Coup de chaleur d'exercice - Urgence Pratique
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Laurent BARGUES - Thierry VILLEVIEILLE - Christian GODREUIL - Isabelle<br />
ROUQUETTE - Jean-Marie ROUSSEAU<br />
<strong>Coup</strong> <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> d’exercice<br />
Le coup <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> d’exercice représente une pathologie<br />
secondaire à une activité physique intense et prolongée<br />
qu'il convient <strong>de</strong> distinguer du coup <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> classique<br />
qui survient en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> tout effort. La précocité du<br />
diagnostic clinique et la mise en œuvre <strong>de</strong> mesures<br />
thérapeutiques simples par les équipes préhospitalières<br />
conditionnent le pronostic.<br />
DÉFINITION<br />
Le <strong>Coup</strong> <strong>de</strong> Chaleur d’Exercice (CCE) ou hyperthermie maligne d’effort se définit comme<br />
une élévation extrême <strong>de</strong> la température centrale suite à un travail musculaire intense,<br />
responsable d’une altération <strong>de</strong>s métabolismes cellulaires et <strong>de</strong> souffrance ischémique<br />
<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s fonctions pouvant conduire au syndrome <strong>de</strong> défaillance multiviscérale.<br />
ÉPIDÉMIOLOGIE<br />
Le CCE a souvent été décrit en milieu militaire (1) et <strong>de</strong> nombreux cas cliniques ont été<br />
rapportés dans la littérature (2). Dans les armées françaises, le recueil épidémiologique<br />
<strong>de</strong>s CCE est effectif <strong>de</strong>puis 1989 (200 cas <strong>de</strong> 1989 à 1995) et a permis <strong>de</strong> constater une<br />
baisse <strong>de</strong> la mortalité <strong>de</strong> 20% à 5% (3). Les armées étrangères réalisent également <strong>de</strong>s<br />
analyses précises <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> CCE (4).<br />
Malgré les mesures préventives, les équipes préhospitalières peuvent être confrontées
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au CCE avec le développement <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> plein air, <strong>de</strong>s sports extrêmes (triathlon,<br />
raid) et <strong>de</strong>s compétitions <strong>de</strong> masse (marathon, semi-marathon).<br />
L’épidémiologie du coup <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> classique lors <strong>de</strong>s vagues <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> estivale est<br />
beaucoup mieux connue (5).<br />
PHYSIOPATHOLOGIE<br />
MÉCANISMES :<br />
Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont été évoqués pour expliquer la survenue<br />
d’un CCE (6). Trois mécanismes, isolés ou associés, peuvent expliquer son apparition :<br />
une dysfonction du Système Nerveux Central (SNC), un déséquilibre <strong>de</strong> la balance<br />
énergétique <strong>de</strong> l’organisme, une dysfonction musculaire.<br />
Dysfonction du SNC :<br />
L’hypothalamus antérieur contrôle la thermogenèse et la thermolyse. Une incompétence<br />
<strong>de</strong> ce centre régulateur surviendrait en ambiance chau<strong>de</strong> et à l’effort. Cette faillite du<br />
centre régulateur contrôlant les mécanismes <strong>de</strong> défense serait à l’origine d’une élévation<br />
<strong>de</strong> la température centrale.<br />
Déséquilibre <strong>de</strong> la balance énergétique :<br />
La balance énergétique repose sur un équilibre entre la production et l’élimination <strong>de</strong><br />
<strong>chaleur</strong>. L’organisme produit <strong>de</strong> l’énergie par le métabolisme <strong>de</strong> base, le travail<br />
musculaire (220 W / m2 / heure pour une marche, 900 W / m2 / heure pour un<br />
marathon) et reçoit une charge thermique externe proportionnelle à la température<br />
