson de Guillaume: vers 422<br />

• de bonnes manières, de bon ton<br />

C o u r o n n e m e n t d e L o u i s : p a s d ' o c c u r e n c e s<br />

Charroi de Nîmes: vers 1215 et 1259 (cortoisement)<br />

C h a n s o n d e G u i l l a u m e : p a s d ' o c c u r e n c e s<br />

• de valeur, bon<br />

Couronnement de Louis: vers 3<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurences<br />

Chanson de Guillaume: vers 2336 (cortoisement)<br />

• noble, opposé au vilain au sens social<br />

Couronnement de Louis: pas d'occurences<br />

Charroi de Nîmes: vers 365, 550, 573<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurences<br />

• sage, clairvoyant<br />

Couronnement de Louis: vers 379, 609<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurences<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurences<br />

31


4.2 Franc<br />

Franc est le deuxième mot qui a fait l'objet de nos<br />

recherches dans les chansons de geste.<br />

De point de vue étymologique et historique 4 1 franc, adjectif<br />

qualificatif au masculin (franche au féminin), vient du frank,<br />

nom de peuple, qui a été latinisé en Francus au VIième siècle<br />

et porte la valeur seulement ethnique. Vers la fin du VIième<br />

siècle apparait la signification de «libre» (liber) qui reste en<br />

français usuel jusqu'au XVIième siècle. Au XIième siècle il<br />

prend la signification de noble, «de valeur», «généreux, affable».<br />

Au XVième siècle il signifie «net, sans hésitation», Montaigne l'a<br />

utilisé au sens «qui dit ce qu'il pense» au XVIième siècle. Un<br />

siècle plus tard il prend la valeur de «qui s'exprime<br />

ouvertement, qui est véritablement tel», la valeur qu'il porte<br />

aussi en français moderne.<br />

Nous allons prendre en considération, comme dans le cas<br />

précédent, du mot cortois, aussi les définitions de franc que<br />

donne Greimas:<br />

1. noble<br />

2. libre<br />

3. les habitants de la Francia (pendant le XIième et XIIième<br />

siècle )<br />

Nous estimons qu'il est préférable de ne pas prendre en<br />

compte, pendant le relevé d'occurences, les cas dans lesquels<br />

41 D'après ANDRIEUX-REIX, Nelly: Ancien français. Fiches de vocabulaire. Études littéraires.<br />

Paris: PUF, 1987et DAUZAT, Albert, DUBOIS, Jean, MITTERAND, Henri: Dictionnaire étymologique<br />

