Lire le dossier de presse - Guyaweb
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Mariel<strong>le</strong> LEDY<br />
Résumé :<br />
En 1934, Aimé Césaire, écrivain martiniquais, emploie <strong>le</strong> mot “ négritu<strong>de</strong> ” dans un<br />
artic<strong>le</strong> rédigé pour la revue “ L’étudiant noir ” intitulé “ Nègrerie ”. Il définit la<br />
“ négritu<strong>de</strong> ” comme étant “ la simp<strong>le</strong> reconnaissance du fait d’être Noir, et<br />
l’acceptation <strong>de</strong> ce fait, <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> Noir, <strong>de</strong> notre histoire et <strong>de</strong> notre culture ”.<br />
À travers <strong>le</strong>urs œuvres, Aimé Césaire, l’écrivain guyanais Léon Gontran Damas et<br />
l’écrivain sénégalais Léopold Sédar Senghor, tentent <strong>de</strong> faire prendre conscience à la<br />
population noire <strong>de</strong> la va<strong>le</strong>ur <strong>de</strong> la “ négritu<strong>de</strong> ”. Mais la majorité <strong>de</strong> la population<br />
créo<strong>le</strong> guyanaise n’est pas intéressée par ces écrits. À ce propos, l’historien Rodolphe<br />
A<strong>le</strong>xandre (1995) rappel<strong>le</strong> que, dans <strong>le</strong>s années 1940, L.G. Damas était surnommé<br />
“ Gro Tèt ” (grosse tête) et “ animait toute une politique culturel<strong>le</strong> pour réhabiliter<br />
l’ancêtre africain ” dans l’indifférence généra<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> la population<br />
guyanaise et particulièrement <strong>de</strong> l’élite (op. cit. : 107-108).<br />
C’est après 1970 3 que <strong>le</strong>s Créo<strong>le</strong>s, représentant la majorité <strong>de</strong> la population, se<br />
sont intéressés à <strong>le</strong>urs origines africaines. C’est une pério<strong>de</strong> marquée par <strong>le</strong>ur<br />
investissement dans tout l’espace culturel et politique laissé libre par la France : “ <strong>le</strong>s<br />
Créo<strong>le</strong>s [peup<strong>le</strong>nt] ainsi exclusivement <strong>le</strong>s municipalités (…), <strong>le</strong> Conseil Général, <strong>le</strong><br />
Conseil Régional, <strong>le</strong>s assemblées consulaires, <strong>le</strong>s syndicats et <strong>le</strong>s partis politiques. En<br />
<strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s métropolitains, ils [sont] éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s seuls à exercer dans <strong>le</strong>s emplois<br />
administratifs, l’armée et la police. Ils [constituent] la gran<strong>de</strong> masse <strong>de</strong>s<br />
consommateurs ” (Mam-Lam-Fouck, 1992 : 379).<br />
Sur <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> du mouvement <strong>de</strong> la négritu<strong>de</strong>, cette classe politique créo<strong>le</strong><br />
associe <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> noir d’Amérique et d’Afrique pour faire émerger une i<strong>de</strong>ntité<br />
guyanaise. Ainsi, l’assimilation <strong>de</strong> la civilisation européenne est considérée comme<br />
une source d’aliénation et une négation <strong>de</strong> la vraie personnalité guyanaise (op. cit. :<br />
372). La culture créo<strong>le</strong> dans son ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong>vient synonyme <strong>de</strong> culture guyanaise par<br />
excel<strong>le</strong>nce. Dans la vie quotidienne, la langue créo<strong>le</strong> est, avant <strong>le</strong> français, la langue<br />
<strong>de</strong> communication utilisée entre groupes linguistiques différents. Selon S. Mam-Lam-<br />
Fouck, <strong>le</strong>s jeunes intègrent <strong>le</strong>s groupes folkloriques, <strong>le</strong>s enseignants et <strong>le</strong>s lycéens<br />
réclament l’introduction <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la Guyane dans <strong>le</strong>s programmes scolaires.<br />
D’autres enseignants proposent <strong>de</strong>s cours en créo<strong>le</strong> (op. cit. : 382-383).<br />
À propos du concept <strong>de</strong> négritu<strong>de</strong>, J-L. Bonniol (1992), met en évi<strong>de</strong>nce que<br />
“ce «retournement» se situe en fait dans <strong>le</strong> schéma <strong>de</strong> pensée racial traditionnel, qu’il<br />
contribue à reproduire en inversant <strong>le</strong>s termes <strong>de</strong> polarisation. (…) Apparaissent<br />
exclues toutes <strong>le</strong>s conduites qui subvertiraient l’ordre racial : <strong>le</strong>s i<strong>de</strong>ntités coloristes<br />
semb<strong>le</strong>nt aussi actives du côté <strong>de</strong>s anciens dominés que <strong>de</strong>s dominants ; <strong>le</strong>s positions<br />
« négristes » respectent par là la syntaxe « idéo-logique » ” (op. cit. : 96).<br />
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