extérieure. L’enveloppe cutanée élimine <strong>de</strong> l’énergie par convection (transfert <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong><br />
par contact) et radiation (transfert <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> sans contact) seulement si la température<br />
<strong>de</strong> la peau est supérieure à la température extérieure. Cependant, <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong> CCE ont<br />
été décrits dans <strong>de</strong>s ambiances thermiques tempérées (2). La sudation élimine <strong>de</strong>s<br />
calories si l’hygrométrie est inférieure à 75% et si <strong>de</strong>s vêtements imperméables<br />
n’entravent pas l’évaporation. Tout déséquilibre important entre la thermogenèse et la<br />
thermolyse peut conduire au CCE.<br />
Dysfonction musculaire :<br />
Une anomalie structurelle ou enzymatique du muscle strié peut être responsable d’un<br />
métabolisme musculaire excessif à l’effort. Le muscle est alors le siège d’une production<br />
excessive <strong>de</strong> calories puis d’une <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> son architecture (rhabdomyolyse). Des<br />
similitu<strong>de</strong>s physiopathologiques ont été retrouvées entre le CCE et l’hyperthermie<br />
maligne anesthésique : un patient sur <strong>de</strong>ux victime d’un CCE présente une myopathie<br />
infraclinique avec <strong>de</strong>s tests <strong>de</strong> contracture musculaire (halothane et caféïne)<br />
pathologiques (7). Ces mala<strong>de</strong>s sont suseptibles <strong>de</strong> développer une hyperthermie<br />
maligne peranesthésique et ne doivent pas être exposés aux anesthésiques volatils<br />
halogénés ou à la succinylcholine (8).<br />
CONSÉQUENCES<br />
Cette « intoxication calorique » qui définit le CCE va avoir <strong>de</strong>s conséquences sur la<br />
cellule : baisse <strong>de</strong> l’activité mitochondriale et <strong>de</strong>s synthèses protéiques, arrêt <strong>de</strong>s<br />
divisions cellulaires, production <strong>de</strong>s « heat stroke proteins » visant à protéger la cellule<br />
<strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s l’hyperthermies.<br />
Les circulations régionales vont être le siège <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s modifications <strong>de</strong>s débits :<br />
• élévation du débit sanguin musculaire et cutané.<br />
• réduction <strong>de</strong>s débits sanguins splanchniques et rénaux responsable <strong>de</strong>s tableaux<br />
cliniques d’ischémie hépatique (insuffisance hépato-cellulaire), d’ischémie digestive<br />
(diarrhées, translocation) et d’insuffisance rénale.<br />
Le syndrome <strong>de</strong> défaillance multiviscérale (apparaissant malgré la correction rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> la
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température centrale) peut être expliqué par la participation <strong>de</strong> médiateurs plasmatiques<br />
(cytokines pro-inflammatoires) (9,10). Ces médiateurs sont aussi retrouvés dans d'autres<br />
situations pathologiques graves (sepsis, choc septique, syndrome inflammatoire <strong>de</strong><br />
réponse systémique ou SIRS).<br />
PRÉSENTATION CLINIQUE<br />
CIRCONSTANCES DE SURVENUE :<br />
Le CCE survient lorsque <strong>de</strong>s facteurs favorisants sont réunis. Ces facteurs <strong>de</strong> risque<br />
sont essentiellement :<br />
• physiques (épreuve intense, course prolongée),<br />
• climatiques (température élevée, hygrométrie > 75%, absence <strong>de</strong> vent),<br />
• personnels (myopathie infraclinique, obésité, absence d’acclimatation, défaut<br />
d’entraînement, déshydratation),<br />
• psychologiques (surmotivation, stress, fatigue),<br />
• vestimentaires (vêtements imperméables, tenues <strong>de</strong> combat <strong>de</strong>s militaires),<br />
• pharmacologiques (alcool ou prise <strong>de</strong> médicaments modifiant la sudation et le système<br />