et historique du français. Paris: Larousse, 1995.<br />

32


franc signifie Franc, celui qui appartient au peuple francique,<br />

car sa valeur significative ne porte pas sur le comportement<br />

des personnes, des personnage littéraires, mais seulement sur<br />

le fait d'apartenir à un groupe de pesonnes, à un peuple.<br />

Les occurences de franc dans les trois chansons de geste sont<br />

assez nombreuses, en voici l'énumération et l'interprétation<br />

sémantique et analyse contextuelle.<br />

Le Couronnement de Louis est muni de vingt occurences de<br />

franc.<br />

Si faiz joels li ot le jor mestier:<br />

Ne fu puis om quil peüst empirier,<br />

Ne mais itant l'espés de dous denier,<br />

vers 602 Dont li frans om ot puis grant reprovier...<br />

Guillelmes fu molt vertuos et forz;<br />

Le paien a feru par mi le cors,<br />

Par si grant ire en a trait l'espié hors<br />

Tote le guiche li desrompié del col,<br />

Qu'a terre chiet li bons escuz a or.<br />

Tuit cil de Rome s'escrient a esforz:<br />

vers 938 «Refier, frans om, Deus sostieigne ton cors!...»<br />

Dans les occurences des nombreux vers (par exemple vv. 602,<br />

938...) franc/frans est suivi de substantif om (homme, vassal)<br />

qui se rapporte à la personne de chevalier et il est alors<br />

préférable de le traduire en français moderne en tant que tel.<br />

Dans le vers 938 nous pouvons très bien distinguer le sème qui<br />

s'affecte au franc, puisqu'il s'agit d'une scène de combat<br />

pendant lequel, Guillaume, molt vertuos et forz (très courageux<br />

et très fort) fait preuve de sa vaillance et courage envers son<br />

roi et la foi chrétienne qu'il défend. La signification de franc se<br />

penche alors vers «preu, vaillant».<br />

Cil ot grant joie qui le tint par l'estrier.<br />

Vers 1168 La nuit font feste por le franc chevalier,...<br />

33


Guillaume s'est battu avec courage et vaillance contre Corsolz,<br />

il rentre à présent avec les autres compagnons, ils sont tous<br />

joyeux et contents, ce qui signifie que le franc prend, ici aussi,<br />

la signification «vaillant» puisqu'il est toujours en rapport avec<br />

le combat précédent de Guillaume.<br />

Vers 1035 Lors trestorna son destrier aragon,<br />

Et trait l'espee qui li pent al giron,<br />

Et fiert Guillelme par tel devison<br />

Que le nasel et l'elme li desront.<br />

Trenche la coife de l'alberc fremillon,<br />

Et les chevels li trenche sor le front,<br />

Et de son nes abat le someron.<br />

Vers 1042 Maint reprovier en ot puis li frans om ...<br />

Il s'agit des moments de combat entre Corsolz (Corsolt) et<br />

Guillaume pendant lequel le Sarrasin coupe à ce dernier le but<br />

de nez, ce qui est très fâcheux pour notre chevalier. Mais<br />

comme le franc se rapporte au Corsolz, il a plutôt la valeur de<br />

«noble», puisqu'il est, lui aussi chevalier déféndant son roi.<br />

Parrins li fu Guillelmes li guerriers,<br />

Et Guielins et li corteis Gualtiers,<br />

Et bien tel trente de vaillanz chevaliers<br />

vers 1290 N'i a celui ne seit frans om del chief;...<br />

Entre Guillelmes et sa compaigne bele,<br />

Et li portiers dolcement l'en apele:<br />

vers 1613 «Frans chevaliers, va la vengeance querre<br />

Des traïtors qui contre tei revelent.»<br />

Pris est par force li riches reis Guaifiers,<br />

Li cuens Guillelmes al Cort Nes li marchis<br />

En apela Seier del Plaisseïz:<br />

«A cele porte qui uevre vers Paris,<br />

vers 1669 La en irez, frans<br />

chevaliers de pris,<br />

Ensemble o vos chevalier tresq'a vint.<br />

Dans ce cas, du vers 1669, franc et de pris sont deux membres<br />

de coordination de nom chevalier. De pris (valeureux) influence<br />

ainsi la signification de franc qui est porteur, lui aussi, de<br />

valeur «noble».<br />

34


Acelins fait sa gent apareiller,<br />

vers 1857 Li frans Alelmes est montez el destrier,<br />

Par mi les rues s'en vait toz eslaissiez,...<br />

Li cuens Guillelmes commença a brochier,<br />

vers 1885 Tresqu'a l'ostel al franc borgeis Hungier;...<br />

Au vers 1857 et 1885 franc désigne d'abord un écuyer de<br />

chevalier Guillaume qui est un noble, un baron, et puis un<br />

bourgeois, ce qui veut dire que dans les deux occurences il<br />

s'agit apparement de franc en tant que «noble, aristocrate».<br />

C'est le même cas pour la plupart des occurences de franc,<br />

comme nous pouvons lire dans les vers suivants.<br />

Li cuens Guillelmes a sa gent apelee,<br />

Tel chose dist qui a plusors agree:<br />

vers 2041 «Or al harneis, franche gent onoree,<br />

Si s'en ira chascuns en sa contree,<br />

A sa moillier qu'il avra esposee.»<br />

vers 2435 «Amis, bels frere», dist Guillelmes li frans ,<br />

«Va, si me di a Guion l'Aleman...»<br />

vers 2642 Par dedenz Rome fu Guillelmes li frans ;<br />

Prent son seignor tost et isnelement,<br />

En la chaiere l'assiet de maintenant,<br />

Sil corona del barnage des Frans.<br />

vers 351 Il et sa fille et sa franche moillier,<br />

Et trente mile de chaitis prisonier,...<br />

«Ber, ne m'oci, quant tu Guillelmes iés,<br />

Mais vif me pren, molt i puez guaaignier.<br />

Je te rendrai le riche rei Guzaifier,<br />

vers 1257 Lui et sa fille et sa franche moillier,...<br />

Li cuens Guillelmes en apela Gualtier<br />

Le Tolosan, ensi l'oï noncier,<br />

Fill sa seror, un gentill chevalier:<br />

«A cele porte qui torne vers Peitiers,<br />

vers 1660 La m'en irez, filz de franche moillier,...<br />

Les occurences de franc dans les vers 351, 1257 et 1660 sont<br />

au féminin et désigne les femmes des chevalier, un chevalier<br />

Sarrasin, l'autre Franc et se sont les femmes de haut rang, ce<br />

35


qui signifie qu'au franc est affecté le sème «noble, aristocrate».<br />

«Sire Acelins, nobiles gentilz om,<br />

vers 1805 Savez que mande Guillelmes li frans om,<br />

C'est Fierebrace, qui cuer a de lion?...<br />

Dans ce cas, franc est précédé de nobiles gentilz om, ce qui<br />

veut dire qu'il a «l'âme noble et est de bonne race,<br />

gentilhomme». On suppose alors que franc est affecté de sème<br />

«droit, honnête, loyal», c'est-à-dire, de valeur.<br />

Et cil respondent: «Por Deu, merci, Guillelmes!<br />

Vers 2175 Frans chevaliers, bien deüssiez reis estre,<br />

O amiralz d'une grant riche terre....»<br />

Les ennemis de Guillaume, les chevaliers de duc Richard qui<br />

hait le roi de France, Louis, s'enfuient devant Guillaume et lui<br />

demandent grâce. Il lui disent frans chevaliers ce qui se<br />

rapporte à ces sentiments envers eux, pour qu'il soit «bon,<br />

aimable, affable».<br />

C'est le même cas pour le vers suivants:<br />

Al pié li vont por la merci crïer:<br />

vers 2232 «Merci, frans cuens, por Deu de majesté!...»<br />

vers 2255 «Faites vos omes et vos barons mander,<br />

Et tuit i vieignent li povre bacheler,<br />

A clos cheval, a destriers desferrez,<br />

A guernemenz desroz et dspanez,<br />

Tuit cil qui servent as povres seignorez<br />

Vieignent a mei: je lor donrai assez<br />

vers 2261 Or et argent et deniers moneez...<br />

vers 2266 Ja nuls frans<br />

om ne m'en tendra aver<br />

Que toz nes doinse et encor plus assez.»<br />

Guillaume parle ainsi devant roi Louis qu'il prend pour un<br />

lâche et stupide que tout le monde hait, mais malgré cela<br />

Guillaume va le servir jusq'à ce qu'il ne posséde pas tout ce<br />

qu'il désire et appele à son service tous les vassaux et barons<br />

auxquels il va donner tout le besoin pour le combat. Ainsi<br />

personne, aucun frans om, «homme libre» ne pourra pas le<br />

prendre pour un avare.<br />

36


Une autre occurence de franc avec la même valeur est au vers<br />

325 et 669.<br />

Quant li servises fu diz et definez,<br />

Es dous messages venant toz abrivez;<br />

Ja conteront unes noveles tels<br />

vers 325 Dont mainz frans om fu le jor esfreez.<br />

Ja de m'espee ne le quier atochier,<br />

Se de ma mace puis un colp empleier,<br />

Se tot n'abat et lui et le destrier,<br />

vers 669 Ja mais frans om ne me doinst a mangier!<br />

Les occurences de franc dans le Charroi de Nîmes ne sont pas<br />

aussi nombreuses, elles ne son que sept.<br />

vers 294 «Sire Guillelmes, dit Looÿs li frans ,<br />

Or voi ge bien, plains es de mautalant.»<br />

vers 580 «Sire Guillelmes, dist Looÿs li frans ,...»<br />

vers 538 «Sire Guillelmes, dist li rois, frans guerrier,<br />

Et vos que chaut de mauvés reprovier?<br />

En ceste terre ne quier que me lessiez.»<br />

Vont a Guillelme le marchis demander:<br />

«Sire, font il, que avez en pensé?<br />

Dites quel part vos vorroiz ore aler.»<br />

vers 822 «Franc chevalier, tuit estes effraé...»<br />

«Prenez les ames, sus les destriers montez,<br />

vers 855 Alez en fuerre, franc chevalier membrez....»<br />

F r a n c d é t é r m i n a n t g u e r r i e r e t c h e v a l i e r e s t p o r t e u r d e<br />

l a v a l e u r « n o b l e » ( c o m m e n o u s l ' a v o n s d é j à r e m a r q u é<br />

d a n s l e C o u r o n n e m e n t d e L o u i s ) d a n s l a p l u p a r t d e s c a s .<br />

Q u a n t a u r o i L o u i s ( v e r s 2 9 4 e t 5 8 0 ) , l u i a u s s i e s t<br />