nerveux autonome : anticholinergiques, neuroleptiques, phénothiazines, antidépresseurs<br />
tricycliques, vasoconstricteurs, antihistaminiques).<br />
PRODROMES :<br />
Dans 20% <strong>de</strong>s cas, <strong>de</strong>s signes cliniques mineurs font suspecter la survenue prochaine<br />
d’un CCE. Ces signes d’alerte sont à bien connaître <strong>de</strong>s organisateurs <strong>de</strong> compétitions<br />
sportives et <strong>de</strong>s secouristes : anomalies du comportement, agressivité, hébétu<strong>de</strong>,<br />
démarche ébrieuse, asthénie et soif intenses, nausées et vomissements, crampes<br />
musculaires.<br />
A ce sta<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s mesures thérapeutiques simples (hydratation, protection du soleil,<br />
création d’un courant d’air) et l’arrêt immédiat <strong>de</strong> l’effort peuvent éviter l’évolution<br />
dramatique vers le CCE.<br />
SIGNES CLINIQUES :<br />
Le diagnostic clinique est facilité par une symptomatologie très spectaculaire et<br />
caractéristique survenant au cours <strong>de</strong> l’effort. L’association d’une détresse neurologique,<br />
d’une détresse cardio-vasculaire, d’une hyperthermie et <strong>de</strong> signes musculo-cutanés est<br />
habituelle.<br />
Détresse neurologique :<br />
Une perte <strong>de</strong> connaissance à l’effort est habituelle, suivie d’un coma <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur<br />
variable. Des convulsions généralisées non spécifiques accompagnent les troubles <strong>de</strong><br />
conscience. L’examen neurologique peut difficilement mettre en évi<strong>de</strong>nce un syndrome<br />
cérébelleux (structure cérébrale particulièrement sensible à l’hyperthermie) ou un<br />
syndrome méningé.<br />
Détresse cardio-vasculaire :<br />
La présence d’un état <strong>de</strong> choc <strong>de</strong> nature hypovolémique est constante : hypotension<br />
artérielle (PA systolique < 80 mmHg) et élargissement <strong>de</strong> la différentielle, tachycardie et<br />
pouls périphériques bondissants.<br />
Hyperthermie :<br />
La température centrale lors du ramassage est classiquement supérieure à 40°C,<br />
pouvant atteindre <strong>de</strong>s valeurs extrêmes (42°C). La durée <strong>de</strong> cette hyperthermie est en<br />
rapport direct avec le pronostic. Des chiffres <strong>de</strong> température rectale moins élevés au<br />
moment <strong>de</strong> la prise en charge préhospitalière (38°C à 40°C) ne doivent pas cependant<br />
éliminer le diagnostic <strong>de</strong> CCE.<br />
Signes musculo-cutanés :
4 sur 8<br />
L’examen cutané retrouve classiquement une anhydrose avec <strong>de</strong>s téguments brûlants,<br />
chauds, secs, colorés (cyanose et pétéchies). Un pli cutané très net signe la<br />
<strong>de</strong>shydratation. A la phase précoce, on observe plus souvent <strong>de</strong>s sueurs profuses qui<br />
précé<strong>de</strong>nt l’anhydrose.<br />
L’examen musculaire découvre <strong>de</strong>s masses musculaires tendues, douloureuses,<br />
hypertoniques à la palpation. Les loges musculaires sont le siège d’un œdème et d’une<br />
rhabdomyolyse.<br />
Le tableau clinique <strong>de</strong> coma fébrile (souvent convulsif) avec état <strong>de</strong> choc et hyperthermie<br />
extrême peut être complété par <strong>de</strong>s signes digestifs (vomissements, diarrhée par<br />
ischémie colique) et rénaux (oligo-anurie, rares urines <strong>de</strong> couleur « huile <strong>de</strong> vidange »<br />
par rhabdomyolyse).<br />
SIGNES PARACLINIQUES :<br />
Les examens biologiques sanguins mettent en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s signes marqués <strong>de</strong><br />
déshydratation extracellulaire : insuffisance rénale fonctionnelle (élévation <strong>de</strong> urée et<br />
créatinine, hyperosmolarité urinaire), hémoconcentration (hyperosmolarité plasmatique,<br />
hyperprotidémie et élévation <strong>de</strong> hématocrite), pertes cutanées d’ions (hypokalièmie,<br />