« n o b l e » .<br />

Et cil responent: «Vos dites verité.<br />

vers 948 Sire Guillelmes, frans hom, quar en pensez....»<br />

37


Au vers 948 les barons s'adressent à Guillaume qui est<br />

chevalier et s'apprête à conquérir la ville de Nîmes, il est pour<br />

eux «preu, vaillant».<br />

Lors se regarde dan Guillelmes arrier;<br />

En mi sale choisi Aymon le vieill.<br />

Quant il le vit, sel prist a ledengier:<br />

«Hé! Gloz, lechierres, Diex confonde ton chief!<br />

Vers 737 Por quoi te peines de franc<br />

home jugier<br />

Quant en ma vie ne te forfis ge rien?...»<br />

Guillaume a toujours été loyal et honnête envers le roi, c'est<br />

aussi ce qu'il dit au vieil Aymon qui conseille mal le roi Louis,<br />

en se désignant franc.<br />

Dans la Chanson de Guillaume il y a vingt-sept occurences de<br />

franc.<br />

vers 46 «Franche meisné, dist Tebald, que feruns?»<br />

Dist li messages: «Ja nus i combatuns!»<br />

vers 70 «Franche meisné, dist Vivien, merci!<br />

Od poi compaignie ne veintrun pas Arabiz....»<br />

vers 105 «Seigneurs, frans homes, merci, pur amur Dé!<br />

Dis et uit anz ad ja, e si sunt tuz passez,<br />

Que primes oi a bailler ceste cunté;<br />

Unc puis ne vi tanz chevalers armez<br />

Que ne seüssent quele part turner....»<br />

vers 192 «Franche meisné, que purrun nus devenir?<br />

Cuntre un des noz ad ben des lur mil.<br />

Ki ore ne s'en fuit, tost i purrad mort gisir;<br />

Alum nus ent tost pur noz vies garir.»<br />

vers 279 «Franche<br />

meisné, que purrums devenir?...»<br />

vers 288 «Alez vus ent, francs chevalers gentilz,<br />

Car jo ne puis endurer ne suffrir<br />

Tant gentil home seient a tort bailli....»<br />

vers 483 «Franche<br />

meisné, pur la vertu Nostre Seignur...»<br />

38


vers 592 «Ja veez vus les francs chevalers malmis;<br />

Tant cum il furent sains et salfs e vifs,<br />

Ensemble od nus furent al champ tenir...»<br />

vers 731 Totes ses armes out guerpi li frans ,<br />

Fors sul s'espee, dunt d'ascer fu li brant...<br />

Tant dormi Girard qu'il fu avespré,<br />

vers 1071 Puis salt del lit cume francs naturel...<br />

vers 1275 «Seignurs, frans<br />

homes, pur amur Deu,...»<br />

Tant dort Willame qu'il fu avespré,<br />

Puis salt del lit cum hardi sengler,<br />

vers 1496 Criad «Munjoie! Frans chevalers, muntez!»<br />

Armes demande, e l'en li vait aporter.<br />

vers 1596 Pur ço vus di, frans<br />

vers 1604 Pur ço vus di, frans<br />

vers 1610 «Ore entendez, frans<br />

vers 1695 Paien escrient: «Francs<br />

vers 2898 «Munjoie!» escrie, «Frans<br />

vers 2933 «Frans<br />

chevalers provez,...<br />

chevalers menbrez...<br />

chevalers provez!...»<br />

chevalers, muntez!»<br />

chevalers, muntez!»<br />

chevalers de la nostre cuntree,...»<br />

vers 3332 Chascun franc home deveit quatre porter,<br />

Si l'une freinst, qu'il puisse recovrer.<br />

Vers 3402 Seigneurs, frans<br />

baruns, car i alez!<br />

Franc signifie dans toutes ces occurences «noble par naissance,<br />

du haut rang».<br />

Forment reclaime Jhesu le tut poant<br />

vers 895 Qu'il li tramette Willame le bon franc ,...<br />

Vivien meurt et appele en aide Guillaume, le «vaillant».<br />

vers 666 «Sez que dirras a Willame le bon franc ?<br />

Se lui remenbre de la bataille grant,<br />

Desuz Orenge, de Tedbalt l'esturman...»<br />

Vivien, le compagnon de Guillaume fait partir son cousin<br />

39


Girard du champ de bataille pour revenir avec Guillaume, son<br />

oncle. Il lui envoi un message par la personne de Girard qui<br />

devrait faire ressortir chez Guillaume les souvenirs des<br />

combats qu'il a livré à côté de Vivien. Il lui dit le bon franc ce<br />

qui est en rapport avec ces combats et la vaillance de<br />

Guillaume, ce qui fait porter au franc la valeur de «vaillant,<br />

preux».<br />

Vers 1067 Guiburc la franche le servi volenters,<br />

Tant fud od lui qu'il endormi fu,<br />

Puis le comande al cors altisme Deu.<br />

Voici la scène où Guiburc, la femme de Guillaume prépare le lit<br />

de Girard et se comporte de manière très aimable et bonne.<br />

«Tien, dame Guiburc, ço est tun nevou Guischard.<br />

Ja Vivien le cunte vif mes ne verras.»<br />

vers 1290 La franche femme li tendi ses braz,<br />

E il li colchat desus le mort vassal.<br />

vers 1486 Guiburc la franche<br />

l'i tastunad suef...<br />

vers 1755 Mar vi Guiburc, vostre franche moillier,<br />

Qui me soleit faire si matin manger!<br />

vers 2222 «Ahi, Guiburc franche , par la fei que dei Deu,<br />

A cele porte ad un chevaler tel,...»<br />

vers 2406 «N'i mangerunt les fiz de franches meres,<br />

Qui en Larchamp unt les testes colpees.»<br />

Dans les deux dernières occurences franche signifie «noble».<br />

Pour conclure ce chapitre sur l'adjectif qualificatif franc nous<br />

pouvons dire que les occurences de ce mot dans les textes<br />

étudiés sont assez nombreuses (45 en tout). Nous avons<br />

distingué plusieurs valeurs significatives différentes de ce mot,<br />

la plus répandue est celle de «noble, de haut rang, de noble<br />

naissance» qui est lié à la fonction sociale de personnage.<br />

40


Dans ces occurences franc est le plus souvent en position<br />

antéposé au substantif qu'il qualifie, soit en forme de couple<br />

frans om, soit il détérmine un chevalier, baron, borgeis, meisné,<br />

conte ou une femme, moillier. Mais il peut se trouver aussi en<br />

position forte à la fin du vers en tant que substantif li frans<br />

(par exemple vers 2435, 2642 de Courronement de Louis et<br />

autres). On ne trouve pas d'occurence où franc est en position<br />

postposé au substantif.<br />

La valeur de franc est parfois détérminé par sa position en<br />

forme de qualification double quand il est en voisinage d'un<br />

autre adjectif se rapportant au même substantif. C'est le cas<br />

des vers 666 dans la Chanson de Guillaume (le bon franc) ou<br />

encore vers 288 (francs chevalers gentilz). Dans le vers 666<br />

franc signifie vaillant car il caractérise les qualités guerrières<br />

de personnage, dans l'occurence de vers 288 franc signifie<br />

noble, c'est gentil qui est le porteur de «vaillance» grâce à sa<br />

4 2<br />

position forte à la fin du vers.<br />

Dans les textes on trouve aussi franc avec la valeur de «homme<br />

libre» ou encore «honnête, loyal» et «bon, aimable»<br />

42 Voir aussi la note sur ce vers dans le chapitre sur gentil.<br />

41


FRANC<br />

• noble<br />

Couronnement de Louis: vers 602, 1042,1290, 1613, 1669,<br />

1857, 1885, 2041, 2435, 2642<br />

f e m m e : 3 5 1 , 1 2 5 7 , 1 6 6 0<br />

Charroi de Nîmes: 294, 538, 580, 822, 855<br />

Chanson de Guillaume: 46, 70, 105, 192, 279, 288, 483,<br />

• homme libre<br />

592, 731, 1071, 1275, 1496,<br />

1596,1604, 1610, 1695, 2898,<br />

2933, 3332<br />

femme: 2222, 2406<br />

Couronnement de Louis: 325, 669, 2266<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurence<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

• droit, honnête, loyal<br />

Couronnement de Louis: 1805<br />

Charroi de Nîmes: 737<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

• bon, aimable, affable<br />

Couronnement de Louis: 2175, 2232<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurence<br />

Chanson de Guillaume: femme: 1067, 1290, 1486, 1755<br />

• de valeur, preu, vaillant<br />

Couronnement de Louis: 938, 1168<br />

Charroi de Nîmes: 948<br />

Chanson de Guillaume: 666, 895<br />

42


4.3 Gentil<br />

L'adjectif qualificatif gentil vient de latin gentilem «qui<br />

appartient à la gens (gens, gentis), c'est-à-dire au groupe de<br />

tous ceux qui descendent d'un ancêtre commun, puis signifiant<br />

de «bonne race», «bien né», «noble, beau». À la signification<br />

latine originelle «famille» s'est adjointe celle de «supériorité»<br />

(haute naissance) et de là vient signification «noblesse».<br />

La signification de gentil a été étendue du domaine social<br />

(«noble») à celui du comportement, de l'apparence extérieure,<br />

d'où vient la signification générale de valeur.<br />

À partir de XVIIième siècle prédomine (sauf dans le cas de<br />

gentilhomme) la signification de valeur, de sa référence à<br />

4 3<br />

l'apparence, au comportement humain, «amabilité».<br />

Il existe aussi un synonyme gentil qui vient du latin chrétien<br />

gentiles «les païens» figurant dans la Bible. C'était un calque de<br />

hébreu goyim «peuple», que les juifs et les premiers chrétiens<br />

donnaient aux personnes étrangères à leur religion 4 4 .<br />

Le Dictionnaire de l'ancien français de Greimas ne donne que<br />

quatre significations des adjectifs masculins gent et gentil:<br />

1. noble, de bonne race<br />

2. gentil, courtois<br />

3. joli, beau<br />

4. vaillant, généreux<br />

43 D'après ANDRIEUX-REIX, Nelly: Ancien français. Fiches de vocabulaire. Études littéraires.<br />

Paris: PUF, 1987et DAUZAT, Albert, DUBOIS, Jean, MITTERAND, Henri: Dictionnaire<br />

étymologique et historique du français. Paris: Larousse, 1995. 822 p.<br />

44 Le Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Paris:<br />

Dictionnaires Le Robert, 2002. 2949 p. Et DAUZAT, Albert, DUBOIS, Jean, MITTERAND,<br />

Henri: Dictionnaire étymologique et historique du français. Paris: Larousse, 1995. 822 p.<br />