hyponatrémie ou normonatrémie, rarement hypernatrémie avec déshydratation<br />
intracellulaire). La gazométrie artérielle montre une acidose métabolique <strong>de</strong> type lactique<br />
(pH < 7,3, élévation <strong>de</strong>s lactates plasmatiques, bicarbonates plasmatiques abaissés).<br />
Les taux plasmatiques <strong>de</strong>s enzymes musculaires (myoglobine, CPK-MM) sont<br />
constamment élevés. Une cytolyse hépatique (ASAT, ALAT, hyperbilirubinémie plus<br />
tardive) signe une ischémie mésentérique.<br />
L’électrocardiogramme peut découvrir <strong>de</strong>s troubles non spécifiques <strong>de</strong> la repolarisation,<br />
en rapport avec l’hypokaliémie.<br />
FORMES CLINIQUES :<br />
La forme clinique classique décrite ci-<strong>de</strong>ssus reste la plus fréquente. De nombreux cas<br />
cliniques décrivent une présentation sémiologique différente dominée par l’ischémie<br />
mésentérique et l’insuffisance hépato-cellulaire (élévation majeure <strong>de</strong>s transaminases,<br />
baisse du taux <strong>de</strong> prothrombine, hyperbilirubinémie) (11). Dans ces formes cliniques<br />
graves où une insuffisance hépatique complique le CCE, <strong>de</strong>s transplantations<br />
hépatiques ont parfois été réalisées.<br />
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL<br />
Face à un tableau clinique évocateur <strong>de</strong> CCE, il faut éliminer les autres pathologies<br />
survenant à l’effort ou en ambiance chau<strong>de</strong>.<br />
LES CRAMPES MUSCULAIRES :<br />
Les crampes, compliquant un effort important quelles que soient les conditions<br />
climatiques, sont expliquées par un épuisement musculaire avec métabolisme anaérobie<br />
et production <strong>de</strong> lactates. La température centrale est normale et les signes cliniques<br />
sont exclusivement musculaires.<br />
L’ÉPUISEMENT :<br />
Il s’agit d’un état avancé <strong>de</strong> déshydratation par perte <strong>de</strong> sels minéraux et d’eau,<br />
compliquant un effort inhabituel chez <strong>de</strong>s sujets non acclimatés en zone chau<strong>de</strong>.<br />
L’hypotension artérielle orthostatique avec perte <strong>de</strong> connaissance, l’hypoglycémie, la soif<br />
intense (déshydratation intracellulaire) ou les vomissements (hyperhydratation<br />
intracellulaire) sont habituels. La température centrale s’élève modérément (< 38,5°C).
5 sur 8<br />
LES ACCIDENTS CARDIO-VASCULAIRES ET NEUROLOGIQUES :<br />
Différentes pathologies peuvent apparaître au cours d’un effort sportif :<br />
La rupture d’un anévrysme cérébral apparaît cliniquement comme un coma <strong>de</strong><br />
profon<strong>de</strong>ur variable avec signes <strong>de</strong> localisation, initialement non fébrile. L’installation<br />
brutale et le syndrome méningé orientent vers ce diagnostic.<br />
Les troubles du rythme ventriculaire compliquant une cardiomyopathie obstructive,<br />
l’ischémie coronarienne avec tachycardie ventriculaire ou l’infarctus du myocar<strong>de</strong><br />
s’installent volontiers au décours d’un exercice sportif (décharge catécholaminergique et<br />
augmentation <strong>de</strong> la consommation d’oxygène du myocar<strong>de</strong>).<br />
L’INSOLATION :<br />
L’insolation est une charge thermique externe sur l’enveloppe cutanée, par radiation<br />
solaire et convection. Les signes neurologiques et musculaires sont absents. L’élévation<br />
isolée <strong>de</strong> la température centrale peut atteindre 40°C.<br />
LE COUP DE CHALEUR CLASSIQUE :<br />
Il atteint les enfants en bas age et les vieillards, ayant <strong>de</strong>s moyens limités <strong>de</strong> dispersion<br />
<strong>de</strong> la <strong>chaleur</strong>. Apparaissant au repos lors <strong>de</strong>s vagues <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong>, cette hyperthermie a<br />
une présentation clinique proche du CCE (détresses neurologiques et cardiovasculaires)<br />