43


Les occurences de gentil dans le Couronnement de Louis sont<br />

les plus nombreuses de tous les textes étudiés:<br />

vers 256 «Hé! Gentilz<br />

cuens, por Deu l'esperitable,...»<br />

vers 272 Vait s'en Guillelmes li gentilz et li ber,<br />

Et Guielins et Bertrans l'aloses;...<br />

vers 380 «Gentilz om , sire, por Deu l'esperitable,...»<br />

vers 444 «...Ainz qu'il i muire tant gentill ome<br />

sage.»<br />

vers 460 «...Ainz que i muire tant gentill ome a armes.<br />

Prenez conseil, gentilz reis de bon aire.»<br />

vers 561 «...Gentilz om , sire, avez tant espleitié?»<br />

vers 907 Li gentilz cuens a choisi le barnage<br />

Qui por lui prïent; fols est se plus se targe.<br />

vers 1207 Li gentilz<br />

cuens, si lassez come il fu...<br />

Li gentilz cuens le prist a araisnier:<br />

vers 1275 «Hé! Gentilz reis, por Deu le dreiturier,...»<br />

vers 1296 «Hé! Gentilz<br />

vers 1340 «...Maint gentill ome<br />

reis, por Deu le dreiturier,...»<br />

vers 1344 Dist l'apostoiles: «Gentilz om<br />

a ci nu le corsage...»<br />

onorables...»<br />

vers 1402 «...Gentilz om , sire, se vos nel secorez.»<br />

vers 1565 «Gentilz om , sire, se j'osasse parler,...»<br />

vers 1576 «...Gentilz om , sire, petit de genz avez<br />

Por lor grant force sofrir ne endurer.»<br />

vers 1658 Fill sa seror, un gentill<br />

vers 1708 Li gentilz<br />

vers 1719 Li gentilz<br />

vers 1724 Li gentilz<br />

chevalier:<br />

clers par la main l'a saisi:<br />

abes l'en a a raison mis:<br />

abes l'en apela premier:<br />

44


vers 1747 Il en apele ses gentilz chevaliers:<br />

vers 1804 «Sire Acelins, nobiles gentilz om ,...»<br />

vers 2060 Mais la se fie li gentilz<br />

vers 2239 Morz est Galafrez, li gentilz<br />

vers 2292 «Hé! Gentilz<br />

chevaliers...<br />

amirez,...<br />

sire, faitez paiz, si m'oiez...»<br />

Aux plusiers vers nous pouvons voir gentil en forme de gentilz<br />

om, ce qui signifie «noble» et cette forme devient plus tard une<br />

forme figée de gentilhomme en français moderne avec la même<br />

signification.<br />

«...Et se i fust Aimeris li guerriers,<br />

vers 571 Vos gentilz pere, qui tant fait a preisier...»<br />

Gentil au vers 571 est suivi de «homme de grande valeur». Pape<br />

parle de père de Guillaume (il s'agit de la scène où pape revient<br />

de la mission où il demandait aux païens de partir sans combat<br />

en leur proposant des richesses de l'église et a vu leur force et<br />

haine) ce qui nous apporte l'information supplémentaire sur le<br />

sens de gentil, qui signifie dans ce cas «vaillant».<br />

Vaillant est aussi le frère de Guillaume, Aïmer.<br />

vers 826 «...Si est mes frere li gentilz Aïmers,<br />

Qui n'entre en loge ne feste chevroné,<br />

Ainz est toz jorz al vent et a l'oré,<br />

Et si detrenche Sarrazins et Esclers;...»<br />

Et Guillaume pendant le combat:<br />

vers 1238 Li gentilz cuens li a tel colp rendu<br />

Que d'ansdous parz a les estriers perduz.<br />

Et quand il remet le pouvoir à son roi Louis, se bat ou doit<br />

secourir le pays ravagé:<br />

vers 1766 Li gentilz<br />

vers 2159 De gentill<br />

Vers 2245 «...Gentilz<br />

cuens par mi les flans l'embrace<br />

ome li presist grant pitié.<br />

om sire, se vos nel secorez.»<br />

45


vers 345 «Hé! Gentilz om , por Deu le dreiturier,<br />

Et car me dites se me porrez aidier.<br />

Le pape demande de l'aide à Guillaume et fait appel à ces<br />

valeurs morales, «la générosité».<br />

Et dans le vers 1356 c'est le puissant roi Guaifier qui remercie<br />

Guillaume pour sa générosité.<br />

vers 1356 «Gentilz om , sire, eü m'avez mestier;<br />

Rescos m'avez des mains as aversiers,...»<br />

vers 320 Et l'apostoiles fu molt gentilz et ber,<br />

Qui se revest por la messe chanter.<br />

Au vers 320 gentil est en coordination avec ber, qui renforce la<br />

valeur de «vaillant» de gentil. C'est la même situation pour les<br />

occurences suivantes:<br />

vers 1390 Et l'apostoiles, qui fu gentilz<br />

vers 1396 Que morz est Charles, li gentilz<br />

et ber,...<br />

et li ber,...<br />

Le Charroi de Nîmes est moins riche en occurences de gentil,<br />

il y en a que onze et deux en forme d'adverbe.<br />

vers 29 Li cuens Guillelmes fu molt gentix<br />

vers 51 Li cuens Guillelmes fu molt gentix<br />

Si ai ge nom Guillelmes Fierebrace,<br />

Filz Aymeri de Nerbone, le saige,<br />

vers 1340 Le gentill conte qui tant a vasselage.<br />

et ber...<br />

et ber...<br />

Dans la plupart des cas gentil signifie «noble, de haute<br />

naissance».<br />

Si t'ai forni maint fort estor champel,<br />

vers 69 Dont ge ai morz maint gentil bacheler...<br />

vers 115 «Gentill mesnie, dit Guillelmes le ber,<br />

Isnelement en alez a l'ostel<br />

Et si vos fetes gentement conraer...<br />

46


vers 312 Del gentill conte dui enfanz remés sont...<br />

vers 323 Del gentill<br />

conte si est remés un fill...<br />

Il s'en ala es prez esbanoier<br />

vers 555 O sa mesnie, le gentill chevalier.<br />

vers 677 Ensemble o lui maint gentil<br />

vers 685 En sa compaigne maint gentil<br />

chevalier.<br />

chevalier.<br />

vers 696 Iluec avoit un gentil chevalier...<br />

En plus des occurences de l'adjectif qualificatif gentil le texte<br />

porte aussi adverbe en forme de gentement au vers 47 et 117<br />

qui signifie «beau» ou plutôt «de belle façon» ce qui convient<br />

mieux stylistiquement, comme nous le présente Claude Lachet<br />

dans sa traduction.<br />

Isnelement alez a vostre ostel,<br />

vers 47 Et si vos fetes gentement conraer,...<br />

La Chanson de Guillaume n'est pas non plus trés abondant en<br />

occurences de gentil, elles sont treize.<br />

vers 288 Alez vus ent, francs chevalers gentilz ,<br />

Car jo ne puis endurer ne suffrir<br />

vers 290 Tant gentil home seient a tort bailli.<br />

vers 402 Une tel preie ne portad mes gentilz<br />

hom,...<br />

vers 434 Unc plus gent home ne mist Jhesu en l'ost<br />

Que fu Girard quant parti de Tidbald.<br />

vers 482 Ces gentilz<br />

vers 2307 Li gentil<br />

homes en unt grant damage.<br />

cunte revint a la cité.<br />

vers 2413 K'i ai perdu mun gentil<br />

vers 2501 Le gentil cunte<br />

parenté.<br />

ne vus chaut a gaber.<br />

47


«Vivïen sire, mar fu, juvente bele,<br />

vers 2002 Tis gentil cors e ta teindre meissele!<br />

Guillaume regrette beaucoup la perte de Vivien, son neveu,<br />

gentil se rapporte au corps de ce dernier qui était tellement<br />

jeune. La signification «noble» de gentil est moins intensive que<br />

dans les cas où il est lié explicitement aux être humains et non<br />

à leur corps et est plutôt en rappport avec la jeunesse et<br />

«beauté» de héros.<br />

Vint a Balçan, lores li trencha la teste;<br />

vers 2163 Quant il l'out mort, gentilment le regrette.<br />

Au vers 2163, quand Guillaume tue son cheval Bauçant afin<br />

qu'aucun Sarrasin ne le monte, il le regrette, il agit de façon<br />

«généreuse», ce qui signifie l'adverbe gentilment.<br />

La même valeur porte gentil au vers 2398:<br />

Puis les regrette cum gentil<br />

home deit faire.<br />

vers 2568 Li quons Willame est prodome e gentil ,<br />

Si ad amé ses pers e ses veisins,<br />

Si socurst les, si les vit entrepris.<br />

Les compagnons de Guillaume veulent l'aider, même si le roi<br />

refuse de lui porter son aide, et ils font appel à sa «bonté» et<br />

«générosité» car il n'a jamais refuser d'aider les autres et de les<br />

secourir.<br />

La distribution des occurences de gentil n'est pas régulière<br />

dans les trois œuvres. Le plus grand nombre d'eux se situe<br />

dans le Courronement de Louis (34 occurences).<br />

Gentil n'accompagne pas seulement les êtres humains (tant<br />

chrétiens que Sarrasins). Ce sont les adverbes gentement qui<br />

qualifient soit la façon selon laquelle vont se parer les<br />

chevaliers (vers 47 et 117 dans le Charroi de Nîmes), ils ont la<br />

fonction des adverbes de manière et nous les avons relevé pour<br />

48


pouvoir prouver une signification différente des adjectifs, soit<br />

ils qualifient le comportement de Guillaume envers son cheval<br />

et son regret (vers 2163 de la Chanson de Guillaume et vers<br />

2398 où il s'agit de l'adjectif gentil avec la même signification).<br />

La position de gentil dans les texte est très différéncié.<br />

Il se trouve le plus souvent antéposé au substantif qualifié<br />

hom/om dans le syntagme gentil om, qui se lexicalisa plus tard<br />

en gentilhomme. Dans ces cas-là gentil a la signification d'une<br />

situation sociale, appartenance de naissance à la noblesse.<br />

Gentil est porteur de la même valeur où il se trouve antéposé<br />

aux substantifs cunte, rei, chevaler, clerc, abé, parenté etc.<br />

Dans plusieurs occurences gentil fait partie d'une qualification<br />

double (li proz e li gentilz, li gentilz et li ber, molt gentix et ber)<br />

comme épithète épique où il joue probablement le rôle<br />

d'intensificateur de sens de qualificateur en voisinnage duquel<br />

il se trouve.<br />

Par exemple dans l'occurence de vers 2568 de la Chanson de<br />

Guillaume nous avons opté pour la signification de «généreux,<br />

bon» car ici on fait appel aux qualités morales de Guillaume.<br />

Dans les occurences des vers 272, 320, 1390, 1396 dans le<br />

Courronement de Louis et vers 29, 51 dans le Charroi de Nîmes<br />

c'est ber qui détérmine gentil et il est ainsi porteur de valeur<br />

«vaillant».<br />

Il y a aussi des occurences de gentil où il est en position<br />

antéposé au substantif qualifié dans les formules<br />

d'interpellation où gentil est plutôt en position proche d'un<br />

introducteur d'apostrophe. Par exemple le vers 256 («Hé!<br />

49


Gentilz<br />

Louis.<br />

cuens, por Deu l'esperitable,...») de Courronement de<br />

Mais il faut tout de même remarquer que sa valeur significative<br />

est affaibli par les nombreux emplois dans les positions<br />

antéposés.<br />

On le trouve aussi dans la position postposé au substantif qu'il<br />

qualifie, comme c'est le cas pour le vers 288 de la Chanson de<br />

Guillaume (francs chevalers gentilz) où gentil est en position<br />

forte à la fin du vers et en plus il est voisinnage de franc<br />

antéposé au chevaler ce qui nous laisse difficilement décider si<br />

gentil a pour fonction plutôt de renforcer la signification de<br />

franc ou s'il s'agit de la situation inverse quand franc renforce<br />

la signification de gentil. Nous nous penchons vers la deuxième<br />

possibilité et nous estimons que la valeur de gentil dans ce<br />

vers est celle qui est en rapport avec ses qualités de chevalier<br />

et il signifie alors «vaillant».<br />

Pour conclure sur gentil nous pouvons dire que les<br />

significations de gentil que nous avons relevé dans les textes<br />

sont très larges et qu'elles sont très différentes de celles que<br />

porte cet adjectif en français moderne et c'est pourquoi il n'est<br />

pas convenable de l'utiliser pour traduire les textes médiévaux.<br />

Nous terminons notre étude de gentil par un petit tableau de<br />

différentes valeurs significatives du mot et leurs occurences<br />

dans les textes:<br />

GENTIL<br />

• noble<br />

50


Courronement de Louis: vers 256, 272, 380, 444, 460, 461,<br />

561, 907, 1274, 1275, 1296,<br />

1340,1565, 1596, 1658, 1708,<br />

1719,1724, 1747, 1804, 2060,<br />

2239, 2292<br />

Charroi de Nîmes: 69, 115, 312, 323, 677, 685, 696<br />

Chanson de Guillaume: 290, 402, 434, 482, 2307, 2413,<br />

• vaillant<br />

2501,<br />

Courronement de Louis: 320, 571, 826, 1238, 1390, 1396,<br />

1766, 2159, 2245<br />

Charroi de Nîmes: 29, 51, 1340<br />

Chanson de Guillaume: 288<br />

• généreux, bon<br />

Courronement de Louis: 345, 1356<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurence<br />

Chanson de Guillaume: 2163, 2398, 2568<br />

• beau, joli, de belle façon<br />

Courronement de Louis: pas d'occurence<br />

Charroi de Nîmes: 47, 117 (adverbe)<br />

Chanson de Guillaume: 2002<br />

51


4.4 Prod/prodom<br />

Pour commencer l'étude de prod/preu et prodom/preudom,<br />

un petit résumé sur son origine et évolution historique avec<br />

l'aide, comme dans les cas des adjectifs précédants, de fiche<br />

sémantique d'Andrieux-Reix et dictionnaire étymologique.<br />

Prod/preu vient de substantif de bas-latin prodis, de latin<br />

populaire prode signifiant «profit, avantage».<br />

En ancien français prod/preu peut être substantif, adjectif ou<br />

adverbe. Substantif dénomme une utilité, un profit ou un<br />

avantage tiré. Employé sans déterminant, preu a une fonction<br />

souvent proche de l'adverbe, il dénomme alors la grande<br />

quantité ou la valeur, ce qui le rapproche de «beaucoup» ou de<br />

«bien».<br />

Adjectif est toujours valorisant, comme vaillant qui en est le<br />

synonyme. Référé à un élément non humain, il en signifie<br />

l'utilité, la qualité en général. Référé à un être humain, il en<br />

signifie la haute qualité de comportement, «au sommet de la<br />

hiérarchie des valeurs morales», il qualifie ce qu'une société<br />

reconnaît comme le meilleur et qui évolue avec les mentalités.<br />

Jusqu'au XIIième siècle environ la valeur signifiée par preu est<br />

essentiellement guerrière et se confond avec le courage aux<br />

armes, preu y entre en séquence avec hardi, combatant, bon<br />

4 5<br />

chevalier, bon guerrier, bon vassal.<br />

À partir de là preu entre aussi en séquence avec une autre<br />

série d'adjectifs: courtois, sage, gentil, franc, bel. C'est là<br />

l'indice d'une transformation de la valeur ainsi dénommée, qui<br />

45 Brucker rajoute au sujet des structures mentales de preu que la pensée médiévale «à la<br />

tendence à tirer le vocabulaire des valeurs morales de celui des valeurs concrètes,<br />

profondèment ancrées dans les réalités de la vie quotidienne». BRUCKER, Charles: Sage et<br />

son réseau lexical en ancien français (des origines au XIIIème siècle). Tome I et II. Lille: Atelier<br />