et évolue également en absence <strong>de</strong> traitement vers le syndrome <strong>de</strong> défaillance<br />
multiviscérale. La présence d'un infection bactérienne ou virale patente au moment <strong>de</strong><br />
l'admission est retrouvée chez 57% <strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s hospitalisés pour coup <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong><br />
classique (5).<br />
LES PATHOLOGIES MUSCULAIRES :<br />
Des pathologies musculaires compliquées <strong>de</strong> signes généraux et <strong>de</strong> rhabdomyolyse<br />
surviennent dans <strong>de</strong>s circonstances particulières: hyperthermie maligne anesthésique et<br />
anesthésie générale (halogénés, succinylcholine), syndrome malin <strong>de</strong>s neuroleptiques<br />
après un traitement prolongé chez le mala<strong>de</strong> psychiatrique.<br />
LES PATHOLOGIES INFECTIEUSES :<br />
Les maladies infectieuses se manifestant par un coma fébrile sont nombreuses :<br />
neuropaludisme, méningite purulente, fièvres en milieu tropical. L’absence <strong>de</strong> relation<br />
avec l’effort permet <strong>de</strong> différencier ces pathologies du CCE.<br />
TRAITEMENT<br />
TRAITEMENT PREHOSPITALIER :<br />
Réfrigération :<br />
La réfrigération précoce et efficace est la clef <strong>de</strong> voûte du traitement du CCE (12). Elle<br />
utilise <strong>de</strong>s moyens mécaniques simples visant à diminuer la température centrale :<br />
aspersion <strong>de</strong> la victime par <strong>de</strong> l’eau froi<strong>de</strong>, pulvérisation d'eau sur la peau par<br />
brumisateur, déshabillage, mise à l’abri du soleil (endroit ombragé et ventilé), création<br />
d’un courant d’air («éventail», flux d’air <strong>de</strong>s pâles d’un hélicoptère), refroidissement <strong>de</strong>s<br />
axes vasculaires (application <strong>de</strong> glace sur les vaisseaux fémoraux). La réfrigération doit<br />
être poursuivie autant que possible tout au long <strong>de</strong> la chaîne d’évacuation. L'application<br />
<strong>de</strong> glace sur les axes vasculaires (perte <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> par conduction) semble être plus<br />
efficace que la brumisation d'eau sur la peau (perte <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> par évaporation) en<br />
terme <strong>de</strong> vitesse <strong>de</strong> diminution <strong>de</strong> la température centrale (respectivement 0,2°C/minute<br />
et 0,11°C/minute) (13).<br />
Les moyens pharmacologiques visant à diminuer la température centrale sont à proscrire<br />
: l’aspirine risque d’aggraver les troubles <strong>de</strong> la coagulation, le paracétamol favoriserait
6 sur 8<br />
l’évolution vers l’insuffisance hépatique aiguë (11).<br />
Remplissage vasculaire :<br />
La correction <strong>de</strong> hypovolémie débute dés la phase préhospitalière en utilisant <strong>de</strong>s<br />
solutés normotoniques (soluté salé isotonique à 0,9 %, hydroxyéthylamidon) perfusés<br />
sur <strong>de</strong>s voies veineuses périphériques ou fémorales en cas <strong>de</strong> difficultés d’abord<br />
vasculaire. Les solutés hypotoniques (ringer lactate, soluté glucosé à 5%) risquent<br />
d’aggraver l’œdème cérébral. La quantité perfusée cherche à compenser les pertes<br />
hydro-sodées, à rétablir l’hémodynamique et à relancer une diurèse : en général 1500 ml<br />
la première heure puis 1000 ml par heure.<br />
Traitement non spécifique :<br />
La prise en charge non spécifique comprend un monitorage non invasif (pression<br />
artérielle non invasive, saturomètre <strong>de</strong> pouls, électrocardioscope). Le monitorage continu<br />
<strong>de</strong> la température centrale trouve ici un intérêt majeur. Un sondage urinaire stérile peut<br />
cependant être envisagé pour gui<strong>de</strong>r le remplissage vasculaire et en cas d’évacuation <strong>de</strong><br />
longue durée.<br />
La prise en charge non spécifique comprend l’intubation endotrachéale et la ventilation<br />