reproduction des thèses. Université de Lille III, 1979. p. 930.<br />

52


n'est plus seulement la vaillance guerrière, mais une qualité<br />

plus générale de comportement en société: un ensemble de<br />

vertus morales de sagesse, d'honnêteté, de bonté, de<br />

distinction.<br />

Prodom/preudom est probablement issu du syntagme preu<br />

d'ome toujours référé à un être humain, il pouvait être en<br />

ancien français adjectif ou substantif, longtemps équivalent à<br />

l'adjectif prod/preu dans cette même référence. En ancien<br />

français et jusqu'au XVIIième siècle prodom dénomme un<br />

homme de bien dont les caractéristique ont évolué avec les<br />

sociétés.<br />

Greimas donne les significations suivantes de l'adjectifs prod et<br />

du substantif prodom:<br />

prod/preu<br />

1. vaillant, preux<br />

2. sage, vertueux<br />

3. preu de – habile, expert dans<br />

4. bon<br />

prodom/preudom<br />

1. homme de valeur<br />

2. homme probe, sage, loyal<br />

3. homme expert dans tel ou tel domaine<br />

Les mots prod/preu et prodom/preudom figurent dans tous les<br />

trois textes à peu près en même nombre.<br />

En voici l'énumération et l'interprétation sémantique lié à<br />

l'analyse contextuelle.<br />

53


Le Courronement de Louis:<br />

Reis qui de France porte corone d'orange<br />

vers 21 Prodom deit estre et vaillanz de son cors;<br />

Et s'il est om qui li face nul tort,<br />

Ne deit guarir ne a plain ne a bos<br />

De ci qu'il l'ait o recreant o mort:<br />

S'ensi nel fait, donc pert France son los;<br />

Ce dit l'estoire coronez a tort.<br />

L'histoire parle d'abord de roi Charlemagne, le père de roi vi va<br />

être courroné dans cette chanson de geste. Le roi de France<br />

doit être un homme d'une grande valeur humaine et morale, il<br />

ne s'agit pas ici de question des valeurs chevaleresque<br />

puisqu'on parle d'un roi qui gouverne le pays. C'est vaillanz qui<br />

porte en soi le sémème de «bravoure» mais même là on peut<br />

supposer qu'il s'agit d'une bravoure morale. Prodom signifie<br />

alors «valeureux».<br />

Por la justice la povre gent i vait;<br />

Nuls ne s'i claime que tres bon dreit n'i ait.<br />

Donc fist on dreit, mais or nel fait on mais;<br />

A coveitise l'ont torné li malvais;<br />

Por fals loiers remainent li bon plait.<br />

vers 36 Deus est prodom , qui nos governe et paist,<br />

S'en conquerront enfer qui est punais,<br />

Le malvais puiz, dont ne resordront mais.<br />

Tout le passage est construit sur la notion de justice. Brucker<br />

a accordé au prodom la valeur de «homme juste» car il y<br />

intervient la notion de «clairvoyance» qui suppose la possibilité<br />

de discerner le bien du mal, d'autant plus que le terme désigne<br />

Dieu 4 6 .<br />

Dans les occurences suivantes il est affecté au prodom surtout<br />

la valeur militaire de bravoure et de courage qui est encore<br />

plus intensive dans le vers 1819 grâce à l'adverbe merveilles.<br />

46 BRUCKER, Charles: Sage et son réseau lexical en ancien français (des origines au XIIIème<br />

siècle). Tome I et II. Lille: Atelier reproduction des thèses. Université de Lille III, 1979. 1422<br />

p.<br />

54


«Sainte Marie, com ci a bon destrier!<br />

vers 678 Tant par est bons por un prodome aidier<br />

Mei le convient des armes espargnier:...»<br />

vers 1819 «...Li cuens Guillelmes est merveilles prodom ,<br />

Mais encor n'a terre ne guarnison:...»<br />

vers 107 S'il vuelt proz<br />

Delez le rei sist Arneïs d'Orliens,<br />

Qui molt par fu et orgoillos et fiers;<br />

De granz losenges le prist a araisnier:<br />

«Dreiz emperere, faitez paiz, si m'oiez.<br />

Mes sire est jovenes, n'a que quinze anz entiers,<br />

Ja sereit morz quin fereit chevalier.<br />

Ceste besoigne, se vous plaist, m'otreiez,<br />

Tresqu'a treis anz que verrons comment iert.<br />

estre ne ja bons eritiers,<br />

je li rendrai de gré et volentiers,...<br />

Ici encore on parle de futur roi de France et de ses<br />

valeurs.Malgré les apparences (le passage au vers 104) il ne<br />

s'agit pas des valeurs de chevalier mais plutôt d'un héritier de<br />

la courrone du royaume de France et de sa sagesse.<br />

Molt le reguardent paien et aversier;<br />

Dist l'uns a l'altre: «Vei la bel chevalier<br />

vers 609 Et pro et sage, corteis et enseignié;...»<br />

Prod fait partie d'une qualification double à côté de l'adjectif<br />

qualificatif sage et tous les deux sont suivis d'un autre<br />

groupement formé de corteis et enseignié. Prod est porteur des<br />

valeurs chevaleresques, Guillaume est un chevalier «vaillant,<br />

preux» 4 7 .<br />

C'est la même valeur que porte prod dans les vers qui suivent:<br />

«Hé! Bertrans, sire, or del contraleier!<br />

Ja voz contraires ne vos avra mestier,<br />

Que, par l'apostre que requierent palmier.<br />

Je ne laireie por l'or de Montpelier<br />

Que je ne voise el maistre renc premiers<br />

Et i ferrai de l'espee d'acier.»<br />

Quant cil de Rome l'oïrent si plaidier,<br />

vers 1185 Li plus coarz en fu proz et legiers.<br />

Quant li portiers entendi la novele<br />

47 Voir aussi l'article sur le vers 609 de Courronement de Louis dans le chapitre sur l'adjectif<br />

cortois.<br />

55


vers 1601 Del pro Guillelme cui proece revele,<br />

Vers le palais a tornee sa teste,...<br />

vers 1814 «...Va, si me di a Guillelme le pro<br />

Que il otreit ce que li altre font.»<br />

«...J'ai non Guillelme, fill le conte Aimeri,<br />

vers 2517 Cel de Narbone, le preu et le hardi...»<br />

Dans cette dernière occurence de prod dans le Courronement<br />

de Louis celui-ci est suivi d'un synonyme qu'on trouve souvent<br />

à ses côtés dans les textes médiévaux, adjectif hardi<br />

(audacieux, courageux).<br />

Le Charroi de Nîmes:<br />

vers 182 «Looÿs sire, dit Guillelmes li prouz ,<br />

Dont ne te membre du cuvert orgueillous<br />

Qui deffier te vint ci en ta cort?<br />

vers 300 «Sire Guillelmes, dit Looÿs li prouz ,<br />

Or vot ge bien, mautalent avez molt.»<br />

Il est difficile de donner une valeur exacte au prouz<br />

caractérisant le roi Louis qui n'est pas un chevalier (il ne s'agit<br />

pas alors de ses qualités chevaleresques), mais il n'est pas non<br />

plus un homme très vaillant quand à son comportement dans<br />

l'histoire (de la chanson). Brucker a opté pour le sémème<br />

«vénérable» ou «respectable», «ces attributs étant inhérents à la<br />

dignité de roi sacré qui se trouve conférée à la personne de<br />

Louis. Ce sémème s'explique par une transposition de la notion<br />

d'efficacité, de valeur du domaine militaire dans celui du<br />

moral» 4 8 .<br />

vers 309 «...Prenez la terre au preu<br />

conte Foucon;<br />

48 BRUCKER, Charles: Sage et son réseau lexical en ancien français (des origines au XIIIème<br />

siècle). Tome I et II. Lille: Atelier reproduction des thèses. Université de Lille III, 1979. p. 936.<br />