mécanique en cas <strong>de</strong> troubles <strong>de</strong> conscience : les agents anesthésiques pour l’induction<br />
éviteront ceux interférant avec le métabolisme musculaire (succinylcholine, curares non<br />
dépolarisants). Le traitement <strong>de</strong>s convulsions fait appel <strong>de</strong> manière classique aux<br />
benzodiazépines (clonazépam, diazépam).<br />
TRAITEMENT HOSPITALIER :<br />
Réfrigération :<br />
En milieu hospitalier (services d’urgence et <strong>de</strong> réanimation), les moyens mécaniques <strong>de</strong><br />
refroidissement sont intensifiés : lavage gastrique glacé (10 à 20 litres d’eau entre 15° et<br />
20°C), perfusions <strong>de</strong> solutés glacés conservés au réfrigérateur (4°C), refroidissement du<br />
patient avec un « tunnel glacé » (création par un ventilateur d’un courant d’air refroidi<br />
sous un drap humi<strong>de</strong> et au contact <strong>de</strong> la glace). Les dispositifs sophistiqués («body<br />
cooling unit») visant à lutter contre l’hyperthermie par ventilation et brumisation d’eau<br />
sont peu disponibles et complexes. L’objectif <strong>de</strong> la réfrigération est d’atteindre une<br />
température centrale inférieure à 38,5°C en quelques heures. L'immersion complète du<br />
corps dans <strong>de</strong> l'eau est à éviter car elle expose à une vasoconstriction brutale et à une<br />
élévation délétère <strong>de</strong> la température centrale (13).<br />
Remplissage vasculaire :<br />
Le remplissage vasculaire a pour objectif <strong>de</strong> rétablir la situation hémodynamique, <strong>de</strong><br />
prévenir l’insuffisance rénale secondaire à l’hypovolémie et à la rhabdomyolyse.<br />
L’objectif est une diurèse supérieure ou égale à 2 ml/kg/heure. On utilise les mêmes<br />
solutés qu’en préhospitalier (surtout le soluté salé isotonique à 0,9%, aussi les<br />
hydroxyéthylamidons dans les limites <strong>de</strong> 30 ml/kg/jour pour l’Elohes®). L’alcalinisation<br />
<strong>de</strong>s urines prévient la précipitation <strong>de</strong> la myoglobine dans les tubules rénaux. Un pH<br />
urinaire supérieur à 7,2 est obtenu avec la perfusion <strong>de</strong> bicarbonates. La réanimation<br />
hydro-électrolytique est guidée par les gazométries artérielles et les ionogrammes<br />
sanguins répétés.<br />
Traitement non spécifique :<br />
Les moyens <strong>de</strong> réanimation sont déployés pour suppléer aux défaillances <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />
fonctions : ventilation mécanique si détresse respiratoire, sédation et anticonvulsivants<br />
en cas <strong>de</strong> coma, épuration extrarénale face à une insuffisance rénale aiguë, monitorage<br />
invasif et amines vasopressives en cas <strong>de</strong> choc hémodynamique, transfusions <strong>de</strong><br />
produits sanguins labiles en cas <strong>de</strong> coagulation intravasculaire disséminée. Cette prise<br />
en charge ne présente pas ici <strong>de</strong> particularité.<br />
L'épuration extrarénale (EER), comme l'hémodiafiltration continue veino-veineuse,<br />
n'apporte pas <strong>de</strong> bénéfice en terme <strong>de</strong> vitesse <strong>de</strong> diminution <strong>de</strong> la température centrale
7 sur 8<br />
par rapport aux moyens mécaniques classiques. Par contre, l'amélioration du pronostic<br />
chez les mala<strong>de</strong>s bénéficiant d'une EER serait liée à l'élimination plasmatique <strong>de</strong>s<br />
substances proinflammatoires comme les cytokines (10).<br />
Traitement spécifique :<br />
Les analogies entre les hyperthermies malignes d’effort et anesthésiques ont fait utiliser<br />
expérimentalement le dantrolène (Dantrium®) pour le CCE (14). Ce traitement reste<br />
discuté et s'est avéré inefficace dans le coup <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> classique (15). Les posologies<br />