56


Serviront toi trois mile compaignon.»<br />

vers 690 «Ne dites preu , Looÿs respondié.<br />

Molt es preudon Guillelmes le guerrier:<br />

En nule terre n'a meillor chevalier;...»<br />

Le roi Louis, malgré son mauvais comportement envers<br />

Guillaume, le respecte et reconnait ses valeurs devant ceux qui<br />

veulent lui nuire. Dans l'occurence de preu au vers 690 celui-<br />

ci porte la valeur de «bien, sage» ce qui veut dire que le vieil<br />

Aymon ne parle pas d'une façon «bonne» ou «sage». Preu est ici<br />

en fonction de l'adverbe et non d'un adjectif qualificatif. Le roi<br />

Louis parle de Guillaume comme d'un homme «très vaillant,<br />

preux».<br />

Les vaillants chevaliers sont aussi ceux qui ont conquis<br />

l'Espagne.<br />

Seignor, oiez, que Dex vos beneïe,<br />

Li glorïeus, li fiz sainte Marie,<br />

vers 1087 Ceste chançon que ge vos vorrai dire:<br />

vers 1090 ...Mes de preudomes qui Espaigne conquistrent;<br />

vers 1117 «Vez le vos la, cel preudome avenant,<br />

A cel chapel, a cele barbe grant,<br />

Qui a ces autres vet son bon commandant.»<br />

Dient païen: «Marcheant, trop es ber,<br />

Molt par es larges seulement de parler.<br />

vers 1171 S'estes prudom , nos le savrons assez!»<br />

«Voire, dist il, plus que vos ne creez,<br />

Onques ne fui tricherres ne avers;<br />

Li miens avoirs est toz abandonez<br />

A mos amis qui de moi sont privez.»<br />

Guillaume vient d'entrer en ville par la ruse, il se présente<br />

comme un marchand très riche. Mais les païens ne le croient<br />

pas, il ne croient pas en sa loyauté et générosité, ce que<br />

signifie justement le mot prodom c'est-à-dire un homme «loyal<br />

et généreux».<br />

«Par ma foi, sire, mal vos est encontré.<br />

57


De vo charroi ont ja dos bués tué,<br />

Toz les plus beaus que avions amené;<br />

vers 1292 Au prudome erent que avez encontré,<br />

El front devant les avoit on guié....»<br />

Prudome dont parle à Guillaume est un villain, celui qui a aidé<br />

Guillaume en lui prêtant ces bêtes. Il s'agit alors de ces<br />

qualités morale et de respect qu'il suscite. C'est le même cas<br />

pour Guillaume-marchand dont on parle les païens au vers<br />

1117.<br />

La Chanson de Guillaume:<br />

Toutes les occurences de prod et prodom dans ce texte ont la<br />

valeur de «vaillant» ou «preux» et désignent seulement les<br />

chevaliers.<br />

Mais sovent se cunbati a la gent païenur,<br />

Si perdi de ses homes les meillurs,<br />

vers 8 E sun nevou, dan Vivïen le preuz ,<br />

Pur qui il out tut tens al quor grant dolur.<br />

vers 450 Li pruz Vivien ses baruns en apele:<br />

«Ferez, seignurs, od voz espees beles!...»<br />

«...E de Charlemaigne e de Rollant, sun nevou,<br />

vers 1269 De Girard de Viane e de Oliver, qui fu tant prouz ;<br />

Cil furent si parent e sis ancesur.<br />

vers 1271 Preuz est mult, e pur ço l'aime mun seignur,<br />

E pur sul itant qu'il est si bon chanteur<br />

E en bataille vassal conquereür,<br />

Si l'en aporte mun seignur de l'estur.»<br />

Del feu se dresce un suen nevou, dan Gui;<br />

Cil fud fiz Boeve Cornebut le marchis,<br />

vers 1438 Neez de la fille al prouz cunte Aemeris,...<br />

vers 1710 Butifer li prouz<br />

e li forz Garmais...<br />

vers 2134 Li Sarazin Alderufe fu hardiz e prouz ,<br />

Chevaler bon, si out fere vertuz,...<br />

Li quons Willame chevalche par grant ferté,<br />

58


vers 2177 Cum prouz quons de grant nobilité,...<br />

vers 2363 «Par ma fei, dame, dedenz i fu cum prouz .»<br />

vers 3180 Ja le socurad Willame le prouz<br />

vers 3268 Reneward fud mult prouz<br />

e sené;<br />

cunte;<br />

Premerement si ferirent en la pointe<br />

vers 336 Cunmunalment ensemble li prodome :<br />

Le plus hardi n'i solt l'em conuistre.<br />

vers 381 Uncore hui l'averad mult prozdome<br />

a la gule!<br />

«Ultre, lechere, pris as mortel hunte;<br />

Ne t'avanteras ja a Tedbald, tun uncle,<br />

vers 425 Si tu t'en fuies, n'i remeint prodome .<br />

N'aatiras ja Willame le cunte,<br />

vers 427 Ne Vivïen, sun neveu, ne nul altre prodome ,...»<br />

Respunt li quons: «Tais, Girard, bels amis!<br />

Vers 464 Par vostre lange ne seit prodome honiz.»<br />

vers 648 Mais ore l'ad un mult prodome a la gule.<br />

Vers 923 Ço fu damage quant si prodome chet.<br />

Trente paiens devalerent d'un munt,<br />

En trente lius nafrerent le barun,<br />

vers 1182 Crië et husche le «Aïe!» de prodom .<br />

Pour conclure notre étude sur prod/preu et prodom nous<br />

pouvons dire que dans les trois chansons de geste leurs<br />

significations restent dans le domaine soit des valeurs<br />

militaires et chevaleresques (vaillant, preux), soit dans le<br />

domaine des valeur sociales et morales (homme de valeur,<br />

respectable, vénérable, loyal, généreux, juste).<br />

Ils se refère le plus souvent aux personnes nobles, aux<br />

chevaliers, mais aussi au roi (vers 300 dans le Charroi de<br />

Nîmes), à Dieu (vers 36 dans le Courronement de Louis) ou aux<br />

vilains (marchand-Guillaume au vers 1171 dans le Charroi de<br />

59


Nîmes).<br />

Prod/preu et se trouvent soit en position antéposée au<br />

substantif qualifié (comme par exemple dans le vers 1438<br />

prouz<br />

cunte Aemeris dans la Chanson de Guillaume), en tout six<br />

occurences dans le trois textes, mais on le trouve plus souvent<br />

dans la position postposée au substantif, des fois à la fin des<br />

vers. Prod/preu est aussi inclus dans la syntagme de<br />

comparaison accompagné ainsi de mot cum (vers 2177 et 2363<br />

dans la Chanson de Guillaume).<br />

Prodom se trouve souvent dans la position de nom, de<br />

substantif lui-même (par exemple le vers 678 dans le<br />

Courronement de Louis) accompagné d'un détérminant, mais on<br />

le trouve aussi en tant que l'adjectif qualificatif (vers 691 dans<br />

le Charroi de Nîmes).<br />

La valeur de prod/preu est intensifié par les adverbes molt, si<br />

ou merveilles (vers 648, 923, 1271 dans la Chanson de<br />

Guillaume), celle de prodom par mult (vers 1271).<br />

Prod/preu est aussi intégré dans les qualifications doubles, soit<br />

avec un synonyme (hardiz e prouz, le preu et le hardi), soit avec<br />

un adjectif d'un autre domaine de qualités morales (pro et<br />

sage, prouz e sené).<br />

Les valeurs de prod/preu et prodom sont le plus souvent<br />

associés à celle de «vaillant, preux», surtout en ce qui concerne<br />

la Chanson de Guillaume où toutes les occurences se rélévent<br />

pour nous affectés de cette valeur. Les autres valeurs sont<br />

moins nombreuses.<br />

Voici le petit tableau:<br />

60


PROD/PREU<br />

• vaillant, preux<br />

Courronement de Louis: vers 609, 1185, 1609, 1814, 2517<br />

Charroi de Nîmes: 182, 309<br />

Chanson de Guillaume: 8, 450, 1269, 1271, 1438, 1710,<br />

• homme de valeur<br />

Courronement de Louis: 107<br />

2177, 2363, 3180<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurence<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

• respectable, vénérable<br />

Courronement de Louis: pas d'occurence<br />

Charroi de Nîmes: 300<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

PRODOM<br />

• vaillant, preux<br />

Courronement de Louis: 678, 1819<br />

Charroi de Nîmes: 691, 1090<br />

Chanson de Guillaume: 336, 381, 425, 427, 464, 648,<br />

• valeureux<br />

Courronement de Louis: 21<br />

923, 1182<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurence<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

• homme juste<br />

Courronement de Louis: 36<br />

Charroi de Nîmes: pas d'occurence<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

• homme respectable<br />

61


Courronement de Louis: pas d'occurence<br />

Charroi de Nîmes: 1117, 1292<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

• loyal, généreux<br />

Courronement de Louis: pas d'occurence<br />

Charroi de Nîmes: 1171<br />

Chanson de Guillaume: pas d'occurence<br />

62


5 CONCLUSION<br />

Au cours de notre étude nous avons sémantiquement<br />

intérprété quatre qualifications laudatives et nous avons, à<br />

partir de cette interprétation, présentés leurs équivalents<br />

sémantiques à la fin de l'étude de chacun de ces mots.<br />

Il est impossible de faire une étude sémantique de vocabulaire<br />

sans avoir connu la situation culturelle et contextuelle des<br />

mots étudiés. C'est pourquoi nos premiers pas menaient vers<br />

une étude littéraire de genre (chanson de geste), mais aussi<br />

vers les connaissances culturelles (surtout sociales et morales)<br />

de l'époque à laquelle se rapportent les textes mais aussi les<br />

personnages littéraires (ou historiques). Ces connaissances<br />

nous ont été de grande aide dans l'étude sémantique suivante,<br />

malgré le fait que leur quantité n'a pas été suffisante.<br />

Notre interprétation sémantique a été souvent mené par<br />

l'analyse contextuelle des mots étudiés ce qui pouvait situer<br />

nos résultats plus vers le subjectivisme.<br />

Les différents équivalents sémantiques que nous avons<br />

présentés attestent le caractère polysémique des mots. Les<br />

quatres laudatives font souvent partie des couples<br />

synonymique avec les autres lexèmes étudiés ce qui ne facilite<br />

pas leur étude sémantique.<br />

Notre étude n'avait pas pour but de trouver les équivalents<br />

pour pouvoir traduire les textes anciens. Les équivalents<br />

sémantiques devraient nous aider dans la traduction de<br />

manière de trouver le sens le plus exacte possible. Nous<br />

sommes conscients de fait qu'il est impossible de traduire les<br />

chansons de geste sans avoir recours aux équivalents moins<br />

exactes mais qui sont plus favorables aux conditions<br />

63


syntaxiques et stylistiques des textes.<br />

Il faudrait continuer dans notre travail et élargir notre étude<br />

sur plus de lexèmes. Cette étude pourrait ainsi mener vers une<br />

traduction entière d'une chanson de geste ou encore, vers une<br />

traduction en slovaque car ces textes médiévaux ne sont pas<br />

encore traduit en slovaque et ne sont pas non plus très connus<br />

par le public slovaque.<br />

64


6 BIBLIOGRAPHIE<br />

6.1 Les œuvres littéraires<br />

1. Chanson de Guillaume. Edition bilingue de François SUARD.<br />

Paris: Classique Garnier, 1999.<br />

2. Charroi de Nîmes. Chanson de geste du XIIème siècle. Editée<br />

par J.-L. PERRIER. Paris: Librairie Honoré Champion, 1974.<br />

3. Charroi de Nîmes. Chanson de geste anonyme du XIIème<br />

siècle. Traduite par Fabienne GEGOU. Paris: Librairie Honoré<br />

Champion, 1974.<br />

4. Charroi de Nîmes. Edition bilinque de Claude LACHET. Paris:<br />

Gallimard, 1999.<br />

5. Couronnement de Louis. Chanson de geste du XIIème siècle.<br />

Editée par Ernest LANGLOIS. Paris: Librairie Honoré<br />

Champion, 1968.<br />

6. Couronnement de Louis. Chanson de geste du XIIème siècle.<br />

Traduite par André LANLY. Paris: Librairie Honoré Champion,<br />

1971.<br />

6.2 Les œuvres théoriques<br />

1. ANDRIEUX-REIX, Nelly: Ancien français. Fiches de<br />

vocabulaire. Etudes littéraires. Paris: PUF, 1987.<br />

2. BEDIER, Joseph: Les légendes épiques. Tome I, Le Cycle de<br />

Guillaume d'Orange. Paris: Champion, 1914. 464 p.<br />

3. BRUCKER, Charles: Sage et son réseau lexical en ancien<br />

français (des origines au XIIIème siècle). Tome I et II. Lille:<br />

Atelier reproduction des thèses. Université de Lille III, 1979.<br />

65


1422 p.<br />

4. COUTY, Daniel: Histoire de la littérature française. Paris:<br />

Bordas, 2002.<br />

5. DUPRONT, A.: Sémantique historique et histoire. In: Cahiers<br />

de lexicologie. Volume XIV, 1, 1969. Paris: Didier-Larousse.<br />

pp. 15-25.<br />

6. FLORI, Jean: Chevaliers et chevalerie au Moyen âge. Paris:<br />

Hachette, 1998. 303 p.<br />

7. FRAPPIER, Jean: Les chansons de geste du cycle de Guillaume<br />

d'Orange. I. - La Chanson de Guillaume, Aliscans, La<br />

Chevalerie Vivien. Paris: SEDES, 1955. 310 p.<br />

8. GUIDOT, Bernard: Recherches sur la chanson de geste au<br />

XIIème siècle. Tome I. Université de Provence, 1986.<br />

9. HOLLYMAN, K.-J.: Le développement du vocabulaire féodal en<br />

France pendant le Haut Moyen-Âge (etude sémantique).<br />

Genève: Librairie E. Droz, 1957.<br />

10.LAVIS, Georges: L'expression de l'affectivité dans la poésie<br />

lyrique française du Moyen-Âge (12°-13°siècle). Etude<br />

sémantique et stylistique du réseau lexical joie-dolor. Paris:<br />

Bibliothéque de la Faculté de Philosophie et Lettres de<br />

l'Université de Liège. Fascicule CC, 1972. 627 p.<br />

11.PICOCHE, Jacqueline: Le vocabulaire psychologique dans les<br />

Chroniques de Froissart. Paris: Klincksieck, 1976. 238 p.<br />

12.SUARD, François: La chanson de geste. Paris: PUF, 1993.<br />

127 p.<br />

6.3 Les dictionnaires et autres<br />

1. ARRIVE, Michel, BLANCHE-BENVENISTE, Claire,<br />

CHEVALIER, Jean-Claude, PEYTARD, Jean: Grammaire du<br />

66


français contemporain. Paris: Larousse, 1997.<br />

2. DAUZAT, Albert, DUBOIS, Jean, MITTERAND, Henri:<br />

Dictionnaire étymologique et historique du français. Paris:<br />

Larousse, 1995.<br />

3. DUCROT, Oswald, SCHAEFFER, Jean-Marie: Nouveau<br />

dictionnaire encyclopédique des sciences du langage. Paris:<br />

Editions du Seuil, 1995.<br />

4. GREIMAS, Algirdas Julien: Dictionnaire de l'ancien français.<br />

Paris: Larousse, 2004.<br />

5. MOIGNET, Gérard: Grammaire de l'ancien français.<br />

Morphologie-Syntaxe. Paris: Klincksieck, 2002.<br />

6. LE PETIT ROBERT. Dictionnaire alphabétique et analogique de<br />

la langue française. Paris: Dictionnaires Le Robert, 2002.<br />

7. NIKLAS-SALMINEN, Aïno: La lexicologie. Paris: Armand Colin,<br />

1997.<br />

8. POLGUERE, Alain: Lexicologie et sémantique lexicale. Notions<br />

fondamentales. Montréal: Les Presses de l'Université de<br />

Montréal, 2003.<br />

67

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