sont alors <strong>de</strong> 1 à 2,5 mg/kg toutes les 6 heures pendant les 24 premières heures (6). Le<br />
dantrolène pourrait être employé dans les formes graves ou face aux situations cliniques<br />
les plus désespérées.<br />
ÉVOLUTION<br />
Dans les formes mineures <strong>de</strong> CCE, une normalisation <strong>de</strong> la température centrale et un<br />
retour à un état neurologique normal est observé en moins d'une heure grace au<br />
refroidissement et à la réanimation hydro-électrolytique. Dans les formes graves, la<br />
pérénisation <strong>de</strong> l'hyperthermie au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la 24ème heure malgré les interventions<br />
thérapeutiques est <strong>de</strong> mauvais pronostic et conduit au syndrome <strong>de</strong> défaillance<br />
multiviscérale (choc hypovolémique et vasoplégie diffuse, insuffisance rénale, coma,<br />
syndrome <strong>de</strong> détresse respiratoire aiguë ou SDRA, coagulation intravasculaire<br />
disseminée ou CIVD, insuffisance hépato-cellulaire). Les facteurs pronostiques les plus<br />
fiables sont la valeur et la durée <strong>de</strong> l'hyperthermie, la profon<strong>de</strong>ur et la durée <strong>de</strong>s<br />
troubles <strong>de</strong> conscience.<br />
La mortalité tend à se réduire mais reste <strong>de</strong> 21% pour le coup <strong>de</strong> <strong>chaleur</strong> classique (5) et<br />
<strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 10% pour le CCE, toutes formes cliniques confondues (16).<br />
PRÉVENTION<br />
Les mesures <strong>de</strong> prévention sont avant tout individuelles : entraînement physique<br />
progressif, acclimatation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux à trois semaines aux climats chauds, port <strong>de</strong> vêtements<br />
légers et aérés pendant l'effort, hydratation régulière, lutte contre les facteurs <strong>de</strong> risque<br />
individuels. Les mesures <strong>de</strong> prévention sont aussi collectives : annulation <strong>de</strong>s<br />
manifestations sportives dans les conditions extrêmes <strong>de</strong> température et d'humidité,<br />
formation <strong>de</strong>s secouristes à la prévention et aux premiers gestes <strong>de</strong> refroidissement<br />
thérapeutique, infrastructures <strong>de</strong> secourisme, mise à disposition <strong>de</strong>s compétiteurs d'eau<br />
et <strong>de</strong> points <strong>de</strong> ravitaillement.<br />
Les mesures préventives, à la fois individuelles et collectives, visant à réduire l'inci<strong>de</strong>nce<br />
du CCE ont fait la preuve <strong>de</strong> leur efficacité. Au cours <strong>de</strong>s jeux Olympiques à Atlanta en<br />
1996, l'inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s pathologies liées à la <strong>chaleur</strong> chez les sportifs et les spectateurs a<br />
été faible suite aux importants efforts <strong>de</strong> prévention (17).<br />
CONCLUSION<br />
Le CCE est une <strong>de</strong>s pathologies environnementales les plus graves. Il représente une<br />
entité clinique à bien connaître avec le développement considérable <strong>de</strong>s activités<br />
sportives et <strong>de</strong> plein air. Sa présentation clinique doit conduire à un refroidissement et à<br />
une prise en charge thérapeutique précoce, qui conditionnent en gran<strong>de</strong> partie le<br />
<strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s victimes. La mortalité du CCE tend à se réduire avec la mise en place <strong>de</strong><br />
moyens individuels et collectifs <strong>de</strong> prévention.<br />
Laurent BARGUES, Thierry VILLEVIEILLE,<br />
Christian GODREUIL, Isabelle ROUQUETTE,
8 sur 8<br />
Jean-Marie ROUSSEAU<br />
Hôpital d'Instruction <strong>de</strong>s Armées du Val <strong>de</strong> Grâce<br />
Service d'Anesthésie-Réanimation<br />
74 boulevard <strong>de</strong> Port-Royal - 75230 Paris Ce<strong>de</strong>x 05<br />
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